L’extension du motif de refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen fondé sur les droits fondamentaux : l’apport de la jurisprudence de la Cour de justice dans les arrêts E.D.L. et GN
Cet article traite de la consolidation de la place accordée par la Cour de justice de l’Union européenne à la protection des droits et liberté fondamentaux dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen dans les arrêts E.D.L. (aff. C-699/21) et GN (aff. C-261/22). Il vise à évaluer les conséquences de ces arrêts sur le motif de refus de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, fondé sur le contrôle en deux étapes que la Cour a élaboré dans l’arrêt Aranyosi et Căldăraru (aff. C-404/15 et C-659/1 PPU). L’arrêt E.D.L. est venu bousculer la jurisprudence bien établie de la Cour, prouvant que ce contrôle en deux étapes n’est pas la seule possibilité pour la personne poursuivie de faire valoir ses droits. Quant à l’arrêt GN, il est venu confirmer qu’un risque de violation d’un droit fondamental non absolu peut justifier le refus d’exécution d’un mandat d’arrêt, élargissant la portée matérielle de ce motif de non-exécution. Désormais loin de privilégier une confiance aveugle, la Cour considère que la confiance mutuelle ne peut exister que si tous les États membres respectent les standards européens de protection des droits fondamentaux.
Louise Maillet est Doctorante contractuelle à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (IREDIES)
Bien que l’Union européenne n’ait pas eu pour vocation originelle la création d’un espace pénal européen, les autorités européennes et les États membres ont réalisé que la liberté de circulation dans un territoire transnational sans frontière devait s’accompagner d’un moyen de lutter contre la criminalité et l’impunité. L’introduction du principe de reconnaissance mutuelle dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale, à la suite du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, a nécessité le renforcement de la coopération entre les États membres et l’adoption d’une législation commune[1]. Si de nombreux instruments ont été adoptés par l’Union européenne en matière de coopération judiciaire pénale depuis la création de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ), le mandat d’arrêt est de loin l’instrument le plus représentatif, et le plus utilisé par les États membres.
Institué par la décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002, le mandat d’arrêt européen simplifie la procédure en matière de remise des personnes recherchées et poursuivies. Son fonctionnement repose sur la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière pénale : la reconnaissance mutuelle, fondée elle-même sur le principe de confiance mutuelle – selon lequel les « ordres juridiques nationaux respectifs [des Etats membres] sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux »[2]. L’objectif du mandat d’arrêt européen est simple : lutter contre l’impunité et automatiser les remises des personnes suspectées ou condamnées en matière pénale entre les États membres.
Les articles 3, 4 et 4 bis la décision-cadre 2002/584/JAI, qui prévoient les motifs obligatoires et facultatifs de refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen, ne permettent pas de refuser l’exécution en cas de risque de violation des droits fondamentaux. Cela s’inscrit dans la logique du principe de confiance mutuelle : tous les Etats sont présumés respecter les droits fondamentaux. Par ailleurs, l’article 1.3 de la décision-cadre énonce que celle-ci « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du traité sur l’Union européenne ».
Il s’agit là de la théorie. Il serait cependant utopique que de considérer que tous les États membres respectent au scrupuleusement les droits fondamentaux, notamment ceux des personnes détenues. Pourtant, jusqu’en 2016, la Cour de justice de l’Union européenne sera particulièrement réticente à reconnaître que le risque d’une atteinte aux droits fondamentaux d’une personne poursuivie ou incarcérée puisse mettre en péril la confiance mutuelle entre les États membres[3]. Cette position n’est pas étonnante : la protection des droits fondamentaux n’a pas été la préoccupation essentielle de la construction de l’ELSJ, qui a longtemps été centrée sur la consolidation de l’efficacité du pouvoir de répression de la criminalité dans un espace transnational[4]. Cependant, l’arrêt Aranyosi et Căldăraru va ouvrir une brèche dans le principe de la confiance mutuelle au regard des droits fondamentaux des personnes poursuivies ou incarcérées, instituant un motif prétorien de refus d’exécution du mandat d’arrêt européen fondé sur un contrôle en deux étapes (I). Bien établi dans la jurisprudence subséquente de la Cour, la portée de ce motif de refus d’exécution va s’étendre, à la fois par ce qui semble être une remise en cause de l’unicité du contrôle mis en place par l’arrêt Aranyosi (II), mais également au regard des droits fondamentaux justifiant le refus d’exécution du mandat d’arrêt (III).
