Les clair-obscur du quatrième Sommet du Conseil de l’Europe et ses suites – Une vue d’ensemble
Depuis une décennie, le Conseil de l’Europe est confronté à des défis multipolaires, générés par l’affaissement de l’adhésion aux valeurs européennes que sont la démocratie libérale, l’Etat de droit et les droits de l’homme. Le quatrième Sommet avait le potentiel de placer l’Organisation sur une trajectoire permettant de rehausser sa crédibilité et son effectivité. Le présent papier a pour objectif de proposer une évaluation d’ensemble du texte produit par le Sommet, la Déclaration de Reykjavik, et des mesures de mise en œuvre adoptées à ce jour. Cette évaluation conduit à des conclusions en demi-teinte, dont la tonalité générale est plutôt sceptique, voire peut-être même pessimiste. Il ne s’agit toutefois que d’une évaluation intérimaire, qui mériterait d’être contredite par des évolutions ultérieures.
Anca Ailincai est Professeure de droit public, Institut universitaire de France (IUF), Centre de recherches juridiques (CRJ), Université Grenoble-Alpes
Le quatrième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe s’est enfin déroulé les 16 et 17 mai 2023 à Reykjavik, en Islande. Nés de la pratique, les sommets n’obéissent à aucune périodicité prédéterminée. Ils sont plutôt organisés à des moments jugés stratégiques et/ou en présence d’événements d’ampleur historique. Il s’agit alors pour les chefs d’Etat et de gouvernement de marquer solennellement leur intérêt pour l’Organisation, de tracer les grandes orientations politiques et stratégiques pour son avenir, voire de redéfinir son rôle. Dans l’intervalle entre deux sommets, la programmation politique s’opère grâce au Programme d’activités pluriannuel, initié en 2011[1], et plus récemment à travers le Cadre stratégique[2], tous deux adoptés par l’organe décisionnel qu’est le Comité des Ministres.
On comprend dans ce contexte que le quatrième Sommet du Conseil de l’Europe est un événement exceptionnel, porteur d’une symbolique politique forte. Il l’est d’autant plus que le précédent Sommet s’était réuni à Varsovie en 2005, soit dix-huit ans auparavant. Ce laps de temps est excessivement long en regard des défis multiples et complexes auxquels le Conseil de l’Europe est confronté depuis une bonne décennie. Ces défis résultent du déclin démocratique ainsi que du reflux des droits de l’homme et de l’Etat de droit qui s’observent à travers toute l’Europe. Ils se manifestent notamment sous la forme de la résurgence de tendances autoritaires et populistes, de l’affaiblissement de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance des juridictions et des médias ou encore sous la forme de représailles contre les journalistes, les opposants politiques, les manifestants ou les activistes de la société civile en général. Il s’ensuit un affaissement de l’adhésion aux valeurs européennes, qui sous-tend le manque manifeste de volonté politique de certains Etats de respecter leurs principales obligations en tant que membres du Conseil de l’Europe. L’absence d’exécution de l’arrêt Kavala c. Turquie, pourtant adopté en 2019 et doublé d’un arrêt en manquement en 2022[3], ne constitue que l’exemple le plus visible d’une tendance qui dépasse cette seule affaire. A une autre échelle, les comportements belliqueux ayant transformé des conflits gelés en conflits armés illégaux, en Géorgie en 2008, au Haut-Karabakh en 2023 et bien sûr en Ukraine depuis 2014, témoignent eux aussi d’un mépris de certains Etats à l’égard des standards défendus par l’Organisation. Or, celle-ci n’a pas été en capacité de renverser ces tendances. Par naïveté, par complaisance ou par calcul politique, ses dirigeants n’ont pas fait preuve du courage nécessaire pour affronter ces défis[4]. Un quatrième Sommet était donc nécessaire pour rehausser la crédibilité en berne du Conseil de l’Europe en démontrant, au plus haut niveau politique, l’engagement de ses Etats membres en faveur des valeurs européennes et leur détermination à en garantir collectivement le respect. Il n’est donc pas surprenant que l’annonce de la tenue d’un quatrième Sommet ait généré des attentes très élevées, peut-être même trop élevées.
En regard de ces espoirs, les résultats produits par le Sommet peuvent décevoir. Ils sont contenus dans une Déclaration de quarante-cinq paragraphes assortis de cinq annexes, intitulée « Unis autour de nos valeurs ». Cette déclaration a été accueillie avec satisfaction, voire avec enthousiasme, par l’Assemblée parlementaire et la Secrétaire générale. Aux yeux de la Commission permanente de l’Assemblée, la Déclaration de Reykjavik « constitue un message fort d’unité, d’objectif commun et de détermination inébranlable »[5]. La Secrétaire générale estime quant à elle que le Sommet « a donné un nouvel élan » au travail de l’Organisation[6]. Il ne peut pas être exclu qu’il s’agisse là de propos purement rhétoriques. Les réactions des observateurs extérieurs sont d’ailleurs plus mesurées. Le Collectif de la société civile « Campaign to Uphold Rights in Europe (CURE) » et Amnesty International présentent une évaluation globalement positive, sous réserve que soient ultérieurement adoptées des mesures fortes de mise en œuvre[7]. La doctrine est tout aussi prudente. Andrew Forde considère que « the Reykjavik Declaration and its five substantive appendices have the potential to significantly strengthen the Council of Europe (CoE) and the European Court of Human Rights, […] but real success will be measured by any follow-up action. It is therefore essential […] to see this not as a product of change, but as the beginning of a new process of revival »[8]. Plus pessimiste, Antoine Buyse estime que « the Summit seems to have been more of a symbolic, yet still important, showing of unity (and even that not entirely) but not so much more »[9].
On l’aura compris, il était délicat d’évaluer à chaud le résultat produit par le quatrième Sommet. Pour tenter d’apporter des éléments de réponse au sujet de son impact potentiel, un séminaire a été organisé à l’Université Grenoble-Alpes en décembre 2023, soit six mois après la tenue du Sommet. Les contributions publiées dans ce dossier spécial sont issues de ces échanges. L’objectif du présent papier est d’introduire ce travail collectif, en proposant une vue d’ensemble des résultats du Sommet et des suites qui lui ont été données jusqu’à ce jour, sans aucune prétention à l’exhaustivité. Ces initiatives peuvent paraître tardives. Il n’en est rien, bien au contraire. Deux principaux éléments incitent en effet à se garder de toute précipitation. Premièrement, il faut relever que les principales discussions se sont déroulées à huis clos[10] et que les travaux préparatoires commencent tout juste à être publiés, selon les règles habituelles régissant l’accès aux documents du Comité des Ministres[11]. Cette opacité oblige à s’en remettre essentiellement à la version finale de la Déclaration de Reykjavik. Cela est d’autant plus réducteur – et c’est le second élément qui incite à la circonspection – que la Déclaration de Reykjavik est une déclaration politique, formulée en des termes assez généraux. A l’évidence, elle ne saurait à elle seule témoigner de l’impact réel du quatrième Sommet. L’option retenue lors des trois premiers sommets, consistant à doubler la Déclaration finale d’un Plan d’action organisant sa mise en œuvre, n’a pas été reconduite en 2023. Cela signifie que les chefs d’Etat et de gouvernement n’ont pas détaillé les mesures opérationnelles requises par les engagements politiques qu’ils ont pris à Reykjavik. Ces mesures seront identifiées ultérieurement, durant une période qui peut s’étaler sur plusieurs années. Or, les mesures de mise en œuvre de la Déclaration de Reykjavik peuvent se révéler tout aussi importantes, sinon plus importantes que le texte lui-même pour jauger les résultats obtenus par le Sommet. Ces précautions n’empêchent pas pour autant de procéder à une évaluation intérimaire, intégrant les mesures de mise en œuvre connues à ce jour, mais suspendue à celles qui seront éventuellement adoptées à l’avenir.
Une fois le cadre méthodologique posé, il reste à déterminer quels pourraient être les critères du succès, de l’échec ou de toute autre appréciation située entre ces deux extrêmes. En amont du troisième Sommet, qui s’est déroulé à Varsovie en 2005, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe estimait qu’ « [u]n Sommet réussi c’est un Sommet qui prend des décisions et le Sommet sera couronné de succès si : les décisions à prendre sont si importantes qu’elles méritent d’être prises au plus haut niveau politique ; leur impact, notamment auprès de l’opinion publique, motive une participation élevée de la part des chefs d’Etat et de gouvernement »[12]. Appliquée au quatrième Sommet, cette grille d’analyse conduit à une évaluation mitigée, même à un an de l’événement.
La liste des participants au Sommet fournit un premier indice probant, en ce qu’elle constitue un indicateur du soutien et du poids politique accordés au Conseil de l’Europe par ses propres membres. De ce point de vue, le quatrième Sommet peut être considéré comme un succès relatif. Les quarante-six Etats membres ont été représentés, ce qui satisfait l’objectif d’afficher l’unité européenne, mais ils ne l’ont pas nécessairement été au plus haut niveau politique. La comparaison avec le précédent Sommet de 2005 est ici pertinente. Dans les deux cas, trente-sept Etats membres sur quarante-six ont été représentés au niveau politique le plus élevé, celui des chefs d’Etat et de gouvernement. Mais la similitude s’arrête là. En 2005, plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement d’Etats membres fondateurs, dont la France, l’Italie et le Royaume-Uni, n’avaient pas jugé utile de faire le déplacement. La France avait été représentée par son Ministre des affaires étrangères, tandis que les deux autres Etats avaient dépêché leur Premier ministre adjoint. En 2023, la Suède a été le seul Etat fondateur représenté au niveau ministériel, ce qui fut également le cas d’Etats récalcitrants tels que l’Azerbaïdjan et la Turquie. Trois Etats ont jugé suffisant de se faire représenter par leurs délégués permanents au Conseil de l’Europe, qui ont rang d’ambassadeur, ce qui n’était pas arrivé en 2005. Tel est notamment le cas de la Serbie, qui a manifesté ainsi sa réprobation à l’égard de la transmission à l’Assemblée parlementaire de la candidature du Kosovo en vue d’une adhésion au Conseil de l’Europe[13]. Enfin, il faut signaler que l’Union européenne a été représentée à un niveau plus élevé en 2023 qu’en 2005 : elle le fut par la Commissaire en charge des relations extérieures et de la politique européenne de voisinage en 2005 et par un binôme constitué du Président du Conseil européen et de la Présidente de la Commission européenne en 2023.
Des critères substantiels aboutissent eux aussi à une appréciation en demi-teinte. Il faut tout d’abord se réjouir de ce que le Sommet n’ait pas marqué un retour en arrière, en tout cas pas de prime abord. Cela aurait été possible car, en amont du Sommet, le Premier Ministre britannique plaidait pour un assouplissement des règles posées par la Cour européenne des droits de l’homme en matière migratoire[14]. L’objectif était de faciliter la mise en œuvre du projet d’envoi de demandeurs d’asile vers le Rwanda, ce qui avait déjà motivé le gouvernement britannique à ignorer des mesures provisoires dictées par la Cour européenne, et même à menacer de dénoncer la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH)[15]. Les efforts britanniques se sont à première vue révélés infructueux, faute de soutien apparent des autres leaders européens. La Déclaration de Reykjavik évoque un renforcement de la coopération internationale en vue de lutter contre la traite et le trafic de migrants, mais ajoute que cela va de pair avec le respect des droits de l’homme des migrants et des réfugiés, « dans les cadres existants du Conseil de l’Europe » (par. 31). La révision du cadre juridique a donc a priori été exclue. Cette issue positive ne doit pas pour autant provoquer un optimisme béat. L’expérience de la conférence de Brighton enseigne en effet que les victoires à court terme ne protègent pas à coup sûr d’évolutions défavorables à plus long terme[16]. En somme, le pire a peut-être été évité, mais le meilleur n’est pas nécessairement advenu.
De façon plus générale, il n’est toujours pas certain à ce stade que le quatrième Sommet soit de nature à impulser un élan régénérateur au Conseil de l’Europe. La Déclaration qui en est issue est structurée à partir d’un fil conducteur qui met en exergue l’unité des Etats membres autour des valeurs européennes. L’unité est un leitmotiv au Conseil de l’Europe : le troisième Sommet de 2005 avait déjà été qualifié de « Sommet de l’unité européenne », en ce qu’il marquait solennellement la fin de l’élargissement de l’Organisation et la réalisation du mandat en ce sens qui lui avait été donné par le premier Sommet de Vienne de 1993. Mais il est douteux que le Conseil de l’Europe soit (encore) représentatif d’une « communauté de valeurs », au sens d’un groupement d’Etats partageant des valeurs et un ordre juridique communs[17]. Les Etats membres sont si divisés sur les sujets importants que l’unité est en réalité d’ordre incantatoire. Pour preuve, la Déclaration de Reykjavik a été formellement adoptée par consensus[18], mais a fait l’objet d’au moins une réserve de la Hongrie[19]. Dans un tel contexte d’hétérogénéité, l’exigence du consensus conduit inévitablement à ce que l’unité se structure autour de compromis basés sur le plus petit dénominateur commun.
