Dangerosité et droits fondamentaux : Dangerosité et sphère familiale (Table ronde n°2)
Contribution
Par Cathy POMART, Maître de conférences HDR en droit privé et sciences criminelles, Université de La Réunion
Le constat de départ, à l’observation du corpus textuel régissant la matière familiale, est le suivant : la dangerosité est un critère peu présent formellement s’agissant des interventions étatiques dans la sphère familiale pour garantir les droits fondamentaux.
Concernant l’enfant, la notion la plus utilisée est celle de danger. Il est cependant intéressant de noter que le terme de danger est souvent assorti d’un qualificatif comme si le terme était en lui-même insuffisant : les textes peuvent viser le danger caractérisé ou manifeste, etc. Si en matière d’exercice de l’autorité parentale, l’article 373-2-9 du Code civil (intervention du JAF dans l’exercice de l’autorité parentale) et l’article 373-2-1 (exercice de l’autorité parentale dans un espace rencontre) se contentent d’une référence au seul « danger », les articles 375, 375-3, 375-5, 375-7 du Code civil, en matière d’assistance éducative, visent le « danger caractérisé » et l’article 378-1, en matière de retrait de l’autorité parentale, retient quant à lui le critère du « danger manifeste ». Dans toutes ces hypothèses, le danger est celui qui découle d’une situation familiale et/ou d’un comportement parental. En cas d’exposition de l’enfant à ce danger, une situation de risque apparaît[1]. La notion de risque[2] est d’ailleurs également formellement présente à l’article 348-6 du Code civil (possibilité pour le juge de passer outre le refus abusif de consentir à l’adoption dès lors qu’un ou les deux parents s’est / se sont désintéressé(s) de l’enfant au risque d’en compromettre la santé ou la moralité).
Concernant les rapports de couple, le critère classique est celui de péril tant dans le régime primaire (Cciv., art. 220-1 : mesures urgentes au sein du couple dans l’hypothèse d’un manquement grave d’un époux à ses devoirs) que dans le régime de communauté légale (Cciv., art. 1429 : péril sur les intérêts de la famille ; art. 1443 : séparation de biens en justice si un péril pèse sur les intérêts de l’autre conjoint). Le péril n’est pas défini par le Code civil (pas plus d’ailleurs que par le Code pénal alors pourtant que la notion est utilisée dans certaines qualifications pénales)[3]. La doctrine et la pratique considèrent qu’il s’agit d’un « danger caractérisé par son imminence et sa gravité »[4]. Les mesures prévues en cas de péril s’inscrivent dans un contexte d’urgence du fait de l’immédiateté du danger.
Par la suite, est apparu, à la faveur de l’adoption de la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 et dans l’hypothèse particulière des violences conjugales, le critère du danger (Cciv., art. 515-9, 515-10 et 515-11 qui régissent le conditions de délivrance et les effets de l’ordonnance de protection), critère déjà bien connu s’agissant de la protection de l’enfant et qui est désormais mobilisé également au sein de la relation conjugale.
Il faut enfin signaler l’apparition, en 2010, du critère de dangerosité à l’article 131-36-12-1 du Code pénal[5]. Le texte qui traite de la mesure de sûreté de placement sous surveillance électronique mobile concerne non seulement la relation de couple mais également la relation parent / enfant(s). Le dispositif repose sur une expertise médicale constatant la dangerosité du conjoint / de l’ex-conjoint et parent violent qui a déjà été condamné en amont. Le législateur a eu la volonté de prévenir de nouvelles violences[6]. On peut se demander s’il n’y a pas là – du fait de la mobilisation de ce critère – une évolution conceptuelle en matière de gestion des aléas au sein de la famille.
Plus globalement, les questionnements fusent lorsqu’on aborde la dangerosité et les droits fondamentaux au sein de la sphère familiale : si on souscrit à ce premier constat de l’absence quasi-totale de ce concept de la matière au jour présent dans les textes (nous verrons ultérieurement ce qu’il en est pour la jurisprudence et la pratique professionnelle), peut-on / faut-il promouvoir le critère de la dangerosité pour guider, voire commander, l’intervention étatique dans la sphère familiale ? En d’autres termes, quels seraient les enjeux et la plus-value de la mobilisation de ce critère au sein de la sphère familiale ?
Cette question implique une interrogation préalable : Que doit-on mettre derrière le critère de dangerosité et quelle différence doit-on effectuer entre danger et dangerosité ? Une piste consisterait à considérer la dangerosité comme un potentiel danger, là où le danger serait caractérisé, voire manifeste et donc avéré. Mais si tel est le cas, pourquoi nombre de textes feraient-ils référence au danger « caractérisé » ou « manifeste » et non pas simplement au danger ? La définition du concept mériterait d’être précisée, d’autant que le questionnement peut se prolonger. Ce concept doit-il recevoir la même acception en droit de la famille que celle qui lui est attribuée dans d’autres branches du droit ? Une certitude s’impose à nous à ce stade : la notion de dangerosité (comme celle de danger qui a été apprivoisée progressivement par les praticiens) nécessite une appréciation pluridisciplinaire, un croisement des regards… d’où l’enjeu des échanges de ce colloque.
Par ailleurs, la notion de dangerosité peut-elle être un outil intéressant au service des droits fondamentaux en matière familiale ? La dangerosité permet-elle / implique-t-elle une intervention anticipée, en ce qui nous concerne, dans la sphère familiale ? La mobilisation du critère de dangerosité permettrait-elle une meilleure protection des droits fondamentaux ?
- A priori, lorsqu’on évoque la dangerosité, le risque n’est pas nécessairement avéré. L’enjeu serait donc celui de l’anticipation. Force est de reconnaître alors que la dangerosité ne permet pas nécessairement une meilleure protection des droits fondamentaux. Il faut en effet avant toute chose savoir de quels droits fondamentaux on parle. Ceux de la personne que l’on pense susceptible d’être menacée ? Sans doute, une intervention précoce permet-elle d’éviter le pire. Ceux de la personne qui crée ou contribue à créer la situation dangereuse ? Cette intervention prématurée n’est pas la panacée. Il est important de ne pas tolérer d’immixtions trop précoces dans la cellule familiale. Ne perdons pas de vue qu’il n’est pas certain que le danger se concrétise.
- Le recours à la notion pourrait aussi avoir pour conséquence de favoriser la diffusion d’un discours sécuritaire. Le terme dangerosité n’est pas/plus neutre. Il traduit la recherche d’une augmentation de la sécurisation et s’inscrit dans une dynamique de quête d’une « société du 0 risque ». Peut-être l’enjeu de la diffusion de ce type de discours via l’affirmation de ce critère est-il celui de la vigilance et de la mobilisation collectives.
La notion de dangerosité paraît aujourd’hui fragilisée par son manque de précision. Faut-il s’attacher à affiner la notion, à la clarifier pour lui permettre de s’affirmer ? Il semble que la volonté d’objectiver la notion de « dangerosité » se heurte à la dimension subjective évidente du concept. Nous verrons dans quelle mesure les outils classiques proposés par la loi aux professionnels des secteurs social et judiciaire (autrement dit, les autres critères d’intervention) suffisent pour l’essentiel.
Le sujet nous conduit à mener une réflexion sur le danger et la dangerosité qui viennent de l’intérieur de la famille. S’agissant de la forme de cette menace, a priori, on imagine des maltraitances ou des menaces de maltraitance (violences physiques, sexuelles, psychologiques), mais également des carences et des négligences graves, des refus de principe paralysant des situations, provenant d’une personne / d’un membre de la cellule familiale soit directement soit indirectement (participation à la création d’une situation dangereuse ou refus de réagir face à une situation dangereuse). Pour ce qui est de la personne exposée à la menace, il peut s’agir d’un membre du couple et/ou d’un enfant. Quant à l’auteur de la menace, il peut s’agir du conjoint / de l’ex-conjoint ou du(des) parent(s)[7], volontairement ou non, directement ou du fait d’un concours de circonstances.
Les situations dangereuses peuvent donc tour à tour menacer l’enfant (I) ou un membre du couple / de l’ex-couple (II) : nous les aborderons successivement, étant précisé qu’elles peuvent hélas parfaitement se conjuguer.
I – Enfant et situations dangereuses
Comment garantir les droits fondamentaux de l’enfant (droit à la santé, droit à la sécurité, droit à l’éducation, droit à une vie familiale normale, droit à une vie privée, etc.) face à une telle menace de danger ? La plupart des droits de l’enfant passent au second plan lorsque le mineur est exposé à des violences ou à une situation dangereuse au sein de la sphère familiale, l’intervention des autorités étant centrée en première intention sur le noyau dur à savoir la sécurité de l’enfant.
Les défis premiers sont ceux de la détection et de l’accompagnement des mineurs exposés. La détection notamment est un véritable défi compte tenu du cercle intime concerné. Puis viennent les défis de la prévention et de la formation[8].
Les interventions étatiques dans le cadre familial ne relèvent pas de l’évidence. En effet, la famille est classiquement perçue comme devant être un lieu privilégié de protection d’où l’adoption et l’amélioration progressives d’un corpus spécifique. Il s’est agi d’appréhender les violences dirigées contre le mineur, le contexte de violences auquel peut être exposé le mineur ou les carences parentales.
Des mesures permettent une intervention étatique administrative (du département / de l’Aide sociale à l’enfance) et/ou judiciaire (civile et / ou pénale) dans la sphère familiale. On constate la complémentarité de ces mesures et surtout des critères de déclenchement des mesures. Si le critère phare reste le danger, le péril occupe également une place intéressante en tant que critère de déclenchement d’une protection de l’enfant par le droit pénal via, notamment, les infractions de mise en péril des mineurs.
A – Un critère phare et indétrônable : le danger
S’agissant d’aborder la relation parent(s) / enfant, le réflexe est de repartir de la définition de l’autorité parentale qui est conçue, au sens de l’article 371-1 alinéa 1 du Code civil, comme un ensemble de droits et de devoirs corrélatifs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. L’objectif de l’autorité parentale est présenté à l’article 371-1 alinéa 2 qui précise qu’il s’agit de « protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Ce dernier texte liste les besoins fondamentaux de l’enfant qu’il faut pouvoir lui garantir.
Dans un contexte de violences du(es) parent(s) ou de violences à laquelle le(s) parent(s) ne fait(font) pas rempart voire de carences parentales, il est nécessaire que l’Etat intervienne pour accompagner les familles mais il est important d’éviter l’arbitraire et de limiter les immixtions dans la cellule familiale. C’est la raison pour laquelle ces immixtions ne sont envisageables qu’en cas de danger pour l’enfant. Le législateur n’a délibérément pas voulu définir la notion de danger au cœur de la protection du mineur[9]. Cette prise de position législative permet une adaptabilité optimale aux situations et repose sur la confiance en les praticiens. Elle n’en reste pas moins susceptible de prêter le flanc à la critique du fait du manque de prévisibilité des atteintes aux droits des membres de la cellule familiale qu’elle génère. Notons que la même notion est utilisée pour la protection administrative et la protection judiciaire du mineur ; en matière d’assistance éducative, de retrait d’autorité parentale et même en matière d’enlèvement international d’enfant[10]. La définition du danger a donc été tirée de l’article 375 du Code civil[11] : le danger est ce qui touche à la santé, la sécurité, la moralité ou aux conditions d’éducation ou de développement d’un enfant.
La caractérisation du danger repose sur un croisement des regards de professionnels des secteurs médical, social et éducatif. Les différents intervenants dans le domaine de la protection de l’enfant disposent aujourd’hui de repères pour caractériser le danger … pourquoi bouleverser les choses pour préférer la dangerosité ?
