Le redéploiement de la dignité
Par Mustapha Afroukh, Maître de conférences en droit public à l’Université de Montpellier (IDEDH, EA 3976 : UR_UM205) et Jean-Pierre Marguénaud, Agrégé des facultés de droit (IDEDH, EA 3976 : UR_UM205)
Il y a un peu plus d’un an, nous avons commenté l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 25 octobre 2019, qui a catégoriquement refusé d’ériger la dignité humaine en fondement autonome des restrictions à la liberté d’expression, sous l’intitulé peut-être un peu provocateur « La dignité reléguée en deuxième division » 1. Un an plus tard, il y a quelques semaines, nous avons aussi apporté notre contribution à l’étude des fortes conséquences nationales provoquées par l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 30 janvier 2020 J.M B. c/ France 2qui a favorisé une remarquable entente des juges contre l’indignité des conditions de détention provisoire 3. La question a donc pu se poser de savoir si notre participation au colloque organisé à Montpellier le 29 avril 2021 autour de la saga J.M.B. sur « les conditions d’incarcération sous le contrôle des juges : éléments d’actualité », ne devait pas être l’occasion de manger publiquement notre chapeau et de reconnaître, sportivement, que la dignité que nous venions de renvoyer si peu charitablement dans les cordes avait vite trouvé le moyen de prendre sa revanche.
Revanche, n’est pas le mot adapté à la situation. Puisque la dignité a été placée au cœur du problème gravissime et pour ainsi dire systémique des conditions de détention par la Cour européenne des droits de l’homme, c’est, en effet de redéploiement qu’il s’agit. Pour mieux s’en rendre compte, il faut se souvenir que, à s’en tenir au texte de la Convention, la dignité n’est pas en deuxième division, elle n’est même pas dans le match, pas même sur le banc de touche. C’est d’ailleurs une question qui est rarement abordée et qu’il faudra bien tenter de résoudre un jour dans un autre colloque réunissant droit-de-l’hommistes – dénonimation qui fait plus d’honneur que d’injure- et des historiens du droit : comment se fait-il que les rédacteurs de la Convention signée le 4 novembre 1950 qui venaient d’échapper de justesse à l’horreur de la barbarie nazie n’aient pas utilisé une seule fois le mot dignité alors pourtant que, deux ans plus tôt, le 10 décembre 1948, ceux de la Déclaration universelle des droits de l’homme avaient pris soin de l’inscrire à la première ligne de la première phrase de son Préambule ? Comment se fait-il que ce silence glacial n’ait été brisé que par le Préambule du Protocole n°13 du 3 mai 2002, dit Protocole de Vilnius, relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances ? Tant que ce mystère n’aura pas été levé tout débat relatif à la dignité en droit européen des droits de l’homme sera un peu faussé. Toujours est-il que, à s’en tenir au texte de la Convention de 1950, elle ne serait rien. C’est seulement la jurisprudence évolutive de la Cour européenne des droits de l’homme qui lui a permis de jouer un rôle majeur.
C’est, semble-t-il, à partir de son arrêt Tyrer c/ Royaume-Uni du 25 avril 1978 (§ 33) relatif aux châtiments corporels infligés aux écoliers de l’île de Man qu’elle lui a ouvert la porte en affirmant que la protection de la dignité et de l’intégrité physique de la persone figurent parmi les buts principaux de l’article 3. Ce sont surtout ses arrêts historiques C.R et S.W. c/ Royaume-Uni du 22 novembre 1995 (§ 44), admettant au regard de l’article 7 la répression du viol entre époux, qui lui ont réservé la place d’honneur en proclamant que l’essence même de la Convention est le respect de la dignité et de la liberté humaines. Depuis, naviguant entre les deux, elle a alterné les arrêts où elle a mis de la dignité là où presque personne ne l’attendait 4 ; a oublié d’en mettre là où tout le monde croyait qu’il en fallait 5. Il est même advenu quelquefois qu’elle en ait mis où il convenait 6. Dans ces conditions un peu débridées, la dignité aux couleurs de la Cour de Strasbourg s’est vite fondue avec celle mobilisée par le Conseil d’État dans la trop célèbre affaire dite du lancer de nain 7et par la Cour de Luxembourg dans celle de l’exploitation commerciale de jeux de simulation d’actes homicides 8pour nourrir un sempiternel débat où, de dignité subjective en dignité objective, de dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine en dignité humaine, d’axiome du droit en principe à valeur constitutionnelle, on a à peu près tout dit. Au point, peut-être d’oublier l’essentiel.
L’essentiel , on le trouve sous la plume d’un éminent auteur dont le nom mérite d’être gravé dans les mémoires, Jacques Mourgeon, qui dans la 8ème édition de son « Que sais-je » sur les droits de l’homme a écrit : « Contrairement à celle de liberté qui entraîne dans sa dynamique des conséquences l’amplifiant, une notion aussi abstraite que celle de dignité ne peut que se révéler inconsistante, n’ayant pour substance que ce que l’on veut y mettre et pas nécessairement des prolongements logiques à l’avantage de l’homme, qu’elle peut servir si l’on en fait la source de revendications et de droits, comme asservir si l’on en fait le motif de limitations et de privations » 9.
