L’impact du contentieux covid sur l’office du juge du référé-liberté du Conseil d’État
Entre le 19 mars 2020 et le 19 mars 2022, le Conseil d’État a été saisi d’environ mille requêtes relatives à la crise sanitaire liée à la Covid-19. C’est sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (CJA) qu’ont été formées la première et la majorité d’entre elles. Ce « contentieux covid » a eu un impact significatif sur l’office du juge du référé-liberté. Il s’est en effet produit une évolution substantielle de la logique inhérente au pouvoir d’injonction de ce juge. Pour autant, celle-ci n’a pas eu pour conséquence un renforcement de la protection des libertés fondamentales dans le cadre du référé-liberté.
Par Sarah Schmalian, doctorante contractuelle en droit public, Université Grenoble-Alpes, CRJ
Afin de saisir l’impact du « contentieux covid » sur l’office du juge du référé-liberté[1]. du Conseil d’État, notre étude a combiné approches qualitative et quantitative. Elle a eu pour objectif de produire une analyse empirique et critique au sens épistémologique du terme[2]. Dans cette perspective, les 577 ordonnances du juge du référé-liberté du Conseil d’État relatives au « contentieux covid » rendues entre le 19 mars 2020 et le 19 mars 2022 ont été collectées de manière exhaustive sur la base de données Ariane archives[3] afin d’analyser dans sa globalité ce contentieux en se distanciant du discours officiel du Conseil d’État et des conclusions que l’on pourrait tirer face à la mise en avant de certaines ordonnances. Sans pour autant nier l’importance prépondérante de certaines décisions modifiant l’état de la jurisprudence ou apportant des éléments permettant une meilleure compréhension de celle-ci.
Les requêtes formées ont été d’une extrême diversité[4]. En dépit de cela, la collecte et l’analyse de ces ordonnances ont permis de déceler une double évolution dans l’office du juge du référé-liberté du Conseil d’État. Il s’est produit un renforcement du pouvoir d’injonction de ce juge (I). Paradoxalement, le contrôle opéré par ce dernier a évolué s’agissant de l’analyse de l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en laissant une place limitée à la protection effective de celles-ci (II).
I. L’évolution de la logique inhérente au pouvoir d’injonction du juge du référé-liberté
Alors que le juge du référé-liberté du Conseil d’État fait habituellement preuve d’une certaine retenue dans la mise en œuvre de son pouvoir d’injonction, la crise sanitaire a été le théâtre d’une évolution de l’étendue de ce pouvoir (A) ainsi que de la finalité de celui-ci (B).
A. L’évolution de l’étendue du pouvoir d’injonction du juge du référé-liberté
Entre la création du référé-liberté et avant le début du « contentieux covid », le juge du référé-liberté du Conseil d’État a prononcé 134 injonctions[5].
L’analyse de celles-ci met en évidence trois grandes catégories d’injonctions : celles constituant des obligations négatives[6], celles tendant à l’examen, au réexamen ou à l’instruction de la demande ou situation des requérants[7] et celles constituant des obligations positives à la charge de l’administration[8].
Les injonctions de cette dernière catégorie sont les plus invasives pour le champ de compétence de l’administration. Elles ne forment cependant pas un bloc uniforme : elles peuvent être divisées en trois sous-catégories. La première correspond aux injonctions par lesquelles le Conseil d’État a enjoint à l’administration de prendre « toutes mesures »[9] permettant de mettre fin à l’atteinte à une liberté fondamentale constatée[10]. Il laisse donc une marge d’appréciation à l’administration quant aux mesures que celle-ci doit adopter. La deuxième sous-catégorie comprend des injonctions précises car il s’agit de la seule mesure envisageable pour mettre fin à l’atteinte à une liberté fondamentale constatée. Un préfet porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté personnelle et à la liberté d’aller et venir d’un requérant en lui retirant sa carte d’identité et son passeport : la seule mesure susceptible d’y mettre fin est leurs restitutions[11]. Enfin, la dernière sous-catégorie englobe les injonctions au travers desquelles le Conseil d’État adopte une posture plus directive sans que cela soit justifié par l’existence d’une seule mesure susceptible de mettre fin à l’atteinte à une liberté fondamentale constatée[12].
Ainsi, il existe une gradation dans la mise en œuvre du pouvoir d’injonction par le juge du référé-liberté. La retenue dont celui-ci fait le plus souvent preuve marque une subsistance de l’époque où le juge administratif disposait d’un pouvoir d’injonction limité[13] à l’égard de l’administration[14].
Concernant le champ d’application des injonctions prononcées, celui-ci a toujours été restreint à des zones géographiques limitées. La majorité des injonctions prononcées par le juge du référé-liberté du Conseil d’État était à destination de préfets. Tel est en effet le cas de 40 %[15] d’entre elles[16]. Seules vingt-deux injonctions ont été prononcées à destination de ministres[17]. Néanmoins, celles-ci ont presque[18] toutes eu pour bénéficiaires des individus très précis[19].
Ainsi, durant près de vingt ans, le juge du référé-liberté du Conseil d’État a prononcé des injonctions ayant des conséquences sur des zones géographiques, des domaines et un nombre de personnes limités. En outre, il a toujours constaté l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale avant de prononcer une injonction et n’a jamais prononcé d’injonction normative[20].
À l’inverse, les dix-sept ordonnances de référé-liberté contenant des injonctions rendues dans le cadre du « contentieux covid »[21] ont été d’une singularité qu’il convient de relever. Celle-ci résulte d’un usage contra legem des pouvoirs que le juge administratif tire de l’article L. 521-2 du CJA, de la portée inédite des injonctions prononcées et du caractère normatif de certaines d’entre-elles.
En effet, le 22 mars 2020, le Conseil d’État a prononcé des injonctions tout en jugeant qu’il n’y avait pas, en l’espèce, d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale susceptible d’être constatée[22]. L’article L. 521-2 du CJA prévoit pourtant que c’est dans l’hypothèse où l’administration « aurait porté, […] une atteinte grave et manifestement illégale » à une liberté fondamentale que le juge du référé-liberté peut prononcer des injonctions. Par ailleurs, le Conseil d’État a explicitement jugé qu’il s’agissait d’une condition nécessaire à la mise en œuvre du pouvoir d’injonction du juge du référé-liberté[23]. À l’inverse, le 22 mars 2020, c’est la potentialité d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie qui a fondé le prononcé d’injonctions[24]. Ainsi, selon la formulation du rapporteur public, Alexandre Lallet, cette jurisprudence « témoigne […] de l’adjonction d’une logique préventive à la traditionnelle dimension curative de l’office du juge du référé-liberté »[25].
Un usage si décomplexé du pouvoir d’injonction semble indiquer que nous sommes bel et bien parvenus à « la fin d’un tabou »[26]. La portée des injonctions prononcées durant la crise sanitaire nous le confirme. En effet, celles-ci ont été d’une portée inédite en raison de leurs champs d’applications et des effets qu’elles ont engendrés.
Concernant leurs champs d’applications, le caractère national des conséquences de la catastrophe sanitaire a eu un impact important sur l’autorité administrative à laquelle les injonctions ont été adressées. Onze des seize injonctions prononcées l’ont été, exclusivement ou partiellement, à l’égard d’un ministre ou du Premier ministre[27]. Parmi elles, une seule a eu pour bénéficiaire un individu très précis[28]. Toutes les autres ont eu des conséquences à l’égard d’un nombre d’individus significatif.
Concernant les effets engendrés par les injonctions prononcées, ils ont été d’une portée considérable. À titre d’exemple, le Conseil d’État a enjoint au ministre de l’Intérieur « de prendre les dispositions utiles pour que les “ kits d’hygiène ” soient disponibles et systématiquement proposés aux personnes gardées à vue »[29] ou encore a enjoint « à l’État[30] de cesser, sans délai, de procéder aux mesures de surveillance par drone, du respect, à Paris, des règles de sécurité sanitaire applicables à la période de déconfinement »[31]. Ces injonctions sont sans aucune commune mesure, de par leurs conséquences et leur ampleur, avec celles prononcées avant la crise sanitaire.
