L’aide médicale à mourir au Canada : de Rodriguez à Carter
Vingt-deux ans après avoir refusé de déclarer inconstitutionnelle une disposition législative interdisant l’aide à mourir, la Cour suprême du Canada dans un jugement unanime et anonyme renversa sa décision antérieure. Elle statua que l’alinéa 241(1)b) du Code criminel du Canada portait atteinte à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et que cette atteinte n’était pas sauvegardée par l’article premier de la Charte. Nous cherchons à expliquer ce qui a entrainé cette volteface. Selon la Cour, les faits sociaux et législatifs et les questions juridiques se sont transformés au cours des années. Depuis, le contexte social a évolué et une nouvelle interprétation des principes de justice fondamentale a vu le jour. La Cour a transformé une question d’interprétation de valeurs fondamentales en question de fait réglée par une enquête en première instance. Nous concluons en examinant la réponse du législateur qui soulève de nouvelles questions d’ordre constitutionnel.
Twenty-two years after refusing to find that legislation prohibiting assisted death was unconstitutional, the Supreme Court of Canada in a unanimous and anonymous judgment reversed itself. It found that paragraph 241(1)(b) of the Criminal Code of Canada violated section 7 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms and that this infringement was not saved by section 1 of the Charter. We seek to explain what led to this dramatic turnaround. According to the Court, the legislative and social facts and the legal issues have changed over the years. Since then, the social context has evolved and the principles of fundamental justice are interpreted differently. The Court turned a question about the interpretation of fundamental values into a question of fact resolved by the trial judge. We conclude by examining the Parliament’s response which gives rise to new constitutional issues.
Michel Giroux, Professeur titulaire, Département de Droit et Justice (Université Laurentienne, Sudbury (Ontario), Canada) 1 et Henri Pallard, Professeur titulaire, Département de Droit et Justice et Directeur, Centre international de recherche interdisciplinaire sur le droit (Université Laurentienne, Sudbury (Ontario), Canada) 2.
Dans l’affaire Rodriguez 3, un jugement rendu en 1993, tout comme dans la cause Carter 4 de 2015, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la situation de femmes atteintes de sclérose latérale amyotrophique (SLA) 5 qui prétendaient que la disposition législative qui interdit l’aide médicale à mourir est inconstitutionnelle. Alors qu’une faible majorité de la Cour de cinq juges contre quatre a conclu dans Rodriguez à l’absence d’une violation de la Charte canadienne des droits et libertés, c’est par une décision unanime que la Cour s’est ravisée dans Carter pour conclure à l’inconstitutionnalité de l’alinéa 241(1)(b) du Code criminel 6. Pour nos fins, la question est de savoir essentiellement si l’alinéa 241(1)b) porte atteinte à l’article 7 de la Charte 7 et si, le cas échéant, cette atteinte aux droits garantis par l’article 7 est ou non sauvegardée par son article premier 8. Nous chercherons à expliquer ce qui a entrainé cette volteface étonnante dans un système juridique où le respect des décisions judiciaires antérieures joue, en principe, un rôle déterminant dans le raisonnement conduisant à la nouvelle décision.
Dans Rodriguez, le juge Sopinka, au nom de cinq juges, avait conclu que l’alinéa 241b) ne contrevenait pas à l’article 7 de la Charte, et que, s’il contrevenait à son article 15 9, il était justifié au regard de l’article premier de la Charte, car il n’existait aucune demi-mesure permettant d’assurer, avec toutes les assurances désirées, la protection des personnes vulnérables. Quatre juges se sont inscrits à l’encontre de cette conclusion, mais pour des motifs partagés. La juge McLachlin, telle qu’elle l’était, avec l’appui de la juge L’Heureux-Dubé, a jugé que la prohibition portait atteinte à l’article 7 de la Charte et qu’elle n’était pas justifiée eu égard à l’article premier. Le juge Lamer s’est dit d’avis que la prohibition enfreignait l’article 15 de la Charte et qu’elle n’était pas sauvegardée par l’article premier. Le juge Cory a conclu que cette prohibition enfreignait à la fois l’article 7 et l’article 15 et qu’elle ne pouvait être justifiée par l’article premier.
Vingt-deux ans plus tard, dans Carter, en première instance, la juge Lynn Smith, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, secoue le système judiciaire et l’opinion publique en rendant une décision 10 qui semble, a priori, s’opposer à celle de la plus haute cour d’appel du pays. Ses opposants scandent haut et fort que l’ordre jurisprudentiel canadien est ainsi remis en question 11. Une majorité de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique lui donne raison 12, en jugeant que rien ne permettait à la juge Smith de s’écarter de l’arrêt Rodriguez. Or les juges des cours d’appel ont tout intérêt à obliger les juges de première instance de suivre la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, car ils peuvent alors, dans le respect de la hiérarchie des cours, insister sur le fait que les juges des cours inférieures ne s’écartent pas de leurs propres jugements au nom de la règle du précédent.
Tous ont alors les yeux rivés sur la Cour suprême du Canada. Un seul de ses membres, la juge McLachlin, maintenant la juge en chef, était membre de la Cour à l’époque où l’affaire Rodriguez a été rendue et elle s’était alors rangée du côté des juges dissidents. Les observateurs de la Cour se sont ainsi demandé si elle oserait suivre la voie proposée par la juge Smith. Le cas échéant, comment s’y prendrait-elle afin de réconcilier cette décision avec le principe du stare decisis et le précédent établi dans Rodriguez ?
