L’article L. 3341-1 du Code de la santé publique français relatif à la rétention en cas d’ivresse souffre-t-il de certaines imperfections auxquelles il serait possible de remédier ?
« La rétention d’une personne présumée en état d’ivresse publique et manifeste constitue une mesure de préservation de l’ordre public autant qu’une protection de la santé publique. Or, la formulation de l’article L. 3341-1 du Code de la santé publique français régissant cette mesure est telle que l’interprétation de son champ d’application pourrait affaiblir le principe du respect des droits et libertés fondamentaux. Cet article met en exergue la nécessité de proposer une nouvelle rédaction de la disposition législative en cause ».
Par Yassine Alsara, Docteur en droit privé et sciences criminelles
Assurément, la personne se trouvant manifestement ivre sur la voie publique met potentiellement en danger sa vie ou sa santé ou celles d’autrui. Cette situation particulière qu’est l’ébriété publique, marquée par un trouble temporaire de la raison, justifie le placement en rétention de l’intéressé. L’origine de cette mesure privative de liberté remonte à une loi française du 23 janvier 1873, dite Loi Roussel qui a créé la procédure d’ivresse publique et manifeste. Elle est régie aujourd’hui par l’article L. 3341-1 du Code de la santé publique, dont le premier alinéa dispose qu’« Une personne trouvée en état d’ivresse dans les lieux publics est, par mesure de police, conduite à ses frais dans le local de police ou de gendarmerie le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu’à ce qu’elle ait recouvré la raison ». Il est cependant essentiel de s’attacher à faire ressortir les imperfections importantes dudit article afin de mettre en évidence la nécessité de le réformer. Nous tenterons, dans ce contexte, d’aborder les deux points qui pourraient être les plus polémiques, à savoir ceux portant sur l’évaluation subjective de l’état d’ivresse (I), et ceux portant sur l’encadrement temporel du placement en rétention (II).
I. Une remise en cause de l’évaluation subjective de l’état d’ébriété de la personne interpellée
La Loi Roussel de 1873, qui a créé la procédure d’ivresse publique et manifeste ( IPM ), a une finalité répressive qui s’inscrit dans un contexte historique, celui d’une pétition d’élus, notamment bretons, contre l’ivrognerie présentée à la fin du second Empire ; cette pétition fut reprise par la majorité conservatrice de 1871, soucieuse dans le contexte de l’après-Commune d’éviter « la collusion de la Révolution et de l’alcool »[1]. Il s’agissait alors de réprimer les manifestations publiques de l’ivresse dans le cadre d’un dispositif original associant une répression pénale » une contravention « , à une mesure de rétention » le placement en cellule de dégrisement « . Les dispositions législatives concernant l’IPM ont été incorporées au Code des débits de boisson et des mesures contre l’alcoolisme par le décret n°55-222 du 8 février 1955, modifié par le décret du 30 août 1957 [2]. La Loi du 15 juin 2000 a incorporé par la suite les dispositions du Code des débits de boissons au Code de la santé publique, sous les articles L 3341-1 et R 3353-1.
Aux termes des dispositions de l’article L. 3341-1 susmentionné, l’ivresse ne donne lieu à une mesure de rétention qu’à la double condition qu’elle soit manifeste et constatée dans un lieu public. Ledit article ne trouve donc pas à s’appliquer à une personne se trouvant seulement sous l’emprise d’un état alcoolique. Mais, qu’entend-on exactement par le terme d’« ivresse publique et manifeste ( IPM ) » ?
En réalité, on cherche en vain, dans les textes, une définition standard » médico-légale » de l’ivresse qui s’avère particulièrement difficile à cerner. Le mot ivresse était issu du latin « ebrietas » ou « Ebrius », elle peut se définir comme l’état de la personne ivre » intoxiquée » produit par l’alcool occasionnant des perturbations dans l’adaptation nerveuse et de troubles de la coordination motrice [3]. Une autre définition considère une ivresse comme étant une manifestation comportementale de l’action de l’éthanol sur le fonctionnement cérébral [4].
