Désignation des candidats français à certaines hautes fonctions publiques européennes, auditions parlementaires et État de droit : quelques observations sur une proposition de loi récemment adoptée au Sénat
Benjamin Fargeaud, Professeur de droit public à l’Université de Lorraine (IRENEE)
Le Sénat a adopté, le 4 mars dernier, une proposition de loi portant sur la mise en place d’auditions parlementaires préalables à la désignation des candidats français destinés à occuper les fonctions de commissaire européen, de juge et avocat général à la Cour de justice, ou encore de membre de la Cour des comptes européenne. La Chambre haute concrétise ainsi une préconisation plusieurs fois formulée en son sein : la mise en place d’une audition parlementaire en amont des désignations pour les hautes cours européennes. La suite du parcours de ce texte est toutefois incertaine et semée d’embûches, dont l’une est de taille : selon le Gouvernement, la proposition sénatoriale serait contraire à la Constitution. Pourtant, loin de violer la séparation des pouvoirs invoquée par l’Exécutif, la mise en place de telles auditions pourrait au contraire être considérée – y compris en ce qui concerne la désignation des candidats aux fonctions de juge à la Cour de justice – comme une voie de consolidation de l’État de droit : il y a donc lieu d’espérer que les parlementaires ne se laissent pas impressionner par cet argument d’autorité et n’hésitent pas à défendre leur propre interprétation des conséquences normatives de la séparation des pouvoirs.
Si les polémiques récurrentes ces derniers temps autour de l’État de droit sont souvent vaines, il n’est pas entièrement exclu qu’elles puissent produire quelque chose de constructif. Il est possible de penser ici au rapport parlementaire Bonnecarrère sur la judiciarisation de la vie politique, dont les conclusions sont bien plus modérées que le discours entretenu dans les médias ou sur les estrades. L’esprit général des propositions portées par le rapport pourrait être résumé ainsi : avant de se plaindre de l’État de droit ou de menacer de le jeter aux orties, il serait avisé de commencer par en exploiter pleinement l’ensemble des possibilités. Au titre de ces dernières, le rapport mentionne le renforcement de la transparence, via des procédures d’audition au sein des assemblées, autour des propositions de nomination à destination des hautes juridictions européennes1. Par la suite, l’idée a été reprise dans les conclusions récentes du groupe de travail sénatorial sur la réforme des institutions2. Elle a enfin été intégrée – du moins en ce qui concerne les nominations des juges et avocats généraux au sein de la Cour de justice de l’Union européenne3 – dans une proposition de loi présentée en décembre dernier par Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes du Sénat. L’objet de la proposition ne se limite pas aux désignations juridictionnelles, puisqu’elle concerne également la proposition du commissaire européen français ainsi que la proposition des membres français de la Cour des comptes européennes. À ce titre, il paraît évident que la proposition s’inscrit dans la droite ligne des difficultés ayant accompagné la nomination, à l’automne dernier, du commissaire européen Stéphane Séjourné. Elle soulève en conséquence des enjeux politiques sensibles, lesquels ont pesé lourdement dans les discussions au Sénat. Il n’en demeure pas moins que le texte proposé soulève des questions constitutionnelles importantes.
Dans la version adoptée le 4 mars dernier, la proposition de loi prévoit l’audition publique des candidats pressentis par les commissions permanentes compétentes de chaque assemblée – c’est-à-dire, selon le cas de figure : affaires étrangères, finances ou lois. L’audition est conjointe avec la commission des affaires européennes. Cette dernière rend un avis sur la nomination envisagée, tandis que les commissions permanentes procèdent à un vote à la majorité des suffrages exprimés. Ce dernier est toutefois purement indicatif. Si le texte initial évoquait l’idée que les commissions formulaient ainsi un « avis simple », le texte finalement adopté ne qualifie pas – par prudence – la procédure mise en place. Il s’agit ainsi simplement de rendre obligatoire une audition parlementaire, laquelle intervient une fois que le nom des candidats pressentis sont rendus publics.
Cette proposition, apparemment simple, s’est toutefois heurtée à trois difficultés majeures. La première est qu’il s’agit là de modifier trois procédures de désignation différentes et qui ne sont formalisées par aucune disposition légale – du moins en ce qui concerne leur volet interne, car le volet européen relève de dispositions du droit primaire de l’Union. La procédure de proposition du commissaire européen relève ainsi avant tout d’un choix politique et discrétionnaire de la part de l’exécutif. Quant aux deux autres cas de figure, il s’agit de procédures internes à l’Administration, organisées sous l’égide du Secrétariat général aux affaires européennes. La seconde difficulté réside dans le fait que l’autorité même de désignation est incertaine : l’initiative incombe certes à l’exécutif, mais que faut-il entendre derrière ce terme ? On retombe ici sur les ambiguïtés classiques de la Ve République autour de la répartition des tâches entre le président de la République et le Premier ministre. Si la difficulté est évidente pour le commissaire européen, elle existe également pour les nominations à la Cour de justice dans la mesure où les cabinets des deux têtes de l’exécutif semblent intervenir dans la procédure4. Enfin, la troisième difficulté est liée à l’hostilité du Gouvernement, lequel entend garder le Parlement à distance de compétences interprétées comme purement internes au pouvoir exécutif. Le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères s’est ainsi opposé, au nom du Gouvernement, à l’initiative sénatoriale5.