Sans véritable surprise, l’un des principaux dénominateurs communs a résidé dans la nécessité de marquer tout à la fois une désapprobation à l’égard de l’agression de l’Ukraine par la Russie et un soutien à la première. Cette agression impérialiste a constitué une déflagration pour le Conseil de l’Europe, puisqu’il est tout entier construit sur l’idée d’une impossibilité de la guerre entre ses membres. C’est la raison pour laquelle la Fédération de Russie a été rapidement exclue de l’Organisation[20]. Dans ce contexte de remise en cause flagrante de l’objectif existentiel du Conseil de l’Europe, la Déclaration de Reykjavik fait référence à sa création en 1949, déjà « sur fond de guerre en Europe » (par. 42), et les chefs d’Etat et de gouvernement affirment que « [leur] vision de l’Organisation reste la même » (par. 4). Pourtant, cela ne peut pas suffire. Le Conseil de l’Europe ne peut plus, ou plus exactement ne devrait plus être ce qu’il était : par-delà le point commun de la guerre, le contexte d’aujourd’hui est très différent de celui des années originelles. Selon la formule désormais célèbre, le Conseil de l’Europe n’est plus un « club de démocraties ». S’il peut encore être assimilé à une « école de la démocratie », ce n’est plus une école prometteuse, mais plutôt une école défectueuse, où les cancres se multiplient. Cette évolution à rebours des objectifs fixés à l’Organisation devrait inciter à bifurquer, à innover, bref à changer de méthode. Le contexte actuel exigerait de grands pas, des changements ambitieux, de l’ordre de ceux que seuls les chefs d’Etat et de gouvernement peuvent engager. Au lieu de cela, le Sommet de Reykjavik se contente, à quelques exceptions près, d’ajustements modestes, de mesures homéopathiques. En ce sens, la Déclaration de Reykjavik contient finalement très peu d’innovations et autres décisions politiques de premier plan qui exigeaient d’être prises au niveau politique le plus élevé. Une lecture en creux conduit en outre à constater des non-dits ou des demi-lacunes qui auraient mérité d’être comblés. Or à ce jour, la faible densité du contenu substantiel de la Déclaration de Reykjavik n’a pas été suffisamment compensée durant la phase de mise en œuvre, alors même que l’objectif affiché par le Comité des Ministres est « de disposer d’un ensemble clair de résultats pour la prochaine réunion ministérielle »[21], qui aura lieu en mai 2024. L’évaluation du quatrième Sommet et des suites qui lui ont été données incite donc au scepticisme car, à ce stade tout du moins, l’événement a produit peu d’innovations (I) et a entretenu trop de silences (II).
I- Peu d’innovations
Dans l’ensemble, la Déclaration de Reykjavik est traversée par une logique générale de continuité, qui ne laisse pas particulièrement augurer des changements à la hauteur des enjeux du moment. Le texte contient en effet peu d’engagements concrets (A) et confirme pour l’essentiel des évolutions déjà amorcées antérieurement (B).
A- Peu d’engagements concrets
Dès le début des travaux préparatoires, l’objectif d’aboutir à un texte court, avec des résultats visibles et concrets, avait été clairement fixé[22]. La Déclaration de Reykjavik ne remplit pas pleinement ces critères. Elle présente plutôt les caractéristiques d’un texte de compromis (1), ce qui n’exclut pas d’éventuelles actions concrètes ultérieures (2).
1- Un texte de compromis
D’une part, le texte est relativement long en comparaison de l’idée que l’on peut se faire d’un document à vocation stratégique, axé sur les aspects cruciaux. Il se présente sous la forme d’une longue liste de priorités. Cela laisse penser qu’il s’est révélé difficile de faire des choix, chaque délégation ayant sans doute été soucieuse que ses priorités soient évoquées, par crainte que les activités non mentionnées soient délaissées, voire abandonnées[23]. Cette hypothèse se nourrit de la question, lancinante mais douloureuse, d’un recentrage des activités du Conseil de l’Europe autour des activités jugées essentielles. Cette question ressurgit régulièrement au Conseil de l’Europe depuis les années 2000, sur fond de restrictions budgétaires obligeant à faire un choix entre la priorisation et le saupoudrage. Elle a donné lieu à des divergences à propos de ce qui doit être considéré comme essentiel[24].
D’autre part, le texte est globalement général et vague, ce qui signifie qu’il est difficile de prédire ce qui pourrait en résulter. Il ne contient en lui-même que peu de décisions concrètes. L’un des seuls engagements à la fois tangible et significatif réside dans la création du Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, dont la finalité est de répertorier les preuves des dommages, pertes ou préjudices résultant du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine [25]. Cela n’est pas tellement surprenant car la question de la réaction des Etats membres à l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie a été placée au cœur du Sommet, au point d’en devenir l’objectif essentiel. Les travaux préparatoires accessibles à ce jour témoignent en effet d’un certain renversement de l’ordre des priorités. L’ossature globale de la Déclaration initialement établie, sur la base du rapport du Groupe de réflexion de haut niveau[26] et des propositions de l’Assemblée parlementaire, mentionnait en tout premier lieu l’unité des Etats membres autour des valeurs. Le soutien à l’Ukraine arrivait en deuxième position, dans une partie du texte consacrée plus largement aux défis actuels et futurs[27]. De nombreuses délégations ayant indiqué que ce sujet constituait un « élément clé du Sommet »[28], il a finalement été désolidarisé des autres défis et propulsé au début de la Déclaration finale, juste après le Préambule. Celui-ci commence lui-même en indiquant que les chefs d’Etat et de gouvernement se sont réunis d’abord « pour faire front commun contre la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine » et ensuite « pour définir de nouvelles priorités et donner une nouvelle orientation aux travaux du Conseil de l’Europe » (par. 1). Le quatrième Sommet a donc d’abord et avant tout été pensé par les Etats membres comme une manifestation d’unité face à la menace incarnée par la Fédération de Russie.
Dans ce contexte, les représentants étatiques ont fait part de leur volonté de « fournir des résultats concrets pour le Sommet »[29]. L’Assemblée parlementaire a quant à elle exprimé l’ambition plus vaste que le Conseil de l’Europe joue un rôle clé dans l’instauration de mécanismes de responsabilité et d’indemnisation[30]. Le quatrième Sommet n’a répondu que partiellement à ces attentes. Il a permis une avancée sur le second volet, celui de la réparation des dommages, grâce à la création du Registre des dommages présenté comme la première étape vers l’instauration d’un mécanisme international de compensation. Bien qu’importante, cette réalisation ne doit pas être surestimée car son effectivité dépendra de la mise en place d’un fonds international de compensation, ce qui soulève la délicate question des modalités d’alimentation d’un tel fonds et donc de la saisie des avoirs russes[31].
En revanche, le quatrième Sommet n’a pas permis d’avancée décisive au sujet du premier volet, relatif à la mise en place d’un mécanisme de responsabilité, en particulier pour juger les plus hauts dignitaires russes pour le crime d’agression. Cela ne peut pas surprendre car la question dépasse largement le Conseil de l’Europe. Elle est d’ailleurs négociée en dehors de son enceinte, dans le cadre d’un groupe qualifié de « noyau dur » (Core group) et composé d’une trentaine d’Etats auxquels s’ajoute l’Union européenne. Faute de compétence de la Cour pénale internationale dans ce dossier[32], ce groupe soutient la proposition de créer un tribunal ad hoc, mais des divergences subsistent quant à la forme qu’il doit prendre. Diverses options ont été mises en avant, y compris celle de la création d’un tribunal dans le cadre du Conseil de l’Europe, par le biais d’un traité multilatéral conclu par ses Etats membres et ouvert à des Etats non membres[33]. Il est évident que cette idée aurait fourni un ancrage concret à la communauté politique de valeurs que le Conseil de l’Europe prétend représenter. Il est tout aussi évident qu’une innovation aussi audacieuse ne pouvait pas se concrétiser au moment du Sommet, en raison des divergences persistantes, y compris parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe, quant aux modalités d’établissement du tribunal envisagé[34]. L’Ukraine elle-même est réticente à l’égard de la création d’un tribunal sous les auspices du Conseil de l’Europe, car elle préférerait obtenir aussi le soutien d’Etats non occidentaux, en vue d’entourer le tribunal d’une légitimité sans nuances[35]. Il n’est dès lors pas surprenant que la Déclaration de Reykjavik se contente, de façon très neutre, de « salu[er] […] les progrès en vue de la création d’un tribunal spécial pour le crime d’agression » et de noter que « [l]e Conseil de l’Europe devrait participer, le cas échéant, aux consultations et négociations pertinentes et apporter une expertise et un soutien technique concrets au processus » (par. 13).
Le caractère relativement vague et général de la Déclaration de Reykjavik ne doit pas conduire à des conclusions définitives quant à l’impact du quatrième Sommet. Il ne faut pas exclure la possibilité que des propos initialement vagues aboutissent in fine à des actions concrètes.
2- D’éventuelles actions concrètes ultérieures
A ce jour, la réflexion concernant la mise en place de mécanismes de responsabilité et de compensation au profit de l’Ukraine se poursuit. Sur le premier volet, le Conseil de l’Europe semble réfléchir à la possibilité de tirer profit de son expertise, en ancrant un nouveau tribunal sur la notion de transfert des procédures répressives qui irrigue la Convention européenne sur la transmission des procédures répressives, adoptée sous ses auspices en 1972. Cette Convention permet à un Etat contractant de demander à un autre Etat contractant d’engager des poursuites pénales à sa place et dans l’ordre juridique de l’Etat requis. Cette solution est présentée comme « la troisième voie »[36], par opposition sans doute aux options d’un tribunal international et d’un tribunal internationalisé intégré au système juridique ukrainien. La concrétisation d’une telle option reste cependant suspendue à ce que l’Ukraine est prête à accepter[37]. Sur le second volet, l’Assemblée parlementaire paraît toujours favorable à la création d’un mécanisme de compensation dans le cadre du Conseil de l’Europe[38] mais, pour le moment, le Comité des Ministres n’envisage la confiscation des avoirs russes que dans l’objectif, plus réducteur, de garantir le paiement de la satisfaction équitable accordée par la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires dirigées contre la Russie[39].
Il faut saluer en revanche la concrétisation de l’engagement budgétaire contenu dans la Déclaration de Reykjavik. Le texte était très ambigu sur ce point : les chefs d’Etat et de gouvernement affirmaient qu’ils « veilleron[t] à ce que le Conseil de l’Europe, et en particulier la Cour, soit financièrement viable » (par. 38). La formule pouvait décevoir car elle entretenait délibérément un doute sur le point de savoir si l’objectif de viabilité financière concernait uniquement la Cour européenne des droits de l’homme ou plus largement le Conseil de l’Europe. Or la nuance est de taille car l’Organisation souffre depuis de très nombreuses années d’un budget notoirement insuffisant. Cela a d’autant plus impacté certains de ses programmes et activités que les ressources supplémentaires allouées à la Cour, et dans une moindre mesure aux organes de suivi, ont été déduites d’une enveloppe budgétaire globale stagnante, voire en baisse compte tenu de l’inflation[40]. Il n’en reste pas moins que l’engagement budgétaire de Reykjavik pouvait légitimement susciter des espoirs au regard de l’expérience des Sommets précédents, qui avaient complètement négligé le lien, pourtant évident, à établir entre les engagements pris et les ressources allouées. Ainsi, le premier Sommet, qui s’est déroulé à Vienne en 1993, a confirmé et amplifié la politique d’élargissement du Conseil de l’Europe à des Etats issus du bloc soviétique, sans pour autant accompagner cette ambition de l’allocation des moyens financiers correspondants[41]. Le deuxième Sommet, organisé à Strasbourg en 1997, a lancé une réforme structurelle de l’Organisation, pensée notamment pour réaliser des gains d’efficacité visant à dégager les ressources nécessaires pour faire face à l’élargissement[42]. Cette réforme a été accélérée après le troisième Sommet, qui a débouché sur un Plan d’action appelant – de façon plutôt cynique – à « gard[er] pleinement à l’esprit la nécessité de restrictions budgétaires » dans la mise en œuvre des engagements pris au cours du Sommet[43]. La Déclaration de Reykjavik tranche avec ces précédents, d’autant plus que les espoirs budgétaires qu’elle a suscités n’ont pas été totalement déçus. En décembre 2023, le Comité des Ministres a en effet adopté un budget pour 2024-2025 à la hausse en termes réels, c’est-à-dire au-delà de l’inflation, ce qui n’était pas arrivé au moins depuis les années 2000[44].
Il faut en déduire que le nombre très limité d’engagements précis contenus dans la Déclaration de Reykjavik ne peut pas en soi être considéré comme un signe définitif d’échec du quatrième Sommet. En sens inverse, il serait excessif de mettre au crédit de ce Sommet des réalisations qui avaient en réalité été initiées avant même que la décision de le convoquer ne soit prise. Or il s’avère que la Déclaration de Reykjavik se contente bien souvent de confirmer des évolutions amorcées antérieurement.
