La sanction pénale des discours de haine : quelles difficultés répressives ?
Par Pierre-François Laslier, doctorant ATER à l’université de Bordeaux
Ascension des discours de haine en droit. – Bien que médiatisée, la notion de discours de haine ne manque pas de plonger le pénaliste dans la perplexité. Ce dernier est en effet davantage accoutumé, en matière d’expressions pénalisées, au vocable d’abus de la liberté d’expression, dont l’objet coïncide d’ailleurs plus avec celui du droit pénal qui a vocation à réprimer les mésusages de certaines libertés octroyées[1]. Pourtant, il est désormais indéniable que le terme de discours de haine ait pris ses marques dans le langage du quotidien, en grande partie dû à l’écho médiatique dont il bénéficie, mais également au sein de l’environnement juridique. En témoigne la diversité des normes se focalisant de plus en plus sur la lutte contre les discours de haine, qu’elles soient internationales[2], européennes[3] et nationales[4].
Délimitation des discours de haine en droit pénal. – Reconnu, le discours de haine n’en demeure pas moins une notion trompeuse et difficilement saisissable pour le droit pénal. La haine est en effet un sentiment personnel d’aversion éprouvé envers autrui et dont il n’appartient pas au droit pénal de l’incriminer, puisqu’il relève avant tout du for intérieur de la personne[5]. Au même titre qu’aimer, chacun est en droit de haïr son prochain. C’est essentiellement pour cette raison qu’il n’existe pas en droit français de principe général de prohibition du discours de haine[6]. Ce sont en réalité les manifestations extériorisées du discours de haine qui sont susceptibles de retenir l’attention du droit pénal, justifiant ainsi qu’il faille parler non pas du discours de haine mais des discours de haine. Cette pluralité de l’expression haineuse ressort tout particulièrement à la lumière des définitions qui ont pu lui être accordées par les divers instruments normatifs. Pour s’en tenir à celle esquissée par le Conseil de l’Europe dans l’une de ses recommandations, adoptée le 20 mai 2022, les discours de haine sont définis comme « tout type d’expression qui incite à, promeut, diffuse ou justifie la violence, la haine ou la discrimination à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes, ou qui les dénigre, en raison de leurs caractéristiques personnelles ou de leur statut réels ou attribués telle que la ‘‘race’’, la couleur, la langue, la religion, la nationalité, l’origine nationale ou ethnique, âge, le handicap, le sexe, l’identité de genre et l’orientation sexuelle »[7]. Bien qu’imprécise à certains égards, cette définition a le mérite de mettre l’accent sur le noyau dur des discours de haine : leur connotation discriminatoire qui heurte la dignité humaine. En droit pénal français, cet aspect discriminatoire des discours de haine est appréhendé au moyen de plusieurs incriminations spécifiques, méthode plus respectueuse du principe de légalité criminelle[8], telles que les provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence[9], les diffamations[10] et injures[11] commises à raison d’un motif raciste ou d’un motif fondé sur le sexe, l’identité ou l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou le handicap, ou encore l’incrimination de négationnisme[12].
Spécificité des discours de haine : aspects qualitatif et quantitatif. – Du fait de leur contenu discriminatoire, les discours de haine se démarquent donc des autres expressions incriminées au point de constituer une sous-catégorie particulière au sein des abus de la liberté d’expression. Ces types de discours présenteraient effectivement des spécificités telles qu’il semble nécessaire d’adapter leur traitement répressif.
D’un point de vue qualitatif, d’une part, les discours de haine se caractérisent par leur particulière nocivité pour les sociétés démocratiques. À raison de leur connotation ségrégationniste, ces expressions ne heurtent pas seulement l’honneur ou la réputation des personnes ; elles affectent aussi leur dignité humaine, puisque celles-ci sont attaquées pour ce qu’elles sont et non pour ce qu’elles font. Afin prévenir une banalisation de ces atteintes à la dignité, il peut être soutenu qu’il incombe aux États démocratiques d’adopter des mécanismes répressifs appropriés pour lutter contre ces profusions de haine[13]. Seulement, parce que les discours de haine figurent avant tout comme des abus de la liberté d’expression, leur répression demeure parfois enserrée dans des limites étroites, comme l’illustrent les contraintes procédurales dérogatoires instituées par le droit de la presse. Cette première difficulté tend à l’heure actuelle à être résolue par une diminution des garanties octroyées par la loi de 1881, afin de réprimer plus efficacement les discours de haine.
D’un point de vue quantitatif, d’autre part, les discours de haine se démarquent par leur multiplicité. Ces propos nocifs tendent en effet à se propager en très grand nombre au sein des sociétés démocratiques, notamment par le biais des services en ligne, au premier rang desquels figurent les réseaux sociaux. De là, le fonctionnement de la justice pénale peut en ressortir perturbé, voire désorienté. Face à ce constat, se profile alors un mouvement de rationalisation de la sanction pénale, en ce sens que le processus répressif tend de plus en plus à se spécialiser, à se structurer et à s’accélérer dans le cadre de la lutte contre les discours de haine. Mais une fois encore, cette rationalisation se fait au prix d’un certain nombre d’aménagements des règles préexistantes, et en particulier, de celles prévues par la loi de 1881.
