Dangerosité et droits fondamentaux : dangerosité et crises sociétales (Table ronde n°6)
Contributions
La dangerosité ou l’atteinte insidieuse aux droits et libertés dans la lutte contre le terrorisme
Par Stéphanie Parassouramanaik, Doctorante en droit public, Université de la Réunion
Alors que le terme de dangerosité n’est pas explicite dans les textes juridiques relatifs à la lutte contre le terrorisme, le concept n’est pas étranger à la matière. L’essence même de la notion transcende un domaine où risque et danger sont omniprésents. Son influence insidieuse traduit une volonté de banaliser l’intervention des autorités au simple stade de la menace sous couvert de sécurité. Cette dernière devient alors un prétexte au détriment de libertés de plus en plus érodées.
La dangerosité se distingue du simple danger en ce qu’elle comporte une dimension incertaine, aléatoire, voire éventuelle. Tout se passe comme s’« il n’y a jamais que des imputations de dangerosité, c’est-à-dire l’hypothèse d’un rapport plus ou moins probable, entre tels ou tels symptômes actuels, et tels actes à venir[1] ». Cette probabilité influe non pas sur le danger lui-même dont la nature et le degré sont identiques, mais sur le sentiment qui l’accompagne. L’incertitude amplifie l’angoisse du danger. Plus que combattre, assurer sa défense ou sa sécurité prime.
Dans cette perspective, le terrorisme est dangerosité. Le Code pénal le définit explicitement comme certaines infractions « lorsqu’elles sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur » (art. 421-1 du Code pénal). Cette lecture amène à identifier un danger et une peur du danger. D’une part, les actes de violence révèlent une haine profonde à l’égard d’une communauté, d’un État ou d’un pays. Ils matérialisent le danger lui-même. D’autre part, la volonté d’instaurer un climat d’insécurité nourrit le sentiment d’incertitude : qui, comment, où… toutes ces questions sans réponse fragilisent une construction sociale qui devrait pourtant se reconnaître dans le fait que « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme [c] es droits [étant] la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression » (art. 2 DDHC). Se révèle alors la rupture d’un équilibre classiquement institué par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen entre sécurité et liberté. Désormais, seule une vaine recherche du « risque zéro » importe, au détriment d’une réelle protection des libertés.
L’absence de reconnaissance juridique de la notion de dangerosité dans les textes juridiques n’est donc pas en elle-même une négation de l’existence de la notion. Son essence irrigue en effet l’ensemble du discours et des actes. Elle se révèle dans le débat entre sécurité et liberté. L’harmonie entre les deux principes tend à se troubler au contact de la dangerosité. L’explication la plus pertinente se trouverait dans le caractère insidieux de la manœuvre menant progressivement le discours à une banalisation de la dangerosité, à son ancrage comme nouveau seuil d’intervention des pouvoirs publics. Le danger n’est plus la frontière délimitant l’action de l’inaction des autorités. Ce dernier se métamorphose progressivement en une dangerosité, sans que le terme soit expressément utilisé. La période de l’état d’urgence instituée en France en 2015, et dont la prolongation a fait débat, est en ce domaine un exemple frappant (I). Cette recherche de sécurité ne constitue pas, en elle-même la rupture d’équilibre dès lors que les circonstances exceptionnelles le justifiaient. Mais la récurrence dont elle fait l’objet dans les périodes ordinaires entraîne un phénomène sécuritariste que le juge ne semble pas vouloir arrêter dès lors qu’il est justifié par une dangerosité avérée (II).
I. Le terrorisme comme dangerosité : l’implantation progressive d’un concept
Alors que le danger, la menace ou le risque sont admis dans les textes juridiques relatifs à la lutte contre le terrorisme, le terme de dangerosité n’y a pas encore sa place. Pourtant, le concept y est présent (A). Il sert d’assise à une prééminence de la sécurité sur les libertés (B).