Or, c’est en menant l’affaire tambour battant que la Cour suprême a donné raison aux requérants, et ce, à l’unanimité. Pour ceux qui s’intéressent à l’analyse rhétorique des décisions judiciaires 13, on note que, dès le premier paragraphe de la décision, le ton est donné.
« Au Canada, le fait d’aider une personne à mettre fin à ses jours constitue un crime. Par conséquent, les personnes gravement et irrémédiablement malades ne peuvent demander l’aide d’un médecin pour mourir et peuvent être condamnées à une vie de souffrances aigües et intolérables. Devant une telle perspective, deux solutions s’offrent à elles : soit mettre fin prématurément à leurs jours, souvent par des moyens violents ou dangereux, soit souffrir jusqu’à ce qu’elles meurent de causes naturelles. Le choix est cruel 14. » [Nous soulignons.]
On voit mal, après avoir écrit cela, comment la Cour aurait pu conclure que l’alinéa 241(1)b) est conforme à la Charte. Elle laisse entendre à l’État qu’il ne peut laisser souffrir inutilement ses citoyens et aux cours, en tant qu’instrument de justice, qu’elles ne peuvent se permettre d’avaliser un tel comportement étatique.
Une autre méthode ici employée par la Cour pour convaincre son auditoire du bienfondé de sa décision est d’occulter l’identité de son rédacteur en rendant une décision unanime au nom de « La Cour » sans être signée par aucun juge. Lorsqu’elle doit trancher une question fort controversée, comme c’est le cas en l’espèce, il lui arrive de recourir à ce stratagème afin de renforcer l’impression de consensus judiciaire qui se dégage déjà du caractère unanime de sa décision 15. Au cours des vingt dernières années, la Cour a rendu ainsi en moyenne deux jugements par année.
On comprend pourquoi la Cour ressentait le besoin d’accentuer sa rhétorique en prêtant à son jugement l’autorité de la Cour s’exprimant d’une voix unique. D’une part, la question de l’aide médicale à mourir divise profondément la population canadienne. Ensuite, la Cour devait justifier sa décision de renverser son propre précédent relativement à cette question tranchée à peine vingt-deux ans auparavant, dans l’affaire Rodriguez, dont les faits sont sensiblement les mêmes qu’en l’espèce 16. De plus, ce jugement impersonnel rendra plus difficile toute tentative de limiter son étendue ou de gruger sur le caractère absolu du principe qu’il établit. Enfin, dans l’année précédente, la Cour avait rendu une dizaine de jugements infirmant des décisions prises par le gouvernement fédéral dans divers domaines où elle affichait une approche plus libérale à des questions de liberté personnelle, entre autres. De tels facteurs ont vraisemblablement joué dans la décision de la Cour d’accorder le maximum de poids à son jugement, en rendant une décision impersonnelle.
Donc, d’emblée, la Cour se demande si la juge de première instance — qui, la première a invalidé l’alinéa 241(1)b) — a commis une erreur en ne s’estimant pas lié par l’affaire Rodriguez. Pour la Cour, les juridictions inférieures peuvent réexaminer les jugements des cours supérieures dans deux situations : tout d’abord, lorsqu’une modification de la preuve change radicalement la donne ; ensuite lorsqu’une nouvelle question juridique se pose. Ces deux possibilités reprennent les deux éléments constitutifs du précédent : les faits et la règle. Un précédent est obligatoire, d’abord, lorsqu’il y a une ressemblance suffisante entre les faits de la cause antérieure — le précédent — et ceux de la cause actuelle et, ensuite, lorsque l’ancienne legal rule (règle de droit) doit s’appliquer dans la situation actuelle 17. Or, la Cour est d’avis qu’elle est en présence d’une nouvelle question de droit et d’une nouvelle situation de fait. Elle peut alors écarter Rodriguez. D’une part, le cadre juridique applicable à l’analyse des principes de justice fondamentale auxquels réfère l’article 7 a subi une modification importante que la Cour a rendu son jugement dans Rodriguez. On pense particulièrement, en l’espèce, au principe de la portée excessive dont la Cour a reconnu l’existence dans l’affaire Bedford 18 et sur lequel nous serons appelés à revenir.
D’autre part, la preuve entourant les faits législatifs et sociaux a considérablement évolué depuis Rodriguez, eu égard à trois éléments que l’on tenait pour acquis dans cette affaire. Tout d’abord, à l’époque, il y avait une acceptation publique, supposément « générale » aux dires de la Cour dans Rodriguez, d’une distinction morale ou éthique entre l’euthanasie passive et l’euthanasie active, celle-là étant acceptable, celle-ci non. Pour la Cour, dans Carter, cette opposition s’est considérablement estompée au sein de l’opinion publique au cours des dernières décennies. Toutefois, tous ne sont pas d’accord qu’une telle évolution a effectivement eu lieu 19. Ensuite, par le passé, on avait identifié un « consensus important » dans les pays occidentaux selon lequel une prohibition générale est nécessaire pour empêcher un dérapage. Entre 1993 et 2015, plusieurs juridictions ont brisé le consensus : les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, l’Oregon, l’État de Washington, le Montana et la Colombie. Finalement, auparavant, il y avait une absence de demi-mesures susceptibles de protéger les personnes vulnérables. L’expérience post Rodriguez des pays qui ont instauré un régime permissif démontre, selon la Cour, qu’il est possible de concevoir une solution qui protège ces personnes dans le cadre d’un tel régime. Nous retrouvons dans l’identification de ces trois éléments le pouvoir de la Cour de « dire » les faits et de déterminer la pertinence du précédent à sa décision.