La sanction pénale des discours de haine : entre durcissement et rationalisation. – En raison de leur nocivité et de leur multiplicité, les discours de haine semblent dès lors faire l’objet d’un traitement répressif qui leur est propre et qui se différencie de celui réservé aux autres abus de la liberté d’expression. Cette spécialisation de la sanction pénale des discours de haine, bien que louable à certains égards, semble toutefois déboucher sur un même constat : celui d’une hyperspécialisation du droit pénal dans la lutte contre les discours de haine, insuffisamment pensée et qui risque de malmener l’équilibre sensible qui existe entre la garantie de la liberté d’expression et la répression de ses abus. Ce constat inquiétant semble reposer sur deux éléments. D’une part, pour tenir compte de la nocivité des discours de haine, il a été opéré un durcissement de la sanction pénale qui demeure dans son ensemble largement impensé (I). D’autre part, pour faire face à la multiplicité de ces discours haineux, la sanction pénale tend à se rationaliser de façon excessive (II).
I. Nocivité des discours de haine et durcissement impensé de la sanction pénale
Spécialisation de la sanction pénale des discours de haine : prescription et peine. – Du fait de leur connotation discriminatoire, les discours de haine constituent une menace sérieuse pour les sociétés démocratiques en ce qu’ils portent gravement atteinte au principe de dignité humaine. Eu égard à la nocivité de ces expressions, les législateurs successifs sont venus renforcer la sanction pénale attachée à ce type de discours, et ce en procédant à un aménagement des règles répressives préexistantes. Or, ces évolutions ont progressivement abouti à la confection d’un régime répressif propre aux discours de haine, qui se démarque de celui traditionnellement attaché aux abus de la liberté d’expression. Ce durcissement de la sanction pénale résulte à la fois des manoeuvres visant à allonger le délai de prescription des infractions affiliées aux discours de haine (A) et de celles réalisés aux fins d’enrichir les peines infligées à ce type d’expression (B).
A. La prescription allongée
Poursuite facilitée des discours de haine : le cas des infractions de presse discriminatoires. – Parce que la banalisation des discours de haine constitue une menace tangible pour la cohésion du corps social, les différentes législations ont tour à tour allégé les règles relatives à la poursuite de ce type d’expression. En témoigne par exemple le traitement pénal réservé aux infractions de presse discriminatoires qui tend de plus en plus à se soustraire des garanties procédurales offertes par la loi de 1881, au point que certains auteurs parlent d’une déspécialisation[14] du droit de la presse ; déspécialisation qui se justifierait par le fait que ces expressions de haine présenteraient une gravité plus significative que les autres abus de la liberté d’expression en raison de leur connotation discriminatoire.
Temporalité de la poursuite allongée : le cas de la prescription en droit de la presse. – Ce remaniement des règles de poursuite à l’égard des expressions discriminatoires s’observe notamment au sujet de la prescription. Dans cette matière, les poursuites sont encadrées par un délai de prescription abrégé[15] ou brévissime puisqu’en principe, les infractions de presse se prescrivent au terme d’un délai de trois mois, conformément à l’article 65, alinéa premier, de la loi du 29 juillet 1881[16]. Au-delà des garanties liées à la liberté d’expression[17], la prescription trimestrielle est techniquement fondée sur l’idée que la volatilité et la circulation rapide des expressions chasseraient plus efficacement le souvenir de l’infraction, facilitant de la sorte « l’application de la loi de l’oubli »[18]. Mais là-encore, au sujet des expressions discriminatoires incriminées par la loi de 1881, il s’est opéré, au fil des législations, une remise en cause de ce délai trimestriel au profit d’un délai annuel.
En témoigne, tout d’abord, l’article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881, créé par la loi du 9 mars 2004[19], qui a allongé à un an le délai de prescription des infractions de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence en raison de l’appartenance de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, à la contestation de crimes contre l’humanité et aux diffamations et injures à caractère raciste. Puis, dans un souci d’harmonisation, la loi du 27 janvier 2014[20] a étendu ce délai annuel aux provocation, diffamation et injure commises à raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle, ou du handicap. Enfin, ce fut au tour de la loi du 27 janvier 2017[21] d’étendre à un an le délai de prescription de ces mêmes infractions lorsqu’elles étaient accomplies en raison de l’identité de genre de la victime.
