La surpopulation carcérale et la guerre des offices : le juge judiciaire comme nouveau gardien des conditions d’exécution de la détention provisoire
Par Julia Schmitz, Maître de conférences en droit public, Université Toulouse I Capitole, Institut Maurice Hauriou
« C’est une occasion unique et historique, qui vous est donnée, à vous, aujourd’hui, et j’espère, au Conseil constitutionnel, demain, d’en finir de manière durable avec la surpopulation carcérale, génératrice de traitements inhumains et dégradants ». Ainsi s’exprimait l’avocate générale Sandrine Zientara-Logeay devant la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un récent contentieux concernant les conditions d’exécution d’une détention provisoire au sein d’une maison d’arrêt. Une double occasion historique a en effet été saisie par la haute juridiction dans son arrêt n° 1400 du 8 juillet 2020 n° 20-81.739 pour convoiter de nouvelles terres de compétence et redéfinir le rôle de l’autorité judiciaire en matière de contrôle de la privation de liberté.
D’une part, la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt J.M.B. du 30 janvier 2020[1] pour violation de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants en raison de la surpopulation carcérale, et du droit au recours effectif pour absence de voie de recours susceptible de mettre fin rapidement à de telles atteintes au principe de dignité, a pointé du doigt la nécessité d’un véritable gardien naturel et omniprésent de la liberté individuelle. D’autre part, l’état d’urgence sanitaire, tout comme auparavant l’état d’urgence sécuritaire, a révélé au grand jour des tensions dans la répartition des compétences juridictionnelles et réveillé la guerre des juges. La fracture entre un juge judiciaire protecteur des libertés, et un juge administratif garant des intérêts de l’administration, est en effet plus que jamais rendue visible.
Le gardien de la liberté individuelle porte désormais son dévolu sur le contentieux de la détention provisoire, en reprenant la main sur un contentieux déserté par le juge administratif, en particulier durant la crise sanitaire.
Ce dernier a en effet rejeté des demandes de suspension de l’article 16 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale prise sur habilitation de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, qui a institué un allongement automatique des délais de détention provisoire sans comparution systématique devant le juge judiciaire, en estimant que « l’ordonnance contestée a mis en oeuvre l’habilitation donnée par la loi du 23 mars 2020, dans le respect des conditions qu’elle y a mises » et s’était « bornée » à allonger les délais, « sans apporter d’autre modification aux règles du Code procédure pénale ». Il a alors souligné le « contexte très particulier des circonstances liées à l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour lutter contre la propagation de cette maladie » pour fermer sa porte contentieuse[2]. La chambre criminelle de la Cour de cassation a quant à elle accepté de renvoyer aux sages une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité à l’article 66 de la Constitution des dispositions de la loi d’habilitation du 23 mars 2020 sur le fondement de laquelle ont été prises les mesures règlementaires contestées devant le juge administratif, au prix d’une double manœuvre interprétative sur la portée des dispositions en cause et a jugé – sans surseoir à statuer – l’absence d’intervention du juge judiciaire incompatible avec le droit à la sûreté garanti par la Convention européenne des droits de l’homme, et ce « même en tenant compte des circonstances de fait exceptionnelles résultant du contexte épidémique »[3].
La crise sanitaire aura également été un incubateur de la prise de conscience du phénomène structurel de surpopulation carcérale en France et de la nécessité de trouver des moyens rapides et efficaces pour y remédier. Au 1er janvier 2020, 70 651 personnes étaient détenues pour environ 60 000 places. La densité carcérale globale s’établissait à 116,5 %, et à 138,1 % en maison d’arrêt. Le nombre de placements en détention provisoire est passé de 50 398 en 2015 à 59 165 en 2019, tandis que la durée moyenne de la détention provisoire a augmenté[4].
C’est un tel contexte endémique qui a été à l’origine du contentieux soumis à la chambre criminelle de la Cour de cassation et dont elle s’est saisie pour faire bouger les lignes juridictionnelles, mais aussi politiques. Suite au rejet par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes de sa demande de mise en liberté, le requérant, placé en détention provisoire au centre pénitentiaire de Plomeur, a interjeté appel au motif qu’il subissait des conditions de détention constitutives de traitements inhumains et dégradants du fait de la surpopulation carcérale. Par arrêt du 13 février 2020, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes a rejeté le recours en estimant qu’en tout état de cause « une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention […] ne saurait constituer un obstacle légal au placement et maintien en détention provisoire ». A l’occasion de son pourvoi en cassation, le requérant a alors formulé une QPC portant sur la conformité au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, au principe constitutionnel nouveau qui en découle d’interdiction des traitements inhumains et dégradants ainsi qu’à la liberté individuelle, au droit au respect de la vie privée et au droit au recours effectif des dispositions du code de procédure pénale (CPP) relatives à la détention provisoire (art. 137-3, 144 et 144-1 CPP) en ce qu’elles ne prévoient pas « que le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention puisse, de manière effective, redresser la situation dont sont victimes les détenus dont les conditions d’incarcération constituent un traitement inhumain et dégradant afin d’empêcher la continuation de la violation alléguée devant lui ».
Dans l’arrêt n° 1434 du 8 juillet 2020, la chambre criminelle accepte de renvoyer la question au Conseil constitutionnel et affirme, après avoir réalisé un contrôle de conventionalité des dispositions contestées, que le juge judiciaire « a l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d’empêcher la continuation de la violation de l’article 3 de la Convention », et plus précisément, d’ordonner la mise en liberté de la personne, une fois l’atteinte au droit au respect de la dignité humaine établie. Elle réalise ainsi un « infléchissement sérieux de sa jurisprudence », selon les termes de la note explicative de l’arrêt, en admettant désormais que des conditions indignes de détention puissent « constituer un obstacle à la poursuite de cette détention ».