Les professionnels ont circonscrit la notion de danger. Ce danger peut être d’ordre physique (agressions corporelles ou sexuelles, corrections exagérées[12]) mais il peut également être d’ordre psychique ou psychologique[13]. Le danger doit être réel (non hypothétique), certain (non éventuel) et actuel[14]. Cette caractérisation s’opère sur la base d’éléments factuels, précis et avérés.
Les juges du fond apprécient souverainement l’existence du danger, ainsi que sa gravité[15]. Le danger doit être apprécié in concreto, c’est-à-dire en fonction de la situation personnelle du mineur. Ainsi, si le système français de protection de l’enfance a pris appui, ab initio, sur une appréciation abstraite de l’intérêt de l’enfant selon laquelle il convient de préserver le lien familial d’origine et de maintenir le mineur dans sa cellule familiale, dans la mesure du possible (cf. infra), ces postulats ont évolué notamment depuis 2016 au profit d’une approche casuistique (CASF, art. L. 112-3). La Cour de cassation considère que l’évaluation concrète du danger appartient aux différents intervenants sociaux et relève, en dernier ressort, du pouvoir souverain d’appréciation des juges. L’imprécision relative du terme « danger » ne saurait pour autant justifier l’arbitraire du juge, qui doit, en vertu de l’article 455 du Code de procédure civile, motiver sérieusement sa décision[16].
A la lumière de la jurisprudence, il est également possible de tenter une définition négative du danger en précisant ce qu’il n’est pas. Le danger n’est pas le conflit parental : un tel conflit n’est pas exigé par les textes ; par ailleurs, tout conflit parental ne met pas nécessairement – fort heureusement – l’enfant en danger. Le danger n’est pas l’urgence : le danger peut exister avant de se transformer en menace imminente. Par ailleurs, en matière d’assistance éducative, l’urgence peut toutefois servir de fondement à une intervention judiciaire particulière[17]. Le danger n’est pas automatiquement synonyme de carences éducatives. Enfin, le danger n’est pas nécessairement la conséquence d’une faute des parents.
Ce critère de danger est mobilisé notamment en matière d’assistance éducative comme en matière de retrait de l’autorité parentale.
S’agissant tout d’abord des décisions prises en matière d’assistance éducative (Cciv., art. 375 à 375-9), ces mesures peuvent être ordonnées si l’enfant se trouve dans une situation de danger, danger qui doit être suffisamment caractérisé[18]. Le Parquet est à l’origine d’une majorité des saisines des magistrats du siège. C’est le destinataire des signalements émanant des services officiels (notamment de l’ASE). Le passage des signalements entre les mains du procureur lui permet de porter une première appréciation sur ces situations. Le Parquet peut ainsi engager sans délai des investigations et en cas d’urgence, il peut même prendre certaines mesures d’assistance éducative, en application de l’article 375-5 al 2 du Code civil.
Les acteurs des champs médical et social comme les magistrats du parquet et du siège ont l’obligation de réfléchir à la caractérisation du danger sur la base d’éléments factuels, précis et avérés[19]. La Cour de cassation considère que l’évaluation concrète du danger relève in fine du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. Divers principes peuvent guider le juge : le maintien dans le milieu actuel – AEMO – chaque fois que cela est possible (Cciv., art. 375-2) ; par exception, la possibilité de confier l’enfant à un tiers : le placement est envisagé si la protection du mineur l’exige, autrement dit si le danger subsiste (Cciv., art. 375-3). L’étude de la jurisprudence laisse apparaître quelques tendances. Le juge s’oriente vers un placement s’il est constaté une impossibilité d’intervenir dans la famille soit parce qu’il est impossible de pénétrer dans les lieux (dans ce cas souvent, une mesure d’urgence peut être déclenchée sur la base d’un danger présumé) ; soit parce que des interventions en milieu ouvert ont déjà eu lieu et n’ont pas permis de rétablir la situation ; soit parce que la famille oppose un refus de coopérer. Pour la Cour EDH, l’éloignement du milieu familial n’est envisageable que si et seulement si celui-ci n’est pas en mesure d’apporter au mineur la sécurité nécessaire et tout doit avoir été tenté, en amont, pour sécuriser les enfants dans leur milieu familial habituel[20].
Concernant à présent la décision de retrait de l’autorité parentale (Cciv., art. 378 et 378-1), cette mesure peut être prononcée à la suite d’une condamnation pénale pour crime ou délit du/des parent(s) ou de l’enfant (Cciv., art. 378)[21] mais le retrait peut également être envisagé en dehors de toute condamnation pénale (Cciv., art. 378-1). L’article 378-1 du Code civil vise en réalité deux hypothèses : celle du danger manifeste, volontaire ou non (mauvais traitements / consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques / usage de stupéfiants / inconduite notoire ou comportements délictueux notamment lorsque l’enfant est témoin de pressions ou de violences exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre / défaut de soins / manque de direction, mettant manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant), mais également celle du désintérêt intentionnel (mesure d’assistance éducative prise à l’égard de l’enfant, or les père et mère, pendant plus de 2 ans, se sont volontairement abstenus d’exercer les droits et de remplir les devoirs que leur laissait l’article 375-7). Le retrait n’est donc pas limité aux seules hypothèses de danger mais concerne aussi les hypothèses de désintérêt et de condamnation pénale[22] (dont on peut se demander si la raison d’être n’est pas également le danger ou la dangerosité).
Lorsque le retrait est envisagé sur le fondement du danger, la mesure comporte une exigence accrue : le danger doit être manifeste. Le qualificatif « manifeste » marque la différence entre le retrait et l’assistance éducative. L’article 375 du Code civil protège l’enfant en danger caractérisé par une mesure d’assistance éducative. Avec le retrait, on se trouve face à des situations familiales jugées plus gravement menaçantes. Précisons en outre que le danger manifeste ne peut être retenu que dans la mesure où l’enfant souffre de la situation[23].
Les juges du fond jouissent d’un double pouvoir souverain d’appréciation qui porte, d’une part, sur la gravité des faits reprochés au parent et, d’autre part, sur l’opportunité de la mesure pour l’enfant (comme en matière d’assistance éducative)[24]. L’appréciation du danger manifeste se réalise in concreto[25]. Le danger causé par le comportement parental est le plus souvent d’ordre physique. Il peut également être psychologique ou sexuel. Dans ce cas, les magistrats ont souvent recours à une ou plusieurs expertises pour évaluer la dangerosité du parent auteur du danger. La menace que représente le comportement parental doit être réelle et actuelle[26]. Les magistrats peuvent prendre en compte le comportement des parents et son évolution depuis les faits pour refuser d’ordonner le retrait[27]. Ils peuvent en outre considérer les risques de réitération des faits / la récidive ainsi que la personnalité de leur auteur[28]. On glisse alors – discrètement mais sûrement – vers un raisonnement reposant sur la dangerosité.
Effectivement, si le critère du danger est clairement affirmé dans les textes, de manière latente, le concept de dangerosité diffuse : dans la jurisprudence, des références à la dangerosité peuvent se rencontrer dans le raisonnement des magistrats lorsqu’ils appliquent l’article 371-4[29], l’article 373-2-1[30], l’article 373-2-6[31], l’article 375-3[32] ou encore l’article 378-1[33] du Code civil.
Par ailleurs, dans le cadre de sa mission de prévention, le président du conseil départemental recueille, traite et évalue les informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être (CASF, art. L. 221-1, 5° et R. 221-1) [34]. Le rôle de la cellule de recueil des informations préoccupantes nous situe en amont du danger. Le président du conseil départemental doit aviser sans délai le procureur de la République si les actions engagées par l’ASE ne permettent pas de remédier à la situation[35] ou si aucune action ne peut être mise en place en raison du refus de la famille d’accepter l’intervention de l’ASE ou de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service. De même, lorsqu’un mineur est présumé être en situation de danger mais qu’il est impossible d’évaluer cette situation, le procureur de la République est avisé sans délai. Le juge des enfants peut donc être informé de l’existence d’une situation de danger pour l’enfant, réelle ou potentielle[36]. L’intervention, en amont même du danger, doit permettre une meilleure protection des droits fondamentaux de l’enfant, au premier rang desquels, la santé et la sécurité.
B – Un critère complémentaire : le péril
Si on s’intéresse à la réaction pénale possible dans les hypothèses d’enfance en danger, on peut noter que les qualifications pénales envisageables sont variées. Classiquement, ces qualifications pénales requièrent une atteinte et donc un danger qui s’est concrétisé. Plus exceptionnellement, le droit pénal accepte d’intervenir même lorsque l’atteinte n’est pas encore établie précisément dans une hypothèse de mise en péril.
Si une atteinte à l’intégrité du mineur est établie, il est naturellement possible de retenir la qualification de violences volontaires étant précisé que la qualification de l’infraction et la peine en matière de violences volontaires sont fonction de la gravité du résultat, ce qui peut sembler curieux s’agissant d’un résultat non recherché. On distingue donc quatre paliers de répression (Cpén., art R. 625-1[37], art. L. 222-11[38], art. L. 222-9[39], art. L. 222-9[40]), de la contravention au crime. Des circonstances aggravantes peuvent être mobilisées, les qualifications de violences habituelles sur mineur de 15 ans ou sur personne d’une particulière vulnérabilité pouvant être recherchées (Art. 222-14 Cpén.). Peut également être mobilisée la qualification de violences psychologiques (C.pén., art. 222-14-3 issu de la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010) même si celle-ci apparaît largement redondante par rapport à celles de violences volontaires dès lors que les violences volontaires ont toujours pu être psychologiques[41]. S’agissant toujours des atteintes, on peut songer à la mobilisation des qualifications d’agression sexuelle aggravée[42], de viol aggravé[43], d’atteinte sexuelle[44] et même – depuis la loi n°2016-297 du 14 mars 2016 –, à la surqualification de viol ou d’agression sexuelle incestueux(se)[45].
La question s’est posée de la possible justification de ces violences dans l’hypothèse particulière de ce qui est parfois appelé les « violences éducatives ». Corriger un enfant (fessée, gifle) constitue un acte de violence volontaire. Cette pratique a pu cependant parfois être tolérée en tant que conséquence coutumière de l’autorité parentale. Toutefois, ce « droit » coutumier n’a jamais pu justifier toutes les violences, loin s’en faut. Le juge civil comme le juge pénal ont toujours veillé à ce que les parents ne confondent pas nécessités pédagogiques et maltraitance. Selon la jurisprudence, il devait être exercé dans l’intérêt de l’enfant (but éducatif), conformément à la dignité de l’enfant et en respectant une certaine mesure (la santé de l’enfant) – les abus étaient sanctionnés. Les châtiments excessifs qui mettaient en danger la santé physique ou morale de l’enfant provoquaient l’intervention du juge des enfants au titre de l’assistance éducative, du tribunal de grande instance au titre du retrait de l’autorité parentale et du juge pénal. La loi n°2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires est venue rappeler formellement la prohibition de tout châtiment corporel.
Plus intéressante apparaît la possibilité offerte par notre droit pénal d’une réaction et donc d’une condamnation sur la base du péril, autrement dit d’une menace… Il est fait ici référence à la mise en péril des mineurs (intitulé d’une section du Code pénal)[46]. On se concentrera sur les infractions de mise en péril du mineur par / au sein de sa cellule familiale.
On peut songer tout d’abord au délit de privation de soins ou d’aliments. L’article 227-15 alinéa 1 du Code pénal dispose que « le fait, par un ascendant ou toute autre personne exerçant à son égard l’autorité parentale ou ayant autorité sur un mineur de quinze ans, de priver celui-ci d’aliments ou de soins au point de compromettre sa santé est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende ». L’infraction est passible de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’elle a entraîné la mort de la victime (Cpén, art. 227-16).
