Le partage provoqué par le créancier face aux droits fondamentaux des coïndivisaires (1ère partie)
Un nouveau chapitre instructif du livre relatif au Droit des biens et à la Question prioritaire de constitutionnalité : Le partage provoqué par le créancier face aux droits fondamentaux des coïndivisaires (1ère partie) – Cass. 1ère civ., 28 mars 2012, n° 12-40.002 (n° 515 P+B+I-QPC : non transmission)
Par Nathalie Pierre
Où la Cour de cassation se met à parler, comme le Conseil constitutionnel, d’un droit de propriété du créancier ;
Où la Cour de cassation affirme que, face au partage provoqué par le créancier, les droits fondamentaux des coïndivisaires sont sauvegardés par leur faculté d’arrêter l’action en partage ainsi que par le mécanisme de l’attribution préférentielle ;
Où une telle motivation invite à envisager l’ensemble des garanties effectives offertes dans cette hypothèse aux coïndivisaires.
Les droits antagonistes du créancier et du coïndivisaire du débiteur
Le Droit consiste en partie en une recherche d’équilibre entre différents droits subjectifs et intérêts antagonistes. A ce titre, l’intérêt des créanciers (la protection de leur droit de gage général) peut entrer en conflit avec la sauvegarde de la dignité de la personne du débiteur. L’insaisissabilité de certains biens du débiteur, notamment ceux nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, posée par la loi, constitue ainsi un exemple de résolution en amont d’un tel conflit (V. art. L 112-2 et R112-1 à R112-5 CPCE). Par ailleurs, un abondant contentieux, arbitré par la Cour européenne des droits de l’Homme, atteste de l’opposition entre le droit du créancier et le besoin, jugé primordial, de logement du locataire (V. par ex. Cour EDH, 28 septembre 1995, Spadea et Scalabrino c. Italie : suspension temporaire des expulsions de certaines catégories de locataires ; Cour EDH, Gr. Ch., 19 juin 2006, Hutten-Czapska c. Pologne : limitation de la résiliation par le bailleur et plafonnement du loyer ; Cour EDH, 2ème sect, 21 déc. 2010, Almeida Ferreira et Melo Ferreira c. Portugal : blocage du droit de reprise exercé envers le locataire en place depuis plus de 20 ans).
Inédite est, en revanche, la confrontation entre, d’une part, le droit de gage général du créancier et, d’autre part, la sauvegarde de la dignité et le droit au logement de personnes tierces à la relation contractuelle, en l’occurrence les coïndivisaires du débiteur. Une telle confrontation constitue l’un des intérêts, nombreux, de l’arrêt rendu par la première chambre de la Cour de cassation le 28 mars 2012, par lequel la Cour de cassation décide de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité à elle transmise. La question était rédigée de la manière suivante : « Les dispositions de l’article 815-17 du Code civil portent-elles atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit et notamment au principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre tout asservissement ou dégradation et à l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue le droit au logement ? ».
Malgré la formulation large de la question, il semble, au regard de la motivation de la Cour de cassation, qu’étaient seuls visés les alinéas deux et trois de l’article 815-17 du Code civil, relatifs au créancier personnel d’un indivisaire et non l’alinéa 1er, relatif au droit des « créanciers de l’indivision » de saisir les biens indivis avant tout partage. Plus précisément, c’était, face aux droits et libertés dont se prévalait un coïndivisaire du débiteur, le droit, pour le créancier personnel d’un indivisaire, privé de toute saisie des biens indivis et même de la saisie de la quote-part indivise du débiteur (al. 2), de demander le partage des biens indivis qui était en cause (al. 3).
Exerçant son rôle de filtrage, la Cour de cassation estime que la question n’est pas nouvelle et qu’elle ne présente pas un caractère sérieux.
