Les leçons de l’arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO du 5 juillet 2023 – Hassane Abdou Nouhou c/ la République du Niger (ECW/CCJ/JUD/30/23)
Dans la difficile conciliation entre certaines pratiques traditionnelles africaines tolérant l’esclavage et les engagements conventionnels liant les Etats en matière de droits de l’homme ; la Cour de justice de la CEDEAO porte secours aux justiciables.
Par Abdul Kader ABOU KOINI, Docteur en droit public – Vacataire à l’Université Gaston Berger de Saint Louis (Sénégal)
« Toute expérience d’intégration régionale repose sur le partage par les différents partenaires d’un certain nombre de valeurs communes que chaque membre de l’entité d’intégration s’engage à respecter, à promouvoir et à défendre », Rafâa BEN ACHOUR, « l’intégration et les droits de l’homme, le point de vue d’un juge », in Joël Adriantsimbazovina (Dir.), Intégration et droit de l’homme, Ed. Mare & Martin, 2019, p. 341.
Le 5 juillet 2023, la Cour de justice de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a rendu l’arrêt No ECW/CCJ/JUD/30/23 suite au litige ayant opposé Hassane Abdou Nouhou agissant au nom de 260 familles vivant dans le village de Danki à l’Etat du Niger. L’importance des questions juridiques soulevées dans cette affaire, particulièrement celles relatives à la violation par l’Etat du Niger des règles du droit international des droits de l’homme en raison de l’application d’une coutume locale discriminatoire par les juridictions internes mérite qu’on s’y intéresse. Mais avant d’analyser cette décision, il est nécessaire de faire un bref rappel sur l’évolution du contentieux de violation des droits de l’homme devant la Cour de justice de la CEDEAO.
La CEDEAO n’avait pas été pensée à ses origines comme une organisation chargée de la promotion et de la protection des droits de l’homme1. Les objectifs qu’elle visait étaient fondamentalement économiques avec la promotion de la coopération intra-communautaire, l’augmentation des échanges commerciaux entre les membres grâce à une intégration progressive des économies2. Comme en Europe, les droits de l’homme n’étaient pas aux premières loges de la définition de l’intégration en Afrique de l’ouest3. C’est pourquoi l’organe juridictionnel de la CEDEAO, la Cour de justice de la communauté4 (CJC) avait pour mission fondamentale d’assurer le respect du droit et des principes d’équité dans l’interprétation et l’application des traités5. A l’image de la Cour de justice de l’Union européenne (CJ/ UE) 6, la Cour de justice de la CEDEAO occupe dans le traité révisé du 24 juillet 1993 une place de choix parmi les institutions communautaires qui devaient assurer le développement du processus d’intégration. Sa mission est donc de jouer un rôle constructif dans la formation du corps du droit communautaire7 en interprétant et appliquant les instruments juridiques mis à sa disposition8.
La CEDEAO ayant pris conscience que le développement économique ne peut être traité indépendamment de la question sécuritaire, laquelle est à son tour déterminée par l’état de la démocratie et des droits de l’homme dans les Etats membres9, a entrepris des réformes qui ont eu un impact sur son organe judiciaire. En effet, un bouleversement radical10 est intervenu avec l’adoption du protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 portant amendement du protocole additionnel A/P/17/91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté(CJC). Celui-ci a consacré l’extension des compétences de la Cour en lui confiant le contentieux des droits de l’homme11 et celui de la réparation12.
En vertu de cette « nouvelle » réforme, « l’individu ouest africain peut contester devant la cour de justice de communauté tout acte de la communauté entendu au sens large, c’est-à-dire englobant à la fois les Etats membres et les institutions de la CEDEAO, qui porte atteinte à ses intérêts ou qui lui font grief. Il est de même en cas de violation des droits de l’homme »13 . Ainsi, l’article 10 du protocole additionnel de la CEDEAO de 2005 donne aux citoyens des Etats membres de la communauté la possibilité de saisir directement la Cour de justice en cas de violation de leurs droits humains aussi bien par les Etats que par les institutions de la CEDEAO. Ce recours peut être dirigé contre les actes ou décisions des organes de la CEDEAO qui portent atteintes aux droits du requérant, en vue de l’appréciation de leur légalité14 .
Le requérant Hassane Abdou Nouhou s’est saisi de cette nouvelle réforme pour traduire l’Etat du Niger devant la Cour pour violation de ses engagements en matière des droits de l’homme, particulièrement la convention internationale contre l’esclavage et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).
Après l’abolition de l’esclavage15 par les instruments juridiques internationaux, et l’accession des Etats africains à l’indépendance, on s’attendait pas à la résurgence de telles pratiques. Pourtant, plus d’un siècle après son abolition formelle, l’esclavage résiste toujours à l’acte juridique et politique qui, en principe, devait conduire à sa suppression16. Le juge Keba Mbaye observe qu’en Afrique « malgré les constitutions et les lois, les “ esclaves ” sont relégués dans une caste inferieure où l’endogamie la plus stricte les maintient avec ostracisme implacable »17. Face à la persistance de la pratique de l’esclavage dans la sous-région, les victimes n’ont pas hésité à solliciter les services de la Cour d’Abuja. L’arrêt no ECW/CCJ/JUD/30/23 Hassane Abdou Nouhou contre la République du Niger du 5 juillet 2023 rendu par la Cour de justice de la CEDEAO s’inscrit dans le registre des litiges nés de l’application des coutumes locales qui sont en contradiction avec les engagements pris par les Etats en matière des droits de l’homme.
Dans cette affaire, le requérant Hassane Abdou Nouhou a saisi la Cour au nom de deux cent soixante (260) familles vivant dans le village de Danki, région de Tillabery au Niger. Les dites familles vivent dans un état de servage en raison d’une coutume discriminatoire empêchant les anciens esclaves de devenir propriétaires de terres qu’ils ont mises en valeur et sur lesquelles ils ont vécu pendant cinq génération. En effet, le requérant, parlant au nom des villageois de Danki soutient que le terrain litigieux a été défriché et occupé par son grand-père après l’abolition de l’esclavage. Celui-ci a été capturé par le nommé K., le prétendu propriétaire du terrain litigieux. En raison de cette capture suivie de réduction en esclavage, les descendants de B. versent des cadeaux de 10 à 100 bottes de mil en reconnaissance de leur statut d’esclaves, de bonne entente avec leur maitre. Toutefois, en 2007, les descendants de B. ont refusé de verser une partie des récoltes aux descendants de K. Ces derniers ont saisi le tribunal de Kollo réclamant la propriété de terre de Danki. Ce tribunal a examiné et jugé l’affaire selon la coutume Djerma qui dit que le versement d’une dîme locative est preuve de propriété du bénéficiaire. Ce tribunal n’a pas tenu compte du lien esclave-maitre qui était à la base du versement de la dime locative. Ensuite, lorsque l’appel a été interjeté devant le tribunal de grande instance de Tillabery, celui-ci a aussi appliqué la même coutume et ordonné aux villageois de Danki de libérer les terres mises en œuvre par leurs ancêtres du fait qu’ils ont refusé de payé cette dîme locative. Les requérants ont par la suite formé un pourvoi devant le conseil d’Etat qui l’a rejeté. Face à cette position des juridictions nigériennes, la partie requérante estime que l’Etat soutient implicitement et explicitement les anciens maitres d’esclaves.
Le problème juridique qui se pose dans cette affaire est de savoir si l’application par les juridictions nationales d’une coutume qui interdit aux descendants d’anciens esclaves d’être propriétaire des terres qu’ils ont mises en valeurs, en raison de la persistance de l’esclavage par ascendance, constituent une violation par l’Etat du Niger de ses obligations en vertu des normes internationales fondamentales en matière des droits de l’homme.
