Vulnérabilité, santé et soins
CHAPITRE 2 – Vulnérabilité, santé et soins
Une réflexion sur la vulnérabilité physique et/ou mentale nous invite nécessairement à envisager la situation des personnes ultra-vulnérables car nécessitant une prise en charge médico-sociale. L’impact de la vulnérabilité des patients d’une part sur leur consentement et d’autre part sur la relation de soins est évident. Un déséquilibre s’installe derechef dans la relation médecin/équipe médicale – patient, déséquilibre qui est corrigé via la reconnaissance d’une série de droits subjectifs au bénéfice du patient. Le médecin et l’équipe médicale quant à eux ne sauraient être considérés comme vulnérables. Des outils sont déployés pour accompagner le patient et respecter son consentement. Dans cette relation délicate à équilibrer, réserver une place aux proches de l’intéressé s’avère parfois plus que complexe. La situation de vulnérabilité apparaît comme le résultat à un instant « t » d’un parcours de vie et d’une exposition à des risques. A l’origine de ces chemins de vie, on rencontre souvent des carences qu’il importe d’identifier dans le cadre d’une prise en charge globale mais adaptée pour « casser » un engrenage qui peut être fatal.
CONTRIBUTIONS :
Vulnérabilité, santé et soins. Pascal PUIG, Professeur de droit privé, Université de La Réunion
Vulnérabilité, santé et soins.
Pascal PUIG, Professeur de droit privé, Université de La Réunion.
La notion de « vulnérabilité » est un concept plus facilement ressenti que réellement défini, spécialement en droit, et tout particulièrement en droit de la santé.
Dans le sens commun, le mot « vulnérabilité » trouve son origine dans l’idée de blessure : est vulnérable celui qui peut être blessé, par extension celui qui par ses insuffisances, ses imperfections, ses faiblesses, peut donner prise à des attaques[1]. Le langage commun, l’assimile, à la simple faiblesse. C’est probablement aussi le sens qu’elle reçoit en droit, même si la vulnérabilité n’y est nulle part définie. L’Organisation mondiale de la santé[2] propose une définition, à propos de l’expérimentation scientifique : « Les personnes vulnérables sont celles qui sont relativement (ou totalement) incapables de protéger leurs propres intérêts. »
La personne vulnérable serait donc une personne incapable, ce qui renvoie aux hypothèses traditionnelles de faiblesse. Traditionnellement, en effet, les faibles étaient les fous, les enfants et le sexe faible, cet imbecillitas sexus qui a conduit, pendant des siècles, à l’incapacité juridique des femmes mariées… Heureusement, le galant homme parlait aussi du beau sexe. Est donc vulnérable le faible d’esprit.
Mais la notion de vulnérabilité déborde cette acception étroite pour accueillir l’esprit faible, c’est-à-dire celui dont l’intelligence, les connaissances, le degré d’instruction, les ressources ou encore la santé ne permettent pas de protéger suffisamment les intérêts. De nouveaux faibles ont fait leur apparition : les personnes âgées, les personnes démunies ou à faibles ressources, les chômeurs, les étudiants, les personnes dépendantes, les parents isolés, les femmes battues, les malades, les sans-abris, les nomades, les détenus, les réfugiés, les victimes… mais aussi les salariés, les consommateurs, les voyageurs, les acquéreurs d’immeubles, les locataires, les habitants confrontés aux risques naturels…
Toutes ces personnes sont – plus ou moins – vulnérables. La vulnérabilité est plurielle, individuelle ou collective, absolue (à l’égard de tous) ou relative (à l’égard de certains), durable (incapacité, infirmité…) ou passagère (le temps d’un voyage, d’une grossesse, le temps d’une faiblesse…).
Reste-t-il encore des personnes non vulnérables dans notre monde ? La personne en bonne santé (pour combien de temps ?) n’est-elle pas vulnérable à la dengue, la grippe ou autre maladie ? Celle dont on dit qu’elle a la chance d’avoir un emploi n’est-elle pas exposée au risque de le perdre ? N’est-elle pas vulnérable si cet emploi est précaire, peu rémunéré ou si son temps de travail est trop élevé ? Sont également vulnérables les parents démunis face à des enfants desquels ils ont perdu le contrôle.
Il est cependant des catégories de personnes que le droit refuse d’assimiler à des personnes vulnérables : les employeurs, les chefs d’entreprises, les propriétaires, les conducteurs de véhicules, les professionnels, les médecins, les avocats, les doyens… qui n’ont pas le droit d’être vulnérables.
Il existe donc un droit à la vulnérabilité pour certaines catégories de personnes et une interdiction d’être vulnérable pour d’autres. L’affirmation est à peine caricaturale. Le droit de la santé n’échappe pas à la caricature. Le patient est pressenti et présenté comme vulnérable ; le médecin et l’ensemble du personnel de santé ne le sont pas et, surtout, ne doivent pas l’être. Le patient est investi de presque tous les droits, des droits fondamentaux (droit à la vie, à la santé, dignité, droit à l’information, au respect de son corps, droit de disposer de son corps, vie privée, sécurité, indemnisation et procès équitable…), une averse de droits subjectifs qui, non seulement promettent plus qu’ils ne peuvent offrir, mais surtout laissent accroire que le patient ne serait qu’un consommateur de soins qui, de plus en plus informé, exige, conteste et revendique. Mais si le patient occupe effectivement la place centrale dans la relation médicale, devenu acteur de son parcours de santé, il ne faut pas oublier qu’il n’est pas seul, que la relation médicale implique des médecins, une équipe médicale, des personnes extérieures (famille, associations, personnes de confiance, procureur, juge…).
Alors comment le droit de la santé appréhende-t-il la vulnérabilité du patient ?
Le patient doit tout d’abord se retrouver dans une relation thérapeutique, encore que les dispositions de l’article 16-3 du Code civil protègent l’intégrité du corps humain dans toute relation « médicale », ce qui autorise des actes autres que d’amélioration de la pathologie, notamment les actes de prévention, de diagnostic ou de chirurgie esthétique.
Le Code de la Santé publique retient ensuite plusieurs degrés de vulnérabilité du patient. Il y a, en quelque sorte, la vulnérabilité présumée de tout patient et la vulnérabilité particulièrement marquée de certains patients. Le 1er titre du Code de la santé publique met l’accent sur cette vulnérabilité présumée sans jamais la nommer ni la définir. Dès le début de la relation, c’est bien parce que le législateur présume la vulnérabilité qu’il insiste tant sur la nécessité impérieuse de recueillir le consentement libre et éclairé du patient. La vulnérabilité n’est pas seulement physique mais peut aussi être celle d’une détresse morale, ce qui a conduit le législateur (Loi « Léonetti II », n°2016-87 du 2 février 2016 – art. 1) à se soucier de l’apaisement de la « souffrance », terme préféré à celui de « douleur ».
De façon générale, « les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ». Cette exigence de proportionnalité entre les risques liés à la vulnérabilité de la personne et les bénéfices sanitaires escomptés constitue le reflet des degrés variables de la vulnérabilité du patient. La proportionnalité compense l’absence de définition de la vulnérabilité en imposant des soins proportionnés à l’état de la personne, à son degré de vulnérabilité.
Ce n’est que dans certaines situations ou pathologies graves que des dispositions spécifiques sont adoptées pour renforcer la protection des personnes que l’on pourrait qualifier d’ « ultra-vulnérables ». C’est en ce sens que la « charte du patient hospitalisé » se réfère à plusieurs reprises à la « vulnérabilité » des femmes enceintes, de celles qui accouchent, des mères qui allaitent ou encore des personnes en prison ou hospitalisées sans leur consentement (CSP, art. L. 1122-2).
Les patients dont la vulnérabilité est la plus marquée, les enfants, les personnes en fin de vie, les personnes atteintes de troubles mentaux, bénéficient d’une protection renforcée. Les atteintes à l’intégrité corporelle des mineurs ou des majeurs protégés sont strictement encadrées, sinon prohibées : stérilisations à visées contraceptives, cadre du prélèvement d’organe ou de tissus sur un mineur décédé, don d’organe par une personne protégée…[3]. Ainsi encore, les personnes en « phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable » (CSP, art. L. 1110-5-2 al 2), disposent de droits renforcés sur l’expression de leur volonté de refus de soins ou leur choix de finir leur vie dignement. Dans la mesure du possible, ces patients particulièrement vulnérables bénéficient d’une sphère d’autonomie spécifique, que le droit conditionne à des critères souples tels que la faculté de discernement (pour le majeur protégé) ou la « maturité » (pour le mineur). Cette faculté de discernement ou cette maturité dépendent elles-mêmes du degré de vulnérabilité de la personne, apprécié au cas par cas et témoignant de cette réalité multiple qu’est la « vulnérabilité » des personnes dans la relation de soins.
Tout semble affaire d’espèce. La vulnérabilité ne se laisse pas enfermer dans une définition, ni même plusieurs. Il existe sans doute autant de vulnérabilités que de patients et de pathologies.
Réflexions sur les directives anticipées.
Delphine TELES, Psychologue, Equipe Mobile Soins Palliatifs CHU Réunion.
Mon propos consistera en une réflexion sur un dispositif particulier crée par la loi Léonetti de 2005, renforcée par la loi Claeys-Léonetti de 2016, à savoir les directives anticipées.
Commençons tout d’abord par définir les directives anticipées: Les directives anticipées peuvent être définies comme des instructions données par anticipation, relatives aux traitements que l’on désire ou qu’on refuse recevoir en fin de vie pour le cas où on serait hors d’état d’exprimer sa volonté. Elles indiquent donc les souhaits d’une personne quant à sa fin de vie. Si avec la loi Léonetti, le médecin devait en tenir compte dans sa décision, elles ont été renforcées par la loi Claeys-Léonetti en devenant contraignantes.