Incohérence dans l’allongement du délai de prescription. – Bien que parcellaire, l’allongement du délai de prescription trouvait un fondement rationnel : il reposait sur le caractère discriminatoire de l’expression publiée[22], indice de sa particulière gravité[23]. Pourtant, cette apparence de rationalité a récemment été mise à mal par la loi du 24 août 2021[24] qui a transposé ce délai annuel dérogatoire à tous les délits prévus par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881[25] ; bénéficient ainsi de ce délai d’un an, les provocations directes non suivies d’effet à la commission d’un crime ou d’un délit[26], l’apologie de certains crimes[27] ou encore, de façon plus surprenante, les cris et chants séditieux[28]. Cette énième extension du délai de prescription ne peut que surprendre l’observateur tant elle brouille la lisibilité de la politique pénale en matière de lutte contre les discours de haine et fait voler en éclats la cohérence du droit de la presse. Quant à la lisibilité, d’abord, ce n’est plus le caractère discriminatoire, et donc haineux, de l’expression qui semble justifier la remise en cause de la prescription trimestrielle puisque les cris et chants séditieux sont par exemple concernés par ce délai annuel. Quant à la cohérence, ensuite, cette extension du délai de prescription ne manque pas d’interroger puisque certaines infractions de presse, particulièrement graves, demeurent encore régies par la prescription trimestrielle, telles que la provocation directe suivie d’effet à commettre un crime ou un délit[29]. La lutte effrénée contre les discours de haine se fait donc au prix d’un aménagement des règles de poursuite des délits de presse discriminatoires, aboutissant peu à peu à la création progressive d’un droit dérogatoire des expressions haineuses au sein de la loi de 1881. Outre les règles liées aux poursuites, ce sont également les peines infligées aux auteurs de haine qui progressivement été enrichies.
B. Des peines enrichies
Enrichissement des peines : quantum et contenu. – La nocivité des discours de haine et les risques inhérents à leur banalisation dans la société ont également poussé le législateur à enrichir les peines infligées à ce type d’expression. Sur ce point, deux voies semblent avoir être privilégiées : primo, une voie fondée sur une augmentation du quantum des peines afin de punir plus gravement les discours de haine eu égard à leur caractère nocif ; secundo, une voie visant à enrichir le contenu des peines complémentaires pour faire cesser le trouble occasionné par les discours de haine et prévenir leur renouvellement.
De lege lata, un enrichissement du quantum des peines. – De lege lata, le législateur privilégie depuis quelques années une méthode consistant à aggraver le quantum de la peine en présence d’un comportement constitutif d’un discours de haine. Pour illustrer ce propos, il est possible de s’appuyer sur les circonstances aggravantes générales prévues par les articles 132-76 et 132-77 du Code pénal. Ces circonstances ont en effet pour objet de rehausser la peine privative de liberté encourue pour une infraction commise pour des motifs liés à l’appartenance ou à la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une prétendue race, ethnie, nation ou religion, ou encore à son sexe, son orientation sexuelle ou à son identité de genre vraie ou supposée. Créées en 2003[30], ces circonstances aggravantes ont par la suite été généralisées par la loi du 27 janvier 2017[31]. Par cette généralisation, la répression devient donc systématiquement aggravée en présence d’un comportement ou d’une expression discriminatoire, signe d’un renforcement de l’arsenal répressif dans la lutte contre les discours de haine.
Pourtant, la méthode de généralité employée demeure insatisfaisante puisqu’elle est au mieux perfectible, au pire impensée[32]. Cette approche soulève en effet un problème de cohérence et de prévisibilité. De cohérence d’abord, puisque certains motifs discriminatoires inhérents aux discours de haine ont été exclus — oubliés ? — par le législateur. L’article 132-77 du Code pénal ne fait par exemple pas référence à la circonstance liée au handicap de la victime, alors qu’elle constitue pourtant l’un des motifs discriminatoires de l’infraction de provocation à la haine ou à la violence visée par le huitième alinéa de l’article 24 de la loi de 1881. De prévisibilité ensuite, étant donné que des interrogations planent encore sur l’articulation de ces circonstances aggravantes générales avec les autres circonstances aggravantes prévues dans la partie spéciale du Code pénal. Pour rappel, les articles 132-76 et 132-77 du Code pénal instituent une échelle d’aggravation de la peine privative de liberté encourue par l’infraction : de 30 ans à la perpétuité, de 20 ans à 30 ans, de 10 ans à 15 ans, de 7 ans à 10 ans, de 5 ans à 7 ans, d’une peine inférieure ou égale à 3 ans au double. Quid de la peine de référence encourue ? Est-ce la peine encourue pour l’infraction simple ? Ou bien, doit-on appliquer la circonstance aggravante spéciale afin de déterminer la peine encourue pour l’infraction, auquel cas nous serions dans une hypothèse de sur-aggravation ? Autant de questions qui illustrent les fragilités de ces textes et les nombreuses failles qui entachent la méthode poursuivie par la politique pénale dans la sanction des discours de haine.
