Un quatrième Sommet du Conseil de l’Europe : pour quoi faire ? (Partie 1)
Anca AILINCAI est Professeure de droit public, Membre de l’Institut universitaire de France (IUF), Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)
Le Conseil de l’Europe a été créé en 1949, pour protéger les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit. C’est en son sein qu’a été adoptée la Convention européenne des droits de l’homme et c’est encore lui qui abrite la Cour éponyme. En dépit de ses précieuses réalisations, il vit aujourd’hui un moment décisif de son histoire. Depuis une bonne décennie, il traverse une période tumultueuse, qui pouvait légitimement laisser craindre qu’il finirait par devenir une organisation qui fut, mais n’est plus. Accablé par le désengagement financier et politique de ses États membres, l’attractivité chancelante des valeurs qu’il défend et le développement de l’Union européenne, le Conseil de l’Europe s’efforçait de mener à bien une vaste réforme pensée pour rehausser son pedigree politique et son impact sur le terrain. La décision de changer d’échelle a enfin été prise en novembre 2022. Un quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement, attendu depuis longtemps mais empêché par des blocages politiques, se réunira les 16 et 17 mai 2023. Il a le potentiel de changer le cours des évènements, en apportant des réponses crédibles aux multiples défis qui se sont accumulés au fil du temps. Il reste à savoir si les chefs d’État et de gouvernement estiment que cette organisation a encore un intérêt.
« L’Europe est menacée, l’Europe est divisée, et la plus grave menace vient de ses divisions […] L’heure est venue d’entreprendre une action qui soit à la mesure du danger […] Entre ce grand péril et cette grande espérance, la vocation de l’Europe se définit clairement. Elle est d’unir ses peuples selon leur vrai génie, qui est celui de la diversité et dans les conditions du vingtième siècle, qui sont celles de la communauté. […] La conquête suprême de l’Europe s’appelle la dignité de l’homme, et sa vraie force est dans la liberté. Tel est l’enjeu final de notre lutte. C’est pour sauver nos libertés acquises, mais aussi pour en élargir le bénéfice à tous les hommes, que nous voulons l’union de notre continent. Sur cette union l’Europe joue son destin et celui de la paix du monde ».
Message aux Européens, adopté à l’unanimité lors de la séance finale du Congrès de l’Europe à La Haye, le 10 mai 1948
En ce printemps 2023, il n’y a aucune exagération à convoquer l’Histoire, à travers les mots du militant fédéraliste suisse Denis de Rougemont, qui a préparé le « Message aux Européens ». Ces mots ont conduit en 1949 à la création du Conseil de l’Europe, dont la mission est de sauvegarder et de promouvoir les valeurs européennes, exprimées à travers le triptyque « droits de l’homme, démocratie et État de droit »[1]. Ils ont encore toute leur pertinence aujourd’hui. Derrière l’unité de circonstance provoquée par l’agression militaire de l’Ukraine par la Fédération de Russie à partir de février 2022, l’Europe se fissure encore une fois et c’est toujours « la plus grave menace ». Pour les chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe, « [l]’heure est [à nouveau] venue d’entreprendre une action qui soit à la mesure du danger ». Tel est l’enjeu du quatrième Sommet du Conseil de l’Europe, qui se réunira les 16 et 17 mai 2023 à Reykjavik, en Islande.
Un Sommet constitue le plus haut niveau politique de réunion des représentants des États membres de cette Organisation. D’ordinaire, la représentation des États est assurée au sein du Comité des Ministres, qui est l’instance de décision du Conseil de l’Europe. Cet organe intergouvernemental se réunit habituellement au niveau des Délégués des Ministres, qui ont rang d’ambassadeurs, et plus occasionnellement à l’échelle des Ministres des affaires étrangères, ce qui se produit lors de la session annuelle du Comité des Ministres. La réunion en Sommet a une dimension autrement plus solennelle. Elle marque la nécessité de donner une impulsion politique forte, voire de redéfinir le rôle de l’Organisation, pour répondre à des enjeux d’ampleur historique. Pour les chefs d’État et de gouvernement il s’agit alors de marquer symboliquement leur intérêt pour l’Organisation et de tracer les grandes orientations politiques et stratégiques qui structureront son avenir.
Alors que les réunions en Sommet sont fréquentes au sein de l’Union européenne, elles sont de nature tout à fait exceptionnelle au Conseil de l’Europe[2]. A ce jour, l’Organisation n’a connu que trois Sommets, mais chacun d’entre eux a généré des évolutions significatives, en particulier dans le domaine des droits de l’homme.
Aucun sommet n’a été organisé durant les quarante-quatre premières années d’existence du Conseil de l’Europe. En 1976, le chancelier autrichien Bruno Kreisky proposait d’instaurer dans cette enceinte une pratique comparable à celle des Conseils européens, qui avait été initiée deux ans plus tôt au sein de la Communauté économique européenne. L’idée a été reprise par le Président français François Mitterrand le 4 mai 1992, dans un discours prononcé devant l’Assemblée parlementaire[3], qui est composée de parlementaires issus des parlements nationaux de chacun des États membres. Le premier Sommet s’est déroulé les 8 et 9 octobre 1993 à Vienne[4]. En réponse à la chute du Mur de Berlin, symbole de la division politique de l’Europe pendant la Guerre froide, les chefs d’État et de gouvernement ont confirmé et amplifié la politique d’élargissement du Conseil de l’Europe à des démocraties naissantes. Dans cette optique, ils ont précisé les critères d’adhésion[5] et ont donné l’impulsion nécessaire pour mettre en place des procédures de contrôle du respect effectif des obligations et engagements souscrits au moment de l’adhésion[6]. L’Organisation s’est vue confier une nouvelle mission, celle de créer un espace paneuropéen commun, visant à assurer la « sécurité démocratique » du continent. Fondée sur les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit, la « sécurité démocratique » ou « sécurité douce » est pensée comme un complément essentiel de la sécurité militaire pour assurer la stabilité et la paix sur le continent européen. Elle deviendra le signe distinctif du Conseil de l’Europe[7].
Ce premier Sommet a par ailleurs approuvé la création d’un organe consultatif représentant les collectivités locales et régionales. Cela a permis de transformer la Conférence européenne des pouvoirs locaux, qui était à l’époque une simple commission de l’Assemblée parlementaire, en un véritable organe du Conseil de l’Europe, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Dans le domaine plus spécifique des droits de l’homme, le Sommet a lancé un processus de réforme visant à accroitre l’effectivité de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) dans le contexte de l’élargissement, a initié la création de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et a décidé de « rédiger à bref délai une Convention-cadre précisant les principes que les États contractants s’engagent à respecter pour assurer la protection des minorités nationales »[8]. Le Protocole n° 11 à la CEDH et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ont été ouverts à la signature dès 1994 ; l’ECRI est devenue opérationnelle la même année[9].
Le deuxième sommet s’est réuni à Strasbourg les 10 et 11 octobre 1997, dans le prolongement de l’adhésion de la Fédération de Russie au Conseil de l’Europe en 1996. Pour renforcer la stabilité démocratique, les chefs d’État de gouvernement ont notamment approuvé la création du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) et du Commissaire aux droits de l’homme[10]. A cette occasion, ils ont par ailleurs chargé « le Comité des Ministres d’entreprendre les réformes structurelles nécessaires pour adapter l’Organisation à ses nouvelles missions et à sa composition élargie et pour améliorer son processus de décision »[11].
Ce processus de réforme a été relancé « à titre urgent et prioritaire » lors du troisième Sommet, organisé les 16 et 17 mai 2005 à Varsovie[12]. Cela a donné lieu, plus tard, à un processus global de réforme, qui est toujours en cours[13]. Ce « Sommet de l’unité européenne » faisait suite à l’adhésion de dix États membres du Conseil de l’Europe à l’Union européenne, mais aussi à la signature du Traité établissant une Constitution pour l’Europe, qui sera adopté, moyennant quelques ajustements, sous la forme du traité de Lisbonne. Il s’agissait alors pour le Conseil de l’Europe d’initier une réflexion hautement stratégique sur sa place dans cette nouvelle architecture européenne. Cet objectif n’a pas été tout à fait satisfait : « les chefs d’État et de gouvernement ne lui ont pas donné de mandat politique ambitieux mais ont juste assuré sa survie »[14].
Ce troisième Sommet a débouché notamment sur un rapport relatif aux relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, soumis en 2006 par Jean-Claude Juncker, alors Premier Ministre du Luxembourg[15]. Ce rapport a été à l’origine du Mémorandum d’accord conclu en 2007 entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Sur un tout autre sujet, le Sommet a permis la création de la Conférence des organisations internationales non-gouvernementales (OING).
Dans le champ des droits de l’homme, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains a été ouverte à la signature à l’occasion de ce troisième Sommet et les chefs d’État et de gouvernement ont lancé une campagne paneuropéenne pour combattre la violence contre les femmes, y compris la violence domestique[16]. Cette campagne, menée entre 2006 et 2008, a mis en lumière la nécessité d’adopter la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). En lien direct avec le vaste processus de réforme qu’ils ont initié, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de mettre en place un Groupe de Sages, chargé d’élaborer une stratégie d’ensemble pour assurer l’efficacité à long terme du mécanisme de contrôle de la CEDH au-delà des mesures prévues par le Protocole n° 14, qu’ils se sont par ailleurs engagés à ratifier[17]. Le rapport du Groupe des Sages, adopté en 2006[18], a semé des graines qui ont en partie germé au cours du processus d’Interlaken[19], dont résultent les Protocoles n° 15 et n° 16 à la Convention européenne des droits de l’homme.
Cette présentation succincte des principaux apports des trois premiers Sommets témoigne de ce qu’ils ont eu pour principal objectif de définir le nouveau rôle du Conseil de l’Europe dans la période post Guerre Froide et de le doter des outils nécessaires pour faire face à la nouvelle réalité de sa composition élargie et d’une Union européenne en expansion. En ce sens, les Sommets antérieurs constituent un miroir de la phase d’élargissement du Conseil de l’Europe, qui a succédé à la période de sa fondation entre 1949 et 1989. Mais le stade de l’élargissement doit désormais être dépassé. Le Conseil de l’Europe doit entrer dans une nouvelle étape de son histoire, qui devrait être celle de la stabilisation démocratique et de l’intériorisation des valeurs qu’il défend. L’objectif doit être d’en faire « non pas un simple groupement d’États, mais une véritable communauté, qui partage des valeurs communes, un ordre juridique commun, une juridiction commune [la Cour européenne des droits de l’homme] »[20]. Bref, l’approfondissement doit succéder à l’élargissement.
