Juger un passé tourmenté. L’appréciation du fait historique dans la jurisprudence de la CEDH
A partir d’une réflexion de Marc Bloch sur les offices distincts du juge et de l’historien, cette contribution examine la manière avec laquelle la CEDH prend en compte les faits historiques dans l’appréciation de la conformité d’une situation à la Convention. Si, avec prudence, le juge des droits de l’homme refuse de se substituer à l’historien dans l’appréciation de la réalité historique, il n’en est pas moins « saisi par l’histoire », comme le souligne l’exemple du contentieux de la liberté d’expression, qui a conduit la Cour à développer une jurisprudence relative à l’appréciation de l’intérêt historique d’une publication et à considérer comme démontrés certains faits historiques. L’auteur relève toutefois que l’apport du fait historique, à la jurisprudence de la CEDH, est en réalité plus large, en ce que le contexte historique propre à chaque État est une composante du principe de subsidiarité. Pour cette raison, la Cour concède donc au juge national une place cardinale dans l’appréciation des faits historiques, même si elle n’hésite pas à recourir à sa propre analyse, se comportant presque en historienne du droit, si la résolution du litige l’exige.
Par Julien Portier, juge au tribunal judiciaire de Paris[*]
Dans son Apologie pour l’histoire, Marc Bloch exhortait l’historien à se méfier du « démon des origines », qu’il soupçonnait d’être « seulement un avatar de cet autre satanique ennemi de la véritable histoire : la manie du jugement »[1]. L’une des idées fondamentales de l’ouvrage était ainsi exprimée, selon laquelle l’historien ne doit pas se faire juge. Notamment car, selon Marc Bloch, le jugement implique l’octroi d’une valeur, positive ou négative, à des événements passés, alors que l’historien doit se contenter, selon la maxime d’Hérodote, de « raconter ce qui fut » (ta eonta legein)[2].
Le juge, confronté à la thématique historique, se trouve dans la situation inverse. Alors qu’il lui revient de juger, sa fonction n’est pas de se substituer à l’historien dans l’établissement de la réalité historique. Les deux tâches sont ainsi bien distinctes. Mais l’équation se complique lorsque le juge se doit de se prononcer à l’aune de l’appréciation de faits historiques et de leur véracité, laquelle est parfois établie par l’historien.
Cette tension a fait l’objet de nombreuses analyses. Par Marc Bloch lui-même, qui distingue les « deux façons d’être impartial » propres à chaque profession, tout en convenant que la démarche de l’historien vis-à-vis de ses sources s’apparente à celle « du juge d’instruction qui s’efforce de reconstituer un crime auquel il n’a point assisté »[3]. Mais aussi par d’autres, comme Bernard Edelman, qui a souligné « l’embarras » et « l’angoisse juridique » du juge auquel les parties demandent de « sanctionner tel ou tel propos parce qu’il n’est pas conforme à la « vérité historique » »[4]. A l’inverse, Jean-Clément Martin, s’appuyant sur Antoine Prost, rappelle les « résonances » entre les deux offices, l’un comme l’autre ayant recours à des « preuves factuelles [ou à des] des faisceaux d’indices, pour juger d’un acte de la façon la moins improbable qui soit »[5].
La présente contribution n’entend donc pas revenir sur ce sujet largement exploré, du moins pas d’une manière abstraite. S’inscrivant dans une logique résolument technique, elle examine comment un juge spécifique, la Cour européenne des droits de l’homme (« CEDH » ou « La Cour »), prend en compte la donnée historique dans sa jurisprudence. Il s’agit ainsi d’établir en quoi l’argument ou le fait historiques sont susceptibles d’être utilisés à l’appui du raisonnement juridique en droit de la Convention européenne des droits de l’homme (« CESDH » ou « La Convention »). Cette étude, ce faisant, ne s’interdira pas de relever des parallèles entre la méthode du juge et la méthode de l’historien.
Plusieurs raisons nous semblent faire de la CEDH un exemple particulièrement intéressant pour cet exercice. Tout d’abord, il s’agit d’une cour internationale. Elle est, par conséquent, fondée à traiter de questions historiques en lien avec l’ensemble des États du Conseil de l’Europe, sur lesquels elle exerce sa juridiction. Ensuite, son contentieux se rattache régulièrement à des problématiques historiques, en premier lieu au titre de la liberté d’expression, protégée par l’article 10 de la Convention, mais aussi en application d’autres principes conventionnels, tels que la protection de la vie privée et de la réputation, l’absence de discrimination, la légalité des délits et des peines, le droit de propriété ou le droit à des élections libres[6].
Nous montrerons ainsi que la liberté d’expression, dont relève le débat historique, constitue le terrain d’élection d’une « rencontre inévitable » entre droit conventionnel et examen de faits historiques (IA). Nous soulignerons en particulier que le souci du juge européen, de prévenir l’instrumentalisation du débat historique au service d’un usage excessif de la liberté d’expression, l’a conduit à admettre des faits historiques considérés certains (IB). Portant notre analyse au-delà de ce seul sujet, nous relèveront que la prise en compte, par le juge de Strasbourg, du contexte historique est, en fait, une expression à part entière du principe de subsidiarité (IIA). Pour cette raison, la jurisprudence de la Cour apporte d’utiles éclairages sur la façon dont laquelle celle-ci s’appuie en premier lieu sur l’appréciation, par les juges nationaux, du fait historique, même si elle n’hésite pas, au besoin, à enrichir son raisonnement de ses propres sources (IIB).
I. Le contentieux de la liberté d’expression, « rencontre inévitable » entre la Convention et le débat historique
Dès lors que la recherche historique et, plus largement, le débat sur l’histoire et ses leçons, constituent des thématiques d’intérêt général, la CEDH veille, sous certaines conditions, à protéger la liberté d’expression de ceux qui abordent ces sujets (A). Parmi les exigences de la Cour en la matière, figurent le fait que la personne qui s’exprime ne remette pas en cause des événements historiques tenus pour établis (B).
A. Le débat historique est un sujet de liberté d’expression
Si la Cour rappelle régulièrement qu’il ne lui appartient pas de trancher les questions d’ordre historique, adoptant ce faisant une position de prudent retrait, le contentieux de liberté d’expression conduit le juge européen à aborder de fait ces questions (A1) et à développer des critères jurisprudentiels d’appréciation de l’intérêt d’une contribution historique (A2).
1. Le juge européen, saisi par la matière historique
De même que l’historien ne doit pas se faire juge, la Cour veille à ne pas remplacer l’historien dans son office, estimant qu’il ne lui revient pas d’arbitrer un débat toujours en cours entre historiens ni de se prononcer sur l’appréciation de faits purement historiques[7]. En revanche, les débats, en cette matière, sont des sujets d’intérêt général et la recherche de la vérité historique est un attribut de la liberté d’expression[8]. Le juge des droits de l’Homme se trouve alors nécessairement confronté aux questions d’ordre historique, au prisme de l’article 10 de la Convention. Bénéficient donc de sa protection l’exploitation de sources documentaires originales à des fins de recherche historique légitime[9], le souhait d’un homme politique à la retraite d’accéder à des documents présidentiels classés afin de rédiger une monographie historique sur la fondation de l’État croate[10] ou, plus largement, le débat politique touchant à l’histoire d’un État[11]. De même, le refus des autorités nationales de déférer, dans un délai raisonnable, aux décisions de justice autorisant l’accès à des archives est de nature à engager la responsabilité de l’État partie[12]. La Cour protège aussi la constitution des sources historiques futures, susceptibles d’abonder à l’avenir des recherches, considérant par exemple qu’outre son rôle de « chien de garde », la presse a pour « fonction accessoire mais néanmoins d’une importance certaine » de « constituer des archives à partir d’informations déjà publiées et de les mettre à la disposition du public », tout en soulignant l’intérêt des « archives numériques (…) pour l’enseignement et les recherches historiques »[13].
En conséquence, la Cour est conduite à distinguer la recherche historique des propos diffamatoires. Évoquons à ce titre l’affaire Chauvy et autres c. France. Était en cause un ouvrage intitulé Aubrac-Lyon 1943 où était abordée la réunion de Caluire, où fût arrêté Jean Moulin. S’appuyant sur un mémoire portant la signature de Klaus Barbie, l’auteur fut condamné pour diffamation en ce qu’il insinuait une trahison des époux Aubrac[14]. Le dilemme fut ici clairement posé par le juge de Strasbourg, qui releva que « la Cour [devait] mettre en balance, d’une part, l’intérêt public s’attachant à la connaissance des circonstances dans lesquelles Jean Moulin, principal chef de la Résistance intérieure en France, fut arrêté par les nazis le 21 juin 1943 et, d’autre part, l’impératif de la protection de la réputation des époux Aubrac, eux-mêmes membres importants de la Résistance ». La Cour, en l’espèce, parvint à un constat de non-violation de l’article 10, estimant que les juridictions internes avaient procédé « à un examen détaillé et très minutieux de l’ouvrage en cause et notamment de la présentation des faits et arguments qui y [étaient] exposés » et relevant que « le contenu de l’ouvrage en cause n’[avait] pas respecté les règles essentielles de la méthode historique et qu’il y [était] procédé à des insinuations particulièrement graves »[15].