I- L’arrêt Aranyosi et Căldăraru ou la création prétorienne d’un motif de refus d’exécution du mandat d’arrêt européen
Malgré les réticences de la Cour à remettre en cause l’absolutisme de la confiance mutuelle, celle-ci est bien consciente des limites du principe. En 2016, elle va admettre dans l’arrêt de Grande Chambre Aranyosi et Căldăraru[5] qu’il existe, au-delà de celles expressément prévues par la décision-cadre de 2002, des hypothèses, strictement encadrées et exceptionnelles, dans lesquelles le respect des droits fondamentaux doit primer le principe de confiance mutuelle. L’affaire portait ici sur les conditions de détention en Roumanie et en Hongrie, deux Etats membres d’émission d’un mandat d’arrêt européen.
La Cour, tout en réitérant le principe selon lequel les Etats ne peuvent refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen que dans les cas exhaustifs listés aux articles 3, 4 et 4 bis de la décision-cadre, va admettre qu’il existe « des limitations aux principes de reconnaissance et de confiance mutuelles » dans des situations exceptionnelles[6]. S’appuyant d’une part sur l’article 1.3 de la décision-cadre, et d’autre part sur l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne elle admet qu’il existe un motif de refus d’exécution du mandat d’arrêt dans le cas où la remise risque de conduire à des traitements inhumains ou dégradants.
Pour établir ce risque, la Cour donne la marche à suivre, et établit une appréciation en deux étapes que doit adopter l’autorité judiciaire d’exécution. Tout d’abord, il faut établir l’existence de défaillances systémiques ou généralisées dans l’Etat membre d’émission. Pour ce faire, l’autorité judiciaire d’exécution doit prendre en considération des informations objectives, fiables, spécifiques qui peuvent être obtenues à partir de diverses sources, y compris des jugements de tribunaux internationaux, des jugements de tribunaux nationaux, des documents émis par le Conseil de l’Europe ou des organes des Nations Unies[7].
Une fois que ce risque général de violation d’un droit fondamental est établi, l’autorité judiciaire doit apprécier, de manière concrète et précise, s’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’il existe un risque réel que la personne subisse un traitement inhumain et dégradant – reprenant la terminologie utilisée par la Cour européenne des droits de l’homme[8]. A ce titre, elle doit suspendre l’exécution du mandat d’arrêt européen, et demander à l’autorité judiciaire d’émission de fournir toutes les informations nécessaires[9]. Si le risque ne peut être écarté dans un délai raisonnable, l’autorité judicaire d’exécution doit suspendre la procédure de remise[10].
La Cour est ferme : l’exécution du mandat constituant le principe, le refus de l’exécution est une exception qui doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Ce contrôle articule la nécessité de garantir l’effectivité du mandat d’arrêt européen et l’impératif de la prohibition des traitements inhumains et dégradants : la confiance mutuelle est centrale, mais il ne s’agit pas d’une confiance aveugle. Le contrôle imposé par la jurisprudence Aranyosi est cependant limité dans sa portée : il ne s’agit pas de contrôler l’état de tous les lieux de détention de l’Etat d’émission, obligation qui serait, selon la Cour, « manifestement excessive »[11] mais de vérifier les conditions de détention des établissements pénitentiaires « dans lesquels […] il est concrètement envisagé que ladite personne sera détenue »[12].
Loin de se restreindre à la seule question de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants, la Cour a été amenée à se prononcer sur une question préjudicielle portant sur le refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen dans l’hypothèse d’un risque de violation du droit à un procès équitable en Pologne. Dans un arrêt de Grande Chambre LM[13], les juges étendent la nouvelle exception dégagée dans Aranyosi : au-delà du droit absolu prévu par l’article 4 de la Charte, un risque réel de violation du droit fondamental de la personne concernée à un tribunal indépendant, qui relève du contenu essentiel du droit à un procès équitable tel qu’énoncé à l’article 47.2 de la Charte, est susceptible de permettre à l’autorité judiciaire d’exécution de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen. Elle note d’abord que le droit à un procès équitable est central dans la préservation des valeurs énoncées à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne (TUE), et plus précisément de l’Etat de droit – notons par ailleurs que l’affaire concerne un transfert vers la Pologne, menacée à l’époque par l’enclenchement de l’article 7.1 TUE. Puis elle reprend le contrôle en deux étapes élaboré dans Aranyosi, appliqué mutatis mutandis à l’exigence de l’indépendance du pouvoir judiciaire. L’arrêt L et P confirmera ce motif de refus tiré de l’exigence de l’indépendance du pouvoir judiciaire découlant du droit à un procès équitable[14]. Elle précisera d’ailleurs dans cet arrêt que les autorités judiciaires nationales ne peuvent refuser automatiquement l’exécution du mandat d’arrêt européen, sans apprécier concrètement le risque réel encouru par la personne, qu’en présence d’une décision du Conseil européen au titre de l’article 7.2 TUE[15].