De lege feranda, un enrichissement du contenu des peines. – Au-delà de l’aggravation de la peine infligée à l’auteur de l’infraction, la peine doit être aussi en mesure de faire cesser le trouble occasionné par le discours de haine et prévenir son renouvellement. La sanction pénale poursuivrait alors une finalité de cessation de l’illicite afin d’endiguer la propagation de ces expressions nocives. Cet aspect correctif et préventif de la peine présenterait notamment une utilité particulière dans l’hypothèse où le propos haineux est diffusé et relayé via des services en ligne, tels que les réseaux sociaux. C’est en ce sens que s’oriente actuellement le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique[33], qui prévoit de créer une peine complémentaire visant à bloquer l’accès à un compte d’une plateforme en ligne[34], également dénommée, selon une expression malheureuse, « bannissement numérique »[35]. Cette sanction aurait vocation à s’appliquer dès lors que la personne condamnée aurait utilisé son compte en ligne pour commettre un certain nombre d’infractions visées par le texte[36], dont certains délits appartenant la catégorie des discours de haine tels que l’apologie des crimes visés par l’article 24, alinéa 5 de la loi de 1881 ou encore, les provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence fondées sur un motif racial[37], sexiste, sexuel, sur l’identité de genre ou le handicap[38].
Discussions sur la peine de blocage d’un compte en ligne : portée et utilité. – Bien que l’objectif poursuivi soit louable, il n’en demeure pas moins que cette peine de blocage suscite quelques doutes quant à sa portée et à son utilité.
Quant à sa portée, d’une part, cette peine n’aura vocation à s’appliquer de facto qu’aux condamnations les plus légères[39]. En effet, comme l’expliquent certains sénateurs, dès lors que la durée maximale de cette peine est fixée à 6 mois, et à 1 an en cas de récidive légale, cette sanction n’aura pas vocation à s’étendre au-delà de l’emprisonnement ferme ; d’autant plus que, durant l’incarcération, l’accès aux services en ligne se trouve fortement restreint, si ce n’est proscrit[40]. Pour cette raison, des parlementaires ont suggéré d’élargir la nature de cette sanction afin de l’envisager non pas comme une simple peine complémentaire, mais également comme une mesure alternative à l’emprisonnement[41] ou susceptible d’être prononcée dans le cadre d’une composition pénale[42]. Plus encore, il a été proposé d’ajouter cette mesure de suspension aux obligations imposées au titre du sursis probatoire[43]. Cette proposition fut toutefois rejetée pour la simple et bonne raison que la suspension du compte en ligne occasionnerait une atteinte excessive à la liberté d’expression dès lors que la durée du sursis probatoire peut être étendue jusqu’à 7 ans[44]
Quant à son utilité, d’autre part, quelques interrogations persistent quant à l’effectivité réelle de cette peine de suspension. L’article 5 du projet de loi ne prévoit en effet que le blocage de l’accès au compte qui a été utilisé pour commettre l’infraction sur la plateforme en ligne, ce qui laisse toujours la possibilité à la personne condamnée d’utiliser les comptes qu’elle dispose sur d’autres services numériques. Pour accroître son efficacité, cette peine de suspension pourrait être assortie de l’interdiction éventuelle de souscrire un contrat portant sur la fourniture d’accès à un service en ligne de même nature[45]. Une telle interdiction empêcherait ainsi l’utilisateur, privé temporairement d’accéder à un réseau social A, de se déporter vers un autre réseau social B. Bien que l’efficacité d’une telle sanction ne soit pas infaillible « au regard des nombreuses possibilités de connexion à internet »[46], cette peine de suspension présente toutefois le mérite d’armer plus substantiellement l’appareil répressif face à la haine en ligne.
Que ce soit sur le plan de la poursuite ou de la peine, la répression des discours de haine n’a donc eu de cesse de se renforcer depuis ces dernières années. La nocivité de ces expressions a en effet justifié l’édiction progressive d’un régime propre, voire dérogatoire de sanction. Outre cet élément de nocivité, une autre considération plaide en faveur d’un aménagement des règles répressives des discours haine : celle qui concerne leur diffusion au sein de la société, phénomène facilité en grande partie par les services en ligne. Face à cette multiplication des discours de haine, les législateurs successifs tendent de plus en plus à rationaliser la sanction pénale de ces expressions, bien que cette orientation demeure, à certains égards, excessive.
II. Multiplicité des discours de haine et rationalisation excessive de la sanction pénale
Discours de haine en ligne et rationalisation de la sanction pénale. – Avec le développement des services en ligne, et notamment des réseaux sociaux, les discours de haine en viennent à se démultiplier, au point que leur diffusion au sein des sociétés démocratiques présente le risque — redouté ou survenu — de devenir virale. Face à ce constat de multiplicité des discours de haine en ligne, le fonctionnement de la justice pénale peut en ressortir perturbé, ce qui est de nature à nuire à l’efficacité de la répression. Pour remédier à ce problème, les réformes récentes ont dès lors rationalisé le traitement répressif des discours de haine, et ce dans l’objectif de bâtir une chaîne judiciaire suffisamment structurée pour appréhender efficacement ces expressions nocives. Cette rationalisation peut être illustrée à la lumière d’un double mouvement récent : d’une part, celui d’une spécialisation de la compétence de certaines juridictions à l’égard des discours haineux (A) et, d’autre part, celui d’une accélération des procédures de jugement pour ce type d’expression (B).