A. L’absence de recours formel à la notion
La notion de dangerosité n’apparaît pas dans la législation relative au terrorisme. Il serait donc illusoire d’y chercher une définition juridique explicite, fixe et définitive. Néanmoins, la notion n’est pas totalement imaginée. En effet, l’analogie sociologique de la dangerosité peut apporter des éclairages en matière de lutte contre le terrorisme. La sociologie associe au sein même de la dangerosité un danger et son risque, c’est-à-dire la probabilité de sa survenue.
Dans cette perspective, la notion de dangerosité peut être utilisée sous deux aspects. Elle désigne d’une part la caractéristique d’un individu qui, intrinsèquement, est dangereux. Il révèle une dangerosité en ce que son passage à l’acte est incertain. La jurisprudence du Conseil d’État et de certaines Cours administratives d’appel utilise la notion de dangerosité en ce sens en matière de terrorisme. Il semblerait qu’elle soit invoquée au moment de la réunion d’un faisceau d’indices permettant la qualification du comportement inhérent à une modélisation type de terroriste. Le juge administratif utilise alors le « potentiel de dangerosité » pour illustrer un individu dont un ensemble d’événements converge vers l’identification du terroriste. La dangerosité n’étant pas « avérée » (CE, juge des référés, 12 oct. 2016, req. no 403754), une « neutralisation préventive » (CAA de Marseille, 4 avril 2017, Consorts Chennouf, req. no 16MA03663) de l’individu n’apparaît pas nécessaire. L’acte ne s’est pas encore produit, mais le danger est présent et menaçant. Cet usage de la notion de dangerosité peut être assimilé à la psychiatrie où la dangerosité est souvent mobilisée pour des terrains de maladies mentales. En cela, les deux types d’individus, terroristes et malades mentaux se rapprochent en ce que leurs actions n’apparaissent pas justifiées par la raison dans la société considérée. Ce seuil, dont la notion de dangerosité se fait l’écho, apparaît comme un consensus autorisant les services concernés à intervenir.
Davantage que l’individu dangereux, la dangerosité modélise également une prévention de la survenue du danger en tant qu’il contrarierait une sécurité publique plus généralement considérée. C’est la société dans son ensemble qui est ici menacée par la survenue d’un événement et non que par un individu. La recherche de cet individu dangereux ne suffit donc plus, il faut encore déterminer quels sont ceux qui ont un profil de dangerosité, voire même les lieux, les environnements où cette dangerosité peut se manifester. Inévitablement, les libertés s’en trouvent menacées. En effet, la sûreté invoquée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne suffit plus à se prémunir contre la dangerosité. Une nécessaire sécurité s’impose alors
B. Une justification sous-jacente à la mise en place d’un régime de sécurité
Face au terrorisme dont aucune solution n’est véritablement satisfaisante et dont aucun expert ne peut prévoir la survenue, le pouvoir politique en place cherche non pas une solution au danger lui-même, mais à la dangerosité que représente le phénomène. Les réactions se doivent d’être rapides et à la hauteur du sentiment qui s’empare des citoyens. Loin d’être animé d’une volonté de sûreté, c’est une ambition de sécurité qui dévore les pouvoirs politiques[2]. Cette sécurité s’exprime à travers une quête sans fin du « risque zéro » dont la restriction des libertés en est la conséquence. Les pratiques de renseignement, de fouilles, d’interdiction, de surveillance se renforcent au détriment des garanties aux libertés.
Si cette restriction des droits et libertés face au terrorisme en France n’a pas débuté avec l’instauration de l’état d’urgence en 2015[3], ce dernier est symptomatique d’une situation où la dangerosité atteint un degré tel qu’elle en devient une situation de crise pour les libertés. Le journal Le Monde établira cette relation en rapportant les propos du porte-parole du ministre de l’Intérieur, Pierre-Henry Brandet, « la réponse ne peut pas être la manifestation du 11 janvier […]. Il faut réagir différemment. On est un cran au-dessus. Donc les autorités doivent envoyer un signal très fort.[4] »
Ce signal fort résonnera dans le déclenchement de l’état d’urgence. Cet état de crise est classiquement présenté comme une « extension des pouvoirs de police des autorités civiles[5] » contrairement à l’état de siège qui lui préfère les autorités militaires. S’il est vrai que toute loi est une loi de circonstances[6] en ce qu’elle est le résultat d’événements, d’un contexte particulier, toute loi n’est pas pensée pour la circonstance. Or la loi n° 55-385 de 1955 sur l’état d’urgence est une loi pensée pour les événements de la guerre d’Algérie ; elle n’a donc, a fortiori, pas été écrite pour s’adapter à des attentats terroristes. Des évolutions étaient donc nécessaires pour pallier les manques de cette législation. Pourtant, ces adaptations n’auront pas seulement pour conséquence une application plus contemporaine de la loi, elles engendreront un régime de plus en plus restrictif des libertés ou plutôt de leurs garanties.