La dignité est donc essentiellement ambivalente : elle peut tout aussi bien asservir l’homme que le servir. Monsieur Manuel Wackenheim, obligé par la splendide rectitude morale de l’arrêt Commune de Morsang-sur-Orge à se réhabituer à vivre du RMI et du RSA, dont on a tellement parlé à son corps défendant, n’a peut-être pas été assez souvent invité à venir dire lui-même dans les colloques combien la distinction de Jacques Mourgeon est pertinente et à quel point la dignité a pu l’asservir en lui imposant des limitations et des privations tout en lui faisant comprendre au passage qu’il n’était décidément trop petit pour prendre dignement ses affaires en mains. Il reste que, comme l’a également bien vu l’éminent auteur toulousain, la dignité peut aussi servir en tant que source de revendications et de droits. Elle peut être également un puissant levier pour aider celles et ceux que les circonstances économiques et sociales ont précipité au bas de l’échelle de l’indignité à accrocher le dernier barreau qui leur permettra de remonter à la surface. Nul ne pourra reprocher aux auteurs soussignés, qui se sont réjouis de voir la dignité reléguée en seconde division, d’avoir aussi récusé cette dignité au service des plus vulnérables. Le plus âgé d’entre eux a, en effet, écrit il y a déjà quelques temps que « là où le concept de dignité peut trouver toute son utilité, c’est pour faire remonter les gens qui sont au fond de l’échelle sociale. Là [ ] la dignité peut être un concept extrêmement pertinent pour justifier davantage d’obligations positives au sens de la jurisprudence européenne, de droits sociaux, de droits créance : la dignité a un rôle majeur à jouer dans les années et les décennies à venir sur ce terrain où vont se concentrer la plupart des enjeux du XXIème siècle » 10.
Ce n’est donc pas la revanche de la dignité qu’il faut constater mais son redéploiement, vivement souhaité sinon pronostiqué, vers les espaces très nombreux si l’on veut bien ouvrir les yeux, où, débarrassée du faux nez de la morale, elle peut rendre aux plus vulnérables les plus signalés services.
Or, ce redéploiement, ou plutôt de ce re- déploiement car il ne faut pas oublier que la Cour de Strasbourg a d’abord mobilisé la dignité au soutien des enfants institutionnellement battus et des femmes légalement violées, s’est remarquablement intensifié en quelques mois. Trois exemples en attestent plus particulièrement. Le premier vient de l’arrêt Hudorovic c/Slovénie du 10 mars 2020 (n°24816/14). Il a été rendu à la requête de membres de la communauté roms relégués dans des campements où ils vivaient dans des cabanes en bois dépourvues de canalisations d’eau et de tout-à-l’égout. Admettant que l’eau est un élément nécessaire à la survie de l’espèce humaine, la Cour en tire la conséquence remarquable que l’absence persistante, sur le long terme, d’un accès à l’eau peut avoir des conséquences néfastes sur la santé et la dignité humaine et porter effectivement atteinte à un domaine essentiel de la vie privée et de la jouissance d’un domicile. Aussi ne peut-elle exclure que pareille situation fasse naître à la charge de l’État des obligations positives découlant de l’article 8. La dignité aura donc aidé à amorcer un droit, concret et effectif, d’accès à l’eau ; ce qui n’est quand même pas tout à fait rien… Le second est tiré du récent arrêt Lacatus c/ Suisse du 19 janvier 2021 (14065/15) où la Cour estime que, la requérante se trouvant dans une situation de vulnérabilité manifeste, avait le droit inhérent à la dignité humaine de pouvoir exprimer sa détresse et d’essayer de remédier à ses besoins par la mendicité. Ainsi, grâce à la dignité, la Cour a-t-elle fourni un effort aussi décisif que spectaculaire pour invalider la célèbre formule de Pierre-Henri Imbert « Droits des pauvres, pauvres droits ». Le troisième, on s’en doutait, a été apporté par l’arrêt J.M.B. dont les prolongements illustrent de manière parfaitement pédagogique la technique de redéploiement de la dignité. Celui-ci est tout à la fois spectaculaire (I) et équivoque (II).
I – UN REDEPLOIEMENT SPECTACULAIRE
De quelque côté qu’on se tourne, le redéploiement apparaît spectaculaire. En premier lieu, d’un point de vue macrojuridique, le maniement de la dignité dans la saga J.M.B contraste en effet avec la relativisation dont il fait l’objet ces dernières années dans les jurisprudences administrative, constitutionnelle et judiciaire (A). En second lieu, sur la question particulière des conditions de détention, cette saga innove sur plusieurs points et approfondit un dialogue déjà perceptible mais qui était jusqu’ici ponctuel et limité (B).
A. Contraste avec un contexte général marqué par une relativisation du principe
L’entrée en scène contentieuse du principe et son parcours accompli depuis lors sont trop connus pour avoir à y revenir. Il suffit de relever qu’en deux années (1994/1995), les juges français ont grandement contribué à transformer le concept en notion juridique : grâce au Conseil constitutionnel, il accède en effet au rang de principe à valeur constitutionnelle 11et le Conseil d’Etat dans son arrêt Morsang-sur-Orge l’insère dans la notion d’ordre public en matière de police administrative. De cette consécration spectaculaire, d’aucuns en ont déduit, peut-être de façon excessive 12, que le principe de dignité ne peut qu’être absolu ou ne pas être. D’ailleurs, dans ses conclusions sous l’affaire Morsang sur-Orge (préc.), le commissaire du gouvernement Patrick Frydmann soulignait, en s’appuyant sur l’intangibilité de droit protégé à l’article 3 de la Convention européenne, que « le respect de la dignité de la personne humaine, concept absolu s’il en est, ne saurait en effet s’accommoder de quelconques concessions en fonction des appréciations subjectives que chacun peut porter à son sujet ». La singularité du principe serait de ne pas être soumis au jeu, relatif par nature, de la conciliation des droits et libertés. Il s’agit ici de mettre en exergue le fait que, contrairement à ce que ces solutions ont pu laisser accroire, les jurisprudences administrative, constitutionnelle et judiciaire ont plutôt relativisé la vocation hiérarchisante du principe de dignité. Cette relativisation de la dignité peut être illustrée par trois cas de figure.