Ce que je vous propose, c’est de partager mes réflexions vis-à-vis de ce dispositif des directives anticipées, réflexions critiques sur les enjeux et les conséquences de cette possibilité d’anticiper sa fin de vie.
Les directives anticipées donnent la parole au patient et témoignent de sa singularité. Elles visent à faire entendre la voix de celui qui n’a plus les moyens de s’exprimer. Cette volonté de faire du mourir l’expression d’une liberté individuelle et d’un droit pour la personne de dire ce qui lui paraît être le plus adapté pour lui-même semble tout à fait estimable et peut être même difficilement critiquable.
Et pourtant, c’est bien une analyse critique de ce dispositif que je souhaite faire afin de tenter de dégager les possibles conséquences de cet outil au service d’un accroissement de l’autonomie du patient que ce soit à un niveau individuel, soignant ou sociétal.
I – Impacts possibles sur le malade
Sur un plan individuel, si les directives anticipées permettent au patient de porter à la connaissance du médecin ses volontés, il s’agit des volontés de la personne au moment où elle les rédige. Ce décalage temporel entre le moment de la rédaction et celui de la situation réelle est-il sans conséquences ? Avec d’autres mots, la personne qui rédige ses directives anticipées est-elle exactement la même que celle qui se trouve en incapacité d’exprimer sa volonté ? Les directives anticipées risquent de figer la temporalité et de laisser de côté le changement et les effets qu’il entraîne. Dans la pratique clinique auprès des personnes en situation palliatives, nous sommes souvent témoin de cette capacité d’adaptation de l’individu au réel qui dans un travail d’élaboration psychique peut cheminer et construire un nouveau sens à ce qu’il vit. Certains malades mettent en mots leur propre étonnement face à leur façon de réagir à une situation de dépendance témoignant ainsi des processus dynamiques à l’œuvre dans la vie psychique. Si l’on peut avoir l’intuition clinique que le bien-portant qui rédige ses directives anticipées n’est pas en tous points identique au mal-portant incapable d’exprimer sa volonté, « il n’est pas certain que l’on échappe au risque de vivre sa propre fin de vie comme une fin de vie étrangère » comme le souligne à juste titre Éric FOURNERET.
De même, la conception des directives anticipées présuppose une capacité de chacun à se représenter sa fin de vie, reposant sur l’idée d’une volonté univoque de l’individu rattachée à un Moi conscient et rationnel. Mis dans la posture de celui pouvant penser sa fin de vie, c’est la division intrinsèque du Sujet enseignée par la psychanalyse qui est niée. Confisquant au Moi sa dimension inconsciente, les directives anticipées gomment la complexité de la vie psychique en la réduisant à l’énonciation de souhaits et de volontés. Mais le rapport de l’homme à sa propre mort est complexe. Ainsi est-on en droit de se demander si l’homme peut penser sa mort ? Pour jouer avec les mots, on peut se demander si la mort est un possible à penser ou impossible à penser ?
Si les directives anticipées témoignent d’une prise de conscience de sa mort à venir (je me sais mortel) et de la volonté d’avoir une maîtrise sur cette phase de la vie, une part de notre psychisme se vit comme immortelle, éternelle. C’est cette part inconsciente de nous-même, notre angle mort qui nous invite à la prudence dans l’utilisation des volontés énoncées par anticipation par l’Autre au risque de lui faire violence.
II – Impacts possibles sur les équipes soignantes
Les directives anticipées, satisfaisant un désir sociétal de décider par anticipation pour soi-même au cas où je ne serais plus en capacité de le faire, interroge nous semble-t-il, la notion fondamentale de confiance qui sous-tend toutes relations. Si ce dispositif peut être vu par certains comme un outil pédagogique pouvant servir à la construction d’un dialogue entre le médecin et le patient, on peut aussi y voir justement une fissure de cette relation de confiance. En effet, les directives anticipées peuvent être perçues comme une manifestation de défiance envers l’autre puisque nous mettons en scène qu’il faut mieux se fier à un document rédigé par avance plutôt qu’à la conscience de l’autre. Le risque est que, si les directives anticipées puissent laisser penser au patient qu’il peut se dispenser de la relation de confiance faite au médecin, elles peuvent également entraîner une déresponsabilisation des médecins face aux situations complexes de fin de vie. Le recours à la législation pourrait alors « sonner le glas de l’éthique », selon une formulation de Tanguy CHATEL. En effet, si l’éthique appliquée aux sciences médicales peut être définit comme la manière de se mettre ensemble, en interdisciplinarité, pour tenter de trouver la moins mauvaise solution possible face à une situation clinique complexe, l’existence de directives anticipées contraignantes pourrait épargner aux équipes médicales le besoin de réfléchir et donc de se confronter à l’incertitude inhérente à toute situation clinique complexe.
Avec les directives anticipées, on pourrait être tenté de résoudre des problèmes éminemment complexes en s’affranchissant de l’exigence de dialogue et en s’appuyant sur des choses contraignantes qui auront force de loi. Se réfugiant derrière le rempart du Droit, le respect de l’autonomie du patient risquerait ainsi de muer en douce indifférence.
III – Impacts possibles à un niveau sociétal
Si les directives anticipées peuvent être pensées comme une velléité d’autosuffisance qui conforte l’idée que la mort est celle de l’autre, qu’elle lui appartient, elle relègue au second plan le devoir de solidarité sociétal à l’égard des plus faibles. Le principe d’autonomie poussé à son paroxysme peut engendrer un monde sans altérité ou tout est rapporté à la subjectivité de l’individu.
Parallèlement à la sacralisation de l’autonomie propre à notre société occidentale, le regard porté sur la dépendance ou la vulnérabilité est empreint de négativité. Antoine BIOY, dans une conférence portant sur la clinique de l’incertitude, disait récemment que le tabou de notre société n’est plus celui de la mort ni même celui du sexe mais le tabou de la dépendance et de la vulnérabilité. Or, la vulnérabilité est le propre de l’homme et même trempé dans les eaux du Stix, Achille n’échappa à son destin d’homme mortel, d’homme vulnérable. Comme le rappelle Éric DELASSUS : « Nous naissons et mourons dans la dépendance et la vulnérabilité, tandis qu’entre ces deux périodes nous nous donnons le plus souvent l’illusion d’être autonome ».
Ce culte de l’autonomie qui ne laisse pas de place à l’autre risque d’isoler l’individu qui la revendique. Il est sommé d’assumer seul sa volonté et de l’imposer aux autres. Mais il est des situations de grande dépendance où l’injonction à s’autodéterminer peut, peut-être, peser plus qu’elle ne libère.
C’est peut-être en percevant les limites d’un modèle autonomiste poussé à son extrême que nous pourrons nous diriger vers ce que certains nomment une éthique de la vulnérabilité conjuguant, telle une délicate tâche d’équilibriste, autodétermination et fragilité inhérente à l’être humain pour aller vers une véritable relation de soin à l’autre.
David MOTTET, Référent carcéral pour le Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) du Réseau Oté !
Éducateur spécialisé de formation, je suis actuellement employé au Réseau Oté Ville Hôpital 974. Interpellé par la thématique de ce colloque, je me suis senti concerné, en tant que professionnel et en tant qu’humain. Ainsi, je vais vous présenter une articulation entre vulnérabilité, droits fondamentaux et problématique addictive.
Rappel du cadre conceptuel
Être vulnérable, c’est être exposé à recevoir des blessures, des coups ; être exposé aux atteintes d’une maladie, qui peut servir de cible facile aux attaques d’un ennemi ; qui, par ses insuffisances, ses imperfections, peut donner prise à des attaques (Larousse).
Le droit est la possibilité morale qu’on a d’agir de telle ou telle manière. C’est une permission donnée à quelqu’un. Cette autorisation confère un pouvoir, une prérogative, considérés comme légitimes.
Enfin, fondamental renvoie à ce qui concerne le fond, l’essentiel.
Le cadre de ce colloque proposait de questionner le concept de vulnérabilité sous l’angle de la propriété (comme une faiblesse, une fragilité) et/ou sous l’angle de la situation (comme une exposition aux risques).
Aussi, rappelons que la propriété renvoie à ce que l’on possède en propre, la qualité/fonction particulière d’une personne, les attributs propres à un corps particulier qui peuvent déterminer sa manière d’agir/réagir dans des conditions précises. La situation quant à elle vise l’ensemble des conditions matérielles/morales dans lesquelles se trouve une personne, à un moment donné, à un point de vue donné.
La notion de vulnérabilité concerne victime et auteur. Cela nous pousse à un dépassement catégoriel pour aller vers celui de situation de vulnérabilité provisoire : chacun peut se retrouver dans une situation de vulnérabilité.
Cela nous conduit à des approches et des réponses au cas par cas, avec une adaptabilité maximale.
Mon observation du monde et ma pratique professionnelle me laissent penser qu’il existe des vulnérabilités humaines.
En effet, plusieurs facteurs, manifestations peuvent fragiliser un être au cours de sa vie. Certains sont indépendants, et peuvent s’expliquer par des facteurs endogènes (cause interne) ou exogènes (cause externe), certains sont co-dépendants, articulés, combinés.
Le focus de départ proposait d’ancrer nos réflexions autours de situations de mineurs, de violences intra familiales, d’addictions, de multi-usages de SPA, de détenus, de psycho traumatismes, de précarité sociale et économique…
Pour ma part, dans le cadre de ma pratique professionnelle, les personnes accompagnées étaient majoritairement concernées par plusieurs voire toutes ses situations. Plus que des catégories, j’observe des parcours de vie, où une vulnérabilité peut en entraîner une autre.