B- La confirmation d’évolutions amorcées antérieurement
Au Conseil de l’Europe, la réunion d’un Sommet est un événement rare et solennel. Un Sommet se distingue des réunions ordinaires du Comité des Ministres, qui regroupent les représentants permanents des Etats auprès du Conseil de l’Europe, mais aussi des sessions ministérielles annuelles, qui regroupent en principe les Ministres des affaires étrangères des Etats membres. Compte tenu de cette différence importante, on aurait pu espérer que le quatrième Sommet prenne des décisions d’ampleur, qu’il initie des réorientations décisives de l’action du Conseil de l’Europe, qu’il acte des évolutions de l’ordre de celles qui dépassent le périmètre d’action ordinaire des représentants permanents et même des Ministres des affaires étrangères. De ce point de vue, le quatrième Sommet peut décevoir car la Déclaration de Reykjavik ne contient rien de tout cela. Mise à part pour ce qui concerne le conflit en Ukraine, ce texte se rapproche bien souvent d’un descriptif des activités et réflexions en cours au Conseil de l’Europe. Il est significatif à cet égard de constater qu’il existe de fortes similitudes entre la Déclaration de Reykjavik et le précédent document de programmation pluriannuel, le Cadre stratégique 2021-2025, pourtant adopté au niveau ministériel[45]. Cela peut conduire à conclure à un manque d’ambition du quatrième Sommet. Cette appréciation peut être illustrée sur le terrain de deux activités emblématiques du Conseil de l’Europe : l’adoption de normes (1) et la surveillance du respect effectif de ces normes (2). Sur chacun de ces aspects, la Déclaration de Reykjavik s’inscrit dans la continuité d’initiatives antérieures.
1- La confirmation d’évolutions normatives amorcées antérieurement
Sous l’angle des avancées normatives, l’accent a été mis à Reykjavik sur la protection de la démocratie et de l’environnement, chacune de ces thématiques ayant fait l’objet d’une annexe à la Déclaration finale.
S’agissant du premier sujet, le quatrième Sommet a adopté Les principes de Reykjavik pour la démocratie, sans pour autant les assortir d’un mécanisme de suivi spécifique comme cela a été discuté au cours des travaux préparatoires[46]. Cette lacune n’est pas véritablement compensée par la création récente d’un Rapporteur général de l’Assemblée parlementaire sur la démocratie, même s’il s’agit d’un outil de mise en œuvre des Principes de Reykjavik. Ce Rapporteur a en effet pour seul mandat d’ « assure[r] la visibilité et la cohérence des actions de l’Assemblée visant à renforcer la démocratie »[47]. Il est donc probable que le suivi du respect des obligations et engagements des Etats membres en lien avec la démocratie continue à être assuré uniquement par le biais du suivi généraliste de l’Assemblée parlementaire[48], avec l’assistance de la Commission de Venise. Si l’adoption des Principes de Reykjavik constitue une avancée utile[49], il n’en reste pas moins qu’elle n’a rien de réellement novateur. En effet, lors de la préparation du troisième Sommet au début des années 2000, il avait déjà été constaté que le Conseil de l’Europe n’avait pas suffisamment investi le champ de la promotion et de la protection de la démocratie. Il avait alors été suggéré de combler cette brèche en adoptant de nouvelles normes, assorties d’un nouveau mécanisme de suivi indépendant[50]. Ces propositions n’ont pas abouti. En raison sans doute du contexte de restrictions budgétaires qui commençait à s’installer au Conseil de l’Europe, le Secrétaire général a proposé de suivre le respect des engagements relatifs à la démocratie « à travers les procédures de suivi en place »[51], ce qui fut entériné à l’échelon intergouvernemental. Finalement, le Sommet a simplement acté la mise en place d’une plateforme de dialogue, le Forum pour l’avenir de la démocratie, et a fait état de la nécessité de « développer […] les normes relatives à la démocratie et à la bonne gouvernance »[52]. En 2014, un Comité européen sur la démocratie et la gouvernance (CDDG) a été créé pour superviser le travail intergouvernemental sur la gouvernance démocratique. En 2021, ce Comité a été chargé de rédiger un projet de recommandation sur les principes de bonne gouvernance démocratique et un rapport sur la démocratie délibérative. Deux recommandations sur ces sujets ont été adoptées par le Comité des Ministres en septembre 2023[53]. Même si ces recommandations sont présentées comme contribuant à la mise en œuvre des Principes de Reykjavik pour la démocratie[54], il ne fait aucun doute qu’elles ont été initiées avant même que la décision d’organiser un quatrième Sommet ne soit prise.
S’agissant du second sujet, la Déclaration de Reykjavik n’apporte là non plus rien de véritablement nouveau à la dynamique en faveur de la protection de l’environnement à travers les droits de l’homme[55]. Cette dynamique a été initiée par la présidence géorgienne du Comité des Ministres en novembre 2019 et a été amplifiée par l’Assemblée parlementaire[56]. Elle a déterminé le Comité des Ministres à lancer en novembre 2021 une réflexion sur la nécessité et la faisabilité d’instruments additionnels sur les droits humains et l’environnement[57], réflexion qui devrait s’achever en mars 2024. Dans ce contexte, l’organisation du quatrième Sommet a suscité l’espoir que les chefs d’Etat et de gouvernement en profitent pour accélérer la dynamique déjà engagée, en affichant leur soutien à l’adoption d’un Protocole additionnel à la CEDH sur le sujet[58]. Ces espoirs étaient disproportionnés puisque la réflexion engagée n’était pas encore achevée. Il n’en reste pas moins que le Sommet aurait pu marquer un attachement à l’adoption d’un instrument juridiquement contraignant dans ce domaine, ce qui aurait pu témoigner d’un engagement véritable des Etats en faveur d’une meilleure protection de l’environnement. Cela ne s’est pas produit. Au contraire, la Déclaration de Reykjavik marque un certain recul sur ce terrain car l’Annexe V promet un renforcement du travail du Conseil de l’Europe, mais « sur la base de la reconnaissance [simplement] politique du droit à un environnement propre, sain et durable en tant que droit de l’homme » (Annexe V, par. 10.i). Pour la première fois à notre connaissance, un texte adopté collectivement par les Etats membres du Conseil de l’Europe entérine ainsi la position jusqu’alors défendue par certains Etats seulement, dont la France[59]. On pourrait y voir une façon d’affirmer que la protection de l’environnement est une question politique et non pas juridique, ce qui rend incertaine l’adoption d’un texte juridiquement contraignant consacrant ce droit.
2- La confirmation d’évolutions amorcées antérieurement sur le terrain de la mise en œuvre des normes
Les engagements pris sous l’angle de la surveillance du respect des normes sont tout aussi peu novateurs. Trois exemples peuvent en témoigner.
Sans surprise, le premier exemple concerne la Convention et la Cour européennes des droits de l’homme. La Déclaration de Reykjavik se réfère à cinq reprises à l’obligation inconditionnelle de se conformer aux arrêts de la Cour[60]. Cette obligation avait déjà été rappelée par le Comité des Ministres, certes avec moins d’emphase, lors des sessions ministérielles d’Helsinki en mai 2019, d’Athènes en novembre 2020 ou de Hambourg en mai 2021[61], sans même parler des conférences antérieures de haut niveau dans le cadre du processus d’Interlaken et du plan d’action issu du troisième Sommet[62]. Il restait malgré tout de la place pour innover, en appelant également au respect des mesures provisoires dictées par la Cour, mais les chefs d’Etat et de gouvernement ont privé la Déclaration de Reykjavik de cette plus-value. Le rappel d’engagements antérieurs, au plus haut niveau politique, est en soi louable, mais à défaut de nouveauté il est douteux que ce qui s’est avéré insuffisant auparavant devienne subitement le vecteur d’améliorations substantielles dans la mise en œuvre de la CEDH. Ce scepticisme est accentué par le fait que les chefs d’Etat et de gouvernement ont jugé utile non seulement de rappeler leur attachement au principe de subsidiarité, mais aussi d’énoncer explicitement qu’il implique que « les Etats défendeurs restent libres de choisir les moyens par lesquels ils s’acquittent de l’obligation […] de respecter les arrêts définitifs de la Cour dans tout litige auquel ils sont parties » (Annexe IV, par. 16). Il s’agit de souligner que la Cour serait bien avisée de ne pas s’impliquer de façon excessive dans la phase d’exécution de ses propres arrêts, en indiquant les mesures de mise en œuvre qu’ils impliquent[63]. Cette mise en garde n’est pas nouvelle[64] mais, à notre connaissance, elle n’avait jamais été énoncée dans un texte collectivement entériné à un si haut niveau politique.
Le deuxième exemple concerne l’institution du Commissaire aux droits de l’homme, qui a été créée en 1999[65] à la suite du Deuxième Sommet. A l’occasion du quatrième Sommet, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés à « renforcer l’institution du Commissaire aux droits de l’homme […], notamment à la lumière de la nécessité d’une action rapide et fondée sur des principes » (par. 41). La formule est relativement vague, ce qui pourrait s’expliquer par le fait qu’un rapport d’évaluation du fonctionnement de cette institution était en cours d’élaboration. Il pourrait s’agir de renforcer les moyens financiers et humains dont dispose le Bureau du Commissaire, qui sont notoirement insuffisants[66], mais aussi d’accroitre le soutien politique dont il bénéficie. Dans les deux cas, l’engagement est tout sauf novateur. S’agissant du premier volet, les chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient déjà engagés en 2005, au cours du troisième Sommet, « à consolider l’institution du Commissaire […] en lui fournissant les moyens nécessaires pour qu’il remplisse ses fonctions, à la lumière notamment de l’entrée en vigueur du Protocole n° 14 »[67]. En 2009, le Comité des Ministres a réitéré « sa détermination à être extrêmement attentif aux besoins futurs du Commissaire »[68]. Ces annonces se sont concrétisées par une augmentation, progressive mais modeste, du budget alloué au Bureau du Commissaire[69]. Le budget adopté à l’issue du quatrième Sommet s’inscrit dans le prolongement de cette dynamique[70]. S’agissant du second volet, le Comité des Ministres s’est engagé en 2009 à « continue[r] à […] soutenir activement » le Commissaire[71]. A la demande du premier[72], le second s’efforce depuis lors de renforcer sa capacité à agir rapidement aux événements inquiétants, y compris en situation de crise et de conflit armé[73]. Tout cela n’a pas empêché la Commissaire aux droits de l’homme de se retrouver dans l’impossibilité de se rendre au Haut-Karabakh fin 2022, au début du blocage du corridor de Latchine[74], parce que les Etats membres n’ont pas réussi – ou pas souhaité – garantir la sécurité de sa mission sur place[75]. La mission n’a eu lieu qu’en octobre 2023, après le déplacement massif des arméniens du Haut-Karabakh qui a fait suite à l’opération militaire menée par l’Azerbaïdjan en septembre 2023[76].
Le troisième et dernier exemple concerne la Commission de Venise. Dans la Déclaration de Reykjavik, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés à « veill[er] […] au respect diligent de l’Etat de droit […], y compris en réhaussant le profil de la Commission de Venise et en la renforçant, par exemple en donnant plus de visibilité et de statut à sa liste des critères de l’Etat de droit et en explorant les moyens pour l’Organisation de mieux soutenir la mise en œuvre de ses recommandations » (par. 23). L’engagement, qui reprend en partie une recommandation formulée par le Groupe de réflexion de haut niveau[77], doit être salué. Il n’en reste pas moins que des ajustements en ce sens avaient déjà été engagés avant le quatrième Sommet, pour faire suite aux conclusions d’un rapport d’évaluation de la Commission de Venise publié en février 2022. Sur trois aspects au moins, ce rapport d’évaluation a donné lieu à des mesures qui contribuent déjà à renforcer l’institution. Premièrement, le rapport relayait une demande antérieure de la Commission de Venise visant à augmenter ses ressources budgétaires et surtout humaines[78]. La demande fut satisfaite dès le budget ajusté pour 2023, qui allouait deux postes supplémentaires à la Commission de Venise[79]. L’évolution a été poursuivie dans le budget pour 2024-2025, qui ajoute encore trois postes supplémentaires et augmente par ailleurs les ressources opérationnelles de l’institution[80]. Deuxièmement, le rapport d’évaluation recommandait une révision du règlement intérieur de la Commission, entre autres pour clarifier les procédures de nomination de ses membres et rapporteurs et instaurer par la même des garanties d’indépendance élevées[81]. Le règlement intérieur fut révisé en mars 2023[82]. Enfin, le rapport d’évaluation de 2022 suggérait différentes mesures pour accroitre l’impact des travaux de la Commission de Venise. Les évaluateurs proposaient notamment de multiplier les consultations avec les autorités nationales durant la phase de mise en œuvre des avis de la Commission. Ils encourageaient également la mise en place d’un suivi des suites données aux recommandations et avis adoptés par l’institution[83]. En 2022, les échanges entre la Commission de Venise d’une part et le Comité des Ministres ainsi que l’Assemblée parlementaire d’autre part ont été intensifiés[84]. Fin 2022, la Commission de Venise a créé un nouveau type d’avis, « l’avis de suivi », axé sur la mise en œuvre des recommandations formulées antérieurement[85].
