De l’illusion de l’ubérisation à la réalité du salarié (Commentaire sous Cass. Soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316)
Comme elle a pu le faire dans l’affaire Take Eat Easy[1], la Cour de cassation dans son arrêt du 4 mars 2020 reconnaît l’existence d’un lien de subordination et requalifie en contrat de travail la relation contractuelle d’un chauffeur avec la plateforme Uber. Au-delà de la question de la reconnaissance d’un contrat de travail, le contentieux soulève des débats quant à la solidité du critère de la subordination juridique (I). Cette discussion relative à ces nouvelles formes d’organisation dépasse les frontières nationales et se confronte au droit européen qui entend prendre sa part sur l’évaluation des relations de travail (II).
Pauline Prépin, Doctorante à l’Université de Versailles St Quentin en Yvelines (Paris Saclay), Membre du laboratoire DANTE.
1. Après avoir été « désactivé » sans explication de la plateforme « Uber », un chauffeur indépendant a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris aux fins de contester les conditions de cette rupture et d’obtenir, sur le fondement de la requalification du contrat, le bénéfice du régime du licenciement abusif. Dans sa décision du 10 janvier 2019, la Cour d’Appel de Paris s’était prononcée en faveur des demandes du chauffeur, si bien que mécontente de son sort judiciaire, la société « Uber » a formé un pourvoi en cassation.
Les arguments de la société sont désormais bien connus : la plateforme soutenait notamment que son rôle se limitait à mettre en relation les chauffeurs indépendants et les clients, grâce aux outils numériques qu’elle développe. A ses yeux, il convenait de ne surtout pas confondre le rapport de subordination avec les exigences techniques de bon fonctionnement de la plateforme. En outre, « Uber » insistait sur la présomption de non-salariat qui découle de l’inscription au registre du commerce et des sociétés du chauffeur, en application de l’article L. 8221-6 du Code du travail. Ce faisant, elle appuyait son argumentation sur la logique civiliste classique qui octroie à la volonté des individus, une valeur essentielle à prendre en considération.
« Uber », comme tout observateur attentif de la jurisprudence de la Cour de cassation, ne pouvait ignorer que ses arguments n’étaient pas imparables a priori. Ce qu’elle recherchait, au travers de son pourvoi, était de contraindre la Haute juridiction à examiner les faits de la relation, pour justement obtenir la mise à l’écart de la nature fictive de la relation contractuelle initiale. Pour « Uber », son modèle économique et juridique particulier méritait bien cet effort d’analyse, d’autant que depuis les premières mises-en-causes de celui-ci, la société a fait évoluer certains de ses process.
Les espoirs d’« Uber » se sont avérés vain. La Cour de cassation estime en effet que « le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif ». Elle confirme en conséquence la requalification ordonnée par la Cour d’appel.
2. Premiers éléments de commentaire. De façon tout à fait classique, la Haute juridiction fonde son raisonnement sur le principe d’indisponibilité du contrat de travail : les faits, rien que les faits[2] ! Exit la volonté des parties. Exit également les intentions et les tentations du législateur qui, dans une période récente, s’est employé à essayer d’évincer ce principe[3]. « L’indépendance ne dépend pas d’une qualification conventionnelle, mais d’une situation de fait »[4]. C’est là un principe bien établi – et depuis longue date[5] – en droit social.
Néanmoins, ce bras de fer entre le juge et le législateur n’a rien d’anodin dans le contexte actuel de développement de la para-subordination. Car voici que les nouvelles technologies offrent à ceux qui considèrent le salariat comme étant trop lourd, trop complexe et trop coûteux, l’opportunité de s’en émanciper. C’est « l’externalisation 2.0 » qui non seulement déresponsabilise l’entreprise vis-à-vis de la prestation à exécuter, mais qui lui accorde en prime la légitimité de la modernité. Le numérique n’est-elle pas une révolution des libertés ? Les libertés de faire, de créer, d’entreprendre, démocratisées pour chaque individu, rendant désormais tous ceux qui le veulent, éligibles à l’autonomie économique.
L’ancien monde avait pourtant fini par condamner la théorie de l’autonomie de la volonté[6]. Voici que le « nouveau monde » tente de la ressusciter au nom d’une fascination pour les progrès algorithmiques. Seulement l’ancien monde conserve encore quelques juges-grognards qui, baignés dans les réalités sociales et les enseignements de l’Histoire, se révèlent bien septiques face à toutes ces évolutions technologiques. Eux savent que derrière ces plateformes et cette para-subordination galopante, se cache en réalité un monde plus ancien que prétendu : le monde d’avant la subordination juridique ; le monde de la dépendance économique comme critère essentiel de la relation de travail ; ce monde où la dignité au travail était impuissante à contraindre la liberté des puissants à se déployer sur le Marché.
3. Au-delà de la simple question de savoir s’il s’agit d’un contrat de travail ou d’un contrat de prestation de service, il s’agit surtout de connaître le degré de solidité du concept de subordination juridique vis-à-vis de ces nouvelles organisations du travail (I) et vis-à-vis d’un droit européen qui entend bien s’imposer sur le sujet (II). C’est un enjeu de libertés fondamentales tant la subordination, qui n’est pas qu’une simple conjonction de pouvoirs[7], porte une certaine conception de la dignité humaine et révèle les droits qui y sont associés.
I – La subordination ravivée par la parasubordonation : un retour au sens téléologique ?