Pourtant, l’évolution des dernières années ne laisse pas du tout augurer l’avènement d’une ère de sécurité démocratique. Bien au contraire. Le Conseil de l’Europe est confronté, tout autant que l’Union européenne, si ce n’est plus, à des signaux qui éprouvent l’unité du continent européen et la solidité du projet paneuropéen qu’il incarne. Il traverse une crise multipolaire aux manifestations diverses et variées, qui représentent autant de défis : tentation sécuritaire dans la gestion de la pression migratoire[21], montée de l’euroscepticisme, du nationalisme, du populisme et de la xénophobie, recul des droits de l’homme notamment sous la pression de « mouvements anti droits », déclin démocratique, persistance de conflits plus ou moins gelés créant des zones d’exclusion des droits de l’homme[22], etc.. De plus en plus d’États refusent de mettre en œuvre ses normes et défient ouvertement les valeurs dont il est porteur, au nom de rhétoriques illibérales. L’indépendance de l’appareil judiciaire a été minutieusement déconstruite, en particulier en Hongrie et en Pologne[23]. Des ONG, des opposants politiques, des journalistes et des représentants de la société civile libérale font face à des persécutions politiques, notamment en Hongrie, en Russie, en Azerbaïdjan ou en Turquie[24]. Les droits des femmes subissent les assauts d’une exaltation décomplexée des « valeurs traditionnelles », ce qui a conduit à la dénonciation spectaculaire de la Convention d’Istanbul par la Turquie[25] et suscite des craintes quant à la pérennité du droit à l’avortement[26]. Il ne s’agit là que d’un aperçu lacunaire. Or, malgré un arsenal normatif massif et des organes de contrôle et de suivi dynamiques[27], le Conseil de l’Europe n’a pas été en capacité de mettre un terme, ou tout au moins de freiner, ce recul constant des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit[28], pas plus d’ailleurs que la montée des inégalités socio-économiques. Sa légitimité et sa crédibilité en ressortent affaiblies. Pire encore, les réactions face à de telles dérives peuvent désormais s’avérer contre-productives car « un certain nombre de dirigeants politiques utilisent les critiques relatives aux violations des droits de l’homme et à l’affaiblissement de la démocratie et de l’État de droit comme un moyen d’accroître la polarisation, d’augmenter leur popularité au niveau national et de renforcer leur propre pouvoir. Ce qui était autrefois un handicap et un coût politique est aujourd’hui, dans plusieurs endroits, plutôt considéré comme un avantage et un gain politique »[29]. Bref, l’écart entre l’objectif d’une communauté paneuropéenne de valeurs et la réalité de terrain se creuse. L’Europe change, elle se polarise à nouveau. La crédibilité du Conseil de l’Europe décline. Avec elle, la légitimité du modèle européen de société se fissure.
Surgit alors la question de savoir quel peut être le rôle du Conseil de l’Europe dans cette nouvelle configuration, à supposer toutefois que les États lui trouvent toujours un intérêt. Seule une réunion à l’échelon politique le plus élevé peut apporter une réponse. Un nouveau Sommet du Conseil de l’Europe est donc indispensable. Il faut que les États membres réaffirment sa raison d’être, qu’ils « exprime[nt] clairement leur volonté de continuer de faire partie d’une seule et même communauté » et qu’ils trouvent les moyens de « protéger l’autorité et la crédibilité de l’Organisation »[30]. Les enjeux ne peuvent pas être plus élevés.
En réalité, un nouveau Sommet s’impose déjà depuis longtemps. Dès 2009, l’Assemblée parlementaire lançait un appel en ce sens[31]. Celui-ci a été réitéré à intervalles réguliers depuis[32], mais sans succès. Malgré l’importance des enjeux, le contexte politique n’a pas permis l’organisation d’un quatrième Sommet. Il est devenu manifestement difficile de réunir un consensus politique suffisant des États membres quant à l’impérieuse nécessité de faire prospérer le Conseil de l’Europe, et donc les valeurs européennes. D’ailleurs, l’Organisation a subi un désengagement de ses États membres. En 2003, les sessions semestrielles des Ministres des affaires étrangères sont devenues annuelles. Certains de ces ministres ont même commencé à déserter ces réunions[33], comme si les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit ne méritaient plus un si haut niveau d’implication politique. Ce désengagement politique a été confirmé par l’absence de réaction intergouvernementale visible à l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie en mars 2014. A tel point qu’un rapport d’expertise commandé à la même époque par la Direction de la planification politique estimait que « the Organisation confronts a major political crisis » et alertait sur le fait que « [s]ince its foundation, the picture has never been as bleak »[34]. Le constat était rude, sans concession. Cette crise ne pouvait pas se résorber d’elle-même. Elle s’est donc accentuée. Les signes de fissure se sont multipliés. La célébration du soixante-dixième anniversaire de la CEDH en novembre 2020 a par exemple été entachée par le refus de la Hongrie, de l’Azerbaïdjan et de la Turquie de soutenir la Déclaration d’Athènes, au simple motif qu’elle évoque la Convention d’Istanbul[35].
Il a fallu attendre le retour d’une guerre impérialiste sur le continent européen pour qu’un consensus réapparaisse, tout au moins sur le principe d’un nouveau Sommet. Il faut dire que l’agression armée de l’Ukraine par la Fédération de Russie a acté de façon retentissante l’échec de la mission identitaire de sécurisation démocratique qui avait été confiée au Conseil de l’Europe en 1993, mais aussi le caractère très inachevé du processus d’élargissement post Guerre Froide. En effet, au moment de son adhésion, la Fédération de Russie avait souscrit une longue liste d’engagements, au nombre desquels figurent ceux de « régler les différends internationaux qui subsistent en matière de frontières selon les principes du droit international, en s’en tenant aux traités internationaux existants » et de « dénoncer comme erroné le concept de deux catégories différentes de pays étrangers, qui consiste à traiter certains d’entre eux appelés « pays étrangers proches » comme une zone d’influence spéciale »[36]. Pourtant, la Fédération de Russie a engagé un conflit armé éclair en Géorgie en 2008, elle a illégalement annexé la Crimée en 2014 et soutenait les séparatistes prorusses de l’Est ukrainien depuis lors, sous les yeux complaisants du Comité des Ministres. Ce n’est que le 16 mars 2022 qu’il s’est décidé à exclure la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe[37]. La rapidité du processus d’exclusion signalait un changement radical de l’atmosphère politique. En même temps qu’il a accentué la nécessité d’une réflexion en profondeur sur le rôle du Conseil de l’Europe et l’effectivité de ses outils, ce nouveau contexte a créé les circonstances politiques nécessaires pour que les chefs d’État et de gouvernement s’emparent enfin du sujet. En d’autres termes, l’organisation d’un quatrième Sommet est devenue à la fois inévitable et accessible.
Dès lors, les évènements se sont subitement accélérés. A partir du 26 avril 2022, l’Assemblée a réitéré avec véhémence la recommandation de convoquer un nouveau Sommet[38]. Dès le mois de mai 2022, le Comité des Ministres a « décidé que l’Organisation ne devait pas sortir affaiblie en conséquence de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, mais au contraire renforcée »[39]. Par conséquent, les ministres ont entrepris de « revoir les priorités du Conseil de l’Europe à la lumière de la nouvelle réalité du continent européen » et « d’examiner s’il serait souhaitable d’organiser un 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe »[40]. Un Groupe de réflexion de haut niveau, mis en place en juin 2022, a rendu son rapport en octobre 2022. Ce rapport souligne que « le Conseil de l’Europe […] doit s’adapter pour rester à la hauteur de sa mission. Ses États membres doivent s’engager à nouveau, au plus haut niveau, à respecter les valeurs et les objectifs statutaires de l’Organisation » et ils doivent « définir une vision claire de ce que devrait être le rôle du Conseil de l’Europe dans les années à venir »[41]. A la lumière de ce rapport, les Délégués des Ministres ont convenu, dès le 7 novembre 2022, « qu’un 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe se tiendra sous la Présidence islandaise du Comité des Ministres à Reykjavik, Islande, les 16 et 17 mai 2023 ». Ils ont chargé un « Groupe de travail ad hoc sur le 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe (GT-SOM4) de préparer les résultats du Sommet et les documents correspondants à adopter »[42].
Le caractère très intergouvernemental du processus pourrait susciter des réserves, d’autant qu’il va de pair avec une confidentialité totale des travaux préparatoires. Il tranche nettement avec la méthode participative récemment privilégiée par l’Union européenne. Celle-ci a en effet choisi d’organiser, en 2021-2022, une « Conférence sur l’avenir de l’Europe », pour permettre aux citoyens européens de donner leur avis sur l’avenir de l’Union. La critique mérite toutefois d’être nuancée. D’abord parce que la nature des deux organisations diffère : le Conseil de l’Europe est une organisation de coopération intergouvernementale, tandis que l’Union européenne est une organisation d’intégration. Mais aussi parce que le Conseil de l’Europe a cherché à impliquer la société civile dans l’Organisation du Sommet. Certes, le Comité des Ministres n’a pas retenu la suggestion qui lui était adressée en 2017 d’« organiser, en collaboration avec l’Assemblée parlementaire et le Parlement européen et avant le quatrième Sommet, une discussion sur l’avenir de l’Europe et le rôle du Conseil de l’Europe dans l’architecture politique européenne »[43]. La présidence islandaise du Comité des Ministres, en charge de l’organisation du Sommet, a néanmoins lancé un appel ouvert à contributions dès le 10 novembre 2022, soit trois jours à peine après que la décision d’organiser le Sommet a été prise[44]. Un Sommet de la société civile a par ailleurs été organisé les 28 février et 1er mars 2023 à La Haye[45], en écho symbolique au Congrès organisé dans la même ville 75 ans plus tôt. A tout cela s’ajoutent les contributions de l’Assemblée parlementaire, du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et de la Conférence des OING, ou encore les déclarations de la présidente du Comité européen des droits sociaux et de la Commissaire aux droits de l’homme[46]. Il serait donc excessif de soutenir que l’organisation du Sommet est une affaire exclusivement intergouvernementale, même s’il est vrai que les chefs d’État et de gouvernement conservent une emprise décisive sur l’ordre du jour du Sommet et les décisions qui y seront prises.