Au regard de ce qui précède, il semblerait que la principale nouveauté issue du quatrième Sommet réside dans la mise en place du Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Pour le reste, la Déclaration de Reykjavik confirme des ajustements engagés auparavant, avec l’aval des représentants permanents ou des Ministres des affaires étrangères des Etats membres. Affirmer au plus haut niveau politique la volonté de poursuivre une dynamique déjà engagée peut en soi s’avérer utile, à condition que cette dynamique soit jugée suffisante pour faire face aux défis qui se présentent. Or la décision même de convoquer un Sommet avait précisément la signification contraire. On aurait donc pu s’attendre à ce que les plus hauts représentants des Etats membres fixent des objectifs plus ambitieux que ceux qui ont déjà pu être identifiés à un niveau politique hiérarchiquement inférieur. En ce sens, la Déclaration de Reykjavik et les mesures de mise en œuvre connues à ce jour peuvent décevoir. Cette conclusion pessimiste déduite de ce que le texte contient, est amplifiée par l’analyse de ce que le texte ne contient pas, de ses silences trop nombreux.
II- Trop de silences
Selon le paragraphe (a) de l’article 1er du Statut du Conseil de l’Europe, son « but […] est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun. Ce texte fixe à l’Organisation deux objectifs. Le premier est de « réaliser une union plus étroite entre ses membres », ce qui requiert une synergie constructive avec les autres organisations et forums européens qui œuvrent dans le même sens. Le second est de « sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont [le] patrimoine commun » des Etats membres, ce qui nécessite des outils non seulement d’accompagnement, mais aussi de dissuasion des comportements qui s’en éloignent. Le quatrième Sommet semble avoir échoué à donner à l’Organisation les moyens de satisfaire convenablement chacun de ces objectifs. Cela ressort d’une lecture en creux de la Déclaration de Reykjavik, qui révèle des silences d’intensité variable, oscillant entre le non-dit et la demi-lacune. Selon leur degré, ces silences se parent de deux significations différentes et d’inégale importance. A travers ses non-dits, le texte prive le Conseil de l’Europe des ressources nécessaire à la défense des valeurs européennes (A). Le silence se présente alors comme un choix pour le moins fâcheux. En revanche, les demi-lacunes du texte, qui empêchent de clarifier le rôle du Conseil de l’Europe dans l’architecture institutionnelle de l’Europe (B), prennent le sens moins inquiétant d’une attente de circonstances plus favorables.
A- L’absence d’un engagement ferme en faveur de la sauvegarde des valeurs européennes
Les deux objectifs présentés au paragraphe (a) de l’article 1er du Statut du Conseil de l’Europe ont été pensés et sont présentés comme étant complémentaires, en ce sens que l’unité doit permettre de protéger les valeurs communes. La complémentarité va donc de pair avec une priorisation : l’objectif ultime devrait être celui de la protection des valeurs, tandis que l’unité ne constitue qu’un moyen vers cette fin. Or la pratique récente peut parfois laisser croire à une inversion des priorités qui peut conduire, au nom de l’impératif d’unité paneuropéenne et pour la préserver, à transiger avec les valeurs. C’est ainsi que pourrait être interprétée l’absence de réaction du Comité des Ministres, du moins son absence de réaction visible en tant qu’institution collective, face aux Etats membres dont les dirigeants manifestent du mépris à l’égard des valeurs européennes en refusant délibérément de mettre en œuvre les normes du Conseil de l’Europe qui les incarnent. Cette posture de défi, sous-tendue par une volonté politique manifeste, constitue en définitive l’enjeu principal auquel doit faire face le Conseil de l’Europe aujourd’hui. C’est donc sur ce point que le Sommet aurait pu apporter une contribution décisive. Or, le texte qui en résulte laisse croire que ce défi n’a pas été abordé de front. Cela ne peut que décevoir, même s’il faut bien admettre que l’exigence d’un consensus pouvait par essence rendre cet objectif illusoire, voire peut-être même naïf.
Cette déception peut être étayée par trois indices concordants. Le premier surplombe les deux autres. Il est révélé par une évolution sémantique au cours des travaux préparatoires. Le premier projet de cadre de la Déclaration finale incluait une rubrique intitulée « Défendre nos valeurs »[86], ce qui renvoie à l’idée de lutter pour protéger les valeurs contre toute attaque réelle ou éventuelle. Le vocabulaire a été assoupli dans le deuxième projet de cadre, qui faisait plus modestement référence à la promotion et à la protection des valeurs[87]. Dans la déclaration finalement adoptée, les chefs d’Etat et de gouvernement se disent simplement « unis autour de nos valeurs ». L’engagement à l’égard des valeurs européennes a donc été dilué au fil du temps, signalant au passage une certaine priorité accordée à l’objectif d’unité par rapport à l’objectif de protection des valeurs. La résonance de ce glissement sémantique est révélée par les silences de la Déclaration de Reykjavik à propos des outils précisément nécessaires pour protéger[88] (1) et, le cas échéant, défendre les valeurs supposées communes (2).
1- L’absence d’un engagement ferme en faveur de la protection des valeurs européennes
Au Conseil de l’Europe, l’un des outils les plus développés pour protéger les valeurs réside dans le suivi du respect des obligations et engagements, qui complète utilement le contrôle exercé par la Cour européenne des droits de l’homme dans des domaines qui lui échappent et/ou selon des méthodes qui lui sont étrangères. Schématiquement, il s’agit d’une variété de procédures visant à contrôler – disons à surveiller – la mise en œuvre des normes adoptées dans le cadre du Conseil de l’Europe[89]. Le suivi a été fortement développé à partir des années 1990, dans la continuité de l’élargissement de l’Organisation vers l’Est. Il a été pensé comme la contrepartie de cet élargissement, pour maintenir un équilibre entre la réalisation de l’unité paneuropéenne et la sauvegarde des valeurs et éviter ainsi que la première ne provoque le délitement des secondes sous la forme d’un assouplissement des standards. Les documents issus des trois premiers sommets ont préservé cet équilibre, au moins à l’échelle des énoncés sémantiques. Lorsque le premier Sommet de 1993 a entériné la politique d’élargissement du Conseil de l’Europe pour avancer sur la voie de l’unité paneuropéenne, les chefs d’Etat et de gouvernement ont exprimé dans un même souffle leur résolution à « assurer […] le plein respect des engagements pris par tous les Etats membres »[90]. Cette impulsion a rapidement donné naissance à des procédures généralistes de suivi, créées à la fois par l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres[91]. L’importance du respect des engagements pris, et donc du suivi qui vise à s’en assurer, a été réitérée lors des deux sommets suivants. Le sujet figure ainsi dans le trio de tête des priorités listées dans le Plan d’action de Strasbourg en 1997[92]. De façon encore plus déterminée, les chefs d’Etat et de gouvernement ont réitéré leur « ferme soutien » au suivi lors du troisième Sommet de 2005. Ils se sont dits « résolus à veiller au plein respect des engagements découlant de [leur] appartenance au Conseil de l’Europe » et se sont engagés à poursuivre leurs « efforts communs visant à assurer le strict respect des engagements […] vis-à-vis des normes communes auxquelles ils ont souscrit »[93]. Cette continuité s’est néanmoins brisée à Reykjavik : le texte adopté est étrangement silencieux sur le sujet. De là à desceller un recul de la volonté politique d’assurer le respect de l’acquis normatif du Conseil de l’Europe il n’y a qu’un pas, que les plus pessimistes franchiront volontiers.
2- L’absence d’un engagement ferme en faveur de la défense des valeurs européennes
Le manque d’une volonté politique consensuelle pour défendre les valeurs européennes se déduit quant à lui des non-dits de la Déclaration de Reykjavik au sujet de la nécessité, pourtant évidente, de doter le Conseil de l’Europe d’outils permettant de réagir avec une dose graduelle de fermeté au non-respect persistant des obligations et engagements. Cette logique comminatoire n’est pas dans l’ADN de l’Organisation, qui a toujours privilégié la méthode diplomatique, faite de coopération, de dialogue et d’assistance. L’approche en douceur a produit des résultats positifs[94] qui justifient qu’elle soit maintenue dans le fonctionnement routinier. Mais il n’est plus possible d’ignorer qu’elle s’avère parfaitement inoffensive face à des Etats qui refusent, sciemment et dans la durée, de respecter leurs obligations et engagements. Pour faire face à ce cas de figure, qui n’est plus tout à fait exceptionnel, le Statut du Conseil de l’Europe n’a prévu qu’une procédure de suspension et d’expulsion (article 8 du Statut). L’ennui est que cette sanction radicale ne peut, pour des raisons politiques, être mise en œuvre que dans les cas les plus extrêmes, comme en témoigne l’exemple russe. Elle a par ailleurs une dimension contre-productive puisqu’elle acte la fin de toute coopération avec l’Etat défaillant et donc l’anéantissement de tout espoir d’exercer sur lui une influence constructive. Toutes ces raisons militent en faveur de la mise en place de moyens de pression moins catégoriques, susceptibles d’être activés précocement pour tenter d’endiguer une dynamique délétère naissante.
La nécessité d’une telle évolution a été perçue très tôt. Dès 1994, la Secrétaire générale de l’époque alertait sur le fait que l’élargissement devait conduire le Conseil de l’Europe à se préparer à « préserver avec force son acquis », et en particulier « la crédibilité de ses instruments juridiques ». Dans cette perspective, elle jugeait nécessaire de « préciser, à toutes fins utiles, les conséquences de la non-observation des obligations découlant directement du Statut »[95]. Un groupe de réflexion aboutissait à la même conclusion en 2014 : « the Council of Europe should develop smart sanctions against non-compliers » ; « a concrete list of violations and their respective sanctions should be established »[96]. Ces mises en garde ont longtemps été ignorées. Le vide aurait pu être comblé par l’activation des procédures de suivi de l’Assemblée parlementaire et du Comité des Ministres, qui est de fait perçue comme un acte fort de désapprobation[97]. Mais c’est précisément la raison pour laquelle cela n’a pas fonctionné. L’Assemblée parlementaire a pendant longtemps échoué à placer la Hongrie et la Pologne sous suivi[98] et le Comité des Ministres n’a activé sa procédure de suivi « pays par pays » qu’à deux reprises, à l’égard de la Fédération de Russie en 2000 et 2003[99]. Ce n’est qu’en 2020 que les deux organes statutaires ont établi une procédure complémentaire (conjointe)[100], qui fixe les étapes de la réaction face à un Etat qui ne respecte pas ses obligations statutaires préalablement à une éventuelle mise en œuvre de l’article 8 du Statut. Cette procédure, qui paraissait déjà problématique sur le papier[101], semble néanmoins difficile à enclencher en raison des majorités élevés que cela requiert[102]. Il en résulte que des outils complémentaires sont toujours nécessaires, faute de quoi l’échec est pour ainsi dire programmé. Un Sommet aurait été l’échelle appropriée pour impulser une réflexion audacieuse en ce sens. Pourtant, faute de consensus[103], la Déclaration de Reykjavik effleure tout juste le sujet et les évolutions identifiables depuis lors sont dérisoires.
Les passages de la Déclaration de Reykjavik consacrés à la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour sont ici particulièrement révélateurs. Pour faire face au problème le plus épineux, celui de la résistance principielle à l’exécution de certains arrêts à résonance politique[104], une sévérité accrue dans la surveillance de l’exécution des arrêts s’impose. Des propositions en ce sens avaient été formulées en amont du Sommet. Le Groupe de réflexion de haut niveau envisageait l’activation de la procédure complémentaire (conjointe) et du recours en manquement organisé à l’article 46 § 4 de la CEDH et se montrait favorable à un système de sanctions « dans certains cas bien précis »[105]. Dans le même sens, l’Assemblée parlementaire proposait de développer une panoplie évolutive d’outils de pression, à usage graduel, incluant des mesures prédéfinies de réaction à l’inexécution persistante d’un arrêt en manquement[106].