Après avoir affirmé « le plein exercice de son office de gardien de la liberté individuelle »[5] en matière de prolongation de la détention provisoire, le juge judiciaire se livre ici une nouvelle fois à un exercice jurisprudentiel particulièrement constructif, pour faire face à l’inaction des pouvoirs publics (I) et à l’impuissance du juge administratif (II) lui permettant ainsi de contrôler les conditions matérielles d’exécution d’une mesure privative de liberté.
I. Le juge judiciaire face à l’inaction des pouvoirs publics
Afin de provoquer le réveil des pouvoirs publics en matière de conditions de détention, la chambre criminelle va activer de manière simultanée les contrôles de constitutionnalité (A) et de conventionalité (B) en déployant à chaque fois une interprétation véritablement politique des enjeux du pourvoi.
A) La saisine pragmatique du Conseil constitutionnel
Pour conclure au bien fondé du renvoi au Conseil constitutionnel, l’avocat général met en effet en œuvre une interprétation opportuniste des caractères nouveau et sérieux (1) de la question fondée sur son intérêt politique, et souligne la nécessaire « hybridation des droits » constitutionnels et conventionnels (2).
1. Les caractères nouveau et sérieux de la question
Si la question portant sur le principe de prohibition des traitements inhumains et dégradants n’est pas nouvelle puisque le Conseil constitutionnel a déjà formulé un principe matriciel de dignité comprenant une telle interdiction lors du contrôle de la loi pénitentiaire[6], les conclusions précisent que le caractère nouveau de la question doit s’apprécier sous l’angle non plus seulement « technique » mais « politique », lorsque les questions « soulèvent des débats de société importants ». Et l’avocat général se saisit de cette marge d’interprétation pour considérer que « l’instauration d’un principe autonome de prohibition des traitements inhumains et dégradants […] ou en tous cas le renouvellement sous cet aspect du principe de dignité pourrait, dans ce contexte, présenter un intérêt éventuellement de nature à justifier la saisine du Conseil constitutionnel ».
En acceptant de renvoyer la question aux sages, la chambre criminelle cherche donc ici à provoquer la formulation de principes constitutionnels et une réforme législative, tout comme lors du contentieux de la prolongation de la détention provisoire pendant la crise sanitaire. C’est cependant sur le caractère sérieux de la question, « sous l’angle du seul principe de dignité » que les conclusions vont justifier le renvoi au Conseil constitutionnel. Or en principe, l’incompétence négative du législateur ne peut être invoquée à l’appui d’une QPC qu’en raison des dispositions législatives elles-mêmes et non de leur application, le Conseil constitutionnel procédant uniquement à un contrôle in abstracto de la loi. Et comme le souligne à juste titre l’avocat général, « les conditions indignes de détention ne procèdent nullement de la loi mais de la situation de fait des établissements pénitentiaires en France ». Mais les conclusions décèlent également dans la jurisprudence constitutionnelle une exigence de garantie légale en matière de privation de liberté, relevant en grande partie de la compétence de l’autorité judiciaire, permettant de contrôler l’application de la loi. Il en est ainsi pour le contrôle des conditions de la retenue ou de la garde-à-vue, situations dans lesquelles « il appartient aux autorités judiciaires de veiller à ce que la privation de liberté des personnes retenues soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans le respect de la dignité de la personne »[7]. Il s’agit cependant d’une lecture tronquée de la jurisprudence constitutionnelle qui précise également « que la méconnaissance éventuelle de cette exigence dans l’application des dispositions législatives précitées n’a pas, en elle-même, pour effet d’entacher ces dispositions d’inconstitutionnalité »[8].
Aussi, en acceptant de renvoyer la question, la chambre criminelle considère qu’en n’imposant pas au juge judiciaire de redresser immédiatement la situation dont est victime la personne placée en détention provisoire lorsque celle-ci subit des conditions indignes de détention, le législateur a nécessairement méconnu sa compétence. Elle fait alors fi de la distinction entre le contrôle in abstracto portant sur les dispositions de la loi et le contrôle in concreto portant sur son application.
Le constat est pourtant fait, suite aux mesures prises durant l’état d’urgence sanitaire, d’une diminution drastique de la population carcérale avec 11 500 détenus en moins au 23 avril 2020, selon les chiffres de l’administration pénitentiaire[9]. Mais dans le même temps, l’avocat général livre une analyse pessimiste de la situation qui ne pourrait être que conjoncturelle, résultant de mesures ponctuelles sans annoncer de véritable réforme législative d’ampleur. Les conclusions à l’appui de la QPC soulignent également que même si la Cour de cassation opère elle-même en l’espèce un revirement de jurisprudence afin de mettre en œuvre un recours effectif en matière de contrôle des conditions d’exécution de la détention provisoire, le renvoi au Conseil constitutionnel demeure opportun sur le plan politique, pour provoquer une telle réforme. Les pistes de celle-ci sont d’ailleurs précisément indiquées : amélioration des dispositifs de suspension de peine pour raisons médicales, et d’alternatives à l’incarcération des prévenus, transfert au JLD d’un pouvoir de recommandation et d’injonction à l’égard de l’administration pénitentiaire (placement en cellule individuelle, transfert dans un autre établissement, garantie des soins appropriés…), mise en œuvre de mécanismes de concertation avec les autorités judiciaires pour l’aménagement des peines, et in fine, possibilité pour le juge judiciaire de prononcer une remise en liberté.