Aussi, je me suis demandé :
. S’il existe une vulnérabilité initiale qui expose au risque d’un parcours de « vulnérabilisation » maximisé ? (angle de la propriété)
. Si la vulnérabilité pourrait être le résultat d’un parcours d’exposition aux risques ? (angle de la situation)
. Si la souffrance psychique issue de parcours de vie empreints de carences – éducatives et/ou affectives –, de maltraitances – verbales, physiques, sexuelles –, de psycho-traumatismes – ne serait pas une méta vulnérabilité qui favorise l’émergence d’autres vulnérabilités de par des stratégies d’évitement, d’échappement, que le sujet met en place pour se soulager de la souffrance issue de situations de vulnérabilité initiale ?
Pour proposer des pistes de réflexion, je vous présente l’institution que je représente aujourd’hui pour identifier le public auprès duquel nous intervenons, notre approche de la vulnérabilité. Le Réseau Oté Ville Hôpital 974 est une association 1901 qui administre un CAARUD, un CSAPA -établissements médico-sociaux -, un service de prévention et de documentation en addictologie.
Nous intervenons auprès d’usagers actifs de drogues et tentons de leur venir en aide.
Notre approche des problématiques addictives s’attache à distinguer usage et addiction, pour dépasser le produit et discerner la fonction qu’elle peut avoir pour la personne. Diagnostiquer des symptômes pour mieux en identifier les causes initiales. Notre regard se veut non jugeant, bienveillant et compréhensif.
Ainsi, nous ne restons pas fixés sur le produit, sachant que la loi existe avec ses interdits et ses sanctions, et que les propriétés des diverses substances sont à distinguer, les qualités et les quantités sont évidemment déterminantes.
Nous envisageons que l’usage de substances psychoactives (SPA) sert à quelque chose à celui qui y a recourt : toutes les stratégies, conscientes ou inconscientes, se résument à accéder au plaisir ou éviter la souffrance.
Dans la population addicte ou consommatrice active de SPA, accompagnée en CSAPA, en CAARUD, la part de personnes ayant subi des psycho traumatismes, notamment sexuels, est élevée, majoritaire (environ 80 % chez les femmes, un peu moins chez les hommes). Au-delà de cela, tous ont connus des parcours de vie difficile, empreint de souffrance.
Le traumatisme psychologique (ou psycho traumatisme) résulte d’un choc traumatique qui occasionne un trouble d’ordre mental ou psychique chez l’individu concerné. En règle générale, le traumatisme subi est suffisamment violent pour que l’intégrité physique et/ou psychique du sujet ait été menacée (guerre, violence sexuelle ou physique, sinistres, vision d’un cadavre, scènes de violences…). Face à ces événements potentiellement traumatiques, les individus ne sont pas égaux. Dans un groupe de personnes confrontées au même événement, certaines pourront en être traumatisées alors que d’autres ne le seront pas.
Ainsi, l’usage ou l’addiction de SPA serait davantage la conséquence que la cause de la problématique. L’usage ou l’addiction serait symptomatique d’une difficulté, d’une souffrance autre, antérieure.
Le choix de recourir à des SPA serait une tentative d’automédication, maladroite certes, avec des risques potentiels, mais une stratégie opérante, qui soulage réellement dans l’instant, malgré l’exposition aux dangers et aux dommages.
Aussi, il nous semble opportun en tant qu’aidants auprès de personnes vulnérables de diagnostiquer les causes du symptôme pour agir dessus. L’accession aux droits et aux soins est l’étape opérationnelle de mise en œuvre des droits fondamentaux.
L’abstinence est visée mais n’est pas la seule intention. C’est au sujet de définir ses choix.
Nous lui offrons un accompagnement global (bio/psycho/social) pour un mieux-être, pour qu’il s’inscrire dans un parcours de soin global, pour une prise de conscience favorable aux soins (cure) et au fait de prendre soin de soi (care). La réduction des risques et des dommages (RDRD) est un chemin alternatif pour agir auprès de ceux qui ne désirent pas l’abstinence.
Pour illustrer ce propos, envisageons deux vignettes cliniques éclairantes.
1ère vignette – Je rencontre Marc dans un quartier urbanisé des Hauts de Saint-Paul alors que je suis intervenant de rue en addictologie pour le CAARUD Kaz’Oté. C’est un jeune homme qui habite le quartier. 3ème d’une fratrie de 5 enfants. Leur père a quitté le foyer à ses 6 ans, sans donner de nouvelles. Depuis, sans emploi, leur mère les élève seule, avec les prestations familiales pour ressources. Elle se remet en couple avec un homme qui n’investit pas ses enfants : ni affection, ni intérêt, ni relation, du moins de ce qu’en dit Marc. A l’école Marc est un élève discret, aux résultats scolaires insuffisants. Adolescent, il fréquente les jeunes de son quartier en bas de son immeuble, sans lien avec son père, ni son « ti père ». Il expérimente l’usage de tabac, de cannabis, d’alcool (bière, rhum). Déscolarisé à 17 ans, il signe un contrat de travail avec la mairie comme agent polyvalent. Contrat qui se renouvelle.
Il évoque alors avec fierté sa position qu’il juge préférable car il a « un travail, un salaire et une tantine ».
Il vient à ma rencontre, après sa journée de travail, lors des permanences mobiles que nous assurons mon collègue et moi, dans un parc, avec café et thé chaud, préservatifs, gels lubrifiants, flyers de RdRD, GSM à disposition si besoin, etc.
Nous avons choisi ce lieu qui offre l’avantage d’être proche des habitations, des commerces, sans pour autant nous imposer. Nous offrons le choix de venir à nous sans grand effort.
Sur ce lieu, il retrouve ses camarades sans emploi qui consomment activement des SPA, notamment du cannabis, de l’alcool, de l’Artane et du Rivotril.
Marc, lui, consomme de l’alcool, du cannabis, après sa journée de travail. Parfois du Rivotril ou de l’Artane, le week-end, avec ses « dalons ».
Nous échangeons sur les SPA, leurs fonctions, leurs risques, leurs dangers, les moyens de les réduire (en acceptant leur choix de fait) : nous diffusons un discours de RdRD pour les inciter à une responsabilisation dans leurs choix, sans les juger.
Nous ne restons pas bloqués sur le produit (licite ou pas), nous insistons sur le sens que peuvent revêtir ses consommations. Nous questionnons l’usage pour définir l’addiction potentielle. Nous leur proposons un regard bienveillant, distancié, non jugeant, sur leurs choix stratégiques et le sens qui peut leur échapper, en apparence.
Lorsqu’il a 19 ans, sa copine le quitte, pour un autre homme avec qui elle fait un enfant quelques mois après. Marc n’accepte pas cette séparation qu’il vit comme un abandon et une humiliation. Il consomme davantage d’alcool, de cannabis, même au travail. Les week-ends, il consomme régulièrement du « chimique » (Rivotril, Artane). Parvenu à la fin de son contrat, son employeur ne le renouvelle pas.
Je vois alors davantage Marc sur les permanences mobiles, en journée, sous effet. Il passe ses journées avec ses camarades, à errer en ville, à consommer des SPA. Il évoque lors d’échanges duels confidentiels, sa souffrance face à la perte de sa relation affective. Il ne parvient pas à dépasser cette séparation qu’il assimile à une injustice. Il est en colère. Il repère la fonction d’évitement de la souffrance de ses usages de SPA. Ceux-ci se transforment en addiction de par les fréquences de consommation et leur fonction anxiolytique. Néanmoins, Marc refuse toute démarche de soin. Il refuse de réfléchir davantage sur les liens qu’il pourrait identifier dans son parcours. Il dit ne pas en avoir besoin, qu’il « gère ». Il rejette nos propositions de soutien, d’accès aux droits mais il maintient le lien avec nous, sur les permanences mobiles, sans venir dans l’institution, car « c’est trop loin ».
Avec ses camarades, il commet des délits. Il se fait convoquer régulièrement en gendarmerie, il est jugé et condamné sans être incarcéré. Progressivement, ses relations amicales se transforment : il devient la victime désignée du groupe duquel il se dit appartenir. Pourtant, il affiche une image de délinquant sans attache ni limite.
Il ne rencontre pas d’autre femme. Il ne sort plus si ce n’est avec ses dalons, sous effet. Sa santé décline : il se néglige physiquement, son hygiène corporelle diminue, il ne va plus chez le médecin. Il s’auto-médique, uniquement avec des SPA. Lorsque je l’invite au questionnement, il évite, « mi koné mwin ».
Ses relations amicales se dispersent, suite notamment à plusieurs agressions dont il est victime de la part de ces mêmes personnes, dont une qui relève d’un psychotraumatisme.
Il ne porte pas plainte. Il se renferme. Il déplore avec moi et mes collègues sa situation en se présentant systématiquement comme victime des autres et refuse toute part de responsabilité. Lorsque j’insiste, il rompt la discussion et s’éloigne.
Cette situation s’est cristallisée : Marc n’a pas retravaillé depuis. Il ne cherche pas d’emploi. Il ne fréquente plus ses anciens dalons, qui le maltraitent à chaque rencontre (intimidations, vols, rackets, agressions physiques, humiliations). Marc évoque cela avec difficulté en pleurant, puis se reprend et part, seul. Il n’a pas eu de petite amie depuis sa séparation, et la rumine encore. Il vit au domicile de sa mère, sans pour autant participer aux relations ni aux frais. Il consomme cannabis, Artane, Rivotril, et accentue sa consommation d’alcool, notamment le rhum. Sa santé est en danger, il présente les symptômes d’une alcoolisation intense et dangereuse. Il fréquente les jeunes de son quartier de la génération en dessous de la sienne.