A. Des règles de compétence spécialisées
Création d’une compétence concurrente en matière de délinquance haineuse en ligne. – Le recours aux services en ligne constitue un facteur de morcellement et de dispersion des discours de haine sur le territoire national. Pour prendre l’exemple des réseaux sociaux, ces supports numériques figurent en effet comme un terreau fertile à la propagation, en un court laps de temps, de contenus violents ou discriminatoires en raison du sexe ou de l’origine des personnes. Cette forme de délinquance est d’autant plus redoutable qu’elle peut être exercée de façon pseudonyme, au moyen notamment de logiciels d’anonymisation sophistiqués. C’est donc en réaction à cet état de fait que la loi du 24 juin 2020[47] a créé un article 15-3-3[48] au sein du Code de procédure pénale, qui confère au tribunal judiciaire de Paris[49] une compétence nationale concurrente à l’égard de certaines infractions commises à l’aide d’un service de communication en ligne, à savoir le harcèlement sexuel aggravé par un motif raciste[50] et le harcèlement moral aggravé par un motif raciste, sexiste ou homophobe[51]. Plus encore, une circulaire du 24 novembre 2020 étend cette compétence concurrente aux infractions de presse publiées sur internet et visibles « depuis n’importe quel point du territoire »[52], incluant ainsi les provocations publiques à la discrimination, à la haine ou à la violence[53], ou encore les injures et diffamations publiques à caractère discriminatoire[54]. Face à la dissémination de ces contenus sur les réseaux sociaux, il est donc établi une chaîne judiciaire structurée et centralisée[55] afin de fournir une réponse pénale efficace contre les discours de haine en ligne.
Critiques sur les critères d’attribution de la compétence concurrente. – Bien qu’il soit étendu à certains égards, le champ d’application de cette compétence concurrente demeure toutefois curieusement délimité. Au-delà des discours de haine, d’autres infractions en ligne ne méritaient-elles pas également de faire l’objet d’un aménagement des règles de compétence ? Il est possible de penser aux violences psychologiques[56], à l’exposition d’autrui à un risque par la communication de ses informations identifiantes[57], ou encore à la divulgation de l’intimité de la vie privée d’autrui[58]. Avec les réseaux sociaux, ces infractions sont en effet susceptibles de revêtir une ampleur massive, justifiant à ce titre de structurer et de rationaliser la chaîne de la réponse pénale. Dès lors, les critères d’attribution de cette compétence concurrente donnent la fâcheuse impression que cette dernière figure davantage comme une mesure d’affichage politique dans la lutte contre les discours de haine en ligne[59], plutôt que comme le produit d’une réflexion globale sur le sujet, à l’instar de la mise en place de procédures de jugement accélérées.
B. Des procédures de jugement accélérées
Extension des procédures accélérées de jugement aux infractions de presse. – Avec le développement des services en ligne, la diffusion des discours de haine a pris une ampleur massive, ce qui a eu pour conséquence d’accroître le contentieux pénal à ce sujet. Afin de rationaliser le traitement répressif de ce contentieux, le droit positif tend de plus en plus à étendre les procédures accélérées de jugement aux infractions de presse discriminatoires commises via des services numérique. Autrement dit, pour répondre à la multiplicité des discours de haine en ligne, il est fait « le choix de la rapidité processuelle »[60] au prix, toutefois, d’une nouvelle entorse à la cohérence du droit de la presse. Plusieurs exemples peuvent en être relevés.
En premier lieu, c’est la loi du 23 mars 2019[61] qui a complété l’article 495 du Code de procédure pénale afin d’étendre l’applicabilité de l’ordonnance pénale aux délits de diffamation et d’injure envers les particuliers, qu’ils soient simples ou aggravés par un motif discriminatoire[62] ; le recours à cette procédure demeure toutefois exclu lorsqu’est en cause une hypothèse de responsabilité en cascade, soit dans la situation où les propos litigieux sont placés sous la surveillance d’un directeur de publication[63].
En second lieu, c’est la loi du 24 août 2021[64] qui a étendu les procédures de comparution immédiate[65], ou à délai différé[66], et de convocation par procès-verbal[67] aux injures discriminatoires envers les particuliers ainsi qu’aux infractions visées par les articles 24 et 24bis de la loi du 29 juillet 1881[68]. Là-encore, cette procédure est rendue inapplicable dès lors que le contenu illicite est placé sous le contrôle d’un directeur de publication[69].
Discussions sur la légitimité technique de l’extension. – Animée par la volonté de faire face à la démultiplication des discours de haine, en particulier lorsqu’ils sont relayés sur les réseaux sociaux, l’extension de ces procédures accélérées de jugement a toutefois de quoi surprendre tant ces dernières semblent difficilement conciliables avec la complexité inhérente aux infractions de presse ; cette difficulté est de la sorte susceptible de remettre en cause la légitimité technique de l’extension opérée. Au sujet de l’ordonnance pénale par exemple, l’article 495 du Code de procédure pénale prévoit que le procureur de la République peut recourir à ce mécanisme dès lors que les faits reprochés au prévenu sont simples et établis[70]. Exceptés les discours qui présentent une connotation raciste manifeste, cette condition de simplicité des faits poursuivis semble être aux antipodes de la logique des infractions d’injure et de diffamation qui obéissent à des éléments subtils de qualification[71], tels que l’appréciation du caractère diffamatoire ou injurieux du propos publié, ou encore l’évaluation du motif discriminatoire de l’expression en cause.