4. Principe de réalisme. Selon le principe de réalisme[8], le juge se doit d’aller plus loin que les apparences contractuelles pour examiner les conditions de fait dans lesquelles s’exécute la prestation de travail. Si la liberté de se connecter à la plateforme n’exclut nullement la subordination[9], c’est avant tout parce que la question de la disponibilité du travailleur est compatible avec une certaine autonomie dans le salariat. Les forfaits jours nous le démontrent bien. Ainsi, la direction, le contrôle et la sanction de la prestation de travail ne sont pas nécessairement exercés sur les moments de présence effective du travailleur. D’autres critères d’exécution de la prestation peuvent également se révéler décisifs[10].
5. La subordination, au cœur de la requalification. La notion de subordination[11] est bien plus souple et malléable que ce que l’on voulait bien nous en dire. L’on a sans doute un peu trop enfermé le salariat dans des représentations figées des temps et des lieux de travail, identifiables à travers une série de critères désormais obsolètes, et qui nous détournent de la finalité conceptuelle de la subordination.
La jurisprudence Bardou[12] d’abord, la jurisprudence Société Générale[13] ensuite, structurent le sens téléologique de la subordination : l’employeur dispose de pouvoirs en contrepartie desquels il doit assurer des protections au travailleur. C’est lui qui assume le risque d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle, d’une affection psychosociale ou de tout ce qui pourrait porter atteinte aux conditions de travail, d’hygiène et de sécurité. Ce sont les pouvoirs de subordination qui garantissent l’effectivité de ces droits sociaux fondamentaux explicitement consacrés dans plusieurs ordres supranationaux.
6. Ainsi lorsque le juge requalifie en salariat, il cherche à déterminer si la relation présente les traits du salariat, autrement dit si le donneur d’ordre se comporte comme un employeur devant alors assumer la responsabilité de ces droits sociaux fondamentaux. Il dispose à cet effet d’une grille de compréhension des faits d’espèces. Il applique un double faisceau d’indices : tout d’abord il observe les critères classiques que connaissent la relation salariée (A), puis ceux qui permettent d’identifier un travailleur indépendant (B).
A. Pouvoirs de subordination : une attention portée aux droits sociaux fondamentaux
7. Ce contentieux qui illustre la para-subordination, révèle que la subordination est un rapport personnel qui certes se modifie[14] mais demeure.
Dans l’arrêt ici commenté, la Cour de cassation s’est d’abord intéressée aux pouvoirs de direction et de contrôle émanant de la plateforme, puis au pouvoir de sanction ; les premiers révélant la possibilité d’être tenu pour responsable vis-à-vis des conditions dignes de travail, le dernier actant l’effectivité de cette responsabilité. Mais la Cour s’est surtout distinguée par la revitalisation d’un ancien concept – le service organisé – qui permet de mieux comprendre pourquoi l’enjeu des droits sociaux fondamentaux est source de responsabilité pour les plateformes numériques.
8. L’algorithme, nouvelle expression d’un pouvoir de direction et de contrôle. Tout comme l’étaient les livreurs Take Eat Easy[15], les chauffeurs « Uber » sont géolocalisés en temps réel par la plateforme. Ce n’est pas tant leur localisation qui importe, que le contrôle qui en résulte : l’exploitation des données enregistrées permettent de suivre chaque course, sa durée, sa trajectoire… autant d’éléments qui renseignent sur les performances économiques de la prestation de travail, et donc ses marges de « progression ». Celles-ci sont déterminées par algorithme : outre de ne pas connaître la destination de la course et n’ayant qu’un bref délai pour l’accepter[16], les chauffeurs doivent suivre un itinéraire fixé par « un mécanisme prédictif ». Dans le cas où le partenaire ne suivrait pas l’itinéraire proposé – considéré alors comme itinéraire « inefficace » – la plateforme se réserve la possibilité d’ajuster unilatéralement le prix de la course.
Plus encore, au cours de l’utilisation de la plateforme le chauffeur peut recevoir différents messages automatiques, tels que « Êtes-vous encore là ? », en cas de refus réitérés de sollicitations de sa part. Bien que ces messages présentent à priori une nature incitative, ceux-ci doivent « être mis en regard des stipulations du point 2.4 du contrat, selon lesquelles : « Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l’accès ou l’utilisation de l’Application […] à la discrétion raisonnable d’Uber. »[17]. Subséquemment ces incitations deviennent des ordres et manifestent l’exercice d’un pouvoir omniscient de la part de la plateforme. L’algorithme est bien l’outil d’un pouvoir qui entend peser sur les conditions de travail et les mécanismes cognitifs des chauffeurs, aux fins de satisfaire les intérêts économiques de la plateforme. Dès cet instant, elle a mis le pied dans l’engagement de sa responsabilité vis-à-vis des droits sociaux fondamentaux.
La neutralité apparente, mathématique, de l’algorithme[18] ne parvient pas à masquer la pression qu’exerce l’ordre marchand sur la dignité au travail[19]. Uber est, pour le juge, une organisation qui exerce une surveillance de tous les instants sur ses prestataires ; une surveillance aux fins de contrôler les conditions de travail.
Notons cependant que l’utilisation de la seule géolocalisation par la plateforme peut-être légitimement considérée comme inhérente au bon fonctionnement de l’activité. Son association à un système de sanctions devient alors décisif[20].
9. La manifestation du pouvoir de sanction. Pour assurer la maîtrise de l’organisation de la prestation de travail, la plateforme a mis en place un système graduel où trois refus de course peuvent conduire à une désactivation temporaire. Outre cela, la plateforme a établi un taux d’annulation de commande, variable dans chaque ville, par chauffeur, au-delà duquel la société se réserve le droit de désactiver l’accès au compte, ainsi qu’en cas de signalements de « comportements problématiques par les utilisateurs ». Face à une telle organisation, il importe alors peu aux juges que « les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée »[21], mais uniquement que ces décisions correspondent à la manifestation d’un pouvoir de sanction.