1/ Utilisation parcimonieuse.
La jurisprudence administrative est marquée par une utilisation parcimonieuse du principe de dignité. Il faut constater, en premier lieu, que la jurisprudence Morsang-sur-Orge n’a pas connu une grande postérité, le Conseil d’Etat ayant progressivement pris ses distances avec le principe à tel point que l’on a pu de demander s’il était toujours une composante de l’ordre public. Que l’on songe notamment à l’étude rendue par le Conseil d’Etat en 2010 relative aux possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral 13. A l’argument selon lequel la dignité pouvait fonder une interdiction générale du voile intégral dans l’espace public sur une logique pas si éloignée de celle qui était au cœur de l’affaire Morsang-sur-Orge, les juges du Palais Royal opposent à juste titre le caractère équivoque du principe et surtout la montée en puissance de sa dimension subjective (autonomie personnelle) depuis le célèbre et controversé arrêt KA et AD c. Belgique de la Cour européenne des droits de l’homme 14. La conclusion est sans appel : « le fondement de la sauvegarde de la dignité est donc discutable juridiquement eu égard à la variété des circonstances prises en compte, en particulier dans le cas où le port du voile intégral résulte de la volonté délibérée d’une personne majeure ». La comparaison avec l’affaire du Lancer de nains est instructive, le Conseil d’Etat récusant ici toute idée de protection de l’individu contre soi-même. Surtout, depuis 1995, aucune solution contentieuse ne s’est appuyée sur la garantie objective de la dignité. En second lieu, de façon générale, le principe est peu mobilisé par le juge administratif dans le cadre du contrôle des mesures de police administrative 15. Alors certes, la décision Dieudonné 16semble avoir donné une seconde naissance au principe de dignité comme composante de l’ordre public, sans que l’absence de troubles matériels à l’ordre public ne relativise la fermeté du juge administratif. Mais on y verra davantage une jurisprudence d’exception liée à des circonstances elles-mêmes exceptionnelles 17. La référence à des propos attentatoires à la dignité de la personne humaine confirme cependant, à l’unisson de la jurisprudence européenne, que ce principe « opère comme une limite face à l’exercice abusif des droits » 18. Semblable fonction de la dignité connaît une montée en puissance dans la jurisprudence européenne à la faveur d’un recours de plus en plus fréquent à la clause guillotine de l’article 17 sur l’interdiction de l’abus de droit.
Dans la jurisprudence judiciaire, le principe n’est pas exclu du jeu des conflits de droits, loin s’en faut.
2/ Conciliation.
Alors certes, la Cour de cassation a pu donner l’impression, dans le domaine des conflits entre la liberté de la presse et le droit à l’image notamment, qu’elle érigeait la dignité en limite absolue à l’exercice de la liberté d’expression. La jurisprudence visée est ici connue : « la liberté de communication des informations autorise la publication d’images des personnes impliquées dans un événement, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine » 19. Reste que ce principe est lui-même incertain et aléatoire. Primo, il revient aux juges d’apprécier l’atteinte à la dignité humaine et sur ce point de grandes incohérences ont pu être relevées 20. Secundo, le moins que l’on puisse dire est que les arrêts retenant une telle atteinte ne sont pas légion. Dans ses conclusions sur l’arrêt d’Assemblée plénière du 25 octobre 2019, l’avocat général M. Desportes reconnaît d’ailleurs que « la première Chambre civile veille (…) à enserrer la notion d’atteinte à la dignité humaine dans de strictes limites » à travers le critère de « recherche de sensationnel ». Qui plus est, l’arrêt rendu par la 1ère chambre civile le 26 septembre 2018 jugeant que « le principe du respect de la dignité de la personne humaine édicté par l’article 16 du code civil est un principe à valeur constitutionnelle dont il incombe au juge de faire application pour trancher le litige qui lui est soumis » n’y change rien, celle-ci ayant simplement rappelé à l’ordre une cour d’appel qui avait dénié à l’article 16 du code civil toute valeur normative. L’arrêt d’Assemblée plénière du 25 octobre 2019 ne surprend guère, par conséquent, lorsqu’il refuse d’ériger la dignité humaine en limite absolue à l’exercice de la liberté d’expression. Le même constat d’une conciliation de la dignité peut être dressé à propos de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne 21.
Enfin, le Conseil constitutionnel est lui dans une stratégie d’évitement du principe.
3/ Evitement.