L’affaire Petrenco c. Moldova est un autre exemple, qui illustre l’importance du caractère démontrable ou non des faits historiques allégués. Étaient en cause les propos d’un journaliste selon lesquels le requérant, président de l’Association des historiens de Moldavie et professeur d’université, avait collaboré avec le KGB[16]. La Cour releva que les allégations spécifiques selon lesquelles le requérant avait collaboré avec les services secrets soviétiques ne pouvaient s’apparenter à de simples jugements de valeur[17] ne se prêtant pas à la démonstration de leur exactitude, dès lors que la collaboration ou non avec le KGB ne relevait « pas de la spéculation mais de l’établissement d’un fait historique au moyen de preuves pertinentes »[18]. Or, en l’absence d’éléments ou témoignages produits par les défendeurs devant les juridictions nationales, la Cour estima que les propos litigieux constituaient « une présentation déformée de la réalité, pour laquelle l’auteur n’avait démontré aucun fondement factuel » et conclut à une violation de l’article 8[19].
A contrario, dans l’affaire Giniewski c. France, la Cour établit la violation de l’article 10 au regard de l’intérêt du débat historique suscité par la contribution mise en cause. Le litige concernait l’article d’un journaliste, sociologue et historien, relatif à l’encyclique Splendeur de la Vérité de Jean-Paul II, qui avait valu à son auteur d’être condamné car l’article imputait à la doctrine chrétienne une responsabilité intellectuelle dans les persécutions des populations juives en Europe[20]. La Cour releva que les propos du requérant s’inscrivaient dans un « d’un débat d’idées récurrent, auquel participent historiens, théologiens et autorités religieuses », rappelant que deux souverains pontifes s’étaient eux-mêmes « exprimés sur la possibilité que la façon dont les Juifs sont présentés par le Nouveau Testament ait contribué à créer une hostilité à leur égard »[21]. Elle poursuivit en relevant que le texte litigieux, en ce qu’il participait à la réflexion sur les diverses causes possibles de l’extermination des Juifs en Europe, relevait « incontestablement de l’intérêt général ». Surtout, elle considéra qu’il devait s’analyser comme une « une réflexion que le requérant [avait] voulu exprimer en qualité de journaliste et historien ». Considérant qu’il était « primordial dans une société démocratique que le débat engagé, relatif à l’origine de faits d’une particulière gravité constituant des crimes contre l’humanité, puisse se dérouler librement » elle observa que l’article ne contestait la réalité d’aucun fait historique clairement établi[22].
2. Les critères d’appréciation de l’intérêt historique d’une publication
Les exemples précédents mettent en exergue le besoin, pour la Cour, de dégager des critères jurisprudentiels d’appréciation de l’intérêt d’une publication pour le débat historique, afin de déterminer le degré de protection conventionnelle dont elle doit bénéficier.
Le premier d’entre eux nous semble être la balance entre contribution au débat historique et atteinte portée aux intérêts d’autrui, qui dépend largement de la position sociale qu’occupent les personnes impliquées.
Dans la récente affaire Hurbain c. Belgique[23], la Cour a considéré que la condamnation de l’éditeur du journal Le Soir à anonymiser l’identité d’un condamné au nom du « droit à l’oubli », dans l’archive électronique d’un article sur un accident routier survenu en 1994, ne portait pas une atteinte excessive à sa liberté d’expression, eu égard à l’absence d’intérêt historique ou scientifique de l’événement et au préjudice grave pour l’intéressé, lié à la création d’un « casier judiciaire virtuel »[24]. Elle a adopté une position inverse dans l’affaire Dzhugashvili c. Russie, relative à l’action en diffamation formée par le petit fils de Joseph Staline contre deux articles de la Novaya Gazeta, dont l’un accusait les dirigeants du Politburo soviétique d’avoir été « liés par beaucoup de sang » du fait de leur décision d’exécuter les prisonniers de guerre polonais à Katyń en 1940 et qualifiait Staline de « cannibale assoiffé de sang ». La Cour considéra que les articles relevaient d’un débat historique d’importance publique au sujet de Staline et de son implication dans le massacre de Katyń et estima que les juridictions nationales avaient, à raison, estimé que cette question concernait des événements d’une importance exceptionnelle pour le public, en dépit des fortes passions qu’elle soulevait[25].
De plus, même en l’absence d’intérêt historique majeur, la Cour privilégiera aussi le débat historique lorsque le préjudice porté à la réputation est mineur. L’affaire Putistin c. Ukraine[26] concernait ainsi un article de presse traitant d’un célèbre match de football, joué à Kiev en 1942, le « Match de la mort », dont il pouvait s’inférer que le père du requérant, un footballeur célèbre, avait collaboré avec la Gestapo. Toutefois, le nom du footballeur n’était pas cité comme tel et seul un lecteur avisé du fait que le père du requérant avait participé au match aurait pu en conclure qu’il avait collaboré. Si la Cour admit que les droits du requérant, qu’il tenait de l’article 8 de la Convention, avaient pu être atteints, elle conclut que cette atteinte était marginale et indirecte, excluant la violation de la Convention au titre de cet article[27].
Un autre critère d’appréciation de la balance entre intérêt des tiers et débat historique nous semble l’absence d’offense « gratuite » faite à autrui dans le cadre d’un prétendu débat historique, comme l’a illustré l’affaire E.S. c. Autriche[28]. La requérante avait, lors d’un séminaire consacré aux « Informations de base sur l’islam », estimé que les relations entre Mahomet et Aïcha, l’une de ses épouses, s’apparentaient à de la pédophilie, ce qui lui avait valu une amende, pour dénigrement de doctrines religieuses. La Cour souscrivit au raisonnement des juridictions internes, selon lequel les propos n’avaient pas été formulés d’une manière objective alors que la requérante, qui se présentait comme une spécialiste de la doctrine islamique, ne pouvait ignorer que ses propos étaient en partie fondés sur des faits inexacts[29]. Elle rejoignit également les juridictions nationales qui relevaient que la requérante « n’avait pas donné à ses auditeurs des informations neutres sur le contexte historique et que cela avait empêché tout débat sérieux sur ce point » et écarta toute violation.
L’intérêt historique de la contribution dépend aussi de l’existence ou non d’un consensus historiographique sur le sujet abordé. Les vides à combler, les axes du débat qui ne sont pas encore résolus, constituent en effet pour le juge un élément clé, car l’absence de vérité historiographique établie et consensuelle ouvre un espace plus large pour la liberté d’expression. Cela est vrai y compris lorsque sont en cause des questions historiques sensibles ou disputées, conformément à la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’article 10 protège également les opinions « qui heurtent, choquent ou inquiètent »[30].
L’affaire Lehideux et Isorni c. France en est une première illustration. Un ancien secrétaire d’État du gouvernement de Vichy et président de l’Association pour défendre la mémoire de Philippe Pétain et un ancien avocat, qui avait contribué à la défense de l’intéressé au pénal en 1945, avaient publié, dans Le Monde, en 1984, un encart publicitaire divisé en plusieurs sections commençant, pour chacune d’entre elle, par la mention « Français, vous avez la mémoire courte, si vous avez oublié… ». Les différentes étapes de la vie de Philippe Pétain, de 1916 à 1945, y étaient reprises, dont les actions, y compris sur la période de 1940 à 1945, étaient présentées comme salutaires. Y figuraient notamment des mentions selon lesquelles Pétain avaient « sauv[é] les Alliés », l’affirmation qu’il y avait eu « quarante millions de pétainistes » ou que Philippe Pétain avait indirectement œuvré pour la Libération. A l’issue de rebondissements procéduraux, les requérants furent finalement condamnés définitivement pour apologie de crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi[31]. La Cour observa que ces derniers, qui qualifiaient de « suprêmement habile » la politique pétainiste, s’inscrivaient dans la thèse « du double jeu », dont elle refusait de trancher le bien fondé. Mais elle considéra que celle-ci faisait l’objet d’un débat « toujours en cours entre historiens sur le déroulement et l’interprétation des événements dont il s’agit » à la lumière de l’état de l’historiographie à l’époque des faits. Elle en déduisit que, contrairement par exemple à l’Holocauste, la nature de la politique de Pétain ne relevait pas des faits historiques clairement établis et insusceptibles de prêter à discussion et conclut à la violation de l’article 10[32]. De même, dans l’affaire Orban et autres c. France, était en cause la publication d’un ouvrage consacré à l’activité des services spéciaux en Algérie entre 1955 et 1957, où l’auteur, le général Aussaresses, évoquait la torture et les exécutions sommaires pratiquées pendant la guerre d’Algérie. Paul Aussaresses y était décrit comme un « ancien de la France libre (…) envoyé par le général de Gaulle dans les opérations secrètes les plus délicates ». Il était également indiqué que « Sans fausse honte et sans complaisance », Paul Aussaresses abordait les sujets de la torture et des exécutions sommaires. L’éditeur et Paul Aussaresses furent condamnés pour apologie de crimes de guerre et complicité de ce délit[33]. La Cour observa que l’ouvrage était, avant tout, le témoignage d’un ancien officier des services spéciaux directement impliqué en Algérie, ce qui s’inscrivait « indubitablement dans un débat d’intérêt général d’une singulière importance pour la mémoire collective : fort du poids que lui confère le grade de son auteur, devenu général, [l’ouvrage confortait] l’une des thèses en présence et défendue par ce dernier, à savoir que non seulement de telles pratiques avaient cours, mais qui plus est avec l’aval des autorités françaises ». Estimant que l’absence de distance critique de l’auteur et de regrets était « un élément à part entière de ce témoignage », elle conclut à la violation de la Convention[34].