C’est à se demander si la para-subordination n’aboutit pas à hiérarchiser les pouvoirs de la subordination, plaçant la sanction en position cardinale. Dans une logique de préservation de la dignité au travail, ce schéma se justifie en tout cas : si l’intérêt économique est suffisant pour conduire l’employeur à réprimer un prestataire, l’intérêt supérieur de la dignité l’est sans doute plus encore. Exercer ce pouvoir, c’est reconnaître de facto, et qu’on le veuille ou non, sa responsabilité vis-à-vis de cet enjeu majeur. Loin d’être une notion incantatoire, le principe de dignité au travail trouve tout son sens ici[22]. Il trouverait à s’appliquer aux conditions d’exécution du travail, et ce, tant pour l’organisation du travail que la nature de la prestation de travail[23].
10. La reconnaissance d’une intégration à un service organisé. L’absence de clientèle propre et l’intégration à un service organisé sont des éléments complémentaires qui ont été relevés pour caractériser le lien de subordination. S’il ne s’agit là que de simples indices parmi d’autres[24], ils sont néanmoins particulièrement éloquents.
11. Dès lors que la plateforme « détermine unilatéralement les conditions d’exécution »[25] de la prestation de service, l’intégration à un service organisé est constituée. En effet, les plateformes de service organisé[26] « fournissent un type de travail bien précis, coordonné et organisé »[27]. Elles sont à l’origine de l’offre de service, au sein duquel s’intègre le chauffeur. Cette approche organisationnelle rend compte de la réelle économie de la relation[28].
En d’autres termes, la plateforme conçoit et organise un écosystème autour de la prestation de travail ; un écosystème que la plateforme entend contrôler entièrement pour satisfaire son modèle économique. Le prestataire n’a ainsi aucun moyen de conserver la maîtrise de ses conditions de dignité au travail. Le service organisé est l’indice qui illustre que l’autonomie est au service, et à la disposition même, de la plateforme.
B. Positionnement du salariat dans la chronologie de la relation de travail
12. Le renversement de la présomption. Pour renverser la présomption liée à l’inscription du chauffeur en tant que micro-entrepreneur[29], les juges ont observé, en sus, les conditions dans lesquelles le chauffeur s’était inscrit sous ce statut. Là encore, l’autonomie de la volonté a décidément la vie dure. Il fut indiqué, très justement, que l’une des conditions de la constitution d’une entreprise indépendante est « le libre choix que son auteur fait de la créer ou de la reprendre, outre la maitrise de l’organisation de ses tâches, sa recherche de clientèle et de fournisseurs »[30]. Or ici, ce n’est pas le cas, puisque le chauffeur y « a été contraint pour pouvoir devenir « partenaire » »[31]. Le défaut d’indépendance est ainsi immédiatement positionné au départ de la relation contractuelle. C’est de là, techniquement, que se positionnent les effets de la requalification[32].
13. L’influence du fonctionnement de la plateforme. Pour appréhender la réalité des conditions de travail des prestataires, il convient d’observer le fonctionnement de la plateforme. En effet, la cour d’appel avait d’ores et déjà relevé que les chauffeurs s’inscrivaient dans une offre de service déjà existante, et qu’ils étaient « loin de décider librement de l’organisation de son activité, de rechercher une clientèle ou de choisir ses fournisseurs [il intègre] un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber BV, qui n’existe que grâce à cette plateforme ». Dans le courant de ce qu’a pu trancher la CJUE[33], les juges du fond avaient considéré que la plateforme « seule centralise toutes les demandes de prestations de transport et les attribue, en fonction des algorithmes de son système d’exploitation, à l’un ou l’autre des chauffeurs connectés ».
Cette approche organisationnelle[34] n’est pas sans rappeler la qualification de société de transport dont a fait l’objet la société « Uber »[35]. Il avait été relevé par l’avocat général que « les chauffeurs qui roulent dans le cadre de la plateforme Uber n’exercent pas une activité propre qui existerait indépendamment de cette plateforme. Au contraire, cette activité ne peut exister uniquement que grâce à la plateforme, sans laquelle elle n’aurait aucun sens. »[36]. « Uber » correspond bien à une plateforme cadre[37] au sein de laquelle la proposition est unique. Autrement dit, elle s’inscrit non seulement pleinement dans un secteur d’activité, mais ne laisse aucun choix de la prestation de travail à réaliser pour ses partenaires, et va jusqu’à en contrôler le moindre aspect. L’absence de liberté de fixer ses propres conditions d’exécution de la prestation de service a conduit les juges à conclure que « le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif »[38]. Et c’est cette fictivité qui marque la nécessaire application des libertés fondamentales[39] à ces travailleurs : vers la dignité humaine. Et celle-ci ne peut être sacrifiée sur l’autel de la liberté d’entreprendre.
Ce principe n’est peut-être pas, inconsciemment du moins, absent de l’esprit du législateur. Lorsque les chartes, revues par la loi LOM, font appel à des notions telles que la fixation d’un « prix décent », nous avons l’illustration d’une novlangue qui finit par prononcer la dignité du bout les lèvres. En effet, cet « oxymore malheureux »[40] s’entend, selon le Conseil constitutionnel, « comme une rémunération permettant au travailleur de vivre convenablement compte tenu du temps de travail accompli »[41]. La proximité importune avec l’un des principes fondamentaux de la Déclaration de Philadelphie[42], et plus récemment du socle européen des droits sociaux[43], est particulièrement paradoxale face à l’attachement du législateur d’éloigner le droit du travail. Dans sa recherche de contrepartie de protection, nous en revenons finalement à la notion de dignité. Le droit du travail ainsi mis à la porte, revient par la fenêtre.