Depuis 1994, le Conseil constitutionnel a été saisi à de nombreuses reprises de l’argument d’une atteinte au principe constitutionnel de dignité. Et si celui-ci n’a pas hésité à étendre son champ d’application à de nombreux domaines 22, il n’a jamais, jusqu’à la décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, censuré une disposition législative au nom de la dignité. Le principe est soigneusement évité avec la volonté d’en dire le moins possible. Ainsi, sur les questions sensibles (début et fin de vie, questions bioéthiques…), le Conseil préfère se retrancher derrière son « tottem anti-gouvernement des juges avec la formule selon laquelle il ne dispose pas d’une pouvoir général d’appréciation identique à celui du Parlement » 23. La référence aux garanties in abstracto prévues par la loi est une autre une manifestation de cette stratégie d’évitement 24. De surcroît, il ressort clairement de la jurisprudence du Conseil que la conciliation de la dignité avec d’autres principes à valeur constitutionnelle n’est pas exclue. C’est ce dont témoignent les nombreuses décisions où le principe a été concilié avec la prévention des atteintes à l’ordre public. La décision IVG II en constitue également une illustration instructive, le Conseil ayant concilié la dignité humaine, rattaché au droit à la vie du fœtus, à liberté de la femme qui découle de l’article 2 de la DDHC 25. En somme, il est possible d’avancer sans grands risques que si les juges de la rue Montpensier ont souvent flirté avec la dignité, ils n’ont jamais consommé.
Par où l’on voit que la saga J.M.B, focalisée sur le respect du principe de dignité considéré comme absolu, contraste avec cette appréhension très relative du principe de dignité. Le redéploiement se situe également à un niveau microjuridique, à savoir sur la question particulière des conditions de détention. Car le dialogue ponctuel et limité a laissé place à une entente des juges contre l’indignité des conditions de détention.
B. Approfondissement du dialogue sur la question particulière des conditions de détention
1/ Du dialogue ponctuel avec le Conseil d’Etat au constat de l’ineffectivité du référé-liberté. Le domaine pénitentiaire a été au cœur d’un dialogue très fécond entre le Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme dans les années 2000. Il suffit de relever l’évolution de la jurisprudence administrative sur le contrôle des mesures prises par l’administration pénitentiaire à l’égard des détenus ou bien encore la question des fouilles corporelles. On s’arrêtera sur une affaire en particulier : l’arrêt Section française de l’OIP (17 décembre 2008, Rec. 463) où était reproché au ministre de la Justice d’avoir refusé de doter l’ensemble des cellules de matelas revêtus d’une housse ignifugée inamovible afin de prévenir des risques d’incendie. La lecture des conclusions de Mattias Guyomar éclaire très nettement la prise de position du Conseil d’Etat. Le Rapporteur public s’appuie sur la thèse de B. Pastre-Belda (Les droits de l’homme des personnes privées de liberté. Contribution à l’étude du pouvoir normatif de la Cour européenne des droits de l’homme) et les arrêts fondateurs de la juridiction strasbourgeoise. En l’espèce, le Conseil d’Etat déduit de l’article 2 de la Convention européenne une obligation de prendre les mesures propres à protéger la vie des détenus. Reste que les réponses apportées par le juge administratif sur le terrain du référé-liberté demeuraient insuffisantes. En 2015, dans son arrêt Yengo c. France, la Cour de Strasbourg a estimé que si le référé-liberté ne constitue pas une voie de droit effective au sens de l’article 13 en ce qu’elle ne permet pas d’obtenir rapidement la cessation de mauvaises conditions de détention ou l’amélioration de celles-ci, ce constat apparaît daté depuis l’ordonnance du Conseil d’État du 22 décembre 2012 qui ordonne sur le fondement des articles 2 et 3 de la Convention des mesures pour remédier à l’insalubrité prévalant dans le centre pénitentiaire des Baumettes 26. Dans cette ordonnance, le droit protégé à l’article 3 de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants a été identifié comme une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
La particularité de l’affaire J.M.B est que les faits en cause se sont déroulés alors que cette évolution jurisprudentielle avait déjà produit ses effets. Sans nier cette évolution favorable de la jurisprudence administrative, la Cour estime que le référé-liberté n’a pas le caractère d’un recours préventif effectif, pour faire cesser le risque de traitements inhumains et dégradants créé par le problème structurel de surpopulation carcérale. Parmi les mesures générales indiquées par la Cour au titre de l’article 46 de la Convention, l’arrêt soulignait la nécessité d’établir un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, en combinaison avec le recours indemnitaire, de redresser la situation dont ils sont victimes et d’empêcher la continuation d’une violation alléguée, ce qui avait conduit par exemple P. Spinosi à qualifier l’arrêt J.M.B. de « quasi-arrêt pilote » 27.
2/ Revirement de jurisprudence de la Cour de cassation justifié par l’arrêt J.M.B.. Alors même que le juge judiciaire n’était pas visé par l’arrêt de la Cour européenne, le 8 juillet 2020 la chambre criminelle de la Cour de cassation abandonne sa jurisprudence arrêtée par un arrêt de principe du 18 septembre 2019 selon lequel une atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention ne saurait constituer un obstacle légal au placement et au maintien en détention provisoire aurait dû la conduire à rejeter le pourvoi. Le point fondamental est qu’elle a abandonné cette jurisprudence pour mieux pouvoir répondre à la recommandation de l’arrêt J.M.B. d’établir un recours préventif permettant, effectivement, aux détenus de redresser la situation dont ils sont victimes et d’empêcher la continuation de la violation alléguée. Le raisonnement retenu est résolument animé d’un esprit de dialogue avec la Cour de Strasbourg, perceptible notamment à travers la réitération de l’affirmation historique des célèbres arrêts de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 15 avril 2011 qui ont reconnu l’autorité interprétative des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Le juge judiciaire a l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant de mettre un terme à la violation de l’article 3 de la Convention européenne, sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires. Dans le même temps, la chambre criminelle transmettait au Conseil constitutionnel une QPC sur les dispositions du Code de procédure pénale qui ne prévoient pas que le juge judiciaire puisse mettre un terme à une atteinte à la dignité de la personne incarcérée résultant de ses conditions matérielles de détention.