La jurisprudence subséquente de la Cour confirmera la pérennité de ce contrôle en deux étapes[16]. Pourtant, un arrêt du 18 avril 2023 viendra bousculer cette jurisprudence pourtant bien établie, semblant remettre en cause ce contrôle en deux étapes.
II- L’arrêt D.L. ou la fragmentation de la jurisprudence de la Cour
L’arrêt de Grande chambre E.D.L. du 18 avril 2023, particulièrement attendu, porte sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis contre une personne présentant d’importants troubles psychiatriques. La question posée à la Cour concernait la possibilité pour les juridictions italiennes de refuser un mandat d’arrêt européen émis par une juridiction croate concernant une personne présentant de graves troubles psychiatriques avec un risque important de suicide en cas d’incarcération, lorsqu’une telle remise pourrait exposer cette personne au risque de subir une atteinte grave à sa santé, sur le fondement de l’article 1.3 de la décision-cadre 2002/584/JAI. La Cour d’appel de Milan avait en effet constaté que l’« exécution du mandat d’arrêt européen interromprait le traitement d’E.D.L. et conduirait à une détérioration de son état de santé général, dont les effets pourraient être d’une gravité exceptionnelle, voire à un risque avéré de suicide »[17].
Si une question similaire avait déjà été posée en matière de transfert de demandeurs d’asile dans le cadre du règlement Dublin dans un arrêt C.K.[18], il est possible de s’interroger sur la possibilité de transposer le raisonnement de la jurisprudence préexistante, notamment au regard de la spécificité du mandat d’arrêt européen et des conséquences juridiques qui découlent de sa non-exécution[19]. Il s’agit donc d’une problématique partiellement renouvelée pour la CJUE : il n’est pas question ici des conditions générales de détention dans un Etat membre, ou bien des défaillances systémiques concernant l’État de droit, mais d’une pathologie mettant en danger la vie de la personne poursuivie, une situation donc purement individuelle. Cela vient questionner la pertinence des critères élaborés dans Aranyosi et Căldăraru, lorsqu’il faut étendre ce contrôle à d’autres risques de violation des droits fondamentaux, notamment lorsque celles-ci ne concernent pas des défaillances systémiques ou généralisées. Au regard de l’importance de la question posée, le président de la Cour a décidé de soumettre l’affaire à une procédure accélérée[20].
La Cour va venir effectuer un ajustement de sa jurisprudence en la matière. Après avoir classiquement rappelé les implications du principe de confiance mutuelle en matière d’exécution d’un mandat d’arrêt européen, elle constate que la décision-cadre ne prévoit pas de motif de refus si la personne faisant l’objet d’un tel mandat d’arrêt européen souffre de pathologies graves, à caractère chronique et potentiellement irréversibles[21]. Puis, au lieu de rappeler sa jurisprudence habituelle et de s’appuyer sur l’article 35 de la Charte – protégeant le droit à la santé –, elle invoque pour la première fois l’article 23.4 de la décision-cadre 2002/584/JAI, sans le justifier et sans que la juridiction de renvoi ne l’ait inclus dans sa question préjudicielle[22].
Cet article prévoit que l’autorité judiciaire d’exécution peut suspendre temporairement l’exécution du mandat d’arrêt européen dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsqu’il existe un risque de mise en danger manifeste de la vie ou de la santé de la personne recherchée. C’est donc une possibilité de suspension temporaire, mais pas une possibilité de refus. Pour autant, la Cour va venir étendre les conséquences de cette disposition. En s’appuyant sur l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux, elle considère qu’« il ne saurait être exclu que la remise d’une personne gravement malade puisse entraîner, pour cette personne, un risque réel de traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte »[23]. De cette constatation, la Cour tire deux conséquences.
D’abord, si l’autorité judiciaire d’exécution a des motifs sérieux et avérés de croire que la remise de la personne recherchée, gravement malade, l’exposerait à un risque réel de réduction significative de son espérance de vie ou de détérioration rapide, significative et irrémédiable de son état de santé, ce qui n’était qu’une simple faculté de surseoir à la remise ouverte par l’article 23.4 de la décision-cadre se transforme en obligation[24]. Il ne s’agit plus d’un motif facultatif de suspension de l’exécution, il s’agit donc d’un motif obligatoire.