Ce délit tire son origine d’une loi du 19 avril 1898 qui a complété l’article 312 du Code pénal de l’époque (lequel concernait les violences commises sur les mineurs). On le présente souvent comme une réaction à l’affaire dite de la séquestrée de Poitiers jugée par la Cour d’appel de Poitiers le 20 novembre 1901. Cette infraction est intéressante en raison de l’assimilation faite par le législateur entre une omission et des actes positifs de violence, ce qui a d’ailleurs conduit à qualifier le délit d’infraction de commission par omission.
La matérialité de l’infraction nécessite une privation de soins ou d’aliments d’une part[47] et l’exigence que celle-ci soit « au point de compromettre » la santé de la victime d’autre part. Le délit, qui supposait, avant le Code pénal de 1994, que la victime ait subi une atteinte à son intégrité physique, semble devenu un délit formel. En effet, la compromission de la santé ne signifie pas nécessairement que la victime a subi une altération effective de sa santé. Cette infraction est d’ailleurs habituellement classée parmi les mises en danger. En pratique cependant, il est à redouter que l’infraction ne puisse être décelée qu’en présence d’une altération plus ou moins grave de la santé de la victime.
Le texte n’est applicable que si les auteurs de la privation de soins ou d’aliments sont des ascendants de la victime, une personne exerçant l’autorité parentale ou une personne ayant autorité sur le mineur. Ceci signifie que si l’auteur des faits ne présente pas ces qualités, il ne peut être poursuivi du chef de ce délit mais reste punissable notamment pour non-assistance à personne en péril ou pour atteinte à l’intégrité physique, voire pour homicide par imprudence.
Le délit de l’article 227-15 du Code pénal requiert une intention qui suppose la conscience qu’il résulterait pour la victime une altération de la santé suite aux privations de soins et d’aliments[48]. Par conséquent, l’auteur des faits doit avoir parfaitement conscience du risque pour la santé de l’enfant qu’il lui fait courir. La question de l’intention peut se poser dans certains cas où les auteurs invoquent par exemple des croyances religieuses leur interdisant le recours à tel traitement déterminé pour leurs enfants. Il paraît clair qu’il ne s’agit ici que de mobiles ne faisant pas disparaître l’intention, dès lors que les personnes poursuivies sont parfaitement informées des dangers auxquels ils soumettent les victimes. En tout état de cause, si un doute existe sur l’intention et qu’un dommage est survenu, les délits d’atteintes à l’intégrité physique et d’homicide par imprudence peuvent être appliqués, les textes réprimant ces délits assimilant les omissions aux actes positifs.
On peut également évoquer la soustraction sans motif légitime des pères et mères à leurs obligations légales. L’article 227-17 du Code pénal incrimine un comportement proche de l’infraction de privation de soins. Cette soustraction peut générer une situation de danger, le danger étant potentiel mais non encore réalisé. L’article 227-17 du Code pénal prévoit à ce titre que « le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ». Cette infraction est assimilée à un abandon de famille. L’intention coupable réside dans la volonté de se soustraire à ses obligations légales parentales. Cette infraction générale fait doublon (au moins partiellement) avec la privation de soins et d’aliments.
On peut encore signaler à la marge des qualifications ne fonctionnant pas véritablement sur le même moule, comme par exemple le non-inscription de l’enfant dans un établissement d’enseignement (Cpén., art. 227-17-1 al. 1).
Si l’enfant peut être exposé à des situations dangereuses au sein de la cellule familiale, de telles situations se rencontrent également au cœur même de la relation de couple.
II – Couple et situations dangereuses
Comment garantir les droits fondamentaux du conjoint / de l’ex-conjoint dans le cadre de cette urgence, face à une telle menace de danger ? L’étude du droit positif permet de dresser le constat de la diversification des critères d’intervention. Il semble nécessaire de clarifier ces critères. Le glissement qui s’opère vers le danger et la dangerosité permet de noter un changement de signification et d’objectif de l’intervention étatique au sein de la famille.
A – Une référence classique : le péril
Le domaine d’intervention de ce critère du « péril » est celui des crises au sein du régime matrimonial Les questions ont trait principalement à la gestion de biens (même si ce n’est exclusivement) et peuvent nécessiter une intervention du juge aux affaires familiales.
S’agissant du régime primaire, on peut tout d’abord évoquer l’article 220-1 du Code civil qui vise l’hypothèse des mesures de crise provisoire prises par le JAF en cas de manquement grave d’un époux à ses devoirs mettant en péril les intérêts de la famille. Concernant le régime de communauté, on peut citer l’article 1429 du Code civil qui aborde la question de la remise en cause provisoire de la libre disposition par un époux de ses biens propres : « Si l’un des époux se trouve, d’une manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, ou s’il met en péril les intérêts de la famille, soit en laissant dépérir ses propres, soit en dissipant ou détournant les revenus qu’il en retire, il peut, à la demande de son conjoint, être dessaisi des droits d’administration et de jouissance qui lui sont reconnus par l’article précédent. (…) ». Ces mesures de crises provisoires nécessitent des mesures exceptionnelles mais trouvent des solutions, en principe, au sein du régime matrimonial.
S’agissant toujours du régime de communauté, l’article 1443 du Code civil traite des causes de dissolution et de séparation des biens : « Si, par le désordre des affaires d’un époux, sa mauvaise administration ou son inconduite, il apparaît que le maintien de la communauté met en péril les intérêts de l’autre conjoint, celui-ci peut poursuivre la séparation de biens en justice ». Cette fois, la crise semble plus durable et conduit à une séparation de biens.
Dans toutes ces hypothèses, le péril s’entend du « danger caractérisé par son imminence et sa gravité ». Il est caractérisé en dernier recours par le juge.
Comment expliquer la mobilisation de ce critère ? Il s’agit essentiellement de questions d’ordre patrimonial. L’objectif est de permettre au conjoint de prendre des mesures qui s’imposent ou de se séparer. Dans la logique du régime matrimonial, le conjoint supplée les carences / indisponibilités de l’autre : les époux s’épaulent. Certes le danger ne s’est pas encore réalisé mais il va survenir de manière imminente. Permettre au conjoint d’intervenir ou de demander une séparation dans l’hypothèse d’une mise en péril des intérêts de la communauté ou de ses propres intérêts se comprend parfaitement.
B – L’évolution notable issue de loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 : L’affirmation des critères de danger et de dangerosité
L’évolution du corpus textuel concerne un contexte particulier à savoir la lutte contre les violences intrafamiliales. Le changement de critère traduit un changement radical dans la philosophie et l’objectif de l’intervention étatique au sein de la cellule familiale : l’enjeu est de protéger l’intégrité voire la vie d’un(de) membre(s) de la famille. Certes, le droit commun était déjà applicable à la sphère familiale (on songe ainsi, par exemple, à la possibilité d’intervenir via les qualifications pénales de violences volontaires ou de viol entre époux si une atteinte est caractérisée, ou encore au délit de non-assistance à personne en péril) mais il s’est agi en 2010 d’adopter des dispositifs spécifiques au champ de la cellule familiale permettant d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Notons que dans les deux hypothèses, le rapport conjugal n’est pas nécessairement le seul concerné. Ces critères peuvent également venir au secours des enfants.
Le danger, un critère attaché à l’ordonnance de protection : La notion de danger était déjà utilisée pour la protection de l’enfant : cette notion est donc connue des praticiens, ils se la sont appropriée progressivement. Elle est ici mobilisée s’agissant de la relation de couple (ou d’ex-couple) en matière d’ordonnance de protection. Le danger s’affirme progressivement comme le critère civiliste transversal à la matière familiale
Ainsi, l’article 515-9 du Code civil prévoit que « lorsque les violences exercées au sein du couple, y compris lorsqu’il n’y a pas de cohabitation, ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu’il n’y a jamais eu de cohabitation, mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection ». L’article 515-10 du Code civil mobilise également le critère du danger et précise que le juge aux affaires familiales a vocation à être saisi par la personne en danger qui peut être assistée ou suppléée par le ministère public et mentionne qu’il n’est pas nécessaire d’avoir déposé une plainte préalable. L’article 515-11 du Code civil (modifié en décembre 2019) indique quant à lui que « l’ordonnance de protection est délivrée, par le juge aux affaires familiales, dans un délai maximum de 6 jours à compter de la fixation de la date de l’audience, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». Le texte poursuit en énonçant les mesures que peut adopter le JAF pour s’achever en précisant que lorsque le JAF « délivre une ordonnance de protection en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants, il en informe sans délai le procureur de la République ».
A ce stade, les violences ne sont pas nécessairement avérées, une allégation suffit (la plainte préalable n’est pas imposée). Les violences et le danger doivent apparaître vraisemblables au juge aux affaires familiales qui statue sur les mesures relatives aux enfants et au logement. Dans ces hypothèses de violences conjugales, le danger apparaît renforcé par l’urgence. L’effet est la délivrance d’une ordonnance de protection, dont le contenu est adapté au cas d’espèce. L’outil qu’est l’ordonnance de protection vise à sécuriser le conjoint / l’ex-conjoint comme l’enfant.
S’agissant de la caractérisation du danger, des pistes d’évolution sont envisagées comme notamment l’adoption d’un guide. Ainsi, en conclusion du Grenelle sur les violences faites aux femmes en novembre 2019, a été évoquée la nécessité d’une meilleure évaluation du danger et d’une prise en compte de la dangerosité criminologique[49]. La piste de mise en place d’une grille d’évaluation du danger lorsque la police intervient au domicile de la victime ou lorsque celle-ci se présente en gendarmerie ou au commissariat semble devoir permettre de partager des paramètres de référence dans la caractérisation du danger qui permettra des mesures attentatoires aux libertés individuelles pour celui qui sera visés par l’ordonnance.
La dangerosité, un critère attaché au placement sous surveillance mobile électronique : Une étape supplémentaire est ici franchie dans le contexte de violences intrafamiliales. Dans cette hypothèse, une condamnation pour violences volontaires est déjà intervenue. Un placement sous surveillance électronique mobile est envisageable à titre de mesure de sûreté si une expertise établit la dangerosité du conjoint ou de l’ex-conjoint. L’article 131-36-12-1 du Code pénal prévoit en effet que « par dérogation aux dispositions de l’article 131-36-10, le placement sous surveillance électronique mobile peut être ordonné à l’encontre d’une personne majeure, dont une expertise médicale a constaté la dangerosité, condamnée à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à deux ans pour des violences ou des menaces punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement et commises : 1° Soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité; 2° Soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire. Le présent article est également applicable lorsque les violences ont été commises par l’ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime ». Une sanction pénale est d’ailleurs édictée en cas de non-respect de l’ordonnance de protection et des mesures qui y sont contenues : l’article 227-4-2 du Code pénal érige un délit passible de 2 ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.
Le critère privilégié – la dangerosité – semble adapté dès lors qu’il s’agit de proposer une mesure de sûreté, c’est-à-dire une mesure préventive fondée sur la constatation de la dangerosité supposée d’un individu. Dans notre hypothèse, elle tend notamment à éviter la récidive. Ce critère est cependant surprenant s’agissant d’une approche civiliste. Il va entraîner un changement de focus : alors que classiquement le droit civil s’intéresse davantage à la victime, le focus est ici porté sur l’auteur. Le prisme de la matière pénale s’introduit en droit de la famille.
Ce changement de focus s’accompagne naturellement d’un changement des paramètres d’analyse de la situation. Il ne s’agit plus, comme c’est le cas pour le danger, de mobiliser des éléments centrés sur la victime (enfant, conjoint) mais bien de scruter avant tout l’auteur. En vue de la caractérisation de la dangerosité, plusieurs paramètres doivent être pris en considération comme des critères psychologiques, des critères psychiatriques, un contexte social des faits, des facteurs exogènes des faits de violences. On saisit alors l’enjeu de la pluridisciplinarité de l’approche de la dangerosité et le renversement de la perspective pour les différents acteurs investis. Ils ont incontestablement chacun un éclairage à fournir (psychiatre, psychologue, assistant social, force de l’ordre, etc.). In fine, il appartient au magistrat du siège ou du parquet de prendre la responsabilité de dire si la dangerosité de l’auteur est réelle ou non.