Enfin, la singularité des injonctions prononcées a résulté du fait qu’une partie d’entre elles ont été normatives. Pour preuve, à l’occasion de la décision du 22 mars 2020[32], le Conseil d’État a formulé trois injonctions de ce type à l’égard du Premier ministre et du ministre de la Santé. À titre d’exemple, il leur a enjoint d’ « évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation »[33]. De sorte que, le décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire[34] dispose que, par principe « la tenue des marchés, couverts ou non et quel qu’en soit l’objet, est interdite »[35], alors que le décret du 16 mars[36] ne posait pas une telle interdiction. Dans le même sens, le 17 juin 2021 le Conseil d’État a enjoint au Premier ministre, dans le cadre de son pouvoir réglementaire autonome[37], de modifier une circulaire du 19 mai 2021 « afin d’y indiquer que le mariage en France constitue un motif impérieux permettant en principe la délivrance d’un visa »[38]. De même, le 18 mai 2020, il a enjoint au Premier ministre de modifier le décret du 11 mai 2020[39][40] « en prenant les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu applicables en ce début de “ déconfinement ” »[41].
Ainsi, la crise sanitaire a été le théâtre d’une évolution de l’étendue du pouvoir d’injonction du juge du référé-liberté. Cette prérogative a également été sujette à une mutation, temporaire, de sa finalité (B).
B. Une mutation temporaire de la finalité du pouvoir d’injonction du juge du référé-liberté
La conception — du juge et des requérants — de la finalité du pouvoir d’injonction du juge du référé-liberté a connu une évolution étonnante durant la crise sanitaire de la Covid-19. En effet, cette voie de droit a été « actionné[e] comme un instrument de contrôle de la gestion de la pandémie par les pouvoirs publics, dans le sens du renforcement des mesures de contrainte »[42] par les requérants.
Cela a eu pour conséquence que le 22 mars 2020[43], suite à la requête formée par le Syndicat « jeunes médecins » afin d’obtenir le confinement total de la population française, le juge du référé-liberté du Conseil d’État a été à la source d’injonctions restreignant l’exercice de libertés fondamentales puisque celles-ci avaient pour objet le renforcement de mesures de contrainte. Comme l’a analysé Xavier Dupré de Boulois, la juridiction administrative suprême s’est alors placée en « situation de prescrire aux autorités de police l’adoption de mesures de contrainte qui peuvent constituer des entraves importantes à l’exercice de différentes libertés. Il [est devenu], si l’on nous permet l’expression, une “ méta-autorité de police ”, en situation de faire la leçon aux autorités compétentes sur la “ bonne mesure de police ” au sens de son efficacité opérationnelle »[44]. Si, par la suite, ce juge a formulé des injonctions correspondant à la logique classique du référé-liberté, le Conseil d’État a établi que le juge du référé-liberté pouvait formuler des injonctions de cette nature.
La requête formée le 22 mars 2020 est l’exemple le plus emblématique en la matière. Elle n’est cependant pas la seule au sein de laquelle nous avons pu constater une mise en tension de différentes libertés fondamentales avec le droit à la vie. Tel est le cas dans vingt et une des ordonnances qui ont été collectées. Pour certaines d’entre elles, le cœur de la requête avait pour objet d’obtenir un renforcement des mesures de contrainte[45]. Pour d’autres, il s’agissait de s’assurer du respect des mesures de contrainte[46]. À l’inverse, certaines requêtes cherchaient à obtenir du juge administratif qu’il enjoigne à l’administration de fournir des moyens matériels permettant de lutter contre la pandémie, mais aussi d’adopter des mesures de contrainte[47].
L’usage du référé-liberté, dans le sens d’un renforcement des mesures de contrainte, a été largement commenté et critiqué[48]. Cela est compréhensible au regard de la dimension paradoxale de ce type de requête. Il faut, cependant, mettre en évidence que cela n’a été que temporaire. À ce titre, nous avons divisé le laps de temps étudié en quatre périodes[49] et les requêtes mobilisant le droit à la vie en trois catégories. La première correspond aux saisines formées dans le but d’obtenir des moyens ou des mesures permettant la protection du droit à la vie. La deuxième comprend les saisines formées dans le but d’obtenir l’adoption de mesures de contrainte instituant un conflit de libertés fondamentales. Et la dernière englobe les requêtes formées afin d’obtenir le recul de mesures de contrainte.
La première période s’étend du 19 mars 2020 au 11 mai 2020, c’est-à-dire du début des mesures de restriction jusqu’à la première phase du premier déconfinement. Durant celle-ci, la majorité des requêtes tendent à obtenir du juge qu’il enjoigne à l’administration de fournir des moyens matériels ou d’adopter des mesures permettant de protéger le droit à la vie. Néanmoins, une proportion conséquente des requêtes formées met en conflit le droit à la vie avec une ou plusieurs autres libertés fondamentales[50]. En revanche, une seule requête est formée afin d’obtenir du juge qu’il constate que, par la mise en œuvre de ses pouvoirs de police, l’administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie[51].
La deuxième période s’étend de la première phase du premier déconfinement jusqu’à la mise en place du second confinement, c’est-à-dire jusqu’au 30 octobre 2020. La majorité des requêtes sont celles tendant à obtenir du juge qu’il enjoigne à l’administration de fournir des moyens matériels ou d’adopter des mesures permettant de protéger le droit à la vie sans qu’aucun conflit de libertés fondamentales n’en découle. On constate néanmoins une diminution de la part des requêtes formées en ce sens. De plus, il y a une inversion de la tendance, très nette, entre les deux autres types de requêtes. La proportion de requêtes formées afin d’obtenir du juge qu’il constate que, par la mise en œuvre de ses pouvoirs de police, l’administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale explose. À l’inverse, la proportion de requêtes mettant en conflit le droit à la vie avec une ou plusieurs autres libertés fondamentales s’écroule. Seules trois requêtes sont formées en ce sens.
La troisième période s’étend de la mise en place du second confinement jusqu’à l’adoption du passe sanitaire, c’est-à-dire jusqu’au 9 août 2021. La part des requêtes formées afin d’obtenir du juge qu’il constate que, par la mise en œuvre de ses pouvoirs de police, l’administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale continue d’augmenter. De sorte qu’il s’agit, durant cette période, de la majorité des requêtes fondées sur le droit à la vie. En revanche, la proportion de requêtes tendant à obtenir du juge qu’il enjoigne à l’administration de fournir des moyens matériels ou d’adopter des mesures de police diminue significativement. Elle passe de quarante à neuf.
Enfin, durant la quatrième et dernière période, c’est-à-dire de l’adoption du passe sanitaire jusqu’au 19 mars 2022, cette tendance continue de progresser. La proportion de requêtes tendant à obtenir du juge qu’il enjoigne à l’administration de fournir des moyens matériels ou d’adopter des mesures de police que celles-ci soient créatrices ou non de conflit de libertés fondamentales continue de diminuer. Tandis que la proportion de requêtes formées afin d’obtenir du juge qu’il constate que, par la mise en œuvre de ses pouvoirs de police, l’administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, continue d’augmenter.
Il convient de relever qu’il n’y a pas de corrélation entre l’évolution du nombre de décès dû à la Covid-19 et du taux de positivité et l’évolution du nombre de saisines du juge du référé-liberté formées afin d’obtenir un renforcement des mesures de contrainte. La proportion de requêtes mobilisant le droit à la vie dans le but d’obtenir l’adoption de mesures de contrainte instituant un conflit de libertés fondamentales ne réaugmente pas avec le nombre de décès et le taux de positivité à la fin de l’année 2021 et au début de l’année 2022.