Après une telle constatation, l’autorité judiciaire d’exécution doit demander, en vertu de l’obligation de coopération loyale inscrite à l’article 4.3 TUE, à l’autorité judiciaire d’émission la fourniture de toute information nécessaire permettant d’écarter ledit risque – par exemple, des assurances que la pathologie fera l’objet de traitements et de soins appropriés. Mais que se passe-t-il quand un tel risque ne peut être écarté ? Là se pose toute la difficulté, puisque, comme la Cour le remarque elle-même, il serait contraire à la lettre et à l’économie générale de l’article 23.4 de permettre à l’autorité judiciaire d’exécution de surseoir indéfiniment à la remise d’une personne[25].
Dans ce cas, la Cour revient à sa jurisprudence Aranyosi en la tronquant, et considère qu’en vertu de l’article 1.3 de la décision-cadre, selon lequel cette dernière ne modifie par l’obligation de respecter les droits fondamentaux consacrés par l’article 6 TUE, interprété à la lumière de l’article 4 de la Charte, l’autorité judiciaire d’exécution a l’obligation de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que la remise exposerait la personne à un risque réel de réduction significative de son espérance de vie ou de détérioration rapide, significative et irrémédiable de son état de santé, et que ce risque ne peut être écarté dans un délai raisonnable[26]. Ainsi, contrairement à sa jurisprudence antérieure pourtant bien établie, le contrôle de l’existence d’un risque ne repose plus que sur un seul critère. L’existence d’un risque de traitement inhumain et dégradant doit être apprécié « et ce en raison ou, dans certaines circonstances, indépendamment du niveau de qualité des soins disponibles dans l’État membre d’émission »[27]. Aucun besoin alors d’évaluer la qualité générale et les défaillances du système de santé d’un État membre.
L’apport de cet arrêt est indéniable. S’il n’est pas étonnant que les risques menaçant gravement l’état de santé d’une personne puissent justifier un refus d’exécuter un mandat d’arrêt européen, l’article 4 de la Charte étant un droit absolu[28], la Cour vient trancher les questions en suspens concernant les limites des critères découlant de la jurisprudence Aranyosi, ainsi que la portée de l’article 1.3 de la décision-cadre 2002/584/JAI. L’innovation principale repose définitivement sur l’évolution de l’appréciation du risque. On peut alors se questionner : cet arrêt remet-il en cause toute la jurisprudence antérieure, venant entériner la fin du test en deux étapes, même pour les risques résultant des conditions de détention et du manque d’indépendance de la justice ? Fait-il pencher la balance en faveur de la protection des droits fondamentaux, au détriment de l’effectivité de la coopération pénale européenne ?
D’abord, la nouveauté du raisonnement adopté par la Cour de justice dans l’arrêt E.D.L. doit être nuancée. Comme nous l’avons relevé précédemment, dans le cadre de sa jurisprudence relative à la mise en œuvre du système « Dublin », lui aussi fondé sur le principe de confiance mutuelle entre les États membres, la Cour a en effet été amenée à se prononcer sur les situations dans lesquelles le transfert du demandeur d’asile comportait un risque de violation de l’article 4 de la Charte résultant non pas de défaillances systémiques dans l’État dit « responsable », mais de la situation particulière de la personne concernée. Rappelons que cinq ans avant l’arrêt Aranyosi, l’arrêt N.S. avait ouvert une première brèche dans la confiance mutuelle entre les États membres en matière de transfert des demandeurs d’asile. La Cour avait alors énoncé qu’un tel transfert était prohibé « dans l’hypothèse où il y aurait lieu de craindre sérieusement qu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, au sens de l’article 4 de la charte »[29]. Par la suite, la Cour est venue clarifier et affiner sa jurisprudence dans l’affaire C.K., qui portait sur la possibilité pour la Slovénie de transférer une demandeuse d’asile présentant un trouble psychiatrique grave vers la Croatie, cette dernière étant identifiée comme État « responsable » au titre du règlement Dublin III. Dans cette affaire, la Cour a considéré que le transfert d’un demandeur d’asile « ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte »[30], et ce « indépendamment de la qualité de l’accueil et des soins disponibles dans l’État membre responsable de l’examen de sa demande »[31]. Il était donc déjà admis que des conditions individuelles permettaient de mettre en cause la confiance mutuelle entre les États membres, au-delà de l’existence de défaillances systématique. In fine, l’arrêt E.D.L. constitue une application mutatis mutandis des principes élaborés dans l’arrêt C.K. à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, et permet d’aligner la protection des personnes poursuivies ou condamnées à celle déjà accordée en matière d’asile. Toutefois, les enjeux de l’exécution d’un tel mandat – et plus largement du bon fonctionnement de la coopération judiciaire en matière pénale – ne sont pas les mêmes que dans le cadre du transfert d’un demandeur d’asile. En effet, la non-exécution d’un mandat d’arrêt européen pose des risques concrets en termes d’impunité et de respect des droits fondamentaux des victimes[32] – et de l’obligation de protéger la société plus généralement. La balance des intérêts en jeu n’est donc pas équivalente.