Il se fait maltraiter par les membres de sa famille (tonton, frère) qui lui reprochent son addiction à l’alcool et ses comportements inadaptés. Ils le frappent, parfois jusqu’à le laisser inconscient. Il dort dans la rue pour éviter cela, fortement alcoolisé, exposé aux dangers. Il consomme pour « tenir ». Il souffre de se faire rejeter par sa propre famille, il le dit.
Dernièrement, conscient de la dynamique destructrice de sa situation (« je suis nul », « je ne m’en sors pas », « si je ne fais rien, je vais vite mourir »), il désirait aller en métropole pour s’éloigner de son environnement. J’ai appris qu’il avait embarqué dans un avion pour la métropole la semaine dernière.
2ème vignette – Je rencontre Mikael au centre de détention du Port en qualité de référent carcéral ouest pour le CSAPA Kaz’Oté. C’est un jeune homme de 24 ans, qui se présente avec humilité et simplicité. C’est sa cinquième incarcération. Il purge une peine de 3 ans 1/2 pour des faits de vol avec violence. Toutes ses incarcérations sont liées à des vols commis sous l’emprise d’alcool et de Rivotril.
Je vais rencontrer Mickaël en milieu carcéral environ une fois par mois, à sa demande, dans le cadre de sa libre adhésion, car il n’existe pas de double contrainte dans les prisons françaises. J’insiste sur ce fait avec Mickaël pour valoriser sa démarche et l’inciter à s’inscrire dans une démarche de soin durable. En effet, à sa libération, il devra se soumettre à un suivi socio-judiciaire et une obligation de soin relative aux passages à l’acte sous l’emprise de toxiques. Sa demande de suivi volontaire et régulier avec un professionnel de l’addictologie peut présager de la mise en œuvre de son obligation de soin (contrainte pénale adossée au suivi socio-judiciaire). En effet, l’expérimentation des apports du soin (au sens bio-psycho-social) peut maximiser l’investissement des obligations pénales après la sortie carcérale, et donc l’accès aux soins.
Mikael me dit avoir une copine et un enfant de 5 ans. Il parle d’une enfance difficile, où son père a quitté le domicile parental à ses 7 ans, de difficultés économiques. C’est l’aîné de 4 sœurs. Il évoque son désir précoce d’avoir un enfant. Il dit y voir le moyen de construire sa famille pour mieux s’émanciper de la sienne. Mikael s’exprime avec éloquence, son propos est cohérent, il est capable d’établir des liens entre ses émotions, ses difficultés psychologiques, ses consommations et ses passages à l’acte. Il dit souffrir de son incarcération, mais surtout de sa situation familiale, de ne pouvoir les soutenir. Il me dit être malheureux, n’avoir que des soucis, qu’il ne parvient pas à être l’homme et le père qu’il voudrait être. Il évoque sa culpabilité de les avoir abandonnés à chacune de ses incarcérations.
Il m’explique que son enfant est handicapé, il est porteur du syndrome de Rubinstein-Taybi. C’est une maladie génétique caractérisée par un retard de croissance et de développement ainsi que des signes physiques caractéristiques. Il dit aimer son enfant et chercher à lui apporter les soins dont il a besoin avec sa compagne. Néanmoins, il dit aussi souffrir intensément de cette situation, que sa compagne et lui sont dépassés, que depuis la naissance de leur enfant les difficultés s’accumulent sans pouvoir y faire face.
Il repère que ses incarcérations sont toutes consécutives à des périodes où lui et sa compagne se sentaient impuissants, incapables d’aider leur enfant. Il me dit culpabiliser « mwin té pu capab », « mavè bezoin défoulé pask mi té gagn pa», « mi té en veu amwin ».
Mickaël dans ses moments de désespoir se rend à la boutique et consomme de l’alcool massivement, associé à du Rivotril. « Pou oubli mon bone problem ». Cette stratégie d’évitement de la souffrance le conduit quasi systématiquement à passer à l’acte, notamment par des vols avec violence. Ainsi, ses incarcérations correspondent toutes à ce schéma.
Au fils de nos rencontres, je propose à Mickaël d’approfondir sa réflexion pour mieux identifier les articulations entre ses émotions et ses comportements. Je lui fais part de mon empathie en reconnaissant sa souffrance. Je souligne que sa réalité et celle de sa famille peuvent permettre de comprendre son recours à l’alcool et au Rivotril pour des visées d’apaisement. Je l’invite à questionner son fonctionnement en admettant la légitimité de l’évitement de la souffrance. Nous échangeons sur les propriétés anxiolytiques de l’alcool, sur ses risques, ses dangers, ses dommages. Je l’informe que des médicaments existent pour traiter son abattement.
Ce discours empathique favorise la relation, et permet de faire exister dans mon discours les conséquences négatives de sa stratégie risquée et destructrice. Je ne minimise pas ses passages à l’acte, je lui renvoie que je ne le juge pas, qu’il l’a d’ailleurs été et qu’il purge une peine de privation de liberté justement pour s’acquitter à terme de cette dette. J’évoque avec lui son droit de solliciter les prestations offertes par le SMPR (la psychiatrie en prison) afin d’accéder à des professionnels du soin psychique. Je valorise l’intérêt de verbaliser et celui d’une écoute attentive et bienveillante, soumise au secret médical. Je l’invite à prendre soin de lui, à recourir aux soins bio-psycho-social pour dépasser ses incapacités et construire de nouvelles capacités. Je l’invite à investir les entretiens avec son conseiller SPIP pour préparer le plus précocement sa libération.
Ce travail de réflexion sur son mal-être, sur les stratégies qu’il met en place, sur la projection vers sa libération, participent à l’identification des liens entre son parcours de vie et ses problèmes. Cela pourrait réduire les risques de récidive en lui permettant d’identifier les relations de causalité, pour qu’il puisse faire évoluer ses réactions et ses choix.
La vulnérabilité de Mickaël, vraisemblablement ancrée dans son enfance carencée et révélée lors de la reconnaissance du handicap de son enfant, semble s’accentuer au travers de ses réactions déviantes illustrant son affliction. Mickaël, confronté à sa réalité, à ces épreuves, à sa responsabilité de père qu’il assume avec difficultés, à ces désillusions, vacille. Il ne parvient pas à apaiser ses tensions internes de façon adaptée. Sa conscience de cela ne lui permet pas d’agir autrement, et cela renforce sa culpabilité.
Mon travail auprès de lui pour l’aider à se distancier de ses consommations de substances psychoactives vise à distinguer les fonctions anxiolytiques de ses addictions pour mieux identifier les causes de sa souffrance, et pour ainsi ne pas nous tromper d’objet.
Rester figé sur les produits n’aurait pas permis ce diagnostic.
Cela a permis de distinguer les vulnérabilités de situation qui se sont renforcées entre-elles.
Avec ses vignettes cliniques, nous avons pu discerner l’existence de multiples vulnérabilités qui s’ancrent sur des propriétés singulières résultant de parcours de vie carencés.
Ses propriétés induisent le risque de reproduction du schéma familial problématique, et donc ainsi des situations de vulnérabilités comme autant de conséquences dommageables.
Cela illustre le besoin de dépassement catégoriel de la notion de vulnérabilité vers celle de situation de vulnérabilité provisoire, potentiellement traitables par une adaptabilité maximale de la relation d’aide à la singularité dynamique de la problématique.
Il existe donc des vulnérabilités qui peuvent fragiliser un parcours de vie. Si certaines sont indépendantes et peuvent s’expliquer par des facteurs endogènes ou exogènes, d’autres sont co-dépendantes et se combinent entre elles. La relation à visée thérapeutique en addictologie aborde ses intrications problématiques pour les dissocier et les traiter, par identification des relations de causalité, par priorisation.
La vulnérabilité du patient.
Caroline LANTERO, Maître de conférences en droit public, Université Clermont-Auvergne.
Le patient – Il est préférable par principe, mais aussi par observation et par souci de justification, de parler de « patients » plutôt que de « malades » lorsque son abordées les catégories juridiques saisies par le droit de la santé. Certes, la loi fondatrice dite Kouchner, du 4 mars 2002 est pourtant bien relative « aux droits des malades et à la qualité du système de santé ». En matière médicale le patient n’est pas celui qui fait preuve de patience[4] ou qui est passif[5], mais celui qui endure, celui qui souffre (du verbe pati devenu pâtir). La confusion éventuelle (entre la notion de passivité et la notion d’action) est d’autant plus fréquente qu’on entend précisément de plus en plus un néologisme désignant des « actients », contractant « action » et « patient » pour désigner celui qui agit (soit en automédication, soit en codécision médicale, les deux attitudes étant d’ailleurs fondamentalement opposées). On rappellera toutefois encore que la première cause d’hospitalisation en France est la maternité et que les femmes enceintes ne sont pas des malades, mais qu’elles font l’objet de soins, et sont également sujettes à des accidents médicaux et à des erreurs (en dépit d’une position contraire de l’ONIAM). L’accouchement n’est pas toujours phénomène naturel, serein et indolore. Notons que les femmes enceintes sont reconnues comme « personnes vulnérable » par la Cour européenne des droits de l’homme[6]. Cela est parfaitement mis en lumière par les conclusions de Madame Valérie Pécresse sur un arrêt du Conseil d’Etat de 1997 (Hôpital Saint Jospeh Imbert d’Arles)[7], lorsqu’elle propose à la Section du Contentieux de remplacer le terme « malade » utilisé dans un arrêt d’Assemblée Bianchi bien connu[8], par le terme « patient ». Avançant précisément le principe de l’égalité des usagers devant le service public[9], la Commissaire du Gouvernement faisait valoir que le terme malade était restrictif et ne devait pas exclure du mécanisme de réparation, les femmes enceintes et, en l’espèce, les garçons venant subir une circoncision rituelle. Aujourd’hui, on assiste à un retour en arrière pour les personnes ayant recours à la chirurgie esthétique, clairement regardées comme des clients d’une prestation[10].