Par lieux publics il faut entendre ceux qui sont destinés au passage, tels des lieux particulièrement sujets à la manifestation de cas d’ivresse : rues, chemins, places ou gare, etc., mais encore ceux qui sont librement accessibles au public, tels des églises, écoles, cafés, cabarets, théâtres et concerts publics, etc [5].
Le caractère manifeste de l’état d’ivresse, cela veut dire que celui-ci doit être certain et notable ; en d’autres termes, visible et cliniquement repérable d’une modification du comportement, que celui-ci soit verbal, moteur ou émotionnel. Les signes d’ivresse doivent être clairement manifestés, se différent de l’ivresse simple, c’est-à-dire être accompagnée d’un parfum de scandale qualitativement et quantitativement suffisant pour être repéré et considéré comme anormal. Tel serait le cas, à titre d’exemple, lorsqu’une personne, agitée et euphorique, chante à haute voix en milieu urbain[6]. La Cour de cassation a de son côté précisé les contours du concept d’ivresse manifeste, en considérant qu’il s’agit d’« un fait matériel qui se produit à tous les yeux et peut être constaté par tout le monde, à l’aide du témoignage des sens, sans qu’il soit nécessaire que le procès-verbal qui l’atteste relate, à l’appui, des faits particuliers »[7]. Dans une autre affaire, la Cour de cassation a également déclaré que « l’IPM doit être expressément constatée pour que soit justifiée la retenue du contrevenant » [8].
Or, un laconisme des dispositions de l’article L. 3341-1 se manifeste par le fait que la constatation de l’état d’ivresse ne se fonde sur aucun élément de preuve ou aucune mesure objective de l’alcoolémie ; cet article ne prévoit pas que la personne intéressée souffle dans l’éthylomètre par exemple, ou fasse l’objet d’une prise de sang pour établir la preuve de l’état alcoolique. Il s’en suit que l’état d’ivresse donnant lieu à une mesure de rétention au sens dudit article, n’exige pas le dépassement d’un seuil d’alcoolémie légalement déterminé tel qu’énoncé aux articles L234-1, L243-1, L244-1, L245-1 et R 234-1 du Code de la route [9], mais un état d’ivresse, qui, publique et manifeste, représente par cela même, potentiellement, un risque pour d’autres personnes ou pour la personne ivre elle – même, et qui crée un trouble à l’ordre public. Ainsi, l’interpellation d’une personne présumée en état d’ivresse s’appuie, au regard de la lettre et de l’esprit des dispositions légales en cause, sur la seule évaluation subjective des forces de l’ordre au travers de l’examen de comportement et de certain nombre de signes caractéristiques qui sont le plus souvent révélateurs de cet état, autrement dit, du constat d’un certain nombre de manifestations comportementales extérieurs « un comportement ébrieux ou anormal attribué à boire de l’alcool ». Il s’agit, en effet, de critères impressionnistes et subjectifs, généralement définis par la coutume et repris par la jurisprudence, comme, à titre d’exemple : yeux vitreux, démarche titubante, haleine sentant fortement l’alcool, logorrhée, injection conjonctivale, troubles de l’humeur et de la parole, propos incohérents, perte d’équilibre, à partir du témoignage de leurs sens, c’est-à-dire sur l’apparence, sans que cette évaluation ne soit, à aucun moment, objectivée par une mesure de l’imprégnation alcoolique. Le Conseil constitutionnel retient également cette évaluation subjective de l’état d’ivresse en disant qu’« il est un fait matériel se manifestant dans le comportement de la personne intéressée, [et que] cette évaluation relève du pouvoir de l’agent de police et de gendarmerie en fonction de certains signes »[10].