Cet usage temporaire du référé-liberté est à mettre en lien avec le contexte idéologique du début de la crise sanitaire. Dans le cadre d’une communication publique omniprésente[52], le président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement ont adopté un discours de responsabilisation fondé sur une rhétorique guerrière[53]. Sur le plan juridique, le droit à la vie est alors devenu une « arme » tournée contre les autres libertés fondamentales et non plus contre les carences ou le comportement de l’administration. Ce constat peut également être tiré au niveau international[54].
Il ne s’agit pas ici de choisir le « camp »[55] de ceux qui « défendent le primat de l’individu »[56] face à « celles et ceux qui privilégient l’intérêt collectif »[57], ou de vanter les mérites d’un individualisme exacerbé. Il est impératif de protéger les intérêts collectifs, mais cela ne doit pas se faire aux dépens d’une disparition de la protection des autres libertés fondamentales. Si l’usage paradoxal du référé-liberté n’a été que provisoire, nous ne savons que trop bien que les états d’urgence laissent des traces juridiques et institutionnelles indélébiles[58].
En dépit de l’extension des pouvoirs du juge administratif durant la crise sanitaire, il ne s’est pas produit un renforcement de la protection des libertés durant la crise sanitaire (II).
II. L’insuffisance de la protection des libertés fondamentales dans le contentieux Covid
Les larges pouvoirs dont dispose le juge du référé-liberté sont « finalisés » [59] : les injonctions prononcées par ce juge doivent « avoir un objet déterminé et répondre à une finalité précise : la sauvegarde, nécessaire, d’une liberté fondamentale »[60]. Ainsi, l’utilisation renforcée du pouvoir d’injonction de ce juge durant la crise sanitaire aurait dû entraîner un accroissement de la protection des libertés fondamentales. Pour autant, tel n’a pas été le cas. En effet, « le bilan du juge administratif comme juge protecteur des libertés fondamentales [est] famélique d’un point de vue quantitatif. Il l’est également qualitativement et substantiellement »[61]. À ce titre, il convient de mettre en évidence le caractère insatisfaisant du contrôle de l’atteinte aux libertés fondamentales opéré par le juge du référé-liberté du Conseil d’État (A). En outre, la question de la protection des libertés fondamentales face aux comportements et aux décisions de l’administration sera abordée. Néanmoins, au regard de la particularité des référés-liberté en carence[62] durant la crise sanitaire, de larges développements seront dédiés à cette question. C’est pourquoi, il s’agira de mettre en évidence l’insuffisance de la protection des libertés fondamentales dans le cadre des référés-liberté en carence (B).
A.Un contrôle insatisfaisant de l’atteinte aux libertés fondamentales
Le contrôle de l’atteinte portée aux libertés fondamentales par le juge du référé-liberté a été insatisfaisant à deux égards. D’une part, il s’est produit un dérèglement de la logique propre au contentieux des libertés fondamentales et, d’autre part, le contrôle de proportionnalité a été mis en œuvre de manière inconstante.
Concernant le dérèglement de la logique propre au contentieux des libertés fondamentales, il faut regretter, avec Jeanne de Gliniasty, que « le rapport de conciliation entre des intérêts par nature contradictoires, propre au contrôle des mesures de police administrative, [se soit transformé] en un rapport d’adéquation »[63]. En effet, une partie des requêtes formées ont eu pour objet de faire reconnaître l’atteinte grave et manifestement illégale portée au droit à la vie par des mesures de police ayant pourtant pour but de protéger la vie et la santé des citoyens en tant que composante de l’ordre public. Il y a donc eu une disparition de la mise en tension entre libertés fondamentales et ordre public. Comme le relève la même auteure, « cette évolution […] s’inscrit dans un mouvement plus général qui s’est intensifié dans les périodes de crise et en particulier en période d’état d’urgence »[64].
Concernant la mise en œuvre du contrôle de proportionnalité, la crise sanitaire a été le théâtre d’une mise en œuvre protéiforme de celui-ci[65]. En effet, s’il faut constater une mise en œuvre épisodique d’un contrôle de proportionnalité approfondi, celle-ci a majoritairement été insatisfaisante. Comme le relève Cédric Roulhac, dans les périodes de crise, le juge du référé-liberté fait « tantôt évoluer son contrôle dans le sens d’une protection accrue des libertés, tantôt recourt à certains paramètres qui aboutissent souvent à sa neutralisation »[66]. La mise en œuvre inconstante du contrôle de proportionnalité met en exergue cette « ambivalence »[67] dans la posture du juge administratif en temps de crise.
Ainsi, de manière ponctuelle, la juridiction administrative suprême a procédé à un contrôle approfondi de la proportionnalité des mesures de police. Celui-ci a reposé sur une mise en œuvre rigoureuse[68] du « triple test »[69] et a permis la réaffirmation de l’impératif de proportionnalité s’imposant aux mesures de police[70].
Toutefois, cette rigueur n’a pas « résisté à la nouvelle aggravation de la situation sanitaire »[71]. Cette mise en œuvre approfondie n’a été que sporadique. Elle est apparue et a disparu au gré des différentes vagues de l’épidémie. En effet, « il est […] notable que les quelques succès contentieux de requêtes portées devant le Conseil d’État en contestation de la nécessité des mesures édictées [ …] l’ont été en phase de déconfinement, soit dans une phase descente de crise »[72]. Ainsi, le bilan du contrôle de proportionnalité dans le « contentieux covid » est, du point de vue de la protection des libertés, majoritairement insatisfaisant.
Dans une multitude de saisines, le Conseil d’État ne l’a pas mis en œuvre, alors même que la communication officielle de celui-ci indique qu’il « s’est ainsi attaché à vérifier que ces atteintes aux libertés étaient nécessaires, adaptées et proportionnées »[73]. Cela a, notamment, résulté d’une mobilisation paralysante des données scientifiques par le juge du référé-liberté[74].
Lorsqu’il a été mis en œuvre, le contrôle de proportionnalité a pu être dénaturé par une modification critiquable de ses critères. En effet, durant la crise sanitaire, le Conseil d’État a intégré la « simplicité »[75], la « lisibilité »[76] et la « cohérence »[77] des mesures de police dans le contrôle de leur proportionnalité. À titre d’exemple, le 6 septembre 2020, la juridiction administrative suprême a annulé l’ordonnance du tribunal administratif de Lyon qui avait enjoint au préfet du Rhône « d’exclure de l’obligation du port du masque les lieux […] qui [n’étaient] pas caractérisés par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion du virus SARS-CoV-2 et les périodes horaires durant lesquelles aucun risque particulier de propagation de ce virus n’existe »[78] au motif que « le caractère proportionné d’une mesure de police s’apprécie nécessairement en tenant compte de […] sa simplicité et sa lisibilité »[79]. Par conséquent, l’administration, lorsqu’elle détermine les lieux dans lesquels elle rend obligatoire le port du masque, « est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique […] Il peut, de même, définir les horaires d’application de cette règle de façon uniforme dans l’ensemble d’une même commune, voire d’un même département »[80]. Autrement dit, « pendant la crise sanitaire on ne peut pas faire de la dentelle »[81]. L’obligation pour une mesure de police d’être nécessaire, c’est-à-dire qu’aucune alternative moins attentatoire aux libertés n’existe, est ainsi remise en cause par le Conseil d’État. Cette approche doit être critiquée, car elle revient à affirmer qu’afin d’être sûr de ne pas manquer son coup, on peut tirer à coup de canon sur des moineaux.
Il s’agit à présent de mettre en évidence l’insuffisance de la protection des libertés fondamentales dans le cadre des référés-liberté en carence du « contentieux covid » (B).
B. L’insuffisance de la protection des libertés fondamentales dans le cadre des référés-liberté en carence
Entre la décision Ville de Paris et le 19 mars 2020, le Conseil d’État a été saisi d’environ trois cents référés-liberté en carence[82], tandis que soixante requêtes de la sorte ont été formées entre le 19 mars et le 31 mai 2020. En moins de trois mois, la juridiction suprême administrative a ainsi été saisie de trois fois plus de référés-liberté en carence que ce qu’elle ne traite en moyenne en une année.