II. La subordination confrontée à l’Europe économique
14. Deux réalités s’affrontent : la subordination et ses impératifs de protection face à l’économie et ses impératifs de rentabilité. Depuis les jurisprudences Viking et Laval[44], la CJUE a entendu placer sur un pied d’égalité les libertés économiques et les autres droits fondamentaux reconnus notamment par la Charte. Pour certain elle va jusqu’à mettre la liberté d’entreprendre au-dessus des droits fondamentaux des travailleurs[45]. Une telle conception a suscité de nombreuses réactions quant à la place que devrait prendre les droits sociaux fondamentaux. D’autant, que le Conseil de l’Europe a pris une place de plus en plus importante dans la protection des droits fondamentaux, empreint d’une certaine rationalité.
Mais alors, comment se positionne la Cour face à ces deux rationalités concurrentes (A) ? Comment l’Union européenne entend prendre la main sur l’évaluation des relations de travail (B) ?
A. La Cour de cassation entre les deux feux européens de l’économie et des droits sociaux fondamentaux
15. La référence à la notion de « travailleur » en droit de l’Union européenne. L’influence du droit de l’UE est certaine sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Lors de l’affaire Take Eat Easy le doyen Huglo appelait déjà de ses vœux[46] l’application de la directive européenne de 2003[47] relative au temps de travail aux travailleurs des plateformes. Sans grande surprise, la Cour de cassation réaffirme ici, avec l’arrêt Uber (et plus particulièrement dans sa note explicative), son intention de se conformer au droit de l’Union européenne. Lors de celle-ci, elle y fait explicitement référence, en rappelant la notion de travailleur retenue par la CJUE, jusqu’à l’intégrer pleinement de son raisonnement[48].
Se conformer, certes, mais avec souplesse. D’une certaine façon, la Cour de cassation admet que le droit national est désarmé pour solutionner la problématique de la para-subordination, si l’enjeu est effectivement d’inventer des évolutions adaptées au salariat et au travail indépendant. D’ici là, ce sont les anciennes catégories juridiques qui servent de référence au raisonnement judiciaire national. Faute de mieux…
La promesse du droit de l’Union est néanmoins sur la table, comme l’a relevé une partie de la doctrine qui, à l’occasion de la décision constitutionnelle[49] relative à la loi LOM[50], attirait l’attention vers son application[51] comme source de solution face à l’incomplétude du statut de ces travailleurs et de la mise en œuvre des chartes dédiées. La notion de « travailleur » en droit européen, étant autonome[52] et exempte de la summa divisio entre indépendant et salarié, elle ouvre vers une voie caractérisée par une « élasticité qui lui permet d’appréhender toutes sortes de modalité d’exercice d’une activité professionnelle »[53].
En effet, l’Union européenne ne veut pas raisonner en termes de subordination (notion que plusieurs Etats membres ne connaissent pas dans leur droit national). Au-delà d’une dichotomie salarié-indépendant, elle constate des relations de travail au sens large : une prestation échangée contre une rémunération, soumise à un pouvoir de direction. Plus particulièrement, les travailleurs des plateformes sont désormais visés au sein des directives européennes[54], mais reste à savoir si l’Union européenne va faire le choix de la rationalité économique ou celui fondé sur les droits sociaux fondamentaux. Tout comme il est question de savoir comment les juges nationaux vont effectivement peser sur ce choix.
16. Mais qu’en pense la CJUE, dont nul n’ignore le poids sur l’orientation téléologique de l’Union ? Rappelons qu’elle s’est toujours préoccupée de retenir une approche de la notion de travailleur qui soit compatible avec les modèles de la subordination[55], et qui s’en inspire même largement.
Plus récemment, à l’occasion d’une question préjudicielle du Watford Employment Tribunal[56], qui portait sur la reconnaissance en tant que « travailleur » au sens de la directive de 2003 d’un livreur indépendant[57] de la plateforme Yodel, la CJUE a rappelé que « la qualification de « prestataire indépendant », au regard du droit national, n’exclut pas qu’une personne doit être qualifiée de « travailleur », au sens du droit de l’Union, si son indépendance n’est que fictive, déguisant ainsi une véritable relation de travail. »[58].
Lors de cette ordonnance motivée, la CJUE n’a pas tendu, de façon surprenante, vers la reconnaissance du livreur comme travailleur au sens du droit européen, considérant ce dernier comme ayant une très grande latitude quant à l’exécution de sa prestation de service. La Cour a estimé qu’était un entrepreneur indépendant celui qui dispose des facultés, notamment, « de fixer ses propres heures de « travail » dans le cadre de certains paramètres, ainsi que d’organiser son temps pour s’adapter à sa convenance personnelle plutôt qu’aux seuls intérêts de l’employeur présumé »[59]. Il a prévalu que le livreur avait la faculté de sous-traiter sa prestation de travail[60] et que l’exercice d’un contrôle par la plateforme était fondé sur des critères objectifs et ne permettait pas à celle-ci de « faire prévaloir ses éventuels choix et préférences personnels »[61]. Elle a conclu en laissant cependant le soin aux juridictions nationales de vérifier les conditions de fait[62].