La multiplicité des propositions formulées en amont du Sommet témoigne sans conteste d’un degré très élevé d’attente à l’égard des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe. Évidemment, ces attentes se sont accrues au fil du temps, au fur-et-à mesure que la situation se dégradait sans que les circonstances ne permettent la réunion d’un nouveau Sommet. En ce sens, le fait que le Sommet ait été longuement retardé (I) a exacerbé son caractère crucial pour donner un élan régénérateur au Conseil de l’Europe (II).
I- Un Sommet longuement retardé
L’Assemblée parlementaire a été la première à appeler à l’organisation d’un quatrième sommet, dès 2009[47]. Le soutien du Comité des Ministres lui était indispensable pour que sa volonté se concrétise car il est le seul organe habilité à prendre la décision de convoquer un Sommet. Or les relations entre ces deux organes statutaires sont depuis toujours d’une complexité subtile. La source de leurs querelles remonte aux origines mêmes du Conseil de l’Europe. Au Congrès de La Haye de 1948, puis durant les négociations du Statut de l’Organisation, deux conceptions au sujet de la nature de la structure à créer se sont opposées. Les partisans d’un fédéralisme européen plaçaient au centre de l’Organisation une Assemblée parlementaire aux compétences étendues, alors que les adeptes d’une simple coopération intergouvernementale plaidaient pour une Assemblée assujettie aux instructions des États. Le compromis a consisté à créer une assemblée composée de parlementaires indépendants, mais dotée de prérogatives simplement consultatives, tandis que le Comité des Ministres détient l’essentiel du pouvoir de décision. Le Statut ne prévoit que de rares contacts entre ces deux organes, de façon à limiter l’influence de la première sur le second et préserver ainsi l’exclusivité de sa compétence décisionnelle[48]. Or, l’Assemblée n’a eu de cesse de chercher à consolider son autorité vis-à-vis du Comité des Ministres. Cela s’est manifesté notamment par la revendication récurrente d’un droit de regard budgétaire et d’un rôle essentiel dans la détermination de la politique générale du Conseil de l’Europe[49]. La satisfaction, au moins partielle, de ces revendications aurait le mérite d’affaiblir l’impact des États sur le fonctionnement du Conseil de l’Europe, et c’est précisément ce qui pose difficulté.
Cet arrière-plan institutionnel explique les demandes répétées de l’Assemblée d’être étroitement associée à la préparation de tout nouveau Sommet, alors que la responsabilité en incombe essentiellement au Comité des Ministres[50]. Il constitue également l’un des principaux facteurs qui a été mis en avant, du moins publiquement, pour expliquer le défaut de convocation d’un nouveau Sommet avant 2022. En effet, un bras de fer institutionnel a généré un contexte politique longtemps défavorable à l’organisation d’un quatrième Sommet (A). L’apaisement récent des tensions, grâce à des concessions présentées comme réciproques, a permis de lever les obstacles politiques à l’éventualité d’un nouveau Sommet (B).
A- Un contexte politique longtemps défavorable à l’organisation d’un nouveau Sommet
Durant les quinze dernières années, le Comité des Ministres a régulièrement écarté toutes les propositions de convoquer un quatrième Sommet, sans qu’il soit possible d’identifier avec une certitude absolue les raisons profondes de ce refus. A l’évidence, l’idée ne faisait pas consensus en son sein, vraisemblablement pour des raisons objectives dans un premier temps, puis pour des raisons ostensiblement politiques.
Des raisons objectives ont d’abord été invoquées. En 2009, l’Assemblée parlementaire soulignait que « l’efficacité du Conseil de l’Europe et sa place dans l’architecture institutionnelle européenne dépendent essentiellement du degré d’engagement de ses États membres ». Elle « estim[ait] primordial de faire en sorte que cet engagement ne fasse aucun doute et qu’il soit vérifié par des actes concrets », tels que « la tenue, à intervalles réguliers, de sommets […] pour décider des orientations stratégiques »[51]. La suggestion a été réitérée en 2011, « pour donner une nouvelle impulsion politique à l’Organisation, responsabiliser les États membres à son égard et, le cas échéant, redéfinir son rôle actuel »[52].
A l’époque, il a été jugé suffisant de traiter les défis qui pointaient dans le cadre du processus de réforme globale du Conseil de l’Europe, qui avait été timidement relancé par le troisième Sommet. Ce processus a été dynamisé par l’arrivée au poste de Secrétaire général de Thorbjørn Jagland, élu en 2009 précisément pour réformer l’Organisation. Une réforme de grande ampleur, impliquant à la fois des aspects politiques, institutionnels et administratifs, fut alors engagée à compter de janvier 2010. Alors que la première étape de la réforme avait été essentiellement de nature administrative et opérationnelle, la seconde phase engagée en 2011 a inclus un volet politique, centré sur la définition du rôle et des priorités stratégiques de l’Organisation[53]. Dans un contexte de restrictions budgétaires, l’objectif était de rehausser la pertinence politique, l’impact et l’efficacité de l’Organisation, mais aussi sa visibilité politique chancelante. Dès lors, le Comité des Ministres a répondu à l’Assemblée en janvier 2012 qu’il jugeait « opportun d’attendre que la réforme de l’Organisation produise des résultats, avant d’envisager de convoquer un Sommet du Conseil de l’Europe »[54]. Le soutien du Comité des Ministres à l’égard du processus de réforme a donc fait obstacle à la convocation d’un quatrième Sommet, même si on peut penser qu’un échelon politique plus élevé aurait pu donner une impulsion plus déterminante.
La nécessité d’un nouveau Sommet s’est imposée avec une évidence éclatante après l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie en mars 2014. Cette nouvelle entorse aux obligations statutaires et engagements spécifiques que cet État avait souscrits au moment de son adhésion pouvait légitimement laisser craindre une dérive sur laquelle le Conseil de l’Europe n’aurait aucune emprise à défaut d’une réaction politique forte et immédiate pour tenter de l’enrayer. Dans ce nouveau contexte, Thorbjørn Jagland lui-même s’est rapidement rallié à l’idée d’organiser à brève échéance un nouveau Sommet. Selon son analyse en mai 2014, « [d]ix ans après le Sommet de Varsovie en 2005, le concept et le plan d’action adoptés à l’époque ont besoin d’être largement révisés » car « [d]e nouveaux défis internationaux et sociétaux sont apparus ». Bien que « [l]e vaste processus de réforme mené ces dernières années a[it] produit des résultats », « pour que le Conseil de l’Europe soit en mesure de relever efficacement tous ces défis, les États membres doivent à l’évidence décider s’ils sont disposés à donner à l’Organisation les moyens de le faire. Cela suppose un saut qualitatif dans l’engagement politique des États membres au plus haut niveau »[55]. C’était une façon explicite de souligner que la réforme engagée ne saurait suffire pour assurer la viabilité du Conseil de l’Europe.
En l’absence de réaction visible des représentants étatiques à l’annexion de la Crimée, la posture belliqueuse de la Fédération de Russie a fini par provoquer au Conseil de l’Europe une crise à la fois politique, institutionnelle et budgétaire, dont l’intensité sans précédent a créé un contexte de tension extrême. Dans ces circonstances, il est devenu douteux que les chefs d’État et de gouvernement puissent rehausser l’autorité du Conseil de l’Europe. Toutes les initiatives en faveur d’un nouveau Sommet ont en effet buté contre l’obstacle politique d’une crise délétère.
En novembre 2015, la Commission permanente de l’Assemblée parlementaire a adopté la Déclaration de Sofia. Avec une certaine solennité, cette Déclaration soulignait que « les multiples défis politiques auxquels l’Europe est aujourd’hui confrontée […] appellent une réponse commune fondée sur des valeurs et des principes partagés, le dialogue, la confiance et la solidarité. Dans ces moments décisifs, les États membres du Conseil de l’Europe doivent se concentrer sur ce qui les unit, non sur ce qui les divise ; ils doivent éviter d’ériger de nouveaux murs et de créer de nouveaux clivages. A cette fin, et reconnaissant le rôle essentiel que le Conseil de l’Europe peut jouer dans la défense et la promotion de la sécurité démocratique, l’Assemblée parlementaire appelle à la tenue d’un sommet des chefs d’État et de gouvernement afin que les États réaffirment au plus haut niveau politique leur adhésion aux valeurs et aux principes communs de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit prônés par l’Organisation »[56].
La Commission des questions politiques et de la démocratie de l’Assemblée parlementaire fut alors chargée de mener un vaste processus de consultations, en vue de déterminer si l’idée d’un quatrième Sommet reçoit un soutien politique suffisant. Le rapport, préparé par Michele Nicoletti et endossé par l’Assemblée parlementaire en 2017, appelait une nouvelle fois à l’organisation d’un quatrième Sommet, « [a]fin de préserver et de renforcer davantage le projet paneuropéen dans une Europe qui a profondément changé depuis le dernier sommet, tenu à Varsovie »[57].
Grâce au processus de consultations, l’idée paraissait cette fois-ci avoir transpercé la sphère intergouvernementale. Le 11 octobre 2016, le Président français François Hollande a en effet conclu son allocution devant l’Assemblée parlementaire en annonçant que la France organiserait le quatrième Sommet pour « donner [au Conseil de l’Europe] un nouveau cap »[58]. Le Sommet était opportunément programmé pour 2019, année qui coïncidait avec la présidence française du Comité des Ministres et surtout avec le soixante-dixième anniversaire du Conseil de l’Europe.
Les préparatifs ont commencé, mais le projet ne s’est jamais concrétisé. Emmanuel Macron, élu président de la République française en 2017, n’a pas confirmé l’engagement prématurément pris par son prédécesseur. Et pour cause : l’idée ne faisait toujours pas l’objet d’un soutien consensuel au Comité des Ministres. En janvier 2018, ce dernier répondait ainsi à l’Assemblée parlementaire que, avant de prendre une décision quant à la tenue éventuelle d’un nouveau Sommet, il « estime essentiel […] de s’assurer que les conditions politiques sont réunies » pour que les États membres renouvellent leur engagement envers le Conseil de l’Europe et « prennent à cet égard des décisions politiques de premier plan »[59]. La formule laissait clairement entendre à la fois que les circonstances politiques n’étaient pas du tout favorables à l’organisation d’un Sommet, mais aussi et surtout qu’un tel Sommet aurait pu en réalité affaiblir davantage encore le Conseil de l’Europe dans le climat délétère de l’époque.