Ces suggestions peinent toutefois à recueillir un consensus à l’échelon intergouvernemental. Depuis la session ministérielle d’Athènes en 2020, le Comité des Ministres réfléchit aux moyens de « renforcer l’efficacité du processus de surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour […], y compris par un recours approprié au levier politique pour traiter de cas de non-exécution ou de refus persistant d’exécuter les arrêts de la Cour »[107]. Bien que le quatrième Sommet ait réitéré l’objectif[108], la concrétisation de cette perspective est à ce jour décevante[109]. Avant le Sommet, le groupe intergouvernemental de rapporteurs sur les droits de l’homme (GR-H) imaginait des outils de pression politique supplémentaires, sans pour autant faire preuve d’une audace disproportionnée. Il était notamment question de suspendre, pour une durée déterminée, la possibilité pour le représentant de l’Etat défaillant d’assumer la fonction de président des Groupes de rapporteurs[110]. Les mesures entérinées par le Comité des Ministres en février 2024 se limitent à des ajustements de plus faible intensité, qui visent essentiellement à renforcer le dialogue politique avec les autorités des Etats récalcitrants[111]. Il a par exemple été décidé de formaliser, pour rendre prévisible, la pratique des résolutions intérimaires graduelles, qui sont par ailleurs assorties d’appellations plus explicites. En cas de difficultés d’exécution, la surveillance est ainsi découpée en trois séquences : les pressions s’exercent d’abord à travers des résolutions intérimaires dites « d’encouragement » et « de dialogue », se poursuivent éventuellement par deux « résolutions intérimaires d’avertissement » et s’achèvent exceptionnellement par les deux résolutions intérimaires mentionnées à l’article 46 § 4 de la CEDH. La nouveauté est subtile, pour ne pas dire futile : elle réside dans la formalisation des « résolutions intérimaires d’avertissement », présentées comme une « « alerte précoce » de la position du Comité » enclenchant une intensification du dialogue politique[112]. La mise en exergue de ces résolutions d’avertissement doit s’analyser comme une alternative, encore et toujours basée sur le dialogue, à une réaction plus déterminée, basée sur une logique de sanction. Il s’agit en effet de souligner que le recours en manquement ne peut être envisagé que « dans les cas les plus graves et exceptionnels »[113]. En d’autres termes, les résolutions d’avertissement se substituent à l’idée d’un usage plus fréquent du recours en manquement. Ce choix politique pusillanime peut se comprendre. L’option d’une activation plus fréquente du recours en manquement ne peut avoir de sens que si elle s’accompagne de l’identification claire des mesures, d’une intensité nécessairement supérieure, à prendre en cas d’échec, c’est-à-dire en cas de non-exécution persistante de l’arrêt en manquement. S’il n’est pas politiquement possible de déterminer l’étape d’après, mieux vaut éviter de recourir à l’étape d’avant, le risque étant de mettre à nu la vulnérabilité du Conseil de l’Europe.
L’absence, à ce stade, d’une impulsion politique en faveur d’un dépassement du paradigme dialogique en cas d’inexécution persistante d’un arrêt n’est pas nécessairement définitive. D’ailleurs le GR-H a été invité à poursuivre sa réflexion sur l’amélioration de la surveillance de l’exécution des arrêts[114]. Il est également permis d’espérer que le Comité des Ministres entende l’appel de l’Assemblée parlementaire à la mise en place d’une boite à outils flexible, crédible et cohérente pour exercer une pression graduelle sur les Etats qui ne respectent pas leurs obligations au sens plus large, c’est-à-dire au-delà de la seule exécution des arrêts de la Cour[115]. Ce n’est que de cette façon que le Conseil de l’Europe pourra tenter de contrer le recul de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit, comme le promet la Déclaration de Reykjavik. Pour atteindre cet objectif, il serait néanmoins nécessaire de franchir une étape difficile, de nature procédurale. Il s’agirait, pour le Comité des Ministres, de revenir à une pratique plus respectueuse du Statut en ce qui concerne ses modalités de vote. Contrairement à ce que prévoit l’article 20 du texte fondateur, le Comité des Ministres « essaye souvent d’éviter de prendre des décisions par un vote majoritaire, ou même de recourir au vote. La coutume s’est instaurée de rechercher le consensus sur les questions de fond importantes »[116]. Cette pratique érige par essence un mur en béton armé contre lequel se fracassent toutes les propositions visant à hausser le ton[117], et a fortiori à sanctionner l’un des Etats qui participent à la discussion. Mais pour briser ce mur il faut un sursaut intégratif, qui semble hors de portée.
En l’état, les silences de la Déclaration de Reykjavik à propos des outils nécessaires à la défense effective des valeurs européennes laissent craindre que la continuité promue par les chefs d’Etat et de gouvernement ne recouvre également le statut de bulldog édenté du Conseil de l’Europe, c’est-à-dire sa fragilité, pour ne pas dire son impuissance face aux Etats qui ne partagent pas ou plus ses objectifs. Par comparaison, les demi-mots employés au sujet du rôle du Conseil de l’Europe dans l’architecture européenne paraissent être porteurs d’enjeux plus modestes, en ce qu’ils pourraient être compris comme le signe d’une attente de la concrétisation d’efforts antérieurs.
B- L’absence d’une clarification suffisante du rôle du Conseil de l’Europe dans l’architecture européenne
Dès 1949, le Conseil de l’Europe a été confronté à la nécessité de « trouver sa place, se donner une raison d’être, une signification » à la fois sur le plan idéologique et politique et par rapport aux autres organisations européennes existantes[118]. Le paysage institutionnel européen s’est largement étoffé depuis lors et la difficulté subsiste, quoi que sous des formes et avec une intensité différentes. On aurait donc pu s’attendre à ce que quatrième Sommet précise le rôle du Conseil de l’Europe au milieu du millefeuille institutionnel européen, en particulier dans le nouveau contexte géopolitique issu de l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie (1). Ces attentes n’ont pas été satisfaites par la Déclaration de Reykjavik (2).
1- Un sujet attendu
Depuis plusieurs décennies, la question se pose de savoir quelle est la place du Conseil de l’Europe face, ou plutôt à côté de l’Union européenne (UE), quel est le rôle respectif de chacune de ces organisations dont les compétences se chevauchent fréquemment. Au cours de la période récente, la coopération entre ces deux organisations s’est largement améliorée, dans ses trois versants politique, juridique et opérationnel. Le dialogue politique s’est intensifié, tant au niveau le plus élevé qu’à l’échelon technique[119]. Sur le plan juridique, la prise en compte accrue des travaux du Conseil de l’Europe dans le mécanisme de protection de l’état de droit piloté par la Commission européenne compte parmi les évolutions marquantes. Depuis 2021, des échanges de vue sont ainsi organisés entre la Commission de suivi de l’Assemblée parlementaire et la Commission européenne, au sujet des Etats simultanément soumis aux deux mécanismes de suivi[120]. De surcroit, les rapports annuels établis par la Commission européenne intègrent depuis 2022 une rubrique consacrée à l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme par les Etats membres de l’Union[121]. S’agissant enfin du versant opérationnel, la contribution financière de l’UE aux programmes conjoints d’assistance mis en œuvre par le Conseil de l’Europe s’est accrue[122]. Malgré ces évolutions positives, une marge de progression subsiste, notamment en ce qui concerne la mise en cohérence dans les domaines normatifs et du suivi. Cette question classique de l’articulation entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne[123] s’est enrichie depuis peu d’une interrogation nouvelle, née de l’émergence récente d’un nouveau forum paneuropéen, la Communauté politique européenne (CPE), dont le périmètre géographique est le même que celui du Conseil de l’Europe[124].
L’un des objectifs du quatrième Sommet ayant été de redéfinir le rôle du Conseil de l’Europe dans le nouveau contexte géopolitique né du profond bouleversement généré par le retour d’une guerre d’agression sur le continent européen, on aurait pu s’attendre à ce que les interrogations nées de la construction multipolaire de l’Europe trouvent des éléments substantiels de réponse dans la Déclaration de Reykjavik. D’ailleurs, tant l’Assemblée parlementaire que le Groupe de réflexion de haut niveau et le Parlement européen estimaient que la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement serait une bonne occasion de consolider le partenariat stratégique noué avec l’UE et de clarifier l’articulation avec la CPE naissante[125]. A la faveur d’un contexte propice au resserrement des liens entre l’UE et le Conseil de l’Europe, le Conseil de l’Union européenne évoquait lui-même la nécessité d’ « intensifier leurs relations sur les plans tant quantitatif que qualitatif ». En écho, le Comité des Ministres faisait état d’un « nouvel élan donné au partenariat stratégique avec l’Union » et « appel[ait] à renforcer encore davantage la coopération » avec elle[126].
Les travaux préparatoires publiés jusqu’à présent laissent également penser qu’il aurait pu s’agir de l’un des sujets importants du Sommet. La thématique faisait en effet partie des principales préoccupations exprimées au cours des premières réunions du Groupe de travail ad hoc, chargé de réfléchir au contenu substantiel du Sommet. Plusieurs délégations ont ainsi souligné l’« importance d’assurer la complémentarité et la synergie avec la Communauté politique européenne (CPE) », en raison de « leur inquiétude quant au risque d’affaiblissement du Conseil de l’Europe », auquel la nouvelle Communauté pourrait selon elles se substituer au fil du temps[127]. Les délégations participantes se sont encore interrogées sur l’opportunité d’une vision stratégique des relations avec l’UE à moyen terme, allant jusqu’à considérer que, « [e]n ce moment charnière pour l’Europe, le renforcement du partenariat stratégique devrait être un élément important du 4e Sommet »[128]. Bref, il était question « de vérifier, de clarifier et d’entériner le rôle du Conseil de l’Europe au plus haut niveau politique »[129]. Cet objectif a été réitéré lors des réunions suivantes[130], mais il a finalement été voilé par d’autres priorités.
2- Une attente inassouvie
Le texte adopté est en retrait en regard des propositions initiales. Certes, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés « à renforcer le rôle du Conseil de l’Europe dans l’architecture multilatérale européenne en évolution et dans la gouvernance mondiale » (par. 34), mais ils n’ont pas expliqué ce que cela signifie dans la structuration de ses rapports avec les autres organisations européennes.
La Communauté politique européenne n’est même pas mentionnée dans le texte. Cela pourrait s’expliquer par l’absence de volonté politique de l’institutionaliser et donc de formaliser son rôle et ses liens avec les autres organisations européennes, ce qui aurait pu être prématuré à l’époque étant donné que la nouvelle Communauté ne s’était réunie qu’une seule fois, le 6 octobre 2022 à Prague. Le Président Macron, qui a été l’initiateur de ce nouveau forum de discussion politique, l’a néanmoins évoquée dans son discours inaugural, pour rassurer sur le fait qu’elle n’a pas vocation à empiéter sur le mandat du Conseil de l’Europe, présenté comme la seule organisation en charge de la sécurité démocratique du continent[131]. Cela ne répond pas pour autant à la question de savoir si la CPE pourrait être de nature à décharger le Conseil de l’Europe, au moins en partie, du poids des considérations géopolitiques qui freine trop souvent la protection effective des valeurs européennes.
L’Union européenne fait quant à elle l’objet d’un seul paragraphe, qui la présente à juste titre comme « le principal partenaire institutionnel du Conseil de l’Europe sur les plans politique, juridique et financier » (par. 36). Ce paragraphe ne contient aucune annonce substantielle, en tout cas aucune annonce explicite.
Etonnamment, la Déclaration de Reykjavik souligne « la nécessité d’éviter les doubles emplois et d’éventuelles normes concurrentes » non pas à propos de l’UE, mais à propos de l’Organisation des Nations unies (par. 37). Pourtant, il peut encore arriver que les initiatives normatives du Conseil de l’Europe soient gênées par les initiatives concurrentes de l’UE, pas nécessairement en raison des pratiques des institutions elles-mêmes, mais parce que les Etats qui sont simultanément membres des deux organisations peuvent être tentés de les mettre en concurrence. L’exemple de la négociation d’une nouvelle Convention du Conseil de l’Europe sur la protection de l’environnement par le droit pénal, en parallèle de la révision de la Directive 2008/99/CE portant sur le même sujet, en témoigne. Dans ce contexte, certains Etats ont émis des doutes sur l’utilité d’une nouvelle convention ambitieuse du Conseil de l’Europe ; ils ont plutôt marqué leur préférence pour un alignement sur la Directive 2008/99/CE, dont les effets en pratique ont pourtant été jugés insuffisants[132].
La Déclaration de Reykjavik évoque néanmoins quelques autres aspects. Elle fait référence à « l’importance des programmes conjoints », ce qui peut être perçu comme un clin d’œil, trop subtil, au rôle informel que le Conseil de l’Europe jouera certainement dans l’élargissement programmé de l’Union européenne, notamment à l’Ukraine et à la République de Moldova[133]. C’est en effet à travers les programmes conjoints, financés par l’Union, que le Conseil de l’Europe aide les Etats candidats à l’adhésion à mener les réformes requises.
Surtout, la Déclaration met l’accent sur le projet d’adhésion de l’Union à la CEDH. La difficulté de surmonter certains obstacles[134] a empêché d’annoncer cette adhésion à l’occasion du Sommet. Plus modestement, il est indiqué que la concrétisation de ce vieux projet « placera les relations entre le Conseil de l’Europe et l’UE sur la voie d’une coopération renforcée » (par. 36). Ce sont finalement ces quelques mots qui expliquent sans doute la timidité des références aux relations avec l’Union. Les travaux préparatoires révèlent en effet que plusieurs Etats membres considèrent l’adhésion de l’UE à la CEDH « comme centrale pour les relations futures entre le Conseil de l’Europe et l’UE, notamment pour l’adhésion de l’UE aux autres conventions du Conseil de l’Europe »[135]. En d’autres termes, il faut attendre que ce projet ancien se concrétise pour envisager d’aller plus loin. Si la perspective d’un approfondissement des relations avec l’Union européenne n’a pas été expressément ouverte à Reykjavik, elle n’a pas pour autant été fermée. Il n’est d’ailleurs pas à exclure que la perspective du quatrième Sommet ait permis de surmonter les dernières réserves à l’égard de l’adhésion de l’UE à la Convention d’Istanbul, finalement actée en juin 2023[136]. L’adhésion de l’Union à la Charte sociale européenne pourrait par ailleurs être évoquée lors de la Conférence de haut niveau sur la Charte sociale européenne[137], annoncée lors du quatrième Sommet.