3/ Première application positive du principe de dignité par le Conseil constitutionnel. Pour la première fois, le Conseil constitutionnel censure en effet une disposition législative au nom du principe de dignité humaine. Et cette censure inédite prend appui, de façon implicite, sur l’arrêt J.M.B. Car en constatant l’ineffectivité des voies de recours internes, en particulier l’absence de recours devant le juge judiciaire permettant d’obtenir qu’il soit mis fin à des atteintes à la dignité résultant de conditions de sa détention provisoire, le Conseil constitutionnel s’inscrit dans la droite ligne des prises de position de la Cour européenne. L’arrêt J.M.B. n’est pas cité, mais à en croire le commentaire « autorisé » de la QPC, l’influence européenne est clairement revendiquée. Le Conseil suit le contrôle « strasbourgeois » tout en restant fidèle au dialogue sans paroles, qui connaît cependant ici une petite entorse : pour la première fois depuis 2003 dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois, le juge constitutionnel vise « la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », ce qui n’est pas rien.
Pour spectaculaire qu’il soit, ce redéploiement, perceptible à travers son contraste avec la relégation dont faisait l’objet la dignité et la figure de l’arrêt piloté dialogué au cœur de l’arrêt J.M.B., n’en demeure pas moins équivoque.
II – UN REDEPLOIEMENT EQUIVOQUE
D’une part, la question de l’indignité des conditions de détention se prête à l’émergence d’un véritable paradoxe de la proportionnalité (A). D’autre part, compte tenu de la démultiplication de la portée de la dignité, il convient de s’interroger sur la question de savoir si l’on n’assiste pas à une mutation de sa vocation hiérarchisante (B).
A. Un redéploiement tributaire de la proportionnalité ?
1/ Proportionnalité refoulée. Dans le quasi-arrêt pilote J.M.B., outre l’établissement dans un délai indéfini d’un recours préventif, les mesures générales se rapportent aussi à l’amélioration concrète de l’accueil des détenus dans les établissements pénitentiaires. Dans l’arrêt Ananyev c. Russie du 10 janvier 2012, il avait été également énoncé qu’il conviendrait d’établir pour chaque maison d’arrêt une capacité maximale d’accueil, mais justement, cette recommandation dont on imagine qu’elle n’aurait pu être suivie sans engager de coûteux travaux, ne figure pas dans la partie pilote de l’arrêt. Si la Cour, dans les deux cas, s’est abstenue de soumettre à la procédure de l’arrêt pilote les données budgétaires dont dépend au fond, l’éradication de l’indignité pratiquement généralisée des conditions de détention, c’est probablement pour des considérations tenant à la proportionnalité qui, dans sa figure parfois qualifiée d’inversée 28, empêche de mettre à la charge de l’État des mesures pourtant indispensables au respect concret et effectif de certains droits de l’homme, d’une importance démesurée 29.
Aussi, le paradoxe est le suivant : d’un côté, elle se traduit par des atteintes au droit intangible garanti par l’article 3 de la Convention européenne qui sont réfractaires à la moindre justification par le jeu de la proportionnalité ; de l’autre côté, elle ne peut jamais disparaître tout à fait sans la mise en œuvre d’importants travaux que les exigences de la proportionnalité empêchent, pour l’heure d’imposer à l’État. L’arrêt J.M.B. lui-même reflète d’ailleurs ce paradoxe. A l’argument suivant lequel l’administration peut invoquer l’ampleur des travaux à réaliser et leur coût pour faire obstacle au pouvoir d’injonction du juge des référés, la Cour proclame avec la dernière énergie, on l’a vu, qu’une telle approche est incompatible avec le caractère intangible du droit protégé par l’article 3 de la Convention (§ 218 de l’arrêt J.M.B.). Selon le juge européen, « l’État est tenu d’organiser son système pénitentiaire de telle sorte que la dignité des détenus soit respectée ».
Il s’agit bien d’un rappel sans ambiguïté de l’impuissance du principe de proportionnalité à justifier des atteintes au droit intangible garanti par l’article 3 dont les constats de violation s’enchaîneront à perte de vue tant que le problème de la surpopulation ne sera pas réglé. Quant à le résoudre autrement que par des promesses de nouvelles condamnations qui, une fois prononcées, ne coûtent pas très cher, la Cour bat en retraite puisque les recommandations d’amélioration concrète de l’accueil des détenus échappent, comme d’habitude, à la procédure de l’arrêt pilote.
Lorsqu’il est établi que l’indignité des conditions de détention affecte directement la vie d’un détenu, toute prolongation de sa situation individuelle, ne serait-ce que pour quelques jours, est en soi disproportionnée car elle constitue la négation du caractère intangible du droit consacré par l’article 3.Il appartient donc à l’État de trouver les moyens de la faire cesser immédiatement pour se conformer non seulement à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg mais également à l’esprit de la Convention. Cependant, comme le juge du Palais Royal a dû se résoudre à le constater, la plupart des mesures qui pourraient venir à bout de la surpopulation carcérale sont d’ordre structurel et ne peuvent pas être réalisées avec la célérité nécessaire pour empêcher la persistance, par hypothèse disproportionnée, d’une violation d’un droit intangible. Alors, il ne reste plus que la seconde voie ; celle qui se concilie le mieux avec la dignité : la liberté. Elle pourrait prévaloir si, comme la Cour l’a expressément évoqué dans l’arrêt Ananyev, les directeurs de maisons d’arrêt étaient autorisés à refuser d’accueillir un nombre de détenus excédant les capacités de leur établissement. De manière plus concrète et plus réaliste, c’est bien la mise en liberté qui est la solution.