2. La nécessité de l’hybridation des droits et du dialogue des juges
Enfin, les conclusions justifient l’intérêt politique du renvoi de la QPC notamment en raison « de la persistance du risque d’inconventionnalité des dispositions législatives actuelles en l’absence de perspectives suffisantes d’amélioration des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires » et du risque subséquent d’une nouvelle condamnation européenne. Ainsi, « l’intérêt de saisir une juridiction suprême, comme ultime voie de recours, pour contraindre le législateur à mieux garantir les droits fondamentaux des personnes détenues conformément aux exigences de la Cour européenne pourrait faire partie du débat ». La nécessité du recours à la loi est donc justifiée par le caractère purement ponctuel et incitatif des mesures en faveur de la réduction de la population carcérale prises pendant l’état d’urgence sanitaire, mais aussi par « le contexte contemporain de l’hybridation des droits et du dialogue des juges ».
La question posée au Conseil constitutionnel vise en effet une combinaison entre les droits et principes constitutionnels – et notamment un principe constitutionnel nouveau d’interdiction des traitements inhumains et dégradants – et « la recommandation faite par la Cour européenne des droits de l’homme à la France dans son arrêt du 30 janvier 2020 ». Sont ainsi invoqués un principe constitutionnel nouveau dont l’interprétation résulte de la jurisprudence européenne selon laquelle il s’agit de « l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques »[10], et un arrêt de la Cour de Strasbourg condamnant la France pour violation des articles 3 et 13.
Comme le précisent les conclusions, les principes constitutionnels, et notamment le principe de dignité, doivent être interprétés « à la lumière des dispositions de l’article 3 de la CEDH » afin de consacrer de nouveaux droits et « s’inscrire dans une perspective évolutive et dynamique ». Le renvoi de la QPC est également fondé sur le dialogue des juges pour considérer que le Conseil concevra l’effectivité du recours avec la même exigence que le juge européen dans son arrêt J.M.B., à savoir, un recours permettant de mettre fin rapidement à la violation de l’article 3 devant une instance indépendante dotée de pouvoirs contraignants et statuant conformément aux principes généraux énoncés dans la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
Il s’agit in fine, par cette « hybridation des droits » de faire bouger les lignes constitutionnelles pour renforcer la portée normative du principe de dignité. En effet, alors que la Cour européenne en fait un principe absolu et intangible, le Conseil constitutionnel en relativise la portée en le conciliant avec d’autres principes comme « l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public ainsi que les finalités qui sont assignées à l’exécution des peines privatives de liberté »[11]. Les conclusions soulignent ainsi « l’intérêt éventuel de renouveler l’approche constitutionnelle du principe de dignité en l’envisageant dans le domaine pénitentiaire comme intangible ».
De plus, comme le requérant est privé de liberté, la chambre criminelle avait obligation de ne pas sursoir à statuer – selon les dispositions de l’article 23-5 al. 4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel – et d’examiner immédiatement le moyen pris d’une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. Mais allant plus loin dans l’hybridation des droits et le dialogue des juges, elle se saisit de cette occasion pour réaliser une interprétation extrêmement dynamique des obligations européennes de la France.
B) La mise en œuvre dynamique du contrôle de conventionalité
Si la Haute juridiction se réfugie derrière l’obligation pour les Etats de respecter les conventions internationales, et plus précisément, comme le rappellent les conclusions orales, derrière le respect « [d]es décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation »[12], elle se livre cependant à un véritable exercice politique en mettant en œuvre le contrôle de conventionalité. Alors que la CEDH s’était montrée prudente dans l’arrêt du 30 janvier 2020 pour préserver la souveraineté politique de l’Etat français[13], la chambre criminelle affirme quant à elle en l’espèce son pouvoir juridictionnel en précisant que les recommandations générales formulées par le juge européen « s’adressent, par leur nature même, au Gouvernement et au Parlement », mais qu’ « il appartient au juge national, chargé d’appliquer la Convention, de tenir compte de ladite décision sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires ».Ce faisant, elle amplifie la portée de l’arrêt J.M.B. (1) et va au-delà des exigences européennes (2).
1. L’amplification de l’arrêt de la Cour européenne
La sanction européenne est certes retentissante, puisqu’elle dénonce le fait que « la France figure parmi les États européens dont les prisons sont les plus surpeuplées et dont la population carcérale augmente » (§ 55), mais il s’agit également d’un arrêt timide, qualifié de « quasi-pilote »[14] et rendu dans l’expectative des réformes pénales alors en cours d’adoption en France. Loin du calendrier contraignant et des mesures détaillées indiquées aux Etats membres au titre de l’article 46 dans certains arrêts pilotes en matière de surpopulation carcérale, les recommandations pour résorber ce phénomène (modification du mode de calcul et amélioration du respect de la capacité d’accueil des établissements pénitentiaires) et faire cesser ou améliorer les traitements contraires à l’article 3 de la Convention en mettant en œuvre un recours préventif effectif demeurent très générales (§ 316).
Il est vrai que cet arrêt apparaît comme un ultime avertissement puisque la France a déjà été plusieurs fois condamnée pour violation des articles 3 et 13[15]. Il est vrai également que si le juge européen a pu estimer que la loi de programmation 2018-2022 (LPRJ) alors en cours de discussion comportait « des dispositions de politique pénale et pénitentiaire qui pourraient avoir un impact positif sur la réduction du nombre de personnes incarcérées » (§ 316), son adoption définitive conduit à un constat plus nuancé. En effet, alors que pour la Cour européenne « la prolongation du moratoire sur l’encellulement individuel ne permet pas d’augurer des perspectives d’amélioration immédiates » (§ 315), la LPRJ n° 2019-222 du 23 mars 2019 l’a encore prolongé jusqu’au 31 décembre 2022[16]. Surtout, si certaines mesures semblent favoriser une diminution de la population carcérale (suppression des peines de d’emprisonnement ferme inférieures à un mois, systématisation de la libération sous contrainte aux deux tiers des peines inférieures ou égales à cinq ans), aucun mécanisme de régulation carcérale n’a été adopté et aucune mesure n’est prévue pour diminuer le nombre de personnes placées en détention provisoire. L’engorgement en maison d’arrêt a même été accru par les mesures d’urgence prises durant la crise sanitaire avec la prolongation de plein droit des délais de détention provisoire[17].