En outre, malgré cet écart à sa jurisprudence habituelle, la Cour n’a pas pour autant abandonné le contrôle en deux étapes en matière de refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen. Dans un arrêt du 9 novembre 2023, la Cour est venue appliquer mutatis mutandis les critères élaborés dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen à la décision cadre 2008/909/JAI portant sur la reconnaissance des jugements prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans un autre État membre[33]. Très récemment, dans un arrêt GN du 21 décembre 2023, la Cour a confirmé la pertinence du contrôle en deux étapes développé dans Aranyosi concernant la possibilité de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen sur le fondement du droit au respect de la vie privée et de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Coexisteraient donc deux types de contrôle en matière de refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen fondé sur le risque de violation d’un droit fondamental de la personne poursuivie. Selon nous, le dédoublement du contrôle devant être effectué par l’autorité judiciaire d’exécution repose sur l’origine du risque posé au droit fondamental en question. Plus concrètement, dans le cas du contrôle élaboré par Aranyosi, le risque émane de l’État d’exécution – soit au regard de l’état de son système pénitentiaire, ou bien au regard de l’indépendance du système judiciaire : il faut alors qu’il existe une défaillance systématique de la part de cet État. Au contraire, dans l’arrêt E.D.L. (tout comme dans l’arrêt GN), l’origine du risque ne provient pas de l’État mais est inhérent à la personne – sa condition médicale est incompatible avec l’incarcération, et le risque de violation existe déjà dans l’État d’exécution : il n’est donc pas nécessaire de prouver une défaillance systémique, mais de prouver que la personne pourra obtenir les soins qui lui sont nécessaire. Le raisonnement de la Cour s’adapte donc au risque encouru par la personne poursuivie, et à raison. Comme le relève l’Avocat général, « l’examen dit « en deux étapes » a une origine très précise et est utile dans le contexte pour lequel il a été conçu. Un tel examen trouve tout son sens lorsque le risque pour les droits de la personne réclamée découle de circonstances généralisées qui, dans l’idéal, sont impossibles dans un État membre »[34].
Il est néanmoins possible de s’interroger sur l’opportunité de développer deux contrôles différents de l’existence d’un risque en fonction soit du droit menacé, soit de la source du risque[35]. Faut-il s’attendre au développement d’une multiplicité de contrôles en fonction des droits examinés ? Certes, une telle extension permet de mieux protéger les droits fondamentaux des personnes poursuivies ou condamnées, mais n’y a-t-il pas un risque sérieux de perte de lisibilité pour les juges nationaux ?
Au-delà du dédoublement du contrôle exercé afin d’évaluer s’il existe bien un risque permettant de refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, l’un des questionnements majeurs en la matière concerne la portée matérielle du motif de refus fondé sur le risque de violation d’un droit fondamental.
III- L’arrêt GN ou l’extension matérielle du motif de refus d’exécution du mandat d’arrêt européen
Jusqu’à très récemment, la Cour n’avait été amenée à se prononcer que sur des situations concernant le risque de violation de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, ou bien du droit à un recours effectif. Le premier est un droit absolu, et si le second ne l’est pas, il constitue la clé de voûte de la garantie effective des droits et liberté fondamentale, et « revêt une importance cardinale en tant que garant de […] la préservation des valeurs communes aux États membres énoncées à l’article 2 TUE, notamment, de la valeur de l’État de droit »[36]. Dans sa jurisprudence relative au risque de violation de l’indépendance de la justice, la Cour insiste d’ailleurs sur la menace posée au « contenu essentiel » du droit à un recours effectif. La doctrine s’était interrogée à la suite des arrêts LM et L et P Openbaar Ministerie : les conclusions de la jurisprudence de la Cour s’appliquent-elles à tous les droits fondamentaux qui ne sont pas absolus, ou se limitent-elles au droit à un procès équitable[37] ? L’arrêt Puig Gordi semblait exclure toute autre violation que celle de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et du droit à un procès équitable (en dehors des motifs de non-exécution prévus aux articles 3, 4 et 4 bis de la décision-cadre) en tant que motif de refus d’exécution. La Cour avait en effet affirmé que « l’existence d’un risque de violation des droits fondamentaux énoncés aux articles 4 et 47 de la Charte est susceptible de permettre à l’autorité judiciaire d’exécution de s’abstenir, à titre exceptionnel et à la suite d’un examen approprié, de donner suite à un mandat d’arrêt européen, sur le fondement de l’article 1er, paragraphe 3, de ladite décision-cadre »[38], sans indiquer s’il était possible d’élargir le champ des droits invocables.