On a beau chercher, on peine à trouver dans le droit européen des droits de l’homme ce qui imposait vraiment cette solution. Aucune décision de la Cour européenne n’a posé le principe selon lequel toute violation de l’article 3 de la Convention devait être sanctionnée par la mise en liberté de la personne concernée. Pourtant, pour elles aussi, la persistance de la détention dans des conditions indignes est une atteinte à un droit intangible qu’aucune considération de proportionnalité ne saurait justifier. C’est pourquoi il ne faut pas exclure catégoriquement leur mise en liberté qui pourrait restaurer leur dignité. Ainsi, dans l’arrêt Ananyev, la Cour a-t-elle avancé que la remise en liberté anticipée des condamnés dont la détention n’apparaîtrait plus nécessaire pourrait être un moyen efficace de lutte contre la surpopulation carcérale. On peut également envisager que, dans les cas où elle constaterait que la condamnation définitive a été prononcée en violation de la Convention, la Cour elle-même demanderait plus souvent la libération dans les plus brefs délais comme elle l’a fait dans le contexte particulier de l’arrêt Assanidzé c. Géorgie du 8 avril 2004 (n°71503/01).
2/ La proportionnalité intégrée. Quelles sont les étapes du raisonnement en cas d’allégations portant sur des conditions de détention qui seraient contraires à l’article 3 de la Convention ? Selon la chambre criminelle, la charge de la preuve pèse sur le requérant qui doit apporter un commencement de preuve de conditions personnelles de détention indignes. Ces éléments doivent être « crédibles, précis et actuels » 30. A partir de là, selon les termes de l’avocate générale, « il faudrait donc que la juridiction (saisie) se livre à un contrôle de proportionnalité. Elle devrait prendre en compte les violations de l’article 3 et leur répercussion sur la personne détenue, sa santé psychique et physique en particulier, pour apprécier, au regard de la gravité des faits et du risque de renouvellement de ceux-ci, si la détention provisoire est néanmoins indispensable ». De prime abord, cette référence à proportionnalité a de quoi surprendre dans le cadre d’un droit intangible.
S’agissant de l’article 3, « la Cour n’a (…), si l’on peut dire, qu’à vérifier si [ce droit a été méconnu] » 31. Contrairement aux droits protégés par les articles 8 à 11, l’atteinte à l’article 3 implique nécessairement sa violation. Mais aussi singulier soit-il, ce droit n’est pas l’abri d’une certaine dose de relativité. Lorsqu’il est saisi d’une requête alléguant une violation de l’article 3, le juge européen doit apprécier si l’acte dénoncé constitue une torture ou un traitement inhumain et dégradant. Il est bien connu que l’appréciation du seuil de gravité exigé est « relative par essence » dépendant de « l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge, de l’état de santé de la victime ». Ce qui n’exclut donc pas l’intervention de la proportionnalité au stade de « la signification descriptive du droit » à savoir « celle qui permet de savoir si les faits de la cause relèvent du champ d’application de la disposition choisie » 32.
Voilà donc que la proportionnalité est acceptée comme un mal nécessaire dans le cadre de l’article 3 avec une réserve néanmoins : le juge ne peut pas prendre en considération des éléments étrangers aux mauvais traitements, ce qui explique le rejet de l’argument relatif à un manque de ressources financières ou d’autres problèmes structurels.
Autre manifestation du caractère équivoque du redéploiement de la dignité, la vocation hiérarchisante de la dignité, censée produire ses effets dans le rapport avec les autres droits, joue au sein même du principe.
B. Une mutation de la vocation hiérarchisante du principe de dignité
Nul ne peut nier la vocation hiérarchisante du principe de dignité. « Réduit à sa plus simple expression, la dignité désigne (…) simplement un principe de hiérarchie qui valorise un élément par opposition à un autre qui n’a pas cette valeur » 33. On lit chez d’autres auteurs la nécessité de dégager une « hiérarchie axiologique » au profit du principe de dignité. C’est dire à quel point la dignité humaine appelle intuitivement la mise en œuvre d’une hiérarchisation des droits. Cependant, depuis bien longtemps, la dignité a perdu de sa superbe dans le cadre de la problématique de la concurrence entre droits fondamentaux. Ce destin tragique de la dignité est le résultat direct de sa juridicisation. Ainsi que l’a écrit P. Martens, « [La dignité humaine] régnait dans le non-droit et devait y rester au risque de perdre sa suprématie : inspiratrice du droit, elle ne pouvait devenir juridique sous peine d’entrer en compétition avec d’autres normes qu’elle est censée surplomber. On la vit d’ailleurs subir de cinglantes défaites » 34.