La chambre criminelle agite donc l’épouvantail de la foudre européenne et se présente elle-même comme un paratonnerre pour prévenir une future condamnation européenne. Mais loin de « tirer les conséquences de la CEDH », comme elle le répète dans son communiqué de presse et sa note explicative, elle va bien au-delà des exigences européennes.
2. Le renforcement des exigences européennes
Si la CEDH a bien prononcé une condamnation pour absence d’effectivité du recours en référé-liberté devant le juge administratif en ce qu’il ne peut assurer aux requérants une amélioration de leurs conditions matérielles de détention, elle n’indique pas quel devrait être le juge compétent pour assurer une telle voie de recours. Elle a d’ailleurs déjà pris soin de rappeler « qu’elle doit éviter toute immixtion injustifiée dans l’exercice des fonctions juridictionnelles, de même que dans l’organisation juridictionnelle des États »[18]. Et il ressort de l’analyse de l’ensemble des arrêts pilotes et des décisions consécutives en matière de surpopulation carcérale que la Cour n’exige pas l’intervention d’un ordre de juridiction en particulier. Elle se concentre surtout sur les moyens de résorber la surpopulation carcérale[19] et se contente de l’introduction d’une voie de recours préventif « susceptible de mettre rapidement fin à l’incarcération »[20]. Sont ainsi jugés a priori effectifs les recours permettant aux personnes détenues de saisir un juge d’instruction, un juge d’application des peines, un juge administratif ou encore le directeur de la prison[21] pour demander d’ordonner à l’administration pénitentiaire de faire cesser la détention dans les conditions contraires à l’article 3 selon un délai maximal d’environ 15 jours.
La chambre criminelle s’appuie pourtant sur la jurisprudence européenne pour désigner le juge compétent et en tirer comme conclusion qu’« à ce titre,le juge judiciaire a l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d’empêcher la continuation de la violation de l’article 3 de la Convention ». Aussi, si les secousses provoquées par le séisme de l’arrêt J.M.B. se sont ainsi faites ressentir jusque sur les terres de la compétence du juge judiciaire en matière de détention provisoire, redéfinissant les frontières de la répartition des compétences juridictionnelles en la matière, cette tectonique des plaques est bien plus l’œuvre de la Cour de cassation elle-même que du juge européen, lequel ne se mêle que très rarement de la répartition des compétences juridictionnelles.
II. Le juge judiciaire face à l’impuissance du juge administratif
Si la crise sanitaire a bien confirmé le refus du juge administratif de mettre les mains dans le « cambouis de la surpopulation carcérale »[22] renforçant ainsi le constat de l’ineffectivité du référé-liberté, la chambre criminelle reprend en main son office de gardien de la liberté individuelle en créant un nouveau recours relatif au contrôle des conditions d’exécution matérielles de la détention provisoire. Mais si l’office du juge judiciaire est ainsi clairement élargi (A), il est aussi largement maîtrisé (B).
A) Un office élargi
La chambre criminelle se livre ainsi à une guerre des offices, pour replacer le juge judiciaire « au coeur du dispositif de garanties des libertés individuelles » comme l’y invite l’avocat général, en procédant à un revirement de jurisprudence (1) et en se reconnaissant une plénitude de juridiction en matière de détention provisoire (2).
1) Le revirement de jurisprudence
Comme l’a reconnu la Cour européenne, le juge administratif s’avère défaillant pour assurer une voie de recours effective aux personnes toujours incarcérées, afin de mettre fin à la violation de l’article 3. L’arrêt J.M.B. rappelle en effet les limites du pouvoir d’injonction du juge du référé-liberté qui avait suscité quelques espoirs depuis l’ordonnance du 22 décembre 2012 relative à la prison des Baumettes[23] : refus d’ordonner des mesures ne pouvant être mises en œuvre rapidement telles que des travaux importants ou une réorganisation du service public de la justice, incompétence pour veiller à l’application par les autorités judiciaires des mesures de politique pénale, prise en compte des moyens dont dispose l’administration.
La Cour de cassation partage alors le pessimisme du juge européen quant à l’évolution de la jurisprudence administrative. Comme l’indiquent les conclusions orales, « à ce jour, rien ne permet de penser que le Conseil d’État, même s’il a beaucoup œuvré pour l’effectivité des droits de détenus, soit prêt à évoluer sur cet office du juge des référés libertés en matière pénitentiaire ». Mais selon l’avocat général, « si la voie administrative est fermée, la voie judiciaire paraît nécessairement devoir s’ouvrir ». Et c’est bien cette voie qui est suivie par la chambre criminelle par « une évolution substantielle de sa jurisprudence » comme elle l’indique dans sa note explicative de l’arrêt du 8 juillet 2020, en passant d’une lecture littérale à une lecture constructive des dispositions relatives à la détention provisoire.