1. L’alinéa 241(1)b) du Code criminel
Pour la Cour, les trois droits garantis par l’article 7 de la Charte — le droit à la vie, le droit à la liberté et le droit à la sécurité de sa personne — sont ici enfreints par l’alinéa 241(1)b) du Code criminel d’une manière non conforme aux principes de justice fondamentale.
Eu égard au droit à la vie, la prohibition prive certaines personnes de ce droit en les forçant à s’enlever la vie plus tôt qu’elles ne le voudraient. Elles passent à l’acte prématurément de crainte que leur maladie les prive de cette possibilité par la suite. De même, la Cour se dit d’avis que le droit à la vie n’entraine pas l’obligation de vivre. Autrement, une personne ne pourrait consentir au retrait d’un traitement qui lui permet de demeurer en vie artificiellement. Les juges ne vont pas toutefois jusqu’à accepter l’argument des appelants selon lequel le droit à la vie irait au-delà de la protection de la préservation de la vie pour englober des éléments relatifs à la qualité de la vie de même qu’à l’autonomie personnelle. Ce faisant, la notion de mort, telle que la définit la Cour suprême dans Carter, doit se concevoir comme étant l’antithèse de la vie et non comme une partie intégrante de celle-ci, telle que se la représente le juge Cory dans Rodriguez. La Cour, dans Carter, adopte donc une conception plus restreinte de la notion de vie que celle du juge Cory, qu’on peut qualifier de notion qualitative du droit à la vie. À l’instar du juge de première instance, la Cour estime donc que le droit à la vie n’entre en jeu que si une menace de mort résulte d’une mesure ou d’une loi prise par l’État, comme ce serait le cas, par exemple, d’une disposition législative prévoyant la peine de mort.
La notion qualitative du droit à la vie trouve pour sa part son fondement juridique à travers le droit à la liberté et à la sécurité garantie par l’article 7. La liberté protège le droit de faire des choix personnels fondamentaux sans intervention de l’État. La sécurité de la personne, pour sa part, englobe une notion d’autonomie personnelle qui comprend la maitrise de l’intégrité de sa personne sans aucune intervention de l’État. L’alinéa 241(1)b) porte ainsi atteinte au droit à la liberté et à la sécurité du moribond en entravant la prise de décisions d’ordre médical fondamentalement importantes et personnelles, en lui causant de la douleur de même qu’un stress psychologique et en le privant de la maitrise de son intégrité corporelle. De plus, l’alinéa 241(1)b) prive le mourant de la possibilité de faire un choix important par rapport à son sentiment de dignité et son intégrité personnelle.
En quoi maintenant est-ce que ces atteintes au droit à la vie, la liberté et la sécurité de sa personne sont-elles incompatibles avec les principes de justice fondamentale ? Comme l’affirme la Cour :
« […] trois principes centraux se sont dégagés de la jurisprudence récente relative à l’art. 7 : les lois qui portent atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne ne doivent pas être arbitraires, avoir une portée excessive ou entrainer des conséquences totalement disproportionnées à leur objet.
Chacun de ces vices potentiels suppose une comparaison avec l’objet de la loi contestée (Bedford, par. 123). La première étape consiste donc à cerner l’objet visé par la prohibition de l’aide à mourir 20. »
Or, l’objet de l’alinéa 241(1)b) demeure celui qui avait été identifié par la Cour dans Rodriguez : empêcher que les personnes vulnérables soient incitées à se suicider dans un moment de faiblesse.
En l’espèce, le principe du caractère arbitraire ne pose pas problème puisque le moyen choisi par le législateur — la prohibition de l’aide médicale à mourir — permet effectivement de minimiser le risque que des personnes vulnérables soient incitées à s’enlever la vie dans un moment de faiblesse. Par contre, l’alinéa 241(1)b) a une portée excessive. Pour la Cour, le législateur a choisi un moyen qui porte atteinte aux trois droits garantis par l’article 7 de la Charte d’une manière qui n’a aucun lien avec le mal que le Parlement avait à l’esprit. De fait, le Procureur général a reconnu lui-même que la loi s’applique à des gens qui n’entrent pas dans la catégorie des personnes vulnérables que l’objet de la loi vise à protéger. Par ailleurs, l’argument du gouvernement selon lequel il est difficile de distinguer entre la personne vulnérable et celle qui ne l’est pas doit, selon la Cour, plutôt être analysé dans le contexte de l’article premier de la Charte.
Quant au dernier principe de justice fondamentale ici concerné, le caractère disproportionné, il s’agit de se demander si l’effet de la loi sur le demandeur est totalement disproportionné par rapport à son objet. Pour la Cour, il n’est pas nécessaire de répondre à cette question du fait qu’elle a déjà conclu que le principe de la portée excessive n’est pas respecté. La Cour a jugé aussi qu’elle n’était pas obligée de considérer l’argument subsidiaire des appelants selon lequel l’alinéa 241(1)b) va à l’encontre de l’article 15 de la Charte. Selon ses dires, cela est devenu inutile après qu’elle a conclu que cette disposition constitue, par ailleurs, une violation de l’article 7.
2. Une limite raisonnable à l’article 7 de la Charte
Dans l’affaire Oakes, la Cour suprême a établi le critère que les cours doivent appliquer lorsque le gouvernement cherche à sauvegarder la constitutionnalité d’une règle de droit en tentant de démontrer qu’elle constitue une limite raisonnable et justifiable dans une société libre et démocratique, au sens de l’article premier de la Charte.