La réponse de la Cour est sans ambiguïté, en l’espèce, l’existence d’une violation des droits de l’homme en raison de l’application par les juridictions internes nigériennes d’une coutume locale tolérant les pratiques d’esclavage est avérée (I). A travers cette décision, la Cour réaffirme la supériorité des conventions internationales sur les coutumes locales (II).
I. L’existence avérée d’une violation des droits de l’homme en raison de l’application par les juridictions internes nigériennes d’une coutume locale tolérant les pratiques d’esclavage
Les Etats membres de la CEDEAO doivent respecter leurs obligations conventionnelles en matière des droits de l’homme. Les organes juridictionnels peuvent engager la responsabilité de leurs Etats pour violation des droits de l’homme lorsqu’elles appliquent les lois ou coutumes locales contraires aux dits engagements. C’est pour cette raison que la Cour de justice de la CEDEAO a exprimé dans cette affaire une ferme opposition contre la tolérance de l’esclavage par ascendance par les juridictions internes (B). Mais avant d’aborder le contenu de cette décision, il est important de situer la pratique de l’esclavage locale dans le contexte nigérien (A).
A. La pratique de l’esclavage locale dans le contexte nigérien
L’affaire Hassane Abdou Nouhou contre l’Etat du Niger jugée par la Cour de justice de la CEDEAO le 5 juillet 2023 soulève encore une fois, la question de la persistance de l’esclavage dans les sociétés africaines modernes malgré l’adoption de lois nationales et des conventions internationales d’abolition de la traite des esclaves. L’analyse de cette décision nous impose d’examiner le contexte historique, sociologique et juridique dans lequel le juge national et le juge communautaire exercent leurs offices.
Historiquement, l’espace nigérien a connu l’esclavage sous trois formes. D’abord, la première forme concerne l’esclavage pratiqué par les européens à partir du XVe siècle. En effet, les idéologies dominantes dans les pays européens ont généré entre les XVe et les XIXe siècles un fructueux commerce international d’esclaves. Pendant cette période, des millions d’hommes et des femmes les plus jeunes et les plus vigoureux de ce continent ont été déportés en Amérique18. Les esclaves étaient transportés au Moyen Orient et en Europe à travers le Sahara et la Méditerranée19 avant d’être vendus pour travailler dans les plantations des colonies américaines. Trois siècles durant, la traite des noirs a vidé l’Afrique de ses bras valides, a ralenti son développement économique20. Cependant, un courant abolitionniste s’est intensifié au XVIIIe siècle avec la prise de conscience des droits de l’homme inspirée, entre autres, par le christianisme21. La fin de la guerre de sécession en 1865 marquée par l’adoption du treizième amendement à la constitution des Etats –Unis a permis l’abolition de l’esclavage dans tous les Etats de l’Union, ce qui conduit à la libération des esclaves. Les européens ne sont pas restés en marge de ce mouvement abolitionniste. Le 27 avril 1848, la France adopte un décret portant l’abolition définitive de l’esclavage, et en 1868 c’est autour de l’Espagne de l’interdire.
Toutefois, avant l’arrivée des Européens, l’esclavage existait déjà et était pratiqué sur le continent par les Africains et les Arabes22. En effet, l’esclavage multiséculaire a été pratiqué par les Arabes qui approvisionnaient les marchés en esclaves au Mali, Niger, Tchad, Soudan, Tanzanie, Somalie etc. dès le VII siècle. Des esclaves sont aussi capturés sur place et vendus par les chefs locaux aux Arabes. Ces derniers les échangent contre du sel, du cuivre ou des tissus.
De même, l’esclavage intra-africain ou local est aussi pratiqué sur le continent depuis des siècles. Le Niger qui est défendeur dans l’affaire Hassane Abdou Nouhou est d’abord, le fruit de l’héritage de l’empire Songhay constitué entre le VII et le Xème siècle le long du fleuve Niger, depuis Gao Il résulte aussi des cités Etats Haoussa ou « Kassar Haussa », qui se sont constituées constituées au XIe Siècle (Daoura, Kano, Katsina, Zaria, Rano, Biram et Gobir )Il résulte encore de l’empire de l’Aïr constitué par plusieurs communautés dont les Touaregs (groupes berbères descendus du nord en nombre au VIIème siècle) . et du vaste empire sud-nord du Kanem Bornou de la rive du lac Tchad qui s’est développé au XIème Siècle23. La société traditionnelle nigérienne se composant de ces différents groupes ethniques, à l’image de celles d’autres pays africains comme le Sénégal, n’est pas homogène. Elle est divisée en deux grands ensembles qui sont loin d’être monolithiques : le groupe des hommes libres et celui des esclaves24. Le premier ensemble est composé en premier lieu par des aristocraties, les gens du commun et les hommes de caste. Ainsi, au sein de ces types de société se trouve l’aristocratie, représentée par les membres de la famille royale qui concentre entre ses mains tous les pouvoirs. Dans cet ensemble se trouve en second lieu, les hommes libres, les gens du commun, appelés talakawa en pays haoussa formant la plus grande partie de la population, ils sont pour l’essentiel des agriculteurs, éleveurs et artisans. En troisième lieu se trouve les hommes de caste, il y a « d’une part, des guer (nobles) et d’autres part, les nienos les griots, les gawlos, les mabos, les tengs »25. Dans la plupart des communautés formant l’espace nigérien, la société est divisée en plusieurs catégories sociales dont chacune est affectée à une activité économique. Ainsi, des bouchers ; des griots, musiciens et historiographes ; des cordonniers, qui ont le monopole du travail des peaux et de la fabrication des chaussures, des amulettes et des sacs ; et des forgerons qui fabriquent les bijoux, les armes et d’autres outils. Les groupes exerçant ces différentes activités économiques sont considérés selon certaines coutumes locales comme socialement inferieurs26. Ces groupes sont généralement redoutés et méprisés27, chacun d’entre eux pratique l’endogamie la plus stricte. Abdoulaye Wade précise que « les barrières entre castes s’expliquent pour éviter les fluctuations et assurer en permanence l’existence des produits utiles à la société, celle-ci a mis des cloisons étanches et fait obstacle à la mobilité des ressources humaines »28.
L’introduction de l’islam, religion d’Allah à partir de 1385 dans les cités Etats Haoussa par les commerçants musulmans de wangara29 et le « Jihad » mené au début du XIX e siècle par le réformateur peul Ousmane Dan Fodio contre les Etats Haoussa dont il reproche à leurs souverains d’être des piètres musulmans n’a pas permis d’améliorer le statut des hommes de caste. D’ailleurs, certains groupes tels que celui des griots est davantage méprisé du fait qu’ils sont à travers leurs chansons des personnages grossiers et vulgaires, donc contrevenant aux interdits d’Allah.
Le second ensemble est composé par les esclaves. Dans les sociétés africaines les esclaves sont des hommes qui ont perdu leur liberté. Il s’agit essentiellement des prisonniers de guerre réduits en esclavage, distribués par les souverains à leurs collaborateurs, ou vendus sur le marché30. D’autres individus deviennent esclaves pour avoir été vendus par leurs familles ou capturés lors des razzias. Andre Salifou précise que : « suivant les régions et les circonstances, on peut devenir esclave soit par le truchement du placement en gage de personnes notamment en période de famine, soit par la condamnation pour sorcellerie, meurtre ou rébellion »31.