L’ordonnance signifie, en outre, que la jurisprudence de la Cour est suffisamment limpide pour ne pas avoir à revenir sur la notion de travailleur. A savoir que, « la caractéristique de la relation de travail est la circonstance qu’une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération »[63]. Pour le cas des chauffeurs Uber, il restera alors à savoir si la CJUE considère, comme la Cour de cassation, que la liberté de se connecter ne s’oppose pas à la reconnaissance d’un lien de subordination dès lors que la plateforme subordonne cette liberté.
17. Nous sommes donc dans une situation où la CJUE entend positionner le droit européen au départ de tout raisonnement judiciaire national, et particulièrement sur la question de savoir si l’indépendance n’est pas en fin de compte un statut fictif. Aux juges nationaux, ensuite, de réattribuer un statut selon leur tradition, entre la subordination si elle existe, ou la dépendance économique (socialement régulée) à défaut. A ce stade de la construction juridique, la subordination à la française n’est pas directement menacée.
B. L’orientation politique du droit de l’Union en faveur de la rationalité économique
17. Le socle de libertés fondamentales. Si menace il y a sur la subordination à la française, elle provient avant tout des politiques de l’Union et des normes qui les illustrent. Rien n’est inéluctable : « Il est [encore] possible que l’Union européenne puisse jouer un rôle dans la formulation de règles fondamentales pour assurer cette protection de base à tous ceux qui travaillent dans des conditions de dépendance économique. »[64]. Mais à regarder de près la production normative globale de l’Union en matière de relations de travail, cette perspective est loin d’être garantie.
Le droit européen pourrait venir au secours des travailleurs des plateformes, démunis face à l’inefficacité des chartes et à l’inachèvement de leur statut. Une partie de la doctrine dénonce des atteintes au droit à l’emploi[65], au sens des garanties qui s’y attachent. En effet, « il n’échappe à personne qu’on ne peut se contenter d’un emploi à tout prix »[66]. L’exclusion des garanties issues du droit du travail (et fondées sur les droits sociaux fondamentaux), associée à l’absence d’une réelle liberté d’entreprendre, contrevient à la liberté de travailler qui découle du droit à l’emploi[67].
Le droit européen pourrait aussi constituer une solution d’un au-delà de l’emploi, apportant un début de garantie uniforme à ces travailleurs. Malgré les nombreux appels d’une partie de la doctrine à la mort programmée du lien de subordination[68], celui-ci montre encore son utilité et toute sa force face aux nouvelles organisations numériques, notamment par sa très grande proximité, si ce n’est sa similitude, avec les critères de la notion de « travailleur » au sens de la CJUE. Et c’est justement par la reconnaissance du pouvoir, que des libertés fondamentales pourront être appliquées, car « les droits fondamentaux de la personne humaine ont été pensés comme des limitations faites au pouvoir » [69]. La multiplicité des sources de protection européenne n’est pas sans poser de difficulté, mais c’est par une complémentarité intelligente entre celles-ci qu’il sera possible d’atteindre un socle de protection efficient.
18. Cela sera-t-il la voie choisie ? La directive relative à des conditions de travail transparentes avait pu faire naître un tel espoir, en y incluant largement des travailleurs para-subordonnés. Cependant bon nombre sont les orientations qui ont été prises jusqu’ici qui furent en faveur du marché, notamment l’ensemble des dispositions favorisant la flexisécurité européenne qui provoque une protection moindre et à deux vitesses. Malgré les récentes circonstances du COVID qui ont mis en lumière les difficultés rencontrés par ces travailleurs et leur manque de protection, les différentes annonces sont restées relativement floues sur le sujet.
CONCLUSION
19. La transformation du lien de subordination. Loin de se laisser duper par ces soi-disant nouvelles relations indépendantes, se présentant comme le nouvel Eldorado des travailleurs, la Cour de cassation a en tout cas su déceler que l’expression était certes nouvelle mais que le fond restait le même : un état de subordination. Nous sommes face à de nouvelles formes d’expression du pouvoir, qui relèvent du domaine parfois de l’incitatif, et qui surtout se dissimulent derrière la froideur des algorithmes. Mais le lien de subordination, conçu comme une responsabilité vis-à-vis de la garantie de conditions dignes de travail, est bel et bien présent : est responsable celui qui influence les conditions de travail en faveur de son profit économique[70]. Nous sommes bien face à des acteurs qui ont volontairement mis en œuvre une organisation qui excluait l’application du droit du travail. Et, la liberté d’entreprendre ne peut permettre l’exclusion de garanties issues du véritable statut applicable à ces travailleurs.
L’approche française du problème conserve donc tout son sens et toute sa légitimité dès lors qu’elle reste attachée à la rationalité des droits sociaux fondamentaux. Mais plus encore, elle offre suffisamment de souplesse pour s’adapter aux phénomènes contemporains de para-subordination. Cependant – et il est bien de le rappeler – autonomie et indépendance ne doivent pas être confondues. En effet, posséder de l’autonomie dans la réalisation de sa prestation de travail n’est pas nécessairement synonyme d’indépendance. Au côté du faisceau d’indice du lien de subordination, il est désormais nécessaire de redécouvrir la définition de l’indépendance[71].
[1] Cass. Soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, D. actu. 12 déc. 2018, obs. Peyronnet ; ibid. 169, avis Courcol-Bouchard, obs. Escande-Varniol ; RDT 2019. 36, note Peyronnet ; RJS 2/2019, p. 98, Rapp. Salomon ; ibid., n° 72 ; SSL 2018, n° 1841, p. 6, obs. Gomes et Lokiec ; JCP S 2018. 1398, obs. Loiseau.