« Pour établir qu’une restriction est raisonnable et que sa justification peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique, il faut satisfaire à deux critères fondamentaux. En premier lieu, l’objectif que visent à servir les mesures qui apportent une restriction à un droit ou à une liberté garantis par la Charte, doit être « suffisamment important pour justifier la suppression d’un droit ou d’une liberté garantis par la Constitution » […] Il faut à tout le moins qu’un objectif se rapporte à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique, pour qu’on puisse le qualifier de suffisamment important.
En deuxième lieu, dès qu’il est reconnu qu’un objectif est suffisamment important, la partie qui invoque l’article premier doit alors démontrer que les moyens choisis sont raisonnables et que leur justification peut se démontrer. Cela nécessite l’application d’« une sorte de critère de proportionnalité » […] À mon avis, un critère de proportionnalité comporte trois éléments importants. Premièrement, les mesures adoptées doivent être soigneusement conçues pour atteindre l’objectif en question. Elles ne doivent être ni arbitraires, ni inéquitables, ni fondées sur des considérations irrationnelles. Bref, elles doivent avoir un lien rationnel avec l’objectif en question. Deuxièmement, même à supposer qu’il y ait un tel lien rationnel, le moyen choisi doit être de nature à porter « le moins possible » atteinte au droit ou à la liberté en question […] Troisièmement, il doit y avoir proportionnalité entre les effets des mesures restreignant un droit ou une liberté garantis par la Charte et l’objectif reconnu comme « suffisamment important » 21. »
De prime abord, la Cour reconnait qu’il est généralement difficile de justifier une violation de l’article 7 en fonction du critère Oakes. Après tout, une loi qui va à l’encontre des principes de justice fondamentale est de ce fait intrinsèquement lacunaire. C’est seulement lorsque le gouvernement peut démontrer que le bienêtre public — une considération qui ne relève pas de l’analyse de l’article 7 — justifie que l’on prive une personne de sa vie, sa liberté, ou sa sécurité, qu’une telle tentative peut s’avérer fructueuse.
Les appelants, en l’espèce, concèdent que l’objectif de protéger les personnes vulnérables qui ne désirent pas réellement mourir s’avère être urgent et réel. Tout revient donc à déterminer si le moyen législatif choisi afin de les protéger — la prohibition totale de l’aide médicale à mourir — respecte le critère de proportionnalité énoncé dans Oakes. Déférence à l’endroit du législateur oblige, la Cour reconnait que la proportionnalité ne nécessite pas la perfection. « Notre Cour a souligné qu’il peut y avoir plusieurs solutions à un problème social particulier et a indiqué qu’une mesure règlementaire complexe visant à remédier à un mal social commande une grande déférence » 22. Mais force est d’admettre qu’une prohibition totale et absolue peut difficilement être qualifiée de « mesure règlementaire complexe ».
L’exigence du lien rationnel, comme on pouvait s’y attendre, ne pose pas de difficulté à la Cour. Lorsqu’une activité pose un certain risque, la prohiber constitue un moyen rationnel de réduire ce risque.
Mais est-ce que le moyen choisi par le législateur porte atteinte le moins possible aux trois droits protégés par l’article 7 dans la poursuite de cet objectif ? C’est essentiellement cette question qui a fait polémique dans le cadre des débats entourant la présente affaire. Pour la Cour, l’application de cet élément de l’atteinte minimale doit être tranchée en faveur des appelants. L’argument du gouvernement s’appuie principalement sur la crainte que la légalisation de l’aide médicale à mourir conduise à un dérapage qui amènerait des personnes vulnérables, telles que celles souffrant de troubles émotifs passagers à pouvoir se prévaloir de cette aide. Ou encore, que certaines personnes malades dépendantes subissent un abus d’influence, notamment de la part de membres de leur famille qui, pour diverses raisons, voudraient qu’elles meurent. La Cour suprême n’estime pas que ces craintes soient fondées et rejette une approche qui nie l’existence de demi-mesures entre une interdiction absolue de l’aide médicale à mourir et un régime indument permissif. Elle rejette ainsi la prétention du gouvernement selon laquelle aucune forme juridique de protection pour les personnes vulnérables ne s’avère adéquate afin de suffisamment assurer leur sécurité en transformant la question de la protection adéquate en une question de faits médicaux et scientifiques qui a été tranchée par la juge en première instance.
Pour la Cour, la preuve médicale et scientifique entendue par la juge Smith, notamment celle en provenance de pays qui ont légalisé et règlementé l’aide médicale à mourir, s’inscrit à l’encontre du point de vue gouvernemental. Une prohibition absolue, nous dit la Cour, ne serait être justifiée que si la preuve permettait de conclure que les médecins sont incapables de mesurer adéquatement la capacité, la volonté et la non-ambivalence des patients, que les médecins interprètent mal la règle du consentement éclairé ou encore l’esquivent, finalement que « si la preuve émanant des endroits où l’aide à mourir est permise faisait état du décès fortuit d’une personne résultant de sévices, d’une insouciance, d’une insensibilité ou d’un dérapage » 23. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. Comme le note la Cour, la juge de première instance a jugé que la reconnaissance d’un droit à l’aide médicale à mourir pouvait être assortie de garanties élaborées avec soin assurant la sécurité des personnes vulnérables à l’encontre des abus et des erreurs. De l’avis de la juge Smith, l’expérience vécue au sein des pays qui reconnaissent l’existence d’un droit à l’aide médicale à mourir démontre que les risques inhérents à la création d’un régime permissif peuvent être adéquatement contrôlés si l’on veille à ce que les mesures préventives soient scrupuleusement respectées. L’expérience des autres pays est une question de fait que la juge de première instance, ayant entendu la preuve, est la personne la mieux placée pour les déterminer.