Or, à bien y regarder, l’on peut se demander si cette hiérarchisation n’affecte pas plutôt le contenu même du principe car « la propagation de la notion conduit à une démultiplication de ces applications et de ces sens » 35. Sa banalisation conduit à une dilution de l’objet. Il importe dès lors de parler de dignité(s) et de distinguer des domaines où elle peut être conciliée et des contentieux où son intangibilité prime. La question des conditions de détention correspond à ce second cas de figure même si des éléments de relativité demeurent. Les juges sont unanimes sur le caractère absolu de la dignité dans le domaine pénitentiaire. C’est ce qu’exprime très clairement l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat Section française de l’observatoire international des prisons (2015) rendue à propos de la surpopulation carcérale à la maison d’arrêt de Nîmes. Au cas d’espèce, sur la question particulière des conditions de détention, le juge des référés se place exclusivement sur le terrain conventionnel et retient comme libertés fondamentales les droits garantis aux articles 2, 3 et 8 de la Convention européenne. Par un considérant de principe, le Conseil d’Etat est venu préciser « les conditions d’intervention [distinctes] du juge des référés » selon qu’il s’agit d’assurer la sauvegarde des droits protégés par les articles 2 et 3, d’une part, du droit protégé par l’article 8, d’autre part, dont le paragraphe 2 prévoit expressément, sous certaines conditions, que des restrictions puissent être apportées à son exercice. Pareillement, même s’il se refuse à reconnaître, comme le demandaient les requérants, un principe constitutionnel de « prohibition des traitements inhumains et dégradants » (§ 6), le Conseil constitutionnel confère une portée absolue au principe de dignité, en phase avec « le caractère intangible du droit protégé par l’article 3 de la Convention » (§ 218). Aussi, la décision du Conseil ne dit-elle mot d’une éventuelle mise en balance du principe de dignité avec d’autres impératifs ou la dangerosité des détenus. Par où l’on voit que ce principe présente une spécificité dans le domaine pénitentiaire, le Conseil constitutionnel n’hésitant pas en revanche à le concilier avec d’autres droits et libertés sur d’autres questions. De surcroît, s’appuyant sur le caractère absolu de l’article 4 de la Charte qui protège la dignité humaine, la Cour de justice a reconnu la possibilité de déroger à l’obligation d’exécuter le mandat d’arrêt européen chaque fois qu’existe un risque réel de traitement inhumain ou dégradant en raison des conditions de détention de la personne concernée dans l’État d’émission 36.
Comme point de départ de ce caractère absolu, il faut bien évidemment se référer à l’intangibilité et à l’absoluité du droit protégé par l’article 3 de la Convention. Une autre hypothèse serait d’expliquer ce régime juridique particulier par le critère de vulnérabilité. Les illustrations de ce lien sont pléthore dans la jurisprudence de la Cour européenne. S’agissant des détenus, la vulnérabilité est inhérente à la privation de liberté. Aussi, le juge européen relève-t-il que « les obligations des Etats contractants prennent une dimension particulière à l’égard des détenus, ceux-ci se trouvant entièrement sous le contrôle des autorités : vu leur vulnérabilité, les autorités ont le devoir de les protéger ». Dans un tout autre domaine, l’interdiction de la mendicité, le récent arrêt Lacatus relève ainsi que « la requérante avait le droit, inhérent à la dignité humaine, de pouvoir exprimer sa détresse et à essayer de remédier à ses besoins par la mendicité ». Sur la même problématique, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a d’ailleurs souligné dans un avis très dense rendu le 4 décembre 2020 que les arrestations pour infraction de vagabondage visent normalement les personnes défavorisées uniquement, « les lois sur le vagabondage qui autorisent ces arrestations sont incompatibles avec le droit à la dignité, tel qu’il est garanti à l’article 5 de la Charte africaine » 37. Sans doute, J. Mourgeon se réjouirait-il de ces utilisations libératrices de la dignité comme vecteur de protection des droits fondamentaux des personnes vulnérables, loin de l’asservissement auquel elle peut conduire lorsqu’elle vise à protéger la personne vulnérable contre elle-même
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Notes:
- M. Afroukh et J.-P. Marguénaud, « La dignité reléguée en deuxième division », Dalloz, 2020, p. 195 ↩
- CEDH, 30 janvier 2020, n°9671/15, J.M. B. et autres c/ France ↩
- M. Afroukh et J-P Marguénaud « Entente des juges contre l’indignité des conditions de détention provisoire : l’avènement de l’arrêt pilote dialogué ? », Dalloz, 2021, p. 432 ↩
- Voir l’arrêt de Grande chambre S. H c/ Autriche du 3 novembre 2011, n° 57813/00 où la Cour a mobilisé la dignité pour justifier qu’un État puisse encore interdire les PMA avec tiers donneur ↩
- Par exemple, l’arrêt de Grande chambre N. c/Royaume-Uni du 27 mai 2008 n° 26565/05, qui a scandaleusement admis l’expulsion de mères de familles étrangères atteintes du sida vers un pays où elles n’auraient plus accès aux médicaments sans le moindre égard pour leur dignité ↩
- On rappellera le très important arrêt de Grande chambre Kudla c/ Pologne du 26 octobre 2000 ( n°30210/96), affirmant que tout prisonnier devait être détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine ↩
- Morsang-sur-Orge, 27 octobre 1995, Rec. p. 372 ↩
- 14 octobre 2004, C- 36/02 Omega Spielhallen-und Automatenaufstellungs-GmbH ↩