Cette opposition s’est déployée sur deux registres : celui de l’opportunité de la proposition d’une part et sur celui de sa conformité au texte constitutionnel d’autre part. C’est principalement le second, relevant de l’analyse juridique, qui nous intéresse ici. La Constitution fait-elle obstacle à ce que les commissions parlementaires auditionnent les candidats pressentis à certaines hautes fonctions publiques européennes, dont les hautes fonctions juridictionnelles ? Trois arguments ont été mobilisés par le Gouvernement en ce sens : la séparation des pouvoirs, la protection de l’indépendance et de l’impartialité des juges ou encore la protection du « domaine réservé ». Seuls les deux premiers seront réfutés ici car, en ce qui concerne l’invocation du domaine réservé, il est heureusement possible de renvoyer à un excellent texte publié récemment sur ce sujet par Thibaud Mullier6. L’idée est donc d’affirmer que, contrairement à ce que prétend le Gouvernement, la séparation des pouvoirs ne fait pas obstacle à la compétence du législateur pour prévoir l’existence de telles auditions (I), pas plus que l’indépendance des juges ne fait spécifiquement obstacle à de telles auditions pour les futurs membres de la Cour de justice de l’Union européenne (II).
I- L’argument tiré de la séparation des pouvoirs (lue au prisme de la jurisprudence constitutionnelle)
Selon le ministre, la proposition de loi méconnaîtrait « la séparation des pouvoirs consacrée par notre Constitution ». Plus précisément, le membre du Gouvernement entend mettre en évidence une incompatibilité entre le dispositif envisagé et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en l’espèce les décisions n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 et n° 2015-718 DC du 13 août 2015. Ces dernières, fondées sur l’interprétation de l’article 16 de la Déclaration de 1789, semblent faire obstacle à ce qu’une nomination par une autorité administrative ou juridictionnelle soit subordonnée à une audition parlementaire, sauf cas prévu par une disposition constitutionnelle expresse. Or, pour le ministre, il ne fait aucun doute que la désignation des candidats pressentis aux fonctions publiques européennes en question sont des nominations rentrant dans le champ de cette jurisprudence. Bien que l’argument soit présenté par le ministre comme absolument dirimant, il y a quelques bonnes raisons d’en douter.
À ce stade, il faut relever qu’il y a deux manières de répondre à cet argument. La première est une critique externe de la jurisprudence du Conseil visant à mettre en lumière l’incohérence intellectuelle du recours à la séparation des pouvoirs pour défendre une sorte de privilège de l’exécutif lui permettant d’échapper à tout contrôle parlementaire. Cette critique a déjà été faite à plusieurs reprises, de manière – à nos yeux – décisive7, sans que cela n’ait de prise sur l’approche retenue par l’institution de la rue de Montpensier. La seconde manière de répondre à l’argument du ministre consiste à examiner si les jurisprudences invoquées sont bel et bien pertinentes eu égards aux dispositions envisagées par la proposition de loi sénatoriale. La réponse est sans doute moins affirmative que ne voudrait le croire le ministre.
La jurisprudence existante du Conseil constitutionnel concerne les nominations aux emplois civils et militaires de l’État, pour reprendre l’expression employée aux articles 13 et 21 de la Constitution. Le Gouvernement reprend implicitement à son compte l’idée que la désignation des candidats français aux hautes fonctions publiques européennes relève de cette catégorie. Or, il n’y a rien d’évident à cela, tout comme il n’y a alors rien d’évident à dupliquer la jurisprudence existante pour la procédure de désignation des candidats aux hautes fonctions publiques européennes.
Commençons par explorer la première hypothèse en examinant ce que donnerait l’application, au cas qui nous intéresse, de la jurisprudence existante et relative aux « emplois civils et militaires de l’État », pour lesquels le pouvoir de nomination incombe traditionnellement au pouvoir exécutif8. Cette prérogative, régie par les articles 13 et 21 de la Constitution, relève essentiellement du Premier ministre ou du président de la République lorsqu’il s’agit d’une nomination en conseil des ministres9. Il y a ici deux enjeux : déterminer ce que prohibe effectivement cette jurisprudence d’une part, et déterminer si l’on est bel et bien dans le champ de cette jurisprudence d’autre part – autrement dit, la désignation des candidats français à ces hautes fonctions publiques européennes est-elle assimilable à une nomination aux emplois civils et militaires de l’État ?