Eu égard plus particulièrement à la capacité mentale du patient d’effectuer un choix aussi crucial de même qu’au caractère volontaire de celui-ci, la Cour s’en est remis à la confiance exprimée par la juge du procès, selon laquelle un médecin qualifié possède le discernement nécessaire afin de relever l’existence d’un consentement réel et authentique exempt d’ambivalence, de contrainte ou d’abus d’influence. Celle-ci s’est dite rassurée par le fait que la culture médicale possède une longue tradition fondée sur le respect de la norme du consentement éclairé, notamment eu égard aux décisions de fin de vie, telles que le choix de mettre fin à un traitement conduisant normalement à la mort ou celui d’entreprendre des soins palliatifs qui accélèrent son arrivée. La reconnaissance d’un nouveau droit à l’aide médicale à mourir doit s’inscrire à l’intérieur de cette tradition. Les médecins doivent ainsi s’assurer que les patients soient correctement renseignés au sujet « de leur diagnostic et de leur pronostic ainsi que des soins médicaux qu’ils peuvent recevoir, y compris les soins palliatifs visant à calmer la douleur et à leur éviter la perte de leur dignité » 24. La compétence du personnel médical pour discerner les choix des personnes vulnérables et y donner suite est aussi représentée comme une question de fait qui relève de la compétence de la juge de première instance.
En ce qui concerne les personnes âgées et handicapées, la Cour suprême relève que la juge du procès n’a constaté aucune preuve émanant des endroits où le droit à l’aide médicale à mourir a été reconnu qui laisserait croire que ces personnes vulnérables sont plus exposées que d’autres à faire l’objet d’une aide médicale à mourir. À son avis, la crainte que le médecin puisse afficher une partialité inconsciente à leur égard, qui pourrait entacher le processus d’évaluation, est non fondée. Bref, selon elle, nous dit la Cour suprême, « aucune preuve convaincante n’indiquait que l’instauration d’un régime permissif au Canada aboutirait à un dérapage » 25. De nouveau, la question de la vulnérabilité des personnes agonisantes est considérée comme une question de fait du ressort de la juge en première instance.
En concluant qu’un régime permissif n’aboutirait pas à un dérapage, la juge du procès ne laisse toutefois pas entendre qu’il est possible de concevoir un système exempt de tous risques. Mais la Cour suprême approuve la décision de la juge Smith de refuser d’admettre l’argument du gouvernement « qu’il y a lieu de confirmer la validité d’une prohibition générale à moins que les appelants puissent démontrer qu’une autre mesure éliminerait tous les risques » 26. Tel que l’affirme la Cour suprême, cela aurait comme conséquence d’inverser le fardeau de preuve prévu par l’article premier et de requérir des demanderesses dont les droits ont été enfreints de démontrer qu’il existe des moyens qui portent moins atteinte à l’objet de la mesure contestée. Or, il est bien établi que le fardeau de la preuve, dans le contexte de l’article premier, incombe à l’État.
La décision du juge du procès, maitre des faits, dans cette affaire revêt une grande importance. Depuis l’affaire Bedford 27, il est clairement établi que l’appréciation du juge de première instance des faits législatifs et sociaux commande la même déférence que toute autre conclusion de fait. Nul doute que ce principe d’interprétation s’est avéré fondamental ici. La question clé dans cette affaire gravite autour de l’application de l’élément de l’atteinte minimale. Or, ce qui permet à la Cour de distinguer Rodriguez de l’espèce relève justement des conclusions du juge des faits, selon lequel les faits législatifs et sociaux ont considérablement évolué depuis que cette décision-là a été rendue. En ce qui concerne les faits législatifs, il est difficile de contester qu’alors qu’en 1993, l’année où la décision dans l’affaire Rodriguez a été rendue, aucune juridiction dans le monde n’avait légalisé l’aide médical à mourir, un bon nombre d’entre elles, comme nous l’avons vu, ont officiellement légalisé cette pratique depuis 28. Ce sont plutôt les faits sociaux qui doivent attirer notre attention ici. On pense plus spécifiquement à l’interprétation, par la juge de première instance, de ce type de preuve, qu’elle émane de témoins qui ont déposé de vive voix, d’affidavits ou d’études en provenance du domaine des sciences humaines. La jurisprudence canadienne a longtemps hésité à accorder trop de caractère probant à ce type de preuve. Le changement d’attitude à cet égard s’est révélé décisif en l’espèce. Bref, le passage de Rodriguez à Carter est présenté par la Cour comme étant moins dû à une évolution idéologique qu’à un changement d’attitude judiciaire eu égard au rôle plus important du juge des faits et à la nouvelle vision entourant l’admissibilité des faits législatifs et sociaux.
Ce constat est bien illustré par la réponse de la Cour à l’argument du gouvernement selon lequel la légalisation de l’aide médicale à mourir pourrait entrainer un dérapage. Pour la Cour, il s’agit là essentiellement d’une simple question de fait qui relève ainsi de la compétence de la juge de première instance, et à de multiples reprises, la Cour renvoie à ses conclusions à cet égard. Il s’agit essentiellement pour la Cour de s’assurer que la juge Smith n’a commis aucune erreur dans l’analyse de l’élément de l’atteinte minimale du critère Oakes. Après s’être assurée de cela, la Cour estime devoir témoigner de la déférence envers son point de vue. Et c’est ainsi qu’en dernière analyse, l’un des débats philosophique, politique et moral le plus crucial de l’époque contemporaine est tranché.