La question n’est pas nouvelle car « ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application » (Cons. const., 3 déc. 2009, déc. n° 2009-595 DC, consid. 21). En effet, le Conseil constitutionnel a précédemment dégagé le principe à valeur constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation (Cons. const., 27 juill. 1994, déc. n° 94-343-344 DC, consid. 2). De ce principe fondateur, il a ensuite déduit que « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle » (Cons. const., déc. 19 janv. 1995, n° 94-359 DC, consid. 7).
Plus récemment, ces principes et objectif ont été invoqués, en vain, devant le Conseil constitutionnel, par un requérant qui arguait que l’article 544 du Code civil y portait atteinte (Cons. const., 30 septembre 2011, déc. n° 2011-169 QPC, RDLF, note S. Milleville). Alors que l’invocation de ces principes et objectif de valeur constitutionnelle était pertinente au regard des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à la décision précitée du 30 septembre 2011, relative à l’expulsion d’une personne vivant dans une résidence mobile sur le terrain d’autrui, le lien entre le droit au partage exercé par le créancier et la sauvegarde de la dignité de la personne humaine ou le droit au logement des coïndivisaires apparaît de prime abord peu évident. Les circonstances de la cause ne sont hélas pas évoquées par la Cour de cassation, tout comme n’est pas publié l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier, décidant de la transmission de la question à la Cour de cassation. Cependant, puisque la Cour de cassation ne remet pas en cause la pertinence de la question pour la résolution du litige principal, nécessairement constatée par la Cour d’appel, c’est qu’en l’espèce l’un des indivisaires au moins était logé dans un immeuble d’habitation indivis (résidence principale).
Plusieurs modalités juridiques rendent possible cette situation : dans le cadre du régime légal de l’indivision, un indivisaire peut en effet bénéficier, par une décision expresse ou tacite des indivisaires, de la jouissance exclusive d’un bien indivis, moyennant indemnité ou même à titre gratuit (V. art. 815-9 al. 3 C. civ.). Lorsqu’une convention d’indivision est conclue par les indivisaires, elle peut prévoir un tel aménagement du droit de jouissance (précisons que, dans le cadre du régime conventionnel de l’indivision, l’article 815-17 du Code civil est applicable, comme l’énonce l’article 1873-15. Le créancier personnel d’un indivisaire ne peut ainsi provoquer le partage que dans le cas où l’indivisaire est admis à le faire. Cependant, puisque la convention d’indivision restreint la possibilité de demander le partage, le créancier, pour les cas où le partage ne peut être provoqué, peut exceptionnellement saisir la quote-part de l’indivisaire débiteur). En outre, un indivisaire (voire plusieurs, si, par exemple, l’immeuble est divisible par appartement) peut jouir privativement de l’immeuble d’habitation à la suite du partage provisionnel réalisé par les indivisaires. Opérant simplement division de la jouissance des biens, permettant ainsi une jouissance privative, par l’indivisaire, du bien mis dans son lot, sans la contrepartie d’une indemnité, le partage provisionnel ne constitue pas un obstacle au partage définitif, qui ne peut toutefois revenir sur la jouissance passée.
C’est donc dans des circonstances bien particulières, et non de manière générale, qu’un indivisaire peut, face au créancier de son coïndivisaire demandant le partage, tenter (vainement d’ailleurs) de faire valoir la protection de sa dignité et le droit au logement. (Selon les circonstances, il aurait pu y être ajouté le droit de mener une vie familiale normale, entendu par le Conseil constitutionnel comme la possibilité concrète pour les membres d’une famille de vivre ensemble : Cons. const., 13 août 1993, déc. n° 93-325 DC, consid. 69 et 70). Ainsi, aucun droit, aucune liberté garantie constitutionnellement n’offre une protection générale au coïndivisaire contre la demande en partage formulée par le créancier. Que l’indivisaire brandisse son droit de propriété, face au partage demandé par le créancier : le Conseil constitutionnel ou la Cour de cassation écarteront facilement l’argument. En effet, si, pour le Conseil constitutionnel, le passage d’un droit exclusif à un droit indivis ne constitue ni une privation de propriété ni une atteinte disproportionnée à ce droit (V. Cons. const., 12 nov. 2010, déc. n° 2010-60, QPC et notre commentaire dans cette Revue), il en sera a fortiori de même pour un droit qui, à la suite du partage, recouvre les bienfaits de l’exclusivité (certes sur une assiette réduite mais il n’y a pas de miracle !).