La vulnérabilité – Question centrale de nombreuses thèses[11] et recherches[12], la vulnérabilité est, en droit positif, abordée dans plusieurs branches (Code pénal, Code de l’action sociale et des familles, Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, Code de la santé publique, etc.) sans qu’une définition de la vulnérabilité, ou de ce qui fait la vulnérabilité soit proposée. Toutes les recherches convergent vers le constat d’une distorsion importante entre la dimension sociale de la notion de vulnérabilité (usage fréquent) et la dimension juridique de la notion. Il est communément admis que la vulnérabilité est catégorielle (des personnes sont désignées comme vulnérables) ou situationnelle (un facteur extrinsèque rend la personne vulnérable dans une situation donnée). Intrinsèquement, des catégories sont désignées, comme les mineurs, les majeurs protégés, les demandeurs d’asile, les handicapés, les personnes âgées, les « personnes atteintes de troubles psychiatriques ». On sait également que dans une situation donnée (critère extrinsèque), l’état de santé et la maladie peuvent constituer une vulnérabilité. On sait enfin que certains patients appartiennent à une catégorie (majeurs protégés, mineurs, troubles psychiatriques) et, en fonction de la situation donnée d’autres peuvent se trouver en situation de vulnérabilité. Mais on ne sait pas si le patient est intrinsèquement vulnérable. L’absence d’identification catégorielle par le droit ne suffit pas à purger la question (I).
Les droits – Parce qu’il était particulièrement vulnérable, le patient a bénéficié de mesures très fortement correctives : reconnaissances de droits individuels, parmi lesquels des droits reconnus comme fondamentaux ; justiciabilité de ces droits ; reconnaissance de droits collectifs, etc. Ces mesures normatives et juridictionnelles l’ont rendu juridiquement fort (II). Et, quitte à souffler la conclusion dès l’introduction, c’est peut-être parce que le patient est regardé comme vulnérable, qu’il devient fort.
I – La vulnérabilité du patient
Cette question suppose que les patients puissent constituer une catégorie entière de « personnes vulnérables ». On l’a dit, le patient « générique » ne fait pas partie des catégories identifiées dans le droit positif. Seules certaines catégories de patients sont désignées comme vulnérables ou seraient susceptibles de l’être (A). Pourtant, il apparaît que tous les patients sont, d’une manière ou d’une autre, en situation de vulnérabilité (B).
A) Les patients identifiés ou identifiables comme vulnérables
Identifiés – Parmi les exemples type de cette vulnérabilité situationnelle ou « ad hoc », ont été identifiés les patients mineurs, les patients majeurs protégés, ou encore les personnes atteintes de troubles psychiatriques, qui font l’objet d’une prise en charge juridique particulière au sein du code de la santé publique. Ils bénéficient le plus souvent des mêmes droits que le patient « générique » mais des aménagements (voire des dispositions spécifiques et protectrices) sont prévus dans l’exercice de ces droits. La cour européenne des droits de l’homme avait identifié les « personnes en fin de vie » comme vulnérables[13] et depuis 2005 en France, ces patients font également l’objet de mesures normatives propres[14].
Identifiables – Certains patients n’appartiennent pas à une catégorie de patients en tant que telle, mais se trouvent en situation de précarité sociale, ce qui peut avoir une incidence sur la qualité de leur prise en charge médicale et en fera des usagers vulnérables[15]. Même si la Cour européenne des droits de l’homme a toujours refusé de reconnaître la précarité sociale comme une vulnérabilité, c’est en pratique le cas des patients étrangers et/ou pauvres, essentiellement pour des questions relevant de la prise en charge par la sécurité sociale et par leur précarité générale (linguistique, matérielle, sociale). Il a été constaté que beaucoup de patients ignorent leurs droits à la sécurité sociale[16]. C’est également le cas des patients détenus, essentiellement en raison de l’articulation des droits des patients et des règles du service public pénitentiaire, pas toujours très harmonieuse[17].
Présumés ? – Il nous semble que pourrait être identifiée une vulnérabilité « générale », ou, à tout le moins, une présomption de vulnérabilité applicable à tous les patients. Cette idée tendrait certes à effacer le principe même de catégorie, mais de cette présomption de vulnérabilité nait une « créance » des patients. Et, de cette créance, se développent des mesures correctives assez efficaces.
B) La vulnérabilité de tous les patients
Le déséquilibre – Dans sa conception purement situationnelle (et non pas dans ses rapports juridiques avec le service de santé), le patient est assurément dans une situation de déséquilibre qui l’expose à une atteinte ou à des menaces d’atteintes à ses droits. Parmi les patients, nombreux sont malades et diminués physiquement et psychologiquement. Il y a donc là une faiblesse. Et même si faiblesse n’est pas vulnérabilité, s’en ajoute une autre dans la relation du patient face à son soignant, avec un paternalisme médical encore prégnant au sein de la relation de soins, parfois alimenté par l’admiration spontanée que manifestent les gens à l’égard de la profession. Le « paternalisme médical » est l’expression employée pour illustrer le déséquilibre traditionnel de la relation entre le médecin et le malade. Ce déséquilibre trouve sa source dans deux phénomènes traditionnels : l’irresponsabilité de l’un, l’ignorance de l’autre.
L’irresponsabilité historique du médecin – Historiquement, la médecine était un art relevant du divin. Le médecin était donc titulaire d’un don de Dieu. Pendant l’antiquité, le médecin exerçait une fonction sacrée et ne pouvait commettre aucune faute lors de l’exercice de cette fonction. Sauf faute très lourde, nécessairement sacrilège[18]. Le caractère religieux de la fonction a longtemps rendu impensable la reconnaissance d’une faute puisque la médecine était une manifestation de la volonté divine, ce que résume la célèbre phrase d’Ambroise Paré au début du XVIe siècle: « Je le pansai et Dieu le guérit ». Plus de trois siècles plus tard, et malgré l’adoption du Code civil, l’Académie de médecine proclamait encore en 1829 que « (…) le médecin ne reconnaît pour juge, après Dieu, que ses pairs, et n’accepte point d’autre responsabilité que celle, toute morale, de la conscience. » En 1835, l’affaire Dr Thouret-Noroy[19] marquait, sinon le début d’une véritable responsabilité médicale, au moins la fin d’une totale immunité des médecins, ce dont le corps médical devait violement s’indigner. Il existe désormais un régime de responsabilité civile, pénale, et disciplinaire pour les médecins. Mais encore aujourd’hui, ce paternalisme médical est vivace et domine les questionnements éthiques et déontologiques, même chez les seuls juristes[20].
L’ignorance du patient – Nous touchons là au problème le plus délicat de la relation de soin. Traditionnellement, le seul dépositaire de la décision médicale était le médecin. Le médecin est titulaire du savoir. Le malade non. Et non seulement il n’est pas titulaire du savoir, mais il n’a pas les outils intellectuels pour comprendre cet art. Bien au-delà de la faute technique, de l’erreur de diagnostic, ou de l’échec d’une thérapeutique, l’information du patient demeure le point de tension dans la relation de soin. Le manquement au devoir d’information est d’ailleurs devenu un moyen balai dans le contentieux de la responsabilité médicale[21], et peut-être en abuse-t-on. Il n’en révèle pas moins un déficit majeur de communication entre les soignants et les patients. La plus grande violence encore ressentie aujourd’hui chez les patients vient d’un problème de communication et d’information, lequel révèle d’ailleurs le conflit larvé entre l’autonomie de la volonté et le paternalisme, fût-il bienveillant[22].
La vulnérabilité engendre une créance juridique, qui engendre des correctifs – On constate une véritable évolution avec l’émergence de droits individuels de mieux en mieux connus et de plus en plus garantis, ainsi que de droits collectifs qui tendent à donner un rôle d’acteurs politiques aux usagers du système de santé. Et si la vulnérabilité est regardée comme une créance juridique, plutôt que comme une faiblesse, alors, il faut la reconnaître à tous les patients. Pour illustration de ce que la désignation d’une vulnérabilité catégorielle peut in fine profiter à tout un groupe – la consécration du droit de refuser des soins comme liberté fondamentale. Reconnue par le Conseil d’Etat en 2002 pour les témoins de Jehovah[23], consacrée en 2015 vis-à-vis des personnes en situation de fin de vie[24], ce droit a finalement intégré la loi, au profit de tous les patients. Pas seulement les patients particulièrement vulnérables. Ainsi, la présomption de vulnérabilité qui toucherait tous les patients ferait in fine leur force. Car, en matière de santé, dès qu’une vulnérabilité a pu être identifiée, des mesures correctives assez efficaces ont été mises en œuvre et, par le jeu de la garantie des droits, les patients sont devenus juridiquement forts. Avec l’émergence de droits collectifs qui consacrent les patients comme usagers d’un système de santé auquel ils participent, leur force juridique pourrait grandir encore.
II – La créance juridique issue de la vulnérabilité
Le patient est de moins en moins vulnérable juridiquement. En premier lieu parce qu’il est dépositaire, en tant que patient, de droits individuels véritablement consacrés par les textes (A). En second lieu parce qu’il devient, avec la transition orchestrée par la loi Kouchner vers une démocratie sanitaire et l’émergence de droits collectifs, un véritable usager du système de santé, au sein duquel il tend à un rôle politique, si ce n’est décisionnaire (B).