En Afrique traditionnelle, il y a une coexistence entre les hommes « nobles », les hommes « communs », et les hommes relégués à une place subalterne au sein de la société notamment, les « esclaves » et les hommes de « caste ». Le statut de noble, d’esclave, d’homme de caste sont transmis par ascendance selon les coutumes
La colonisation de l’espace africain à la fin du XIXe siècle n’a pas mis fin à l’esclavage local et à la hiérarchisation de la société. En effet, après l’occupation de l’Afrique par les missions de conquête coloniale, le colonisateur a adopté une attitude mesurée vis-à-vis des règles qui gouvernent les rapports familiaux. L’administration coloniale laissait à la coutume le soin de régler les affaires qui régissent les liens familiaux. Ainsi, la place des femmes dans la société, le rang social occupé par les individus qu’ils soient aristocrates, homme de caste ou esclave était en partie déterminé par les coutumes locales. Cette attitude a été observée par le nouveau législateur africain lui-même au lendemain des indépendances. Cela se justifie par le fait que de telles règles plongent leurs racines profondément dans les croyances les plus intimes de l’homme africain32. Malgré l’évolution du droit positif nigérien, la transmission du statut de noble, d’esclave ou d’homme de caste se faisait de père en fils.
Le Niger à l’instar d’autres pays africains a ratifié la quasi-totalité des conventions internationales relatives aux droits de l’homme. En effet, dès son accession à l’indépendance en 1960, il adhère à la Convention contre l’esclavage du 25 septembre 1926. Cet engagement pris au plan international est doublé d’un dispositif juridique national réprimant pénalement l’esclavage avec l’adoption de la loi de 2003. Ainsi, le 5 mai de cette année, l’Assemblée nationale adopte à l’unanimité l’inscription dans le Code pénal du « crime d’esclavage » et du « délit d’esclavage ». Cependant, ces instruments juridiques s’appliquent dans un contexte politique et social peu favorable. En effet, malgré l’abolition de l’esclavage et l’adoption des lois internes le réprimant, la coutume locale a pu maintenir dans certaines contrées du pays des liens de servitude entre les individus. L’objet du litige qui est soumis à la Cour dans l’affaire Hassane Abdou Nouhou contre le Niger est de se prononcer sur l’application par les juridictions nigériennes de la coutume Djerma en vertu de laquelle les 260 familles du village de Danki vivent dans en état de servage. La coutume Djerma renvoie à la tradition et aux croyances ancestrales des peuples issus de l’ethnie Djerma vivant au Niger et dans certains pays de l’Afrique l’ouest. Au sein de ce groupe ethnique, les systèmes des castes sont très remarquables avec une société hiérarchisée entre ceux qui sont considérés comme nobles, les aristocrates ; les hommes du communs et ceux qui sont classés parmi les hommes inférieurs en raison de la pratique par ces derniers de certains métiers tels que les forgerons ou les griots, et d’autres dont les ascendant étaient esclaves. Cette pratique a survécu après la colonisation du fait que le droit positif nigérien est composé de la loi et de la Coutume. Amina Balla Kalto constate à cet effet que, « le système juridique est loin d’être unilinéaire, il se caractérise par un pluralisme juridique : il est composé du droit écrit moderne, du droit coutumier et du droit islamique »33
Les requérants, appartenaient à une lignée d’anciens esclaves, prisonniers de guerre, qui, réduits en esclavage se sont vus imposés le statut de leurs ancêtres malgré l’évolution du droit positif marqué par l’abolition de l’esclavage et sa criminalisation. S’il a pu en être ainsi, c’est parce qu’à côté de la loi, la coutume ne cesse de régir les rapports entre les citoyens. Celle-ci est parfois en contradiction avec la loi et les conventions internationales liant les Etats.
La position des juridictions nigériennes dans cette affaire tranche avec un principe dégagé par la Cour de la CEDEAO dans l’arrêt Abdoulaye Balde et autres contre la République du Sénégal : le principe d’égalité des citoyens devant la loi implique l’égalité « des citoyens devant l’application qui en est faite par une institution judiciaire, à savoir que les citoyens justiciables se trouvant dans une situation identique doivent être jugés par un même tribunal, selon les mêmes règles de procédures juridiques »34. Elle précise un peu plus dans une autre affaire que « la violation du principe de l’égalité devant la loi résulterait donc de l’accomplissement d’actes discriminatoires à l’encontre d’un citoyen par une administration ou toute personne dépositaire d’une autorité, lesquels actes pourraient être fondés sur son sexe, sa race, son origine, sa nationalité, son ethnie, sa religion(…) »35. Le fait, donc, qu’une décision judiciaire applique une coutume qui ne permet pas à une catégorie de citoyens d’hériter des terres mises en valeurs par leurs ancêtres en raison d’un prétendu statut d’esclave constitue une violation des conventions internationales. L’application d’une telle coutume est la preuve de la tolérance de l’esclavage par les autorités administratives et judiciaires.
L’Etat de droit rencontre des difficultés en Afrique avec la question culturelle36. La Cour de justice de la CEDEAO à travers l’affaire Hassane Abdou Nouhou est invitée à se prononcer sur l’épineuse question de la conciliation entre certaines pratiques traditionnelles et les engagements internationaux des Etats en matière des droits de l’homme. En effet, « l’enracinement des croyances coutumières est tel que souvent le droit africain a résisté à l’influence étrangère, et il s’est produit une véritable stratification des règles de droit africain les unes se superposant aux autres sans que les plus récentes abrogent nettement les plus anciennes »37. Même « le vent de démocratisation » des années 1990 n’a pas effectivement permis la jouissance de la citoyenneté par toutes les couches sociales. Tidjani Alou constate avec raison que « l’Etat édicte de grands principes républicains sous la pression des forces sociales et de ses partenaires extérieures, en même temps il tolère et entretient des pratiques qui sont antinomiques à ses propres cadres de référence »38.
L’attitude de la Cour de justice de la CEDEAO dans cette affaire parait révolutionnaire dans la mesure où elle décide de combattre énergiquement les vestiges d’un passé qui est incompatible avec le progrès social. A la différence du juge national qui s’enferme dans l’application de la coutume des parties, le juge communautaire fait le choix résolu de garantir les droits consacrés par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et d’autres instruments juridiques internationaux.
B.Une ferme opposition de la Cour contre la tolérance de l’esclavage par ascendance dans l’Etat du Niger
Dans l’affaire Hassane Abdou Nouhou contre la République du Niger, la Cour a relevé le manquement de celle-ci à ses obligations en matière des droits de l’homme. Cela concerne particulièrement la violation des dispositions de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatives à la protection de la dignité humaine. La Cour a donné une conception extensive de la notion d’esclavage. Ainsi, la responsabilité de l’Etat nigérien dans l’arrêt Hassan Abdou Nouhou a été engagée devant la Cour du fait de la violation des articles 3 et 5 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP). Selon l’article 5 de la CADHP « tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites ». L’article 3 quant à lui stipule que « toutes les personnes bénéficient d’une totale égalité devant la loi ». Par conséquent, les descendants d’anciens esclaves nigériens qui se retrouvaient au service d’autres personnes sans aucune compensation en raison de la persistance des coutumes locales discriminatoires doivent jouir de la protection de la Charte africaine des droits de l’homme et d’autres instruments juridiques internationaux.