La dangerosité est un critère déjà connu en matière pénale, notamment depuis l’adoption de la loi n°2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Ce critère de dangerosité apparaît logique dans l’hypothèse d’un placement sous surveillance électronique mobile dès lors qu’il y a déjà eu une condamnation. A l’analyse (et contrairement à l’intuition première que nous avions pu émettre), la dangerosité n’apparaît pas / plus comme se situant en amont du danger, elle se situe en aval. Il y a donc déjà eu un / des précédent(s), on redoute que des violences ne se reproduisent. On retrouve dans ce placement sous surveillance électronique mobile la même logique que celle qui a présidé à la loi de 2008, notamment la nécessité d’une expertise médicale pour constater la dangerosité de la personne[50]. Cependant, même si le concept est utilisé, la loi n’a pas défini la dangerosité, pas plus qu’elle ne précise de quelle dangerosité il s’agit[51] : faut-il évaluer la dangerosité criminologique (« un phénomène psychosocial caractérisé par les indices révélateurs de la grande probabilité de (re)commettre une infraction contre les personnes et les biens »[52]), la dangerosité psychiatrique (« l’existence d’un risque de passage à l’acte principalement lié à un trouble mental ») ou les deux. Il importe de ne pas abandonner la caractérisation du danger au seul expert psychiatre. Le plus souvent, l’expertise psychiatrique prend une place importante mais la dangerosité peut également être criminologique ; être le fruit de carences, de problème de troubles de la personnalité.
Certains auteurs n’hésitent pas à partager leur réticence quant à la consécration du critère de dangerosité dans notre droit notamment à la faveur de la loi du 28 décembre 2019[53] (et avant elle par la loi n°2008-174 du 25 février 2008). L’auteur insiste sur le fait qu’« il faut éviter le retour au paradigme flou et pernicieux de la dangerosité, avec les risques d’essentialisation des auteurs qu’il comporte. (….) ».
La consécration de ce critère d’intervention de l’Etat dans la sphère familiale peut à tout le moins interroger : jusqu’où doit permettre d’aller l’immixtion face à une situation de dangerosité ? Quelles atteintes aux droits fondamentaux tolérer du côté de l’individu qu’on considère comme dangereux ? du côté de celui ou ceux qui sont exposés à cette situation ? Des atteintes aux libertés de l’auteur sont naturellement envisageables (interdiction de recevoir ou rencontrer certaines personnes ou d’entrer en relation avec elles ; interdiction de se rendre dans certains lieux ; interdiction de détenir ou de porter une arme ; etc.) mais peut-on imaginer provoquer / ordonner un soin contre la volonté de la personne qui est sous l’emprise de son conjoint ou ex-conjoint pour lui permettre de sortir de cette emprise ?Notre droit ne semble résolument pas prêt à s’orienter dans cette logique de l’obligation de soins de la victime (même pour l’auteur, on reste sur une proposition de prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou une proposition de stage de responsabilisation, pas sur une obligation).
Il nous paraît important de faire preuve d’une grande prudence : le danger est un (le) concept civiliste (il guide l’intervention étatique au sein de la cellule familiale) là où la dangerosité devrait – selon nous – rester un concept pénaliste.
En guise de conclusion, il semble possible d’avancer que l’apparition de ce critère de dangerosité témoigne de la tentation d’évolution vers une société « du risque 0 ». En tout état de cause, se dessine une obligation pour l’Etat d’être particulièrement vigilant et réactif dans les hypothèses de situations familiales (potentiellement) dangereuses. On songe notamment à la récente condamnation de l’Etat pour faute lourde dans une affaire de féminicide commis dans le Nord en 2014 (l’ex-compagnon violent a en fait assassiné son ex-compagne et les parents de celle-ci). Le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris a condamné l’Etat français le 16 mars 2020[54] pour inaction du service public de la justice face au non-respect du contrôle judiciaire : « les services de police n’ont pas tout mis en œuvre pour le retrouver (l’ex-compagnon) alors qu’il violait son contrôle judiciaire ». La dangerosité doit désormais être finement évaluée et il convient d’assurer le suivi des individus dont la dangerosité a été établie.
Juin 2020.
ECHANGES
Dr Françoise ABRIAL-FABBRI, Représentante du Département de La Réunion
Le médecin référent en matière de protection de l’enfance préfère le terme « prévention » à celui de « dangerosité ». Le travail auprès des enfants (en qualité de médecin référent en matière de protection de l’enfance mais également au sein de la protection maternelle infantile) mobilise le concept de danger, de risque de danger mais absolument pas celui de dangerosité.
Pourquoi ? La notion de danger a un socle légal. On songe ici à la loi de réforme de la protection de l’enfance, la loi n°2016-297 du 14 mars 2016 qui est une petite révolution en la matière. Effectivement, cette loi pose une base légale à l’intervention visant la protection de l’enfant dès lors que le danger est établi. Comment définissons-nous les critères de risque de danger ? Il convient de se baser sur une démarche de consensus autour des besoins fondamentaux de l’enfant[55].
Le gouvernement en place à l’époque, pour préparer cette loi de 2016 a consulté des experts de ce domaine : des pédiatres, des psychologues, des anthropologues, des philosophes. L’objectif était d’avoir des connaissances scientifiquement prouvées et reconnues par tous concernant les critères du danger, en se basant sur les besoins fondamentaux de l’enfant. C’est cette même loi qui a préconisé la nomination d’un médecin référent à la protection de l’enfance au sein du département.
Le fil conducteur de cette loi et de tous les décrets qui ont suivi est de rester centrés sur les besoins fondamentaux et la santé des enfants. Ces besoins fondamentaux ont été déclinés, analysés, listés autour de la notion du méta-besoin de sécurité.
L’intervention en amont, la prévention est essentielle dans la protection de l’enfance. De la prévention à la prise en charge de l’enfant confié à l’aide sociale à l’enfance, on rencontre des enfants suivis en mesure éducative ou des enfants retirés à leurs familles. A toutes les étapes, il s’agit de se centrer sur les besoins fondamentaux de l’enfant. S’ils ne sont pas satisfaits, la situation peut être constitutive d’un danger ou d’un risque dès lors qu’elle compromet gravement le développement de l’enfant.
C’est le fil rouge de cette loi et c’est vraiment révolutionnaire parce que ça change la vision de la posture familiale, c’est l’intérêt de l’enfant qui prime.
Le titre de ce colloque est « dangerosité et droits fondamentaux ». Depuis la loi de 2016, les droits fondamentaux, les besoins fondamentaux, l’intérêt supérieur de l’enfant sont des concepts interdépendants. Si l’un d’eux n’est pas satisfait, le danger menace. Nous pouvons dire que le droit fondamental de l’enfant, son intérêt supérieur, est de voir ses besoins fondamentaux satisfaits.
Ainsi, il faut connaître ces besoins fondamentaux et tous les travailleurs sociaux que ce soit les travailleurs en PMI (Protection Maternelle et Infantile) ou après l’ASE (Aide sociale à l’enfance) doivent être capables d’identifier, de connaître les droits fondamentaux de l’enfant et de voir s’ils sont satisfaits ou pas.
La première des missions du médecin référent de la protection de l’enfance, écrite dans le décret, est qu’il « doit contribuer à l’amélioration du dépistage et du repérage de l’enfant en risque ou en danger ». Les concepts consacrés dans les textes sont le risque et le danger, pas la dangerosité.
La loi de mars 2016 a changé l’architecture de la présentation des besoins fondamentaux de l’enfant avec l’apparition du méta-besoin de sécurité. Ce besoin se situe au-dessus des autres, il les englobe : s’il n’est pas satisfait les autres ne peuvent pas l’être.
Le méta-besoin de sécurité est décliné en trois dimensions : les besoins physiologiques et de santé, le besoin de protection et surtout le besoin de sécurité affective et relationnelle.
Ce méta-besoin de sécurité conduit à évoquer la théorie de l’attachement. La théorie de l’attachement est une théorie des psychologues des années 30 qui considère qu’un enfant – pour grandir normalement, se développer normalement – a besoin d’une personne sur qui il peut compter, qui s’occupe de lui, une personne fiable, qui a envie de s’occuper de lui, qui répond à ses besoins, c’est sa figure d’attachement.
Si la sécurité n’est pas garantie, les autres besoins ne pourront pas être satisfaits. C’est scientifiquement prouvé aujourd’hui. Les neurosciences ont montré que des connexions cérébrales se constituent chez le petit, dans l’interaction relationnelle. C’est fondamental pour l’observation d’enfants et justement la définition du danger et du risque. Ce n’est pas de la divination, ce ne sont pas les valeurs personnelles, ce n’est pas selon son histoire qu’on va définir si un enfant est en risque ou en danger. Aujourd’hui les acteurs de la prise en charge des enfants disposent d’un socle plus solide qui les aide énormément, puisqu’effectivement, jusqu’à présent, tout comme la dangerosité peut paraître difficile à objectiver, ils rencontraient des difficultés pour objectiver le risque et le danger, chacun à leur façon. Compte tenu des conséquences lorsqu’il y a risque et danger (des mesures vont priver les parents de libertés), il fallait disposer d’une base légale claire.
Il faut reconnaître aujourd’hui ce méta-besoin de sécurité qui validé scientifiquement. La dangerosité dans la sphère familiale pose un problème car en matière de protection de l’enfance, il ne faut pas faire de la prédiction (est-ce que ses parents sont potentiellement dangereux ?). Que ce soit dans l’accompagnement des familles en amont, ou dans l’évaluation d’une information préoccupante, dans l’accompagnement d’un enfant confié, il faut se centrer sur les besoins fondamentaux. Il faut envisager les habilités parentales (est-ce que les parents ont les capacités aujourd’hui à répondre aux besoins de l’enfant ?). Il convient de se centrer sur l’enfant, ses signes de souffrances, ses besoins fondamentaux, pour pouvoir déclencher des mesures d’accompagnement. L’idée est que le retrait de l’autorité parentale doit rester la mesure de dernier recours. Il ne faut pas confondre la prévision et la prévention. Et comme l’indique Pierre SUESSER, médecin, président du syndicat national des médecins, la prévention doit être prévenante et non pas prédictive.
En ce qui concerne les violences conjugales, l’apport des neurosciences est également intéressant. L’exposition au stress sécrète une hormone qui s’appelle le cortisol et qui permet de sortir de mauvaises situations. Un enfant exposé aux violences conjugales est exposé à une sécrétion excessive de cortisol et c’est toxique pour le cerveau. Les violences faites aux femmes sont des violences faites à un enfant. Elles compromettent son développement. Un recueil d’informations préoccupantes sur des violences conjugales en présence de jeunes enfants est considéré comme un danger. A La Réunion, il existe une spécificité des violences conjugales : elles touchent les jeunes femmes et dans 80% des cas, il y a des petits enfants. Ce n’est pas de la dangerosité , c’est du danger.
Le concept de dangerosité est subjectif et ne présente aucun intérêt en protection de l’enfance. Il renvoie à la notion de prédiction alors que la loi de mars 2016 définit précisément le danger et le risque de danger et surtout les moyens de les repérer.
Françoise PENENT, Conseillère technique de M le Recteur de l’Académie de La Réunion, Référente académique sur les dossiers de harcèlement moral entre élèves et de la violence faites aux femmes
La notion de dangerosité est quelque chose d’un peu inexploré dans le cadre de la loi et des missions des travailleurs sociaux en règle générale, puisque nous parlons de risque de danger et de danger et non de dangerosité.