En effet, au début de la crise sanitaire, ce type de requêtes a été largement majoritaire[83]. De même, le mois suivant, elles constituaient trente des quarante-huit requêtes formées. En mai 2020, l’effectif de référé-liberté en carence est resté élevé. Par la suite, le nombre des référés-liberté en carence, ainsi que leur proportion par rapport à la totalité des demandes formées, a significativement diminué.
Ces référés-liberté en carence ont été d’une grande diversité. Le principal fondement de ce type de requête a été le droit à la vie. Ont cependant aussi été invoqués la liberté d’aller et venir[84], le droit au travail[85], le droit au respect de la dignité de la personne humaine et au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants[86], le droit à l’hébergement[87], la liberté du patient de donner son consentement libre et éclairé aux soins médicaux qui lui sont prodigués[88] ou encore le droit à l’éducation[89]. En outre, une même liberté fondamentale a pu être mobilisée dans des sens distincts[90]. Dans l’ensemble, les mesures demandées par les requérants ont été particulièrement variées[91].
En dépit de cet usage massif et diversifié de la possibilité de former des référés-liberté en carence, seules six requêtes ont abouti sur le prononcé d’injonctions[92]. Cela résulte d’une pluralité de motifs de rejets.
Il faut constater l’inefficacité ontologique des requêtes mobilisant la crise sanitaire en tant que contexte de renforcement de la vulnérabilité de requérants[93]. En effet, dans une partie des saisines, l’atteinte que les requérants demandaient au juge du référé-liberté de constater ne résultait pas exclusivement de la crise sanitaire. Celle-ci était mobilisée comme un des arguments au soutien de leur requête. À titre d’exemple, le 23 mars 2020[94], la crise sanitaire a été invoquée, d’une part, comme un élément renforçant la vulnérabilité des requérants. Et, d’autre part, pour mettre en échec le principe selon lequel la carence de l’administration à mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence[95] s’apprécie en tenant compte des diligences accomplies par l’administration, des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée[96]. Le Conseil d’État a rejeté la demande des requérants au motif que ces derniers ne pouvaient pas « utilement soutenir que l’épidémie de Covid-19, concernant toute la population, rendrait toute saturation du dispositif d’accueil et tout ordre de priorité inopposables »[97]. Par la suite, la juridiction administrative suprême a confirmé cette approche de manière constante[98].
À l’inverse, les requêtes au sein desquelles l’épidémie de Covid-19 a été mobilisée en tant que source directe de l’atteinte à la liberté fondamentale invoquée sont marquées par une hétérogénéité des motifs de rejet[99]. Néanmoins, dans plus de la moitié des cas, les injonctions demandées ont été rejetées sur le fondement de l’incapacité pour l’administration de prendre certaines mesures ou le fait qu’elle s’est engagée à le faire prochainement.
Concernant les moyens dont dispose l’administration, ce motif de rejet a ainsi été mobilisé de manière massive. En outre, le Conseil d’État a explicitement consacré la prise en compte des moyens dont dispose l’administration pour qualifier l’existence d’une carence constituant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale comme s’appliquant à l’ensemble des référés-liberté en carence[100]. Cela implique que l’incapacité, pour les pouvoirs publics, d’agir en un sens est jugée extrinsèque aux pouvoirs publics[101]. Autrement dit « l’absence de moyens matériels de l’administration [justifie], par une sorte d’application de la théorie des formalités impossibles, l’action défaillante de cette dernière – comme si l’insuffisante disponibilité de matériel était étrangère à l’action gouvernementale »[102]. Cette approche doit être critiquée en ce qu’elle implique un passage du contrôle de l’illégalité de l’atteinte à une liberté fondamentale à l’illégalité de la carence. En effet, en prenant en compte les moyens dont dispose l’administration, le Conseil d’État déplace le curseur de son contrôle. Ce qui est « sanctionné », ce n’est pas l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, c’est l’absence de mise en œuvre des moyens dont dispose l’administration[103].
Dans le même sens, les promesses et efforts de l’administration sont devenus des limites à la constatation de l’existence d’atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales. À titre d’exemple, le 2 avril 2020, le Conseil d’État a refusé de prononcer des injonctions au motif que « l’administration fait valoir qu’elle poursuit ses efforts pour les accroître encore à brève échéance […] sans exclure de recourir à des réquisitions si cela s’avérait nécessaire »[104]. C’est donc la forte probabilité de voir la situation s’améliorer qui justifie le rejet d’une partie conséquente des requêtes formées. La prise en compte des mesures déjà prises, mais n’ayant pas encore porté effet, est cohérente au regard de l’office du juge du référé-liberté. À l’inverse, prendre en compte d’hypothétiques mesures semble contradictoire avec la jurisprudence du Conseil d’État. En effet, celui-ci a rejeté une requête au motif qu’ « il lui appartient de se prononcer en l’état de l’instruction devant lui et en fonction de la situation à la date à laquelle il rend sa décision »[105]. Or, les promesses de l’administration ont, comme l’a fait valoir Olga Mamoudy, eu « presque valeur de preuve »[106] durant la crise sanitaire.
À l’inverse, les circonstances de faits des requérants n’ont que peu été prises en compte, comme le met en exergue le contentieux relatif aux personnes exécutant des peines privatives de liberté[107].
Outre leur rareté, c’est l’insuffisance des injonctions prononcées qui doit être constatée[108]. À titre d’exemple, le 30 avril 2020, le Conseil d’État a enjoint « au Premier ministre de rendre publique sous vingt-quatre heures, par un moyen de communication à large diffusion, la position du gouvernement […] relative à l’usage de la bicyclette lors des déplacements autorisés par l’article 3 du décret n°2020-293 du 23 mars 2020 »[109]. Certains ont salué cette décision en raison de la protection, permise par celle-ci, de la liberté personnelle[110], du principe de sécurité juridique[111] et du principe de légalité des délits et des peines[112]. Il est vrai que dans le contexte troublé du début de la crise sanitaire, il était important d’apporter des réponses claires aux citoyens sur l’étendue des interdictions s’imposant à eux. Néanmoins, la place de cette ordonnance au regard de la protection des libertés fondamentales doit être relativisée. En ce sens, Paul Cassia avait affirmé : « un communiqué sur l’usage du vélo en confinement rappelant la réglementation applicable… Quelle fermeté de la part du Conseil d’État, à la hauteur des circonstances exceptionnelles que le pays traverse ! »[113]. En outre, l’interprétation des dispositions qui a été diffusée comprend la formule suivante : « les restrictions de temps et de distance imposées […] privent en principe d’intérêt l’usage de la bicyclette pour un déplacement exclusivement motivé par l’activité physique individuelle et que, dans un tel cas, le risque plus important de commission d’une infraction liée au dépassement de la distance autorisée doit conduire, tout en rappelant la possibilité juridique d’utiliser la bicyclette pour tout motif de déplacement, à “ en dissuader l’usage au titre de l’activité physique ” »[114]. De sorte que, « quoi qu’en dise le Gouvernement (et le Conseil d’État avec lui), la nuance apportée par le relevé de décision de la cellule interministérielle paraît ajouter au droit en voulant “ dissuader ” la pratique cycliste de loisir. L’état du droit n’a pas changé, pourtant, mais son application, oui »[115].
*
Ainsi, durant la crise sanitaire, le juge du référé-liberté a mis en œuvre de manière renforcée son pouvoir d’injonction. Le Conseil d’État a, en effet, formulé des injonctions de nature normative, sans constater d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, s’appliquant à l’ensemble du territoire national dans un sens de renforcement des mesures de contrainte. Le contrôle de proportionnalité opéré par le juge a, lui aussi, connu des changements significatifs. D’une part, certaines ordonnances du contentieux covid ont été le lieu d’une distinction claire entre l’examen de la nécessité de la mesure et celui de sa proportionnalité stricto sensu. D’autre part, le Conseil d’État a intégré la « simplicité », la « lisibilité » et la « cohérence » d’une mesure aux éléments à prendre en compte dans le cadre du contrôle de proportionnalité. Concernant le contentieux relatif à la carence de l’administration, la prise en compte des moyens dont dispose l’administration a été explicitement consacrée comme applicable à l’ensemble du contentieux de la carence durant la crise sanitaire. De plus, les mesures promises et les annonces gouvernementales ont pris une place nouvelle dans ce contentieux. Ces constats soulèvent différentes interrogations : dans quelle mesure le « contentieux covid » aura « un effet de cliquet » sur la jurisprudence du juge du référé-liberté ? Quelles évolutions ont été catalysées par la crise sanitaire ? Et quelles évolutions seront induites par celle-ci ? Autrement dit : quel est l’office actuel du juge du référé-liberté ?