- Les droits de l’homme, PUF »Que sais-je ? » 8ème édition 2004 p.62 ↩
- J.-P. Marguénaud, à l’occasion de la controverse organisée à la Faculté de droit de Limoges le 29 février 2008 sur le thème Autonomie personnelle et liberté du consentement, Droits, n° 48, 2008 avec M. Fabre-Magnan, F. Tulkens, M. Levinet ↩
- 27 juillet 1994, décision n° 894-343/344 DC, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale, à la procréation et au diagnostic médical ↩
- Sur le décalage entre la consécration jurisprudentielle de la dignité et sa présentation doctrinale, voir S. Hennette-Vauchez, « Bioéthique et Constitution », B. Mathieu (dir.), AFDC, Cinquantième anniversaire de la Constitution française, Dalloz, 2008, p. 505, spéc. p. 511-513 ↩
- https://www.conseil-etat.fr/ressources/etudes-publications/rapports-etudes/etudes/etude-relative-aux-possibilites-juridiques-d-interdiction-du-port-du-voile-integral ↩
- (17 février 2005, n° 42758/98 et 45558/98 ↩
- Une seule occurrence est à relever : il s’agit de l’affaire de la soupe au cochon, CE, 5 janvier 2007, n° 300311 : l’interdiction d’une distribution de soupe contenant du porc « prend en considération les risques de réactions à ce qui est conçu comme une démonstration susceptible de porter atteinte à la dignité des personnes privées du secours proposé et de causer ainsi des troubles à l’ordre public » ↩
- Conseil d’Etat, 9 janvier 2014, n° 374508. Egalement, CE, 10 janvier 2014, n° 374528 ; CE, 11 janvier 2014, n° 374552 ↩
- Ph. Cossalter, « La dignité humaine en droit public français : l’ultime recours », Revue générale du droit, Etudes et réflexions 2014, numéro 4, p. 15 ↩
- F. Fernandez Segado, « La dignité de la personne en tant que valeur suprême de l’ordre juridique espagnol et en tant que source de tous les droits », RFDC, 2006, n° 67, p. 480. Pour l’auteur, la conséquence est que « toute violation de la dignité personnelle résultant de l’exercice d’un droit fait que cet exercice devient abusif, privant celui qui agit ainsi de toute couverture constitutionnelle et légale » ↩
- Cass. 1ère civ., 20 déc. 2000, pourvoi n° 98-13.875, Bull. civil 2000, I, n° 341 ; 1ère Civ., 20 février 2001, pourvoi n° 98-23.471, Bull. 2001, I, n° 42, précisé ultérieurement Cass. 1ère civ., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-28.813, Bull. 2017, I, n° 76 ↩
- Par exemple, 2ème Civ., 4 novembre 2004, pourvoi n° 03-15.397, Bull., 2004, II, n° 486, obs. A. Lepage, L. Marino – Chr. Bigot, Dalloz, 2005. 2643 ↩
- Alors même que l’explication de l’article premier annexée à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne précise « qu’aucun des droits inscrits dans cette Charte ne peut être utilisé pour porter atteinte à la dignité d’autrui », la Cour de justice, a souligné dans son arrêt Laval du 18 décembre 2007 C-341/05, que le respect de la dignité humaine doit « être concilié avec les exigences relatives aux droits protégés par ledit traité et être conforme au principe de proportionnalité » ↩
- bioéthique, privations de liberté, droit au logement…, voy. https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/la-dignite-de-la-personne-humaine ↩
- D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, LGDJ, 12ème éd., 2020, p. 719 ↩
- Par exemple : la décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 ↩
- 27 juin 2001, n° 2001- 446 DC, Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, Rec. p. 74 ↩
- n° 50494/12, JCP G 2015. 663, obs. M. Afroukh ↩
- « Surpopulation, matelas au sol et crasse : la France condamnée par la justice européenne pour ses prisons », Le Monde, 30 janv. 2020 ↩
- J.-P. Marguénaud, La Cour européenne des droits de l’homme, Dalloz, 7ème éd., 2016 p. 76 ↩
- Arrêt Cossey c. Royaume-Uni, 27 septembre 1990, § 37, n°10843/84 ↩
- La loi n° 2021-843 du 8 avril 2021 (JO 9 avr.) tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention prévoit que le requérant doit présenter des « allégations circonstanciées, personnelles et actuelles » constituant ainsi un commencement de preuve de la réalité de l’indignité de ses conditions de détention, le texte reprenant les exigences posées par la Cour de cassation ↩
- J.-P. Costa, « Le raisonnement juridique de la Cour européenne des droits de l’homme », in O. Pfersmann et G. Timsit (dir.), Raisonnement juridique et interprétation, Publications de la Sorbonne, 2001, p. 126 ↩
- P. Muzny, La technique de proportionnalité et le juge de la Convention européenne des droits de l’homme. Essai sur un instrument nécessaire dans une société démocratique, PUAM, 2005, p. 265. Adde P. Wachsmann, «“Dans le leurre du seuil“, Sur la détermination de l’applicabilité de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme », in Penser le droit à partir de l’individu. Mélanges en l’honneur d’Elisabeth Zoller, Dalloz, 2018, p. 203 ↩
- X. Bioy, « Le concept de dignité », in L. Burgorgue-Larsen (dir), La dignité saisie par le droit, Bruylant, Nemesis, 2010, p. 21 ↩
- Le droit peut-il se passer de Dieu ? Six leçons sur le désenchantement du droit, Presses universitaires de Namur, 2007, p. 130 ↩
- S. Evain, Le principe de sauvegarde de la dignité et le respect de l’identité de la personne humaine en droit public française, thèse dactyl. Université de Cergy-Pontoise, 1999, p. 387 ↩
- CJUE, 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, C-404/15 et C-659/15 PPU, note L. Navel, RAE, 2016/2, p. 275 ↩
- n°001/2018 : compatibilité des lois sur le vagabondage avec la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et avec les autres instruments internationaux des droits de l’homme applicables en Afrique ↩