Puisque la Cour a conclu que l’alinéa 241(1)b) du Code criminel ne portait pas le moins possible atteinte à l’article 7 de la Charte, elle a jugé inutile de se demander s’il y a proportionnalité entre les effets préjudiciables et les effets bénéfiques de la loi. Après avoir conclu que l’alinéa 241(1)b) est inconstitutionnel, la Cour, s’inspirant une fois de plus du juge du procès, a conclu que la réparation appropriée consistait en un jugement déclarant que cette disposition, tout comme l’article 14 du Code criminel 29 étaient nuls
« […] dans la mesure où ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition 30. »
La Cour a toutefois suspendu cette déclaration d’inconstitutionnalité pendant un an afin de permettre au dialogue avec le législateur de se poursuivre. Dès lors, le débat ne porte plus sur le principe de l’aide médicale à mourir, mais plutôt sur ses modalités.
3. La réponse du législateur
Le projet de loi C-14, la loi concernant l’aide médicale à mourir, a reçu la sanction royale le 17 juin 2016. La Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir) 31 contient onze articles, dont il ne nous appartiendra pas ici de faire une étude exhaustive. Eu égard aux conditions 32 que doivent remplir ceux qui désirent se prévaloir de cette loi, celle-ci prévoit un nouveau par. 241.2 du Code criminel qui reprend l’ensemble des exigences posées par la Cour suprême dans Carter 33 en y ajoutant toutefois quelques éléments, dont deux apparaissent essentiels. Le premier, relativement controversé, concerne l’âge minimal pour procéder à une demande d’aide médical à mourir qui a été fixé à 18 ans. Le deuxième suscite, quant à lui, une véritable polémique. Il prévoit que l’aide médicale à mourir ne s’appliquera qu’à la personne dont la mort est devenue « raisonnablement prévisible », encore qu’un pronostic concernant son espérance de vie ne soit pas requis. Cette nouvelle condition a notamment fait bondir les membres de la famille Carter. Selon eux, leur mère n’aurait pu bénéficier de l’aide à mourir en vertu du nouveau régime ; elle souffrait d’une maladie de la moelle épinière qui la faisait très souffrir, mais qui n’était pas considérée comme une maladie mortelle. Les avocats de la famille Carter prétendent que l’ajout de cette condition remet en question la constitutionnalité de la nouvelle loi.
C’est aussi l’opinion du British Columbia Civil Liberties Union, l’organisme qui a mis en oeuvre la contestation judiciaire de l’al. 241(1) (b) du Code criminel ayant finalement donné lieu à la déclaration d’inconstitutionnalité de cette mesure dans l’affaire Carter. À peine dix jours suivant l’adoption du projet de loi C-14, l’organisme a entrepris d’en contester la constitutionnalité eu égard notamment à l’exigence selon laquelle la mort doit s’avérer raisonnablement prévisible. L’organisme a toutefois essuyé un refus de la part de la Cour d’appel de Colombie-Britannique 34 face à sa tentative de faire en sorte que certaines conclusions de fait rendues par la Cour suprême du Canada dans Carter n’aillent pas à nouveau à être débattues dans le cadre de litiges subséquents. La Cour suprême du Canada rejeta par la suite une demande d’autorisation d’appel formulée à l’encontre de cette décision 35. Cette affaire concerne le cas de Julia Lamb qui avait 25 ans en 2016 lorsqu’elle déposait une demande contestant l’exigence dans la loi d’une mort « raisonnablement prévisible ». Elle souffre d’atrophie musculaire spinale 36. Si elle jouit bien de la vie aujourd’hui, elle s’inquiète de son avenir. Sa détérioration physique pourra lui occasionner des années de souffrance physique et mentale insupportable sans la possibilité de demander l’aide d’un médecin pour mettre fin à ces jours, et cela aussi longtemps que sa mort ne soit pas raisonnablement prévisible.
Différents points de vue ont été avancés eu égard au sens à donner à la condition selon laquelle la mort est devenue « raisonnablement prévisible ». Pour certains, c’est le cas lorsque le requérant s’achemine vers une mort naturelle dont l’attente n’est pas trop éloignée. D’autres suggèrent une espérance de vie s’échelonnant entre six et douze mois. D’autres encore estiment qu’une personne souffrant d’une maladie occasionnant des douleurs intolérables est éligible même si l’on croit que cette dernière n’occasionnera pas sa mort avant plusieurs années. À l’égard justement du cas de la maladie non fatale, mais avancée et incurable, l’affaire AB v Canada (Attorney General) 37 rendue presque un an, jour pour jour, après que la loi modifiant le Code criminel est entrée en vigueur, nous offre un premier aperçu de ce que pourrait être la réaction des cours.
Mme A.B., une dame âgée de presque quatre-vingts ans, résidente d’une maison de soins, atteinte d’arthrose avancée et incurable, éprouvait des douleurs continues et intolérables depuis vingt-cinq ans, malgré de nombreuses chirurgies. Sa douleur allait de mal en pis. Deux médecins avaient certifié sa demande, mais un troisième refusait de conclure que sa mort était raisonnablement prévisible. Devant ce constat, l’un des deux médecins ayant précédemment donné son accord se désista, craignant une poursuite criminelle. Mme A.B. a alors déposé sa requête judiciaire afin d’obtenir une déclaration de la part de la Cour supérieure de justice de l’Ontario ayant pour objet de mettre les médecins à l’abri de toute poursuite criminelle.