[1] L’office d’un juge correspond à « l’ensemble de devoirs et de pouvoirs attachés [à sa fonction] » (J. Carbonnier, « préface », in A. Garapon, Bien juger. Essai sur le rituel judiciaire, Paris, Éditions Odile Jacob, 2001). Autrement dit, « la notion d’office du juge […] renvoie à la fonction de juger et à la méthode avec laquelle celui qui est investi d’une telle prérogative exerce sa mission » (Y. Laidi, « préface », in. C. Leclerc, Le renouvellement de l’office du juge administratif français, Paris, Édition L’Harmattan, 2015). La lecture de l’article L. 521-2 du CJA indique que l’office du juge du référé-liberté est de mettre fin dans l’urgence aux atteintes portées à une liberté fondamentale lorsque de telles atteintes sont graves et manifestement illégales.
[2] Une « attitude de rupture “ épistémologique ” […] produit des discours d’explication » (T. Acar, V. Champeil-Desplats, A. Gelblat, S. Hennette-Vauchez, « Physionomie générale du corpus QPC et méthodologie de la recherche », La Revue des droits de l’homme, 2021. URL : http://journals.openedition.org/revdh/12680). Elle peut « revêtir différentes formes. [Elle] peut ainsi consister en des opérations plus ou moins liées de “ distanciations ”, de “ déplacements ”, de “ dévoilements ” ou encore de “ changements de point de vue ” à l’égard de l’objet observé » (ibidem).
[3] Issue d’un mémoire de Master 2 Droit et Histoire des droits de l’Homme de la faculté de droit de Grenoble, cette recherche de jurisprudence a été rendue possible par une convention de mise à disposition de la base Ariane archives passée avec le Centre de recherche et de diffusion juridiques (CRDJ) du Conseil d’État.
[4] « Elles ont émané de particuliers, d’entreprises, d’associations, de syndicats, de partis politiques ; certaines visaient à accroître la sévérité du confinement, d’autres à l’atténuer ; certaines posaient des questions de légalité purement juridiques, d’autres des problèmes extrêmement concrets relatifs, notamment, à l’organisation et au fonctionnement d’établissements et services publics ; la plupart des grandes libertés fondamentales ont été invoquées, du droit à la vie à la liberté d’aller et venir, en passant par le droit à la santé, la liberté de culte, la liberté de réunion, la liberté d’entreprendre ou encore le droit de manifester » (B. Lasserre, « Le Conseil d’État face à la crise sanitaire du Covid-19 », discours du 18 décembre 2020. URL : https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/discours-et-interventions/de-nouvelles-frontieres-pour-le-juge-administratif-par-bruno-lasserre-vice-president-du-conseil-d-etat).
[5] La collecte des ordonnances a été effectuée sur Ariane archives avec deux types de combinaisons de mots-clés. D’abord « “ il est enjoint ” ET “ 521-2 ” » et ensuite « “ il est ordonné ” ET “ 521-2 ” ». Les possibilités d’inclure, dans les résultats, la correction orthographique ainsi que les ordonnances contenant les « pluriels, féminins, conjugaisons » et « acronymes » des termes recherchés n’ont pas été activées. La collecte inclut les ordonnances ayant été rendues entre le 12 janvier 2001 – date de la première ordonnance de référé-liberté – et le 19 mars 2020. Cela a permis de récolter 140 ordonnances. Nous avons ensuite identifié six ordonnances d’exécution qui ont été supprimées du corpus final.
[6] C’est-à-dire celles par lesquelles le juge du référé-liberté met à la charge de l’administration le devoir de s’abstenir d’agir afin de ne pas porter atteinte à une liberté fondamentale. Elles constituent environ 7 % des injonctions prononcées.
[7] Elles constituent environ 31 % des injonctions prononcées : soit 42 des 134 injonctions prononcées. À titre d’exemple, le juge du référé-liberté du Conseil d’État a enjoint « au préfet du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la demande d’admission au séjour en vue de l’asile présentée » par la requérante (CE, 18 octobre 2006, n°298101).
[8] Elles constituent 59 % des injonctions prononcées : soit 83 des 134 injonctions prononcées.
[9] Voir en ce sens : CE, 1 juin 2017, n°406103 ; CE, 31 mai 2016, n°396848 ; CE, 2 novembre 2018, n°424941 ; CE, 14 décembre 2018, n°424847.
[10] Ce dernier employant, également, la formule « toutes diligences utiles » (CE, 25 janvier 2019, n°427167).
[11] CE, 11 janvier 2019, n°426227. Dans le même sens : une commune porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété d’une requérante : la seule manière d’y mettre fin et d’enjoindre à l’administration de cesser immédiatement les travaux qu’elle a entrepris sur la parcelle (CE, 23 janvier 2013, commune de Chirongui, n°365262) ; le refus de l’OFII de rétablir le bénéfice des conditions matérielles d’accueil porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile : la seule mesure susceptible d’y mettre fin est le versement de l’allocation pour demandeur d’asile (voir en ce sens : CE, 3 septembre 2019, n°433896 ; CE, 9 juillet 2019, n°431695).
[12] À titre d’exemple, en 2019, il a enjoint à un préfet « d’une part de mettre en place […] des maraudes d’information à l’intérieur et autour [d’un gymnase] à l’occasion desquelles des documents […] seront remis aux migrants pour les informer de leurs droits, en tant que demandeurs d’asile, de mineurs non accompagnés ou de bénéficiaires d’un hébergement d’urgence et, d’autre part, d’installer, dans le même délai, des points d’eau, des cabines de douches et des sanitaires en nombre suffisant à proximité de ce gymnase » (CE, 21 juin 2019, n°431115).
[13] L’injonction n’avait pas complètement disparu du prétoire du juge administratif. En effet, ce dernier prononçait toujours des injonctions d’instruction résultant du caractère inquisitoire de la procédure (CE, 1 mai 1936, Couespel du Mesnil) et des injonctions d’exécution à l’encontre des personnes privées et des personnes publiques dans le cadre du référé pré-contractuel.
[14] Lors du passage de la justice retenue à la justice déléguée, le juge administratif ne s’estimait plus compétent pour prononcer des injonctions à l’égard de l’administration. En effet, à partir de 1874, le Conseil d’État juge que « toutes conclusions tendant à faire ordonner les mesures administratives à prendre comme conséquence de l’annulation sont rejetées comme non recevables » (CE, 16 janvier 1874, Frère des écoles chrétiennes). Pendant plus d’un siècle, la juridiction administrative suprême confirmera cette jurisprudence (voir en ce sens : CE, 5 novembre 1953, Collado ; CE, 22 avril 1955, Commune de Saint-Martin-en-Vercors et autres ; CE, 4 février 1976, Elissonde ; CE, 15 février 1978, Plantureux). Elle fera même de ce principe un moyen d’ordre public (CE, 17 avril 1963, ministre des Anciens combattants et victimes de guerre c/ Faderne) et étendra constamment le champ d’application de celui-ci. Il s’applique aux personnes publiques, aux personnes privées chargées de la gestion d’un service public ou encore aux établissements publics et ceux même s’il s’agissait d’établissements publics industriels et commerciaux (CE, 20 janvier 1988, Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel C.F.D.T., n°63719). Il s’agissait d’une auto-limitation du juge puisqu’il n’existait « pas de principe [pouvant] valablement [être] opposé à la reconnaissance de ce pouvoir du juge » (M. Waline, note sous CE, Sect., 23 janvier 1970, Ministre d’État chargé des affaires sociales c/ Amoros, RDP, 1970, p. 1040). Ce dernier faisait reposer celle-ci sur le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires proclamé par la loi des 16 et 24 août 1790 relative à l’organisation judiciaire et réaffirmé par la loi du 16 fructidor an III (CE, 24 octobre 1969, n°77089, Ministre de l’Équipement et du logement c. Sieur Gougeon).