La Convention relative à l’esclavage du 25 septembre 1926 définit l’esclavage comme « l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux » et qualifie de la traite des esclaves « tout acte de capture, d’acquisition ou de cession d’un individu en vue de le réduire en esclavage; tout acte d’acquisition d’un esclave en vue de le vendre ou de l’échanger; tout acte de cession par vente ou échange d’un esclave acquis en vue d’être vendu ou échangé, ainsi que tout acte de commerce ou de transport d’esclaves »39. La CADHP a donné une définition plus large de la notion d’esclavage à son article 5 en l’élargissant à « …toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradant sont interdits ». Cette disposition a été invoquée par le requérant qui a saisi la Cour au nom de deux cent soixante (260) familles vivant dans le village de Danki. Selon lui, ces familles vivent dans un état de servage en raison d’une coutume locale discriminatoire empêchant les anciens esclaves de devenir propriétaires des terres qu’ils ont mises en valeur et sur lesquelles ils ont vécu pendant cinq générations. Du fait de cette coutume, les descendants d’anciens esclaves n’ont pas de terres, et s’ils exploitent une parcelle ce n’est qu’en tant que locataires car leur statut d’esclave fait en sorte que tout ce qu’ils possèdent est la propriété de leurs « maitres ». Les juridictions nationales nigériennes notamment le tribunal de grande instance de Tillabery et le tribunal d’instance de Kollo n’ont pas remis en cause les relations maitre-esclave lors de l’examen des recours introduits par les descendants d’anciens esclaves dans ce litige.
Au Niger, en matière foncière, les juridictions appliquent généralement la coutume des parties qui fait partie du droit positif40. Or, dans ce cas de figure, en admettant que les descendants d’une personne réduite en esclavage ne peuventpas hériter d’une parcelle mise en valeur par leurs ancêtres du fait d’une coutume locale, la violation des textes internationaux est établie.
La Cour de justice d’Abuja juge que l’application de cette coutume remet aussi en cause le principe d’égalité entre les citoyens consacré par les instruments juridiques internationaux tels que la CADHP à son article 3. En effet, cette coutume maintient dans la société traditionnelle Djerma une hiérarchisation fondée sur des considérations sociales. Elle institue une catégorie de citoyens qui, en raison de leur appartenance à la lignée d’anciens esclaves ne peuvent hériter des terres, et une autre catégorie composée d’anciens maitres qui jouissent de tous les privilèges attachés au droit de propriété.
En constatant que l’application de la Coutume Djerma constitue une atteinte aux principes de non-discrimination et une tolérance des pratiques de l’esclavage par les juridictions nigériennes, la Cour de justice de la CEDEAO réaffirme son opposition à l’esclavage par ascendance sous couvert des pratiques coutumières. Dans l’arrêt Dame Fodi Mohamed et autres contre l’Etat du Niger, elle avait ainsi déjà précisé qu’il est inclus dans la notion d’esclavage toute institution ou pratique en vertu de laquelle : « une femme est, sans qu’elle ait le droit de refuser, promise ou donnée en mariage en contrepartie d’une somme d’argent à ses parents, à son tuteur, à sa famille ou à toute autre personne ; un enfant ou un adolescent de moins de 18 ans est remis à un tiers contre payement ou non d’une somme d’argent en vue de l’exploitation dudit enfant ou adolescent ».
La Cour sanctionne l’Etat du Niger car en appliquant une coutume locale discriminatoire en dépit de ses engagements conventionnels, celui-fait preuve de complicité ou de laxisme. Cette position de la Cour rappelle sa jurisprudence dans l’Affaire Hadidjatou Mani Koraou contre l’Etat du Niger où elle constate l’inaction des autorités judiciaires nigériennes en ces termes : « en omettant de soulever d’office une interdiction d’ordre public et de prendre ou faire prendre les mesures adéquates pour en assurer la répression, le juge national nigérien n’a pas assumé sa mission de protection des droits de Hadijatou Mani Koraou et a de ce fait engagé la responsabilité de la défenderesse au même titre que l’autorité administrative lorsqu’elle a déclaré : «écoutez, moi je ne peux rien faire il faut vous en aller »41. La Cour rappelle dans le même ordre d’idée qu’une fois saisi pour affaire d’esclavage, le juge national doit agir avec diligence et célérité pour poursuivre la procédure de répression. Dans l’affaire Dame Fodi, la Cour avait aussi jugé que « du fait de la négligence, de la lenteur, de la passivité, de l’abstention des autorités judiciaires nigériennes qui frisent la tolérance de cette pratique, l’Etat du Niger est responsable de toute forme de violation des droits de l’homme de la requérante et de ses enfants fondée sur l’esclavage »42. En cas de dénonciation, les autorités doivent montrer « un empressement à agir avec célérité et sérieux compte tenu des valeurs humanitaires et démocratiques en jeu et la gravité de la situation des victimes en observant les principes internationaux admis en matière de justice »43. L’affaire Hassane Abdou Nouhou est une nouvelle occasion que la Cour a saisie pour rappeler l’obligation qui pèse sur les juridictions nationales de débusquer et sanctionner les pratiques de l’esclavage dans certaines coutumes locales.
Outre une atteinte au principe d’égalité et de non-discrimination entre citoyens, la Cour estime encore que la privation de ces citoyens de leur droit de propriété peut être constitutive de la violation du droit au développement.
La juridiction communautaire a ainsi dans cette affaire reconnu non seulement la justiciabilité mais aussi et surtout sanctionné la violation par l’Etat du Niger des droits économiques, sociaux et culturels, particulièrement le droit au développement. Ce dernier est « la capacité d’un individu ou d’une communauté à participer à son développement économique… »44. L’affaire Hassan Abdou Nouhou contre l’Etat du Niger a abouti à une sanction effective de la violation du droit au développement des villageois de Danki.
Bien que la Cour n’ait pas voulu donner une définition du droit au développement comme un droit subjectif, appartenant à une personne, de voir se réaliser à son bénéfice des obligations de développement dont elle est créancière auprès d’un débiteur déterminé 45, elle a relevé que la violation de certains droits de l’homme entraine incidemment la violation du droit au développement. En effet, dans une démarche prudente, elle souligne que « la nature inclusive du droit au développement crée un lien avec d’autres droits, et la violation de ces droits (comme le droit à l’égalité de tous devant la loi) établit a fortiori une violation du droit au développement. Il est évident que le requérante a souffert d’une discrimination continue et d’une violation de l’abolition de l’esclavage qui à son tour, entraine une violation du droit au développement »46. La Cour sans doute pour éviter les querelles doctrinales sur l’existence du droit au développement constate une violation implicite de celui-ci. Ainsi, elle a d’abord rappelé que « l’application de la Coutume Djerma par un organe gouvernemental aussi important est la preuve que les villageois de Danki sont marginalisé dans leur propre pays »47 avant de préciser que « Le droit au développement est une émanation d’autres droits de l’homme fondamentaux tels que le droit à la vie, la protection contre l’esclavage et la torture, le droit à un procès équitable »48. Elleconfère ainsi à l’article 22 une justiciabilité véritable en constatant que la violation de certains droits fondamentaux entraine de facto la violation du droit au développement. Dans cette affaire, la Cour détecte l’atteinte au droit des villageois de Danki au développement du fait de la tolérance des coutumes discriminatoires.
La Cour de justice de la CEDEAO contribue activement à l’élaboration d’une jurisprudence du droit au développement qualifié par une certaine doctrine de phénomène inédit et d’initiative africaine49. Les juridictions africaines apportent un démenti aux prédictions pessimistes de certains observateurs qui estimaient que le droit au développement ne pouvait pas avoir une existence contentieuse50. Ces juridictions africaines dont la Cour de justice de la CEDEAO ont donné un contenu concret au droit au développent51. À travers cette décision, la Cour nous rappelle sa jurisprudence antérieure, notamment celle de l’arrêt N° ECW/CCJ/JUD/18/12, l’affaire SERAP contre la République fédérale du Nigeria.