Les droits et libertés invocables par le coïndivisaire sont ainsi liés à la destination de la chose indivise. Lorsqu’un bien indivis fait l’objet d’une véritable exploitation (par exemple, un fonds de commerce indivis), l’indivisaire pourrait faire valoir expressément que le partage provoqué par le créancier porte atteinte à la liberté d’entreprendre, tirée de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. La même réponse serait-elle alors donnée ? Mieux, n’a-t-elle pas déjà été donnée, puisque la question envisageait l’atteinte à l’ensemble des droits et libertés constitutionnellement garantis, dont « notamment » ceux évoqués ?
Attachons-nous d’abord, cependant, à la solution fournie ici par la Cour de cassation. Selon la Cour, la faculté, pour le créancier, de provoquer le partage sert la protection de son droit de propriété, constitutionnellement garanti. En outre, face à cette demande en partage, les droits des coïndivisaires apparaissent sauvegardés.
La protection légitime du droit du créancier
Selon la Cour de cassation, « le droit des créanciers d’un indivisaire de demander le partage du bien indivis […] assure la protection du droit de propriété de ces créanciers en leur permettant de passer outre au caractère indivis du bien dont leur débiteur est propriétaire à concurrence de sa part seulement ». La motivation de la Cour mêle ainsi, de façon singulière et nouvelle, concepts civilistes et concepts liés aux droits fondamentaux.
Les éléments d’une analyse civile classique : la Cour de cassation, juge civil
La Cour de cassation livre ici tout d’abord une définition classique du bien en indivision : bien dont l’indivisaire est propriétaire en son entier, mais avec d’autres, donc à concurrence d’une part, proportion de la chose devant lui revenir dans le partage.
Tout aussi classiquement, la Cour de cassation rappelle que le droit, pour le créancier, de demander le partage du bien indivis, énoncé à l’article 815-17 al. 3, « suppose s’il y a lieu, la licitation de celui-ci ». En effet, la solution contraire reviendrait à « priver d’application pratique la faculté reconnue [au créancier personnel d’un indivisaire] de provoquer le partage d’un bien impartageable en nature » (CA Paris, 2ème ch. A, 20 nov. 1984, JCP G 1986. II. 20584, note M. Dagot ; dans le même sens, admettant la licitation demandée par le créancier, V. Cass. 1ère civ. 4 juill. 1978, Bull. civ. I, n° 256, D. 1979. IR 75, obs. D. Martin, JCP 1980. II. 19368, note J.-C. Labbouz, RTD civ. 1979. 585, obs. R. Nerson ; Cass. 1ère civ. 3 déc. 1991, n° 90-13311, Defrénois 1992. 396, obs. G. Champenois, JCP N 1992. II. 373, n° 1, obs. G. W) .
Les éléments d’une approche fondamentale : la Cour de cassation, maillon de la chaine QPC
Dans ce contexte civiliste bien planté, la Cour de cassation, maillon de la chaîne QPC, se doit d’examiner le sérieux de la question. Devrait ainsi être constatée, comme c’est le cas ici, « l’absence du « caractère sérieux » de la question, lorsque, par exemple, le juge a quo n’aura pas su dégager de la disposition législative contestée une interprétation qui la rend conforme à la Constitution » (Th. Di Manno, Recours devant le Conseil constitutionnel par voie préjudicielle : la question prioritaire de constitutionnalité, fasc. 210, J-Cl Libertés, 2010, n° 75). C’est dire que la Cour de cassation, si elle n’est certes pas juge constitutionnel, doit tout de même, pour tenir son rôle de filtre, interpréter la disposition litigieuse à l’aune des exigences constitutionnelles. Se départissant d’une approche technique du droit, la Cour adopte donc nécessairement une approche fondamentale.