Le juge Perell s’est dit d’avis qu’il n’avait pas la compétence requise pour accorder une telle requête, car la décision de déposer ou non une inculpation à l’encontre d’un justiciable relève du pouvoir discrétionnaire du ministère public. Toutefois, il arrêta qu’en vertu de la preuve, la mort naturelle de A.B. était devenue raisonnablement prévisible. Le juge prit le soin de préciser que, n’étant pas médecin, sa décision n’était pas d’ordre médical, mais devait être considérée comme résultant de l’interprétation judiciaire de la disposition concernée. Puisque deux médecins, après avoir considéré l’ensemble des circonstances de l’espèce, ont conclu que la mort était devenue raisonnablement prévisible, la situation doit être considérée comme telle. Par ailleurs, selon le juge, la mort naturelle n’a pas besoin d’être imminente pour être qualifiée de « mort raisonnablement prévisible ». Cette notion fait appel à l’évaluation de l’ensemble des circonstances propre au cas particulier du requérant, y compris l’intensité de ses souffrances, la durée du calvaire subi par le malade, son espérance de vie, et son âge entre autres. Selon ce critère, il nous semble que les cours ne devraient pas, sauf exception de l’ordre d’une fraude médicale, remettre en question l’expertise des médecins dans leur domaine de compétence.
Nous sommes d’avis que la décision du juge Perell est bien fondée. D’une part, en faisant appel à une approche holistique, le critère qu’elle avance devrait pouvoir pleinement assurer le respect de la dignité des requérants. Ensuite, elle devrait pouvoir parvenir à rassurer les médecins qui cherchent à assurer cette mort dans la dignité, mais qui craignent l’éventualité d’une poursuite pénale.
En ce qui concerne les modalités visant la protection des personnes vulnérables, le nouveau par. 241.2(3) impose certaines obligations au médecin ou infirmier praticien appelé à fournir l’aide médicale à mourir. Il doit s’assurer, principalement, que la personne réponde aux critères prévus par la loi et que le consentement est valable. À cette fin, certaines exigences formelles doivent être respectées. Au nombre de celles-ci, le requérant doit tout d’abord formuler sa demande par écrit et la signer en présence de deux témoins qui doivent également apposer leur signature. Le médecin doit également aviser le requérant qu’il peut en tout temps retirer sa demande. Immédiatement avant de fournir l’aide médicale à mourir, il doit ainsi accorder une dernière possibilité au requérant de changer d’avis. De même, comme nous l’avons vu, un deuxième médecin ou infirmier praticien doit confirmer l’opinion du premier professionnel de la santé selon laquelle la condition médicale du requérant est suffisamment sérieuse pour le rendre éligible.
Par ailleurs, le gouvernement fédéral admet que certaines questions afférentes à l’aide médicale à mourir demeurent toujours à être étudiées en dépit de l’adoption de la loi. Les plus importantes concernent des demandes faites par des mineurs matures, des demandes où la santé mentale est le seul problème de santé sous-jacent et particulièrement le cas des demandes anticipées 38. On pense ici, par exemple, au cas où une personne qui, se sachant atteinte de la maladie d’Alzheimer, voudrait être en mesure de donner la permission à un proche de décider du moment de sa mort, à un stade de la maladie où elle n’aurait plus elle-même la capacité de donner son consentement. Le gouvernement fédéral est d’avis que ces questions posent toute une série de considérations forts complexes qui nécessitent une période d’étude qui exige plus de temps que celui qu’il avait à sa disposition afin de formuler la nouvelle loi. En vertu de celle-ci, il s’engage donc à ordonner la tenue d’études sur ces questions, qu’il sera appelé à trancher à l’avenir 39.
Les provinces et les territoires doivent respecter cette nouvelle loi criminelle. Par contre, ils peuvent créer leurs propres lois ou règlements supplémentaires en matière de santé tant et aussi longtemps que ceux-ci sont conformes à ce qui est contenu dans le droit criminel 40. À condition d’être du ressort des provinces, ces règles peuvent viser la santé et d’autres aspects de l’aide médicale à mourir, comme l’utilisation de formulaires précis à remplir, la formation médicale particulière pour fournir le service, la façon dont les renseignements et les données sur le service sont recueillis de même que les règles ou les exigences pour le type d’aide médicale à mourir.