Avant de prendre parti sur ces deux points, il faut d’abord souligner que la jurisprudence constitutionnelle existante n’est pas d’une grande clarté. La décision 658 DC fait obstacle à ce qu’une nomination par une autorité administrative ou juridictionnelle soit subordonnée à une audition parlementaire, sauf exception prévue expressément par le texte constitutionnel. Elle concerne donc le pouvoir de nomination des autorités autres que le président de la République, puisque pour ce dernier il existe justement une disposition constitutionnelle expresse permettant la tenue d’une audition parlementaire préalable à la nomination – la procédure de l’article 13 de la Constitution, pourvu que l’emploi en cause fasse partie de la liste déterminée par la loi organique adoptée en application de cette disposition. Quant à la décision 718 DC, elle porte effectivement sur l’encadrement d’une nomination présidentielle et fait obstacle à la mise en place d’une audition parlementaire par le moyen d’une loi « simplement » ordinaire. La portée de la censure apparaît toutefois relative, dans la mesure où on distingue mal ce qui empêcherait le législateur d’intégrer cette fonction à la liste des fonctions administratives qui, en application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, font l’objet d’une audition parlementaire. Dès lors, la censure prononcée dans la décision 718 DC apparaît très formelle et destinée à protéger le périmètre de la loi organique. En synthétisant les deux décisions évoquées, on obtient une jurisprudence formaliste destinée à s’assurer que, pour les nominations présidentielles, ce soit la procédure de l’article 13C qui soit suivie – encore que, comme le souligne l’un des rapporteurs de la proposition de loi, il existe plusieurs exceptions liées à des lois antérieures aux décisions en cause du Conseil ou postérieures et n’ayant pas été soumises au contrôle de constitutionnalité10. Quant aux nominations à l’initiative d’une autorité autre que le président de la République, la mise en place d’un contrôle parlementaire serait impossible sauf hypothèse expresse prévue par la Constitution (comme, à titre d’exemple, le dispositif retenu par l’article 65 de la Constitution en ce qui concerne les nominations au Conseil supérieur de la magistrature). On peut donc résumer ainsi la conséquence des décisions 658 DC et 718 DC en ce qui concerne les nominations par l’Exécutif aux « emplois civils et militaires de l’État » : sans modification du texte constitutionnel, seules les nominations décidées par le président de la République peuvent faire l’objet d’une audition parlementaire, à la condition toutefois de suivre la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution.
Autrement dit, la jurisprudence existante, même prise au pied de la lettre, n’exclut pas entièrement la mise en place d’auditions parlementaires pour la désignation des candidats français aux fonctions européennes. Si, comme le soutient le Secrétariat général du Gouvernement11, le régime juridique des articles 13 et 21 devait être reconnu applicable aux désignations en cause, il demeure la voie de l’inscription des fonctions en cause dans la liste des emplois pour lesquelles une audition parlementaire est nécessaire – c’est-à-dire la liste fixée par la loi organique relative à l’article 13 de la Constitution. Autrement dit, il pourrait y avoir une audition parlementaire, mais seulement si l’on intègre au préalable les fonctions de commissaire européen ou de juge à la Cour de justice quelque part entre les fonctions de dirigeant de la commission d’accès aux documents administratifs ou de Météo France. Une telle démarche, qui pourrait paraître incongrue, respecterait le formalisme de la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel. Elle soulignerait surtout que les désignations en cause s’inscriraient somme toute fort mal dans le cadre juridique existant. On voit mal pourquoi la désignation de quelqu’un qui exercera des fonctions assimilables à celles d’un ministre – pour le futur commissaire européen – ou à celles d’un juge – pour le futur membre de la Cour de justice – devrait être assimilée à celle un haut fonctionnaire administratif dans la lecture du texte constitutionnel. Il est possible d’y voir un indice fort du fait que ces désignations ne relèvent en fait pas, quoi qu’en dise le SGG, des nominations décidées en application des articles 13 et 21 de la Constitution. Au surplus, il faut souligner que l’interprétation des conseillers du Gouvernement pourrait entraîner des conséquences aussi artificielles que néfastes en obligeant le législateur, pour obtenir le contrôle parlementaire auquel il aspire, à reconnaître expressément la compétence de nomination de président de la République afin de bénéficier du cadre juridique offert par la loi organique relative à l’article 13 de la Constitution. Or, une telle compétence exclusive du président n’est actuellement fermement établie pour aucune des désignations en cause – la proposition du nom de Stéphane Séjourné, à l’automne dernier, a ainsi été présentée comme une proposition conjointe du président de la République et du Premier ministre12, tandis qu’aucune base juridique ne donne spécifiquement compétence au président de la République pour désigner le candidat français aux fonctions de juge ou d’avocat général à la Cour de justice. Il faudrait donc, si l’on suit jusqu’au bout le formalisme de la position juridique du Gouvernement, étendre encore les compétences du président de la République afin d’espérer obtenir un contrôle parlementaire. C’est une position qui, en fin de compte, nous mène au bord de l’absurde, a fortiori dans un contexte où la prépondérance présidentielle sous la Ve République ne peut plus être tenu comme un acquis définitif.