A) Des droits individuels de mieux en mieux garantis
1) Consécration normative des droits des patients
Des droits en miroir des devoirs des médecins – Les contours des droits des patients ont d’abord été tracés par les devoirs des praticiens, inscrits dans le code de déontologie. Un premier code est rédigé en 1947[25], puis en 1955[26], puis en 1979[27], puis en 1995[28]. On retient celui de 1995, qui est toujours en vigueur malgré quelques modifications et a d’ailleurs été codifié dans la partie réglementaire du code de la santé publique. Cette même année, un texte ayant valeur de circulaire entre en vigueur. Il s’agit de la Charte du patient hospitalisé[29], qui ne proclame aucun droit véritablement nouveau mais les met à disposition des patients, de manière à ce qu’ils soient en mesure de connaître leur droit. C’est l’une des premières étapes de l’accès aux droits, au-delà de leur proclamation.
Des droits autonomes – La loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite Kouchner, insère dans le code de la santé publique un titre premier : « droits des personnes malades et des usagers du système de santé ». Cette grande loi fondatrice et codificatrice du droit des patients sera bien évidemment complétée par de nombreux textes ultérieurs, dont notamment la loi Leonetti[30] (sur la fin de vie) et la loi HPST[31] (notamment quant au volet « éducation thérapeutique des patients »), mais reste le tournant de la prise en charge normative effective de ces droits.
2) Les droits des patients
On peut relever une série de droits objectifs cohérents avec la politique de santé publique en France, et une série de droits plus subjectifs, s’attachant in fine au principe de dignité.
Les droits socles de la législation sanitaire – On pourrait également parler de prérequis. Ceux sans lesquels les droits individuels seraient purement proclamatoires. Le premier de ces droits socles est le droit à la protection de la santé, inscrit à l’alinéa 11 du Préambule de 1946 et qui a ainsi valeur constitutionnelle[32]. La garantie de ce droit passe nécessairement par le droit d’accès aux soins, lequel est inscrit dans la loi[33]. Le droit d’accéder aux soins en emporte quant à lui deux autres. D’une part, la liberté de choix de son médecin, qui est un « principe fondamental de la législation sanitaire »[34] garanti, sous réserve de l’offre territoriale de soin, de l’urgence et de la législation sur la sécurité sociale[35]. D’autre part, l’égalité dans l’accès aux soins, qui découle de l’article 1 de la Constitution[36], est formellement inscrite dans la loi[37] ; et se dédouble elle-même en deux principes : l’égalité dans la prise en charge financière[38] et l’interdiction de toute discrimination[39]. A cette énumération de droits socles, il convient d’ajouter le droit à des soins appropriés, qui fait la transition avec les droits plus subjectifs. La qualité de la prise en charge constitue en effet un devoir fondamental du médecin[40], de même qu’un « objectif essentiel pour tout établissement de santé »[41]. Et, parallèlement, le droit de recevoir des soins appropriés a été érigé en liberté fondamentale par le Conseil d’Etat[42].
Les droits subjectifs issus du respect de la dignité – Il est intéressant de relever qu’en matière pénale, la vulnérabilité est entendue comme symbolique de la protection contre les atteintes à la dignité[43]. En matière de santé, l’équation est similaire. Le droit au respect de la dignité est prévu – sous forme de prescription générale – dans la loi : « La personne malade a droit au respect de sa dignité »[44]. Il est ensuite décliné et formellement visé dans le code de la santé publique au regard des questions relatives à l’arrêt des traitements[45]; et des règles relatives à la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques hospitalisées sans consentement[46]. Au-delà de ces droits légalement rattachés à la notion de dignité, certains droits des patients lui sont associés par la jurisprudence. C’est notamment le cas en ce qui concerne le droit de recevoir une information et de donner son consentement aux soins. Dès 2001, le juge judiciaire estimait que le devoir d’information trouvait fondement « dans l’exigence du respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine »[47]. La Cour de cassation a consacré ce fondement – devenu délictuel – par un arrêt du 3 juin 2010[48]. Le Conseil d’Etat fait quant à lui moins appel à la notion, sauf lorsqu’il intervient en matière ordinale et qu’il statue alors sur le manquement à une obligation du médecin[49]. Enfin, le respect de la dignité du patient sous-tend l’ensemble des autres droits garantis tels que le respect du corps[50], le respect du secret médical[51], ou encore le droit de ne pas souffrir[52]. Ce dernier est d’ailleurs une nouvelle illustration d’un droit d’abord consacré à des patients particulièrement vulnérables (ceux qui vont mourir)[53], avant d’être étendu à l’ensemble des patients[54].
La garantie juridictionnelle des droits – L’énumération de ces droits n’aurait que peu d’intérêt s’ils n’étaient pas assortis d’une garantie. Or, l’observation du contentieux de la responsabilité médicale démontre à tout le moins l’existence d’une garantie juridictionnelle de ces droits[55].
B) Des droits collectifs de plus en plus prégnants
Au-delà de la consécration des droits individuels du patient, la loi Kouchner du 4 mars 2002 a également recherché le développement d’une démocratie sanitaire. Les résultats sont peut-être moins flamboyants que pour les droits individuels. Mais, concomitamment aux garanties juridiques apportées au patient, une forme de pouvoir politique lui a également été donnée.
Du patient à l’usager – Si la symbolique du « colloque singulier »[56] qui met en présence un praticien avec un patient dans un cadre exclusif, confidentiel et secret, demeure, on s’oriente de plus en plus vers une « démocratie sanitaire », qui met en présence LES patients (associations d’usagers), LES praticiens (ordre + concours de compétences) et LES pouvoirs publics. Deux éclairages peuvent être apportés sur l’évolution de la relation de soin (jusqu’alors purement « singulière ») vers la recherche d’une démocratie sanitaire. Le premier éclairage porte sur les scandales sanitaires que la France a connus et qui ne sont pas étrangers à la recherche d’une démocratie sanitaire (Thalidomide, sang contaminé, hormones de croissance, Distilbène, Médiator, prothèses PIP). Le second éclairage, développé ici, porte sur la représentation des usagers du système de santé, face aux praticiens et face aux pouvoirs publics.
La démocratie sanitaire – Le troisième chapitre de la loi Kouchner est en effet intégralement consacré à « la participation des usagers au fonctionnement du système de santé » (art. L. 1114-1 CSP). Il s’agit d’une évolution majeure qui le rend de moins en moins isolé, de moins en moins vulnérable. Après que les associations d’usagers du système de santé ont été encadrées par des exigences d’agrément[57], elles ont intégré la gouvernance des établissements, en connaissant toutefois quelques revers quant à leur rôle décisionnaire, notamment avec la loi dite HPST[58]. Elles participent également au fonctionnement des instances nationales de politique de santé publique, ce qui leur donne un poids politique qu’il ne faut pas négliger.
L’action de groupe en santé – Elles ont aujourd’hui compétence pour exercer la fameuse « action de groupe en santé », prévue de manière inédite par la loi dite Touraine du 26 janvier 2016 et modifiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXe siècle, qui permet d’obtenir en justice la réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un producteur ou d’un fournisseur de produits de santé (art. L. 1143-2 du Code de la santé publique)[59]. Certes, elle ne concerne que les dommages causés par des produits de santé et il faut encore qu’elle parvienne à émerger avec efficacité, ce qui n’est pas encore tout à fait certain[60].
Mais si les représentants d’usagers parviennent à ne pas éclipser le patient[61], la vulnérabilité de ce dernier aura servi à le transformer en sujet juridique et politique fort.
ÉCHANGES :
Vulnérabilité objective et/ou Vulnérabilité subjective.
Présentation de la structure et de l’activité de Case Marmaillons.
Par Sylvie SIMON-GODES, psychanalyste, psychologue clinicienne,
Directrice de Case Marmaillons et Luciana ZAFIMAHARO, psychologue clinicienne,
Directrice adjointe de Case Marmaillons.
I – Dispositifs et textes de lois qui régissent notre action
Le fondement d’un Lieu d’Accueil Enfants Parents (LAEP) est de travailler sur le lien enfant-parent. Pourquoi ? Probablement car c’est un moyen incontournable de prévention contre les risques, notamment d’isolement, de perte de repère, de décrochage social ou/et scolaire. De surcroît y est fait le pari que des liens puissent se tisser entre ceux qui viennent dans ce lieu. Ils sont inspirés du dispositif des maisons vertes créées par Françoise Dolto en 1979.
Comme tout lieu amené à accueillir du public, les LAEP sont régis par des textes de loi qui réglementent leurs champs d’action. Ils peuvent prendre la forme d’associations, d’organismes et services accueillant des enfants de moins de 6 ans dont l’activité principale relève, entre autres, des articles R 2324-16 et suivants du Code de la santé publique et répondent à la réforme de la protection de l’enfance de mars 2007, réforme poursuivie en mars 2016. Les actions des LAEP s’inscrivent également dans le Code de l’action sociale et des familles comme étant un dispositif de prévention et d’aides aux familles.
Ce sont des lieux de rencontre, d’écoute, d’échanges, de détente et de parole où une équipe pluridisciplinaire, accueille conjointement des enfants de moins de 6 ans et son parent, ou l’adulte qui l’accompagne (parent, futurs parents, grand parent…). Ce lieu est créateur de lien social, la compétence de chacun y est reconnue. Les parents, parfois très isolés devant les difficultés qu’ils rencontrent avec leurs enfants, peuvent partager avec d’autres et ainsi trouver leurs propres solutions à leurs questions. Dans certain lieu une participation symbolique peut être demandée.
On y trouve une approche particulière de l’accompagnement précoce de la fonction parentale, basée sur l’écoute et l’échange autour du lien familial et social. Cet espace dédié à l’accompagnement à la parentalité permet d’aborder les notions de liens, de relation et de séparation symbolique, en aidant l’enfant à acquérir son autonomie en présence de son parent.