En témoigne ici la motivation de la Cour de cassation. C’est parce qu’elle a à examiner le droit du créancier (droit de demander le partage afin d’exercer ensuite son droit de gage général sur les biens dont le débiteur indivisaire aura été alloti), au regard des droits et libertés revendiquées par le coïndivisaire, dont la situation se trouve perturbée, qu’elle énonce que la disposition litigieuse permet au créancier « de passer outre au caractère indivis du bien ». En effet, à raisonner du point de vue purement civiliste, si le créancier peut demander le partage, c’est justement parce que le bien est indivis ! L’indivision n’est donc pas un obstacle à surmonter, une difficulté à laquelle le créancier ne s’arrêterait pas ; c’est, combinée avec le mécanisme de l’action oblique, la raison même du droit au partage du créancier. Tout partage suppose en effet une indivision et tout indivisaire dispose en principe d’un droit au partage. S’il n’exerce pas ce droit, au détriment de son créancier, celui-ci peut le faire en son nom. L’article 815-17 alinéa 3 est ainsi communément analysé en doctrine comme une application particulière de l’action oblique (V. Cl. Brenner, Partage, Droit commun, Rép. civ. Dalloz, 2008, n° 131 et les auteurs cités), ce que reconnaît également une jurisprudence constante (V. par ex. Civ. 16 nov. 1836, DP 1837. 1. 49 ; Cass. 1ère civ. 4 juin 2009, n° 08-13009) mais que ne relève pas, notons-le, le présent arrêt.
Surtout, c’est la qualification donnée par la Cour de cassation du droit du créancier, dont l’article 815-17 alinéa 3 assure la protection, qui illustre de la manière la plus patente l’approche nouvelle assumée par la Cour de cassation. Selon la Cour, il s’agit en effet, non pas d’un droit personnel ou droit de créance mais d’un « droit de propriété». Il y a longtemps que le Conseil constitutionnel retient une telle qualification. Notamment, et déjà à propos de l’article 815-17 C. civ., il a pu ainsi décider que, si la présomption d’indivision instauré par l’article 515-5 du Code civil (issu de la loi du 16 nov. 1999) ne portait pas atteinte au droit de propriété des créanciers personnels d’un indivisaire, c’était dans la mesure où ceux-ci ont la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par celui-ci (Conseil const., 9 novembre 1999, déc. n° 99-419 DC, consid. 87). Avant le présent arrêt, la Cour de cassation, appréciant la conformité d’une disposition légale au regard de l’article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, avait déjà pu juger qu’une atteinte non justifiée avait été portée au droit de propriété du créancier (V. Cass. 2ème civ., 3 mai 2007, Bull. civ. II, n° 121). C’est la première fois, cependant, qu’une telle qualification est conférée par la Cour de cassation au regard des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, grâce au mécanisme de la QPC (V. depuis, Cass. 3ème civ., 16 mai 2012, QPC, à publier au Bull.). C’est la première fois également que la Cour de cassation procède à une telle qualification, sans que cette dernière soit impérieuse. En effet, rappelons que la question prioritaire commandait ici l’examen de l’article 815-17 du Code civil à l’aune de droits fondamentaux (revendiqués par le coïndivisaire) qui n’étaient nullement le droit de propriété.