Le très récent arrêt de la Cour dans l’affaire GN est venu ranimer ce questionnement sur les droits fondamentaux susceptibles de fonder le refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen. L’affaire portait sur l’exécution par les autorités italiennes d’un mandat d’arrêt européen émis par les autorités judiciaires belges à l’encontre d’une femme enceinte, mère d’un enfant mineur vivant sous son autorité. Or, la décision-cadre 2002/584/JAI est silencieuse concernant la protection des droits des enfants. La juridiction italienne s’interrogeait donc sur la possibilité de refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen au motif que la personne recherchée est mère d’enfants en bas âge vivant avec elle, au regard de l’article 1.3 de la Cour, lu à la lumière des articles 7 et 24.2 et 3 de la Charte des droits fondamentaux – protégeant respectivement le droit au respect de la vie privée et familiale et l’intérêt supérieur de l’enfant.
La question préjudicielle posée à la Cour est inédite à deux égards. D’une part, si les renvois préjudiciels en matière de refus d’exécution d’un mandat d’arrêt européen en raison d’un risque de violation d’un droit fondamental sont légion, les droits en question dans l’affaire sont inédits. D’autre part, comme le relève l’Avocate générale, elle « est aussi tout à fait inédit[e] en ce que, pour la première fois, une non‑exécution serait susceptible d’être fondée sur l’atteinte éventuelle aux droits fondamentaux non pas (seulement) de la personne recherchée, mais (aussi) d’un tiers, à savoir l’enfant mineur de la mère dont la remise est demandée »[39].
Classiquement, la Cour rappelle le principe de confiance mutuelle, dont découle une présomption selon laquelle « les conditions de détention d’une mère de tels enfants et l’organisation de la prise en charge de ces derniers dans l’État membre d’émission sont adaptées à une telle situation, que ce soit en milieu carcéral ou dans le cadre de modalités alternatives permettant le maintien de cette mère à la disposition des autorités judiciaires de cet État membre ou le placement de ces enfants en dehors de ce milieu »[40]. Si l’Avocate générale distingue la problématique du droit au respect de la vie familiale de la mère et celle de l’intérêt supérieur de l’enfant pour répondre en deux temps[41] – appliquant le contrôle en deux étapes pour la première, et un simple contrôle de la situation concrète de l’enfant pour la seconde – la Cour ne suit pas ce raisonnement.
Sur le fondement de l’article 1.3 de la décision-cadre 2002/584/JAI, interprété à la lumière des articles 7 et 24 de la Charte des droits fondamentaux, ainsi que de l’article 3.1 de la Convention internationale relatif aux droits de l’enfant, la Cour va reconnaître qu’il existe un motif de refus de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen en raison d’un risque de violation du droit au respect de la vie privée et familiale de la personne poursuivie, ainsi que de l’intérêt supérieur de ses enfants. Elle constate que « la possibilité pour un parent et son enfant d’être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale »[42].
Dans ce cadre, l’autorité judiciaire d’exécution doit appliquer mutatis mutandis le contrôle en deux temps développé dans Aranyosi, à savoir déterminer l’existence de « défaillances systémiques ou généralisées en ce qui concerne les conditions de détention des mères d’enfants en bas âge ou de prise en charge de ces enfants dans l’État membre d’émission, soit de défaillances concernant ces conditions et affectant plus spécifiquement un groupe objectivement identifiable de personnes, comme des enfants en situation de handicap », puis examiner s’il existe « des motifs sérieux et avérés de croire que les personnes concernées courront ce risque en raison de telles conditions »[43]. Si après une appréciation globale ces conditions sont remplies, et que l’autorité judiciaire d’exécution ne peut écarter l’existence du risque au regard des informations fournies par l’autorité judiciaire d’émission, la première doit alors refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen[44]. Contrairement à l’Avocate générale, la Grande Chambre refuse de proposer l’application de l’article 4.6 de la décision-cadre, qui prévoit la possibilité pour l’État d’exécution d’assurer l’exécution de la peine lorsque le mandat d’arrêt a été délivré à cette fin et que la personne recherchée en est ressortissante ou y réside.