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A l’heure de conclure, force est de constater que l’évaluation des résultats produits à ce jour par le Sommet de Reykjavik tend dans l’ensemble vers le pessimisme, ou du moins vers le scepticisme. Le Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et la hausse, même limitée, du budget du Conseil de l’Europe comptent parmi les éléments positifs à mettre au crédit de ce Sommet. L’absence d’engagement concret à assurer coûte que coûte le respect des obligations pesant sur les Etats membres, le cas échéant par une approche plus ferme, constitue sans doute le point de fragilité le plus significatif, dans la continuité de la situation actuelle. Il est toujours permis d’espérer que la mise en œuvre des engagements pris donne lieu à des changements plus audacieux, à la hauteur des enjeux actuels. Cette perspective interdit de conclure que le quatrième Sommet a été un échec, même s’il est difficile d’y voir un succès sans nuances.
Les contributions qui vont suivre s’inscrivent quelque part dans cet intermédiaire d’ambivalence. Elles ont pour objet d’analyser les apports – ou les carences – du Sommet de Reykjavik sur des points spécifiques. Ce faisant, elles visent à éclairer tout à la fois ce que le Conseil de l’Europe est et ce qu’il devrait être, mais aussi à alimenter la réflexion sur la manière de combler la brèche entre les deux. Elles sont articulées autour d’un plan construit à partir de ce que le Conseil de l’Europe devrait être en théorie : une communauté de valeurs capable du courage politique nécessaire pour les défendre (II), un acteur normatif capable d’affronter les défis actuels et futurs (III) et un protagoniste majeur du régionalisme européen capable de tisser des relations symbiotiques avec les autres organisations européennes (IV).
[1] Voir SG/Inf(2011)4-final, 17 février 2011, Schéma des priorités pour 2012-2013.
[2] CM, CM/Del/Dec(2021)131/2a, 21 mai 2021, Le cadre stratégique du Conseil de l’Europe et les activités à venir, 131e session, Hambourg, 21 mai 2021.
[3] CourEDH, 10 décembre 2019, Kavala c. Turquie, n° 28749/18 ; CourEDH, GC, 11 juillet 2022, Kavala c. Turquie (article 46 § 4).
[4] Voir E. Demir-Gürsel, « The Former Secretary General of the Council of Europe Confronting Russia’s Annexation of the Crimea and Turkey’s State of Emergency », European Convention on Human Rights Law Review, 2021, n° 2, pp. 303-335 ; A. Donald, A.-K. Speck, « Time for the Gloves to Come Off?: The Response by the Parliamentary Assembly of the Council of Europe to Rule of Law Backsliding », European Convention on Human Rights Law Review, 2021, n° 2, pp. 241–273 ; N. Muižnieks, « The Council of Europe’s response to recent democratic backsliding », European Yearbook of Human Rights, 2019, pp. 3-32.
[5] Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (ci-après APCE), AS/Per (2023) 10, 26 mai 2023, Le Sommet de Reykjavik : un message fort d’unité, d’objectif commun et de détermination inébranlable qui doit être suivi d’actions, Déclaration adoptée par la Commission permanente lors de sa réunion du 26 mai 2023, par. 1.
[6] Communication de la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe à l’Assemblée parlementaire, Compte rendu des débats du 25 janvier 2024 après-midi, séance n° 6.
[7] CURE, Follow-up of the Reykjavik Summit of the Council of Europe – working paper, 25 May 2023 ; Amnesty International, Action Plan for the Implementation of the Reykjavik Declaration by the Council of Europe, Proposals by Amnesty International following the dialogue with the Latvian presidency of the Committee of Ministers on 6 June 2023.
[8] Andrew Forde, “Summit of Fire and Ice 4th : Council of Europe Summit, Reykjavik”, EjilTalk, 31 May 2023.
[9] Antoine Buyse, “The Reykjavik Summit and Declaration”, ECHR Blog, 17 May 2023.
[10] Les déclarations de chacun des participants ont été retransmises en direct, mais il s’agit de déclarations politiques aseptisées.
[11] En vertu de la Résolution Res(2001)6 du 12 juin 2001 sur l’accès aux documents du Conseil de l’Europe, les documents produits par le Comité des Ministres sont publiés après une période d’embargo, dont la durée varie de un à trente ans, en fonction de la sensibilité de leur contenu. A ce jour, seuls les documents classés en « diffusion restreinte » sont publiés au compte-gouttes, un an après leur production. Les documents produits pendant la phase finale des travaux préparatoires, y inclus les différentes versions de la Déclaration, ne sont donc pas encore accessibles au public.
[12] SG/Inf(2003)43, 5 décembre 2003, Troisième Sommet du Conseil de l’Europe. Propositions du Secrétaire général pour « un ordre du jour substantiel et des résultats possibles concrets », pt. 1.
[13] Z. Radosavljevic, « Serbia FM says won’t attend Council of Europe event if Kosovo’s admission is underway », Euractiv, 18 April 2023.
[14] J. Rankin, “Experts cast doubt on Braverman’s hopes of ECHR rule change on Rwanda”, The Guardian, 20 March 2023 ; K. Devlin, “Sunak to press EU leaders on migration after small boats bill backlash”, The Independent, 13 May 2023 ; B. Quinn, “Cool response in Iceland as Rishi Sunak urges Europe’s leaders to back Rwanda plan”, The Guardian, 16 May 2023.
[15] Voir p. ex. A. Donald, J. Grogan, “What are the Rwanda Treaty and the Safety of Rwanda (Asylum and Immigration) Bill?”, UK in a Changing Europe, 4 March 2024 ; A. Donald, J. Grogan, “Illegal Migration Act 2023”, UK in a Changing Europe, 15 March 2024.
[16] Lors de la Conférence de Brighton, les Etats parties à la Convention européenne des droits de l’homme avaient repoussé à court terme les assauts britanniques visant à affaiblir le système de la Convention. Il n’en reste pas moins que la Conférence a débouché sur l’adoption du Protocole n° 15 à la CEDH, qui a fait entrer la Cour dans « l’âge de la subsidiarité ». Voir p. ex. L. R. Helfer, E. Voeten, « Walking Back Human Rights in Europe? », European Journal of International Law, 2020, vol. 31, n° 3, pp. 797-827 ; Ø. Stiansen, E. Voeten, “Backlash and Judicial Restraint: Evidence from the European Court of Human Rights”, International Studies Quarterly, 2020, vol. 64, n° 4, pp. 770-784 ; E. Voeten, “The ECtHR’s Coping Strategy: The pitfalls of subsidiarity and deference as strategies to avoid backlash”, Verfassungsblog, 30 september 2022 ; E. Özlȕ, “‘A Few, but very Necessary, Minutes to Devote to Interim Measures’: Further Transparency as a Resilience Strategy?”, Strasbourg Observers, 15 March 2024.
[17] Sur le contenu et la réalité de la « communauté de valeurs », voir les contributions de Birte Wassenberg et Frédérique Berrod, de Lize Glas et de Catherine Gauthier.
[18] GT-SOM4(2022)CB5, 20 décembre 2022, Carnet de bord de la réunion du Groupe de travail ad hoc du 13 décembre 2022, par. 3.
[19] Voir Déclaration de la conférence informelle des Ministres de la justice du Conseil de l’Europe, Riga, 11 septembre 2023, note 1.
[20] CM, Résolution CM/Res(2022)2 sur la cessation de la qualité de membre de la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe, 16 mars 2022.
[21] Communication du Comité des Ministres, Compte-rendu des débats de l’Assemblée parlementaire du 11 octobre 2023 après-midi, séance n° 22 ; CM, CM/AS(2024)Rec2245-final, 10 janvier 2024, Réponse du Comité des Ministres à la Recommandation 2245 (2023) de l’Assemblée parlementaire, par. 6.
[22] GT-SOM4(2022)CB2, 25 octobre 2022, Carnet de bord de la réunion du Groupe de travail ad hoc du 21 octobre 2022, par. 2.3 ; GT-SOM4(2022)CB4, 1er décembre 2022, Carnet de bord de la réunion du Groupe de travail ad hoc du 22 novembre 2022, par. 5 ; GT-SOM4(2022)CB5, op. cit., par. 6 et 7.
[23] Cette crainte a été exprimée pendant les préparatifs du troisième Sommet. Voir DRAFTSUM(2004)CB1, 10 décembre 2004, Carnet de bord de la réunion du 1er décembre 2004 du Groupe de rédaction informel ouvert sur le troisième Sommet, p. 2.
[24] De telles divergences se sont par exemple manifestées en amont et en aval du troisième Sommet. Voir not. GT-SOM3(2004)CB1, 2 février 2004, Carnet de bord de la réunion du 13 janvier 2004 du Groupe de travail chargé de préparer le 3e Sommet, p. 5 ; CM, CM(2006)49, 5 avril 2006, Priorités pour 2007 – conséquences budgétaires, par. 52 et 53 ; CM, CM(2006)212, 4 décembre 2016, Budgets du Conseil de l’Europe, Note du Secrétaire général : réponses aux contributions écrites reçues des délégations, not. par. 44, 65 et 72.
[25] CM, Résolution CM/Res(2023)3 établissant l’Accord partiel élargi sur le Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, 12 mai 2023.
[26] Le Groupe de réflexion de haut niveau a été mis en place en juin 2022 pour déterminer si un quatrième Sommet était nécessaire et, le cas échéant, formuler des propositions s’agissant de son contenu substantiel. Il a rendu son rapport en octobre 2022.
[27] Voir GT-SOM4(2022)8, 12 décembre 2022, Projet de cadre du document final du 4e Sommet.
[28] GT-SOM4(2022)CB5, op. cit., par. 6.
[29] GT-SOM4(2022)CB2, op. cit., par. 5.
[30] APCE, Recommandation 2245 (2023), 24 janvier 2023, Le Sommet de Reykjavik du Conseil de l’Europe – Unis autour de valeurs face à des défis hors du commun, par. 8.3.1 ; APCE, Résolution 2482 (2023), 26 janvier 2023, Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, par. 19.
[31] Sur le sujet, voir la contribution de Marten Breuer.
[32] Ni l’Ukraine, ni la Fédération de Russie ne sont parties au Statut de la Cour pénale internationale (CPI). Or, en vertu de l’article 15 bis § 5 de ce Statut, la CPI n’exerce pas sa compétence à l’égard du crime d’agression quand celui-ci est commis par des ressortissants d’un Etat non partie au Statut ou sur le territoire d’un Etat non partie. En vertu de l’article 15 ter, l’incompétence de la Cour dans cette hypothèse ne peut être surmontée que par une saisine du Conseil de sécurité, qui est improbable ici, en raison du veto russe.
[33] Voir K. J. Heller, “The Best Option : An Extraordinary Ukrainian Chamber for Aggression”, Opinio Juris, 16 mars 2022 ; O. Owiso, “An Aggression Chamber for Ukraine Supported by the Council of Europe”, Opinio Juris, 30 mars 2022 ; Avis du Comité des conseillers juridiques sur le droit international public (CAHDI) sur la Recommandation 2231 (2022) de l’Assemblée parlementaire, 5 septembre 2022, par. 6.3 ; O. Corten, V. Koutroulis, “Tribunal for the crime of aggression against Ukraine – a legal assessment”, In-depth analysis requested by the DROI Subcommittee, PE702574, December 2022, p. 18 ; B. Cathala, A. Garapon, « Il faut créer, au sein du Conseil de l’Europe, un tribunal spécial pour l’Ukraine », Le Monde, Tribune, 1er mars 2023.
[34] Par crainte d’établir un précédent qui pourrait leur être défavorable à l’avenir, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne – et plus largement le G7 – sont favorables à la mise en place d’un tribunal hybride ou internationalisé, dont la compétence serait puisée dans la compétence territoriale de l’Ukraine. Or celle-ci s’oppose farouchement à cette option et aspire au contraire à la création d’un tribunal international qui serait, selon elle, mieux placé pour écarter l’immunité de juridiction dont jouissent en principe les plus hauts dignitaires étatiques.
[35] Voir Conference on Special Tribunal for the crime of aggression against Ukraine, 1 February 2024, panel 2 (What form could such a tribunal for Ukraine take?).
[36] Voir Communication de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe, Compte rendu des débats de l’Assemblée parlementaire, 25 janvier 2024 après-midi, séance n° 6, p. 8.
[37] Voir K. J. Heller, “Report: Ukraine Willing to ‘Compromise’ on a Non-Ukrainian Internationalized Tribunal”, OpinioJuris, 23 August 2023.
[38] APCE, Résolution 2482 (2023), op. cit., par. 19 ; id., Doc. 15932, 22 février 2024, Soutien à la reconstruction de l’Ukraine, Commission des questions politiques et de la démocratie, par. 17.
[39] CM, CM/Del/Dec(2024)1488/10.5, 7 février 2024, Options en droit international visant à garantir le paiement par la Fédération de Russie de la satisfaction équitable accordée par la Cour européenne des droits de l’homme.