[15] Soit 58 des 134 injonctions prononcées.
[16] Voir en ce sens : CE, 20 juillet 2011, n°350850 ; CE, 24 décembre 2010, n°345107 ; CE, 23 juillet 2014, n°382556.
[17] CE, 11 janvier 2019, n°426227 ; CE, 14 décembre 2018, n°424847 ; CE, 2 novembre 2018, n°424941 ; CE, 31 octobre 2018, n°424853 ; CE, 28 novembre 2016, n°404994 ; CE, 3 août 2016, n°401924 ; CE, 20 avril 2016, n°396467 ; CE, 6 janvier 2016, n°395622 ; CE, 22 octobre 2015, n°394041 ; CE, 9 juillet 2014, n°382145 ; CE, 26 décembre 2013, n°374139 ; CE, 8 février 2012, n°337992 ; CE, 5 août 2011, n°351247 ; CE, 10 mai 2010, n°337874 ; CE, 4 mars 2010, n°336700 ; CE, 2 juin 2009, n°326436 ; CE, 20 avril 2009, n°327162 ; CE, 18 septembre 2008, n°320384 ; CE, 16 janvier 2008, n°312205 ; CE, 10 janvier 2008, n°312119 ; CE, 17 mars 2006, n°291214 ; CE, 29 juillet 2003, n°258900.
[18] La seule exception date du 20 avril 2016. Le champ de celle-ci est, cependant, relativement limité dans la mesure où l’injonction concernait un produit spécifique (CE, 20 avril 2016, n°396467).
[19] À titre d’exemple, le Conseil d’État a enjoint « au ministre de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire de réexaminer, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la présente ordonnance, la demande de visa présentée [par la requérante] » (CE, 10 mai 2010, n°337874) ou « au ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration de faire domicilier [le requérant] en vue de l’enregistrement de sa demande d’asile dans un délai de soixante-douze heures à compter de la notification de la présente ordonnance » (CE, 5 août 2011, n°351247).
[20] Classiquement, les injonctions prononcées par le juge du référé-liberté du Conseil d’État ont des conséquences matérielles. Elles n’ont pas d’impact sur le processus de création normatif. Voir en ce sens : M. Bartolucci, « Le pouvoir d’injonction du juge administratif revisité par les circonstances exceptionnelles de la crise sanitaire du Covid-19 », LPA, 2020, n°154b5, p. 9.
[21] CE, 22 mars 2020, préc. ; CE, 30 avril 2020, n°440179 ; CE, 30 avril 2020, n°440250 ; CE, 7 mai 2020, n°440151 ; CE, 18 mai 2020, n°440366 ; CE, 26 juin 2020, n°441065 ; CE, 18 mai 2020, n°440442 ; CE, 8 juillet 2020, n°440756 ; CE, 10 juillet 2020, n°441518 ; CE, 6 septembre 2020, n°443750 ; CE, 6 septembre 2020, n°443751 ; CE, 29 novembre 2020, n°446930 ; CE, 2 mars 2021, n°449514 ; CE, 17 mars 2021, n°450122 ; CE, 17 juin 2021, n°453113 ; CE, 9 juillet 2021, n°454174 ; CE, 22 novembre 2021, n°456924.
[22] Le Conseil d’État a en effet jugé que « l’économie générale des arrêtés ministériels et du décret du 16 mars 2020 ne [révélait] pas une [carence grave et manifestement illégale] » (CE, 22 mars 2020, préc).
[23] « Le juge des référés ne peut faire usage du pouvoir d’injonction que [l’article L. 521-2 du Code de justice administrative] lui confère sans avoir constaté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale » (CE, 21 novembre 2005, n°287112).
[24] Le Conseil d’État a jugé qu’une carence serait « susceptible d’être caractérisée si [les dispositions litigieuses étaient] inexactement interprétées et leur non-respect inégalement ou insuffisamment sanctionné ». (CE, 22 mars 2020, préc).
[25] A. Lallet, concl. CE, 19 octobre 2020, n°439372. URL : www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CRP/conclusion/2020-10-19/439372.
[26] R. Debbasch, « Le juge administratif et l’injonction : la fin d’un tabou », JCP G, 1996, n°16.
[27] CE, 22 mars 2020, préc. ; CE, 30 avril 2020, n°440179 ; CE, 30 avril 2020, n°440250 ; CE, 7 mai 2020, n°440151, CE, 18 mai 2020, n°440366, CE, 10 juillet 2020, n°441518, CE, 29 novembre 2020, n°446930 ; CE, 17 mars 2021, n°450122 ; CE, 17 juin 2021, n°453113 ; CE, 9 juillet 2021, n°454174 ; CE, 22 novembre 2021, n°456924.
[28] CE, 9 juillet 2021, n°454174 : « Il est enjoint au ministre de l’Intérieur de délivrer à Mme A… D…, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance, un visa lui permettant d’entrer sur le territoire français pour y célébrer son mariage. Ministre mains individuel ».
[29] CE, 22 novembre 2021, n°456924.
[30] Il convient de relever que le choix de la formule « il est enjoint à l’État » plutôt que « il est enjoint au Préfet de Paris » n’est pas anodin. Cet arrêt constitue la seule occurrence de cette formulation dans la totalité des ordonnances rendues par le juge du référé-liberté du Conseil d’État. (Recherche effectuée sur la base de données Ariane archives avec les mots-clés « “ il est enjoint à l’État ” ET “ 521-2 ” ». Les possibilités d’inclure, dans les résultats, la correction orthographique ainsi que les ordonnances contenant les « pluriels, féminins, conjugaisons » et « acronymes » des termes recherchés n’ont pas été activées).
[31] CE, 18 mai 2020, n°440442.
[32] CE, 22 mars 2020, prèc.
[33] Ibidem.
[34] Décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
[35] Ibidem.
[36] Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19.
[37] Voir en ce sens : S. Slama, « Quatre suspensions et une annulation », AJDA, 2021, p. 1930.
[38] CE, 17 juin 2021, n°453113.
[39] Décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
[40] Décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
[41] CE, 18 mai 2020, n°440366.
[42] J. De Gliniasty, « La gestion de la pandémie par la puissance publique devant le Conseil d’État à l’aune de l’ordonnance de référé du 22 mars 2020 », La Revue des droits de l’homme, 2020.
[43] CE, 22 mars 2020, prèc.
[44] X. Dupré de Boulois, « On nous change notre référé-liberté », RDLF, 2020, n°12.
[45] Il en va ainsi lorsque les requérants demandent au juge « d’enjoindre au gouvernement de maintenir le port du masque obligatoire dans les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux et dans les établissements de santé des armées pour toutes les personnes présentes dans ces établissements, y compris lorsqu’elles sont détentrices du “ passe sanitaire ” » (CE, 24 août 2021, n°455442) ou « d’enjoindre à l’État de renforcer les mesures de confinement » (CE, 18 avril 2020, n°440012).
[46] À titre d’exemple, des requérants ont demandé au juge du référé-liberté du Conseil d’État « d’enjoindre au Premier ministre et au ministre de l’Intérieur d’ordonner, à densité de population égale, l’application uniforme sur tout le territoire national des contrôles et des sanctions relatifs au respect du confinement » (CE, 7 avril 2020, n°439806).