Le public de parents accueillis n’est pas un public spécifique : tous les parents sont invités à participer au LAEP. Les futurs parents sont également les bienvenus. L’enfant et son parent sont accueillis librement sans inscription au préalable, le temps qu’ils le souhaitent, dans le respect de ce qu’ils sont et de ce qu’ils vivent sans jugement. L’anonymat des familles y est préservé. Seul le prénom, l’âge de l’enfant et le nom de la personne qui accompagne sont demandés. Cette confidentialité facilite la venue dans le lieu des familles les plus fragilisées. Il n’y a pas de parole forcée. Les parents sont informés de l’obligation de réserve des accueillants concernant l’identité des familles ou le contenu des échanges, ainsi que le lien qui les unit.
Après avoir évoqué rapidement le fonctionnement et les missions principales d’un Lieu d’Accueil Enfants Parents, nous allons préciser les fonctions de notre institution, le lieu d’accueil Case Marmaillons.
II – La spécificité de Case Marmaillons : prévention sociale et prévention psychique
Dans ce lieu, notre bas seuil d’accueil permet une grande mixité sociale et une grande mixité psychique. Case Marmaillons s’est ouvert sans discrimination à tous les enfants jusqu’à 6 ans, à leurs parents, parfois adolescents, à leurs grands-parents, dans un quartier reconnu en difficulté par l’Etat. Nos outils sont l’éclairage de la psychanalyse lacanienne et l’ouverture dans le social ce qui nous permet d’agir par des actions de prévention, d’accompagnement et d’orientation.
Nous avons été conviées à intervenir dans ce colloque du fait que dans la grande mixité de notre public, nous rencontrons et accompagnons souvent des personnes qui peuvent être situées du côté de la vulnérabilité. Nos actions consistent parfois à permettre que la rudesse d’une relation d’un parent avec son enfant puisse se conscientiser, sans pour autant que le parent se sente jugé ou rejeté par nous, et ainsi obtenir un assouplissement de ce lien. Cependant, il arrive, dans les situations extrêmes, que comme tout citoyen tenu par le code civil, nous soyons dans l’obligation morale et civile de sortir de notre droit de réserve pour signaler une situation préoccupante, voire des faits de maltraitances pouvant nous amener à faire un signalement au Procureur de la République ou aux services du Département. Ainsi, bien entendu, nous travaillons aussi avec la notion de responsabilité même lorsque le parent est vulnérable. Être reconnu comme vulnérable n’empêche pas d’être responsable de ses actes, comme le signal bien le Code civil. Et d’ailleurs, être reconnu responsable de ses choix et de ses actes permet à la personne vulnérable d’être considéré comme citoyen dans la cité, mais aussi, comme un sujet à part entière.
D’autre part, nous savons que le terme de vulnérabilité peut écraser le sujet ou dans d’autres cas, lui servir à tenir dans le monde, ce qui est important de repérer pour éviter l’effondrement de ce qui lui donnait un nom. La difficulté, nous semble-t-il est d’arriver à identifier suffisamment le signifiant vulnérabilité pour ne pas l’assimiler à « déficit ». Il est beaucoup plus aisé de repérer la vulnérabilité objective, qui est facilement mesurable, quantifiable et évaluable. Tandis que le repérage de la vulnérabilité subjective ne peut se faire qu’au cas par cas dans la rencontre. Et c’est bien là toute la difficulté pour le législateur. Pour notre part, repérer la vulnérabilité dans une partie du public que nous accueillons, ne nous amène pas à le considérer comme déficitaire. Bien au contraire, nous faisons le pari que cette partie du publique est en mesure de trouver en elle, soutenue par notre accompagnement et par une forme de résilience, leurs solutions singulières, aussi bancales qu’elles puissent être. Même quand une solution reste très précaire, nous en prenons acte et la respectons. Parfois de toutes petites trouvailles peuvent permettre de tenir debout.
Pour conclure, il nous semble indispensable d’être vigilant quant à la définition de ce concept, afin qu’il ne vienne pas acculer la personne, ni l’enfermer sous cette identité. En nous appuyant sur la clinique, il nous semble que tenter de définir un concept uniforme de la vulnérabilité est vain. Car si un individu est objectivement identifiable comme vulnérable, il n’est pas pour autant en situation de vulnérabilité réelle, et inversement si une personne est subjectivement vulnérable, elle peut ne pas l’être objectivement. Ce qui nous amène à dire que la vulnérabilité subjective reste singulière. Certains peuvent entrer dans le catalogue de la vulnérabilité objective, mais néanmoins ne le seront pas subjectivement et tiennent à en témoigner quand ils le peuvent.
Pour exemple, dans notre lieu s’il nous arrive d’accueillir des familles dont la précarité psychique et sociale est évidente, signalant de faite leur vulnérabilité, il arrive aussi, bien souvent que s’y mêle des familles, dont l’apparente normalité psychique et la bonne intégration sociale et culturelle, ne laisse pas paraître d’indicateurs de vulnérabilité. Cependant, notre vigilance et notre orientation nous alertent au fur et à mesure sur des signaux très discrets témoignant d’une fragilité qui commence alors à émerger.
Vulnérabilité et santé mentale.
Par Benjamin BRYDEN, Praticien hospitalier, Psychiatre des hôpitaux, Responsable du Centre de réhabilitation psycho-sociale, Établissement public de santé mentale de La Réunion (EPSMR).
On va tout d’abord faire un rappel sur les liens qui peuvent exister entre la société et les personnes souffrant de troubles psychiques.
La psychiatrie est une discipline assez récente dans l’histoire de la société moderne et on peut la dater avec ce que Foucault avait appelé « le grand enfermement de l’âge classique ». Ce « grand enfermement de l’âge classique » consistait à réunir, dans des lieux dédiés appelés asiles, des personnes qui pouvaient être identifiées comme vulnérable ou comme dangereuse. L’asile, au départ, était un lieu qui était destiné à protéger la société mais également les personnes qui étaient placées dans ces asiles et qui étaient considérées comme vulnérables. À l’époque, la psychiatrie n’existait pas et la folie était encore rattachée à des justifications mystico-religieuses. Finalement, c’est au sein de ces asiles que va se constituer petit à petit, l’art psychiatrique qui consiste à repérer, parmi différents troubles, des maladies mentales. Il y avait, à l’époque dans les asiles, à la fois des personnes identifiées comme folles mais aussi des prostituées, des personnes indigentes, des marginaux, des homosexuels et plus généralement, toutes les personnes relevant de la protection sociale mais également des personnes dont la société estimait qu’elle devait s’en protéger.
Dans les années 1950, il y a eu la révolution neuroleptique c’est-à-dire qu’on a découvert des traitements qui ont commencé à avoir un impact positif sur certains symptômes propres aux maladies psychiques. Ainsi, à l’époque, il y a eu un mouvement révolutionnaire où les personnes pensaient qu’on pouvait guérir la folie. Hélas, l’évolution révélera que la folie n’est pas simplement un déséquilibre cérébral pouvant être corrigée par des médicaments, mais qu’il s’agit d’une chose bien plus complexe.
Dans les années 1970, il y a eu un mouvement de désinstitutionnalisation, de début de prise en charge inclusive des troubles psychiques. En effet, ce sont développées à cette époque, différentes expériences dont le but était de permettre aux personnes souffrant de troubles psychiques, de retrouver une place de citoyen.
Depuis les années 1990, on constate hélas, un retour à des pratiques qui avaient disparu c’est-à-dire un retour à des pratiques d’isolement et de contention. Les explications à ce retour sont multiples : des pressions sociales, une diminution des moyens, une formation des psychiatres assez hétérogène.
Or, selon des instances internationales notamment l’Organisation Mondiale de la Santé, les deux endroits où l’on est le plus à risque d’être soumis à des abus ou des mauvais traitements, dans les sociétés occidentales, ce sont les hôpitaux psychiatriques et les maisons de retraite. Il y a donc un paradoxe puisque deux populations considérées comme vulnérables se retrouvent dans des endroits où elles sont les plus risquées d’être soumises à des mauvais traitements.
Les personnes en accompagnement psychiatrique, sur le plan de l’Histoire, sont souvent des « sentinelles sociales » c’est-à-dire que les traitements, bons ou mauvais sur le plan sociétal, sont souvent être testés sur ces personnes. En effet, on peut rappeler que les chambres à gaz nazis ont tout d’abord étaient testées sur ce type de public.
Depuis octobre 2017, on a pu mettre en place un service expérimental qui consiste à faire un diagnostic situationnel qui dure entre 6 et 7 mois où l’on va essayer de desceller chez la personne vulnérable, ses forces et ses compétences et les renforcer pour les permettre d’atteindre une qualité de vie optimale dans la société. Cela ne fonctionne pas toujours mais lorsque ça fonctionne, les résultats vont souvent au-delà des espérances.
Ainsi, c’est avant tout dans la personne vulnérable elle-même, qu’il faut chercher la solution.
Débat autour de l’enjeu de l’information donnée au patient.
Lors des différentes interventions, il est apparu que les problèmes entre les équipes soignantes et le patient ainsi que sa famille naissent bien souvent du défaut d’information. Cependant, aujourd’hui on pourrait plutôt constater un excès d’information (plus ou moins accessibles aux patients) avec un effet balancier entre la médecine paternaliste et la médecine autonomiste.
Débat autour de l’impossibilité d’accéder aux soins.
À l’heure actuelle, beaucoup de personnes n’ont pas accès aux soins pour différentes raisons (événement traumatisant, personne vulnérable…) et donc cet accès reste un certain privilège. Il est difficile pour ces personnes vulnérables de faire les démarches (pas toujours évidentes) nécessaires car elles sont dans une situation de précarité extrême et sont donc dans une logique de survie sur l’instant présent. Aussi, on a beaucoup parlé de personnes qui ont accès aux soins mais beaucoup d’autres n’ont pas cet accès. Cette vulnérabilité conduit à une invisibilité de ces personnes qui se retrouvent dans un gouffre sans fond.