L’absence d’évaluation objective de l’état d’ivresse peut s’avérer dangereuse car les symptômes de l’ivresse peuvent varier d’une personne à l’autre. Dans d’autres cas encore, certaines manifestations extérieures qui vont lui être attribuées peuvent être imputables à une pathologie simulant l’ivresse, ou peuvent résulter de maladies autres que l’intoxication alcoolique ou encore des traitements médicamenteux. Il peut s’agir, à titre d’exemple, d’ivresse cannabique, de pathologies neurologiques ou encore d’un hématome sous-dural dont les signes cliniques s’apparentent à ceux de l’intoxication éthylique aiguë, dans ce cas-là, l’absence de prise en charge médicale adéquate pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour l’état de santé [11]. A ce titre, la France a été condamnée par la CEDH dans l’affaire Taïs en 2006 pour violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant le droit à la vie [12], dans une procédure ayant pour origine le décès d’une personne infectée par le Sida au cours de son placement en cellule de dégrisement. La motivation était fondée sur les négligences des services de police au regard de l’état de l’intéressé placé en cellule[13]. De même, la question des conditions ou des critères qui caractérisent l’état d’ivresse était mise en cause dans l’affaire Castelot c. France devant la CEDH qui avait déclaré recevable la requête de l’intéressé qui contestait à la fois son placement en cellule de dégrisement en ce qu’il était arbitraire car il n’était pas sous l’emprise de l’alcool lorsqu’il fut appréhendé par les policiers et en ce que « la Loi » en vigueur au moment des faits ne présentait pas un degré de précision et de prévisibilité satisfaisant, tant en ce qui concerne les conditions de l’arrestation que celles de la rétention. Les agents de police, ont soutenu, pour leur part, que l’intéressé présentait, lors de son interpellation, les signes caractéristiques de l’ivresse manifeste : yeux brillants, propos incohérents, haleine sentant l’alcool, équilibre instable[14].
C’est pourquoi il est souhaitable d’objectiver l’état d’imprégnation alcoolique de la personne interpellée de manière à faire face au risque qui pourrait toucher à sa santé. Il serait dès lors nécessaire de modifier l’article L. 3341-1 du Code de la santé publique pour compléter les signes habituellement relevés en cas d’ivresse, comme ceux mentionnés ci-dessus, par des instruments techniques objectivant incontestablement l’état d’ivresse. Les forces de l’ordre disposent largement de ces instruments et sont équipés dans leurs véhicules, il s’agit notamment « des éthylotests et des éthylomètres », des techniques permettant d’établir la présence d’alcool dans l’haleine par coloration, et d’évaluer l’alcoolémie par mesure du taux d’alcool dans l’air expiré. Il est toutefois important de souligner que ces instruments ne doivent pas être utilisés afin de mesurer le taux d’alcoolémie tel qu’il est prévu par le Code de la route, mais son objet est uniquement d’établir la présence ou non d’alcool. Cet élément s’ajoutera aux signes habituellement retenus et sera un élément objectif et irréfutable pour établir l’état d’ivresse de la personne interpellée, point de départ de la procédure. Ces appareils techniques offrent, en effet, des avantages juridiques et médicaux :
– Juridiquement : si l’éthylotest établi la présence d’alcool, il sera plus difficile pour la personne intéressée, à l’occasion d’un contentieux ultérieur, de contester le critère que s’est caractérisé son état d’ivresse, et ainsi il ne pourra pas prétendre avoir subi une privation arbitraire de liberté.
– Médicalement : dans le cas contraire si l’éthylotest ne révèle pas la présence d’alcool, cela confirmera la nécessité de conduire l’intéressé dans l’hospitalisation d’urgence car les symptômes de l’ivresse qu’il présente peuvent être liés à une pathologie dangereuse autre que l’intoxication alcoolique ou à une intoxication par des substances médicamenteuses ou illicites.
II. L’absence de limite à la durée de la rétention
Il ressort clairement des termes de l’article L. 3341-1 susmentionné que la durée de la rétention pour IPM est indéterminée, l’intéressé doit ainsi être retenu jusqu’à ce qu’il ait recouvré sa lucidité. Le cadre juridique de cette rétention prescrite par le texte présente en effet un paradoxe structurel : l’IPM donne lieu à une mesure de rétention, dont la durée n’est pas fixée par la Loi, alors qu’elle n’est sanctionnée que d’une contravention de deuxième classe[15] selon les dispositions de l’article R3353-1 du Code de la santé publique. Par ailleurs, cette situation est certainement préoccupante dans la mesure où le contrevenant présumé en état d’ivresse est considéré comme placé pour une durée illimitée dans les textes, dès son interpellation, sous l’autorité des forces de l’ordre qui se voient parfois contraintes de recourir à des moyens de coercition pouvant nuire à la santé du contrevenant. C’est le cas par exemple lorsque l’extrême état d’agitation de l’intéressé conduit les forces de l’ordre à utiliser les menottes.