L’école, le collège, le lycée accueillent tous les élèves. L’obligation scolaire est d’ores et déjà de 3 à 16 ans depuis cette année. Depuis l’âge de la maternelle, l’école est obligatoire. Si elle doit être le lieu qui mène à la réussite pour la plupart, elle est celui où peuvent être détectées, identifiées une partie des situations de danger ou de risque.
De par leur mission, les travailleurs sociaux et les services de santé, les médecins, les enseignants, le personnel de l’Education Nationale, et tous ceux qui sont face à l’élève, les équipes pédagogiques et administratives dans l’école, ont l’obligation de signaler ou de contribuer au signalement d’élèves qui seraient en danger ou en risque de l’être. C’est non seulement un devoir professionnel mais également un devoir citoyen.
Un panorama des signalements qu’ils ont été transmis au Département pour l’année scolaire 2018-2019 a été établi : 1 378 informations préoccupantes ont été transmises ; 141 ont été adressées aux Parquets Nord et Sud en raison de dangers caractérisés. Parmi ces signalements, il est important de savoir que 40% sont adressés par travailleurs sociaux, 7,6% viennent des professionnels de santé, 52,4% sont transmis par le corps enseignant regroupant les écoles, collèges et des lycées. Le risque de danger est de 51,1% pour des mineurs identifiés au sein d’une famille en couple parental. 49,9% des élèves signalés en risque de danger grandissent avec un seul parent. Les violences physiques constituent 11% des motifs recensés, 21,4% sont des violences psychologiques, 7% sont des violences sexuelles. Pour 88,5% de situations signalées, le comportement familial et les conditions de communication compromettent le développement de l’enfant, de l’adolescent et même mettent en danger sa santé, sa sécurité, sa moralité.
Peut-on donc aborder au sein de l’Education Nationale la notion de dangerosité, de danger, de risque de danger ? Est-ce un devoir de travailler sur ces notions ?
Les professionnels du secteur social de l’Education Nationale sont quotidiennement confrontés à des situations individuelles, sociales, familiales, remplies de souffrance et potentiellement génératrices de danger et de violences. Une grande majorité de situations signalées sont des faits de carence, de violence dans l’institution familiale. Les difficultés avec sa famille sont pour l’élève une source de souffrance psychologique qui évolue souvent en silence, générant des troubles de l’attention et du comportement qui peuvent peu à peu l’isoler du système éducatif.
La démarche de consensus autour des besoins fondamentaux en protection de l’enfance a permis d’identifier le méta-besoin qui conditionne tous les autres. Ce besoin de sécurité qui regroupe plusieurs dimensions : la dimension affective, relationnelle primordiale, le besoin de santé et le besoin de protection.
La sécurité dans la sphère familiale a des soubassements en lien avec la conséquence d’un processus de fragilisation parentale, qui se répercute sur la cellule familiale. Ces familles ne sont-elles pas elles-mêmes en danger ?
L’Education Nationale doit promouvoir la réussite de tous les élèves et accompagner ceux dont les situations sont particulièrement sensibles dans leur quête de l’Ecole de la confiance. De nombreuses actions peuvent être développer sur le plan pédagogique, beaucoup d’actions sont d’ores et déjà mises en œuvre.
Concernant la sensibilisation au danger et au risque de danger, la formation des personnels semble incontournable puisqu’ils font partie des personnels en contact direct avec les élèves. Quelques freins dans les signalements peuvent être signalés, très souvent par crainte de représailles.
De même dans les secteurs de l’éducation prioritaire, des jeunes enfants sont accueillis dès 2 ans en classe passerelle. L’accompagnement à la parentalité s’effectue par le biais d’actions collectives menées souvent en partenariat avec le Département.
Au-delà de la mobilisation des moyens existants, l’effectivité reste cependant à confirmer avec les évaluations qui suivront. L’Ecole doit à la fois offrir de la sécurité et être actrice de prévention, de protection pour les plus fragiles. En conjuguant les savoir-faire, professionnels, institutions et chercheurs améliorent et enrichissent les connaissances dans l’analyse et les pratiques. Il faut encourager l’évolution des connaissances et des compétences.
Chantal GENEVOIS, psychologue clinicienne à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, Service Territorial de Milieu Ouvert de Saint-Denis
La Protection Judiciaire de la Jeunesse est une administration dépendant du Ministère de la justice qui prend en charge les mineurs délinquants, mais aussi l’enfance en danger au titre de l’évaluation.
Le travail du psychologue consiste principalement à réaliser les évaluations de la situation de danger à laquelle des enfants, des adolescents, des mineurs délinquants sont/ont été exposés dans leur environnement, et plus particulièrement dans leur milieu familial. En effet, plus l’enfant est jeune, plus le danger qu’il court se situe dans la sphère familiale.
En ce qui concerne les violences physiques subies, 90% d’entre elles ont lieu dans le milieu familial. Pour les violences sexuelles, 80% sont exercés dans la famille, 90% dans l’environnement. A mesure que l’enfant grandit, son cercle de vie s’élargit et les dangers qu’il peut rencontrer se situent dans d’autres sphères que la famille. Mais finalement, plus il a été armé pour se protéger, pour se défendre contre d’éventuelles agressions, moins il sera affecté.
La Protection judiciaire de la jeunesse prend en considération le danger. On y évoque très peu la dangerosité si ce n’est dans les expertises qui concernent les mineurs délinquants mais ce n’est pas la PJJ qui évalue cette dangerosité. La PJJ peut prendre en prendre en compte la dangerosité à travers des expertises mais ne la définit pas.
En tant que psychologue de la Protection judiciaire de la jeunesse, on peut rencontrer des dangers psychologiques dans sa pratique professionnelle. Autrement dit, certaines souffrances et certains risques que courent les enfants et adolescents s’expliquent du fait de la fragilité, de la vulnérabilité de leurs parents. Il existe assez peu de parents volontairement malveillants mais souvent des parents en difficulté dans leur parentalité du fait même de leurs propres vulnérabilités provenant d’épreuves, de traumatismes personnels et familiaux non-élaborés.
Tout d’abord en ce qui concerne l’enfant. Un parent vulnérable va chercher auprès de son enfant le réconfort, l’amour dont il avait lui-même besoin depuis son plus âge et qui lui a manqué. Il attend inconsciemment de son enfant que celui-ci le comble, le rassure, le répare, le soigne. Il en fait un objet de complétude plus puissant, l’enfant imaginaire idéalisé.
En parallèle, cet enfant de parent vulnérable, tentera de réparer ce parent pour lui-même afin de constituer et préserver l’image du parent fort et secourable dont il a besoin pour grandir. Cette image d’un bon parent lui est nécessaire afin de l’intérioriser pour un objet interne, solide, dynamo-parental, l’un des fondements de sa construction psychique. D’où le décalage fréquent de ce que l’enfant décrit de son parent et de la réalité.
Ainsi, par exemple, un enfant battu va dépeindre son parent comme un parent aimant et bienveillant, faisant fi de son expérience objective. Il devra donc fonctionner à l’aide de clivages qui vont obérer son fonctionnement psychologique. Afin de préserver l’image d’un bon parent, l’enfant va aussi s’accuser du mal-être de ce dernier, il va se dénigrer, il va se culpabiliser : si son parent est mauvais c’est que lui-même est un mauvais enfant ».
Lorsqu’un enfant cherche à soigner son parent, ce n’est pas le parent qui va s’adapter aux besoins de l’enfant, ça sera justement lui, l’enfant qui va chercher à satisfaire les besoins de son parent avec un très grand risque pour lui. L’enfant va faire un effort d’hyper-adaptation aux besoins de son parent qui se traduit par un besoin d’hyper-vigilance et par une hyper-maturation. On assiste alors à une « adultification » de l’enfant qui est une maturation trop précoce.
Souvent, au-delà même du compagnon, de l’égal, l’enfant est investi comme le parent ou le substitut-parental du parent de ce qu’on appelle alors la « parentification de l’enfant » au sein d’un processus de permutation symbolique de places.
Dans cette configuration, comment un enfant peut se consacrer à son propre développement ? Au contraire, l’enfant va être aliéné dans une relation qui l’empêchera d’accéder à l’autonomie psychoaffective. Il ne pourra vivre sa vie et devra se sacrifier au bonheur ou à la santé de son parent.
En outre, dans ce type de configuration, l’enfant va nécessairement connaître l’échec. Il a en effet très peu de chances de soigner son parent. Cet échec est préjudiciable à double titre, pour lui-même en tant qu’il sabotera ses premiers exercices narcissiques, mais l’enfant va être vécu par le parent comme un mauvais objet, un nouveau mauvais objet qui va signer l’incompétence parentale.
Le parent une nouvelle fois disqualifié, cette-fois en tant que parent après avoir été insatisfaisant et insuffisant en tant qu’enfant lui-même, en tant que conjoint, en tant que professionnel, etc… va rendre son enfant responsable de ce nouvel échec. Il va lui en vouloir et ainsi le maltraiter ou le négliger par mesure de représailles inconscientes. De l’enfant imaginaire, l’enfant est donc déchu au statut d’enfant réel avec le cortège de dommages que crée la souffrance d’être un enfant décevant.
En ce qui concerne l’adolescent, spécialement l’adolescent délinquant, la tâche principale de l’adolescence est d’opérer le travail de séparation psychoaffective de l’adolescent vis-à-vis de son parent qui le conduira à prendre progressivement sa place dans la société. Il arrive que l’adolescent ne parvienne pas à opérer ce travail de séparation, relativement sereinement, que ce soit de son fait, par un attachement particulier, par une dépendance à l’égard de ces objets d’amour ou du fait de ses parents par leur incapacité à accepter l’autonomisation de leur enfant. L’adolescent a souvent recours à la violence pour opérer ce nécessaire processus. Il peut alors créer des conflits parfois violents et peut aller jusqu’à adopter un comportement transgressif. Se faisant, il se constitue de réelles raisons de moins aimer, voire de haïr ses parents et il suscite le même mouvement chez eux. Ceux-ci sont tellement déçus, qu’ils finissent par se détacher eux-mêmes de leur enfant (à l’instar de séparations conjugales où la haine de l’autre est parfois exacerbée pour moins souffrir de son accompagnement).
Le travail de séparation se réalise par la destitution et l’attaque des objets parentaux précisément dans la parentalité puisque l’adolescent prétend ne plus avoir besoin de parents et d’adultes lui indiquant la voie à suivre. Or, si le parent est attaqué, plus symboliquement que réellement, il peut cependant survivre dans la réalité. Lorsque les parents sont trop fragilisés par la vie, les adolescents ne pourront s’attaquer à leurs parents, à leurs façons de penser, de vivre, d’être. Autrement dit, ils ne pourront s’autoriser à exercer leur destructivité vis-à-vis d’eux.
Ainsi et c’est l’une des théories explicatives des agir transgressifs des adolescents, lorsque l’adolescent n’est pas assuré que son parent résiste, il va exercer le mouvement oppositionnel nécessaire à son autonomisation vis-à-vis de la Société. Il va tenter de s’affranchir de l’autorité des adultes vis-à-vis d’autres adultes que ses parents. Il va donc déporter la crise d’adolescence de la scène familiale à la scène sociale, espérant inconsciemment qu’il trouvera en ces adultes la capacité de supporter les mouvements d’attaque et de destructivité qui vont pouvoir lui permettre de parachever sa construction psychique.