En l’absence d’un quatrième Sommet en 2019, le soixante-dixième anniversaire du Conseil de l’Europe a été célébré par une simple Déclaration, dans laquelle les Ministres se sont engagés « à renforcer le rôle unique du Conseil de l’Europe comme cadre effectif de coopération paneuropéenne »[60]. Cela a débouché sur une réflexion stratégique quant au rôle à long terme de l’Organisation, qui s’est concrétisée par l’adoption d’un Cadre stratégique lors de la session annuelle de Hambourg, en mai 2021[61].
Les raisons profondes du blocage puisent leurs racines dans le fait que le Comité des Ministres a pris la mauvaise habitude d’adopter ses décisions par consensus[62]. L’opposition d’un seul représentant étatique suffit pour que le processus décisionnel soit bloqué. Or, il semblerait que la Fédération de Russie n’était pas du tout prête à accepter l’organisation d’un quatrième Sommet, en tout cas pas dans le contexte de l’époque. A l’occasion d’un colloque organisé en septembre 2016 par la délégation française auprès de l’Assemblée parlementaire, le représentant permanent russe au Conseil de l’Europe affirmait en effet que, « [a]vant de convoquer un sommet des chefs d’État et de gouvernement, les membres du Conseil de l’Europe doivent retrouver davantage d’unité et définir un ordre du jour commun ». Il ajoutait que la préparation du Sommet « devrait […] éviter […] de reposer sur l’application de deux poids et de deux mesures »[63].
Pour comprendre cette formulation sibylline, il faut se replonger dans un épisode tumultueux de l’histoire récente du Conseil de l’Europe. Suite à l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, l’Assemblée parlementaire a décidé en avril 2014 de suspendre, jusqu’à la fin de la session, le droit de vote de la délégation russe, son droit d’être représentée dans les plus hautes instances de l’Assemblée et son droit de participer à des missions d’observation des élections[64]. Ces sanctions ont été confirmées et élargies en 2015[65]. Alors même que l’Assemblée parlementaire a refusé de couper court au dialogue avec la délégation parlementaire russe et a délibérément décidé en conséquence de ne pas annuler l’intégralité de ses pouvoirs, la Fédération de Russie s’est abstenue, de son propre chef, de soumettre les pouvoirs de sa délégation parlementaire à l’ouverture des sessions ordinaires entre 2016 et 2019[66]. L’Assemblée n’ayant pas été en mesure de valider les pouvoirs de la délégation russe, celle-ci n’a pas pu participer à ses travaux. Dénaturant les faits en prétextant que l’Assemblée a interdit la participation des parlementaires russes en son sein, le Ministère des affaires étrangères russe a dénoncé une inégalité des droits et obligations des États membres et donc une violation du principe d’égalité souveraine des États[67].
Cela peut être compris comme une référence à peine voilée au fait que la Fédération de Russie est le seul État à avoir été sanctionné par l’Assemblée parlementaire dans l’histoire récente de l’Organisation[68]. Cela peut s’expliquer objectivement par le fait que l’Assemblée a accepté l’adhésion précipitée de la Russie au Conseil de l’Europe en 1996 sous la pression du Comité des Ministres[69], mais avec la contrepartie selon laquelle sa délégation parlementaire pourrait être sanctionnée en cas de non-respect des engagements souscrits[70]. Et c’est précisément ce qui s’est passé. Il n’en reste pas moins qu’il était aisé pour la Fédération de Russie de présenter la situation sous l’angle porteur d’une discrimination entre les États membres, si inacceptable qu’elle justifierait sa décision de suspendre à partir de juillet 2017 sa contribution annuelle au budget du Conseil de l’Europe jusqu’à la restauration totale et inconditionnelle de ses droits parlementaires[71].
L’argument avait un potentiel de nuisance d’autant plus élevé que, à la même époque, l’Assemblée parlementaire était largement fragilisée par un scandale éthique, qualifié de « caviargate ». A partir de 2012, des allégations graves de corruption et de conflits d’intérêt, impliquant l’Azerbaïdjan et visant des membres et d’anciens membres de l’Assemblée, ont été rendues publiques par des organisations non gouvernementales et des médias[72]. Ces soupçons ont été en partie confirmés en 2018 par la Commission d’enquête, tardivement désignée par l’Assemblée parlementaire en 2017[73]. L’Assemblée a alors appliqué une politique de tolérance zéro et a adopté des sanctions à l’encontre des quelques membres et anciens membres[74] mis en cause. Il n’empêche que, « jamais au cours de son histoire [elle] ne s’est trouvée dans une situation aussi aiguë de remise en cause de la légitimité de ses actions et décisions et de sa crédibilité politique »[75]. Cet épisode a pu projeter des doutes quant à la fiabilité du mécanisme de suivi parlementaire, et donc quant à la légitimité des sanctions frappant la délégation russe qui en résultaient. Certains des parlementaires dont l’intégrité a été mise en cause faisaient en effet partie, au moment des faits, de la Commission de suivi en charge de cette procédure[76].
Par un contraste radical avec la réaction de l’Assemblée parlementaire, le Comité des Ministres s’est abstenu de tout coup d’éclat et a continué à accueillir complaisamment le représentant russe en son sein. En clair, la Fédération de Russie participait aux travaux du Comité, mais pas à ceux de l’Assemblée. Cette dissonance a fini par provoquer une profonde détérioration des relations entre les deux organes statutaires. De l’avis de Michele Nicoletti, rapporteur de la Commission des questions politiques et de la démocratie de l’Assemblée parlementaire, « ce n’est certainement pas une situation qui peut perdurer si un sommet doit être organisé dans un avenir proche et si nous voulons obtenir des responsables européens un engagement renouvelé vis-à-vis du Conseil de l’Europe »[77]. Comme le relevait l’Assemblée elle-même, « pour être efficace, la préparation du sommet exige le développement de synergies entre tous les secteurs de l’Organisation […] et surtout entre ses deux organes statutaires »[78]. Pour que le Sommet puisse avoir lieu, il fallait donc trouver le moyen d’apaiser les tensions avec le Comité des Ministres que les sanctions de l’Assemblée à l’égard de la Russie avaient provoquées. Cela était d’autant plus indispensable que l’Assemblée tenait à être pleinement associée à la préparation du Sommet[79], dans le droit fil de sa revendication ancienne de participer à la détermination de la politique générale de l’Organisation aux côtés de l’organe intergouvernemental. Or, l’absence de la délégation russe en son sein rendait purement impossible la satisfaction de cette quête de rééquilibrage institutionnel, faute de consensus en ce sens au Comité des Ministres, dans lequel le représentant russe continuait à siéger.
Ces enjeux ont poussé l’Assemblée à « engager, dans le cadre des préparatifs du sommet, une procédure visant à harmoniser, conjointement avec le Comité des Ministres, les règles régissant la participation et la représentation des États membres dans les deux organes statutaires »[80]. A cette fin, le Bureau de l’Assemblée a constitué une Commission ad hoc sur « Le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire », chargée notamment de formuler des propositions quant à la procédure à mettre en place[81]. La réflexion ainsi engagée a finalement permis de lever les obstacles politiques à l’organisation du quatrième Sommet, au prix de concessions réciproques dont le caractère équilibré peut prêter à discussion.
B- Des obstacles politiques surmontés au prix de concessions supposées être réciproques
Bien que les informations publiquement disponibles ne permettent pas de l’affirmer avec certitude, il paraîtrait que la Fédération de Russie ait subordonné son accord à la convocation d’un quatrième Sommet à la réintégration pleine et entière de sa délégation à l’Assemblée parlementaire. Pour obtenir ce résultat, cet État semble avoir exploité habilement la conflictualité des relations entre les deux organes statutaires.
En effet, le bras de fer qu’il a engagé avec l’Assemblée parlementaire s’est rapidement noué autour de la légalité du système de sanctions de cette dernière. L’article 8 du Statut du Conseil de l’Europe stipule que « [t]out membre du Conseil de l’Europe qui enfreint gravement les dispositions de l’article 3 peut être suspendu de son droit de représentation et invité par le Comité des Ministres à se retirer […] » de l’Organisation. Cette disposition peut être interprétée de deux façons. Selon une lecture cumulative, la suspension du droit de représentation constitue une étape préalable à l’exclusion, qui commence par une invitation à se retirer. Selon une interprétation alternative, la procédure de suspension est au contraire indépendante de celle d’exclusion. Dans le premier cas, le Comité des Ministres se voit reconnaître un pouvoir décisionnel exclusif en matière de sanction. Mais, en se fondant vraisemblablement sur la seconde hypothèse, l’Assemblée parlementaire s’est dotée de sanctions qui lui sont spécifiques.
Ses sanctions aboutissent à une suspension, totale ou partielle mais toujours temporaire, de la représentation d’un État en son sein. Elles sont énoncées aux articles 7 à 10 du Règlement de l’Assemblée et visent les délégations nationales dans leur composition globale. Ces sanctions reposent sur le fait que toutes les délégations parlementaires nationales doivent soumettre leurs pouvoirs à l’Assemblée au début de chaque année civile. L’Assemblée doit alors ratifier les pouvoirs, ce qu’elle peut refuser de faire en cas de contestation, pour des raisons formelles (article 7) ou substantielles (article 8). Les raisons substantielles[82] renvoient à « une violation grave des principes fondamentaux du Conseil de l’Europe mentionnés à l’article 3 et dans le préambule du Statut », au « manque de respect persistant des obligations et engagements » ou au « manque de coopération dans le processus de suivi de l’Assemblé » (article 8.2). L’Assemblée a complété son arsenal de sanctions en 1996, concomitamment à l’adhésion de la Russie au Conseil de l’Europe. Elle s’est alors dotée, à l’article 9 de son Règlement, de la possibilité de contester, toujours pour des raisons substantielles mais cette fois-ci dans le courant d’une session ordinaire, les pouvoirs déjà ratifiés d’une délégation nationale[83]. Dans chacune des hypothèses visées aux articles 7 à 9 du Règlement, la contestation des pouvoirs offre à l’Assemblée trois options, listées à l’article 10 : 1/ ratifier ou confirmer les pouvoirs ; 2/ refuser ou annuler en bloc la ratification des pouvoirs ; 3/ accepter que la délégation parlementaire concernée participe à ses travaux – ce qui suppose la ratification de ses pouvoirs -, mais la priver de certains de ses droits de participation et/ou de représentation.