Discussions sur la légitimité politique de l’extension. – Au-delà de ces considérations techniques, une critique peut être formulée quant à la légitimité politique de l’extension des procédures accélérées de jugement aux discours de haine. Que ce soit l’ordonnance pénale ou les autres procédures accélérées de jugement, ces mécanismes demeurent inapplicables dès lors que l’expression litigieuse a fait l’objet d’un contrôle avant sa diffusion par un directeur de publication[72]. Dès lors, ces exclusions reviennent à instituer une répression à deux vitesses concernant les discours de haine. La haine éditorialisée bénéficie en effet des garanties procédurales dérogatoires de la loi du 29 juillet 1881 alors que la haine spontanée, notamment lorsqu’elle est diffusée en ligne, est quant à elle dépouillée de telles garanties et se trouve « reléguée » à la protection du droit commun[73]. Sous prétexte de lutter contre les discours de haine, c’est l’unité de la répression des abus de la liberté d’expression, telle qu’elle est prévue par la loi du 29 juillet 1881, qui semble donc voler en éclats.
[1] En ce sens, E. DREYER, Droit pénal général, LexisNexis, 6ème éd., 2021, p. 679, n° 837.
[2] V. par ex. Stratégie et plan d’avion des Nations Unies pour la lutte contre les discours de haine, juin 2019.
[3] Pour le Conseil de l’Europe, v. not. Rec. n° R(97)20 du Comité des ministres sur le « discours de haine » ; Rec. CM/Rec(2022)16 du Comité des ministres sur la lutte contre le discours de haine ; pour l’Union européenne, v. not. Code de conduite pour la lutte contre les discours haineux illégaux en ligne, 31 mai 2016 ; plus récemment, la Commission européenne a proposé d’inclure les discours et crimes de haine à la liste des infractions pénales de l’Union européenne, v. La Commission propose d’étendre la liste des « infractions pénales de l’UE » aux discours et crimes de haine, 9 déc. 2021, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_6561.
[4] V. not. CNCDH, Avis sur la lutte contre les discours de haine sur Internet, 12 février 2015, NOR : CDHX1513720V ; v. ég. L. n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
[5] Dans le même sens, F. SAFI, « La loi dite « Avia » est morte… pourvu qu’elle le reste ! », Dr. pén. 2020, n° 9, ét. 25.
[6] Comp. J. FRANCILLON, « La poursuite des discours de haine », in La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ?, s. dir. N. DROIN et W. JEAN-BAPTISTE, LGDJ, 2017, p. 79.
[7] Rec. CM/Rec(2022)16 du Comité des ministres sur la lutte contre le discours de haine ; pour une autre définition du discours de haine, v. ég. CM/Rec(97)20 du Comité des ministres aux États membres sur le « discours de haine » : « le terme ‘‘discours de haine’’ doit être compris comme couvrant toutes formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’antisémitisme ou d’autres formes de haine fondées sur l’intolérance, y compris l’intolérance qui s’exprime sous forme de nationalisme agressif et d’ethnocentrisme, de discrimination et d’hostilité à l’encontre des minorités, des immigrés et des personnes issues de l’immigration. ».
[8] J. FRANCILLON, « La poursuite des discours de haine », op. cit., p. 79.
[9] V. not. art. 24, al. 7 et 8, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
[10] Art. 32, al. 2 et 3, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
[11] Art. 33, al. 3 et 4, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
[12] Art. 24 bis, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
[13] V. Rec. CM/Rec(2022)16 du Comité des ministres sur la lutte contre le discours de haine.
[14] J.-B. THIERRY, « La déspécialisation de la procédure pénale applicable aux infractions de presse », AJ Pénal 2021, p. 504.
[15] V. E. DREYER, Droit de la communication, LexisNexis, 2ème éd., 2022, p. 873, n° 1502.
[16] Art. 65, al. 1er, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : « L’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait. ».
[17] La Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que la prescription trimestrielle des infractions de presse avait pour objet de garantir la liberté d’expression, v. not. Cass. 2ème civ., 14 déc. 2000, n° 98-22.427.
[18] P. GUERDER, « Presse : procédure », Rép. pén., Dalloz, sept. 2011, n° 862 ; dans le même sens, v. ég. G. BARBIER, Code expliqué de la presse, Traité général de la police de la presse et des délits de publication, T. 2, Marchal et Billard, 2ème éd., 1911, p. 437 : « Il est dans la nature des crimes et délits commis avec publicité et qui n’existent que par cette publicité même, d’être aussitôt aperçus et poursuivis par l’autorité et ses nombreux agents. Il est de la nature des effets de ces crimes et délits, d’être rapprochés de leur cause. Elle serait tyrannique la loi qui, après un long intervalle, punirait une publication à raison de tous ses effets possibles les plus éloignés, lorsque la disposition toute nouvelle des esprits peut changer du tout au tout les impressions que l’auteur lui-même se serait proposé de produire dans l’origine » ; E. DREYER, Responsabilités civile et pénale des médias, Presse, Télévision, Internet, Litec, coll. « Droit & Professionnels », 3ème éd., 2011, p. 421, n° 829 ; du même auteur, Droit de la communication, op. cit., p. 875, n° 1505 ; L. SAENKO, « Nouvelles technologies et liberté d’expression : le droit pénal (perdu) entre adaptation et innovation », Archives de politique criminelle, Pédonne 2018/1, n° 40, p. 64.