Mentionnons aussi l’affaire Fatullayev c. Azerbaïdjan de 2010, dans laquelle un journaliste avait contesté la version communément admise du massacre de Khojaly en 1992, durant le premier conflit du Haut-Karabagh, selon laquelle les forces armées arméniennes avaient massacré des centaines de civils azerbaidjanais[35]. La Cour observa que « diverses opinions » subsistaient quant au rôle des forces militaires azerbaidjanaises et à leur possible inertie et que des « questions s’étaient posées » sur la défense de la ville. Elle en conclut ainsi que « diverses questions liées aux événements de Khojaly [semblaient] toujours faire l’objet d’un débat permanent entre historiens et, à ce titre, devraient constituer une question d’intérêt général dans la société azerbaïdjanaise moderne », justifiant la protection du discours en cause au titre de l’article 10[36].
Mais apprécier l’intérêt historique d’une contribution ou d’un propos dans son ensemble est parfois difficile, lorsqu’une publication mêle recherche et opinions personnelles. La Cour doit alors procéder à un « tri » entre les contributions au débat historique et les considérations personnelles de l’auteur, qui ne jouissent pas d’une protection similaire au titre de l’article 10. Ainsi, dans l’affaire Marinoni c. Italie, elle eut à connaître d’un ouvrage relevant du « courant spécifique » de la recherche historique qu’est la « micro-histoire »[37], c’est-à-dire un mouvement tendant à restituer « un vécu autrement inaccessible aux autres approches historiographiques, en se focalisant sur l’histoire locale et les témoignages directs des individus ». Elle considéra, comme les juges nationaux, que cette œuvre « hybride » pouvait être partiellement considérée comme se rattachant à un débat historique, en procédant à une application distributive du régime de protection à accorder à ses différents extraits[38]. Les extraits à valeur historique, tels que ceux portant sur la reconstitution de l’exécution de soldats italiens dans le village de Rovetta en Lombardie en avril 1945 ou sur les activités de résistants dans la région durant les mois qui précédaient la chute du régime fasciste, devaient bénéficier d’une protection élevée, contrairement au récit personnel du requérant, constitué de ses souvenirs d’enfance et de ses opinions. La Cour releva ainsi que la qualification d’une personne de « mari fantoche » n’était pas justifiée par un intérêt public et qu’elle avait été correctement appréciée comme diffamatoire par les juridictions nationales[39]. Quant aux propos de l’auteur, qui attribuait à une tierce personne la responsabilité d’avoir inséré le nom de son grand-père dans la liste des personnes à arrêter et à fusiller, en représailles à une attaque contre les forces d’occupation allemandes, elle observa que cette imputation d’un « fait déterminé particulièrement odieux » n’apportait aucun élément historique utile à la reconstitution du massacre et qu’elle n’était soutenue par aucun élément permettant d’en établir la véracité[40].
La contribution historique peut, enfin, servir à abonder un débat politique et, partant, jouir de la protection garantie par l’article 10 de la Convention. Dans l’affaire Karsai c. Hongrie, qui s’inscrivait dans une controverse sur l’érection d’une statue en commémoration de l’ancien premier ministre Pál Teleki, qui avait collaboré avec l’Allemagne nazie, un professeur d’université avait publié un article reprochant à un journaliste d’avoir fait l’éloge de Pál Teleki et d’avoir tenu des propos antisémites. Il fut condamné pour diffamation[41]. La Cour estima que les propos du requérant ne pouvaient être considérés comme excessifs ni dénués de base factuelle au vu du rôle joué par Pál Teleki dans l’adoption de lois antisémites en Hongrie. Elle conclut à la violation de l’article 10, notamment eu égard de l’intérêt des propos du requérant pour le débat public et politique[42]. De même, dans l’affaire Genov et Sarbinska c. Bulgarie, les requérants avaient été condamnés à une amende pour avoir pulvérisé de la peinture sur un monument aux partisans, le jour de l’anniversaire de la Révolution d’Octobre, en signe de protestation contre le gouvernement dirigé par le Parti socialiste bulgare, ancien Parti communiste ayant dominé la Bulgarie entre 1946 et 1989. La Cour conclut de nouveau à la violation de l’article 10[43], relevant que l’action des requérants dénonçait le « rôle global » (overall role) du parti au pouvoir pendant la période soviétique, ainsi que celui des « partisans » qui y étaient associés. Elle prit aussi en considération le fait que le monument avait été érigé pendant cette période et qu’il était, en conséquence, lié à l’identité de ce régime au Parti communiste bulgare[44].
Ce souci de privilégier le débat public et politique impose à la Cour d’avoir, sur l’intérêt d’une contribution historique, un regard plus souple que celui de l’historien, quant à l’exactitude scientifique et historique de la qualification de tel ou tel agissement. Dans l’affaire Feldek c. Slovaquie[45], par exemple, le requérant avait accusé un responsable politique, qui avait été membre des Jeunesses Hlinka[46] en 1945, d’avoir un passé fasciste. Les juridictions nationales donnèrent partiellement tort au requérant : la cour d’appel considéra que ne figurait pas, dans la documentation relative à la Slovaquie utilisée au procès de Nuremberg, d’évocation des Jeunesses Hlinka dans les parties traitant des organisations fascistes, tandis que la Cour de cassation estima pour sa part que, si les Jeunesses Hlinka étaient bien une organisation fasciste, le simple fait d’appartenir à une organisation et d’y avoir été formé à commettre des actes terroristes ne pouvait mériter le qualificatif de passé fasciste[47]. La CEDH refusa de « souscrire à une définition restrictive de l’expression « passé fasciste » », laquelle a « une large acception susceptible de susciter chez le lecteur différentes interprétations quant à sa teneur et à sa signification ». Elle conclut à une violation de l’article 10 de la Convention[48].
B. Prévenir les abus de la liberté d’expression en luttant contre l’instrumentalisation du débat historique : de l’importance de définir des faits historiques établis
Les exemples précédents démontrent aussi que le débat historique peut être, parfois, instrumentalisé pour servir de paravent à des opinions illicites. Abordant la question de la lutte contre le négationnisme, Jean-Clément Martin estimait ainsi qu’il pouvait être « attendu des jugements (…) d’établir une parole pour vraie et de permettre à une société de se constituer autour d’elle », lorsque l’acquis historique scientifique ne suffit plus et que seule la justice est capable d’imposer « une vérité immédiatement nécessaire »[49]. En dégageant « certaines vérités historiques notoires »[50] établies, dont la remise en cause par des travaux prétendument historique sera mise en échec par l’article 17 de la Convention, qui proscrit l’abus de droit[51], la Cour répond à cette observation.
L’Holocauste et, plus largement, les crimes commis par les nazis, sont en effet les premiers faits à avoir été considérés par la Cour comme démontrés et irréfutables. Parmi de nombreux exemples[52], citons l’affaire Garaudy c. France. Le requérant avait publié un ouvrage intitulé Les mythes fondateurs de la politique israélienne où il remettait en cause la réalité et l’ampleur de génocide et contestait la légitimité du procès de Nuremberg. La Cour considéra que « S’appuyant sur de nombreuses citations et références, le requérant remet[tait] en cause la réalité, l’ampleur, et la gravité de ces faits historiques qui ne font pourtant pas l’objet de débats entre historiens mais sont au contraire clairement établis ». Elle releva que l’auteur, « loin de se limiter à une critique politique ou idéologique du sionisme et des agissements de l’État d’Israël, ou même de procéder à un exposé objectif des thèses négationnistes et de réclamer seulement, comme il le prétend[ait], « un débat public et scientifique » sur l’événement historique des chambres à gaz » avait en réalité cherché à instrumenter ces thèses pour contester les crimes commis par les nazis. Pour la Cour, agir ainsi « ne [relevait] en aucune manière d’un travail de recherche historique s’apparentant à une quête de la vérité » mais avait pour but « de réhabiliter le régime national-socialiste, et (…) d’accuser de falsification de l’histoire les victimes elles-mêmes ». Dès lors que la « négation ou la révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l’ordre public » elle en conclut que les propos litigieux relevaient de l’abus de droit[53].
La Cour adopte un raisonnement similaire lorsque sont en cause des productions qui, prétendument humoristiques, sont le masque d’un discours révisionniste. La récente affaire Bonnet c. France, qui concernait la condamnation d’Alain Soral en raison de la diffusion d’un dessin sur internet, intitulé « Chutzpah Hebdo », censé parodier un numéro de Charlie-Hebdo relatif au chanteur Stromae, en est une illustration. La « parodie » contenait un encart intitulé « historiens déboussolés » et un dessin représentant le visage de Charlie Chaplin posant la question « Shoah où t’es ? » à laquelle répondaient des bulles indiquant « ici », « là » et « et là aussi », placées devant des dessins figurant du savon, un abat-jour, une chaussure sans lacet et une perruque[54]. Le requérant soutenait, devant la Cour, que le dessin litigieux visait non pas la communauté israélite mais bien les historiens de la Seconde Guerre mondiale et contestait que la publication insinuât que la Shoah n’était pas une vérité historique. La Cour se tint à reprendre l’avis des juridictions internes dont les motifs « pertinents et suffisants » avaient démontré que le dessin litigieux visait la communauté israélite, tandis que la forme interrogative tendait « à tourner en dérision ce fait historique et à mettre en doute sa réalité ». Elle en conclut que le dessin ne s’apparentait aucunement à une « quête de la vérité » et qu’il ne contribuait pas à un débat d’intérêt général, excluant toute violation[55].