Alors que ce système de sanction n’était pas controversé jusqu’alors[84], les autorités russes ont fait valoir que « [n]ul n’a le droit de priver des parlementaires élus de leurs pouvoirs, si ce n’est leurs électeurs lors d’élections ordinaires »[85]. Elles dénonçaient en particulier la suspension du droit de vote de leur délégation, en ce qu’elle a empêché la Russie de participer à la réélection de Thorbjørn Jagland à la fonction de Secrétaire général en juin 2014, à l’élection de Mme Dunja Mijatović au poste de Commissaire aux droits de l’homme en janvier 2018 et à celle des juges à la Cour européenne des droits de l’homme entre avril 2014 et juin 2019. Remettant indûment en cause la légitimité de toutes ces élections, la Russie refusait de coopérer avec la nouvelle Commissaire aux droits de l’homme et menaçait de ne plus appliquer les arrêts de la Cour européenne[86]. Au motif infondé selon lequel l’Assemblée aurait empêché la représentation de la Russie, les autorités russes soutenaient que « the statutory rights of Russia had been violated »[87]. Selon leur analyse, le Statut du Conseil de l’Europe conférerait à chacun des États membres le droit d’être représenté au sein des deux organes statutaires de l’Organisation. A tort, elles s’estimaient donc fondées à exiger que « all the rights of Russian representatives […] be restored and such conditions in which such a violation of statutory rights will become impossible in the future to be established »[88]. En clair, la Russie imposait la suppression du mécanisme de sanctions de l’Assemblée[89].
Cette argumentation a permis de camoufler le conflit politique derrière une problématique juridique, qui a suscité des divergences profondes, y compris à l’intérieur même de l’Assemblée.
Dans son rapport publié le 28 juin 2018, la Commission ad hoc instituée par le Bureau de l’Assemblée parlementaire a souligné que « la grande majorité des participants [à ses travaux] s’accorde pour maintenir la possibilité pour l’Assemblée de recourir à des sanctions », car « l’institution risque de perdre sa crédibilité et sa légitimité si cette possibilité venait à être restreinte »[90]. Mais la Commission notait aussi qu’« un grand nombre [de participants] remet en cause plusieurs aspects du système actuel qui, dans certains cas, remettent en cause la légitimité et/ou l’efficacité des décisions de l’Assemblée de « sanctionner » des membres des délégations parlementaires nationales pour des raisons substantielles »[91]. La Commission ad hoc recommanda alors au Bureau de saisir la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles de l’Assemblée[92].
Dans un premier rapport rendu public en septembre 2018, cette dernière Commission a procédé à une volte-face. En 2014, elle estimait que « [l]e droit de vote d’un parlementaire est un et indivisible », et donc que « la déchéance du droit de vote vaut pour tous les votes au sein de l’Assemblée »[93]. En 2018, elle proposait plutôt de maintenir la possibilité de suspendre le droit de vote d’une délégation, mais de limiter son périmètre de façon à ce que l’élection des personnalités de l’Organisation ne soit pas concernée[94]. Ce rapport n’a pas été adopté par l’Assemblée plénière, les voix favorables au maintien de l’intégrité du système de sanctions ayant été majoritaires[95].
A la même époque, la Direction du conseil juridique et du droit international public du Conseil de l’Europe (DLAPIL) a adopté son propre rapport sur le sujet. Ce rapport avait été commandé par le Secrétaire général, mais il est resté confidentiel et n’aurait pas été officiellement transmis à l’Assemblée parlementaire. Au motif que le Statut confie le pouvoir de sanction au seul Comité des Ministres, le rapport concluait à l’absence de conformité à ce texte des sanctions pour raisons substantielles instituées par l’Assemblée[96].
Fortes de ce soutien implicite, les autorités russes en appelaient à l’arbitrage du Comité des Ministres. Elles se disaient convaincues que « the PACE norms regarding the suspension of credentials can be fully brought into compliance with the Statute by the ministerial session of the Committee of Ministers in Helsinki on 17 May 2019 »[97]. Elles ont partiellement obtenu gain de cause. Lors de la session ministérielle d’Helsinki, le Comité des Ministres a en effet souligné que « tous les États membres doivent être autorisés à participer sur un pied d’égalité dans les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe »[98]. Il ajoutait qu’il « apprécierait vivement que les délégations de tous les États membres participent à la prochaine partie de Session de juin de l’Assemblée parlementaire »[99]. Le message ne pouvait pas être plus clair.
L’Assemblée pouvait difficilement l’ignorer, sans renoncer par la même occasion à son projet de quatrième Sommet. Si bien que sa Commission du Règlement a de nouveau cherché une solution de compromis. Elle a finalement estimé en juin 2019 que « les droits de vote, de parole et de représentation des membres à l’Assemblée et dans ses organes ne peuvent être suspendus ou retirés dans le cadre d’une contestation ou d’un réexamen des pouvoirs »[100]. Au terme d’un débat très long, extrêmement tendu et passionnel en assemblée plénière, cette interprétation a été entérinée le 25 juin 2019, avec effet immédiat[101]. Dans la foulée, l’Assemblée a validé les pouvoirs de la délégation russe, sans aucune restriction de ses droits[102]. Le même jour, cette dernière a pu participer à l’élection de la nouvelle Secrétaire générale du Conseil de l’Europe, qui se déroulait en parallèle[103].
Acculée par des pression fortes et convaincue de l’absolue nécessité d’organiser un quatrième Sommet, l’Assemblée a donc choisi de sacrifier une part non négligeable de son pouvoir de sanction. Elle n’a pas pour autant complètement renoncé à l’intégralité de son système de sanctions, du moins en théorie. Désormais, si les pouvoirs sont ratifiés ou confirmés, seule la privation cosmétique de quelques droits relativement dérisoires est envisageable. La seule sanction véritable réside donc dans la non ratification ou l’annulation des pouvoirs. Mais cette sanction pourrait s’avérer inapplicable en pratique, pour deux raisons. D’une part, elle implique le choix, assez radical, d’une rupture du dialogue avec l’État concerné, choix que l’Assemblée a toujours refusé de faire dans la période post Guerre Froide. D’autre part, le rejet ou l’annulation des pouvoirs d’une délégation pourrait réactiver les querelles avec le Comité des Ministres. Il serait souhaitable que le contexte issu de l’agression militaire de l’Ukraine et de l’exclusion subséquente de la Russie modifie à l’avenir la pratique de la première et la position du second.
En contrepartie de son sacrifice, l’Assemblée parlementaire a obtenu, en 2020[104], la mise en place d’une nouvelle procédure, qu’elle appelait de ses vœux depuis 2017[105], pour réagir face à un État membre qui ne respecterait pas ses obligations statutaires. Il s’agit d’une procédure qui complète l’article 8 du Statut, sans s’y substituer. Elle consiste à exercer sur l’État défaillant une pression politique coordonnée et de haut niveau, dont l’échec peut en dernier ressort conduire à la mise en œuvre de l’article 8. Alors qu’auparavant chaque organe agissait en ordre dispersé, comme ce fut le cas à l’égard de la Fédération de Russie, la nouvelle procédure organise désormais une action synchronisée de l’Assemblée parlementaire, du Comité des Ministres et du Secrétaire général. L’évolution a été saluée sur le plan institutionnel : certains parlementaires se sont enthousiasmés de ce que, « pour la toute première fois », le Comité des ministres aurait « cédé une partie de son pouvoir » au profit de l’Assemblée[106]. L’idée est également séduisante d’un point de vue opérationnel : après tout, les sanctions imposées pendant cinq ans par l’Assemblée à la Russie n’ont produit absolument aucun résultat, faute d’un soutien du Comité des Ministres.
La pratique pourrait toutefois transformer cette contrepartie en simple facétie. Sur le papier, la procédure actée par chacun des organes statutaires, selon ses propres procédures, diverge sur différents points essentiels, à commencer par son intitulé même : il s’agit d’une « procédure complémentaire » à l’article 8 du Statut pour le Comité des Ministres[107], mais d’une « procédure complémentaire conjointe » des principaux organes de l’Organisation pour l’Assemblée parlementaire[108]. Un fossé sépare ces deux appellations, fossé dans lequel les espoirs de revalorisation institutionnelle de l’Assemblée pourraient sombrer. Même si cette dernière peut initier la procédure et est impliquée à toutes ses étapes, le Comité des Ministres s’est réservé une marge de manœuvre confortable quant à l’activation de la dernière phase, impliquant le pouvoir de sanction. A cela s’ajoute une incertitude de taille quant à l’impact de cette procédure sur la prérogative de l’Assemblée de refuser ou d’annuler les pouvoirs d’une délégation parlementaire. Selon cette dernière, la procédure […] « vient compléter les règles et procédures existantes »[109], y compris en son sein. Mais dans le texte ultérieurement adopté par le Comité des Ministres, il est rappelé que « tous les États membres doivent être autorisés à participer sur un pied d’égalité dans les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe, aussi longtemps que les articles 7, 8 et 9 du Statut n’auront pas été appliqués »[110]. Cette phrase, qui a été ajoutée dans la toute dernière version du texte[111], vraisemblablement sur proposition du représentant russe au Comité[112], tend à remettre en cause les sanctions que l’Assemblée a réussi à préserver en 2019. Elle a en tout cas donné lieu à une déclaration interprétative en ce sens de la délégation russe, qui est restée confidentielle[113]. Cette déclaration a été fermement rejetée par la Commission du Règlement de l’Assemblée, lorsqu’il s’est agi pour elle d’adapter son Règlement pour y intégrer la nouvelle procédure[114]. Le Règlement de l’Assemblée organise toujours la possibilité de refuser ou d’annuler les pouvoirs d’une délégation, mais le Comité des Ministres n’a à ce jour pas exprimé publiquement sa position à ce sujet. La pratique sera donc déterminante pour savoir si la remise en cause du pouvoir de sanction de l’Assemblée était exclusivement dictée par les exigences de la Fédération de Russie.