[40] E. Lambert, “The Economic Crisis and the Evolution of the System Based on the ECHR: Is There Any Correlation?”, European Law Journal, 2016, vol. 22, n° 1, spéc. p. 81 ; E. Lambert, “The Court as a part of the Council of Europe: the Parliamentary Assembly and the Committee of Ministers”, in A. Follesdal, B. Peters, G. Ulfstein (eds.), Constituting Europe. The European Court of Human Rights in a National, European and Global Context, Cambridge University Press, 2013, pp. 293-294 ; Rapport du Groupe de réflexion de haut niveau du Conseil de l’Europe, octobre 2022, p. 17, par. 9.
[41] Voir not. CM, CM(92)198, 16 octobre 1992, Rapport du Secrétaire Général sur les implications de l’élargissement du Conseil de l’Europe ; CM, CM(94)78, 27 avril 1994, Le Conseil de l’Europe dans la nouvelle Europe. Document de réflexion du Secrétaire général sur l’évolution de l’Organisation et sur les incidences d’une poursuite de l’élargissement, en particulier une adhésion de la Fédération de Russie, pp. 4 et 7 ; APCE, Doc. 7180, 17 octobre 1994, Rapport sur l’élargissement du Conseil de l’Europe et les perspectives budgétaires, (ancienne) Commission du budget et du programme de travail intergouvernemental, spéc. par. 1.
[42] CM, CM(97)172, 29 octobre 1997, Des paroles aux actes. Contribution du Secrétaire général.
[43] Troisième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe (Varsovie, 16-17 mai 2005), Plan d’action, pt. V.
[44] Voir la contribution de Stefanie Schmahl.
[45] SG/Inf(2020)34, 23 novembre 2020, Cadre stratégique du Conseil de l’Europe ; CM, CM/Del/Dec(2021)131/2a, op. cit.
[46] Voir GT-SOM4(2023)8, 17 mars 2023, Ordre du jour annoté de la réunion du Groupe de travail ad hoc du 20 mars 2023, par. 3. Des propositions en ce sens avaient été formulées en amont du Sommet : APCE, Recommandation 2245 (2023), op. cit., par. 20.2 ; The Hague Civil Society Declaration on Council of Europe Reform, points 3.5, 3.6 et 9.13.
[47] APCE, Doc. 15834 Add 3, 13 octobre 2023, Activités du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente, Annexe.
[48] Dans le vocabulaire du Conseil de l’Europe, la référence aux « obligations » renvoie aux obligations statutaires et conventionnelles des Etats membres, tandis que les « engagements » font référence aux promesses spécifiques formulées par les Etats candidats au moment de leur adhésion à l’Organisation. Pour une présentation synthétique du suivi de l’Assemblée parlementaire, voir APCE, AS/Mon/WP (2024) 02, 24 February 2024, Monitoring Committee : work overview. Pour une analyse, voir A. Ailincai, « Le suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans la tourmente », in A. Ailincai, C. Chevallier-Govers, V. Edjaharian (dir.), Les Europes : de l’intérieur, vers l’extérieur, Mélanges en l’honneur du Professeur Catherine Schneider, Mare & Martin, Paris, 2021, pp. 77-105.
[49] Sur l’intérêt des Principes de Reykjavik et la nécessité de les assortir d’un mécanisme de suivi efficace, fut-ce celui de l’Assemblée, voir la contribution de Digdem Soyaltin Colella.
[50] Voir not. GT-SOM3(2003)2, 9 septembre 2003, 3e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe : objectifs, thèmes et résultats possibles, pt. I.1; GT-SOM3(2003)6, 3 décembre 2003, Contribution de la délégation de l’Arménie pour une réforme du système de monitoring dans la perspective du troisième Sommet du Conseil de l’Europe ; DRAFTSUM(2004)CB1, op. cit., Intervention du représentant permanent de l’Arménie, Annexe IV ; DRAFTSUM(2005)2-Add, February 2005, Proposed Action Plan of the Third Summit of the Council of Europe, Dutch proposals, pt. E.
[51] DRAFTSUM(2004)CB1-Add2, 14 janvier 2005, Carnet de bord de la réunion du 1er décembre 2004, pt. I.3 ; DRAFTSUM(2005)3, 17 février 2005, Proposition de plan d’action du troisième Sommet du Conseil de l’Europe, Non-papier révisé suite à la réunion du 18 janvier 2005 et de consultations, pt. I.3.
[52] Déclaration de Varsovie, par. 3 et Plan d’action, pt. I.3.
[53] Recommandations sur les principes de bonne gouvernance démocratique et sur la démocratie délibérative.
[54] Bonne gouvernance démocratique et démocratie délibérative : adoption de nouvelles normes par le Comité des Ministres, Communiqué de presse, 6 septembre 2023.
[55] Voir la démonstration en ce sens d’Elisabeth Lambert.
[56] Voir respectivement CM, CM/Inf(2019)22, 22 novembre 2019, Priorités de la présidence géorgienne, pt. 1 ; APCE, Recommandation 2211 (2021), 29 septembre 2021, Ancrer le droit à un environnement sain : la nécessité d’une action renforcée du Conseil de l’Europe.
[57] CM, CM/Del/Dec(2021)1416/3.1, 3 novembre 2021, 4e partie de session 2021 de l’Assemblée parlementaire, par. 3.1 (b). Pour des détails, voir A. Ailincai, « Les tribulations des efforts de modernisation de l’arsenal normatif du Conseil de l’Europe en faveur de la protection de l’environnement », Annuaire français de droit international, 2022, vol. LXVII, pp. 3-19.
[58] Voir The Hague Civil Society Declaration on Council of Europe Reform, pt. 6 ; Le droit à un environnement propre, sain et durable dans la pratique, Actes de la Conférence de haut niveau organisée le 3 mai 2023 par la présidence islandaise du Comité des Ministres, juin 2023, intervention de Rik Daems, p. 32.
[59] Voir Actes de la Conférence de haut niveau organisée par la Présidence géorgienne du Comité des Ministres le 27 février 2020, p. 89 : « La France est favorable à l’affirmation politique d’un droit à un environnement sain dans le champ international » (non souligné dans l’original).
[60] Déclaration de Reykjavik, par. 6 et Annexe IV par. 4, 7, 8, 15.
[61] Voir respectivement CM, CM/Del/Dec(2021)131/3, 21 mai 2021, Garantir l’efficacité à long terme du système de la Convention européenne des droits de l’homme, 131e session, Hambourg, 21 mai 2021, préambule et par. 3 ; id., CM/Del/Dec(2020)130/4, 4 novembre 2020, Garantir l’efficacité à long terme du système de la Convention européenne des droits de l’homme : évaluation du processus d’Interlaken et voie à suivre, 130e session, Athènes, 4 novembre 2020, par. 2 ; id., CM/Del/Dec(2019)129/3, 17 mai 2019, Garantir l’efficacité continue du système de la Convention européenne des droits de l’homme, 129e session, Helsinki, 17 mai 2019, par. 4.
[62] Voir p. ex. Déclaration de Copenhague, 12 et 13 avril 2018, not. par. 20, 21 et 23 ; Plan d’action de Varsovie, pt. I.1.
[63] Tout en affirmant avec constance que ses arrêts sont essentiellement déclaratoires et qu’ils laissent aux États le choix des moyens de mise en conformité, la Cour a commencé à partir de la fin des années 1990 à suggérer, plus rarement à enjoindre, aux États défendeurs d’adopter telle ou telle mesure individuelle ou générale d’exécution. Cette pratique a été développée à la demande du Comité des Ministres lui-même. Voir CM, Res.(2004) 3 sur les arrêts qui révèlent un problème structurel sous-jacent, 12 mai 2004 ; CM, Surveillance de l’exécution des arrêts et décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, 7ème rapport annuel, 2014, p. 11. Sur cette pratique de la Cour, voir not. L.-A. Sicilianos, “The Involvement of the European Court of Human Rights in the Implementation of its Judgments: Recent Developments under Article 46 ECHR”, Netherlands Quarterly of Human Rights, 2014, vol. 32, n° 3, pp. 235-262 ; A. Mowbray, “An Examination of the European Court of Human Rights’ Indication of Remedial Measures”, Human Rights Law Review, 2017, n° 17, pp. 451-478.
[64] Voir déjà CCDH, CM(2015)176-add1final, 3 février 2016, L’avenir à plus long terme du système de la Convention européenne des droits de l’homme, p. 83, par. 144 et p. 84, par. 145.
[65] CM, Résolution Res(99)50, 7 mai 1999, sur le Commissaire aux droits de l’homme.
[66] Voir not. Commissaire aux droits de l’homme, CommDH(2006)17, 29 mars 2006, Rapport de fin de mandat de M. Alvaro Gil-Robles (octobre 1999 – mars 2006), pp. 30-31 ; id., CommDH(2008)10rev, 15 avril 2008, Rapport annuel d’activités 2007, pt. 4 ; id., CommDH(2011)4, 13 avril 2011, Rapport annuel d’activités 2010, pt. 7.
[67] Plan d’action de Varsovie, pt. I.2. En 2004, le Protocole n° 14 à la CEDH a étendu le mandat du Commissaire aux droits de l’homme, en lui donnant la possibilité de présenter des tierces interventions à la Cour européenne.
[68] APCE, Doc. 11987, 8 juillet 2009, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe – bilan et perspectives, Réponse du Comité des Ministres à la Recommandation 1816 (2007) de l’Assemblée, par. 4.
[69] Entre 2009 et 2023, la part du budget ordinaire du Conseil de l’Europe consacrée au Commissaire aux droits de l’homme est passée de 1% à 1,5%. Voir respectivement Commissaire aux droits de l’homme, CommDH(2010)8, 14 avril 2010, Rapport annuel d’activités 2009, pt. 5 et id., CommDH(2024)3, 22 janvier 2024, Rapport annuel d’activités 2023, pt. 9.
[70] Le budget prévisionnel alloué au Bureau du Commissaire aux droits de l’homme s’élevait à 3 869,2 k€ pour 2023 et à 4 455 k€ pour 2024. Voir CM(2023)1, 15 décembre 2022, Programme et budget 2022-2025 du Conseil de l’Europe (2023 ajusté), p. 29 et CM(2024)1, 19 décembre 2023, Programme et budget 2024-2027 du Conseil de l’Europe, Unis autour de nos valeurs, p. 61.
[71] CM, CM(20009)50-final, 12 mai 2009, Déclaration, 119e session, Madrid, par. 4.
[72] CM, Decl(21/01/2004), Déclaration sur la protection des droits de l’homme pendant les conflits armés ainsi que dans les cas de troubles et de tensions internes, 21 janvier 2004, par. 11 et 12.
[73] Commissaire aux droits de l’homme, CommDH(2010)8, op. cit., avant-propos et pt. 1.
[74] Sur le sujet, voir APCE, Doc. 15796, 20 juin 2023, Assurer un accès libre et sûr par le corridor de Latchine, Rapport de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.
[75] Compte-rendu des débats de l’Assemblée parlementaire, 24 avril 2023, séance n° 10, pp. 40-41.
[76] Commissioner for Human Rights, CommHR(2024)1, 12 January 2024, Observations on the Human Rights Situation of People affected by the Conflict between Armenia and Azerbaijan over the Karabakh region.
[77] Rapport du Groupe de réflexion de haut niveau du Conseil de l’Europe, op. cit., p. 16, par. 6 (f).
[78] Evaluation of the European Commission for Democracy through Law (Venice Commission), Final Report, February 2022, not. pp. 12, 89 (recommendation 5), 90, 91.
[79] CM, CM(2023)1, op. cit., p. 77.
[80] CM, CM(2024)1, op. cit., p. 102.
[81] Evaluation of the European Commission for Democracy through Law (Venice Commission), Final Report, op. cit., not. p. 90 (recommendation 7).
[82] Commission de Venise, CDL-AD(2023)013, 22 mars 2023, Règlement intérieur révisé, en lien avec id., CDL-WM-OJ(2022)001, 2 décembre 2022, Projet d’ordre du jour annoté de la réunion de la sous-commission sur les méthodes de travail du 18 octobre 2022 ; id., CDL-WM-OJ(2023)001ann, 3 mars 2023, Projet d’ordre du jour annoté de la réunion de la sous-commission sur les méthodes de travail du 9 mars 2023.
[83] Evaluation of the European Commission for Democracy through Law (Venice Commission), Final Report, op. cit., not. p. 91 (recommendations 9 and 10).
[84] Evaluation de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), Réponse du management & plan d’action, p. 5, recommandations 9 et 10 ; CM, CM(2023)98, 13 juin 2023, Rapport annuel 2022 de la Direction de l’Audit interne, de l’Evaluation et de l’Investigation, p. 11, par. 36.
[85] Commission de Venise, CDL-RA(2022)001-f, 18 avril 2023, Rapport annuel d’activités 2022, p. 10.
[86] GT-SOM4(2022)8, op. cit., pt. 1.
[87] GT-SOM4(2023)1-final, 24 janvier 2023, Sommet de Reykjavik : cadre du document final, pt. 1.2.