Si sa position vis-à-vis de l’Holocauste ne fait aucun doute, des interrogations ont pu être soulevées quant à la position de la Cour vis-à-vis de la reconnaissance du génocide arménien, dans le sillage de l’affaire Perinçek c. Suisse. Le litige concernait les propos d’un universitaire et homme politique turc qui avait publiquement désigné le génocide arménien de 1915 comme un « mensonge international », notamment quant à sa qualification juridique de génocide, ce qui avait entraîné sa condamnation à une peine pécuniaire[56]. La Grande chambre se considéra incompétente pour déterminer si les massacres et déportations massives subis par le peuple arménien aux mains de l’Empire ottoman à partir de 1915 devaient être qualifiés de génocide au sens que revêt ce terme en droit international[57]. Elle considéra que, si les déclarations du requérant concernaient des questions d’ordre historique et juridique, l’intéressé devait, au vu du contexte et notamment du fait qu’il s’adressait à un auditoire déjà convaincu par ses propos, être considéré comme s’étant exprimé en tant que responsable politique et non en tant qu’historien ou juriste. C’est à ce titre que ses propos bénéficièrent de la protection garantie par l’article 10, dès lors qu’ils portaient sur un débat d’intérêt général et ne prenaient pas la forme d’un appel à la haine[58]. Ces considérations pourraient laisser penser que l’arrêt Perinçek c. Suisse révèle une position ambiguë de la Cour vis-à-vis du génocide arménien. Nous ne le croyons pas. En effet, il ressort, de son raisonnement, que la Cour ne remet jamais en question la matérialité des faits commis par l’Empire ottoman en 1915. Si la Cour a pu longuement argumenter sur la possibilité ou non de condamner le requérant au titre de la négation de la qualification juridique de génocide à attribuer à ces faits, il est en revanche très probable qu’une contestation frontale de la réalité même des faits de 1915 n’aurait pas bénéficiée de la protection garantie par l’article 10. Toujours est-il qu’une clarification, appelée dès 2015 par plusieurs opinions dissidentes annexées à l’arrêt Perinçek c. Suisse, serait souhaitable à l’avenir[59].
La CEDH est donc un juge « saisi » par le contentieux historique, via celui de la liberté d’expression, qui a conduit la Cour à élaborer une jurisprudence désormais riche quant à la réalité de certains faits historiques ou quant aux critères d’appréciation du degré de protection à conférer à une contribution historique ou prétendant l’être.
Mais l’histoire nous semble devoir être aussi considérée, pour la Cour, comme l’une des expressions du principe de subsidiarité, dès lors que le contexte historique propre à l’État défendeur est, dans plusieurs contentieux, un élément déterminant (A). En résulte un dialogue entre les juges européens et nationaux, la Cour s’appuyant sur la jurisprudence des premiers, qu’elle n’hésite néanmoins pas à compléter (B).
II. Le contexte historique comme composante du principe de subsidiarité
A.La prise en compte du contexte historique propre à chaque État partie par la Cour
La Cour prend en compte le contexte historique de l’État défendeur, aussi bien en matière de liberté d’expression (A1) que dans d’autres contentieux (A2).
1. L’influence du contexte historique sur la liberté d’expression ou de réunion
En matière de liberté d’expression, le juge européen accorde une importance cruciale au poids mémoriel du fait historique concerné[60]. La Cour précise, en effet, être « toujours sensible au contexte historique dans la Haute Partie contractante » lorsqu’elle examine la conventionnalité d’une ingérence, prenant par exemple en considération « l’expérience de l’Allemagne sous la République de Weimar et durant l’amère période qui a suivi l’effondrement de ce régime jusqu’à l’adoption de la loi fondamentale en 1949 » après le « cauchemar du nazisme » [61]. Selon elle, « l’expérience historique de l’État en cause » est un élément susceptible de « [peser] lourd » dans la justification d’un besoin social impérieux[62], au point que « l’appréciation (…) de la nécessité d’ingérences dans l’expression de propos concernant des événements historiques s’opère (…) dans une large mesure au cas par cas et est fonction des effets combinés de la nature et des répercussions potentielles des propos ainsi que du contexte dans lequel ils ont été tenus »[63].
C’est ainsi à la lumière de l’expérience historique de l’Allemagne que la Cour a apprécié l’intensité du devoir de réserve pouvant être exigé d’un fonctionnaire[64] ou de l’expérience « d’un régime totalitaire » en Hongrie, gouvernée par un parti unique entre 1949 et 1989, qu’elle a déduit l’importance de dépolitiser la police et l’armée[65]. La CEDH applique évidemment ce raisonnement à l’Holocauste, en permettant à un État d’en réprimer plus ou moins fermement la contestation, selon des critères d’ordre contextuel. Ainsi la Cour a-t-elle relevé que « criminaliser la négation de l’Holocauste ne se justifie pas tant parce qu’il constitue un fait historique clairement établi, mais parce que, au vu du contexte historique dans les États en question (…), sa négation, même habillée en recherche historique impartiale, traduit invariablement une idéologie antidémocratique et antisémite. La négation de l’Holocauste est donc dangereuse à double titre, surtout dans les États qui ont connu les horreurs nazies et dont on peut estimer qu’ils ont une responsabilité morale particulière : se distancer des atrocités de masse commises par eux ou avec leur complicité, notamment en en prohibant la négation »[66]. A contrario, la nécessité de restreindre des propos ou d’en condamner l’auteur est moins forte lorsque le discours mis en cause ne concerne pas directement le passé de l’État défendeur, ce qui fut déterminant dans l’affaire Perinçek, dans laquelle la Cour prit en considération le fait que l’histoire de la Suisse n’était pas directement liée aux événements survenus en 1915 dans l’Empire ottoman[67].
Le raisonnement contextuel de la Cour en la matière s’applique à la liberté de réunion, corollaire de la liberté d’expression, que protège l’article 11 de la Convention. Par exemple, l’affaire Ignatencu et le Parti communiste roumain c. Roumanie concernait le refus d’inscrire, sur la liste des partis politiques, un parti se présentant comme la continuation du parti communiste roumain (PCR) dissous en 1989[68]. Si la Cour, à l’examen des statuts et du programme du parti requérant, ne vit aucun appel à la violence, au soulèvement ou à la « dictature du prolétariat » et si elle rappela que la seule expérience du communisme totalitaire en Roumanie jusqu’en 1989 ne suffisait pas à y interdire la création de tout parti communiste, elle considéra que les autorités nationales avaient motivé leur refus après une appréciation des buts du parti requérant, qui entendait être le continuateur de l’ancien PCR, formation qui avait gravement abusé de sa position au cours d’une longue période. Prenant explicitement en compte le « contexte historique de l’affaire », qu’elle qualifia de « très particulier », elle écarta la violation, en faisant mention des « violentes confrontations » qui avaient eu lieu lors de la transition démocratique, qui avait mis fin au régime totalitaire instauré par les dirigeants du PCR entre 1947 et 1989[69]. Saisie d’une question quasi-similaire, la Cour a confirmé cette décision en 2021[70].
2. Au-delà du seul contentieux de la liberté d’expression, la prise en compte du contexte historique doit s’appréhender comme l’expression plus générale du principe de subsidiarité
Le critère du contexte historique s’applique à d’autres contentieux que ceux des articles 10 et 11. Nous y voyons la confirmation d’un lien « systémique » entre ce critère et le principe de subsidiarité, qui irrigue l’ensemble de la Convention. Désormais inscrit au préambule de la Convention[71], mais établi par la Cour depuis l’arrêt Handyside de 1976, le principe de subsidiarité est fondé sur l’idée que, grâce à « leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays, les autorités de l’État se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur le contenu précis » des garanties européennes et des restrictions susceptibles d’y être apportées, dans le respect de leur « marge d’appréciation »[72], raison pour laquelle la mise en œuvre du droit conventionnel « revient au premier chef aux autorités nationales »[73].
Les affaires relatives à la chute du bloc soviétique illustrent pleinement cette prise en compte du contexte historique dans des contentieux autres que la liberté d’expression. Ainsi, dans l’affaire Ždanoka c. Lettonie, était en cause l’interdiction opposée à une ancienne cadre communiste de se présenter aux élections législatives. La requérante avait adhéré en 1971 au Parti communiste de Lettonie (PCL), dont elle était demeurée membre jusqu’à l’indépendance de la Lettonie, y compris après une tentative de coup d’État dans laquelle ce parti avait été impliqué. La Grande chambre exclut toute violation du droit à des élections libres en considérant que, en la matière, il revenait « à chaque État contractant d’incorporer [les systèmes électoraux] dans sa propre vision de la démocratie » toute loi électorale devant s’apprécier « à la lumière de l’évolution politique du pays concerné »[74]. Elle mentionna notamment le « contexte politico-historique très spécifique » de la menace que pouvait constituer la résurgence « d’idées » en faveur d’un « régime totalitaire » dans les années suivant l’indépendance de la Lettonie, tandis que devait être pris en compte le rôle personnel joué par la requérante pendant la période communiste[75]. De même, elle considéra, dans l’affaire Savickis et autres c. Lettonie[76], qu’outre la latitude importante accordées aux États parties, pour mettre en œuvre des régimes de protection sociale, l’État défendeur avait agi dans les limites de son pouvoir d’appréciation en ne prenant pas en compte, pour le calcul de pensions de retraite, des périodes de travail effectuées dans une autre RSS, au vu du « contexte historique et démographique particulier qui était alors celui de la Lettonie ». Elle estima aussi qu’un « contexte historique et politique particulier » et la situation « exceptionnellement difficile » à laquelle la Pologne avait dû faire face au lendemain de la chute de l’URSS, conféraient aux autorités nationales un « large pouvoir discrétionnaire » leur permettant d’opposer des « limitations draconiennes » à l’indemnisation de personnes rapatriées à la suite d’un conflit[77]. Elle examina pareillement un régime de privatisation de propriété foncière à la lumière du contexte particulier de la réunification allemande [78]. Plus largement, elle n’hésita pas à considérer que les États qui avaient « connu plusieurs décennies de régime communiste totalitaire » pouvaient éprouver la « responsabilité morale particulière de s’en éloigner »[79].