Notes:
- MGiroux@laurentienne.ca ; Tél. +1 705-698-8464. ↩
- HPallard@laurentienne.ca ; Tél. +1 705-692-7661. ↩
- Rodriguez c Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 RCS 519 (Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada). ↩
- Carter c Canada (Procureur général), [2015] 1 RCS 331. ↩
- Pour l’une des requérantes dans Carter, il s’agissait plutôt d’une sténose du canal rachidien lombaire, une maladie qui entraine la compression progressive de la moelle épinière. ↩
- Code criminel, LRC 1985, ch C-46, (Lois refondues du Canada) : « 241 (1) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque, que le suicide s’ensuive ou non, selon le cas : […] b) aide quelqu’un à se donner la mort. » ↩
- Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (Royaume-Uni), 1982, c 11 : « 7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. » ↩
- « 1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. » ↩
- L’article 15 de la Charte garantit le droit à l’égalité. Rodriguez prétendait que la loi ne la traitait pas également à ceux qui avaient la capacité physique de s’enlever eux-mêmes la vie. Cet argument n’a pas été considéré par la Cour suprême dans Carter, les juges préférant trancher la question à partir de la violation de l’article 7 de la Charte. ↩
- 287 CCC (3d) 1 (Canadian Criminal Cases). ↩
- Voir, entre autres, Dwight Newman, « Judicial Method and Three Gaps in the Supreme Court of Canada’s Assisted Suicide Judgment in Carter », 78 Saskatchewan Law Review, 2015, vol. 78, p. 217. ↩
- 51 BCLR (5th) 213 (British Columbia Law Reports). ↩
- Au sujet de cette approche théorique à la lecture de décisions judiciaires, voir Marc Gold, « La rhétorique des droits constitutionnels » Revue Juridique Thémis, 1988, vol. 22, p. 1-35. ↩
- Carter c Canada (Procureur général), op. cit., note 2, par. 1. ↩
- Peter McCormick, « The Political Jurisprudence of Hot Potatoes », National Journal of Constitutional Law, 2002, vol. 13, p. 271-305. ↩
- La Cour suprême du Canada ne passe pas sous silence cette ressemblance remarquable entre les deux causes : « Les faits en litige dans Rodriguez étaient très semblables à ceux dont était saisie la juge de première instance. » Carter c Canada (Procureur général), op. cit., note 2, par. 42. ↩
- Voir Christian Hyde, « La règle du précédent », in L. Bélanger-Hardy et A. Grenon, Éléments de la common law, Carswell, Scarborough (Ontario), 1997, p. 69-151 ; Donald Poirier, Sources de la common law, Montréal/Bruxelles, Éditions Yvon Blais/Bruylant, coll. Common law en poche, vol. 2, 1996, p. 27-51. ↩
- Canada (Procureur général) c Bedford, [2013] 3 RCS 1101. ↩
- En effet, pour certains auteurs, il est faux de croire que cette distinction n’est plus généralement acceptée. Voir, par exemple, John Keown, « A Right to Voluntary Euthanasia? Confusion in Canada in Carter », Notre Dame Journal of Law, Ethics & Public Policy, 2014, vol. 28, no1, p. 4-17. ↩
- Carter c Canada (Procureur général), op. cit., note 2, par. 72-73 ↩
- [1986] 1 RCS 103, par. 69-71. ↩
- Carter c Canada (Procureur général), note 2, par. 97. ↩
- Ibid., par. 104. ↩
- Ibid., par. 106. À ce sujet, voir également le mémoire déposé à la Cour suprême des États-Unis dans la cause Washington v Glucksberg, 521 US 702 (1997) par Amici, un regroupement de philosophes, dont Ronald Dworkin, Thomas Nagel, Robert Nozick, John Rawls et Judith Jarvis Thomson. On y avance, entre autres, la proposition selon laquelle la reconnaissance d’un droit à l’aide médicale au suicide entrainerait une amélioration des soins palliatifs pour un plus grand nombre de patients puisque les règlements afférents à ce régime permissif obligeraient notamment que toute la panoplie de ce type de soin soit épuisée avant que l’on puisse procéder à l’aide médicale à mourir. http://www.nybooks.com/articles/1997/03/27/assisted-suicide-the-philosophers-brief/. ↩
- Ibid., par. 107. ↩
- Ibid., par. 118. ↩
- Canada (Procureur général) c Bedford, op. cit., note 10. ↩
- Carter c Canada (Procureur général), op. cit., par. 114-121. ↩
- Cette disposition prévoit : « Nul n’a le droit de consentir à ce que la mort lui soit infligée, et un tel consentement n’atteint pas la responsabilité pénale d’une personne par qui la mort peut être infligée à celui qui a donné ce consentement. » Elle va de pair avec l’article 241(1)b) dans le contexte de la présente affaire, bien que l’analyse de la Cour se soit plutôt concentrée sur ce dernier. ↩
- Carter c Canada (Procureur général), op. cit., note 2, par. 127. ↩
- LC 2016, ch 3 (Lois du Canada). ↩
- La marche à suivre, au plan pratique, est indiquée au sein de ce document : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aide-medicale-mourir.html. ↩
- Voir supra, note 28. ↩
- Lamb v Canada (Attorney General), 2018 BCCA 266 (CanLII) (British Columbia Court of Appeal). ↩
- Julia Lamb, et al c Procureur général du Canada, demande d’autorisation d’appel 38256 rejetée le 13 décembre 2018 (CSC). ↩
- Lamb v Canada (Attorney General), 2017 BCSC 1802 (CanLII) (British Columbia Supreme Court); Lamb v Canada (Attorney General), 2018 BCCA 266 (CanLII) (British Columbia Court of Appeal). ↩
- AB v Canada (Attorney General), 2017 ONSC 3759 (CanLII) (Cour supérieure de justice de l’Ontario). ↩
- À ce sujet, voir David Lepofsky, « Carter v AG Canada (Attorney General), The Constitutional Attack on Canada’s Ban on Assisted Dying: Missing an Obvious Chance to Rule on the Charter’s Disability Equality Guarantee », Supreme Court Law Review (2d), 2016, vol. 76, p. 89-110; Barbara Von Tigerstrom, « Consenting to Physician-Assisted Death: Issues Arising from Carter v. Canada (Attorney General) », Saskatchewan Law Review, 2015, vol. 78, p. 233-239. ↩
- Le gouvernement fédéral avait l’obligation de mettre en œuvre des examens indépendants de ces trois questions 180 jours à la suite de l’adoption de la loi. Le 13 décembre 2016, il a mandaté le Conseil des académies canadiennes, un organisme indépendant, sans but lucratif, afin d’évaluer les preuves qui existent sur ces enjeux éthiques et scientifiques dans le but de contribuer au débat public, sans toutefois y aller de recommandations. Le rapport a été rendu public le 12 décembre 2018 et est disponible sur le site web suivant : https://sciencepourlepublic.ca/. ↩
- Le Québec avait déjà adopté sa propre loi, Loi concernant les soins de fin de vie, RLRQ, ch S-32.000 (Recueil des lois et règlements du Québec), avant même que la Cour suprême du Canada n’entende Carter c Canada (Procureur général). ↩