[2] Cass., ass. plén., 4 mars 1983, n° 81-11.647, D. 1983. 381, concl. Cabannes ; D. 1984. IR 164, obs. Béraud.
[3] Cons. const., 20 décembre 2019, n° 2019-794 DC ; G. LOISEAU, « Travailleurs des plateformes : un naufrage législatif », JCP S, no 1‑2, janvier 2020, p. 1000 ; F. FAVENNEC-HERY, « Les travailleurs des plateformes collaboratives : en attendant Gobot », SSL, no 1896, février 2020, p. 8‑11 ; B. GOMES, « Constitutionnalité de la « charte sociale » des plateformes de « mise en relation » : censure subtile, effets majeurs », RDT, no 1, janvier 2020, p. 42.
[4] A. SUPIOT (Dir.), J. de MUNCK, R. SALAIS et P. VAN DER HEIJDEN, Au-delà de l’emploi : Les voies d’une vraie réforme du droit du travail, 2ème édition., Flammarion, 2016, p. 22.
[5] Cass., ass. plén., 4 mars 1983, n° 81-11.647, D. 1983. 381, concl. Cabannes ; D. 1984. IR 164, obs. Béraud., op. cit. ; Cass. Soc., 19 décembre 2000, n° 98-40.572, D. 2001. IR 355 ; GADT, 4e éd., n° 3 ; RJS 2001. 203, n° 275 ; Dr. soc. 2001. 227, note Jeammaud.
[6] E. GOUNOT, Le principe d’autonomie de la volonté en droit privé, contribution à l’étude critique de l’individualisme juridique, 1912 ; F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE et F. CHENEDE, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, coll.« Précis », 2018, p. 36 ; Sur la nécessité d’un Tiers garant, A. SUPIOT, Homo juridicus : essai sur la fonction anthropologique du droit, Paris, Editions du Seuil, 2005, p. 157.
[7] V. notamment à ce sujet, B. PETIT, « Libres propos sur le rapport de subordination dans les relations de travail : sortir du moralisme de la lutte des classes pour oser, demain, la co-gestion ! », RDLF, no 11, 2017.
[8] « La qualification exacte d’un contrat, dont la nature juridique est indécise, relève de l’office du juge. », Cass. Soc., 19 mai 1998, n° 95-45.575, Bull. civ. V, n° 267 ; D. 1998. 166.
[9] §11 : « le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée ».
[10] N. ANCIAUX, « Le contrat de travail : réflexions à partir de l’arrêt Take Eat Easy », JCP S, no 5, février 2019, p. 1026 ; Dans le même sens, CJCE, 13 janvier 2004, aff. C- 256/01, Debra Allonby c/ Accrington.
[11] J.-F. CESARO, « La subordination », dans Les notions fondamentales du droit du travail, Paris, Panthéon-Assas, coll.« Colloques (Editions Panthéon-Assas) », 2009, p. 129‑147.
[12] « La condition juridique d’un travailleur à l’égard de la personne pour laquelle il travaille ne saurait être déterminée par la faiblesse ou la dépendance économique dudit travailleur et ne peut résulter que du contrat conclu entre les parties ; la qualité de salarié implique nécessairement l’existence d’un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l’emploie. », Civ. 6 juillet 1931, DP 1931.1. 121, note P. Pic.
[13] Cass. Soc., 13 novembre 1996, Bull. 1996, n° 386 ; Les Grands arrêts du droit du travail, 4ème édition, n°2 ; Droit Social, 1996, p. 1067, note J-J. Dupeyroux.
[14] V. notamment à ce sujet, H. PETIT (Dir.) et N. THEVENOT (Dir.), Les nouvelles frontières du travail subordonné, La Découverte, coll.« Recherches », 2006 ; A. SUPIOT (Dir.), J. de MUNCK, R. SALAIS et P. VAN DER HEIJDEN, Au-delà de l’emploi, op. cit., p. 27 ; P. LOKIEC et J. ROCHFELD, « Nouvelle surveillance, nouvelle subordination ? », dans A droit ouvert : mélanges en l’honneur d’Antoine Lyon-Caen, 1re éd., Paris, Dalloz, coll.« Etudes, mélanges, travaux », 2018, p. 545 ; E. DOCKES, « Décomposition et recomposition du travail et de ses maitres », dans Le travail au XXIe siècle : Livre du centenaire de l’Organisation internationale du Travail, Editions de l’Atelier, coll.« SCIENCES HUM HC », 2019, p. 271‑285 ; Déjà, A. SUPIOT, « Les nouveaux visages de la subordination », Dr. soc., 2000, p. 131.
[15] Cass. Soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, D. actu. 12 déc. 2018, obs. Peyronnet ; ibid. 169, avis Courcol-Bouchard, obs. Escande-Varniol ; RDT 2019. 36, note Peyronnet ; RJS 2/2019, p. 98, Rapp. Salomon ; ibid., n° 72 ; SSL 2018, n° 1841, p. 6, obs. Gomes et Lokiec ; JCP S 2018. 1398, obs. Loiseau., op. cit.
[16] « le chauffeur ne dispose de seulement huit secondes pour accepter la course qui lui est proposée. », § 13.
[17] § 13.
[18] « un pouvoir n’est jamais aussi fort que lorsqu’il avance masqué et qu’il se pare des atours de la scientificité et de la neutralité car, ce faisant, il prétend échapper à toute discussion ou toute contestation », A. BENSAMOUN (Dir.) et G. LOISEAU (Dir.), Droit de l’intelligence artificielle, Issy-les-Moulineaux, LGDJ, coll.« Les Intégrales », 2019, p. 307.