Toutefois, l’acquis historique n’est pas un blanc-seing et la Cour ne saurait admettre que celui-ci s’oppose orthogonalement à la Convention, comme le démontre, dans un contexte différent des précédents exemples, l’affaire Dimici c. Turquie. En l’espèce, l’épouse et mère des requérants n’avait pu bénéficier de l’excédent de revenu d’une fondation, créée en 1536, à l’époque ottomane, en application d’un acte datant de cette époque, qui induisait une distinction par sexe. En effet, selon l’acte constitutif de la fondation, seuls les descendants de sexe masculin pouvaient bénéficier de cet excédent. La Cour releva que la discrimination reposait uniquement sur un souhait du fondateur, lequel procédait « de considérations sociales et d’une vision de la femme qui prévalaient à l’époque de la création de la fondation, c’est-à-dire au début du 16e siècle. ». Elle écarta l’argument de la conformité du souhait du fondateur au droit en vigueur à l’époque, laquelle ne pouvait « en soi garantir une quelconque primauté ou immunité face aux normes actuelles relatives à l’ordre public et face à la Convention » a fortiori lorsque la pratique en cause procédait « de conceptions sociales et morales et d’une vision archaïque du rôle de la femme qui n’ont plus cours dans la société turque et plus largement dans les sociétés européennes ». Elle conclut à la violation de l’article 14, combiné avec l’article 1er du Protocole n°1[80].
B. Entre juge national et juge européen, une répartition des rôles dans l’appréciation du fait historique
Le lien entre histoire et subsidiarité s’exprime aussi dans la place laissée par la CEDH à l’intervention du juge national, dont elle n’entend pas se substituer à l’appréciation « sur des faits historiques délicats »[81]. Plus exactement, il nous semble qu’une « répartition des rôles » (B1) a lieu entre juges nationaux et juge européen, le second ne procédant à une analyse historique complémentaire que lorsque les éléments établis par le premier ne sont pas suffisants pour résoudre le litige (B2).
1. Le rôle cardinal du juge national
Soulignons, à titre liminaire, que laisser au juge national la charge d’apprécier, en priorité, la réponse à apporter à un litige en matière historique, n’implique pas, pour la Cour, de renoncer à son contrôle. En réalité, elle examinera dans ce cas la pertinence des motifs adoptés par les juridictions internes, lesquelles devront s’appuyer « sur une appréciation acceptable des faits pertinents »[82]. Ainsi, son constat de non-violation dans l’affaire Chauvy, précitée, fut notamment appuyé sur l’analyse des décisions rendues par les juridictions internes qui avaient avec justesse relevé la « place excessive faite au mémoire Barbie, une insuffisance manifeste de la documentation relative aux circonstances de la première arrestation de Raymond Aubrac le 15 mars 1943 et à sa mise en liberté, un manque de hiérarchisation des sources concernant l’évasion de l’hôpital de l’Antiquaille, un défaut de prudence dans l’expression (…), un manque de critique interne des sources et documents allemands et un délaissement des témoignages des acteurs des événements (…) »[83]. A contrario, la CEDH sanctionne les motivations ne contenant que « peu d’explications historiques ou factuelles » et « se bornant à relever » des faits historiques généraux et dépourvus d’étayage documentaire[84].
Reste que les décisions des juridictions nationales – dont nous rappellerons qu’elles sont parfois elles-mêmes des faits historiques – sont un élément cardinal dans l’appréciation de la CEDH. Dans l’affaire Broniowski c. Pologne, la Cour s’appuya par exemple sur l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 décembre 2002, qui exposait une « analyse historique et juridique détaillée » de la question des rapatriés des territoires « au-delà du Boug », incluant une appréciation historique de la légitimité des autorités communistes à contracter des accords internationaux au nom de l’État polonais et faisant état des charges supportées par la Pologne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale[85]. Les juridictions nationales jouèrent aussi un rôle déterminant dans l’affaire Vasiliauskas c. Lituanie, où était en cause la condamnation, en 2004, d’un ancien agent du ministère de la Sécurité de l’État (MGB) de la RSS de Lituanie, pour le génocide allégué de partisans lituaniens en 1953. L’un des aspects controversés du litige était l’argument, avancé par le requérant, selon lequel les deux personnes assassinées ne devaient pas être considérées comme des partisans, puisqu’elles avaient collaboré avec les nazis[86]. La CEDH put réfuter cette thèse en s’appuyant sur la « conclusion claire sur cette question après un examen attentif de l’ensemble des moyens » effectué par les juges nationaux. Elle considéra que « compte tenu de la complexité du travail de reconstitution des faits de la cause plus de cinquante ans après les événements litigieux, les juridictions nationales étaient mieux placées pour apprécier l’ensemble des faits et des preuves disponibles ». Elle releva aussi que le juge national avait « tenu compte du contexte historique, des méthodes particulières employées par la résistance à l’époque pertinente et de documents d’archive où figure l’ordre donné par le MGB de diffuser de fausses informations sur les frères J.A. et A.A. en vue de les discréditer et de les couper des autres partisans »[87].
Le rôle cardinal des juges interne a même été mis en exergue de manière encore plus explicite dans l’arrêt Kononov, par une sous-section intitulée : « Les événements du 27 mai 1944, tels qu’établis par les juridictions internes ». Cette affaire concernait la condamnation du requérant pour avoir dirigé une expédition punitive par des partisans rouges, dans le village de Mazi Bati, sous administration allemande, le 27 mai 1944, dont les habitants étaient soupçonnés d’avoir dénoncé un autre groupe de partisans. Les partisans avaient incendié des bâtiments et tué neuf villageois désarmés, dont une femme enceinte. Le requérant soutenait que son unité avait été chargée, par un tribunal militaire ad hoc établi au sein de son détachement, de capturer les responsables de la dénonciation en vue de leur jugement. Il contestait avoir dirigé l’opération et être entré dans le village. Il soutenait, devant la Cour, qu’il n’avait pas commis d’infraction, n’étant en 1944 qu’un jeune soldat en situation de combat derrière les lignes ennemies[88]. Dans la sous-section précitée, la Cour relata précisément les soupçons que nourrissaient le requérant et son unité à l’encontre des villageois et leur arrivée dans le village le 24 mai 1944, porteur d’uniformes de la Wehrmacht pour tromper les villageois. Elle y décrivit également, avec force de détails, les exactions commises ensuite dans le village et traita, par la suite, le contenu de cette sous-section comme des éléments constants[89].
2. L’analyse historique complémentaire de la Cour
Concéder au juge interne une place de premier ordre n’empêche pas la Cour, lorsque la résolution du litige l’exige, de compléter son raisonnement par ses propres sources et sa propre analyse historique, s’approchant parfois de l’office d’un historien du droit.
a. Les autres sources de la CEDH
Outre les travaux d’historiens, la Cour peut fonder sa certitude historique sur des documents juridiques, en premier lieu ceux produits par le Conseil de l’Europe ou les institutions qui en émanent ou par des ONG spécialisées dans la protection des droits fondamentaux.
Dans l’affaire Fatullayev c. Azerbaïdjan, elle s’appuya sur le « background paper » de la direction générale des affaires politiques du Conseil de l’Europe, annexé au rapport au comité des affaires politiques de l’Assemblée parlementaire. Elle examina également le « rapport mondial » de 1993 de Human Right Watch sur les anciennes républiques socialistes soviétiques, ainsi que le rapport du Memorial Human Rights Centre de Moscou sur les événements de Khojaly[90]. En outre, dans la récente affaire Zhablyanov c. Bulgarie (2023), relative à la révocation d’un vice-président du parlement national en raison de sa sympathie pour l’ancien régime communiste[91], la Cour évoqua la Résolution 1481 (2006) de l’ACPE, qui relevait que tous les régimes communistes établis en Europe centrale et orientale au XXème siècle avaient produit des violations massives des droits humains, au nom de la dictature du prolétariat et de la lutte des classes[92]. Elle reproduisit, dans son arrêt, des extraits de la résolution, où l’Assemblée parlementaire déplorait que la chute des régimes communistes ne s’était pas nécessairement accompagnée d’enquêtes ou de poursuites pour les responsables politiques, conduisant à ce que la connaissance des crimes commis par ces régimes soit limitée. Or, l’Assemblée y soulignait que la connaissance de l’histoire était essentielle à la prévention de nouveaux crimes de cette nature, raison pour laquelle elle encourageait explicitement les historiens à poursuivre leurs travaux sur le sujet[93]. La Cour fait également largement appel aux sources onusiennes ou de l’Union européenne, qu’elle croise avec celles du Conseil de l’Europe. Ainsi, dans l’affaire Savicki, elle évoqua la résolution du Parlement européen sur la situation en Estonie, en Lettonie et en Lituanie, adoptée le 13 janvier 1983, qui faisait référence aux traités de paix entre l’URSS et les Etats baltes en 1920 et à l’occupation de ces Etats par l’URSS, à compter de 1940. Elle mentionna aussi les résolutions de l’ACPE qui dénonçait, en 1960, une « occupation militaire » et une « incorporation forcée » des Etats baltes dans l’URSS et déplorait, en 1987, une « perte de l’identité nationale »[94].