[19] L. n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
[20] L. n° 2014-56 du 27 janvier 2014 visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, commises en raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle ou du handicap.
[21] L. n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.
[22] En ce sens, v. J-B. THIERRY, « La déspécialisation de la procédure pénale applicable aux infractions de presse », op. cit. ; E. RASCHEL, « Quelques remarques sur la prescription de l’action publique des infractions de presse », AJ Pénal 2021, p. 513.
[23] Bien que pour le Professeur Evan RASCHEL, « c’était ce caractère malsain, nauséabond, des propos qui justifiait l’extension du délai de prescription, davantage que leur gravité », v. E. RASCHEL, « Quelques remarques sur la prescription de l’action publique des infractions de presse », op. cit.
[24] L. n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
[25] Art. 65-3, al. 1er, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : « Pour les délits prévus par l’article 24 [nous le soulignons], l’article 24 bis, les deuxième et troisième alinéas de l’article 32 et les troisième et quatrième alinéas de l’article 33, le délai de prescription prévu par l’article 65 est porté à un an. ».
[26] Art. 24, al. 1 à 4, ibid.
[27] Ibid., al. 5.
[28] Ibid., al. 6.
[29] Art. 23, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
[30] L. n° 2003-88 du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.
[31] L. n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.
32 V. F. DOLOU, « L’échec de la généralisation des circonstances aggravantes de racisme et de sexisme », Dr. pénal 2023, Étude 6.
[33] Projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, NOR : ECOI2309270L.
[34] Art. 5, ibid.
[35] Un auteur voit dans cette nouvelle peine une « sorte d’exil intérieur ou de mort civile temporaire » au regard de l’importance prise par les réseaux sociaux dans nos sociétés contemporaines. C. DOUNOT, « L’inquiétante dérive liberticide de la France », JCP G. 2023, n° 28, doctr. 884 ; v. ég. M. LÉNA, « Bannissement numérique », AJ Pénal 2023, p. 201.
[36] À la suite de modifications effectuées au cours des débats parlementaires, les infractions concernées sont les suivantes : le harcèlement sexuel, art. 222-33, C. Pén. ; le harcèlement moral d’un conjoint ou ex-conjoint, art. 222-33-2-1, C. Pén. ; le harcèlement moral, art. 222-33-2-2, C. Pén. ; le harcèlement scolaire, art. 222-33-2-3, C. Pén. ; la diffusion d’images violentes, art. 222-33-3, C. Pén. ; les pratiques visant à modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, art. 225-4-13, C. Pén. ; le proxénétisme, art. 225-5, C. Pén. ; les infractions assimilées au proxénétisme, art. 225-6, C. Pén. ; l’exploitation d’images pédopornographiques, art. 227-23, C. Pén. ; la fabrication ou l’exploitation de message violent, pornographique ou attentatoire à la dignitaire, susceptible d’être vu ou perçu par un mineur, art. 227-24, C. Pén. : la provocation ou l’apologie d’actes de terrorisme, art. 421-2-5, C. Pén. ; l’apologie publique de crimes contre l’humanité, de réduction en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi, art. 24, al. 5, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; les provocations à caractère raciste, art. 24, al. 7, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; les provocations à caractère sexiste, sexuel ou homophobe, art. 24, al. 8, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; le négationnisme, art. 24bis, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; les diffamations et injures discriminatoires, art. 32, al. 3 et 4, et art. 33, al 3 et 4, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; la promotion de certains produits par des influenceurs, art. 4, L. n° 2023-451 du 9 juin 2023 ; l’entrave à l’avortement, art. L. 2223-2, C. Sant. Pub.
[37] Art. 24, al. 7, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
[38] Art. 24, al. 8, L. 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
[39] P. CHAIZE et L. HERVÉ, Rapp. Sénat, 27 juin 2023, n° 777.
[40] Ibid.
[41] Art. 5, II, Projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, texte de la commission spéciale de l’Assemblée nationale, op. cit. ; sur les peines alternatives à l’emprisonnement, v. art. 131-6, C. pén.
[42] Art. 5, II, Projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, texte de la commission spéciale de l’Assemblée nationale, op. cit. ; sur la composition pénale, v. art. 41-2, C. proc. pén.
[43] P. CHAIZE et L. HERVÉ, Rapp. Sénat, op. cit.
[44] Art. 132-42, C. pén. ; sur cette exclusion, v. P. MILDY et al., Rapp. AN, 21 sept. 2023, n° 1674, p. 84.