En tout état de cause, la réintégration de la Russie à l’Assemblée en 2019, puis l’adoption de la nouvelle procédure complémentaire (conjointe) en 2020, ont permis de dénouer les tensions entre les principaux organes du Conseil de l’Europe. En mai 2019, le Comité des Ministres faisait ainsi état d’un « dialogue renforcé » entre les deux organes statutaires, qui s’était « récemment intensifié de manière significative à différents niveaux et sous différentes formes »[115]. En mai 2021, il expliquait encore que « les contacts et la coopération entre les organes statutaires de l’Organisation […] se sont considérablement améliorés, facilitant des réponses plus coordonnées et plus efficaces face aux défis actuels et émergents »[116]. En témoignent la multiplication des réunions du Comité mixte[117] et la réactivation du trilogue, c’est-à-dire des réunions informelles entre le Comité des Présidents de l’Assemblée parlementaire, le Bureau du Comité des Ministres et le Secrétaire général[118].
L’amélioration patente des relations inter-institutionnelles a créé un cadre approprié pour que le Conseil de l’Europe réagisse, uni, à la déflagration qu’a constitué l’agression armée de l’Ukraine par la Fédération de Russie. Pour la première fois dans l’histoire de l’Organisation, la décision d’exclure un État membre a été prise en quelques semaines. Dans le même mouvement, tous les blocages à l’organisation d’un quatrième Sommet ont été levés. Mieux encore, le Comité des Ministres a accepté d’impliquer l’Assemblée parlementaire non seulement dans la phase de préparation du Sommet[119], mais aussi au cours du Sommet lui-même, auquel participera une délégation parlementaire[120] !
Il était grand temps car, depuis plusieurs années, la pertinence et la crédibilité du Conseil de l’Europe déclinent, au fur et à mesure qu’il se montre incapable de faire face aux défis du moment. Le quatrième Sommet pourrait inverser le cours des choses, lui donner un nouvel élan, une perspective d’avenir. En ce sens, ce Sommet a un potentiel très élevé.
La seconde partie de cet article est disponible ici : RDLF 2023 chron. n°26
[1] L’article 1 (a) du Statut du Conseil de l’Europe lui fixe pour but « de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social ». Selon le paragraphe 3 du préambule de ce même statut, ce patrimoine commun est composé des « valeurs spirituelles et morales […] qui sont à l’origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable ».
[2] Le Comité des Ministres a pris position contre l’institutionnalisation des Sommets sur une base quinquennale. Voir Comité des Ministres, CM(2001)72, 7 mai 2001, Synthèse de la réflexion institutionnelle menée par le Comité des Ministres, 108e session, Strasbourg, 10-11 mai 2001, par. 10.
[3] F. BERROD, B. WASSENBERG, Les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. Vers un partenariat stratégique ?, éd. du Conseil de l’Europe, 2019, p. 109.
[4] Pour une présentation de ce Sommet, voir D. HUBER, Une décennie pour l’Histoire. Le Conseil de l’Europe 1989-1999, éd. du Conseil de l’Europe, 1999, pp. 87-111.
[5] En vertu de l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe, « [t]out membre du Conseil de l’Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’engage à collaborer sincèrement et activement à
la poursuite du but défini au chapitre Ier ». L’article 4 ajoute que « [t]out État européen considéré capable de se conformer aux dispositions de l’article 3 et comme en ayant la volonté peut être invité par le Comité des Ministres à devenir membre du Conseil de l’Europe ». Ces dispositions très vagues ont été précisées par la Déclaration de Vienne, selon laquelle « l’adhésion présuppose que l’État candidat ait mis ses institutions et son ordre juridique en conformité avec les principes de base de l’État démocratique soumis à la prééminence du droit et au respect des droits de l’homme. Les représentants du peuple doivent avoir été choisis par la voie d’élections libres et honnêtes, au suffrage universel. La garantie de la liberté d’expression, notamment des médias, la protection des minorités nationales et le respect des principes du droit international doivent rester […] des éléments déterminants dans l’appréciation de toute candidature. L’engagement de signer la Convention européenne des droits de l’homme et d’accepter à brève échéance l’ensemble de ses dispositions de contrôle est également fondamental ».
[6] De telles procédures, qui ont substantiellement évolué depuis, ont été instituées par l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres. Voir Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (ci-après « APCE), Directive 485 (1993), 3 février 1993, Politique générale du Conseil de l’Europe ; id., Directive 488 (1993), 29 juin 1993, Respect des engagements pris par les nouveaux États membres ; id., Directive 508 (1995), 26 avril 1995, Respect des obligations et engagements contractés par les États membres du Conseil de l’Europe ; Comité des Ministres, Decl-10.11.1994, 10 novembre 1994, Déclaration sur le respect des engagements pris par les États membres du Conseil de l’Europe ; Comité des Ministres, CM/Monitor(2000)15, 1er septembre 2000, Respect des engagements pris par les États membres, Annexe ; Comité des Ministres, CM/Inf(2004)25, 16 juillet 2004, Procédure de suivi thématique du Comité des Ministres : Nouvelles modalités.
[7] Voir Les enjeux de la Grande Europe. Le Conseil de l’Europe et la sécurité démocratique, éd. du Conseil de l’Europe, 1996, 190 p.
[8] Voir Déclaration et Plan d’action de Vienne, Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe, 9 octobre 1993.
[9] L’ECRI n’a cependant été institutionnalisée qu’en 2002. Voir Comité des Ministres, Résolution Res(2002)8 relative au statut de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), 13 juin 2002.
[10] Deuxième Sommet du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 10-11 octobre 1997, Plan d’action, points I.2 et III.2.
[11] Ibid., point V.1.
[12] Troisième Sommet du Conseil de l’Europe, Varsovie, 16-17 mai 2005, Plan d’action, point V.
[13] Voir, en dernière date, Comité des Ministres, CM(2022)61, 6 avril 2022, Rapport d’avancement sur les mesures de réforme.
[14] T. COURCELLE, « Le Conseil de l’Europe et ses limites. L’organisation paneuropéenne en pleine crise identitaire », Hérodote, 2005, vol. 3, n° 118, p. 67.
[15] Conseil de l’Europe – Union européenne : « Une même ambition pour le continent européen », Rapport de Jean-Claude Juncker, 11 avril 2006.
[16] Plan d’action de Varsovie, op. cit., points II.3 et II.4.
[17] Troisième Sommet, Varsovie, 16-17 mai 2005, Déclaration finale, point 2 et Plan d’action, point I.
[18] Comité des Ministres, CM(2006)203, 15 novembre 2006, Rapport du Groupe des Sages au Comité des Ministres.
[19] Le « processus d’Interlaken » désigne six conférences de haut niveau visant à réformer le système de contrôle établi par la Convention européenne des droits de l’homme.
[20] APCE, Doc. 14396, 15 septembre 2017, Appel pour un Sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe, Rapport de la Commission des questions politiques et de la démocratie, par. 49-50.
[21] Parmi les derniers événements en date, voir le projet de loi sur l’immigration illégale en discussion au Royaume-Uni et son analyse, ô combien critique, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE, AS/Mig/Inf (2023) 05 rev, 24 avril 2023, Graves préoccupations au sujet du projet de loi sur l’immigration illégale du Royaume-Uni, Déclaration de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées), le Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) et la Commissaire aux droits de l’homme (CommHR/DM/sf 007-2023, 24 mars 2023, Lettre adressée à la Chambre des Communes et à la Chambre des Lords).
[22] Voir entre autres G. M. EKELOVE-SLYDAL, A. HUG, A. PASHALISHVILI, I. SANGADZHIYEVA (eds.), Disputed Territories, Disputed Rights : How to address human rights challenges in Europe’s grey zones, The Foreign Policy Centre, Norwegian Helsinki Committee, 2019, 84 p..
[23] Voir not. APCE, Résolution 2040 (2015), 6 mars 2015, Menaces contre la prééminence du droit dans les États membres du Conseil de l’Europe : affirmer l’autorité de l’Assemblée parlementaire ; id., Résolution 2188 (2017), 11 octobre 2017, Nouvelles menaces contre la primauté du droit dans les États membres du Conseil de l’Europe – Exemples sélectionnés ; id., Résolution 2316 (2020), 28 janvier 2020, Le fonctionnement des institutions démocratiques en Pologne ; id., Résolution 2359 (2021), 26 janvier 2021, Les juges doivent rester indépendants en Pologne et en République de Moldova. Parmi une littérature doctrinale très abondante, voir par exemple W. SADURSKI, Poland’s Constitutional Breakdown, Oxford University Press, 2019, 304 p. ; D. KELEMEN, L. PECH, « The Uses and Abuses of Constitutional Pluralism : Undermining the Rule of Law in the Name of Constitutional Identity in Hungary and Poland », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, 2019, vol. 21, pp. 59-74 ; « La crise de l’État de droit à l’aune des exemples polonais et hongrois », Dossier de la Revue des droits et libertés fondamentaux, 2020.
[24] Voir entre autres APCE, Résolution 2226 (2018), 27 juin 2018, Nouvelles restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l’Europe ; id., AS/Jur (2023) 11, 23 mars 2023, Menaces d’atteinte à la vie et à la sécurité des journalistes et des défenseurs des droits humains en Azerbaïdjan, Note introductive de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme.
[25] Voir B. ÇALI, « Withdrawal from the Istanbul Convention by Turkey : A Testing Problem for the Council of Europe », EJIL : Talk !, 22 mars 2021 ; İ. ESKITAŞÇIOĞLU, « Turkey’s Withdrawal from the Istanbul Convention », Völkerrechtsblog, 27 mars 2021 ; M. AILINCAI, « « Je suis venu te dire que je m’en vais » La Turquie quitte officiellement la Convention d’Istanbul », Revue des droits et libertés fondamentaux, 2021, chron. n° 28.
[26] Voir par exemple APCE, Doc. 15459, 21 février 2022 et Résolution 2439 (2022), 31 mai 2022, Accès à l’avortement en Europe : faire cesser le harcèlement anti-choix.