Ces documents externes sont un utile complément, pour la Cour, à l’appréciation des juridictions nationales. Dans l’affaire Vona c. Hongrie, la Cour utilisa le rapport de l’ECRI[95], qui procédait à une comparaison circonstanciée entre le décorum utilisé par la « Garde hongroise » et les Croix fléchées[96], pour reconnaître les dangers causés par une association et qui justifiaient sa dissolution[97]. Cette documentation vint en complément de l’appréciation des juridictions nationales qui avaient constaté une « forte ressemblance » entre les brassards portés par les membres de l’association et ceux portés par les officiers des Croix fléchés[98]. Mentionnons également l’affaire Fáber c. Hongrie, où le requérant avait brandi en silence le drapeau des Árpád, rappelant le mouvement des Croix fléchées et refusé de le ranger, arguant que le drapeau était un symbole historique et qu’aucune loi n’interdisait de le déployer et où la Cour s’appuya sur les mêmes sources[99]. Au vu du comportement « ni menaçant ni abusif » (threatening or abusive) du requérant, elle parvint cette fois à un constat de violation[100].
La Cour ouvre, enfin, son prétoire aux tiers intervenants, avec cette réserve que ceux-ci peuvent se faire les porte-voix d’intérêts catégoriels ou politiques, à l’image du gouvernement russe, dans l’affaire Vasiliauskas c. Lituanie, qui soutint devant la Cour que le gouvernement lituanien recourait à une « description historique erronée des « atrocités » que le gouvernement soviétique aurait commises sur le territoire des États baltes » et lui reprochait « une déformation flagrante de la réalité historique et une intention manifeste des gouvernements baltes de réécrire l’histoire à leur convenance », avant de soutenir qu’une partie de la population lituanienne avait choisi la collaboration avec les nazis et la résistance armée contre les soviétiques[101].
b. Le juge européen, un quasi-historien du droit ?
Lorsqu’elle doit, pour juger de la légalité d’une condamnation, examiner quel était l’état du droit au moment des faits historiques à l’origine du litige, la Cour procède parfois à ses propres recherches. Son office s’approche, alors, de celui d’un historien du droit. Les affaires lituaniennes Vasiliauskas et Kononov, précitées, toutes deux relatives au principe nullum crimen sine lege protégé par l’article 7 de la Convention, nous semblent particulièrement adaptées pour illustrer ce point.
Le point de droit de l’affaire Kononov (2010) tenait au fait que le requérant, qui avait été condamné sur la base de dispositions du code pénal lituanien de 1961, estimait que ses agissements ne faisaient l’objet, en 1944, d’aucune incrimination en droit national ou international[102]. Considérant que la condamnation du requérant ne pouvait être fondée que sur le droit international, seule base juridique susceptible d’avoir été en vigueur en 1944, la Cour examina la définition du crime de guerre par la Convention et le Règlement de La Haye de 1907, auxquels contrevenait le meurtre de villageois hors de combat[103]. Elle convoqua aussi les travaux de magistrats internationaux, tels que ceux de Guénaël Mettraux sur les cours martiales américaines aux Philippines[104] ou les réflexions plus générales de Theodor Meron sur l’acquis historique en matière de poursuites de crimes de guerre par des juridictions internationales[105][106] et prit aussi en compte les écrits de Hersch Lauterpacht[107] ou de Hans Kelsen[108][109]. Elle évoqua également les procès de Leipzig au lendemain Première Guerre mondiale ou les poursuites de crimes de guerre, envisagées dès les premières années de la Seconde Guerre mondiale, notamment dans la déclaration de Saint James de 1942[110]. Elle s’appuya aussi sur le statut du Nuremberg et sur la jurisprudence du Tribunal militaire international ainsi que sur les décisions de la Cour internationale de Justice mentionnant les deux « principes cardinaux » du droit humanitaire, à savoir la protection des biens et populations civils et l’absence de dommages superflus aux combattants[111]. Elle se fonda aussi sur les trois premières conventions de Genève de 1864, 1906 et 1929[112][113] et sur des textes anciens, tels que les instructions pour les armées en campagne des Etats-Unis d’Amérique, qui accordaient une protection particulière aux femmes, à l’image du Code Lieber de 1863[114]. Ainsi, à l’issue de ce long examen, enrichi d’une documentation historique et juridique étoffée, la CEDH put conclure que la condamnation de l’attaque menée à Mazie Bati le 27 mai 1944 reposait « sur une base légale suffisamment claire eu égard à l’état du droit international en 1944 » et écarta toute violation de l’article 7[115].
Cinq ans plus tard, l’affaire Vasiliauskas c. Lituanie (2015) mit en exergue la continuité et la stabilité de cet examen historique du contexte juridique et du droit international par la Cour – mais aussi les solutions différentes qui pouvaient en découler. L’affaire Vasiliauskas présentait des similarités avec l’affaire Kononov : le cœur du contentieux tenait au fait que le requérant avait été condamné, pour des faits de 1953, sur le fondement du nouveau code pénal lituanien, qui reconnaissait le crime de génocide commis envers un « groupe politique » depuis 2003, contrairement à la convention sur le génocide de 1948[116], qui ne prévoyait pas cette modalité de commission du crime, évoquant seulement quatre groupes protégés, à savoir les groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux. La condamnation fut confirmée par les juridictions nationales, qui estimèrent que les partisans étaient, en tout état de cause, des « représentants de la nation lituanienne » pouvant être assimilés à « un groupe national et à un groupe ethnique », catégories protégées par la convention de 1948[117].
La Cour considéra que l’application rétroactive du nouveau code pénal lituanien ne pourrait être conforme à la Convention que s’il était établi que la condamnation du requérant était de facto fondée sur le droit international applicable en 1953, c’est-à-dire sur la convention de 1948 ou sur le droit coutumier[118]. Pour se déterminer, elle examina le contenu des travaux préparatoires de la convention de 1948 et conclut que ses rédacteurs n’avaient pas entendu inclure les groupes politiques dans la liste des groupes protégés par cet instrument. En ce qui concerne le droit coutumier, elle fit référence aux travaux de Raphael Lemkin dans son ouvrage Axis Rule in Occupied Europe (1944) et aux opinions formulées par la doctrine dans les revues juridiques de droit international. Elle mentionna aussi le contenu de la Résolution 96 (I) de l’Assemblée générale des Nations unies, condamnant le génocide, pour souligner des désaccords doctrinaux quant au fait que cette résolution reflétait ou non une règle de jus cogens. La Cour en conclut que, en dépit d’arguments pertinents pour considérer que les groupes politiques étaient protégés, dès 1953, par le droit international coutumier incriminant le génocide, d’autres arguments « tout aussi puissants » s’y opposaient, privant de « base suffisamment solide » l’assertion du gouvernement lituanien. A l’issue d’un vote serré, la Cour constata la violation de l’article 7 de la Convention[119].
*
En dépit d’une certaine prudence, matérialisée par son refus réaffirmé de se comporter en historien, le juge de Strasbourg est donc un juge « saisi par l’histoire ». Il l’est, au titre de l’article 10 de la Convention, mais aussi d’autres contentieux, ce qui s’explique par le fait que l’histoire de chaque État partie à la Convention est une spécificité que le juge international doit garder à l’esprit lorsqu’il statue. C’est pourquoi nous voyons, dans la prise en considération du contexte historique, l’une des manifestations du principe de subsidiarité. Cependant, il importe de souligner que la Cour n’hésite pas, si nécessaire, à conduire ses propres recherches pour affermir la certitude historique sur laquelle elle construira son raisonnement.
Dans son Apologie pour l’Histoire, Marc Bloch regrettait une tendance commune aux historiens, écrivant : « Un mot, pour tout dire, domine et illumine nos études : « comprendre » (…). Jusque dans l’action, nous jugeons beaucoup trop. Il est commode de crier « au poteau ! ». Nous ne comprenons jamais assez. »[120]. En veillant à apprécier le droit et les faits à la lumière d’une perception historique fine et subsidiaire, la Cour cherche, pour sa part, à mieux comprendre, pour bien juger.
[*] Les propos et opinions figurant dans cet article n’engagent que leur auteur et aucunement l’autorité judiciaire. L’auteur remercie C. Thomas-Ortel et V. Xiberras pour leur relecture et leurs aimables conseils.
[1] Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Édition critique préparée par Étienne Bloch, Armand Colin, 1993, ed. 2007, p. 55.
[2] Marc Bloch, op. cit., p. 124 et 127.
[3] Marc Bloch, op. cit., pp. 67, 124 et 125.
[4] Edelman Bernard. « L’office du juge et l’histoire ». In: Droit et société, n°38, 1998. Vérité historique, vérité judiciaire, p. 48.
[5] Jean-Clément Martin. La démarche historique face à la vérité judiciaire. Juges et historiens. In: Droit et société, n°38, 1998. Vérité historique, vérité judiciaire. pp. 14 et 15, citant notamment Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Seuil, 1996.
[6] Ces droits sont respectivement garantis par les articles 8, 14 et 7 de la Convention et par les articles 1er et 3 du protocole additionnel n°1.