Comme le disait le psychanalyste Donald WINNICOTT, « la délinquance est donc un comportement d’espoir, espoir que l’environnement pourra accueillir et traiter la destructivité du sujet délinquant ». Ainsi l’enjeu de la délinquance serait paradoxalement à la fois la destruction et la recherche de l’objet, l’objet pouvant être représenté aussi bien par les parents, l’école, les éducateurs au sens large, la police et la justice. Ceci peut nous amener à porter un autre regard sur la délinquance des mineurs, celle-ci serait ainsi une quête d’adultes, de parents plus solides en capacité de les contenir de leur mettre des limites, une quête d’un cadre sécurisant mais susceptible aussi de leur prouver que leur destructivité n’est finalement pas si puissante, autrement dit qu’ils ne sont pas si mauvais.
Cécile BAUDOT, Première vice-présidente du Tribunal de Grande Instance de Saint-Denis de La Réunion
Il s’agit d’aborder la dangerosité et la sphère familiale, thème qui est d’actualité, puisque dès qu’on parle de danger et de sphère familiale, on pense particulièrement aux violences conjugales. Il ne faut cependant pas limiter le sujet à cette question.
1°) Les notions de dangerosité d’une part et de danger caractérisé et réel d’autre part, sont différentes mais l’amalgame est assez facile et on peut vite basculer dans des réflexions un peu trop courtes.
C’est la raison pour laquelle ce thème est intéressant pour faire réfléchir, puisque d’un point de vue judiciaire, il faut être très vigilant sur cette question de dangerosité. Dans le monde judiciaire, la notion de dangerosité n’est pas vraiment reprise ni par le Code Pénal ni par le Code Civil. Il y a peut-être un glissement qui est récent et qui est peut-être poussé par la société civile ou le législateur, mais qu’il faut être extrêmement vigilant.
Le point sur lequel il convient d’insister est que le magistrat – que ce soit le magistrat du parquet ou le magistrat du siège – n’intervient pas en situation de dangerosité. Le critère de détection va être le danger caractérisé et il n’y a pas de réflexion peut être suffisante sur la dangerosité parce que le monde judiciaire n’est pas dans un cadre d’auto-saisine : le parquet va intervenir dans des hypothèses de flagrants délits ou de plaintes ; le juge va être saisi par des parties ou par le procureur. Il n’y a pas d’auto-saisine parce que nous sommes en Etat de droit, en Démocratie et c’est extrêmement important de garantir les droits fondamentaux de tout un chacun. Le thème du colloque est bien « dangerosité et droits fondamentaux » et ces droits fondamentaux existent de part et d’autre.
De quels droits fondamentaux parle-t-on ?
Nous allons parler des droits fondamentaux des victimes potentielles. Effectivement, il faut protéger les victimes potentielles, les citoyens, tout un chacun, dans sa sécurité, dans sa liberté d’aller et venir. Mais il faut aussi penser aux droits fondamentaux des auteurs potentiels présumés lesquels sont la présomption d’innocence, le droit au procès équitable, le droit à la défense… nous voyons bien que ce sont des équilibres fragiles.
Dans notre Etat de droit, tous les professionnels aujourd’hui réunis, autour de la table-ronde doivent quand même être très vigilants sur ces notions et peut-être attirer l’attention du législateur et parfois mettre des limites. Parfois il y a un fantasme, certaines attentes de la société, qui ne correspondent pas aux critères juridiques légaux en place et qui existent. C’est bien au magistrat de rappeler les critères. Ce n’est pas toujours facile. Nous voyons souvent dans la presse : Mais qu’a fait le juge d’instruction ? Qu’a fait le juge des libertés et de la détention ? Pourquoi a-t-il mis dehors telle ou telle personne ? C’est un scandale, pourquoi y a-t-il eu un acquittement, une relaxe ? Et nous voyons bien toute la limite des attentes de tout un chacun entre la société civile qui a des intérêts complexes et contradictoires et le monde judiciaire.
Ainsi, on doit insister sur ce point de la détection du danger et puis rappeler que le juge judiciaire est le garant des libertés individuelles.
2°) Le magistrat remplit un office présentant différentes facettes. Le terme magistrat est ici entendu dans un sens large (siège et parquet).
Le magistrat judiciaire va intervenir dans les cas de violences, de violences caractérisées, d’agressions, d’abus, d’abus sexuels, de viols, etc. dans la sphère familiale. Il peut s’agir d’atteintes d’un parent sur les enfants ou d’un membre de la famille (oncle, tante, cousin, parrain, marraine, etc.) sur les enfants. Il intervient également dans le cadre des violences conjugales (le Grenelle sur les violences faites aux femmes qui s’est clôturé le 25 novembre dernier avec un plan gouvernemental, des grands projets témoignent de l’actualité de cette problématique). A titre de rappel, à peu près 99% des cas concernent les cas de violences d’hommes sur les femmes. Mais il peut avoir aussi quelques cas très rares de violences de femmes faites aux hommes. On peut également parler de cas – peut-être oubliés un petit peu trop rapidement –, de violences sur les ascendants.
Des infractions prévues par le Code pénal, qui peuvent être assorties de circonstances aggravantes, peuvent dès lors être mobilisées. Quels sont les instruments à la disposition du monde judiciaire doit-on actionner pour sanctionner ces différents comportements ? Quel magistrat faire intervenir ?
- Le juge des enfants :
En premier lieu, il y a le juge des enfants qui va intervenir dans deux volets différents, soit le volet de l’assistance éducative, c’est-à-dire de la protection de l’enfant, soit sur le volet pénal lequel peut conduire à la sanction du mineur. L’assistance éducative va impliquer la protection de l’enfant dans sa santé, dans sa sécurité, dans sa moralité, dans son éducation. Le juge des enfants n’est saisi que lorsqu’une situation de danger avéré est caractérisée. Le critère de saisine premier n’est pas une situation qui serait « potentiellement dangereuse » ou en « dangerosité potentielle éventuelle », c’est le danger caractérisé. Mais en l’état des textes, le juge des enfants n’intervient qu’en second temps, qu’en seconde ligne.
Il y a tout un tas de mesures préventives qui vont se mettre en place (rôle du conseil départemental, de la protection de l’enfance, de la protection judiciaire de la jeunesse, des médecins, des accompagnements, des psychologues). Ce sont des mesures administratives qui sont mises en place, sur contrat avec les parents, en les impliquant.
Le juge des enfants n’est saisi que dans un second temps quand il y a eu carence avérée des parents ou impossibilité d’agir en prévention, quand il y a danger caractérisé de l’enfant pour assurer sa protection au sein de la famille, par différentes mesures qui peuvent aller jusqu’au placement au bout de piste. Gardons à l’esprit cependant que la mesure de placement n’est jamais prononcée avec plaisir par un juge des enfants et c’est toujours une mesure qui devrait être prononcée qu’en cas d’impossibilité absolue de faire autrement.
Pareillement, on peut parler de la décision du retrait de l’autorité parentale qui est vraiment exceptionnelle et qui intervient dans des cas très précis, au civil et au pénal. Au civil, l’assistance éducative est prononcée, non pas en cas de dangerosité, mais en cas de danger avéré. Au pénal, le juge des enfants intervient pour sanctionner des comportements délinquants avec tout un panel de mesures qui vont de la mesure éducative, la sanction éducative à la sanction pénale.
- Le ministère public :
Le ministère public rassemble tous les procureurs de la République et tous les adjoints. Il intervient dans les cas de flagrance, avec des appels de policiers, de gendarmes. Il peut y avoir une enquête pénale et des poursuites devant le tribunal correctionnel même si la victime de violences conjugales n’a pas déposé plainte, tant l’on sait qu’il est difficile selon les circonstances de déposer plainte. Il faut alors rassembler tout un faisceau d’indices, d’éléments qui vont caractériser l’infraction et qui les constituent.
Le ministère public va déclencher des enquêtes et va s’organiser pour sanctionner le comportement des auteurs. Ainsi, le parquet a également un grand rôle en matière de protection des victimes, il n’y a pas que le juge du siège.
Prenons quelques exemples en guise d’illustrations :
- Le ministère public peut demander à mettre en place des mesures de contrôle judiciaire. Ça s’avère nécessaire pour à la fois sanctionner un comportement qui a lieu mais également à titre préventif pour éviter une réitération de faits. Là, nous sommes peut-être – dans ce cas – face à de la dangerosité… il s’agit de prévenir une dangerosité potentielle.
- Le procureur de la république va intervenir dans le cadre, du « téléphone grave danger ». Le « téléphone grave danger » est comme un pari sur l’avenir, à la fois de protection d’une femme et essayant de parier que les violences et les nouvelles infractions ne vont pas se reproduire. Actuellement, les critères légaux sont très stricts pour mettre en place ce « téléphone grave danger » : il faut que le procureur s’appuie sur une décision de justice, une décision civile ou pénale. Le législateur réfléchit justement à élargir ces critères d’intervention et peut-être qu’il n’y aura plus cette nécessité de mettre en place le « téléphone grave danger » sans cette fameuse décision de justice, sachant que ces mesures préventives sont extrêmement utiles, notamment pour les femmes victimes de violences conjugales.
- Le procureur de la République peut intervenir pour la protection des victimes dans le cadre du suivi des auteurs d’infractions sexuelles. Il existe un fichier appelé « fichier FIJAIS », le fichier des auteurs d’infractions sexuelles. Il oblige les juridictions pénales, en cas de condamnation par un tribunal correctionnel ou une cour d’assises, à inscrire les personnes qui ont été condamnées sur ce fichier. Il y a également beaucoup de critères. On inscrit ces personnes sur ce FIJAIS et le non-respect des obligations de ce fichier, notamment le fait de ne pas donner son adresse ou de ne pas donner son adresse en cas de déménagement est sanctionné. Il y a un suivi et là on revient toujours sur un équilibre entre la prévention et la sanction.
- Le juge aux affaires familiales :
Le juge aux affaires familiales est un réceptacle de beaucoup de confidences faites notamment en audience. Ce sont des audiences non-publiques, mais il est vrai que, dans certains cas, le juge des affaires familiales va pouvoir intervenir, alerter le procureur de la République et faire déclencher peut-être une enquête pour voir si un danger est susceptible d’être caractérisé.
Ce juge va également intervenir dans le prononcé de la fameuse ordonnance de protection. Une vraie réflexion se mène au sein du Tribunal de Saint-Denis, une réflexion croisée parquet-siège. L’ordonnance de protection n’est pas un coup de baguette magique. Elle intervient dans un cadre très strict. L’ordonnance de protection s’inscrit dans une procédure civile et non pénale. Cette procédure civile va impliquer notamment ce que nous appelons « partie en demande », de « partie en défense » (nous n’allons pas parler « d’auteur » et « de victime »). La procédure doit respecter le contradictoire, l’échange d’arguments, des pièces et conclusions.
Il y a certaines précautions à prendre, d’une part d’un point de vue procédural, d’autre part d’un point de vue du fond de droit. L’ordonnance de protection intervient lorsque deux critères cumulatifs sont réunis :
- 1er critère : des violences vraisemblables (probabilités de violences commises). Là, nous dérapons un peu, nous ne sommes plus dans le danger caractérisé, le juge des affaires familiales n’a pas besoin de se baser sur une condamnation pénale mais sur un faisceau d’indices, faisceau d’éléments qui vont rapporter la preuve de vraisemblabilité de violences commises au sein de la sphère familiale.
- 2ème critère cumulatif : il faut que ces violences mettent en danger la famille, le conjoint, l’enfant, le concubin, l’ex-concubin, la concubine. On n’exige pas expressément un couple marié.
On voit bien qu’il y a peut-être une tentation de dérive. Il faut quand même être assez vigilant sur cette ordonnance de protection. Jusqu’à il y a un ou deux ans, sur tous les TGI de France, sur 10 demandes de protection, 7 étaient rejetées. C’est un pourcentage énorme de rejet parce que les critères des codes ne sont pas réunis. C’est instrument intéressant mais qui ne peut pas être une solution miracle, seule et unique, dans l’intervention judiciaire.