Il y a donc de bonnes raisons de tenir la thèse gouvernementale pour erronée : les désignations en cause ne relèvent pas du régime juridique des articles 13 et 21 de la Constitution, et la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à ces derniers ne nous est donc d’aucun secours. C’est la position du rapporteur pour avis au Sénat : nous serions en présence de procédures de désignation ad hoc13, dont le régime juridique demeure donc à déterminer. Puisque la Constitution n’en dit rien de spécifique, le législateur est tout à fait compétent pour adopter les dispositions qu’il estime opportunes en la matière. L’élaboration d’un tel régime juridique est certes susceptible de se faire sous le contrôle du Conseil constitutionnel, dans l’hypothèse où ce dernier devait être saisi. Si tel était le cas, serait-il pour autant justifié de dupliquer ici, comme le propose implicitement le Gouvernement, la jurisprudence du Conseil relative à la nomination aux « emplois civils et militaires de l’État » ? Un tel choix, nullement impératif, reviendrait à retenir une interprétation accordant une compétence discrétionnaire à l’exécutif. Si l’on peut entendre aisément que le Secrétariat général du Gouvernement adopte une telle position, on ne voit pas pourquoi les autres pouvoirs publics constitutionnels feraient de même. Tout au contraire, il y a de puissants motifs au soutien d’une thèse inverse, à commencer par la défense de la transparence et de l’équilibre des pouvoirs dans le cadre de désignations à des postes jouant un rôle pratiquement « constitutionnel » à l’échelle des institutions européennes. Il existe ainsi, à l’échelle nationale, de moins en moins de nominations à de hautes fonctions administratives ou juridictionnelles reposant sur une procédure purement administrative, discrétionnaire et interne à l’exécutif. Dès lors, il n’y a aucune raison de penser qu’il devrait en être ainsi – et a fortiori qu’il devrait impérativement, pour des motifs constitutionnels, en être ainsi – pour les désignations au sein des juridictions européennes. Il y a donc d’excellents motifs pour reconnaître au Parlement, dans le silence de la Constitution, compétence pour déterminer la procédure applicable à ces désignations.
Pour conclure sur ce point, il faut souligner que l’un des mérites de l’initiative sénatoriale est de mettre en lumière l’absence de base juridique formelle encadrant les désignations françaises aux fonctions publiques européennes ici évoquées14. Cette situation n’est certes pas spécifique à la France. Il est toutefois possible de se demander si l’état du droit positif est ici bien satisfaisant. Quand bien même l’initiative sénatoriale ne prospèrerait pas sous cette forme, il serait bon que le législateur se saisisse sérieusement de cette question, tant le caractère administratif et informel de la procédure actuelle n’est pas à la hauteur des enjeux ni de la transparence que le public peut légitimement attendre d’un État de droit15. En ce sens, il est tout de même inquiétant de voir le Gouvernement tenter de bloquer une telle tentative en invoquant le principe de séparation des pouvoirs.
II. L’argument tiré de la protection de l’indépendance et de l’impartialité des juges
C’est le dernier argument juridique mobilisé contre l’initiative sénatoriale. Il cible particulièrement les désignations au sein de la Cour de justice de l’Union : une audition parlementaire serait de nature à provoquer une « politisation » des nominations et mettrait en cause l’indépendance et l’impartialité des futurs juges ou avocats généraux. L’argument mérite une attention particulière : il a été formulé non seulement par le Gouvernement, mais également par certains sénateurs inquiets de « s’immiscer dans le système judiciaire européen, en contradiction avec sa nécessaire indépendance »16.
Actuellement, la nomination des membres français à la Cour de justice semble relever d’une « tradition »17 – pour reprendre le terme employé par Jean-Claude Bonichot, juge à la Cour de 2006 à 2024 – combinant désignation par le Gouvernement et autonomie des corps de magistrats dans la proposition du (ou des) candidat(s)18. Formellement, l’exécutif reprend en partie une procédure prévue par le statut de la Cour internationale de justice – en l’espèce, l’établissement d’une liste de candidats par le groupe français de la Cour permanente d’Arbitrage19 – afin de servir de standard en termes de désignation des juges au sein des instances internationales. Selon ses défenseurs, une telle procédure permet d’éviter toute « interférence politique » tout en garantissant la qualité technique des personnes désignées20. Il est possible d’ajouter qu’elle permet également d’assurer le monopole de deux corps de la haute fonction publique sur ces désignations21 – en ce qui concerne la Cour de justice : les conseillers d’État pour la fonction de juge, la magistrature judiciaire pour la fonction d’avocat général. Si la procédure est évidemment peu discutée par ceux qui en bénéficient, elle semble également peu discutée par la doctrine européaniste22. Par souci d’objectivité, il faut d’ailleurs relever que d’autres États membres retiennent des procédés de désignation comparables, fruits d’arrangements administratifs où le législateur n’est pas intervenu23. D’un autre côté, il est possible également de souligner que bien d’autres États membres font un choix différent, dont certains prévoient l’intervention du Parlement. C’est le cas de systèmes aussi différents que l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne ou encore la République tchèque24.