Dans le cadre de cette affaire, après avoir constaté les dégâts continus et incessants occasionnés à l’environnement dans le delta du Niger, la Cour d’Abuja a déclaré que l’Etat du Nigeria de par son comportement a manqué à ses obligations en matière d’attention et de diligence en tant qu’Etat partie à la CADHP et a violé les articles 1er et 24 de cette dernière52. Si le dispositif de cet arrêt condamne clairement l’État du Nigeria pour ces manquements constatés, la motivation de la Cour est d’une impressionnante pédagogie. Ainsi, face aux arguments du Nigeria qui prétend avoir pris des mesures législatives internes pour assurer la protection de l’environnement et garantir le développement de la population de la région du delta, la Cour précise que « l’adoption de la législation, aussi avancée soit-elle, la création d’organismes inspirés des modèles internationaux de renom, ou bien l’allocation de ressources financières versées de manière équitable ne permettent pas systématiquement de satisfaire les critères des obligations internationales en matière de protection environnementale, si ces mesures demeurent simplement écrites et ne s’accompagnent pas d’autres mesures supplémentaires concrètes visant à limiter les incidents occasionnant des dégâts ou à s’assurer que les auteurs soient tenus pour responsables notamment des réparations effectives des dommages environnementaux subis »53.
Dans l’affaire Hassane Abdou Nouhou, la Cour de justice de la CEDEAO s’est inspirée sans aucun doute de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples qui a reconnu en 2002 la violation par ricochet du droit des peuples Ogoni au développement. Elle a souligné d’abord, la justiciabilité du droit au développement en estimant que « les droits collectifs, environnementaux, économiques et sociaux sont des éléments essentiels des droits de l’homme en Afrique. La commission africaine appliquera n’importe lequel des droits contenus dans la Charte »54. Ensuite, la commission soutient que le droit à la nourriture est implicite dans la Charte africaine, dans les dispositions consacrant le droit à la vie, le droit à la santé et le droit au développement économique, social et culturel. En violant ces droits, le gouvernement nigérian bafoue non seulement les droits protégés explicitement, mais aussi le droit à l’alimentation garanti implicitement55
Dans cette affaire Abdou Nouhou contre l’Etat du Niger, il est important de saluer les efforts de la Cour qui a pu faire échapper le droit au développement à la conception restrictive de ce droit considéré par une partie de la doctrine comme un droit cantonné à rôle d’incitation politique, voire à une simple incantation de préambule dont la réalité juridique serait de ce fait douteuse56. En constant la violation des droits de l’homme du requérant du fait de l’application de la coutume Djerma à celui-ci, la Cour réaffirme la supériorité des conventions internationales sur les lois nationales y compris les coutumes locales.
II. La réaffirmation de la supériorité des conventions internationales sur les coutumes locales
L’arrêt rendu par la Cour de justice de la CEDEAO dans l’affaire Hassan Abdou Nouhou contre l’Etat du Niger est à la fois décisif et audacieux dans la protection des droits de l’homme. En effet, face à des pratiques traditionnelles qui nuisent aux droits des personnes, la Cour confirme la suprématie des traités internationaux sur les lois internes y compris les coutumes locales (A).
Lorsque l’inaction des autorités administratives et judiciaires face aux pratiques traditionnelles discriminatoires cause des dommages aux victimes, celles-ci peuvent obtenir réparation des préjudices subis devant la Cour de justice de la CEDEAO (B).
A.Une supériorité confirmée des conventions internationales sur les coutumes locales
Avant d’être soumise à la Cour de justice de la CEDEAO, l’affaire opposant les villageois de Danki à la famille de K. a été soumise aux juridictions internes nigériennes, notamment le tribunal d’instance de Kollo et le Tribunal de grande instance de Tillabéry. Toutefois, ces juridictions de l’Etat défendeur ont jugé en 2005 et 2009 que le champ querellé est la propriété de la famille de K. selon la coutume locale Djerma, et non celle de la famille B. Pourtant c’est bien Monsieur B., l’ancêtre des requérants qui a mis le champ en valeur depuis des décennies.
La juridiction communautaire ouest africaine considère l’application de cette pratique coutumière injuste et préjudiciable. Elle déclare que : « les juridictions nationales de l’Etat défendeur en appliquant cette pratique contraire à ses obligations en vertu des normes internationales fondamentales en matière des droits de l’homme ont manqué à leurs obligations »57.
La Cour de justice de la CEDEAO reste fidèle à sa ligne jurisprudentielle en censurant toute pratique coutumière qui n’est pas en phase avec les engagements pris par les Etats en matière des droits de l’homme. Ces pratiques traditionnelles touchent généralement aux droits des femmes, de l’enfant et au statut social des personnes. S’agissant du droit des femmes, la place et les droits qui lui sont réservés par la coutume locale ne coïncident pas toujours avec les engagements internationaux pris par les États. Malgré les législations internes, notamment les lois adoptées, la réalité fait que les droits des femmes et de l’enfant tels que prévus dans les instruments juridiques internationaux sont dans certains cas remis en cause.
Dans l’arrêt Aminatou Diantou contre le Mali, la Cour a jugé que « l’obligation de protection des droits de la famille notamment la femme et l’enfant au sens de l’article 18 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples impose à l’Etat d’assurer, de manière particulière, un traitement humain de cette catégorie de personnes en raison de leur vulnérabilité ». Il s’agit là, estime la juridiction communautaire « d’une obligation positive vis-à-vis de toute personne humaine, mais qui prend une dimension particulière lorsqu’il s’agit d’actes dirigés contre la gent féminine ou les enfants qui sont davantage exposés à toutes sortes de menaces et de persécutions »58.
Dans le dispositif de cet arrêt, la Cour a jugé que le droit à la protection de Mme Aminata Diantou Diané a été violé du fait qu’elle a été « privée de la vie commune en lui empêchant (avec ses cinq {5} enfants) de cohabiter avec son mari malade qui a été évacué vers une destination inconnue par sa belle-famille et de la jouissance de certains biens de son mari à savoir les comptes bancaires et les loyers de certains immeubles de ce dernier et ce, en dépit de l’arrêt de la Cour d’appel de Bamako restituant la tutelle des biens de ce mari à sa femme». La Cour assure ainsi la protection des droits d’une femme dont les droits sont reconnus non seulement par le code des personnes et de la famille du Mali mais aussi par les instruments juridiques internationaux alors qu’ils ont été délibérément bafoués par sa belle-famille.
De même, dans l’affaire Dame Mohamed Fodi et autres, la Cour souligne que « le fait de mettre une femme à disposition d’un homme pour lui tenir compagnie temporairement ou lui servir de concubine ou d’esclave est une pratique qui ne touche que les femmes et constitue donc une discrimination fondée sur le sexe »59. La Cour trouve dans la servitude de la femme, des éléments qui sont propres à la discrimination fondée sur le sexe. En outre, dans la même affaire, la Cour relève que le fait qu’en raison de son origine familiale, la requérante ne puisse choisir librement son conjoint et consentir à son un mariage est une discrimination fondée sur l’origine sociale60.