Il peut cependant paraître curieux que la Cour se réfère au contrôle en deux étapes, au regard de l’origine du risque de violation des droits fondamentaux en l’espèce. Ce risque repose en effet sur la difficile compatibilité entre l’incarcération du parent et le maintien des liens familiaux avec ses enfants en bas âge. Il nous semble qu’un tel risque préexiste déjà dans l’État d’exécution du mandat d’arrêt européen : le risque naît de la situation personnelle des personnes concernées. Il est donc possible de s’interroger sur la portée de l’arrêt E.D.L. : est-ce un arrêt isolé, qui ne remettrait donc absolument pas en cause la portée d’Aranyosi ? Ou bien le contrôle élaboré dans cette affaire ne vaut-il que dans le cas où l’article 23.4 de la décision-cadre 2002/584/JAI est en cause ? Dans ce sens, on pourrait considérer que le contrôle en deux étapes ne s’applique que dans la mesure où il n’existe aucun motif de report de la remise codifié dans la décision-cadre. S’il existe un tel motif prévu dans le texte, alors la confiance mutuelle n’est pas remise en cause, et la première étape du contrôle n’a pas à s’appliquer[45].
Il demeure néanmoins appréciable que la Cour ait étendu l’application de la jurisprudence Aranyosi à des droits fondamentaux qui ne soient pas des droits absolus, ni des droits considérés comme étant l’un des fondements des valeurs protégées par l’article 2 TUE. Loin de privilégier une confiance aveugle, la Cour considère désormais que la confiance mutuelle ne peut exister que si tous les États membres respectent les standards européens de protection des droits fondamentaux. En ce sens, elle semble rappeler « que l’intérêt de l’intervention des autorités judiciaire […] dans les procédures d’extradition/de remise est la sauvegarde des droits fondamentaux. En d’autres termes, la protection de l’individu visé ne devrait pas être considérée comme un obstacle, mais plutôt comme l’objectif des procédures judiciaires »[46].
[1] Conseil européen de Tampere, Conclusions de la présidence, 15-16 octobre 1999 ; Communication de la Commission au Parlement européen, Reconnaissance mutuelle des décisions finales en matière pénale, COM(2000) 495 final, 26 juillet 2000 ; Conseil de l’UE, Programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales (2001/C 12/02), J.O. C 12 du 15 janvier 2001. L’idée d’introduire le principe de reconnaissance mutuelle dans le troisième pilier avait cependant été évoqué pour la première fois lors du Conseil européen de Cardiff en 1998 (Conseil européen de Cardiff, Conclusions de la présidence, 15-16 juin 1998, § 39).
[2] CJUE, F., 30 mai 2013, aff. C-168/13 PPU, § 50.
[3] CJUE, Grande chambre, Radu, 29 janvier 2013, aff. C-396/11 ; CJUE, Grande chambre, Melloni, 16 février 2013, aff. C‑399/11, § 64 : « l’article 53 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas à un Etat membre de subordonner la remise d’une personne condamnée par défaut à la condition que la condamnation puisse être révisée dans l’Etat membre d’émission, afin d’éviter une atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense garantis par sa constitution ».
[4] N. Giovannini, « La dignité humaine comme limite au pouvoir de punir », in M. Zingoni-Fernandez, N. Giovannini (dir.), La détention en isolement dans les prisons européennes : Les régimes spéciaux de détention en Italie et en Espagne et les mesures administratives en France et au Royaume-Uni, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 176.
[5] CJUE, Grande chambre, Aranyosi et Căldăraru, 5 avril 2016, aff. C-404/15 et C-659/1 PPU.
[6] Ibid. § 82.
[7] Ibid. § 89.
[8] Voir Cour EDH, Soering c. Royaume-Uni, 7 juillet 1989, req. n° 14038/88 ; Cour EDH, Trabelsi c. Belgique, 4 septembre 2014, req. n° 140/10.
[9] CJUE, Grande chambre, Aranyosi et Căldăraru, op. cit. note 5, p. 95-98.
[10] Ibid. § 104.
[11] CJUE, ML, 25 juillet 2018, aff. C-220/18 PPU, § 87.