[88] L’analyse doit ici être complétée par la contribution de Harry Hummel, à propos des possibilités d’implication de la société civile dans la protection des valeurs européennes.
[89] Pour une présentation globale et synthétique de ces mécanismes, à laquelle il conviendrait d’ajouter le Commissaire aux droits de l’homme, voir Direction de l’audit interne, de l’évaluation et de l’investigation, Evaluation of the Council of Europe’s Monitoring Mechanisms, May 2022, Appendix 2, pp. 73-83.
[90] Déclaration de Vienne, 9 octobre 1993.
[91] S’agissant de l’Assemblée parlementaire, voir APCE, Directive 485 (1993), 3 février 1993, Politique générale du Conseil de l’Europe ; id., Directive 488 (1993), 29 juin 1993, Respect des engagements pris par les nouveaux États membres ; id., Directive 508 (1995), 26 avril 1995, Respect des obligations et engagements contractés par les États membres du Conseil de l’Europe ; id., Résolution 1115 (1997), Respect des obligations et engagements contractés par les États membres du Conseil de l’Europe, adoptée le 29 janvier 1997 et modifiée à plusieurs reprises depuis. S’agissant du Comité des Ministres, voir Déclaration sur le respect des engagements pris par les Etats membres du Conseil de l’Europe, 10 novembre 1994 ; CM/Del/Dec(95)535/2.4-app7, Modalités de mise en œuvre de la Déclaration du 10 novembre 1994 sur le respect des engagements pris par les Etats membres du Conseil de l’Europe, 18-20 avril 1995. Jusqu’en 2021, le Comité des Ministres disposait théoriquement de trois procédures distinctes : la procédure ponctuelle de suivi « pays par pays » établie en 1994, la procédure de suivi thématique instituée en 1995 et la procédure post-adhésion enclenchée au cas par cas à partir de 2000. En juin 2021, le Comité des Ministres a décidé de mettre un terme à sa procédure post-adhésion. Voir CM, CM/Del/Dec(2021)1407/1.6, 16 juin 2021, Suites à donner à la 131e session, Hambourg, 21 mai 2021, par. 3.
[92] Plan d’action de Strasbourg, 11 octobre 1997, pt. I.3.
[93] Déclaration de Varsovie, 16-17 mai 2005, par. 5 et Plan d’action, pt. I.4.
[94] Direction générale Droits de l’homme et Etat de droit, L’impact réel des mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe pour l’amélioration du respect des droits de l’Homme et de la prééminence du droit dans les Etats membres, éd. du Conseil de l’Europe, 2014, 62 p.
[95] CM(94)78, op. cit., p. 7, par. 3 et p. 8, par. 5.
[96] « Smart Power – Ways of Enhancing the Council of Europe’s Impact », Advisory Report by the Think-Tank Force, January 2014, pp. 3 et 14.
[97] Voir not. APCE, Doc. 13595, 15 septembre 2014, L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée (octobre 2013 – septembre 2014), Annexe 1, par. 2.2 ; D. Soyaltin-Colella, “(Un)Democratic change and use of social sanctions for domestic politics: Council of Europe monitoring in Turkey”, International Political Science Review, 2020, pp. 1-17.
[98] Voir A. Donald, A.-K. Speck, « Time for the Gloves to Come Off?: The Response by the Parliamentary Assembly of the Council of Europe to Rule of Law Backsliding », op. cit. ; A. AILINCAI, « Quelle plus-value pour un mécanisme global de suivi du respect des valeurs européennes au sein de l’Union européenne ? A propos des procédures de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe », Revue trimestrielle de droit européen, 2021, n° 3, pp. 565-586.
[99] Voir Monitor/Inf(2004)3, 29 avril 2004, Respect des engagements pris par les Etats membres : les procédures de suivi du Comité des Ministres, pt. I.D.
[100] APCE, Résolution 2319 (2020), 29 janvier 2020, Procédure complémentaire conjointe entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire en cas de violation grave par un État membre de ses obligations statutaires ; CM, CM/Del/Dec(2020)1366/1.7-app, 5 février 2020, Procédure complémentaire entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire en cas de violation grave par un État membre de ses obligations statutaires.
[101] Voir A. AILINCAI, « Un quatrième Sommet du Conseil de l’Europe : pour quoi faire ? (partie 1), RDLF, 2023, chron. n° 26.
[102] Voir A. AILINCAI, “The Parliamentary Assembly of the Council of Europe is at it again. On the non-ratification of the credentials of Azerbaijan’s parliamentary delegation”, Strasbourg Observers, 8 March 2024.
[103] Il semblerait qu’au moins certains Etats membres de l’Union européenne soient favorables à une approche plus ferme à l’égard des Etats qui bravent les interdits. Voir en ce sens Conseil de l’Union européenne, Conclusions du Conseil sur les priorités de l’UE pour la coopération avec le Conseil de l’Europe en 2020-2022, 13 juillet 2020, 9283/202 ; Compte-rendu des débats de l’Assemblée parlementaire, intervention de la Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, 24 janvier 2023 matin, séance n° 3, p. 35.
[104] Voir M. BREUER (ed.), Principled Resistance to ECtHR Judgments – A New Paradigm?, Berlin, Springer, 2019, 350 p.
[105] Rapport du Groupe de réflexion de haut niveau du Conseil de l’Europe, op. cit., p. 22, par. 26. Voir aussi The Hague Civil Society Declaration on Council of Europe Reform, pts. 2.4 et 2.5 ; Amnesty International’s submission for the consultation on the 4th Council of Europe Summit, pp. 5-6.
[106] APCE, Recommandation 2252 (2023), 26 avril 2023, Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, par. 2.2, 2.7 et 2.8. Voir aussi APCE, Recommandation 2261 (2023), 12 octobre 2023, Appel à la libération immédiate d’Osman Kavala, par. 6.
[107] CM, CM/Del/Dec(2020)130/4, op. cit., point 4.9. Voir aussi CM, CM/Del/Dec(2021)131/3, op. cit., par. 1.
[108] Déclaration de Reykjavik, Annexe IV, par. 39.
[109] Voir en revanche les multiples options envisagées par l’Assemblée parlementaire, AS/Jur (2023) 37, 23 novembre 2023, Mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme – 12ème rapport, Suivi du Sommet de Reykjavik, Note d’information révisée.
[110] GR-H(2023)2, 31 janvier 2023, Assurer l’efficacité à long terme de la Convention – renforcer les outils à la disposition du Comité des Ministres dans la surveillance de l’exécution des arrêts de la CEDH, Note préparée par le Secrétariat, pt. (ii).
[111] Voir CM, CM/Del/Dec(2024)1488/4.4, 7 février 2024, Garantir l’efficacité continue du système de la Convention européenne des droits de l’homme – Renforcer les outils à la disposition du Comité des Ministres dans la surveillance de l’exécution des arrêts de la CEDH, pt. 1. Pour le reste, le Comité des Ministres cherche à accroitre la mise en synergie des acteurs pertinents, en instaurant par exemple une réunion annuelle entre la Présidence de la Cour, celle du Comité des Ministres et le/la Secrétaire général(e), réunion de laquelle le Président de l’Assemblée parlementaire est étonnamment exclu. Est également institué un Réseau de coordinateurs nationaux, dont l’objectif est de faciliter l’échange d’expertise et d’expérience entre les Etats membres.
[112] GR-H(2023)11-final, 1er février 2024, Garantir l’efficacité à long terme de la Convention – renforcer les outils à la disposition du Comité des Ministres dans la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, Note préparée par le Secrétariat, pt. A.
[113] Ibid.
[114] CM, CM/Del/Dec(2024)1488/4.4, op. cit.
[115] Voir not. Tiny Kox, « The Strategies and Tools of the Council of Europe to ensure the respect of Human Rights, Rule of law and Democracy obligations in the Resolution of Conflicts », Speaking Notes, 4 December 2023.
[116] G. de Vel, Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, éd. du Conseil de l’Europe, 1994, p. 60. Voir aussi F. Benoit-Rohmer, H. Klebes, Le droit du Conseil de l’Europe. Vers un espace juridique paneuropéen, éd. du Conseil de l’Europe, 2005, p. 62 ; S. Palmer, « The Committee of Ministers », in S. Schmahl, M. Breuer (eds.), The Council of Europe. Its Law and Policies, OUP, 2017, p. 153, par. 6.64.
[117] Voir par exemple l’absence de consensus sur la proposition de la présidence lettone d’approfondir le dialogue à haut niveau avec la Turquie aux fins de l’exécution de l’arrêt Kavala, CM, CM/Inf(2023)25, 15 novembre 2023, Bilan de la présidence lettone du Comité des Ministres (17 mai – 15 novembre 2023).
[118] Ch. Chaumont, « Le régionalisme international et l’organisation internationale de l’Europe », Cahiers du Centre européen universitaire de Nancy, Département des sciences politiques, 1951, n° 1, p. 4.
[119] Voir CM(2023)50-final, 4 mai 2023, Rapport de synthèse sur la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne – Document d’information établi par la Direction des affaires politiques et des relations extérieures, pt. 2.
[120] Voir APCE, AS/Mon (2021) CB 01, 5 février 2021, Carnet de bord des réunions de la Commission de suivi de janvier et février 2021, p. 2 ; APCE, AS/Mon (2021) CB 02, 11 mars 2021, Carnet de bord de la réunion de la Commission de suivi du 9 mars 2021, p. 1.
[121] Commission européenne, COM(2022)500 final, 13 juillet 2022, Rapport 2022 sur l’état de droit ; id., COM(2023)80 final, 5 juillet 2023, Rapport 2023 sur l’état de droit.
[122] Voir CM(2023)50-add, 24 mars 2023, Coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Programmes conjoints entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne menés en 2022 – Document d’information établi par la Direction de la coordination des programmes.
[123] Sur ce point, voir la contribution de Romain Tinière.
[124] Voir la contribution de Denis Huber.
[125] Voir Rapport du Groupe de réflexion de haut niveau du Conseil de l’Europe, op. cit. ; APCE, Résolution 2430 (2022), 26 avril 2022, Au-delà du Traité de Lisbonne : renforcer le partenariat entre le Coe et l’UE ; APCE, Résolution 2473 (2022), 25 novembre 2022, Renforcer le rôle du Coe en tant que pierre angulaire de l’architecture politique européenne ; APCE, Recommandation 2245 (2023), op. cit. ; Parlement européen, Résolution du 18 avril 2023 sur les relations institutionnelles entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe (2022/2137(INI)), P9_TA(2023)0103.
[126] Conseil de l’UE, Conclusions sur les priorités de l’UE pour la coopération avec le Conseil de l’Europe en 2023-2024, 30 janvier 2023 ; CM, CM/Del/Dec(2023)1465/2.4, 3 mai 2023, Rapport de synthèse sur la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, par. 1.
[127] GT-SOM4(2022)CB1, 14 octobre 2022, Carnet de bord de la réunion du Groupe de travail ad hoc du 7 octobre 2022, par. 2.3 et 3.1.
[128] Ibid., par. 3.1 ; CM(2023)50-final, op. cit., pt. 5.
[129] GT-SOM4(2022)CB1, ibid., par. 3.5.
[130] GT-SOM4(2022)CB2, op. cit., par. 2.4 ; GT-SOM4(2022)CB3, 2 novembre 2022, Carnet de bord de la réunion du Groupe de travail ad hoc du 27 octobre 2022, par. 3.2 ; GT-SOM4(2022)CB4, op. cit., par. 7.
[131] SUM(2023)PV, 26 mai 2023, procès-verbal du 4e Sommet, discours d’Emmanuel Macron (France).
[132] Voir A. Ailincai, « Les tribulations des efforts de modernisation de l’arsenal normatif du Conseil de l’Europe en faveur de la protection de l’environnement », op. cit., p. 29.
[133] Voir p. ex. CM(2023)50-final, op. cit., pt. 4.
[134] Le Groupe chargé des négociations au Conseil de l’Europe a clôturé ses travaux en mars 2023 et a transmis au Comité des Ministres un ensemble de projets d’instruments d’adhésion. Il a été décidé que l’Union réglerait, en son sein, l’épineuse question du contrôle par la Cour européenne des droits de l’homme des actes de l’Union dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune. Voir CDDH, 46+1 (2023) R18, 17 mars 2023, Rapport de la 18e réunion du Groupe de négociation ad hoc du CDDH (« 46+1 ») sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, par. 7-8.
[135] GT-SOM4(2022)CB1, op. cit., par. 4.2.
[136] Décision (UE) 2023/1075 du Conseil du 1er juin 2023 relative à la conclusion, au nom de l’Union européenne, de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique en ce qui concerne les institutions et l’administration publique de l’Union, JO L 143I du 2 juin 2023, pp. 1–3 ; Décision (UE) 2023/1076 du Conseil du 1er juin 2023 relative à la conclusion, au nom de l’Union européenne, de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique en ce qui concerne les questions liées à la coopération judiciaire en matière pénale, à l’asile et au non-refoulement, JO L 143I du 2 juin 2023, pp. 4–6.
[137] Voir GR-SOC(2024)3, 5 février 2024, Conférence de haut niveau sur la Charte sociale européenne, Appel à contributions.