[27] Plus de deux cents conventions ont été conclues sous les auspices du Conseil de l’Europe. Parmi elles, seule la CEDH établit un mécanisme de contrôle juridictionnel (Cour européenne des droits de l’homme). D’autres conventions instituent en revanche des procédures de suivi (ou de contrôle non juridictionnel), dont la responsabilité incombe à des organes créés à cet effet. C’est le cas par exemple du Comité européen des droits sociaux, qui veille à la mise en œuvre de la Charte sociale européenne, ou du Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), qui s’assure de la mise en œuvre effective de la Convention éponyme. Pour une vue d’ensemble, voir APCE, AS/Jur/Inf (2020) 03, 22 janvier 2020, Aperçu des principaux mécanismes de suivi des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des domaines d’activités correspondants, Document d’information préparé par le secrétariat de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme.
[28] Voir W. BENEDEK, « Are the Tools of the Council of Europe Sufficient to Protect Human Rights, Democracy and the Rule of Law from Backsliding ? », European Convention on Human Rights Law Review, 2020, n° 1, pp. 151-158 ; W. BENEDEK, « The Effectiveness of the Tools of the Council of Europe Against Democratic Backsliding : What Lessons can be learned from the « Greek Case » », Austrian Law Journal, 2020, n° 2, pp. 1-21 ; numéro spécial de l’European Convention on Human Rights Law Review sur « The Responses of the Council of Europe to the Decay of the Rule of Law and Human Rights Protections », 2021, n° 2.
[29] Rapport du Groupe de réflexion de haut niveau du Conseil de l’Europe, octobre 2022, p. 10.
[30] APCE, Doc. 14396, op. cit., par. 52-53.
[31] APCE, Recommandation 1886 (2009), 1er octobre 2009, L’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses 60 années d’expérience, par. 3.2.
[32] APCE, Recommandation 1951 (2011), 25 janvier 2011, Le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe, par. 2.1 ; id., Recommandation 2113 (2017), 11 octobre 2017, Appel pour un sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne, et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe, par. 2.
[33] Voir Rapport du Groupe de réflexion de haut niveau du Conseil de l’Europe, op. cit., p. 15, note 6 : en moyenne, « [e]ntre 2015 et 2020 […], environ la moitié des États membres étaient représentés au niveau des ministres des Affaires étrangères pendant les sessions ».
[34] Directorate of Policy Planning, The Pursuit of Undivided Europe. Experts’ Views on the Political Relevance of the Council of Europe, 2014, pp. 93 et 112.
[35] APCE, AS/Per (2020) PV 07, 4 décembre 2020, Procès-verbal de la réunion de la Commission permanente du 20 novembre 2020, not. p. 21 (interventions de Jacques Maire et de Petra Bayr) et p. 23 (intervention de Georgios Katrougkalos).
[36] APCE, Avis 193 (1996), 25 janvier 1996, Demande d’adhésion de la Russie au Conseil de l’Europe, par. 10 et 11.
[37] Comité des Ministres, Résolution CM/Res(2022)2 sur la cessation de la qualité de membre de la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe, 16 mars 2022.
[38] APCE, Recommandation 2226 (2022), 26 avril 2022, Au-delà du Traité de Lisbonne : renforcer le partenariat stratégique entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, par. 4.6 ; id., Recommandation 2228 (2022), 27 avril 2022, Conséquences de l’agression persistante de la Fédération de Russie contre l’Ukraine : rôle et réponse du Conseil de l’Europe, par. 8 et 9 ; id., Recommandation 2235 (2022), 21 juin 2022, La sécurité en Europe face à de nouveaux défis : quel rôle pour le Conseil de l’Europe ?, par. 5.5.
[39] Comité des Ministres, CM/AS(2022)6, 20 juin 2022, Communication sur les activités du Comité des Ministres, point 1.
[40] Comité des Ministres, CM/Del/Dec(2022)132/2, 20 mai 2022, Unis autour de nos valeurs – la réponse du Conseil de l’Europe à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, 132e session, Turin, point B.
[41] Rapport du Groupe de réflexion de haut niveau du Conseil de l’Europe, op. cit., pp. 5 et 10.
[42] Délégués des Ministres, CM/Del/Dec(2022)1447bis/1.2, 7 novembre 2022, 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe, point 1.2.
[43] APCE, Doc. 14316, 3 mai 2017, Le Conseil de l’Europe dans l’architecture politique européenne, Proposition de recommandation ; id., Doc. 14396, op. cit., par. 76.
[44] Présidence du Comité des Ministres, Appel ouvert à contribution pour le 4e Sommet du Conseil de l’Europe (Reykjavik, 16-17 mai 2023).
[45] Ce Sommet a été organisé par la Campaign to Uphold Rights in Europe (CURE) et la Conférence des OING du Conseil de l’Europe. Il a débouché sur une Déclaration sur la réforme du Conseil de l’Europe, une Déclaration sur la situation en Turquie et une Déclaration sur le rôle du Conseil de l’Europe dans l’établissement des responsabilités pour les crimes internationaux commis par la Russie en Ukraine.
[46] APCE, Recommandation 2245 (2023), 24 janvier 2023, Le Sommet de Reykjavik du Conseil de l’Europe : Unis autour de valeurs face à des défis hors du commun ; Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Recommandation 492 (2023), 22 mars 2022, Intégrer la démocratie aux territoires : l’avenir du Conseil de l’Europe et le rôle du Congrès dans ce cadre, Contribution du Congrès au 4ème Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement du Conseil de l’Europe les 16-17 mai 2023 à Reykjavik, Islande ; Conference of International NGOs, Proposals for the High-Level Reflection Group, 29 juillet 2022 ; Lettre de la présidente du Comité européen des droits sociaux au représentant permanent de l’Islande au Conseil de l’Europe, 2 mars 2023 ; Observations de la Commissaire aux droits de l’homme en vue du 4e Sommet du Conseil de l’Europe.
[47] APCE, Recommandation 1886 (2009), op. cit., par. 3.2.
[48] F. BENOIT-ROHMER, H. KLEBES, Le droit du Conseil de l’Europe. Vers un espace juridique paneuropéen, éd. Conseil de l’Europe, 2005, p. 80.
[49] Voir par exemple APCE, Recommandation 1756 (2006), 28 juin 2006, Mise en œuvre des décisions du 3e Sommet du Conseil de l’Europe, par. 12.8.2 ; id., Recommandation 1763 (2006), 2 octobre 2006, L’équilibre institutionnel du Conseil de l’Europe, par. 1.2 et 1.3. Pour des détails, voir Ph. LEACH, « The Parliamentary Assembly of the Council of Europe », in S. SCHMAHL, M. BREUER (eds.), The Council of Europe. Its Law and Policies, Oxford University Press, 2017, pp. 166-211, spéc. pp. 179-180, par. 7.27.
[50] Voir par exemple APCE, Résolution 2186 (2017), 11 octobre 2017, Appel pour un sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne, et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe, par. 11 ; id., AS/Bur/MR-PA (2018) 8, 28 juin 2018, Rapport de la Commission ad hoc sur le rôle et la mission de l’Assemblée parlementaire.
[51] APCE, Recommandation 1886 (2009), op. cit., par. 3.2.
[52] APCE, Résolution 1783 (2011), 25 janvier 2011, Le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe, par. 6 ; id. Recommandation 1951 (2011), op. cit., par. 2.1.
[53] Secrétaire général, Réforme du Conseil de l’Europe : sur la voie de l’avenir. Le point sur la réforme, 27 juin 2011.
[54] APCE, Doc. 12835, 23 janvier 2012, Le suivi de la réforme du Conseil de l’Europe, Réponse du Comité des Ministres à la Recommandation 1951 (2011) de l’Assemblée, par. 2.
[55] SG(2014)1–final, Situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit en Europe, Rapport établi par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, mai 2014, pp. 5-6.
[56] APCE, AS/Per (2015) 08, 27 novembre 2015, Déclaration de la Commission permanente.
[57] APCE, Recommandation 2113 (2017), op. cit., par. 2.
[58] APCE, Doc. 14396, op. cit., par. 8 et 82.
[59] APCE, Doc. 14470, 18 janvier 2018, Appel pour un sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe, Réponse conjointe du Comité des Ministres aux Recommandations 2113 (2017) et 2114 (2017) de l’Assemblée parlementaire, adoptée le 17 janvier 2018.
[60] Comité des Ministres, Decl(17/05/2019), 17 mai 2019, Déclaration à l’occasion du 70e anniversaire du Conseil de l’Europe, 129e session, Helsinki, 17 mai 2019.
[61] Comité des Ministres, CM/Del/Dec(2021)131/2a, 21 mai 2021, Le cadre stratégique du Conseil de l’Europe et les activités à venir, 131e session, Hambourg, 21 mai 2021.
[62] F. BENOIT-ROHMER, H. KLEBES, Le droit du Conseil de l’Europe. Vers un espace juridique paneuropéen, op. cit., p. 62.
[63] Assemblée nationale française, Rapport d’information n° 4050 sur le colloque du 12 septembre 2016 « La défense des droits de l’homme en Europe, une idée dépassée ? Le Conseil de l’Europe plus indispensable que jamais », p. 44 (intervention d’Ivan Soltanovsky).
[64] APCE, Résolution 1990 (2014), 10 avril 2014, Réexamen, pour des raisons substantielles, des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation russe, par. 15.
[65] APCE, Résolution 2034 (2015), 28 janvier 2015, Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie, par. 14 et 15 ; id., Résolution 2063 (2015), 24 juin 2015, Examen de l’annulation des pouvoirs déjà ratifiés de la délégation de la Fédération de Russie (suivi du paragraphe 16 de la Résolution 2034 (2015)), par. 9.
[66] APCE, Doc. 14922, 26 juin 2019, Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie, Rapport de la Commission de suivi, par. 9.
[67] Foreign Ministry statement on the situation in PACE and prospects for resuming contributions to the Council of Europe, 4 juillet 2018.