Indépendamment des vertus et des limites de la procédure actuelle, les arguments opposés lors du débat parlementaire à l’initiative sénatoriale manquent singulièrement de pertinence. L’argument tiré du risque de « politisation » est ainsi très paradoxal : les nominations au sein d’une cour de justice qui se considère, à bien des égards, comme une cour « constitutionnelle »25 sont évidemment des questions hautement politiques. Il est donc tout à fait logique de penser qu’elles méritent d’être abordées comme telles, avec une procédure adaptée aux enjeux traités par la Cour de justice. En matière de sélection des candidatures pour la composition d’une cour constitutionnelle, les manières de procéder sont évidemment nombreuses. Rares sont toutefois aujourd’hui les systèmes qui se satisfont d’une procédure de sélection administrative et interne à l’exécutif26. Au demeurant, il semble désormais globalement acquis que les juridictions constitutionnelles se situent à un point de contact évident entre droit et politique, ce qui justifie que leur composition ne puisse être détachée de toute considération d’ordre politique. Dès lors, il vaut mieux que ces considérations soient publiques plutôt qu’occultes, ce qui justifie le rôle joué par le Parlement dans la nomination des juges constitutionnels. Cet argument, classique depuis qu’il a été formulé par Hans Kelsen27, guide la conception de la justice constitutionnelle de ce dernier et est centrale dans ce qui a été, par la suite, érigé par certains auteurs en un « modèle kelsenien » de justice constitutionnelle. La prétention d’écarter toute « interférence politique » est ainsi, au fond, difficilement justifiable : s’il est souhaitable que la composition d’une cour constitutionnelle évite une polarisation politique excessive, aucune procédure de nomination ne peut prétendre dépolitiser la question. Dès lors, la consécration d’un droit de regard du Parlement n’a rien d’incongru ou d’illégitime et il est permis, tout au contraire, de penser qu’il s’agit là d’une procédure adaptée à un État de droit démocratique. Les arguments ici mobilisés sont d’ailleurs tout à fait applicables aux désignations au sein de la Cour européenne des droits de l’homme, pour lesquelles il faut d’ailleurs relever qu’il existe déjà une audition préalable des candidats par une commission dédiée de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe28.
Quant à l’argument tiré de la mise en cause de l’indépendance et de l’impartialité des futurs juges, il n’apparaît pas plus solide que le précédent. Certains sénateurs évoquent le fait qu’« une telle audition parlementaire ferait peser le risque d’influences politiques, compromettant de fait l’impartialité requise pour ces fonctions »29, tandis que d’autres estiment qu’« un tel droit de regard ne […] paraît pas conforme aux garanties d’indépendance que l’intéressé devra présenter dans l’exercice de ces fonctions juridictionnelles »30. Fondamentalement, les opposants au texte semblent craindre que la mise en place d’un espace de dialogue entre candidats aux fonctions juridictionnelles et parlementaires se transforme en une occasion de « tenter de soumettre le candidat à des injonctions politiques »31. À cela, les défenseurs du texte rétorquent qu’il s’agit « non pas de soumettre les candidats à des injonctions politiques et de porter atteinte à leur indépendance, mais de vérifier leurs compétences et leur capacité à analyser les conséquences des jurisprudences qu’ils rendront »32. Chacun appréciera, selon son opinion et ses attentes personnelles, s’il y a quelque chose à espérer ou, au contraire, quelque chose à redouter du dialogue entre parlementaires et futurs membres d’une cour suprême. Objectivement, il paraît toutefois difficile d’établir qu’une telle audition prive les futurs juges de la garantie d’indépendance qui caractérise leur fonction. Une fois nommés, ceux-ci sont statutairement placés à l’abri de toute pression : s’ils devaient se révéler sensibles à certains arguments émis par les parlementaires nationaux, ce ne serait pas pour autant le fruit d’une quelconque injonction. Au demeurant, l’idée qu’une telle audition priverait les futurs magistrats des garanties d’indépendance nécessaires à leur fonction tranche avec le fait que de tels mécanismes sont courants en matière de nomination des membres de cours suprêmes, qu’il s’agisse des cours internes ou européennes. Comme le relève le rapporteur pour avis lors des débats au Sénat, onze parlements nationaux dans l’Union sont ainsi associés à la désignation des candidats de leur État pour la Cour de justice et le Tribunal. Il faut d’ailleurs ajouter que la mise en place d’une procédure de ce type n’enlève rien aux garanties juridiques prévues expressément par le droit de l’Union – et rappelées par la Cour de justice elle-même33 – en termes d’indépendance et de qualité attendues des candidatures envisagées. D’une manière plus générale, si l’on renoue avec le raisonnement en termes de « cour constitutionnelle », l’association du Parlement à la nomination des membres de ces cours est davantage la règle que l’exception au sein des démocraties libérales. Cet état de fait est intrinsèquement lié au caractère éminemment politique de ces nominations et il n’apparaît pas que l’indépendance et l’impartialité des juridictions en cause en ait fondamentalement souffert.
Les arguments juridiques (lesquels sont également de potentiels arguments constitutionnels, puisque l’indépendance des juges est garantie en droit interne, que ce soit par des dispositions textuelles ou par la jurisprudence du Conseil constitutionnel) n’apparaissent donc pas, là encore, comme un obstacle dirimant à l’initiative sénatoriale. Au demeurant, il faut souligner que la procédure actuelle n’est pas exempte de critiques, explicites lorsqu’elles portent sur son manque de transparence34 ou plus implicites lorsqu’elles soulignent que tout cela aboutit à réserver ces nominations pour certains corps de la haute fonction publique35. Il est donc difficile de soutenir que le système actuel est un dispositif insusceptible de toute amélioration. L’intégration à la procédure d’une audition parlementaire permettrait, a minima, d’apporter au processus de sélection des futurs juges français une transparence et une publicité qui lui fait actuellement défaut.