Alors que les conclusions avancent timidement la possibilité d’un revirement de jurisprudence, – ce dernier paraissant insuffisant pour assurer la conventionalité du recours au juge judiciaire face à des problèmes systémiques de surpopulation carcérale – l’arrêt franchit la ligne rouge. La chambre criminelle remet en effet en cause une jurisprudence bien établie, selon laquelle « une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention, si elle est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne saurait constituer un obstacle légal au placement et au maintien en détention provisoire »[24]. Cette jurisprudence résultait d’une interprétation restrictive des dispositions relatives à la détention provisoire limitant le pouvoir d’appréciation du juge en matière de placement ou de prolongation de la mesure aux considérations liées aux « impératifs de la procédure judiciaire, aux exigences de préservation de l’ordre public et au caractère raisonnable de la durée de cette détention » (art. 137-3, 144 et 144-1 CPP). Cette interprétation est reprise par l’arrêt de la chambre d’instruction qui a rejeté la remise en liberté sollicitée en invoquant les « droits constitutionnels imprescriptibles que garantit la détention provisoire » tels que la préservation de l’ordre public et le droit à la sûreté. Elle fait ainsi prévaloir la lettre du code pénal sur la réalité des conditions matérielles d’exécution de la détention provisoire.
Le seul infléchissement de cette jurisprudence a permis au juge de tenir compte « d’éléments propres à la personne concernée, suffisamment graves pour mettre en danger sa santé physique ou mentale »[25], ce qui a été consacré par la loi n°2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines modifiant l’article 147-1 CPP pour autoriser le juge à ordonner une mise en liberté pour ce motif. Dans son arrêt du 8 juillet 2020, la chambre criminelle se saisit de cette brèche pour étendre à nouveau l’office du juge judiciaire et lui permettre d’ordonner la mise en liberté une personne placée en détention provisoire lorsqu’elle subit des conditions indignes de détention.
2. De nouveaux titres de compétence pour le juge judiciaire
Le juge judiciaire s’impose alors ici comme un juge garant des principes et de leur transversalité face à un juge administratif qui serait quant à lui le garant de l’administration et de ses contraintes. Pour soutenir le renvoi de la QPC et « contraindre par le droit le législateur à régler la question de la surpopulation carcérale », les conclusions orales invoquent ainsi plusieurs principes fondamentaux afin d’ « assurer le respect du principe de dignité, au fondement de nos démocraties et ouvrir la possibilité de faire de la prison un lieu de réinsertion, pour la sécurité de tous ». Et l’arrêt fait appel à l’article préliminaire III al. 4 CPP selon lequel « les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire » et « doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne », dont la Cour de cassation ne faisait pas application jusqu’ici. La Haute juridiction fait ainsi prévaloir un principe transversal aux situations de détention – faisant lui-même appel au principe cardinal de la dignité humaine – sur les dispositions spéciales de la détention provisoire.
Ce faisant, la chambre criminelle donne au juge judiciaire un nouveau titre de compétence en abolissant la frontière entre prononcé ou prolongation de la mesure privative de liberté et modalités matérielles de son exécution. En affirmant qu’ « en tant que gardien de la liberté individuelle, il lui incombe de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant », cet arrêt consacre ainsi la transversalité de l’article 66 de la Constitution et celle de l’office du gardien de la liberté individuelle, pour assurer une continuité entre le prononcé d’une mesure de détention provisoire et son exécution.
Mais la chambre criminelle procède également à une lecture quelque peu forcée de la jurisprudence européenne puisqu’elle rappelle la possibilité pour la chambre d’instruction de remettre la personne en liberté, et consacre même son obligation de le faire lorsque l’indignité des conditions de détention est établie. Or si selon la Cour européenne, « le recours préventif doit être susceptible de mettre rapidement fin à l’incarcération dans des conditions contraires à l’article 3 de la Convention »[26], le juge européen n’exige pas pour autant le pouvoir pour le juge de prononcer une remise en liberté de la personne. Il se contente de considérer le recours effectif lorsqu’il est rapide et que l’exécution des injonctions, mêmes prononcées par un juge administratif, ne parait pas « impossible au regard de l’amélioration de la situation des prisons »[27]. La Cour européenne a même pris soin de préciser que l’on ne saurait déduire de l’article 3 de la Conv. EDH une « obligation générale de libérer un détenu »[28]. Il s’agit donc une fois encore d’une interprétation constructive de la jurisprudence européenne pour offrir au juge judiciaire de nouveaux titres d’action. Et pour ne pas se contenter des exigences de la jurisprudence européenne, les conclusions font appel au droit comparé, invoquant ainsi une jurisprudence judiciaire grecque, une disposition législative adoptée en Afrique du Sud ou encore la loi américaine relative au contentieux pénitentiaire (Prison Litigation Reform Act de 1995) pour justifier ce pouvoir de remise en liberté[29].
Pour la chambre criminelle, mettre fin à une situation de violation de l’article 3 en raison de la surpopulation carcérale exige ainsi d’agir sur ses causes véritables, à savoir la mise sous écrou et la levée de celui-ci. C’est d’ailleurs en raison de cette impossibilité d’agir sur la mise en liberté que le juge administratif a limité son office pour contrôler les conditions matérielles de détention et prononcer des injonctions[30]. Aussi, en précisant que « dans le cas où la chambre de l’instruction constate une atteinte au principe de dignité à laquelle il n’a pas entre-temps été remédié, elle doit ordonner la mise en liberté de la personne », la chambre criminelle se sert également de ce pouvoir comme d’un chiffon rouge destiné à faire réagir les pouvoirs publics. Il s’agit en effet d’un pouvoir de dernier recours, le simple transfert d’un détenu d’un établissement à un autre n’étant pas suffisant puisque le phénomène de surpopulation carcérale est systémique et se fait au détriment des autres détenus ou du droit au maintien des liens familiaux.