[47] Tel est le cas lorsque les requérants demandent, à la fois, au juge d’enjoindre à l’État de mettre en place un « isolement et mise en quarantaine systématique de tous les nouveaux arrivants sur le territoire […] [et] un couvre-feu sur l’ensemble du territoire » et, à la fois, d’enjoindre des mesures permettant la « fourniture de masques et de matériels de santé nécessaires pour la lutte contre l’épidémie en quantité et en qualité au personnel de santé » (CE, 4 avril 2020, n°439816).
[48] Voir en ce sens : M. Bartolucci, « Le pouvoir d’injonction du juge administratif revisité par les circonstances exceptionnelles de la crise sanitaire du Covid-19 », op. cit. ; L. De Fournoux, « Crise sanitaire et droits fondamentaux : les mutations du référé-liberté », Europe des Droits & Libertés/Europe of Rights & Liberties, 2021/1, n°3, p. 77 ; X. Dupré de Boulois, « On nous change notre référé́-liberté́ », op. cit.
[49] Communiqué de presse du Conseil d’État, « Un an de recours en justice liés à la Covid-19 – Retour en chiffres sur l’activité du CE, juge de l’urgence et des libertés », 21 avril 2021. URL : https://www.conseil-etat.fr/actualites/covid-19-retour-en-chiffres-sur-un-an-de-recours-devant-le-conseil-d-etat-juge-de-l-urgence-et-des-libertes).
[50] CE, 6 avril 2020, n°439921.
[51] Ibidem.
[52] Voir en ce sens : C. Chaussinand, « Communication politique et Covid », ADSP, 2021/4, n°116, p. 64-66 ; N. Hervé, « Coronavirus Étude de l’intensité médiatique », 12 mai 2020 ; S. Douteaud, « Quand l’état d’urgence sanitaire bouscule la communication au Conseil d’État et au Conseil constitutionnel », JP blog, 11 mai 2020.
[53] À titre d’exemple, la formule « nous sommes en guerre » a été répétée six fois à l’occasion du discours du Président de la République du 16 mars 2020 (E. Macron, « Adresse aux Français », 16 mars 2020. URL : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/03/16/adresse-aux-francais-covid19 ). Cet imaginaire a continué d’être construit par la quasi-totalité des prises de parole officielles du début de la crise sanitaire. Pour preuve, ont été employées les formules « front », « couvre-feu », « lutte », « mobilisation générale », « ennemi », ou encore « première ligne ». En outre, Emmanuel Macron a même repris les paroles de George Clemenceau prononcées devant l’Assemblée nationale le 20 novembre 1917 : « ils ont des droits sur nous ». Ces dernières avaient été prononcées en référence aux combattants. Emmanuel Macron les prononce en référence aux soignants.
[54] En effet, à propos des discours tenus par les présidents italien et étasunien, Maria Gudzenko relève que le « vocabulaire belliciste exploité par les responsables politiques semble suggérer la relégation temporaire des droits et libertés au second plan » (M. Gudzenko, « Quelle immunité des droits de l’homme face à la pandémie ? À propos de la valeur ajoutée de la dérogation prévue à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme », Confluence des droits, 2020).
[55] S. Slama, « Sortir de l’impasse des états d’urgence permanents », Délibérée, 2021/3, n°14, p. 7-13.
[56] Ibidem.
[57] Ibidem.
[58] Voir en ce sens : S. Hennette-Vauchez (dir), Ce qui restera toujours de l’urgence, Institut Universitaire Varenne, 2018. (rapport du CREDOF au Défenseur des droits accessible à l’adresse suivante : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=17814).
[59] O. Le Bot, La protection des libertés fondamentales par la procédure du référé-liberté, Inst. Unit. Varenne, coll. Thèses, LGDJ, 2007, p. 474.
[60] Ibidem.
[61] S. Slama, « Privations de liberté en temps de confinement : le Conseil d’État dans le talweg gouvernemental », AJ pénal, 2020, p. 235.
[62] C’est-à-dire les saisines formées devant le juge du référé-liberté afin de faire constater l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale résultant de l’inertie de l’administration et/ou de l’insuffisance des mesures déjà prises pour protéger une liberté fondamentale (voir en ce sens : C. Friedrich, « Le référé-liberté en carence de l’administration », RDP, 2018, p. 1297). À noter que la possibilité, pour le juge du référé-liberté, de constater une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale résultant de la carence de l’administration n’est pas une création prétorienne. En effet, cette voie de droit n’a pas exclusivement été pensée comme un outil de protection des libertés fondamentales contre le comportement de l’administration. La lecture des travaux parlementaires met en évidence que le référé-liberté avait, en effet, été envisagé comme un moyen de faire face aux carences administratives liberticides (voir en ce sens : F. Colcombet, Rapport n° 2002 présenté au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives, 1999. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r2002.asp ; R. Garrec, Rapport n°380 présenté au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives, 1999. URL : https://www.senat.fr/rap/l98-380/l98-380_mono.html).
[63] J. De Gliniasty, « La gestion de la pandémie par la puissance publique devant le Conseil d’État à l’aune de l’ordonnance de référé du 22 mars 2020 », op. cit.
[64] Ibidem.
[65] Voir en ce sens : L. De Fournoux, « Crise sanitaire et droits fondamentaux : les mutations du référé-liberté », op. cit.
[66] C. Roulhac, « Les ambivalences du référé-liberté en temps de crise », in. X. Dupré de Boulois, X. Phillipe (dir), Gouverner et juger en période de crise, Mare & martin, 2023.
[67] Ibidem.
[68] Voir en ce sens : CE, 29 novembre 2020, n°446930.
[69] Nécessité, adaptation et proportionnalité de la mesure portant atteinte aux libertés.
[70] Voir en ce sens : CE, 29 novembre 2020, n°446930 ; CE, 17 mars 2021, n°450122.
[71] L. De Fournoux, « Crise sanitaire et droits fondamentaux : les mutations du référé-liberté », op. cit.
[72] C. Roulhac, « Les ambivalences du référé-liberté en temps de crise », op. cit.
[73] Communiqué de presse du Conseil d’État, « Un an de recours en justice liés à la Covid-19 – Retour en chiffres sur l’activité du CE, juge de l’urgence et des libertés », op. cit.
[74] Voir en ce sens : C. Putti, « Le “ juge de l’urgence ” face à l’urgence sanitaire : le recours inégal aux données scientifiques par le juge du référé-liberté », LPA, 2021, n° LPA201d6.
[75] CE, 16 décembre 2020, n°447045.
[76] Ibidem.
[77] CE, 6 septembre 2020, n°443750.
[78] TA de Lyon, 4 septembre 2020, n°2006185.
[79] CE, 6 septembre 2020, préc.
[80] Ibidem.
[81] M.-C, De Montecler, « La lisibilité nouveau critère de légalité d’une mesure de police ? », Dalloz actualité, 2020. URL : https://www.dalloz-actualite.fr/flash/lisibilite-nouveau-critere-de-legalite-d-une-mesure-de-police#.ZAYAzC_pN0s.
[82] La collecte des ordonnances a été effectuée sur Ariane archives avec deux types de combinaisons les mots-clés « 521-2 » et « carence ». Les possibilités d’inclure, dans les résultats, la correction orthographique ainsi que les ordonnances contenant les « pluriels, féminins, conjugaisons » et « acronymes » des termes recherchés n’ont pas été activées. La collecte inclut les ordonnances ayant été rendues entre le 12 janvier 2001 – date de la première ordonnance de référé-liberté – et le 19 mars 2020.
[83] En mars 2020, sur les seize requêtes formées sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA, dix d’entre elles avaient pour objet de faire constater une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale résultant d’une carence de l’administration.
[84] CE, 9 avril 2020, n°439895.
[85] CE, 24 novembre 2021, n°457935.
[86] CE, 22 novembre 2021, n°456924.
[87] CE, 4 mai 2021, n°451737.
[88] CE, 27 septembre 2021, n°456571.
[89] CE, 9 avril 2020, n°439895.