[12] CJUE, Grande chambre, Dorobantu, 15 octobre 2019, aff. C-128/18, § 65-66.
[13] CJUE, Grande chambre, LM, 25 juillet 2018, aff. C-216/18 PPU.
[14] CJUE, Grande chambre, L et P Openbaar Ministerie, 17 décembre 2020, aff. C-354/20 PPU et C-412/20 PPU.
[15] Ibid. p. 57-60.
[16] CJUE, ML, op. cit. note 11 ; CJUE, Grande chambre, Dorobantu, op. cit. note 12 ; CJUE, Grande chambre, L et P Openbaar Ministerie, op. cit. note 14 ; CJUE, Grande chambre, X et Y, 22 février 2022, aff. C-562/21 PPU ; CJUE, Grande chambre, Lluís Puig Gordi, 31 janvier 2023, aff. C-158/21.
[17] CJUE, Grande chambre, E.D.L., 18 avril 2023, aff. C-699/21, § 11.
[18] CJUE, C.K. et autres, 16 février 2017, aff. C-578/16 PPU.
[19] C. Rizcallah, « Arrêt « E.D.L. » : mandat d’arrêt européen et risque pour l’état de santé, la confiance mutuelle recadrée en faveur de la dignité humaine », JDE, 2023, no 300, p. 294.
[20] CJUE, Grande chambre, E.D.L., op. cit. note 17, § 27.
[21] Ibid. § 30-35.
[22] Ibid. § 36. Il est intéressant de constater que la juridiction de renvoi considère que l’article 23.4 de la décision-cadre est inadapté en cas de pathologie chronique, puisque sa rédaction vise explicitement les situations provisoires ; Demande de décision préjudicielle, 21 novembre 2021, aff. C-699/21, § 6.3.
[23] Ibid. § 39.
[24] Ibid. § 42.
[25] Ibid. § 51.
[26] Ibid. § 55.
[27] Ibid. § 39.
[28] C. Rizcallah, « Arrêt « E.D.L. » : mandat d’arrêt européen et risque pour l’état de santé, la confiance mutuelle recadrée en faveur de la dignité humaine », op. cit. note 19, p. 297.
[29] CJUE, Grande chambre, N.S., 21 décembre 2011, aff. jointes C-411/10 et C-493/10, § 86.
[30] CJUE, C.K. et autres, op. cit. note 18, § 65.
[31] Ibid. § 73.
[32] C. Rizcallah, « Arrêt « E.D.L. » : mandat d’arrêt européen et risque pour l’état de santé, la confiance mutuelle recadrée en faveur de la dignité humaine », op. cit. note 19, p. 296.
[33] CJUE, Staatsanwaltschaft Aachen, 9 novembre 2023, aff. C-819/21.
[34] Conclusions de l’Avocat général M. Manuel Campos Sánchez-Bordona, E.D.L., 1 décembre 2022, aff. C-699/21, § 39.
[35] C. Rizcallah, « Arrêt « E.D.L. » : mandat d’arrêt européen et risque pour l’état de santé, la confiance mutuelle recadrée en faveur de la dignité humaine », op. cit. note 19, p. 297.
[36] CJUE, Grande chambre, LM, op. cit. note 13, § § 48.
[37] F.-G. Ruiz Yamuza, « LM case, a new horizon in shielding fundamental rights within cooperation based on mutual recognition. Flying in the coffin corner », ERA Forum, 2020, vol. 20, no 3, p. 341.
[38] CJUE, Grande chambre, Lluís Puig Gordi, op. cit. note 16, § 72.
[39] Conclusions de l’Avocate générale Mme Tamara Ćapeta, GN, 13 juillet 2023, aff. C-261/22, § 13.
[40] CJUE, Grande chambre, GN, 21 décembre 2023, aff. C-261/22, § 38.
[41] Conclusions de l’Avocate générale Mme Tamara Ćapeta, GN, op. cit. note 39.
[42] CJUE, Grande chambre, GN, op. cit. note 40, § 42 (nous soulignons).
[43] Ibid. § 45, 47 et 48.
[44] Ibid. § 55.
[45] L. Grossio, M. Rosi, « The Ultimate (but not the Only) Remedy for Securing Fundamental Rights in the EAW System? Some Reflections on Puig Gordi and E. D. L. », European Papers, 2023, vol. 8, no 2, p. 558.
[46] P. Caeiro, « The ‘licence to distrust’ and the protection of individual rights in the execution of a European Arrest Warrant: A comment », ELJ, 2022, vol. 28, no 4‑6, p. 238.