Pour s’occuper de ces personnes qui n’ont pas le temps ou les capacités de monter un dossier, la CAF a mis en place récemment des bus qui vont à leur rencontre.
[1] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/vuln%C3%A9rable/82657#lSgYiAraWAkv89dd.99.
[2] Lignes directrices internationales d’éthique pour la recherche biomédicale impliquant des sujets humains. Elaborées par le Conseil des Organisations internationales des Sciences médicales (CIOMS) avec la collaboration de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). CIOMS, Genève, 2003.
[3] V. pour une réflexion très complète, LE DU N., « Le consentement à l’acte médical des personnes vulnérables », Thèse Université Paris Est, dir. DEBET A., déc. 2018.
[4] TILF,:PATIENT, -ENTE, adj. et subst. I. Adj. Qui a, montre ou requiert de la patience.
[5] TILF, II. – : Subst. et adj. A. (Celui, celle) qui subit, qui est l’objet d’une action.
1. PHILOS. [P. oppos. à l’agent] (Celui, celle) qui subit, qui est passif. De quel côté est l’agent, de quel côté le patient? Est-ce le principe inférieur qui détermine l’apparition du principe supérieur? (BOUTROUX, Contingence, 1874, p.134). 2. LING. [P. oppos. à celui qui agit], L’être ou la chose qui subit l’action (le procès)« (Ling. 1972). Le sujet animé des phrases passives et l’objet animé des phrases actives à verbe transitif sont en général des «patients» (Ling. 1972).qui subit, qui est passif.
[6] CEDH 26 mai 2011, RR. C. Pologne, 27617/04.
[7] CE 3 novembre 1997, Hôpital Joseph-Imbert d’Arles, n° 153686, Rec. p. 412.
[8] CE Ass. 9 avril 1993, Bianchi, n° 69336, Rec. p. 127.
[9] Qui est un PGD : CE, Ass, 25 juin 1948, Sté du Journal l’Aurore, Rec. p. 289.
[10] V. LANTERO C., « Le contentieux de la solidarité », AJDA 2016, p. 368.
[11] Notamment LICHARDOS G., La vulnérabilité en droit public : pour l’abandon de la catégorisation, Thèse de doctorat en droit public, Toulouse, 2015 ; DUTHEIL-WAROLIN L., La notion de vulnérabilité de la personne physique en droit privé, Thèse de doctorat en droit privé, présentée le 1er oct 2004, Université de Limoges, 651 p.
[12] PAILLET E. et RICHARD P. (coord.), Effectivité des droits et vulnérabilité de la personne, Bruylant, Bruxelles, 2014, 276 p. ; EYRAUD B. et VIDAL-NAQUET P., « La vulnérabilité saisie par le droit », Revue Justice Actualités, 2013, pp. 3-10.
[13] CEDH 29 avr. 2002, Pretty c. Royaume-Uni, n° 2346/02.
[14] Loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et loi n°2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
[15] LECLERC A., FASSIN D., GRANDJEAN H., KAMINSKI M., LANG T., « Les inégalités sociales de santé », Paris : La Découverte, 2000 ; Haut Comité de la Santé Publique. La santé en France 2002, Paris : La documentation française, 2002.
[16] Défenseur des droits, Les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-C, de L’ACS et de l’AME, Rapport remis au Premier ministre, La Documentation française, avr. 2014, 47 p.
[17] V. PERRIER J.-B. (dir.), Soins et privation de liberté, CMH – LGDJ, 2015, 192 p.
[18] V. SCHEIL, La loi de Hammourabi (vers 2000 avant J.-C.), Traduction en français du Code des lois de Hammourabi découvert à Suse par M. de Morgan, 1904, 71 p.
[19] Cass. 18 juin 1835, Dr. Thouret-Noroy, S. 1835, I, 402.
[20] LEGROS B., « Le paternalisme médical en droit français. Entre maintien et transformation », in Mélanges en l’honneur de Jean-Marie Clément, LEH, 2014, p. 173 ; MEMETEAU G., « Éloge du paternalisme médical », Rev. gén. dr. médical 2017/62. 117.
[21] MINET A., « Le contentieux du défaut d’information médicale, symbole de l’indulgence excessive du juge administratif ? », AJDA, 2016, p. 362
[22] ROMAN D., Leçon n°4 – Droit de la santé : la décision revient-elle au patient ou au médecin ?, Chaire Francqui, https://www.unamur.be/droit/chaire-francqui-diane-roman/lecon4
[23] CE, ord., 16 août 2002, Mmes Feuillatey, n° 249552, Rec., p. 309.
[24] Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
[25] Décret no 47-1169 du 27 juin 1947 portant Code de déontologie médicale.
[26] Décret no 55-1591 du 28 novembre 1955 portant Code de déontologie médicale et remplaçant le règlement d’administration publique no 47-1169 en date du 27 juin 1947.
[27] Décret no 79-506 du 28 juin 1979 portant Code de déontologie médicale.
[28] Décret no 95-1000 du 6 septembre 1995 portant Code de déontologie médicale.
[29] Circ. 6 mai 1995, BO santé 1995/21; remplacée par Circ. n° DHOS/E1/DGS/SD1B/SD1C/SD4A/2006/90, 2 mars 2006, relative aux droits des personnes hospitalisées et comportant une charte de la personne hospitalisée : BO santé 15 mai 2006, n° 4
[30] Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie et loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
[31] Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
[32] CC, 15 janv. 1975, IVG, n° 74-54 ; CC, 22 juill. 1980, contrôle des matières nucléaires, n° DC 80-117.
[33] Art. L. 1110-1 du Code de la santé publique.
[34] Art. L. 1110-8 du Code de la santé publique.
[35] DUPONT M., « Le libre choix du médecin : son évolution depuis la loi du 4 mars 2002 », RDSS 2007. 759. 2.
[36] « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »
[37] Art. L. 6112-2, 3° du Code de la santé publique.
[38] Qui relève du droit de la sécurité sociale et connait de grandes difficultés de mise en œuvre. Voir Avis du Défenseur des droits n° 15-02.
[39] Le principe de non-discrimination est consacré par la loi du 4 mars 2002 (art. L. 1110-3 du code de la santé publique), par le Code de déontologie (art. R. 4127-7 du code de la santé publique), par la législation sur la Sécurité sociale (art. 162-1-14-1 du Code de la sécurité sociale) et par le Code civil (Article 16-13). La discrimination est sanctionnée par le Code pénal (art. 225-2), qui en donne une définition précise (article 225-1), ainsi que par le Code de la santé publique.
[40] Art. R. 4127-8 et suivants du Code de la santé publique.
[41] Art. L. 1112-2 du Code de la santé publique.
[42] CE, 13 déc. 2017, Pica-Picard, no 415207, aux T.
[43] VIRIOT-BARRIAL D., « Dignité de la personne humaine », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, juin 2014, maj 2018, §60 et s. ; WILLMANN C., « Conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz , oct. 2003 (act. : mars 2014), § 19 et s.
[44] Art. L. 1110-2 du Code de la santé publique.
[45] La décision d’arrêter un traitement fait peser sur le médecin la charge de « sauvegarder en tout état de cause la dignité du patient et de lui dispenser des soins palliatifs » : art. L. 1110-5-1 du Code de la santé publique.
[46] « En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée » art. L. 3211-3 du Code de la santé publique.
[47] Cass. 1re civ., 9 oct. 2001, n° 00-14564, Bull. ; Cass. 1re civ., 22 oct. 2009, n° 08-15442.
[48] Cass. 1re civ., 3 juin 2010, n° 09-13591.
[49] CE 19 septembre 2014, n° 361534, aux T.
[50] Article 16-3 du Code civil ; CEDH 29 avr. 2002, Pretty c. Royaume-Uni, n° 2346/02.
[51] Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (voir CEDH, 27 août 1997, M.S. c. Suède, n° 74/1996/683/885.) ; article 9 du Code civil ; article 4 du Code de déontologie ; article L. 162-3 du Code de la sécurité sociale ; article L. 1110-4 du Code de la santé publique.
[52] Article L. 1110-5 du Code de la santé publique : V. PANSIER F.-J., « Qualité des soins, dignité de la personne humaine et douleur », Gaz. Pal. 2001, n° 331, p. 10.
[53] Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs.
[54] Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
[55] LANTERO C., « La Garantie des droits », in. FABERON F. et MARILIAC C. (dir.), L’organisation du système de santé : quelle efficacité ?, LEH Editions, n°25, 2017, pp. 43-57.
[56] Ou, ce que Louis Portes, Président de l’Ordre des médecins de 1942 à 1956, appelait : « la rencontre d’une confiance et d’une conscience »
[57] Art. L. 1114-1 du Code de la santé publique.
[58] HASSENTEUFEUL P., « La résistible affirmation d’un pouvoir collectif des patients », RDSS 2012, p. 481.
[59] HACHEMI A., « L’action de groupe devant la juridiction administrative », RDP 2017, n° 5, p. 1203.
[60] HAERI K. et JAVAUX B., « L’action de groupe en matière de produits de santé : une procédure complexe à l’efficience incertaine », Dalloz 2016, p. 330 ; LAUDE A., « L’action de groupe en santé, à l’épreuve de sa complexification », Dalloz 2017,p. 412.
[61] Voir, pour des propos toujours actuels à ce sujet : HENIN J.-C., « Un malade hospitalisé est‐il un citoyen, contribution à un débat sur l’usager et le citoyen », in De la citoyenneté, dir. KOUBI G., Litec, 1995, 170 p.
La vulnérabilité est bien définie en droit pénal même si cette définition a une portée limitative (art223-15-2 cp)