La Cour est aussi intervenue pour assurer la protection des droits de l’enfant face aux coutumes locales. Ainsi, dans l’affaire Dame Fodi Mohamed et autres, la Cour souligne qu’en raison de l’esclavage dont ils ont été victimes, les enfants de la requérante n’ont pas eu accès à l’éducation et ont fait l’objet des traitements qui ont porté atteinte à leur santé physique et morale61. Par conséquent, elle juge que l’Etat du Niger a violé les articles 4, 5 et 18 de la Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBE).. Dans le même ordre d’idée, la Cour d’Abuja s’est opposée à la politique menée par la Sierra Leone qui visait à exclure de l’école les filles enceintes avant de les renvoyerdans un établissement d’enseignement séparé où la qualité de la formation n’est pas significative62. De même, le fait d’appliquer à un enfant en matière de succession la loi la plus défavorable à ses intérêts est une violation du principe de l’intérêt supérieur dudit63enfant tel que prévu par les conventions internationales, notamment l’article 4 de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant qui, dans son paragraphe 1, stipule que « Dans toute action concernant un enfant, entreprise par une quelconque personne ou autorité, l’intérêt de supérieur l’enfant sera la considération primordiale ». Cet intérêt de l’enfant doit être pris en compte individuellement , en fonction de la situation spécifique de l’enfant ou des enfants concernés, en tenant compte de leur situation et de leurs besoins personnels.
En adoptant une position ferme contre les pratiques traditionnelles qui nuisent aux droits des personnes, la Cour de justice de la CEDEAO s’inscrit dans la même logique que ses consœurs, les autres juridictions africaines des droits de l’homme. Par exemple, dans l’arrêt IHRDA contre la République du Mali du 11 mai 2018, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a constaté la violation par le Mali de ses engagements internationaux en « adoptant le code de la famille et en y maintenant des pratiques discriminatoires qui nuisent aux droits de la femme et de l’enfant »64. Le code de famille du Mali avait pris en compte les règles coutumières issues pour l’essentiel du droit musulman notamment sur les questions relatives aux conditions substantielles du mariage et aux règles de dévolution successorale. Toutefois, la Cour africaine a considéré que le droit musulman applicable au Mali en matière de succession ainsi que les pratiques coutumières ne sont pas conformes aux instruments ratifié par cet Etat.
De même, en réaffirmant la primauté des conventions internationales sur la coutume Djerma appliquée comme la loi du Niger par les juridictions internes, la Cour de justice de la CEDEAO s’inscrit dans la logique des juridictions internationales qui placent le droit international au-dessus du droit internes. La CPJI dans l’affaire Vapeur Wimbledon (Allemagne c. France et autres) a posé dès le 17 aout 1923 le principe de la primauté du droit international sur les actes administratifs internes en précisant que l’Allemagne « ne pouvait opposer aux engagements qu’elle a pris en vertu de cet article [380 du traité de Versailles] ses ordonnances de neutralité ».
La supériorité du droit international est un principe applicable à toutes les catégories de règles internes. Dans la sentence arbitrale, affaire Pinson, France c. Mexique : « Il est incontestable et incontesté que le droit international est supérieur au droit interne… »65.
Cette suprématie concerne la décision des juridictions internes. Dans l’affaire Usine de Chorzow, Allemagne c. Pologne du 26 juillet 1927, la CPJI précise qu’il serait irrecevable « qu’un jugement national put infirmer, indirectement, un arrêt rendu par une instance internationale…Quel que soit l’effet du jugement du tribunal de Katowice du 12 novembre 1927 du point de vue du droit interne, ce jugement ne saurait ni effacer la violation de la convention de Genève constatée par la Cour dans son arrêt no 7, ni soustraire à cet arrêt une des bases sur lesquelles il est fondé »66. La Cour de justice de la CEDEAO rappelle donc au juge nigérien une position doctrinale des juridictions internationales qui impose aux lois internes d’être conformes aux engagements internationaux des Etats.
Conformément aux principes du droit international, la juridiction communautaire a attribué ce comportement des juridictions internes à l’Etat du Niger. En effet, selon ce principe, un comportement est attribuable à l’Etat dès lors qu’il émane de personne ou d’organes sous son autorité effective. Le comportement des juridictions nigériennes s’est manifesté du fait qu’elles ont dans une situation de conflit entre une coutume locale et les traités internationaux fait prévaloir la première sur les secondes. La Cour rappelle en substance que le fait que les tribunaux nationaux aient appliqué une coutume locale en dépit de la ratification des traités relatifs aux droits de l’homme témoigne d’une discrimination de l’Etat demandeur.
Cette attitude des juridictions nigériennes ressuscite le débat sur la difficile appropriation des conventions internationales par les juridictions internes. Habitué aux lois internes, le juge judiciaire se préoccupe rarement des règles qui découlent des conventions internationales. En principe, l’Etat du Niger, après avoir pris des engagements internationaux doit s’efforcer de former ses agents particulièrement ses magistrats afin qu’ils tiennent compte de ses obligations internationales dans l’application des lois.
Dans cette affaire, les pratiques esclavagistes sont l’œuvre des particuliers, notamment la famille K. qui perçoit depuis des décennies une dîme locative pour l’exploitation d’un champ, qui aurait dû appartenir à la famille de B. En vertu d’un principe général du droit international, l’Etat n’est pas responsable des faits de particuliers, leurs actes ne peuvent lui être attribués67. Cette règle découle selon Olivier Defrouville « d’une exigence théorique : on n’impute qu’à une personne autonome et l’autonomie exige qu’on ne lui impute que les actes qui relèvent de son libre arbitre »68. En d’autres termes, l’Etat n’est pas responsable des « comportements des simples particuliers »69Toutefois, le droit international attribue à l’Etat le comportement des personnes privées si elles sont liées à uneactivité étatique70. L’Etat du Niger est responsable des faits de ces particuliers sous sa juridiction du fait qu’il n’a pas pris les précautions suffisantes pour protéger les villageois de Danki contre la réduction en esclavage. La responsabilité de l’Etat nigérien est engagée devant la Cour non pas du fait de la famille de K. mais en raison du comportement de ses organes judiciaires qui n’ont pas exercé l’obligation de vigilance qui leur incombe. Cette position de Cour se comprend aisément du fait que « le comportement d’une personne ou d’un groupe de personne est consideré comme le fait de l’Etat…si cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement, agit en fait sur les instructions ou les directives ou sous contrôle de cet Etat »71
Le juge nigérien et africain doit être placé dans sa réalité. Il est un acteur dans une société donnée. Le professeur Demba Sy constate un réel hiatus entre la volonté des pouvoirs publics, proclamée depuis le 1er jour de l’indépendance de substituer le droit moderne aux règles coutumières, et la résistance des croyances traditionnelles72. Ce qui fait que les organes judiciaires de l’Etat éprouvent une certaine réticence à agir à l’encontre de la Coutume.
En revanche, la Cour de justice de la CEDEAO ne donne pas un statut privilégié aux coutumes locales, et les classe au même rang que toutes les autres législations internes, qui selon les principes du droit international doivent être conformes à celui-ci.
L’ignorance des engagements pris par l’Etat du Niger en matière d’interdiction de l’esclavage par les juridictions nigériennes a causé un préjudice aux villageois de Danki qui se sont vus obligés d’abandonner les terres mises en valeurs par leurs ancêtres. Conformément aux principes du droit international, un tel préjudice mérite d’être réparé.
B. Les mesures de réparation ordonnées contre l’Etat responsable
« La mise hors la loi de l’esclavage est une obligation erga omnes qui s’impose à tous les organes de l’État [et que] le juge national saisi d’une affaire relative à l’état des personnes […] doit lorsque l’affaire laisse apparaître un fait de servitude, soulever d’office ce cas de servitude et entamer la procédure de répression », déclare la Cour de justice de la CEDEAO dans le célèbre arrêt ECW/CCJ/JUD/06/08 Hadidjatou Mani Koraou du 27 octobre 2008 . Les conventions internationales imposent aux Etats l’obligation de lutter contre l’esclavage sous toutes ses formes. Lorsqu’un Etat ne respecte pas ses engagements sa responsabilité peut être engagée. En cas de dommage qui résulte de l’acte illicite de l’Etat en question, ce dernier a l’obligation de le réparer.