Le Conseil constitutionnel a cependant refusé, dans sa décision du 8 juin 2012, le grief tiré du défaut de limitation dans le temps de cette mesure, en considérant que cette privation de liberté ne constitue pas une cause d’inconstitutionnalité parce que le placement en chambre de sûreté, selon le premier alinéa de l’article L. 3341-1 du Code de la santé publique, n’est permis que le temps nécessaire et se termine dès que l’intéressé recouvre la raison, la condition ainsi posée par le législateur a pour objet et pour effet de limiter cette privation de liberté à quelques heures au maximum. Le Conseil a donc jugé que « la mesure de rétention prévue par ledit article est conforme au principe selon lequel toute privation de liberté doit être nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs poursuivis de préservation de l’ordre public et de protection de la santé »[16]. La détention en cellule de dégrisement lui apparaît une mesure proportionnée à la menace que présente l’intéressé pour l’ordre public ou pour lui-même. Cette décision s’inscrit du reste parfaitement dans la jurisprudence de la Cour de cassation qui avait affirmé que « les forces de l’ordre s’efforcent d’apprécier, de façon la plus objective possible, comme lorsqu’elles caractérisent l’état d’ivresse, le moment à partir duquel la personne intéressée aura recouvré la raison de telle sorte qu’elle puisse être entendue utilement et dans le respect de ses droits »[17]. Dans le même sens, la CEDH avait jugé, dans l’affaire Witold Litwa c. Pologne en 2000, que « la personne dont le comportement sous l’influence de l’alcool constitue une menace pour l’ordre public ou pour elle- même, même si aucun diagnostic médical d’alcoolisme n’a été posé la concernant, peut être retenue à des fins de protection d’ordre public ou dans son propre intérêt. Elle avait relevé que le texte de la loi laissait la détermination de la durée du placement en cellule de dégrisement à l’entière appréciation des forces de police »[18]. La jurisprudence semble ainsi constante : l’encadrement temporel du placement en rétention pour IPM n’est pas contraire aux textes supra-législatifs en cause. Néanmoins, l’absence d’une limitation de la durée durant laquelle la personne ivre peut être retenue risque d’ouvrir la porte à une part d’arbitraire dans le fait de placer la personne en chambre de sûreté la durée que les forces de l’ordre jugeront nécessaire pour qu’elle recouvre tout son esprit, cette durée peut varier selon le niveau d’imprégnation alcoolique, donc, laissée à l’appréciation des forces de l’ordre saisis. L’absence de durée précise de rétention pour IPM contraste d’ailleurs avec d’autres mesures de rétention et dont la durée a été strictement encadrée par les textes de Loi. C’est la raison pour laquelle il nous apparaît indispensable de déterminer la durée maximale de cette rétention car de nature à garantir l’efficacité du dispositif actuel de l’IPM, notamment, au regard de l’impératif de protection tant de la personne ivre que de sa liberté individuelle.