Évidemment, si l’on bascule un instant du terrain de la constitutionnalité à celui de l’opportunité, il est possible d’objecter que la mise en place des auditions parlementaires n’a porté à ce jour que des fruits extrêmement modestes en ce qui concerne les nominations au Conseil constitutionnel36. Il ne suffit ainsi pas de copier vaguement les pratiques américaines, très en vogue au demeurant37, pour obtenir un résultat s’en approchant. Certains pourraient être tentés d’en conclure qu’il en irait de même pour les auditions en vue de nomination à la Cour de justice, lesquelles n’apporterait alors que l’aspect le moins constructif de ce type d’audition – c’est-à-dire rendre apparente, de manière plus ou moins caricaturale, la polarisation politique. Tout cela est possible mais ne suffit pas à convaincre des vertus de l’immobilisme. Persistent encore aujourd’hui les effets d’une forte tradition française, ancrée dans une certaine lecture de Montesquieu et dans un discours révolutionnaire qui prétendait maintenir le juge dans un rôle de « bouche de la loi » et de producteur de syllogismes, qui aboutit à nier le volet politique de la fonction juridictionnelle38. Cette négation a contribué à éloigner cette fonction du regard parlementaire et, par-là même, de l’opinion publique. Cela n’a pas eu que des conséquences heureuses et traduit aujourd’hui encore une conception très verticale – voire « absolutiste », pour reprendre le qualificatif employé par Denis Baranger au sujet des pratiques du Conseil constitutionnel – de la justice, assimilée à une simple application d’un droit préexistant vidée de toute dimension politique39. Si une telle conception était peut-être viable à l’époque où la justice n’était qu’une autorité détenant un pouvoir limité, elle n’est plus tenable dans l’ordre juridique contemporain où la fonction juridictionnelle – et donc les juges – jouent un rôle central. Les conceptions nationales évoluent d’ailleurs progressivement, comme en témoignent le développement de la motivation retenue pour les arrêts de la Cour de cassation ou encore le débat récurrent, quoique sans espoir, autour de l’introduction des opinions séparées40. Cette évolution mérite vraisemblablement d’être encouragée dans l’intérêt même de l’État de droit : ce dernier repose en effet sur un certain équilibre et un certain dialogue entre justice et organes politiques, et tout particulièrement entre justice et Parlement, dans le cadre du « régime d’énonciation concurrentiel de la volonté générale »41 qui caractérise l’ordre juridique contemporain – constat qui est vérifiable dans la sphère nationale comme dans la sphère européenne. Évidemment, la mise en scène de ce dialogue entre justice et Parlement pourrait, parfois, révéler des désaccords voire des tensions plus ou moins vives. Ces dernières existent inévitablement car le rapport entre État de droit et démocratie est fondamentalement un « rapport de tension »42. Ce dernier n’est toutefois ni un problème à éliminer – comme le proposent les partisans de l’illibéralisme, en l’espèce au profit des organes stricto sensu politiques – ni un problème à cacher – comme tend à le faire la présentation traditionnelle de la fonction juridictionnelle. Ce « rapport de tension » est une donnée fondamentale qu’il faut prendre en compte pour construire un équilibre des pouvoirs permettant un dialogue efficace entre les différentes institutions appelées à jouer, d’une manière ou d’une autre, un rôle de représentation. À cet égard, comme le souligne le rapport Bonnecarrère déjà évoqué, il y a de grands progrès à réaliser en France : les auditions parlementaires peuvent représenter l’une des pistes d’amélioration et il est heureux que les parlementaires expriment l’intention de s’en emparer. Tout le monde peut y gagner, à commencer par le citoyen qui bénéficierait ainsi d’une transparence plus grande au sujet du profil des futurs juges et des enjeux de chaque nomination.
Pour en revenir au cœur de notre propos, il faut conclure qu’aucun des arguments avancés par le Gouvernement n’apparaît déterminant pour établir l’inconstitutionnalité de la proposition de loi adoptée par le Sénat. À bien y réfléchir, c’est même l’inverse qu’il serait aisé d’établir : l’importance des fonctions publiques européennes en cause justifie amplement que le Parlement exerce un droit de regard sur ces procédures de désignation, assurant ainsi le minimum de transparence et de contrôle que de telles procédures méritent au sein d’une démocratie libérale. Dans ce contexte, l’argument de l’inconstitutionnalité brandi par le ministre est un bien mauvais service rendu à cet État de droit qu’il prétend défendre, lequel ne peut que gagner à l’établissement de procédures établies, robustes et transparentes. Il est possible de former le vœu que l’Assemblée nationale sera sensible à cette proposition et la reprendra à son compte, sans se laisser impressionner par l’argument d’autorité : il est en effet important que les parlementaires défendent leur propre interprétation de la Constitution, laquelle n’est pas plus illégitime qu’une autre43.
1 P. BONNECARRÈRE, Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur le thème : « La judiciarisation de la vie publique : une chance pour l’État de droit ? Une mise en question de la démocratie représentative ? Quelles conséquences sur la manière de produire des normes et leur hiérarchie ? », Sénat, 29 mars 2022, n° 592, p. 134-135.