[7] Voir CEDH, Monnat c. Suisse, 21 septembre 2006, n° 73604/01, § 57 ; CEDH, GC, Lehideux et Isorni c. France, 23 septembre 1998, n° 24662/94 , § 47 ; CEDH, 29 juin 2004, Chauvy et autres c. France, n° 64915/01, § 69 ; CEDH, GC, Ždanoka c. Lettonie, 16 mars 2006, n° 58278/00, § 96 ; CEDH, Zhablyanov c. Bulgarie, 27 juin 2023, n° 36658/18, § 116.
[8] CEDH, Dink c. Turquie, 14 septembre 2010, nos 2668/07 e.a., § 135 ; CEDH, Dmitriyevskiy c. Russie, 3 octobre 2017, n° 42168/06, § 106.
[9] CEDH, Kenedi c. Hongrie, 26 mai 2009, n° 31475/05, § 43.
[10] CEDH, Šeks c. Croatie, 3 février 2022, n° 39325/20, §§ 5 et 43.
[11] CEDH, Feldek c. Slovaquie, 17 juillet 2001, n° 29032/95, § 81.
[12] Kenedi c. Hongrie, précité, Legal Summary, arrêt impliquant, outre celle de l’article 10, une violation des articles 6§1 (procès équitable) et 13 (droit au recours effectif) de la Convention. L’affaire concernait un historien, souhaitant publier une étude sur le fonctionnement du service de sécurité de l’État hongrois dans les années 1960, auquel l’accès à certains documents avait été refusé.
[13] CEDH, GC, Hurbain c. Belgique, 4 juillet 2023, n°57292/16, § 180.
[14] Chauvy et autres c. France, Legal Summary et § 69.
[15] Chauvy et autres c. France, précité, §§ 62 à 80, v. not. §§ 69, 76 et 77.
[16] CEDH, 30 mars 2010, Petrenco c. Moldova, n° 20928/05, communiqué de presse de la Cour.
[17] Pour la distinction entre jugement de valeur et déclaration de fait, voir p. ex. le § 126 de l’arrêt de Grande Chambre Morice c. France du 23 avril 2015 (n° 29369/10).
[18] Petrenco c. Moldova, précité, § 65 (les extraits ont été librement traduits par l’auteur).
[19] Petrenco c. Moldova, §§ 66 à 68 (les extraits ont été librement traduits par l’auteur).
[20] CEDH, Giniewski c. France, 31 juin 2006, n° 64016/00, Legal Summary et § 56.
[21] Giniewski c. France, précité, § 24.
[22] Giniewski c. France, précité, §§ 51 et 52.
[23] GC, Hurbain c. Belgique, précité.
[24] GC, Hurbain c. Belgique, précité, Legal Summary et §§ 212 et 255.
[25] CEDH, Dzhugashvili c. Russie, 9 décembre 2014, n° 41123/10, §§ 26 à 35.
[26] CEDH, Putistin c. Ukraine, 21 novembre 2013, n° 16882/03, Legal Summary.
[27] Putistin c. Ukraine, précité, §§ 11 et §§ 37 à 41.
[28] CEDH, E.S. c. Autriche, 25 octobre 2018, n° 38450/12, Legal Summary.
[29] E.S. c. Autriche, précité, Legal Summary, §§ 52, 53, 54, 57 et 58.
[30] Voir, parmi de nombreux exemples, CEDH, Plén., Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, n° 5493/72, § 49 ; CEDH, GC, Stoll c. Suisse, 10 décembre 2007, n° 69698/01, § 101 ; CEDH, GC, Animal Defenders c. Royaume-Uni, 22 avril 2013, n° 48876/08, § 100 ; CEDH, GC, Morice c. France, 23 avril 2015, n° 48876/08, § 124.
[31] GC, Lehideux et Isorni c. France, 23 septembre 1998, n° 24662/94, §§ 9 à 11 et §§ 12 à 21.
[32] Lehideux et Isorni c. France, précité, §§ 47, 48 et 58.
[33] CEDH, Orban et autres c. France, 15 janvier 2009, n° 20985/05, Legal Summary et §§ 6 et 7.
[34] Orban et autres c. France, précité, §§ 46, 49 et 54.
[35] CEDH, Fatullayev c. Azerbaidjan, 22 avril 2010, n° 40984/07, Legal Summary.
[36] Fatullayev c. Azerbaidjan, précité, §§ 87 et 89.
[37] Courant historiographique notamment développé en Italie pendant les années 1970, la « micro-histoire » prend le parti d’examiner la vie d’un individu ou d’une communauté restreinte pour examiner, à travers cet exemple, le contexte plus général. Citons, à titre d’exemples célèbres, Le pouvoir au village, histoire d’un exorciste dans le Piémont du XVIIe siècle de G. Levi (1985) ou Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot d’A. Corbin (1998).
[38] CEDH, Marinoni c. Italie, 18 novembre 2021, n° 27801/12, §§ 74 et 75.
[39] Marinoni c. Italie, précité, §§ 74 à 77.
[40] Marinoni c. Italie, précité, §§ 76 à 81.
[41] CEDH, Karsai c. Hongrie, 1er décembre 2009, n° 5380/07, Legal Summary.
[42] Karsai c. Hongrie, §§ 29 à 38.
[43] CEDH, Genov et Sarbinska c. Bulgarie, 30 novembre 2021, n° 52358/15, Legal Summary, §§ 4 et 84.
[44] Genov et Sarbinska c. Bulgarie, §§ 82 et 84.
[45] CEDH, Feldek c. Slovaquie, 12 juillet 2001, n° 29032/95, Legal Summary.
[46] Les Jeunesses Hlinka constituaient l’organisation de jeunesse du Parti populaire slovaque, nationaliste et proche des nazis. Tout comme la Guarde Hlinka, milice du parti, elles portent le nom d’Andrej Hlinka, ecclésiastique et fondateur du parti, décédé en 1938.
[47] Feldek c. Slovaquie, précité, Legal Summary et §§ 17, 18, 26 et 33 et 34.
[48] Feldek c. Slovaquie, précité, §§ 85, 86 et 90.
[49] Jean-Clément Martin, op. cit., pp. 16 et 17.
[50] V. p. ex. CEDH, GC, Savickis c. Lettonie, 9 juin 2022, n° 49270/11, § 103.
[51] V. p. ex. Lehideux et Isorni, précité, § 47.
[52] Dans l’arrêt Perincek c. Suisse, la grande chambre de la Cour a ainsi dressé un état des lieux des requêtes relatives à l’article 10, portant sur la négation de l’Holocaustes ou d’autres crimes nazis, déclarés « irrecevables » par l’ancienne Commission ou la Cour permanente, dont elle cite dix-sept exemples (CEDH, GC, Perinçek c. Suisse, 15 octobre 2015, n° 27510/08, §§ 209 et 210).
[53] CEDH, Garaudy c. France, 24 juin 2003, n° 65831/01, section « EN DROIT » de la décision, 1. i.
[54] CEDH, Bonnet c. France, 25 janvier 2022, n° 35364/19, voir le communiqué de presse de la Cour et §§ 5 et 53 de la décision.
[55] Bonnet c. France, précité, §§ 47 à 49 et §§ 59 et 60.
[56] CEDH, GC, Perinçek c. Suisse, 15 octobre 2015, n° 27510/08, Legal Summary.
[57] Perinçek c. Suisse, arrêt de 2015 précité, § 102.
[58] Perinçek c. Suisse, arrêt de 2015 précité, n° 27510/08, Legal Summary et §§ 237 à 241 et §§ 274 à 281.
[59] Dans son « Opinion partiellement concordante et partiellement dissidente », la juge Angelika Nussberger a estimé que la violation soulevait « d’importantes questions quant à la cohérence de la jurisprudence de la Cour ». La juge s’interrogeait sur la raison pour laquelle le refus de qualifier de « génocide » les massacres d’Arméniens en Turquie ne pouvait être sanctionné pénalement, alors que des sanctions pénales pour négation de l’Holocauste avaient, pour leur part, été jugées conformes à la Convention.
Dans une opinion dissidente commune, les juges Spielmann, Casadevall, Berro, De Gaetano, Sicilianos, Silvis et Kūris ont, pour leur part, qualifié de « timidité certaine » le choix de la Cour de ne pas trancher « si les massacres et déportations subis par le peuple arménien aux mains de l’Empire ottoman [pouvaient] être qualifiés de génocide au sens que revêt ce terme en droit international »[59]. Ils considéraient, en effet, que cette qualification de génocide relevait de l’évidence et que le génocide arménien était un fait historique clairement établi avant de tempérer leurs propos en considérant que « là [n’était] pas la question » en ce que l’affaire « ne [portait] pas sur la vérité historique, ni sur la qualification juridique des événements de 1915 » mais sur la faculté, pour un État, d’incriminer l’insulte à un peuple victime.
[60] A certains égards, cette approche rappelle la distinction opérée par Pierre Nora dans l’introduction de l’ouvrage collectif Les Lieux de Mémoire (1984 à 1992). Schématiquement, Pierre Nora y oppose l’histoire, discipline factuelle et scientifique, à la mémoire, reconstruction rêvée du passée, chargée d’émotion et de symbolique.
[61] CEDH, GC, Vogt c. Allemagne, 26 septembre 1995, n° 17851/91, §§ 51 et 59.
[62] Perinçek c. Suisse, arrêt de 2015 précité, § 242 Ždanoka, précité, CEDH, Fáber c. Hongrie, 24 juillet 2012, n° 40721/08, § 58, CEDH, Vona c. Hongrie, 9 juillet 2013, n° 35943/10, § 66.