En effet, la nature particulière de la rétention pour IPM, dont la finalité n’est pas l’enquête mais la protection de la personne intéressée et de l’ordre public, justifie que lui soit réservé un sort particulier par rapport à d’autres mesures privatives de liberté prévues par la Loi. Ces mesures ne devraient durer que le temps strictement nécessaire à la réalisation des objectifs pour lesquels elles sont légalement ordonnées. A cette fin, le législateur devrait retenir un plafond pour la durée de la rétention, quelle que soit sa forme juridique, pouvant aller de quelques heures à quelques jours ou mois, qu’elles soient susceptibles de prolonger ou non selon le type de la mesure. Il est, notamment, pertinent que la durée de la rétention pour IPM reste inférieure à celle que la Loi fixe en matière, par exemple, de rétention administrative des étrangers en vue de leur éloignement ( 48h, éventuellement prolongée pour une durée n’excédant pas 90 jours, art. L551-1, L552-1 à L552-6 et art. L552-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), de rétention douanière (24h renouvelable une fois, art. 323-2 du Code des douanes) ou encore de garde à vue (24h renouvelable une fois, art. 63 du Code de procédure pénale ; cette durée peut faire, à titre exceptionnel, l’objet d’une prolongation supplémentaire, portant ainsi la durée totale à 96 h, voire 144 h, soit 6 jours pour les infractions particulièrement graves, art.706-88 dudit Code ), mais qu’elle soit, en revanche, plus importante que celle prévue dans le cadre d’une simple rétention aux fins de vérification d’identité (4 h, ou 8 h à Mayotte, art. 78-3 al 3 du Code de procédure pénale).
Mais fixer dans le texte de la Loi une durée maximale de rétention pour IPM n’est pas aussi facile qu’il y paraît puisque le temps de dégrisement varie selon la constitution des personnes et leur niveau d’imprégnation alcoolique. Or, le principe de la liberté des individus en tant que droit fondamental garanti par des textes nationaux et internationaux[19], oblige à sortir du flou juridique actuel, en fixant, par le texte de Loi, à l’instar de ce qui a été fait en matière d’autres mesures de rétention telles qu’évoquées supra, la durée maximale de la rétention pour IPM. Sur le plan médical, il a été démontré que la décroissance moyenne de l’alcoolémie s’opèrerait à raison de 0,15 gr/ l / h. 12h représentent par conséquence le temps nécessaire pour dissiper une alcoolisation de près de deux grammes, ce qui constitue une alcoolisation déjà sévère. Au-delà de ce taux, il est probable que l’intéressé doive être hospitalisé. La mission d’évaluation de la procédure d’ivresse publique et manifeste avait donc recommandé, dans son rapport de février 2008, de retenir une durée de 12h comme limite maximale de la durée de rétention du fait de l’IPM [20]. Cette recommandation se base clairement sur une opinion médicale selon laquelle il serait difficile d’être encore en état d’ivresse plus de 12h après avoir cessé de boire.
Dans cette optique, il serait légitime de réviser la disposition législative en vigueur en tenant surtout compte de considérations médicales. Pour ce faire, une nouvelle formulation de l’article 3341-1 du Code de la santé publique, doit être proposée qui fera de 12h une limite maximale ferme de la durée de rétention. La personne concernée doit être considéré en situation de rétention, donc de contrainte, dès son interpellation par les forces de l’ordre. Cette durée semble suffisante pour s’assurer de l’état de santé de la personne interpellée, qu’elle subisse la visite médicale durant sa rétention au poste de police ou de gendarmerie le plus proche ou dans une chambre de sûreté, ou qu’elle la subisse à l’hôpital si la situation l’exige. Il convient de noter ici que la durée de 12h renvoie au régime applicable en matière de rétention des mineurs délinquants de 10 à 13 ans [21]. La vulnérabilité et la fragilité particulières de la personne en état d’ivresse peuvent venir justifier qu’un niveau de protection équivalent à celui du mineur de moins de 13 ans lui soit garanti en ce qui concerne la privation de liberté.
La conclusion évidente à tirer de ce qui précède est que législateur doit agir en vue de mieux encadrer la mesure de rétention pour IPM par la Loi ; il pourrait être intéressant de proposer une nouvelle rédaction de l’article L. 3341-1 du Code de la santé publique afin de combler les vides juridiques qui concernent tant l’aspect sanitaire de l’IPM que l’aspect touchant à la liberté individuelle. Le complément qui serait proposé consisterait, à la lumière de la nouvelle rédaction de la disposition législative en cause, à :
– Prévoir, notamment, une évaluation objective de l’ivresse manifeste par éthylotest, le résultat se cumulant avec les signes habituellement relevés ;
– Limiter la durée maximale de la rétention à 12h.