2 Rapport du groupe de travail du Sénat sur les institutions, 7 mai 2024, p. 60-62.
3 La proposition de loi concerne les juges à la Cour de justice stricto sensu comme les juges au Tribunal.
4 A. CANAYER, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi relative à la consultation du Parlement sur la nomination de membres français dans certaines institutions européennes, Sénat, 19 février 2025, n° 357, p. 8.
5 Voir l’intervention du ministre Benjamin Haddad, JORF, Sénat, séance du mardi 4 mars 2025, p. 3238 et s.
6 T. MULLIER, « Se réserver la compétence. À propos du « domaine réservé » présidentiel », Jus politicum blog, 15 mars 2025.
7 O. BEAUD, « Le Conseil constitutionnel et le traitement du président de la République : une hérésie constitutionnelle », Jus politicum, n° 9, 2013 ; O. BEAUD, « La séparation des pouvoirs une nouvelle fois dénaturée », AJDA 2013, p. 137 ; V. GOESEL-LE BIHAN, « La violation de la séparation des pouvoirs : quels fondements ? Quels griefs ? Retour sur une critique doctrinale », Titre VII, n° 3, 2019 ; M. ALTWEGG-BOUSSAC, « Un mal qui répand la terreur » : l’information du Parlement », Jus politicum blog, 18 mai 2020.
8 B. MONTAY, L’autorité perdue. Pour une théorie des fonctions de l’Exécutif, Paris, PUF, Léviathan, 2021, p. 127 et s.
9 Ce thème est l’objet de la thèse de Lucie Sponchiado, qu’il faut ici évoquer : L. SPONCHIADO, La compétence de nomination du président de la Cinquième République, Paris, Dalloz, Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle, 2017.
10 P. ALLIZARD, Avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la proposition de loi relative à la consultation du Parlement sur la nomination de membres français dans certaines institutions européennes, Sénat, 19 février 2025, n° 375, p. 7.
11 Ibid., p. 11.
12 A. CANAYER, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la proposition de loi relative à la consultation du Parlement sur la nomination de membres français dans certaines institutions européennes, op.cit., p. 8.
13 P. ALLIZARD, op.cit., p. 11.
14 Voir infra pour la diversité des procédures de désignation en vigueur au sein des différents États membres en ce qui concerne les membres de la Cour de justice. Sur un sujet analogue, il est possible d’observer qu’il en va de même pour les désignations des membres de la Cour européenne des droits de l’Homme (v. L. BURGORGUE-LARSEN, « Des idéaux à la réalité. Réflexions comparées sur les processus de sélection et de nomination des membres des Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme », La Revue des droits de l’homme, n° 6, 2014, p. 4 et s.).
15 En 2014, Laurence Burgorgue-Larsen soulignait ainsi que « la première règle de bonne gouvernance », en termes de procédure nationale de désignation des juges à destination d’une cour régionale de protection des droits de l’homme, devrait être « l’existence d’une base juridique préétablie qui organise, de façon claire et précise, la procédure nationale de sélection » – cette base juridique pouvant être, selon les cas, de rang constitutionnel, législatif ou réglementaire (Ibid., p. 8).
16 Voir par ex. les interventions de Silvana Silvani ou de Christophe Chaillou (JORF, Sénat, séance du 4 mars 2025, p. 3244 et p. 3246).
17 J-C. BONICHOT, La Cour de justice de l’Union européenne, Paris, Dalloz, Le sens du droit, 2021, p. 64.
18 Jean-Claude Bonichot explique ainsi qu’il fut un temps où le vice-président de section, « délibérant avec les présidents de section », proposait un nom au Gouvernement. Par la suite – et comme le présente également le rapporteur de la proposition de loi sénatoriale – la procédure a été développée avec un appel à candidatures formalisé et l’intervention d’un comité d’experts, composés de membres français de la Cour d’arbitrage, pour évaluer les candidatures et en transmettre quelques-unes au Gouvernement (Ibid., p. 65).
19 Cf. Article 4§1 du Statut de la Cour international de justice (ainsi que l’article 36§4 ii du Statut de la Cour pénale internationale). V. L. BURGORGUE-LARSEN, op.cit., p. 5.
20 Idem.
21 La remarque vaut d’ailleurs pour pratiquement l’ensemble des nominations de membres français dans les juridictions internationales (L. BURGORGUE-LARSEN, op.cit., p. 6). Concrètement, le groupe français à la Cour permanente d’Arbitrage comprend actuellement le directeur des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères, un ancien président de la Cour international de justice (mais qui est également ancien conseiller d’État et ancien directeur des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères), une conseiller d’État et une universitaire.
22 Certains manuels font l’impasse sur la question de la procédure interne retenue en France (v. J-P. JACQUÉ, Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, Dalloz, Cours, 10e édition, 2023, p. 443), quand d’autres ne consacrent que des développements succincts à cette question (v. M. BLANQUET, Droit général de l’Union européenne, Paris, Dalloz, Sirey, 11e édition, 2018, p. 666). Enfin, d’autres soulignent le monopole exercé par la haute fonction publique juridictionnelle sur ces nominations (F. MARTUCCI, Droit de l’Union européenne, Paris, Lefebvre Dalloz, Hypercours, 4e édition, 2025, p. 333).