[19] B. GOMES, Le droit du travail à l’épreuve des plateformes numériques, Thèse de doctorat, Paris 10, 2018, p. 134.
[20] F. CHAMPEAUX, « Take Eat Easy : une application classique du lien de subordination », SSL, no 1842‑1843, décembre 2018, p. 3‑4 ; F. CHAMPEAUX, « Le droit du travail doit prendre en compte la situation des travailleurs des plateformes », SSL, no 1899, 16 mars 2020, p. 3‑6.
[21] § 14.
[22] Selon les mots du doyen Huglo, « Du point de vue constitutionnel, que se passerait-il si on privait ces travailleurs, qui relèvent de la notion de salarié, de droits sociaux fondamentaux et notamment du Préambule de 1946 ? Il y a là une difficulté d’ordre constitutionnel. », F. CHAMPEAUX, « Take Eat Easy : une application classique du lien de subordination », op. cit.
[23] F. HEAS, « Observations sur le concept de dignité appliqué aux relations de travail », Dr. ouvr., no 746, septembre 2010, p. 461‑468.
[24] « le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail », Cass. Soc., 13 novembre 1996, Bull. 1996, n° 386 ; Les Grands arrêts du droit du travail, 4ème édition, n°2 ; Droit Social, 1996, p. 1067, note J-J. Dupeyroux, op. cit.
[25] § 9.
[26] N. AMAR et L.-C. VIOSSART, Les plateformes collaboratives, l’emploi et la protection sociale, Inspection Générale des Affaires Sociales, 2016, p. 20.
[27] E. DOCKES, « Le salariat des plateformes à propos de l’arrêt TakeEatEasy », Dr. ouvr., 2019, p. 7.
[28] L’opération de qualification du lien de subordination « participe de la mise en adéquation du statut social et du statut économique de l’activité. Elle vise à soustraire le prestataire qui n’est pas indépendant de la charge des risques de son activité. », T. PASQUIER, L’économie du contrat de travail : conception et destin d’un type contractuel, Paris, LGDJ, Lextenso Éd, coll.« Bibliothèque de droit social », n˚ 53, 2010, p. 107.
[29] Art. L. 8221-6 C. trav.
[30] CA Paris, pôle 6, ch. 2, 10 janvier 2019, n° RG 18/08357, RJS 3/2019, n° 144 ; JSL 2019, n° 470-1, obs. Lhernould ; Com. com. électr. 2019. Comm. 17, obs. Loiseau ; AJC 2019. Actu. 53.
[31] § 10.
[32] B. KRIEF, « En étant un travailleur « contraint », le chauffeur Uber devient un salarié », Bulletin Joly Travail, no 02, février 2019, p. 8.
[33] CJUE, 20 décembre 2017, aff. C-434/15, Asociacion Profesional Elite Taxi contre Uber Systems Spain SL, D. 2018. 934, note Balat ; ibid. Pan. 1413, obs. Kenfack ; AJDA 2018. 329, obs. Bonneville, Broussy, Cassagnabère et Gänser ; RTD eur. 2018. 147, obs. Grard; JT 2018, n° 205, p. 12, obs. X. D. ; RDT 2018. 150, note Gomes ; CCE 2018, n° 11, obs. Loiseau ; EEI 2018, n° 14, obs. Charles et Schweitzer ; RLDI févr. 2018. 17, note Bensoussan-Brulé et Martinez.
[34] H. NASOM-TISSANDIER et M. SWEENEY, « Les plateformes numériques de transport face au contentieux », dans Les nouveaux travailleurs des applis, PUF, coll.« La Vie des Idées », 2019, p. 87.
[35] CJUE, 20 décembre 2017, aff. C-434/15, Asociacion Profesional Elite Taxi contre Uber Systems Spain SL, D. 2018. 934, note Balat ; ibid. Pan. 1413, obs. Kenfack ; AJDA 2018. 329, obs. Bonneville, Broussy, Cassagnabère et Gänser ; RTD eur. 2018. 147, obs. Grard; JT 2018, n° 205, p. 12, obs. X. D. ; RDT 2018. 150, note Gomes ; CCE 2018, n° 11, obs. Loiseau ; EEI 2018, n° 14, obs. Charles et Schweitzer ; RLDI févr. 2018. 17, note Bensoussan-Brulé et Martinez, op. cit.
[36] Conclusions de l’Avocat Général, M. Maciej Szpunar, présentées le 11 mai 2017, Affaire C434/15, Asociación Profesional Elite Taxi Contre, Uber Systems Spain SL.
[37] P. FLICHY, « Le travail sur plateforme. Une activité ambivalente », Réseaux, vol. 213, no 1, 2019, p. 173‑209.
[38] Note explicative de la Cour de cassation relative à l’arrêt n°374 du 4 mars 2020 (19-13.316).
[39] P. ADAM, « Droits fondamentaux et droit du travail : derrière le brouillard… », Dr. soc., no 6, juin 2019, p. 506.
[40] G. LOISEAU, « Travailleurs des plateformes : un naufrage législatif », op. cit.
[41] Cons. const., 20 décembre 2019, n° 2019-794 DC, op. cit.§17.
[42] I (a), « le travail n’est pas une marchandise ».
[43] Chap. 2, pnt. 6.
[44] CJCE, 6 décembre 2007, aff. C-438/05, Viking ; CJCE, 18 décembre 2007, aff. C-341/05, Laval.