B) Un office maîtrisé
Mais en rejetant le pourvoi, la chambre criminelle de la Cour de cassation donne à l’office du gardien de la liberté individuelle ainsi renouvelé des limites. En resserrant les conditions d’accès à cette voie de recours, il s’agit de contrer, comme le soulignent les conclusions, le risque de « demandes massives et successives ». En pratique, le recours est doublement verrouillé par son caractère essentiellement individuel (1) et le renforcement des exigences en matière de preuve (2).
1. Un recours individuel pour un problème structurel et collectif
L’arrêt rendu par la chambre de l’instruction a rejeté la demande de mise en liberté en considérant que les allégations du requérant concernant les conditions indignes de sa détention relevaient « d’une affirmation péremptoire reposant sur un article de presse et un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté de 2018 qui ne renseignent en rien, in concreto, sur la situation de l’intéressé ». La chambre criminelle confirme cette appréciation en rejetant à nouveau le pourvoi au motif que le requérant ne fait « état que des conditions générales de détention au sein de la maison d’arrêt dans laquelle il est détenu, sans précisions sur sa situation personnelle » et non de ses « conditions de détention personnelles ». Cette exigence du caractère purement personnel de l’atteinte alléguée rejoint celle de la jurisprudence de 2012 relative à la possibilité de remettre une personne en liberté lorsque les « circonstances propres à sa personne » mettent en danger sa santé physique ou mentale[31]. La Cour de cassation a d’ailleurs eu l’occasion de préciser cette exigence dans le contexte de la crise sanitaire en confirmant la motivation d’une chambre d’instruction selon laquelle « la situation actuelle de risque sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, qui affecte tous les citoyens en France et dans le monde, ne saurait transformer, en soi, une mesure de sûreté et notamment la détention provisoire […] en un traitement inhumain et dégradant ou une atteinte au droit la vie tel que visés par les articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme »[32]. Le prétoire est ainsi fermé aux demandes futures de mise en liberté fondées sur le risque sanitaire encouru par les personnes privées de liberté en raison de l’impossibilité de mettre en oeuvre les mesures de distanciation sociale dans les établissements surpeuplés.
A la différence du contentieux administratif, toute action collective, tout recours porté par des organisations de défense des droits des détenus et consécutif aux alertes du CGLPL est donc impossible devant le juge judiciaire de la mise sous écrou et de la remise en liberté. Cela contredit pourtant la jurisprudence européenne qui se fonde quant à elle en grande partie sur les rapports d’observateurs internationaux ou nationaux. Ainsi dans la décision Atanasov et Apostolov la Cour de Strasbourg estime que « la juridiction doit établir les faits de sa propre initiative en recourant à toutes les sources d’information possible »[33]. Dans l’arrêt J.M.B., elle se fonde sur les tierces interventions de plusieurs autorités administratives indépendantes, dont le CGLPL (§ 264). L’on peut alors relever ici le paradoxe de ce recours exercé exclusivement à titre individuel face à un problème structurel, et donc collectif, de surpopulation carcérale. Si la remise en liberté peut apporter au requérant un redressement directde sa propre situation, elle n’impacte que faiblement le sort des autres détenus et de ceux à venir et n’agit pas sur les causes profondes de la surpopulation, alors que la Cour européenne semble attacher plus d’importance aux « améliorations à dimension collective des conditions de détention» (J.M.B., § 213).
2. Une procédure de vérification renforcée
Surtout, alors que le juge européen procède à un renversement de la charge de la preuve et établit des présomptions pour ne pas faire peser sur les personnes détenues une « charge de la preuve excessive »[34], le juge français exige que le requérant démontre de manière suffisamment effective le caractère indigne de ses conditions de détention. La chambre criminelle impose ainsi une description de celles-ci qui soit « suffisamment crédible, précise et actuelle ». Le requérant doit donc lui-même faire état de ses conditions de détention personnelles, en précisant «la superficie et le nombre des occupants de la cellule, son agencement intérieur et le nombre d’heures journalières d’occupation », alors que la transmission de ces informations, difficiles à obtenir, devrait en principe incomber à l’administration pénitentiaire.
Loin d’alléger la charge de la preuve du requérant, la chambre criminelle établit une procédure de vérification de ses allégations, que la note explicative de l’arrêt détaille avec précision. C’est en premier lieu le ministère public qui doit procéder à ces vérifications en se mettant en lien avec l’administration pénitentiaire. Cette étape ne revient pas à exiger de celle-ci la communication de données précises mais lui permet « de faire cesser le trouble éventuel avant même que la chambre de l’instruction ne se prononce ». En cas d’inaction du ministère public, c’est à la chambre de l’instruction « de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d’en apprécier la réalité », sans d’ailleurs préciser par quels moyens (visites sur place, demandes de communication ou injonctions à l’administration pénitentiaire ?[35]). La chambre criminelle est également récemment venue préciser qu’en l’absence d’un commencement de preuve du caractère indigne des conditions de détention apporté par le requérant, la chambre de l’instruction « n’était pas tenue de faire vérifier les conditions de détention de l’intéressé avant de confirmer le rejet de sa demande de mise en liberté »[36].
Si cette procédure permet au juge de mettre fin à « une atteinte au principe de dignité à laquelle il n’a pas entre-temps été remédié », elle permet aussi de gagner du temps, pour éviter, justement, de prononcer la mise en liberté. La note explicative préciseainsi que ces vérifications, qui renvoient à celles prévues aux articles 194 al. 4, 148 al. 5 et 148-4 du CPP ont pour conséquence de différer – sans en préciser la durée – le délai de jugement de la chambre de l’instruction saisie en appel ou directement, et que c’est « dans une éventuelle audience ultérieure et dans le cas où il n’a pas été mis fin dans l’intervalle à la situation dénoncée » que la juridiction doit ordonner la mise en liberté en cas de constat d’une violation du principe de dignité.