23 J-C. BONICHOT, op.cit., p. 66-68.
24 A. CANAYER, op.cit., p. 10.
25 Les références au vocable constitutionnel dans la jurisprudence de la Cour de justice sont bien connues, v. CJCE, Parti écologiste « Les Verts » contre Parlement européen, 23 avril 1986, affaire 294/83, §23 ; Cour de justice, Ass. plen., 18 décembre 2014, Avis 2/13, §158 et 163.
26 V. G. TUSSEAU, Contentieux constitutionnel comparé, Paris, LGDJ, Lextenso, 2021, p. 462-464. Encore faut-il relever qu’il s’agit principalement d’États ayant hérité du système de Westminster. Cela concourt à expliquer la survivance de ce type de procédure dans un équilibre institutionnel où elles ont un sens, sans pour autant d’ailleurs échapper à toute critique.
27 V. par ex. H. KELSEN, « La garantie juridictionnelle de la Constitution », RDP, 1928, p. 227.
28 Il faut souligner ici que la question spécifique de la procédure nationale de désignation des juges à la Cour européenne des droits de l’homme a fait l’objet, en doctrine, d’un intérêt apparemment plus grand que pour la Cour de justice. Outre l’article précité de Laurence Burgorgue-Larsen, il est possible également de renvoyer à C. MADELAINE, « Face à la crise de l’État de droit, repenser le processus de sélection des juges de la Cour EDH : un placebo ? », RDLF, 2023, chron. n° 23.
29 JORF, Sénat, séance du 4 mars 2025, p. 3244, intervention de Mme Silvana Silvani.
30 Ibid., intervention de M. Didier Marie.
31 Idem.
32 Ibid., intervention de la rapporteure Mme Agnès Canayer.
33 Cour de justice, GC, 29 juillet 2024, Virgilijus Valančius c. Lituanie, C-119/23, §57.
34 Pour un exemple concernant une nomination à la Cour européenne des droits de l’homme, v. M. AFROUKH, Y. LÉCUYER, « Sur une exception française : la procédure de désignation des candidats au poste de juge à la Cour européenne des droits de l’homme », RDLF, 2020, chron. n° 04.
35 F. MARTUCCI, op.cit, p. 333 ; L. COUTRON, Droit de l’Union européenne. Institutions, sources, contentieux, Paris, Dalloz, Mémentos, 7e édition, 2024, p. 148.
36 J. JEANNENEY, « Une tartufferie institutionnelle. L’audition parlementaire des candidats au Conseil constitutionnel », in Pouvoir et contre-pouvoirs, Mélanges en l’honneur du professeur Bertrand Mathieu, LGDJ, 2023, p. 349.
37 Comme en témoigne le succès de l’ouvrage de Julien Jeanneney mettant en avant le « constitutionnalisme discursif » dont témoignerait l’audition par le Sénat des prétendants à la Cour suprême américaine (J. JEANNENEY, Une fièvre américaine. Choisir les juges de la Cour suprême, Paris, CNRS éditions, 2024).
38 V. par exemple le jugement sans appel formulé en son temps par Maurice Hauriou : « Le pouvoir de juridiction n’est pas un pouvoir politique (…) Le pouvoir judiciaire n’a jamais été et ne peut pas être un pouvoir politique ; il est le type essentiel d’un pouvoir purement juridique, il est exclusivement pour la déclaration de ce qui est conforme au droit positif » (M. HAURIOU, Principes de droit public, Paris, Tenin, 2e édition, 1916, p. 36). Cette appréciation du maître toulousain s’explique par sa volonté de distinguer la souveraineté politique, exercée par les organes politiques, et la souveraineté juridique, c’est-à-dire l’application du droit par le juge. Les présentations contemporaines sont bien différentes, dans la mesure où elles battent en brèche l’approche classique et mettent en avant le caractère politique de la fonction juridictionnelle (v. par exemple M. TROPER, « Fonction juridictionnelle ou pouvoir judiciaire ? », in Pour une théorie juridique de l’État, Paris, PUF, Léviathan, p. 98 et s.) ou mettent l’accent sur l’intégration du pouvoir juridictionnel comme un pouvoir parmi les autres, au sein d’un système d’équilibre institutionnel perfectionné qui caractérise le constitutionnalisme libéral contemporain (v. par exemple B. DAUGERON, Droit constitutionnel, Paris, PUF, Themis, 2023, p. 295-296).
39 D. BARANGER, « Sur la manière française de rendre la justice constitutionnelle », Jus politicum, n° 7, 2012, p. 32.
40 L’idée avait atteint le sommet de l’État puisqu’elle avait été formulée par le président de la République lui-même, avant qu’une « vaste conspiration du silence et de la mauvaise volonté » n’étouffe l’initiative (F. SUREAU, « Quelques mots sur la justice », communication à l’Académie des sciences morales et politiques, 8 janvier 2024, p. 33).
41 D. ROUSSEAU, P-Y. GAHDOUN, J. BONNET, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, LGDJ, Lextenso, 13e édition, 2023, p. 1044.
42 O. JOUANJAN, « L’État de droit démocratique », Jus politicum, n° 22, 2019, p. 19-20.
43 V. D. BARANGER, La Constitution. Sources. Interprétations. Raisonnements, Paris, Dalloz, Méthodes du droit, 2022, p. 118.