[63] Perinçek c. Suisse, arrêt de 2015 précité, § 220.
[64] Vogt c. Allemagne, précité, § 51.
[65] CEDH, GC, Rekvényi c. Hongrie, 20 mai 1999, n° 25390/94, §§ 41 et 47.
[66] Perinçek c. Suisse, arrêt de 2015 précité, § 243.
[67] Perinçek c. Suisse, arrêt de 2015 précité, § 244.
[68] CEDH, Ignatencu et le Parti communiste roumain c. Roumanie, 5 mai 2020, n° 78635/13, §§ 105 et 106.
[69] Ignatencu et le Parti communiste roumain c. Roumanie, précité, §§ 4, 5, 90, 97, 99, 100, 103 et 106.
[70] CEDH, Le comité d’organisation et d’enregistrement du Parti communiste roumain c. Roumanie, 30 novembre 2021, n° 20401/15.
[71] Entré en vigueur le 1er août 2021, le protocole additionnel n° 15 à la CESDH du 24 juin 2013 introduit dans le préambule de la Convention une mention explicite du principe de subsidiarité et rappelle l’existence d’une marge d’appréciation au profit des États parties.
[72] Handyside c. Royaume-Uni, précité, §§ 47 à 49.
[73] CEDH, GC, Scordino c. Italie (n° 1), 29 mars 2006, n° 36813/97, § 140.
[74]Ždanoka c. Lettonie, précité, §§ 103 et 106 et Legal Summary ; voir aussi CEDH, GC, Hirst c. Royaume-Uni (no 2), 6 octobre 2005, n°74025/01, § 61.
[75] Ždanoka c. Lettonie, précité, §§ 121, 132 et 133.
[76] Savickis et autres c. Lettonie, précité, Legal Summary et §§ 211, 216, 220 et 221.
[77] Broniowski c. Pologne, précité, §§ 162, 181, 183 et 187. Voir infra pour un résumé des faits de l’espèce.
[78] CEDH, GC, Jahn et autres c. Allemagne, 30 juin 2005, nos 46720/99 16 e.a., §§ 116 et 117.
[79] CEDH, Zhablyanov c. Bulgarie, précité, § 127.
[80] CEDH, Dimici c. Turquie, 5 juillet 2022, n° 70133/16, Legal Summary et §§ 139, 145 et 149.
[81] CEDH, GC, Vasiliauskas c. Lituanie, 20 octobre 2015, n° 35343/05, § 160 ; Savickis et autres c. Lettonie, précité, § 102.
[82] Chauvy c. France, précité, § 70 ; Lehideux et Isorni c. France, précité, § 51 ; Ždanoka c. Lettonie, précité, § 96.
[83] Chauvy c. France, précité, § 96.
[84] Vasiliauskas c. Lituanie, précité, Legal Summary, § 179.
[85] Broniowski c. Pologne, précité, § 81. L’affaire concernait la faculté offerte, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à plusieurs dizaines de milliers « rapatriés des territoires au-delà [de la rivière] Boug », d’être indemnisés pour les biens immobiliers qu’ils avaient dû abandonner. Ils pouvaient, pour ce faire, déduire la valeur des biens abandonnés du prix d’achat ou d’usage perpétuel de biens appartenant à l’État. Le stock de ces biens fut toutefois drastiquement réduit entre 1990 et 2001, conduisant la cour constitutionnelle polonaise à qualifier, en 2002, d’illusoire le « droit à être crédité ». Après un moratoire sur les ventes aux enchères, une loi avait finalement prévu en 2003 que les obligations de l’État envers les rapatriés ou leurs descendants devaient être considérées comme remplies. La Cour estima qu’en rendant le droit à l’indemnisation inexécutable et inutilisable dans la réalité, les autorités en avait détruit d’essence même, en violation de l’article 1er du Protocole additionnel n°1, qui protège le droit de propriété.
[86] Vasiliauskas c. Lituanie, précité, § 126 et 127.
[87] Vasiliauskas c. Lituanie, précité, §§ 163 et 164.
[88] Kononov c. Lettonie, précité, Legal Summary, et §§ 21 à 24.
[89] Kononov c. Lettonie, précité, §§ 15 à 20, puis not. §§ 214 et s.
[90] Fatullayev c. Azerbaidjan, précité, §§ 59 à 62 (les extraits ont été librement traduits par l’auteur).
[91] L’affaire concernait la révocation d’un vice-président du parlement national en raison de propos et d’attitudes irrespectueuses qui justifiaient l’action du Parti communiste bulgare, qui avait dirigé le pays de 1948 jusqu’à la chute du régime communiste. Il avait notamment interrompu une minute de silence à la mémoire des victimes du régime communiste et justifié l’existence d’un « tribunal populaire » institué dès 1944. La Cour écarta la violation de l’article 10, notamment au vu de l’histoire de la Bulgarie. V. not. §§ 126 à 130.
[92] Zhablyanov c. Bulgarie, précité, § 74.
[93] Résolution de l’APCE n° 1481 du 25 janvier 2006, §§ 5, 6, 7 et 14. Voir notamment les deux paragraphes reproduits ci-dessous :
« 7. L’Assemblée est convaincue qu’une prise de conscience de l’Histoire est l’une des conditions à remplir pour éviter que des crimes similaires se reproduisent à l’avenir. En outre, le jugement moral et la condamnation des crimes commis jouent un rôle important dans l’éducation des jeunes générations. Une position claire de la communauté internationale quant à ce passé peut leur servir de référence pour leur action future. »
« 14. L’Assemblée estime que la clarté de cette position adoptée par la communauté internationale favorisera la poursuite de la réconciliation. En outre, il faut espérer qu’elle encouragera les historiens du monde entier à continuer leurs recherches visant à établir et à vérifier objectivement le déroulement des faits. »
[94] Savickis et autres c. Lettonie, précité, §§ 84 et 85.
[95] Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe.
[96] Le parti des Croix fléchées était un mouvement nationaliste pronazis, actif sous ce nom de 1939 à 1945 en Hongrie et au pouvoir d’octobre 1944 à avril 1945. Ce parti utilisait un décorum se rapprochant de l’iconographie nazie, en particulier une croix fléchée verte sur fond blanc et rouge.
[97] Vona c. Hongrie, précité, Legal Summary, §§ 26 à 28 et §§ 71 et 72.
[98] Vona c. Hongrie, précité, § 14.
[99] Les rayures Árpád sont un élément iconographique traditionnel de l’héraldique hongroise remontant au XIIIème siècle. L’usage des rayures Árpád est parfois considéré comme connoté, dès lors que le mouvement des Croix fléchées les avait apposées sur son drapeau.
[100] Fáber c. Hongrie, précité, Legal Summary, §§ 46, 47, 50, 52 et 59.
[101] Vasiliauskas c. Lituanie, précité, §§ 147 et 148.
[102] Kononov c. Lettonie, précité, Legal Summary, §§ 32 à 38 et 160.
[103] Quatrième Convention et Règlement de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, définition commentée par la Cour aux §§ 85 à 91 de l’arrêt Kononov et utilisé aux §§ 200 à 220.
[104] G. Mettraux, « US Courts-Martial and the Armed Conflict in the Philippines (1899-1902): Their Contribution to the National Case Law on War Crimes », Journal of International Criminal Justice 1, 2003.
[105] T. Meron, « Reflections on the Prosecution of War Crimes by International Tribunals », American Journal of International Law, vol.100, 2006.
[106] Kononov c. Lettonie, précité, § 209.
[107] H. Lauterpacht, « The Law of Nations and the Punishment of War Crimes », British Yearbook of International Law, 1944.
[108] H. Kelsen, « The rule against Ex Post Facto Laws and the Prosecution of the Axis War Criminals », The Judge Advocate Journal 2, 1945.
[109] Kononov c. Lettonie, précité, § 207.
[110] Déclaration formulée, au début de l’année 1942, lors d’une conférence interalliée à Londres, par les représentants de neufs gouvernements en exil de pays occupés par les forces de l’Axe, envisageant la création de futures juridictions internationales. Son contenu est évoqué au § 104 de l’arrêt Kononov.
[111] Kononov c. Lettonie, précité, §§ 203, 207, 208 et 215.
[112] 1. La Convention pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne (« la Convention de Genève de 1864 ») / 53. La première Convention de Genève (ultérieurement remplacée) énonçait les normes minimales applicables aux « militaires blessés ou malades », qui devaient être « recueillis et soignés », sans distinction de nationalité. / 2. La Convention pour l’amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne (« la Convention de Genève de 1906 »).
[113] Kononov c. Lettonie, précité, §§ 207 et 216 à 220.
[114] Kononov c. Lettonie, précité, §§ 66, 207 et 218.
[115] Kononov c. Lettonie, précité, Legal Summary et §§ 227 et 246.
[116] Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.
[117] Vasiliauskas c. Lituanie, précité, Legal Summary.
[118] Vasiliauskas c. Lituanie, précité, Legal Summary et §§ 162, 166, 167 et 168.
[119] Vasiliauskas c. Lituanie, précité, §§170 173, 174, 175 et 191. La Grande Chambre se détermina, sur la violation, à neuf voix contre huit. L’arrêt donna lieu à cinq opinions dissidentes. Il y fut qualifié de « déplorable » par le juge Kūris, élu au titre de la Lituanie.
[120] Marc Bloch, op. cit., p. 127.