[68] L’article 8 du Règlement de l’Assemblée n’a été activé qu’à trois reprises : en 1969, à l’égard de la délégation grecque suite au coup d’État militaire de 1967 (Recommandation 547 (1969), 30 janvier 1969, Situation en Grèce, par. 8), en 1981 à l’encontre de la délégation turque en réaction au coup d’État militaire de 1980 (Directive 398 (1981), 14 mai 1981, Mandat de la délégation parlementaire turque) et en 2000, lorsque l’Assemblée a suspendu le droit de vote de la délégation russe en relation avec le conflit en Tchétchénie (AS (2000) CR, 6 avril 2000 et Résolution 1241 (2001), 25 janvier 2001, Pouvoirs de la délégation de la Fédération de Russie, par. 3). La seule délégation à avoir été frappée par une annulation de la ratification de ses pouvoirs en cours de mandat (article 9 du Règlement) est la délégation russe, à partir de 2014 (Résolution 1990 (2014), op. cit., par. 15). Pour une présentation du système de sanctions de l’Assemblée, voir infra.
[69] B. BOWRING, « Russia’s accession to the Council of Europe and human rights : compliance or cross-purposes ? », European Human Rights Law Review, 1997, n° 6, pp. 628-643.
[70] K. DZEHTSIAROU et D. K. COFFEY, « Suspension and Expulsion of Members of the Council of Europe : Difficult Decisions in Troubled Times », International and Comparative Law Quarterly, 2019, vol. 68, pp. 448 et 456 ; APCE, Doc. 7463, 18 janvier 1996, Demande d’adhésion de la Russie au Conseil de l’Europe, Avis de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme (bizarrement, ce rapport n’est plus accessible en ligne, alors qu’il est en théorie public).
[71] Foreign Minister Sergey Lavrov’s interview with Euronews, Moscow, 16 octobre 2018. Cela représentait un manque à gagner annuel d’environ 30 millions d’euros pour le Conseil de l’Europe, dont le budget pour 2019 s’élevait à 437,18 millions d’euros.
[72] Voir notamment les rapports de l’ONG European Stability Initiative, parties 1 (2012) et 2 (2016).
[73] Rapport du Groupe d’enquête indépendant concernant les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire, 15 avril 2018, 211 p.
[74] APCE, Annexes des Carnets de bord des réunions de la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles des 24-26 avril 2018 (AS/Pro (2018) CB 03, 26 avril 2018), du 15 mai 2018 (AS/Pro (2018) CB 04, 16 mai 2018), des 26-27 juin (AS/Pro (2018) CB 05, 2 juillet 2018), des 3-4 septembre 2018 (AS/Pro (2018) CB 06, 5 septembre 2018) et des 9 et 11 octobre 2018 (AS/Pro (2018) CB 08, 11 octobre 2018).
[75] APCE, Doc. 14407, 28 septembre 2017, Suivi de la Résolution 1903 (2012) : la promotion et le renforcement de la transparence, de la responsabilité et de l’intégrité des membres de l’Assemblée parlementaire, Rapport de la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, par. 5.
[76] Rapport du Groupe d’enquête indépendant concernant les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire, op. cit., p. 28, par. 97 et p. 29, par. 105.
[77] APCE, Doc. 14396, op. cit., par. 93 et 97.
[78] APCE, Résolution 2186 (2017), op. cit., § 11.
[79] Voir APCE, Résolution 2186 (2017), op. cit., par. 11 ; id., AS/Bur/MR-PA (2018) 8, op. cit.
[80] APCE, Résolution 2186 (2017), ibid., par. 16.
[81] APCE, Doc. 14455, 20 janvier 2018, Activités du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente (13 octobre 2017 – 21 janvier 2018), point 4.3 et Annexe 1.
[82] La contestation des pouvoirs pour des raisons formelles peut intervenir en cas de non-respect des exigences relatives à la composition des délégations parlementaires.
[83] APCE, Résolution 1081 (1996), 22 avril 1996, Contestation des pouvoirs de délégations nationales dans le courant d’une session ordinaire.
[84] F. BENOIT-ROHMER, H. KLEBES, Le droit du Conseil de l’Europe. Vers un espace juridique paneuropéen, op. cit., p. 44 ; E. KLEIN, « Membership and Observer Status », in S. SCHMAHL et M. BREUER (éds.), The Council of Europe. Its Law and Policies, op. cit., par. 3.72.
[85] APCE, AS/Bur/MR-PA (2018) 8, op. cit., Annexe III – Extraits du mémorandum préparé par le Président, par. 34.
[86] « Russia to Reject Strasbourg Court If Not Allowed to Help Select Judges », RadioFreeEurope.RadioLiberty, 14 octobre 2017 ; Foreign Minister Sergey Lavrov’s interview with Euronews, Moscow, 16 octobre 2018.
[87] Interview of Russia’s Permanent Representative to the Council of Europe Ivan Soltanovsky with Rossiyskaya Gazeta published on January 19, 2018.
[88] Ibid.
[89] A. DRZEMCZEWSKI, « Painful Relations between the Council of Europe and Russia », Ejil Talk !, 28 septembre 2018 ; Déclaration du Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire du 19 octobre 2018, par. 6.
[90] APCE, AS/Bur/MR-PA (2018) 8, op. cit., par. 30.
[91] Ibid.
[92] Ibid., par. 29.
[93] AS/Pro (2014) 10 def, 30 septembre 2014, Privation ou suspension des droits de participation ou de représentation des membres de l’Assemblée dans le cadre de la contestation ou du réexamen des pouvoirs d’une délégation, en application des articles 7, 8 et 9 du Règlement de l’Assemblée, par. 30.
[94] APCE, Doc. 14621, 21 septembre 2018, Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote, Rapport de la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, par. 60-61, 63-67 et 70.
[95] APCE, Compte-rendu des débats de l’Assemblée parlementaire du 9 octobre 2018. Bizarrement, les comptes-rendus de cette session plénière ne sont plus accessibles en ligne, alors qu’ils sont en théorie publics.
[96] Directorate of Legal Advice and Public International Law, DLAPIL 18/2018, 25 September 2018, Role and responsibilities of the Council of Europe’s statutory organs with special emphasis on the limitation of membership rights. A legal analysis (confidential).
[97] Statements and comments on the cooperation of the Russian Federation in the Council of Europe, Statement by Director of the Department for European Cooperation Andrey Kelin at the 1329bis Meeting of the Ministers’ Deputies, 21 November 2018.
[98] Comité des Ministres, CM/Del/Dec(2019)129/2, 17 mai 2019, Une responsabilité partagée pour la sécurité démocratique en Europe. Garantir le respect des droits et obligations, principes, normes et valeurs, 129e session, Helsinki, point 1.
[99] Ibid., point 4.
[100] APCE, Doc. 14900, 6 juin 2019, Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote, Rapport de la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, par. 35.
[101] APCE, Résolution 2287 (2019), 25 juin 2019, Renforcer le processus décisionnel de l’Assemblée parlementaire concernant les pouvoirs et le vote, en lien avec les comptes-rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du 24 juin 2019 (après-midi) et du 25 juin 2019 (matin), 20e séance.
[102] APCE, Résolution 2292 (2019), 26 juin 2019, Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie.
[103] Compte-rendu des débats de l’Assemblée parlementaire du 26 juin 2019, après-midi, séance n° 24.
[104] Comité des Ministres, CM/Del/Dec(2019)129/2, op. cit., point 7.
[105] APCE, Recommandation 2113 (2017), op. cit., par. 4.2 ; APCE, Résolution 2277 (2019), 10 avril 2019, Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire : principaux défis pour l’avenir, par. 15.3 et Recommandation 2153 (2019), par. 5.4 et 5.5.
[106] Compte-rendu des débats de l’Assemblée parlementaire du 29 janvier 2020 (après-midi) et du 26 janvier 2021 (après-midi), interventions de Frank Schwabe et de Tiny Kox.
[107] Comité des Ministres, CM/Del/Dec(2020)1366/1.7, 5 février 2020, Procédure complémentaire entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire en cas de violation grave par un État membre de ses obligations statutaires.
[108] APCE, Résolution 2319 (2020), 29 janvier 2020, Procédure complémentaire conjointe entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire en cas de violation grave par un État membre de ses obligations statutaires.
[109] Ibid., par. 4.2.
[110] Comité des Ministres, CM/Del/Dec(2020)1366/1.7, op. cit., point A.
[111] Comparer DD(2019)1399, 25 novembre 2019 et CM/Notes/1363/1.9, 3 décembre 2019, Nouvelle procédure complémentaire entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire en cas de violation grave par un État membre de ses obligations statutaires, avec ibid.
[112] APCE, Doc. 15093, 13 mars 2020, Modification du Règlement de l’Assemblée – suivi de la Résolution 2319 (2020) sur la procédure complémentaire conjointe entre le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire en cas de violation grave par un État membre de ses obligations statutaires, Rapport de la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, par. 6.
[113] Compte-rendu des débats de l’Assemblée parlementaire du 26 janvier 2021 (après-midi), intervention de Sergey Kislyak.
[114] APCE, Doc. 15093, op. cit., par. 7.
[115] Comité des Ministres, CM/Del/Dec(2019)129/2, op. cit., par. 5.
[116] Comité des Ministres, CM/Del/Dec(2021)131/2a, op. cit., par. 7.
[117] Le Comité mixte est l’organe de liaison entre l’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres. Il a vocation à pallier l’insuffisance, dans le Statut de l’Organisation, des moyens de concertation et de collaboration entre les deux organes statutaires.
[118] Cette pratique a été initiée en mai 2009, après la session ministérielle de Madrid.
[119] APCE, Doc. 15624, 4 octobre 2022, Conséquences de l’agression persistante de la Fédération de Russie contre l’Ukraine : rôle et réponse du Conseil de l’Europe, Réponse du Comité des Ministres à la Recommandation 2228 (2022) de l’Assemblée, adoptée le 27 septembre 2022, par. 17 : le Comité des Ministres se dit « très attaché à la coopération et au dialogue interinstitutionnel avec l’Assemblée parlementaire en particulier dans le contexte d’un 4e Sommet » ; id., AS/Per (2022) PV 02, 2 décembre 2022, Procès-verbal de la réunion de la Commission permanente du 25 novembre 2022, pp. 14 et 26 : l’Assemblée dit être impliquée dans la préparation du Sommet beaucoup plus qu’elle ne l’avait été lors des trois précédentes occurrences.
[120] Voir Compte rendu des débats de l’Assemblée parlementaire du 24 avril 2023, après-midi, séance n° 10, intervention de Tiny Kox, Président de l’Assemblée parlementaire, p. 2.