[45] E. DOCKES, « Décomposition et recomposition du travail et de ses maîtres », op. cit., p. 282.
[46] « Le jour où nous aurons un litige sur la requalification en contrat de travail dans lequel le temps de travail sera en jeu, nous devrons poser une question préjudicielle à la CJUE car nous ne sommes plus dans le droit français. […] il y a vraisemblablement des chances pour que la CJUE considère que ces travailleurs des plateformes entrent dans le champ d’application de la directive. », F. CHAMPEAUX, « Take Eat Easy : une application classique du lien de subordination », op. cit.
[47] Directive n° 2003/88 du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
[48] Notamment, « la Cour de justice de l’Union européenne retient que la qualification de « prestataire indépendant » donnée par le droit national n’exclut pas qu’une personne doit être qualifiée de « travailleur », au sens du droit de l’Union, si son indépendance n’est que fictive, déguisant ainsi une véritable relation de travail […] et que le fait qu’aucune obligation ne pèse sur les travailleurs pour accepter une vacation est sans incidence dans le contexte en cause. », Note explicative de la Cour de cassation relative à l’arrêt n°374 du 4 mars 2020 (19-13.316).
[49] Cons. const., 20 décembre 2019, n° 2019-794 DC, op. cit.
[50] Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019, d’orientation des mobilités.
[51] V. notamment à ce sujet, G. LOISEAU, « Travailleurs des plateformes : un naufrage législatif », op. cit., p. 7.
[52] « La notion de travailleur […] revêt une portée communautaire. Elle doit être définie selon des critères objectifs qui caractérisent la relation du travail en considération des droits et devoirs des personnes concernées ; la caractéristique essentielle de la relation du travail est la circonstance qu’une personne accomplit des prestations ayant une valeur économique certaine en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. », dès, CJCE, 3 juillet 1986, aff. C-66/85, Deborah Lawrie-Blum c/ Land Baden-Württemberg.
[53] G. LOISEAU, « Travailleurs des plateformes : un naufrage législatif », op. cit., p. 7.
[54] « Pour autant qu’ils remplissent ces critères […] les travailleurs des plateformes […] pourraient entrer dans le champ d’application de la présente directive. Les travailleurs réellement indépendants ne devraient pas relever du champ d’application de la présente directive car ils ne remplissent pas ces critères. », pnt. 8 préambule, Directive n° 2019/1152 du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.
[55] CJUE, 20 novembre 2018, aff. C-147/17, Sindicatul Familia Constanţa e.a.
[56] CJUE, 22 avril 2020, aff. C-692/19, B. c/ Yodel Delivery Network ; V. à ce sujet, B. GOMES, « Les travailleurs des plateformes sont-ils des travailleurs au sens du droit de l’Union ? », SSL, no 1907, 11 mai 2020, p. 12‑14.
[57] En effet, son contrat de prestations avec Yodel spécifiait qu’il était un travailleur indépendant et qu’il ne relevait ni du statut de salarié, employee, ni du statut intermédiaire, qui existe au Royaume-Uni, de worker.
[58] pt. 30.
[59] pt. 45.
[60] pt. 39.
[61] pt. 39.
[62] pt. 46 : « Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi de procéder, en tenant compte de l’ensemble des éléments pertinents relatifs à cette même personne, ainsi qu’à l’activité économique qu’elle exerce, à sa qualification au regard de la directive 2003/88 ».
[63] CJUE, 26 mars 2015, aff. C-316/13, Fenoll ; CJUE, 21 février 2018, aff. C-518/15, Matzak.
[64] A. SUPIOT (Dir.), J. de MUNCK, R. SALAIS et P. VAN DER HEIJDEN, Au-delà de l’emploi, op. cit., p. 43.
[65] K. VAN DEN BERGH, « La charte sociale des opérateurs de plateformes : « Couvrez cette subordination que je ne saurais voir » », Dr. soc., no 5, mai 2020, p. 439.
[66] F. PETIT, « L’insaisissable droit à l’emploi », dans Droits du travail, emploi, entreprise : mélanges en l’honneur du Professeur François Gaudu, Paris, IRJS Editions, coll.« Bibliothèque de l’IRJS-André Tunc », 2014, p. 77.
[67] K. VAN DEN BERGH, « La charte sociale des opérateurs de plateformes : « Couvrez cette subordination que je ne saurais voir » », op. cit.
[68] V. notamment, P. LOKIEC, « De la subordination au contrôle », SSL, no 1841, décembre 2018, p. 10‑11 ; F. FAVENNEC-HERY, « Faut-il brûler le contrat de travail ? », dans Mélanges en l’honneur de Bernard Teyssié, Paris, Lexis Nexis, 2019, p. 157‑167.
[69] E. DOCKES, « Décomposition et recomposition du travail et de ses maitres », op. cit., p. 283.
[70] En démontre les récentes décisions qui ont condamné une plateforme de crowdmarketing, et la plateforme de livraison de repas Deliveroo pour travail dissimulé. CA Douai, 6e ch. corr., 10 février 2020, n° 19/00137 ; V. pour une critique de la décision, I. CHANTRIER et V. REBERIOUX, « Les “ClickWalkers” hors du droit du travail », SSL, no 1896, février 2020, p. 12‑14 ; Cons. prud’h. Paris, 4 février 2020, n° 19/07738 ; A. CASADO, « Et Deliveroo du travail illégal », Bulletin Joly Travail, no 3, mars 2020, p. 29.
[71] G. LYON-CAEN, Le droit du travail non salarié, Paris, Sirey, 1990.