En principe lorsqu’il s’agit d’ordonner des mesures de réparation, la Cour demande aux Etats la remise des choses en l’état ou restitutio in integrum. Cependant, la Cour souligne dans cette affaire Hassane Abdou Nouhou Contre le Niger qu’elle « est consciente que la réparation [restitution] n’effacera jamais le préjudice subi par la victime, mais qu’elle atténuera une partie de la perte ». Elle opte alors pour l’autre forme de réparation qui est l’indemnisation ou réparation par équivalence. La Cour ordonne en guise de réparation du préjudice moral le paiement d’une somme d’argent de 500 000 FCFA à chacun des 260 chefs de familles vivant dans le village de Danki au nom desquelles le requérant Hassane Abdou Nouhou a intenté le recours. La Cour a tenté à travers cette mesure de réparer le préjudice subi par les requérants. En effet, pendant plusieurs décennies, les requérants ont versé aux familles de leurs anciens maitres une dîme locative, ce qui constitue pour les premiers une perte matérielle conséquente. Parce que l’Etat nigérien n’a pas pris des mesures nécessaires pour mettre fin à des telles pratiques, il peut être tenu pour responsable du préjudice subi par les victimes. L’indemnisation ordonnée se comprend du fait que dommage causé aux victimes découle du laxisme des autorités étatiques.
Toutefois, l’octroi d’une réparation purement pécuniaire concernant les cas de violation du droit des personnes de ne pas être soumis à l’esclavage et à la servitude présente des limites. L’insuffisance de ce type de réparation peut se vérifier dans cette affaire Hassane Abdou Nouhou. En effet, pendant plusieurs décennies, les victimes, en raison du prétendu lien de servitude qui les liait à leurs anciens esclaves donnaient après chaque récolte 100 bottes de mils comme dîme locatives. Ils n’ont pas pu disposer exclusivement de leurs récoltes pendant des décennies du fait de leurs statuts de descendants d’anciens esclaves. En raison de laxisme des autorités judiciaires et administratives nigériennes face à cette coutume discriminatoire qui admet l’esclavage par ascendance, la Cour aurait dû accompagner cette indemnisation par d’autres mesures de satisfaction comme la présentation par l’Etat à travers ses hauts responsables des excuses publiques.
En matière de réparation, lorsqu’on soulève la question de l’atteinte à la dignité humaine à travers notamment les pratiques d’esclavages, la Cour devrait ordonner des mesures de réparations plus symboliques. Cela aura pour avantage d’alléger la souffrance des victimes et aussi de dissuader les Etats afin d’éviter de faire preuve de laxisme judiciaire. Dans le cadre de l’octroi des mesures de réparations, la Cour doit s’inspirer de l’audace jurisprudentielle d’autres juridictions internationales. La Cour Inter Américaine des Droits de l’Homme (CIDH), dans l’affaire Cantoral Benavides c. Pérou, par exemple ordonne que les membres des familles des victimes d’exécutions reçoivent des bourses pour compléter leurs études primaires ou secondaires. De même dans une autre affaire Loayza Tamayo c. Pérou, la Cour, pour la première fois, a accepté le concept de « projet de vie », lié à la satisfaction, comme une forme de réparation. Dans cette affaire, la requérante Maria Elena Laoyza a été arrêtée et détenue en vertu des décrets-lois péruviens sur les délits de terrorismes et de la trahison de la patrie. La Cour inter américaine des droits de l’homme estime que ces décrets étaient incompatibles avec l’article 8-4 de la Convention américaine des droits de l’homme qui interdit de poursuivre à nouveau pour les mêmes faits l’accusé qui est acquitté en vertu d’un jugement définitif.
La protection effective des droits de l’homme ne peut faire l’économie des mesures de satisfaction qui jouent un rôle important dans la réparation du préjudice subis par les victimes. C’est pourquoi la Cour de la CEDEAO devrait s’inspirer de la pratique d’autres juridictions internationale.
1 SALL A., « La protection juridictionnelle des droits de l’homme au niveau sous régional », in Manuel Pratique des droits de l’homme, 2 ème Ed., Sirey, 2022, p.482.
2 Cf. BALASSA B., The theory of economic integration, Homewood, Richard. D. Irwin. Inc., 1961, 304p., cité par GNAMOU D., « Les droits de l’homme servent-ils l’intégration dans les organisations sous régionales africaines ? » in Joël Andriantsimbazovina (Dir.), Intégration et droits de l’Homme, Ed. Mare & Martin, 2019, p.320.
3 Cf. ANDRIANTSIMBAZOVINA J., « Intégration et droits de l’Homme. Quelques éléments introductifs », in Joël Andriantsimbazovina, Intégration et droits de l’Homme, idem, p.14.
4 La juridiction communautaire a été prévue par le traité originaire de la CEDEAO du 28 mai 1975 au niveau des articles 4 et 11 sous la dénomination d’un « Tribunal ». Mais il a fallu attendre l’adoption du protocole additionnel A/P1/7/91 du 6 juillet 1991, pour qu’un organe juridictionnel soit effectivement mis en place. Avec l’adoption de ce protocole les compétences et fonctionnement sont règlementés, et la dénomination : « le tribunal » est transformée pour laisser place à la « Cour de justice de la communauté ».
5 Cf. Article 9 du Protocole additionnel A/P.1/7/91 de la CEDEAO relatif à la cour de justice de la communauté, http://www.courtecowas.org/wpcontent/uploads/2019/01/Protocole-A-P1-7-91 (Consulté 16 décembre 2020).
6 La plupart des juridictions communautaires africaines ont des compétences calquées sur le « modèle » européen incarné par la Cour de justice de la communauté européenne (devenue Cour de Justice de l’Union européenne), créée en 1952 avec pour mission de trancher les litiges relatifs à l’application du droit de l’Union européenne entre les Etats membres, les institutions européennes et les requérants individuels dans certains cas.
7 Cf. LASOK D., « La cour de justice, instrument de l’intégration communautaire », Journal of european intégration, Vol.2, 1979, pp.391-479.
9 YOUGBARE R., « Le mécanisme de garantie des droits de l’homme de la CEDEAO : entre emprunt et appropriation des instruments du système continental », Annuaire africain des droits de l’homme, http://doi.org/10.29053/25/23-67/2018 (consulté le 25 octobre 2022).
10 TALL S. N., Droit des organisations internationales africaines. Théorie générale. Droit communautaire comparé. Droit de l’homme, paix et sécurité, l’Harmattan- Sénégal, 2015, p.398.
11 Cf. Gérard A., « La Cour de la CEDEAO et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples », Article cité, pp. 377- 378.
12 PAMBELET SOUNGANI J.-M., Système institutionnel de la CEMAC : Droit communautaire, l’Harmattan Congo-Brazzaville, 2016, p.612
13 IBRIGUA L. M., « Compétence des cours de justice des communautés africaines », Communication Séminaire organisé par l’UIA en collaboration avec l’Ordre des Avocats du Bénin, 2013, sp., https://docplayer.fr/57252546-Competences-des-cours-de-justice-des-communautes-africaines.html (consulté le 12 mars 2022).
14 .G. AIVO, « La Cour de la CEDEAO et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples », Annales Africaines, N o 7, Vol.2, 2017, p. 378.