De même, le contrôle de proportionnalité visant à mettre en balance le respect de la dignité et l’exigence de sécurité est envisagé de manière stricte dans les conclusions, en tenant compte de la durée des conditions de détention indignes, de l’absence de leur perspective d’amélioration et de leurs« conséquences d’une particulière gravité, susceptibles de mettre en danger la santé physique ou morale du prévenu ». On peut donc se demander à la lumière de ces interprétations s’il s’agit d’un véritable revirement de jurisprudence ou d’un simple effet d’annonce, ces restrictions faisant retourner à l’état du droit antérieur sur la vulnérabilité particulière de certaines personnes détenues.
Il convient donc de relativiser la portée de ce revirement qui est loin d’ouvrir la porte à un contentieux massif et de mettre en danger la sécurité. Dans l’attente des suites données à la QPC transmise, ce nouveau recours n’est pas non plus une révolution dans la répartition des compétences juridictionnelles en matière d’exécution des peines privatives de liberté, puisqu’il ne concerne que la situation des personnes placées en détention provisoire et non pas celle des personnes condamnées subissant des conditions de détention indignes[37]. Les conclusions envisagent ainsi non pas la création d’un juge pénitentiaire unique doté d’une plénitude de juridiction, mais une articulation entre le juge judiciaire à l’office ainsi rénové et un juge administratif à l’office renforcé, accompagnée d’un mécanisme impératif de régulation carcérale[38].
[1] Cour EDH, 30 janv. 2020, J.M.B. et autres c. France, Req. n° 9671/15 et 31 autres.
[2] CE, ord., 3 avr. 2020, Syndicat des Avocats de France, n° 439894 ; ord., 3 avr. 2020, Union des jeunes avocats de Paris, Association des avocats pénalistes, Conseil National des Barreaux et autres, nos 439877, 439887, 439890, 439898 et s. ; ord, 10 avril 2020, Union des Jeunes avocats de Paris, n° 439901 ; ord. réf., 22 avr. 2020, Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, n° 440039.
[3] Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.971 et 20-81.910. Le Conseil a quant à lui jugé la loi d’habilitation conforme à la constitution (Déc. n° 2020-851/852 QPC du 3 juill. 2020, M. Sofiane A. et autre [Habilitation à prolonger la durée des détentions provisoires dans un contexte d’urgence sanitaire].
[4] Direction de l’administration pénitentiaire, Mesure de l’incarcération au 1er janvier 2020.
[5] Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.971.
[6] Déc. n° 2009-593 DC du 19 nov. 2009, Loi pénitentiaire.
[7] Déc. n° 2010-80 QPC du 17 déc. 2010, M. Michel F. [Mise à la disposition de la justice], cons. 9 ; Déc. QPC n°2010-14/22 du 30 juill. 2010, M. Daniel W. et autres [Garde à vue], cons. 20. La même jurisprudence a été étendue au régime de l’hospitalisation sans consentement : Déc. n° 2010-71 QPC du 26 nov. 2010, Mlle Danielle S. [Hospitalisation sans consentement], cons. 29.
[8] Déc. QPC n°2010-14/22, cons. 20.
[9] Cette diminution a été rendue possible par plusieurs mesures d’urgence prises pendant la crise sanitaire : la circulaire CRIM-2020-10/E1 du 13 mars 2020 relative à l’adaptation de l’activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie Covid-19 a permis de limiter le nombre de mises à l’écrou. L’ordonnance du 25 mars 2020 a autorisé les affectations et transferts entre maisons d’arrêt et établissements pour peine, quelque soit le statut de la personne détenue, étendu les possibilités de réduction de peine, de libération conditionnelle ou anticipée, et créé des réductions de peine supplémentaires exceptionnelles.
[10] Cour EDH, 7 juill. 1989, Soreing c/ Royaume-Uni, Req. n° 14038/88.
[11] Déc. n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014, M. Angelo R. [Organisation et régime intérieur des établissements pénitentiaires], cons. 6.
[12] V. Cass. Ass., 15 avril 2011, n°10-17.049.
[13] V. sur ce point notre étude, J. Schmitz, « La CEDH, le juge du référé-liberté, et l’architecture de l’exécution des peines privatives de liberté », RDLF 2020, chron. n° 46 (www.revuedlf.com).
[14] J.-P. Céré, « Surpopulation carcérale : l’arrêt » quasi pilote » de la CEDH », AJ Pénal 2020 p.122 ; P. Parinet-Hodimont, « Le référé-liberté face aux conditions de détention : la France doit revoir sa copie ! », RDLF 2020 chron. n°25 (www.revuedlf.com) ; J. Schmitz, « La CEDH, le juge du référé-liberté, et l’architecture de l’exécution des peines privatives de liberté (commentaire sous CEDH, 31 janv. 2020, J.M.B. et autres c. France, Req. n°9671/15) », RDLF 2020 chron. n°46 (www.revuedlf.com).
[15] Cour EDH, 13 sept. 2011, Lienhardt c. France, Req. n°12139/10 ; 5e sect., 25 avr. 2013, n° 40119/09, Canali c/ France ; 21 août 2015, Yengo c. France, Req. n° 50494/12.
[16] Report jugé conforme à la constitution : Déc. n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, cons. 354.