[1] V. Didier Nourrisson, Le buveur du XIXème siècle, Albin Michel, Paris .1990, p. 383 et s.
[2] Les dispositions législatives concernant l’IPM ont ensuite été réaménagées, à plusieurs reprises, par voie de Lois, de Décrets et d’Ordonnances : Ordonnance du 29 novembre 1960 ; Lois du 5 juillet 1974 et du 10 janvier 1991 ; Décrets du 29 novembre 1960, du 1er octobre 1966, du 1er octobre 1971, du 29 mars 1993 et du 10 août 1994.
[3] V. Guillaume GIRET, Ivresse publique et responsabilité pénale, Faculté de médecine, Lyon sud. 2007, p. 72.
[4] V. INSERM Expertise collective, Alcool, effet sur la santé, INSERM, Paris. 2001, p. 358.
[5] La Loi n°2011-392 du 14 avril 2011 portant modification de l’article L3341-1 du Code de la santé publique, a substitué l’expression des « lieux publics » à l’énumération des « rues, chemins, places, cafés, cabarets ou autres lieux publics » parce que cette nouvelle expression est plus sobrement.
[6] Guillaume GIRET, Ivresse publique et responsabilité pénale. op. cit., p. 63 – 72.
[7] Cass. crim., 24 avr. 1990, pourvoi n° 89-81.515, Bull.crim.1990., n° 152, p. 400.
[8] Cass. crim., 11 janv. 2001, pourvoi n° 00-82024 ; juris-data n°2001-008733, Bull. crim.2001., n° 7, p. 15.
[9] En ce qui concerne le fait de conduite un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique, le Code de la route prévoit un taux contraventionnel de 0,20 gramme/L de sang pour le conducteur novice, 0,50 gramme/L de sang pour le conducteur expérimenté (mesuré par prélèvement sanguin), ou 0,10 milligramme/L d’air expiré pour le conducteur novice, 0,25 milligramme/L d’air expiré pour le conducteur expérimenté (mesuré par l’éthylomètre), et un taux délictuel de 0,80 gramme/L de sang, ou 0,40 milligramme /L d’air expiré.
[10] Cons. const. n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, consid 5 ; JO du 9 juin 2012, p 9796, texte n° 41, Rec, p. 289.
[11] Voir à ce sujet la Lettre du Défenseur des Droits, Lettre n°6 – mars 2014, p. 20.
[12] L’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la Loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la Loi. La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire : pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ; pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ».
[13] CEDH, 1er juin. 2006, Taïs c/ France, n° 39922/03, §§ 96-110.
[14] CEDH, 21 juin. 2007, Castelot, c / France, n° 12332/03.
[15] 150 euros au plus : c’est le montant de l’amende pour les contraventions de la 2e classe, art. 131-13 du Code pénal.
[16] Cons. const. n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012, consids 6 et 7. op. cit., texte n° 41, Rec, p. 289.
[17] Cass. crim., 10 mai. 2000, pourvoi n° 00-80865, Bull. crim 2000., n° 181, p. 528.
[18] CEDH, 4 avr. 2000, Witold Litwa c / Pologne, n° 26629/95, §§ 15 – 61, CEDH 2000-III.
[19] La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, art. 1, 2 et 7 ; La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, art. 1, 3, et 9 ; La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950, art. 5 ; La Constitution française de 1958, art. 66.
[20] Voir à ce sujet le Rapport de février 2008 sur l’évaluation de la procédure d’Ivresse publique et manifeste, p. 62.
[21] La rétention du mineur délinquant de 10 à 13 ans est limitée au temps nécessaire à l’interrogatoire du mineur et à sa présentation devant le magistrat chargé de l’enquête. Elle ne peut pas dépasser une durée initiale de 12 h. La retenue peut être prolongée une seule fois pour 12 h à titre exceptionnel, sur décision du magistrat chargé de l’enquête. Le mineur doit d’abord être présenté au magistrat avant toute prolongation. Ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs, art. 7, portant abrogation des dispositions du texte de référence en matière de justice des mineurs : Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, art.4, modifié par la Loi n°2019-222 du 23 mars 2019, art. 94.