[45] En ce sens, R. MESA, « Le droit pénal général à l’épreuve de l’infraction digitalisée », D. 2022, p. 132.
[46] J. JOMBART, Les violences numériques en droit pénal, Th. Lille, 2021, p. 362, n° 365.
[47] L. n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
[48] Art. 15-3-3, C. Proc. Pén. : « Un tribunal judiciaire désigné par décret exerce une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 382 du présent code pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus au 6° du III de l’article 222-33 du code pénal, lorsqu’ils sont commis avec la circonstance aggravante prévue à l’article 132-76 du même code, au 4° de l’article 222-33-2-2 dudit code, lorsqu’ils sont commis avec la circonstance aggravante prévue à l’article 132-76 ou 132-77 du même code, lorsqu’ils ont fait l’objet d’une plainte adressée par voie électronique en application de l’article 15-3-1 du présent code. ».
[49] Art. D8-2-10, ibid.
[50] Art. 15-3-3, ibid.
[51] Ibid.
[52] Circulaire relative à la lutte contre la haine en ligne, op. cit., p. 3.
[53] Ibid.
[54] Ibid.
[55] Comp. B. ADER et L. AVIA, « Proposition de loi Avia, loi de lutte contre la manipulation de l’information : vers une pré-responsabilité éditoriale des plateformes », Légipresse 2020, p. 11.
[56] Art. 222-14-3, C. Pén.
[57] Art. 223-1-1, ibid.
[58] Art. 226-2 et 226-2-1, ibid.
[59] G. THIERRY, « Le nouveau pôle spécialisé contre la haine en ligne, une structure attendue », op. cit.
[60] J.-B. THIERRY, « La déspécialisation de la procédure pénale applicable aux infractions de presse », AJ Pénal 2021, p. 506.
[61] Art. 61, L. n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ; cette extension s’appuie notamment sur l’une des préconisations formulée par un rapport visant à lutter contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet, K. AMELLAL, L. AVIA et Dr. G. TAÏEB, Renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet, 20 sept. 2018, p. 39 :https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2018/09/rapport_visant_a_renforcer_la_lutte_contre_le_racisme_et_lantisemitisme_sur_internet_-_20.09.18.pdf.
[62] Art. 495, II, C. Proc. Pén.
[63] Art. 495, II, C. Proc. Pén.
[64] Art. 46, L. n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
[65] Art. 395, C. Proc. Pén.
[66] Art. 397-1-1, al. 1er, ibid.
[67] Art. 394, ibid.
[68] Art. 397-6, al. 2, ibid.
[69] Ibid.
[70] Art. 495, I, C. Proc. Pén.
[71] En ce sens, v. N. MALLET-POUJOL, « Diffamations et injures », in Traité de droit de la presse et des médias, s. dir. B. BEIGNER, B. DE LAMY et E. DREYER, Litec, 2009, p. 442, n° 718.
[72] Pour l’ordonnance pénale, v. art. 495, II, C. Proc. Pén. ; pour la comparution immédiate ou à délai différé et la convocation par procès-verbal, v. art. 397-6, al. 2, C. Proc. Pén. ; l’étendue de l’exclusion opérée varie toutefois selon qu’est en cause l’ordonnance pénale ou les autres procédures accélérées de jugement. Au sujet autres procédures accélérées de jugement, celles-ci sont inapplicables dès lors que le délit de presse poursuivi résulte « du contenu d’un message placé sous le contrôle d’un directeur de publication en application de l’article 6 [de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse] ou de l’article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ». À l’appui des travaux parlementaires, il ressort que cette disposition a uniquement vocation à exclure le recours à ces procédures accélérées dans l’hypothèse où un directeur de publication exercerait un contrôle préalable à la publication du message incriminé. A contrario, ces mécanismes trouveraient à s’appliquer à l’égard des « propos spontanés tenus par des individus sur des sites, blogs ou réseaux sociaux dont le directeur de publication ne peut avoir connaissance avant leur mise en ligne. », v. F. BOUDIÉ, Rapp. AN, 25 janv. 2021, n° 3797, p. 192. L’application de ces procédures persisterait donc dans le cas où le directeur de publication réaliserait un contrôle a posteriori sur le message litigieux, soit un contrôle après sa publication tel qu’il est prévu par l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982. Pour l’ordonnance pénale, cette distinction fondée sur le type de contrôle effectué par le directeur de publication semble être purement et simplement évincée. L’article 495, II, du Code de procédure pénale écarte en effet, de façon générale, cette procédure de jugement dès lors que « sont applicables les dispositions de l’article 42 [de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse] ou de l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. ».
[73] Comme l’explique un auteur, « la liberté d’expression s’apparente alors à la chasse caricaturée dans une célèbre parodie des Inconnus : il y aurait la bonne liberté d’expression, celle qui mériterait une protection processuelle complète, et la mauvaise liberté d’expression, celle concernée par la déspécialisation », J.-B. THIERRY, « La déspécialisation de la procédure pénale applicable aux infractions de presse », op. cit., p. 507.