[17] V. la circulaire du garde des sceaux du 26 mars 2020, NOR : JUSD2008571C.
[18] Cour EDH, 20 oct. 2011, Nejdet Sahin Et Perihan Sahin c. Turquie, Req. n° 13279/05, § 94.
[19] V. par ex. Cour EDH, 10 janv. 2012, Ananyev et autres c. Russie, Req. n° 42525/07 et 60800/08 ; Cour EDH, 8 janvier 2013, Torreggiani et autres c. Italie, Req. n° 43517/09 ; Cour EDH, 10 mars 2015, Varga et autres c. Hongrie, n° 14097/12, 45135/12, 73712/12 et al.
[20] J.M.B., § 208.
[21] Cour EDH, déc., 12 fév. 2019, Draniceru c. la République de Moldova, Req. n° 31975/15 ; déc., 16 sept. 2014, Stella et 10 autres requêtes contre Italie, Req. n° 49169/09 ; déc., 27 juin 2017, Angel Dimitrov Atanasov et Aleksandar Atanasov Apostolov c. Bulgarie, Req. n° 65540/16 et 22368/17 ; déc., 14 nov. 2017, Domjan contre Hongrie, Req. n° 5433/1.
[22] J. Schmitz, « Le juge administratif de l’urgence dans l’urgence sanitaire des prisons – Exercice d’un droit de retrait ou démission ? », AJDA 2020, pp.1298-1307.
[23] CE, ord., 22 déc. 2012, OIP-SF, n° 364585 et s., Rec. p. 496. Les ordonnances postérieures ont cependant limité l’office de ce juge : CE, ord., 30 juill. 2015, OIP-SF et Ordre des avocats au barreau de Nîmes, n° 392043; 28 juill. 2017, OIP-SF, n° 410677. Peuvent depuis y être ajoutées CE, ord., 4 avr. 2019, Garde des Sceaux, ministre de la justice c. Section française de l’OIP, n° 428747 ; ord., 27 mai 2019, Garde des Sceaux, ministre de la justice et M. X., n° 430631.
[24] Cass. crim., 18 sept. 2019, n°19-83.950.
[25] Cass. crim., 29 fév. 2012, n°11-88.441.
[26] J.M.B. § 208.
[27] CEDH 25 juin 2017, Atanasov et Apostolov c. Bulgarie, op. cit., §§ 53-55.
[28] CEDH, 14 nov. 2002, Mouisel c/ France, n° 67263/01, § 40.
[29] Les conclusions vont même chercher un parallèle dans la prise en compte par les États membres de l’Union européenne des conditions de détention dont le caractère indigne peut justifier un refus d’exécution des mandats d’arrêt européens, faisant ainsi primer le caractère absolu de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants sur le principe de confiance mutuelle (CJUE, 5 avril 2016, Ppu Aranyosi et Cãldãraru, c-404/15 et c-659/15).
[30] Il a ainsi précisé qu’il « ne dispose d’aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou, lesquelles relèvent exclusivement de l’autorité judiciaire », et qu’en particulier, « une maison d’arrêt est ainsi tenue d’accueillir, quel que soit l’espace disponible dont elle dispose, la totalité des personnes mises sous écrou » (CE, 30 juill. 2015, op. cit., cons. 19).
[31] Cette répartition de la charge de la preuve a pourtant été considérée par le juge européen comme faisant peser un poids excessif sur le requérant : Cour EDH, Yengo c. France, § 65.
[32] Cass. crim., 19 août 2020, n° 20-82.171.
[33] Cour EDH 25 juin 2017, Déc., Atanasov et Apostolov c. Bulgarie, op. cit., § 50.
[34] Ibid. Le « commencement de preuve » apporté par le requérant doit être infirmé ou confirmé par le gouvernement défendeur qui est « le seul à avoir accès aux informations », à charge pour lui de « recueillir et produire les documents pertinents et fournir une description détaillée des conditions de détention du requérant », tels que la taille des cellules ou les temps de détention (J.M.B., § 258).
[35] Les conclusions orales trahissent la difficulté à établir ces vérifications : « Lorsque l’appréciation des conditions de détention paraîtrait demander un certain professionnalisme et relever d’une expertise complète et contradictoire, les membres des corps d’inspection ou les contrôleurs affectés au contrôle général des lieux de privation de liberté pourraient certainement utilement être saisis. Mais il ne me semble pas que ceux-ci puissent intervenir, même à la demande d’un magistrat, sans un texte spécifique ».
[36] Cass. crim., 19 août 2020, n° 20-82.171.
[37] Pour la Cour de cassation, « si les conditions de détention doivent être conformes aux exigences de dignité humaines, leur mise en œuvre au stade de la procédure devant la chambre des appels correctionnels incombe à l’administration pénitentiaire et au parquet général ; […] les insuffisances qui pourraient être soulevées à cet égard ne relèvent pas du contentieux de la mise en liberté mais de la mise en jeu éventuelle de la responsabilité de l’État », Cass. crim., 1° fév. 2017, M. Jaroslaw X., n° 16-86691 ; 3 mai 2017, n° 17-80.973 ; 9 août 2017, 17-83.097.
[38] Pour l’instant, l’autorité judiciaire est simplement informée par l’administration pénitentiaire de la capacité d’accueil et du taux d’occupation des maisons d’arrêt pour mettre en œuvre le décret n° 2017-771 du 4 mai 2017 qui prévoit que les personnes prévenues sont incarcérées dans un autre établissement « lorsque la maison d’arrêt n’offre pas des conditions d’accueil satisfaisantes en raison notamment de son taux d’occupation, ou des garanties de sécurité suffisantes » (Art. D 53 CPP).