Ainsi tout magistrat peut intervenir. Nous l’avons vu, le juge des libertés et de la détention, dans le cas non pas civil mais dans l’hypothèse des hospitalisations d’office
Il s’agit d’instruments juridiques : il faut trouver un équilibre pour préserver les droits fondamentaux de chacun.
Myriam SWARTEBROECKX, Psychiatre responsable du Centre de ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (CRIAVS OI)
La création des Unités de CRIAVS a été initiée par le plan de santé mentale de 2005 pour soutenir les professionnels dans la prise en charge des auteurs de violences graves et plus spécifiquement sexuelles (circulaire DHOS/DGS/6 n° 20066168 du 13 avril 2006).
La création des CRIAVS arrive dans un contexte particulier où le monde politique et judiciaire sont soumis à des fortes pressions concernant des affaires délictuelles et criminelles (affaires Dutroux, Fourniret et procès d’Outreau). Tous ces affaires racontent des histoires de violences graves et de violences sexuelles.
Il est question dans ce colloque du concept de « dangerosité ». C’est un concept qui concerne et couvre plusieurs champs, comme en témoigne l’interdisciplinarité des communicants. L’enjeu dans la rencontre d’aujourd’hui est de partager des pratiques voire des questionnements émergeants de nos pratiques. L’intérêt est de créer un espace de rencontre afin de cheminer vers une ouverture à réfléchir ensemble.
Nous sommes également invités à penser ce concept de dangerosité aux prises des enjeux de la sphère familiale.
Nous pouvons partir de quelques définitions du Larousse :
*Dangerosité : « caractère de dangereux de quelque chose ou de quelqu’un, avec une probabilité de passage à l’acte délictueux ou criminel » ; synonyme : dangereux. On parle aussi de dangerosité d’une situation d’un individu présentant un caractère dangereux.
*État dangereux : (Synonyme de dangerosité) : « qui constitue un danger, qui expose à un risque, à un mal. »
*Etre en danger vient de l’expression « estre en dangier » d’aucun : « être à la merci de quelqu’un », originellement « sous la domination de quelqu’un », sous l’emprise de. Il y est question de pouvoir, de rapport de force dans le lien à l’autre.
Partant de là on peut poser les questions suivantes : Qui est en danger, quel est le danger ? Qui vit une situation de danger, de dangerosité et comment se caractérise-t-elle ? S’il y danger, dangerosité de quoi s’agit-il ?
« Le concept de dangerosité est né au XIXe siècle, dans un contexte particulier de défense sociale, de volonté de protection de la population contre le crime.
Les aliénistes ont adhéré à cette volonté de défendre la société contre les individus dangereux et pour eux, la place occupée par la dangerosité s’est accrue après la loi de 1838 qui les a transformés, selon Michel Foucault, en « fonctionnaires de l’hygiène publique (…) chargés de contrôler tout ce qui est désordre, ce qui est danger ». La psychiatrie porte alors un jugement sur les risques sociaux, la maîtrise du danger devant être assurée par l’exclusion de certaines catégories d’individus : les fous, les criminels »[56].
Il fait généralement la différence entre la dangerosité criminologique et la dangerosité psychiatrique.
Nous voyions bien comment s’est opéré un glissement de fonction : de la fonction du soin vers une fonction de contrôle, du sanitaire vers une attente judiciaire.
Nous allons donc nous intéresser dans un premier temps à deux aspects de la dangerosité, visibles sous l’angle social.
I – La dangerosité criminologique :
Elle est un phénomène psycho-social caractérisé par des indices révélateurs de la très grande probabilité de commettre une infraction contre les personnes ou les biens.
Ainsi, par exemple, dans l’affaire Fourniret, il s’agit d’un violeur et tueur en série. Il a été condamné en 2008 et en 2018.
Dans ce cadre, le psychiatre est généralement sollicité dans sa fonction d’expert. La mission est d’éclairer la justice sur les mécanismes de fonctionnement psychiques des sujets concernés pour l’aider à avoir une meilleure compréhension des troubles des comportements.
II – La dangerosité psychiatrique :
Ellea été définie comme une manifestation symptomatique liée à l’expression directe de la maladie mentale.
A titre d’illustration, on peut évoquer une décompensation chez un schizophrène qui peut l’entraîner dans le cadre de son délire à commettre des actes criminels, mais le phénomène est rare. Paradoxalement cette forme de dangerosité prend beaucoup de place dans nos représentations et dans le discours social.
Notre société tend à faire porter à la psychiatrie un rôle de contrôleur des troubles des comportements sociaux alors que ces troubles n’ont le plus souvent rien de psychiatriques.
Pour ce qui est des pédophiles, la majorité d’entre eux ne présentent pas de troubles psychiatriques. Néanmoins ils sont soumis à des obligations de soins avec un suivi sous la responsabilité d’un psychiatre. Il en est de même concernant les auteurs les violences familiales, les personnes alcooliques. Pour autant ces obligations de soins représentent une chance pour un certain nombre d’entre eux, qui n’auraient jamais rencontré le domaine du soin autrement.
Dans ce registre de la dangerosité nous sommes sollicités au moins à deux niveaux : en tant que soignant où l’on attend de nous l’empêchement de la récidive, par les soins (psychothérapie, prescriptions de médicaments), en tant qu’expert (la justice attend souvent de nous d’apporter une prédictibilité de la récidive).
Dans ces deux champs, l’écoute du sujet pris dans les enjeux de la sphère familiale est grandement nécessaire pour une meilleure compréhension de la clinique présentée. Cependant, il n’y a que dans le champ du soin où un espace sera favorisé et créé pour l’accueil physique de cette famille.
Comment cette notion de dangerosité peut-elle se repérer dans une famille ? Comment repérer la dangerosité pour essayer de prendre des mesures adaptées. Mais veut-on repérer pour protéger, pour retirer, parfois pour se rassurer, ou aussi se protéger sur le plan médico-légal ? Ou enfin veut-on nommer et comprendre ce qui se passe en arrière-plan ?
Au CRIAVS, pour approcher les situations complexes pour lesquelles nous sommes sollicités, il faut penser en termes « de climat de dangerosité » et « de contexte potentiellement dangereux » car cette dangerosité n’est pas forcément manifeste. Pour autant elle n’en est pas moins opérante. Elle peut aller jusqu’à constituer une menace pour l’intégrité psychique d’un individu.
Néanmoins il existe des outils indirects pour tenter de mesurer la dangerosité.
Pour les familles où il existe de la violence conjugale l’accès se fait souvent par le biais des enfants. Ceux-ci sont autant impactés que le conjoint concerné, et plus particulièrement les enfants en bas âge. Un enfant de moins de deux ans ne fait pas la différence entre la violence faite à l’autre et celle faite à lui-même. Le climat délétère qui en résulte génère du stress sur ces enfants dont les effets peuvent se mesurer par le ralentissement de leur croissance.
Dans des cas de famille à transaction incestueuse, la relation d’emprise est prégnante mais elle très difficile à mettre en évidence. Tout comme dans les violences intrafamiliales, il faut rechercher des signes d’alerte tels que l’anorexie, la boulimie, les scarifications… ou encore l’observation de conduites à risques comme l’utilisation de substances psychoactives.
Toutes ces situations sont éminemment complexes. Elles montrent l’importance de pouvoir opérer une articulation entre les différents acteurs de terrains qui sont concernés. Cette articulation est indispensable puisque l’on constate dans de nombreux cas, que c’est ce manque d’articulation qui entraîne certaines situations vers une évolution dramatique. Ce ne sont pas les compétences des différents intervenants qui doivent être tenues pour responsables.
Le rôle de structures comme celle du CRIAVS est de pouvoir aider les différents acteurs à s’articuler entre eux pour mieux accompagner les familles dans ces situations.
[1] Les choses sont à la vérité parfois moins claires que cela puisque derrière le concept « d’enfant en danger » (notion plus opérationnelle que juridique issue des travaux de l’Observatoire de l’action sociale décentralisée – Odas) les professionnels rangent fréquemment deux type d’enfants : les enfants maltraités et les enfants en risque.
[2] Le risque peut être défini comme la probabilité d’effets nocifs liés à une exposition.
[3] V. par ex. Cpén. art. 223-6 al. : omission de porter secours à une personne en péril. La jurisprudence et la doctrine pénalistes ont dû définir la notion de péril : En l’absence de précision légale, la jurisprudence impose que le péril soit imminent et constant et nécessite une intervention immédiate de l’auteur (Crim. 13 janv. 1955, Bull. n°37). V. également : Crim. 22 juin 2016, n°14-86.243 : « La caractérisation de péril au sens de l’article 223-6 alinéa 2 du Code pénal nécessite donc la présence de trois critères : l’imminence, la constance mais aussi la gravité ».
[4] V. Terré F. et Simler Ph., Rép. proc. civ. « Séparation de biens judiciaire ».
[5] Ce texte a vu sa rédaction récemment amendée par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019.
[6] V. les échanges dans la table-ronde n°5 : la matière pénale est plus habituée au concept de dangerosité.
[7] On pourrait imaginer que l’enfant soit à l’origine de la situation de dangerosité ce qui n’est pas exclu mais bien plus rare.
[8] L’Education Nationale, nous le verrons, est un partenaire privilégié tant dans la détection que dans la formation.
[9] V. Hilger G., L’enfant victime de sa famille, thèse doctorat Lille 2, Archer F. et Labbée X. (dir.), 2014, pp. 110 s.
[10] La Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant tend à assurer le retour immédiat, dans sa résidence habituelle, de l’enfant déplacé illicitement. Mais elle prévoit également les exceptions à un tel retour, notamment l’existence d’un danger pour l’enfant (Art. 13 : « lorsqu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ait pour effet de l’exposer à un danger physique ou psychique ou de le placer dans une situation intolérable »).
[11] « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises (…) ».
[12] V. par ex. Douai, 6 juill. 2010, n° 10/02475 : le nouveau compagnon de la mère exerce sur l’enfant des punitions physiques excessives.
[13] V. par ex. Limoges, 2 févr. 2014, n° 00075 : tentative d’assassinat du père sur la personne de la mère en présence des enfants ; Toulouse 5 oct. 2012, n° 12/00095 : dévalorisation de la mère par le père devant les enfants.
[14] V. par ex. 1ère Civ. 16 févr. 1977, Bull. n°90 : le juge ne peut pas se contenter de la façon négative dont des parents ont élevé un 1er enfant qui leur a été enlevé pour décider, sans nouvel examen de la situation familiale, qu’un autre enfant est lui aussi inéluctablement en danger. L’histoire familiale reste malgré tout un élément essentiel d’appréciation.
[15] V. par ex. 1ère Civ. 7 avr. 1965, Bull. n° 257. Jurisprudence constante.
[16] V. 1ère Civ. 5 déc. 2012, n° 11-26.790 ; Ass. pl 23 juin 1972, Bull. n° 2
[17] En cas d’urgence, l’article 375-5 donne compétence au juges des enfants et au procureur de la République pour ordonner, à titre provisoire, soit la remise de ce mineur en danger à un centre d’accueil ou d’observation, soit l’une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. Le centre d’accueil est destiné à recueillir un enfant en danger immédiat dans son milieu actuel. Si le procureur de la République prend des mesures provisoires, il lui appartient de saisir dans les 8 jours le juge compétent. Les mesures provisoires ne peuvent durer plus de 6 mois (prorogation possible de 6 mois).
[18] Art. 375 al. 1 Cciv. : « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice (…) ».
[19] V. pour une étude détaillée : Eschylle J.-F., Huyette M., Temam F. (act.), « Autorité parentale – Assistance éducative : Champ d’application. Conditions », Art. 371-387, J.Cl. civ. fasc. 20, 2020.