[90] À titre d’exemple, le droit à la vie a été mobilisé pour demander au juge du référé-liberté d’enjoindre à l’administration de procéder à un renforcement des mesures de contrainte, mais aussi d’enjoindre au Premier ministre « d’étendre la dérogation d’accès aux travaux dirigés et travaux pratiques destinés aux étudiants inscrits en première année des formations du premier cycle de l’enseignement supérieur à l’ensemble des étudiants de ces établissements », au moyen que « les situations de détresse psychologique conduisant à des comportements suicidaires » portaient atteinte à cette liberté fondamentale.
[91] Il a été demandé, au juge du référé-liberté du Conseil d’État d’enjoindre à l’administration de prononcer « un confinement total de la population » (CE, 22 mars 2020, n°439674), d’admettre les requérants au bénéfice de l’accueil provisoire d’urgence dans une structure agréée au titre de la protection de l’enfance (CE, 4 mai 2021, n°451737) de modifier la planification du déploiement territorial de la vaccination contre la Covid-19 (CE, 5 février 2021, n°449081), de procéder à la fermeture temporaire des centres de rétention administrative (CE, 27 mars 2020, n°439720), ou encore d’adopter toutes les décisions et mesures urgentes nécessaires afin d’assurer un approvisionnement suffisant en matériel permettant de protéger la santé des requérants (CE, 28 mars 2020, n°439693).
[92] CE, 30 avril, n°440250 ; CE, 7 mai 2020, n°440151 ; CE, 2 mars 2021, n°449514 ; CE, 2 mars 2021, n°449514 ; CE, 22 novembre 2021, n°456924.
[93] Les requérants ne pouvaient pas utilement mobiliser devant le juge du référé-liberté la crise sanitaire de la covid-19 en tant que contexte renforçant leur vulnérabilité préexistante et justifiant la constatation d’une carence de l’administration selon des règles distinctes de celles applicables dans le contentieux « classique ».
[94] CE, 23 mars 2020, n°439689.
[95] Reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale.
[96] En application de la jurisprudence constante du Conseil d’État. Voir en ce sens : CE, 10 février 2012, n°356456.
[97] CE, 23 mars 2020, préc.
[98] Voir en ce sens : CE, 4 mai 2021, n°451737 ; CE, 4 mai 2021, n°451736 ; CE, 4 mai 2021, n°451735 ; CE, 7 décembre 2020, n°446182 ; CE, 21 octobre 2020, n°445310.
[99] Trente et une ordonnances se fondent sur les moyens dont dispose l’administration pour rejeter les injonctions demandées par le requérant. Vingt-deux ordonnances comprennent un rejet fondé sur les mesures promises par l’administration. Dans dix ordonnances, c’est l’absence de certitude scientifique qui fonde le rejet des injonctions demandées par les requérants. Dans six ordonnances, le fait que les mesures demandées ne fassent pas partie de celles susceptibles d’être prononcées par le juge du référé-liberté est mobilisé pour rejeter la demande. À cela s’ajoutent six ordonnances de tri. Ainsi, les moyens dont dispose l’administration ainsi que les mesures promises par celle-ci constituent 55 % des motifs de rejet.
[100] Cette explicitation résulte de l’ordonnance GISTI de mars 2020. En effet, cette décision a fait évoluer le considérant de principe relatif à l’office du juge du référé-liberté. Le Conseil d’État a adopté la formule suivante : « Sur le fondement de l’article L. 521-2, le juge des référés peut ordonner à l’autorité compétente de prendre, à titre provisoire, des mesures d’organisation des services placés sous son autorité, dès lors qu’il s’agit de mesures d’urgence qui lui apparaissent nécessaires pour sauvegarder, à très bref délai, la liberté fondamentale à laquelle il est gravement, et de façon manifestement illégale, porté atteinte. Le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente » (CE, 27 mars 2020, GISTI, n°439720) Ainsi, d’une part, la formulation et, d’autre part, l’emplacement des développements relatifs à la prise en compte des moyens dont dispose l’administration indiquent que le Conseil d’État a entendu étendre ou clarifier cette réserve.
[101] Voir en ce sens : O. Le Bot, « Référé-liberté а la maison d’arrêt de Fresnes : les limites de l’article L. 521-2 », AJDA, 2017, p. 2540.
[102] Ibidem.
[103] Ou bien la « mauvaise » mise en œuvre.
[104] CE, 2 avril 2020, n°439763.
[105] CE, 4 avril 2020, n°439816.
[106] O. Mamoudy cité par P. Januel, « Libertés : le Conseil d’État agit le plus souvent en chien de garde du pouvoir », Mediapart, 22 avril 2020.
[107] À titre d’exemple, le 8 octobre 2020, le Conseil d’État a refusé d’ordonner les mesures demandées par des requérants afin de protéger les personnes exécutant leur peine privative de liberté dans le centre pénitentiaire de Toulouse en se fondant sur les consignes sanitaire générales qui avaient été données aux établissements pénitentiaires et sur le fait que le nombre de personnes détenues dans les établissements pénitentiaires diminuait régulièrement depuis le 17 mars 2020 (CE, 8 Octobre 2020, n°439827). En jugeant de la sorte, la juridiction administrative infirme alors la position du Tribunal administratif de Toulouse. Celui-ci avait pourtant adopté une approche permettant une prise en compte de la réalité des conditions de détention et du risque épidémique dans le centre pénitentiaire en question. En effet, pour ordonner « au chef d’établissement d’organiser une campagne de dépistage du virus […] et de mettre à la disposition des détenus des masques dans certains locaux clos et partagés », il avait centré son contrôle sur la situation sanitaire locale qui exigeait, selon lui, de prendre des mesures complémentaires au plan national. Il s’était notamment fondé sur le fait que le « taux d’incidence [avait] fortement augmenté en Haute-Garonne en peu de temps (43,6 / 100 000 habitants au 24 août contre 11,5/100 000 fin juillet) « et que « la ville de Toulouse [était] quant à elle particulièrement affectée avec un taux d’incidence qui [dépassait alors] le seuil d’alerte fixé à 50 / 100 000 habitants » (TA Toulouse, 4 septembre 2020, n° 2004355). Cette approche circonstanciée avait permis de mettre en évidence la nécessité qu’il y avait à intervenir. Pour preuve, quatre jours après la décision du Conseil d’État, un cluster s’est déclaré dans ce centre pénitentiaire. Celui-ci « ainsi que la campagne massive de dépistage et la distribution de masques à tous les détenus qui ont suivi, font apparaître ces décisions dans toute leur ironie tragique » (A. Keravec, A. Artières-Glissant, « Le juge des référés et la circulation du Covid-19 en prison : l’administration pénitentiaire à la hauteur des exigences sanitaires ? », La Revue des droits de l’homme, [En ligne] URL: http://journals.openedition.org/revdh/11708). Voir également en ce sens : J. Schmitz, « Le juge administratif des référés dans l’urgence sanitaire des prisons – Exercice d’un droit de retrait ou démission ? », AJDA, 2020, n°23, p. 1303.
[108] Voir en ce sens : A. Maron, M. Haas, « Garde à vue – Kits d’hygiène pour trous à rats », Droit pénal, n° 1, 2022, comm. 17.
[109] CE, 30 avril 2020, n°440179.
[110] M. Cottereau, « Liberté personnelle et sécurité juridique », AJDA, 2020, p. 2438.
[111] Ibidem.
[112] S. Degirmenci, « Vélo et confinement : retour sur la décision du Conseil d’État », Ma gazette, 2020. URL : https://www.lagazettedescommunes.com/677344/velo-et-confinement-retour-sur-la-decision-du-conseil-detat/.
[113] P. Cassia, « état d’urgence sanitaire : le Conseil d’État (ne) change (que) sa méthode », Le blog de Paul Cassia, 2020. URL : https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/010520/etat-d-urgence-sanitaire-le-conseil-d-etat-ne-change-que-sa-methode.
[114] CE, 30 avril 2020, préc.
[115] A. Corre-Basset, « Droit souple et référé-liberté : avantage paradoxal à l’administration », Dr. adm, n°11, novembre 2020, comm. 46.