Les tenants d’une redéfinition du droit réel, du droit personnel et de la propriété auraient-ils été entendus ? (V. not. S. Ginossar, Droit réel, propriété et créance, Elaboration d’un système rationnel des droits patrimoniaux, 1960 ; Pour une meilleure définition du droit réel et du droit personnel, RTD civ. 1962. 589 ; Fr. Zénati, Essai sur la nature juridique de la propriété, Contribution à la théorie juridique du droit subjectif, thèse Lyon III, 1981 ; Pour une rénovation de la théorie de la propriété, RTD civ. 1993. 306 ; Th. Revet, La consécration de la propriété des créances par le Conseil constitutionnel, RTD civ. 2010. 584). A la vérité, le triomphe de la théorie de la propriété des créances ne pourra être constaté que lorsque la Cour de cassation conférera une telle qualification dans le cadre d’un litige duquel est absente la protection des droits fondamentaux. Il faut en effet se rendre à l’évidence qu’il existe désormais deux Droits des biens : le Droit civil des biens et le Droit fondamental des biens. Constitué des garanties supra-légales du droit de propriété et des biens – articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme, tels qu’interprétés respectivement par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme – ce dernier est alimenté par toutes les décisions ayant à examiner une règle du Droit civil des biens à l’aune d’un droit fondamental (droit de propriété, droit au respect de ses biens mais aussi tout autre droit bénéficiant d’une garantie supra-légale). Certes, le Droit fondamental des biens éclaire le Droit civil des biens, invite à le repenser, à en rechercher les fondements ; à ce titre la plupart des chroniques jurisprudentielles de Droit civil des biens consacre désormais une rubrique récurrente à l’étude du Droit fondamental des biens. Surtout, ce dernier peut invalider certaines règles du Droit civil des biens, ce qui n’a pas eu lieu jusqu’à présent. Toutefois, il demeure que les notions de propriété et de biens diffèrent dans les deux Droits.
S’il est troublant de voir une même juridiction, la Cour de cassation, tenir, à propos du droit de propriété, un double langage juridique, il ne faut pas oublier qu’elle statue tantôt en qualité de juge civil classique, tantôt en qualité de filtre des QPC ou de garant de l’application directe des conventions ratifiées. La Cour de cassation, dans son rôle de filtre, invoque ici le droit de propriété du créancier, constitutionnellement garanti, afin de renforcer la légitimité de la disposition légale litigieuse. Parler, sur la foi du présent arrêt, ne serait-ce que des prémisses d’une admission, par la Cour de cassation, de la propriété des créances, de la propriété-lien d’appartenance entre une personne et un bien (chose ou droit), serait donc téméraire et inexact. Les Droits fondamental et civil des biens peuvent en effet rester étanches l’un à l’autre (sauf, à l’évidence, invalidation par l’un d’une règle de l’autre). C’est que leur objectif est distinct : si la protection des droits fondamentaux milite en faveur d’un contour large du droit à sauvegarder, l’application des règles du Droit civil des biens suppose en revanche une définition précise et opératoire de la propriété.
Il reste certainement que le nouveau rôle de filtre joué par la Cour de cassation pourrait être l’occasion pour celle-ci de sauter le pas et d’adopter une conception rénovée de la propriété. L’article 534 de l’Avant-projet de réforme du Livre II du Code civil relatif aux biens élaboré sous la direction du Pr. H. Périnet-Marquet est d’ailleurs compatible avec une telle conception (« La propriété est le droit exclusif et perpétuel d’user, de jouir et de disposer des choses et des droits »). Encore faudrait-il que la Cour de cassation adhère à cette conception rénovée de la propriété. Au regard de la dilution inéluctable du concept de propriété et des bouleversements induits, rien n’est moins sûr.
Pour citer cet article : Nathalie Pierre, « Un nouveau chapitre instructif du livre relatif au Droit des biens et à la Question prioritaire de constitutionnalité : Le partage provoqué par le créancier face aux droits fondamentaux des coïndivisaires (1ère partie) – Cass. 1ère civ., 28 mars 2012, n° 12-40.002 (n° 515 P+B+I-QPC : non transmission) », RDLF 2012, chron. n°15 (www.revuedlf.com)