[20] V. Cour EDH 16 février 2016 « Affaire Soares de Melo c/ Portugal », req. N°72850/14 : La Cour EDH relève qu’il était principalement reproché à la requérante de ne pas offrir des conditions matérielles adéquates à ses enfants et d’avoir négligé ceux-ci. Or, « (..) en dépit du dénuement matériel manifeste constaté au cours des différentes visites au domicile de la requérante, les autorités internes n’ont pas essayé de combler ces carences au moyen d’une aide financière supplémentaire afin de couvrir les besoins primaires de la famille. (..). La Cour est d’avis que les autorités auraient dû prendre des mesures concrètes pour permettre aux enfants de vivre avec leur mère, avant de les placer et d’ouvrir une procédure d’adoptabilité ». La Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention EDH.
[21] Les juridictions répressives ont parfois l’obligation de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale : hypothèse de l’infraction sexuelle incestueuse commise sur la personne de l’enfant ou des violences conjugales.
[22] Ex d’hypothèse où l’un des parents est l’auteur, le coauteur ou le complice d’un crime commis sur l’autre parent / violences conjugales justifiant le retrait de l’autorité parentale : l’article 378 Cciv., en liant – depuis 2010 – devant la juridiction répressive la sanction des infractions commises par un parent sur l’autre et les relations de l’enfant avec l’auteur des faits, prend en compte les violences conjugales et leurs conséquences sur les mineurs. La commission d’un crime sur la personne de l’autre parent justifie à elle seule le retrait. Crim., 28 juin 2017, n° 16-85.904 : Le demandeur au pourvoi avait été reconnu coupable de meurtre aggravé sur la personne de sa compagne qui l’avait quitté. Il reprochait notamment à la cour d’assises d’avoir ordonné le retrait de son autorité parentale, alors qu’il s’occupait de son fils et était attentif à son éducation, d’une part ; de n’avoir pas établi en quoi le retrait de son autorité parentale était justifié par l’intérêt de l’enfant, d’autre part. La Cour rejette le pourvoi au motif que la cour d’assises n’a fait qu’user de son pouvoir d’appréciation en motivant le retrait par « la nature et la gravité des faits commis par M. Y », reconnu coupable de meurtre aggravé.
[23] V. par ex.1ère Civ. 1er juin 2017, n°15-29.272 : le président du conseil départemental demande le retrait de l’autorité parentale de la mère qui, placée sous curatelle, souffre de troubles psychiatriques et d’une grave altération de ses facultés mentales. Elle ne voit son fils que dans le cadre d’un droit de visite limité. Entre la mère et le fils confié à l’ASE depuis sa naissance, les échanges sont rares. La demande de retrait est néanmoins rejetée car les efforts que fait cette mère pour établir une relation avec son fils ne mettent pas ce dernier manifestement en danger. V. ex : en matière de féminicides – Article 378 Cciv. – depuis 2010 : La commission d’un crime sur la personne de l’autre parent justifie à elle seule le retrait de l’autorité parentale.
[24] V. pour une étude détaillée : Neirinck C., « Autorité parentale – Retrait », Art. 371 à 387, J.-Cl. civ. fasc. 40, 2017.
[25] V. par ex. Lyon, 2ème ch., 22 mai 2001, n°2000/03453 : la condamnation pénale pour atteinte sexuelle sur sa nièce, mineure de 15 ans, du père ne démontre pas un danger pour ses enfants.
[26] V. par ex. Angers, 27 novembre 1992, Juris-Data n° 1992-051108 : Ne peut faire l’objet d’un retrait de l’autorité parentale le père qui, s’il ne s’intéresse pas à ses enfants, ne leur fait pas non plus courir de risques, malgré son comportement oisif et sa fréquentation des débits de boissons.
[27] V. par ex. Rouen, 16 sept. 2009, Juris-Data n° 2009-019942 : Le retrait prononcé par la cour d’assises est infirmé par la cour d’appel : en dépit des faits reprochés au père de violences habituelles ayant entraîné la mort d’un enfant sans intention de la donner et une ITT pour son frère jumeau, et à la mère de non-assistance à personne en péril. Les magistrats observent que tant la mère que le père ont « su se remettre en question, acceptant l’aide des intervenants éducatifs et un travail psychologique afin de dépasser, pour elle, un état de passivité en relation avec un état dépressif sévère, et pour lui, une personnalité pathologique aggravée par une forte addiction à l’alcool et au cannabis […] = parfaite coopération de chacun des parents à la procédure d’assistance éducative », le retrait de l’autorité parentale n’est pas justifié.
[28] V. par ex. Pau, 23 mai 2013, Juris-Data n° 2013-012401 : le caractère violent du prévenu souvent sous l’emprise de l’alcool et faisant régner la terreur dans sa famille.
[29] V. par ex. Nancy, 2 juin 2008, Juris-Data n°2008-372057 : Refus d’un droit de visite et de correspondance à la grand-mère. La mère victime d’abus sexuel commis par les membres de sa famille, avec la complicité silencieuse de la grand-mère ayant bénéficié d’un non-lieu, s’est suicidée avec une de ses filles. Dangerosité pour l’enfant ; Dijon Ch. civ., 11 oct. 2012, n°11/02202 : Droit de visite habituel de l’ex-concubin sur l’enfant qu’il a élevé depuis sa naissance. Rencontre avec les 3 enfants communs du couple. Postérieurement, droit de visite accompagné à la suite d’un placement de l’enfant à l’ASE alors que les droits de la mère sont suspendus du fait de la dangerosité de son nouveau foyer.
[30] V. par ex. Bordeaux, 6ème Ch. civ., 17 nov. 2015, n°14/07741 : Autorité parentale exclusive à la mère compte tenu des multiples éléments qui attestent de la dangerosité du père qui s’adonne à la drogue, conduit sans permis ni assurance, menace des personnes avec une arme à poing et ne respecte pas ses obligations de père. Refus de droit de visite en raison du désintérêt à l’égard de sa fille et de sa conduite ; Cass. 1ère civ. 31 mars 2016, n°15-16.864 : Instauration progressive d’un droit de visite et d’hébergement classique au profit du père dès lors que ses capacités éducatives et son attachement à son fils ne sont pas remis en cause, que sa condamnation pour violence ne concerne pas l’enfant mais sa mère, qu’il a consulté un service de soins pour son addiction au cannabis, que l’expert considère qu’il ne présente aucun caractère de dangerosité, et enfin, que selon le personnel du point-rencontre, les liens se sont renforcés entre le père et l’enfant ; Metz, 4 août 2009, Juris-Data n°2009-380088 : maintien du droit de visite et d’hébergement usuel : le père est mis en examen pour viol de la mère mais il nie les faits et bénéficie de la présomption d’innocence : absence de dangerosité établie par l’expert.
[31] V. par ex. Nancy, 7 avril 2008, Juris-Data n°2008-372059 : interdiction de sortie du territoire suite à la dangerosité du père qui a refusé précédemment la restitution de l’enfant lors d’un séjour en Tunisie. Exercice unilatéral de l’autorité parentale pour la mère. Droit de visite du père dans un lieu neutre.
[32] V. par ex. Rouen, 2 mars 1993, Juris-Data n°1993-042641 : placement psychiatrique. En dépit des dispositions de l’article L 330-1 anc. CSP (déterminant les personnes habilitées à demander l’hospitalisation d’un mineur), le juge peut décider – compte tenu de la dangerosité de l’enfant -, de le placer dans un établissement psychiatrique.
[33] V. par ex. Nancy, 30 janvier 2009, Juris-Data n°2008/02029 : non-lieu pour agression sexuelle du père mais dangerosité criminologique établie par un expert (attitudes équivoques et troubles) – danger pour la moralité des enfants.
[34] Quelques chiffres : Etat des lieux de L. MORIN, Directeur de l’ASE de La Réunion. déc. 2018 – Plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants. CRIP 974 : 2 800 informations préoccupantes à La Réunion / an – Sources des signalements : 29% issus de l’Académie ; 13% des hôpitaux. 30% des IP ont été réalisées alors qu’existait un danger avéré au moment de l’IP. Après évaluation : 38% de décisions administratives d’accompagnement par le conseil départemental ;10% de saisine directe du parquet ; 41% de classement sans suite.
[35] Actualité – Réforme de l’ASE – bilan de la loi n°2016-297 du 14 mars 2016 sur la protection de l’enfance… mise en lumière de quelques insuffisances notamment : Interrogation sur le devenir des jeunes majeurs sortant de l’ASE. Rapport – « Mesures pour la prévention et la protection de l’enfance », 14 oct. 2019 – A. TAQUET. Certains dénoncent, à ce propos, une dangerosité latente : le danger serait différé. Quid après la majorité du jeune accompagné par l’ASE ?
[36] V. par ex. Limoges 3 mars 2014, n° 13/00081 : signalement effectué par un CHU à la suite d’une hospitalisation qui a révélé des fractures de la voûte crânienne et une fracture de l’humérus droit.
[37] Violences volontaires occasionnant une ITT < ou = à 8 jours : contravention de violences volontaires. 1 500 euros d’amende
[38] Violences volontaires occasionnant une ITT > à 8 jours : délit de violences volontaires. 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
[39] Violences volontaires entraînant une mutilation, une amputation, une cécité ou toute autre infirmité permanente : délit passible de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende : violences volontaires aggravées.
[40] Violences volontaires entraînant la mort : crime passible de 15 ans de réclusion criminelle.
[41] V. par ex. Crim. 19 février 1892, DP 1892, 1, 550 – Crim. 2 sept. 2005, n° 04-87.046.
[42] Cpén., art. 222-28, -2° ; 222-29 ; 222-30, -2°.
[43] Cpén., art. 222-24, -2° et -4°.
[44] Cpén., art. 222-28-2° ; 222-29 ; 222-30-2°.
[45] Cpén., art. 222-31-1.
[46] Il est possible de s’interroger sur la terminologie retenue : pourquoi dénommer ces infractions « infractions de mise en péril » et non « infractions de mise en danger » alors qu’il existe des infractions de ce type ? Si la terminologie a été rigoureusement choisie, on doit en déduire que pour les infractions qui vont être évoquées, le danger est imminent, constant et grave.
[47] V. par ex. Paris, 15 juin 1951, D. 1951, jurispr. p. 568 : cas du détournement, par des personnes accueillant des enfants, des aliments qui leur étaient destinés ainsi que le fait de les avoir logés dans des conditions extrêmement précaires.
[48] V. Crim. 11 mars 1975, GP 1975, 2, 507.
[49] V. M. Léna, « Clôture du Grenelle contre les violences faites aux femmes », AJ Pénal 2019, p. 577.
[50] V. E. Camous, Juris-Classeur Pénal Code, Art. 131-36-9 à 131-36-13, Fasc. 20 « Placement sous surveillance électronique mobile », 2019.
[51] V. Rapport de la Commission Santé- Justice (Burgelin dir.), Santé, justice et dangerosités : Pour une meilleure prévention de la récidive, 2005. V. également E. Camous, art. préc. et A. Blanc, « Violences conjugales, des avancées à surveiller », AJ Pénal 2020 p.53.
[52] V. C. Menabe, « Criminologie. Lutter contre la criminalité », Rép. pénal et proc. pénale, oct. 2019.
[53] V. A. Blanc, art. préc.
[54] V. Tribunal Judiciaire de Paris, 16 mars 2020, N° RG : 18/14856.
[55] V. M.-P. MARTIN-BLACHAIS, Rapport Démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance, 2017.
[56] Dangerosité psychiatrique et prédictivité Mélanie Voyer, Jean-Louis Senon, Christelle Paillard, Nemat Jaafari Dans L’information psychiatrique 2009/8 (Volume 85).