15.Les premières abolitions eurent lieu aux Etats-Unis, dans le nord-est du pays dès les années 1770-1780. Certains pays européens ont aboli plus tard l’esclavage. La France a aboli l’esclavage dans toutes ses colonies en 1794, lors de la Révolution française, notamment sous la pression de la révolution haïtienne.
16. Cf. BOTTE R. « Le droit contre l’esclavage au Niger », in Politique africaine 2003/2 (N° 90), pp. 127 à 143.
17 MBAYE K., Les droits de l’homme en Afrique, Paris, Edition A. Pedone, 199 , p.64.
18. DEVEAU J-M’, « Traite, esclavage et fortification dans l’ouest africain » in De l’Afrique colonisée aux Afriques contemporaines, EchoGéo, 2007, p.3
19. CAMARA B., « Origines de conflits armés en Afrique Occidentale : etude du cas ivoirien », Revue Sénégalaise de Sociologie, n°7-8 Janvier 04/05, p.471.
20 Ibidem.
21 Koraou (2008) 21.2 Revue québécoise de droit international
22 CAMARA B., « Origines de conflits armés en Afrique Occidentale : etude du cas ivoirien »,Article cité, p. 471.
23 ANDRE S.., Le Niger, l’Harmattan,2002, p.34 ets.
24 Idem., p.81
25 KABA S., Les Droits de l’homme au Sénégal, collection XAAM SAA YOON. 1997, p.27.
26 Source caste
27 ANDRE S., Le Niger, op.cit., p.48
28 WADE A., Un destin pour l’Afrique, Ed. Michel Lafon, 2005, p.65-66.
29ANDRE S., Le Niger, op.cit., p.50.
30 Idem., p.87.
31 Idem., p.88
32 MBAYE K., « Source et évolution du droit africain », l’Etat moderne Horizon 2000, Aspects internes et externes, Mélanges offerts à P.F. GONIDEC, LGDJ, 1985, p.356.
33 KALTO BALLA A., « L’islam et le statut de la femme au Niger », communication au colloque « Islam, Droit de l’homme et Démocratie au Niger », Niamey du 16 au 19 janvier 2005, in Actes du Colloque FSEJ/ IDDH, pp.132 et 133.
34CJ/CEDEAO, Affaire N°ECW/CCJ/JUD/04/13, Abdoulaye BALDE et quatre (04) autres contre la République du Sénégal le 22 février 2013 du 22 février 2013, point 65, https://ihrda.uwazi.io/api/files/1613739355319aug3ox6p23.pdf (consulté le 13 décembre 2021).
35 CJ/CEDEAO, Arrêt No ECW/CCJ/JUD/07/15, AGRILAND S.A contre la République de Côte d’Ivoire 24 avril 2015, http://www.courtecowas.org/fr/affaires-et- décisions/ consulté le 4 octobre 2021.
36 SECK O., « De l’Etat de droit en Afrique : entre concept et réalité », Revue africaine de sciences politiques et sociales (RASPOS) No 7, P.24
37 MBAYE K., « Source et évolution du droit africain », Article cité, p.349.
38 ALOU T., «Démocratie, exclusion sociale et quête de citoyenneté : cas de l’association Timidiria du Niger », in Journal des africanistes », 2000, p.174.
39 Convention relative à l’esclavage a été signée à Genève, le 25 septembre 1926. Elle est entrée en vigueur le : 9 mars 1927, conformément aux dispositions de l’article 12. Cette convention a été par la suite amendée par celle du 7 décembre 1953; et cet amendement est entré en vigueur le 7 juillet 195.
40 Selon l’Article 88 de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger (Journal Officiel spécial n°14 du 15 juillet) « : Les tribunaux du foncier rural connaissent :
– des affaires concernant la propriété ou la possession immobilière et les droits qui en découlent lorsque le litige porte sur un immeuble enregistré au dossier rural ;
– des affaires concernant la propriété ou la possession immobilière coutumière et les droits qui en découlent, la propriété des champs ou de terrains non immatriculés ou non enregistrés au dossier rural ;
– des affaires concernant les contestations relatives à l’accès aux ressources foncières rurales (point d’eau, aires de pâturages ou de pacage, couloirs de passage etc…)
– en général, de tous les litiges relatifs à la possession et à la propriété des immeubles immatriculés suivant les modes établis par l’ordonnance n° 93-015 du 2 mars 1993, fixant les principes d’orientation du code rural.
– en général de toutes les contestations pouvant s’élever relativement au droit foncier rural ».
41 CJ/CEDEAO, Arret No. ECW/CCJ/JUD/06/08 du 27 octobre 2008 Hadidjatou Mani Koraou, point 86.
42 CJ/CEDEAO, Arrêt ECW/CCJ/JUD/19/21, Dame Fodi Mohamed et autres contre l’Etat du Niger, 24 juin 2021, non publié, &82.
43Idem., &65
44 Communication No393/10 de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples (Com. ADHP), point 157.
45 SERRURIER E., « L’évolution du droit au développement devant les juridictions et quasi juridictions régionales africaines », Revue tiers monde, Numéro 226-227, 2016, p.178
46 CJ/CEDEAO Hassan Abdou Nouhou c. le Niger, précité, point 85
47 Ibidem.
48 Idem., point 86
49SERRURIER E., « L’évolution du droit au développement devant les juridictions et quasi juridictions régionales africaines », Article cité, p.180.
50 TCHAKOU cité par SERRURIER E., Idem., p.178
51 Idem, p.178
52 CJ/CEDEAO, ARRET N° ECW/CCJ/JUD/18/12, SERAP c. La République fédérale du Nigeria, 14 décembre 2012, point 112.
53Idem., point 105
54 Communication de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples (Com. ADHP), Affaire Social and Economic Rights Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights (CESR)/ Nigeria, point 68.
55Idem., point 64.
56Enguerrand S. « L’évolution du droit au développement devant les juridictions et quasi juridictions régionales africaines », Article cité, p.178.
57 CJ/CEDEAO, Hassane Abdou Nouhou c. le Niger, precité, point 60.
58 CJ/CEDEAO, Arrêt, Aminatou Diantou, contre le Mali, ARRÊT N° ECW/CCJ/JUD/14/18, 21 Mai 2018, point 32.
59 CJ/ CEDEAO, Arrêt Dame Fodi Mohamed et autres c. l’Etat du Niger, précité, point 142.
60 Idem., point 143.
61 CJ/CEDEAO, Arrêt Dame Fodi Mohamed et autres c. l’Etat du Niger, précité, point 152.
62 Cf. CJ/CEDEAO, Arrêt, CCJ/JUD/37/19, WAVES contre la République de Sierra Leone du 12 décembre 2019.
63CJ/ CEDEAO, ARRÊT N° ECW/CCJ/JUD/12/20, Ajami Yasmine Marie Jeanne contre Etat de Côte d’Ivoire, p.50, https://ihrda.uwazi.io/api/files/1603280534557uxs150xxia.pdf (Consulté le 15 mars 2023),
64 Idem., point 124.
65 SA, Commission de réclamation France-Mexique, 9 octobre 1928, RSA, Vol.V, p.355.
66 Idem., Rec. 1928, pp.33-34.
67 DEFROUVILLE O, « Personnes privées », https://www.frouville.com, p.6.
68 Ibidem.
69 Cf. Les discussions sur le projet d’article 11, Annuaire CDI, vol1, 1975.
70 DEFROUVILLE O, « Personnes privées », precité, p.11.
71 Commentaire Rapport de la CDI., 2001, doc. A/56/10, p.114.
72 SY D., « Les conditions du juge en Afrique : l’exemple du Sénégal », Afrilex , Numéro 3, juin 2003 p.314.