Dès l’ordonnance du 15 avril 1960, la loi de 1955 amorce un tournant présidentialiste inaugurateur d’un régime moins protecteur des droits et libertés. La version originelle établit une séparation entre la déclaration de l’état d’urgence et sa mise en œuvre par une distinction des compétences : là où le Parlement déclare, l’exécutif œuvre. Désormais, la déclaration est faite par décret en Conseil des ministres, seule la prorogation doit faire l’objet d’une loi. Si ce transfert de compétences peut paraitre anodin, il est symptomatique d’une volonté de contourner ce que certains élus considèrent comme un formalisme contraignant dont la suppression se justifierait par des idéaux de rapidité et d’efficacité. Dans le même temps, une garantie des libertés est supprimée.
L’état d’urgence de 2015 sera un bel exemple de ce mouvement restrictif des libertés. En effet, les mesures prises en matière de police administrative y seront largement assouplies. Désormais, ces autorités de police peuvent mettre en place des restrictions à la liberté d’aller et venir, des perquisitions administratives, des mesures restrictives des libertés de réunion… L’un des exemples les plus emblématiques est le cas de l’assignation à résidence. Depuis la loi de 2015, l’assignation à résidence est une mesure de police administrative. Toute personne peut être assignée à résidence dès lors qu’il existe « des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Là encore, la dangerosité gagne du terrain insidieusement. Là où la loi de 1955 exigeait une « activité » constituant une menace — terme plus objectif —, la loi de 2015 lui substitue un « comportement », assouplissant ainsi les conditions d’assignation à résidence au profit du pouvoir de police administrative compétent pour identifier ce comportement. Plus que le danger certain, la dangerosité est suffisante. C’est ainsi que sur le fondement de cet article ont été prises des assignations à résidence pendant la COP 21 contre des militants écologistes. Du 25 novembre 2015 au 12 décembre 2015, ces militants avaient obligation de se présenter trois fois par jour au commissariat de police à des heures fixes et de rester chez eux de 20 h à 6 h. Le Conseil d’État, à l’image des conclusions de son rapporteur public, décidera qu’il n’y a aucune obligation légale que les motifs ayant entrainé la déclaration de l’état d’urgence — en l’espèce la menace terroriste — soient les mêmes que les motifs permettant de fonder l’assignation à résidence (CE, ord., 11 déc. 2015, n° 395009, M.C. Domenjoud, Lebon p.437 ; A. Roblot-Troizier, RFDA 2016, p. 123). La marge d’appréciation des autorités administratives dans la mise en place des restrictions aux libertés se voit élargie sous l’égide de la dangerosité.
L’invocation de la dangerosité au service de la sécurité ne doit pas être le moyen d’une politique attentatoire aux libertés. Il s’agit de trouver un équilibre entre liberté et sécurité. La période de crise de l’état d’urgence de 2015 ne permettait pas l’application d’une légalité ordinaire. La sécurité et l’ordre public nécessitaient un aménagement. Mais la prolongation des atteintes permises en période de crise à la période ordinaire, si elle semble justifiée par la permanence de la menace, entraîne une politique sécuritariste qui semble sans limites.
II. Le terrorisme comme dangerosité : L’implantation d’une dérive sécuritariste
L’intégration dans le droit ordinaire des mesures de l’état d’exception renforce l’idée d’une implantation de la dangerosité. Face aux libertés, le concept de dangerosité semble être instrumentalisé au profit du maintien d’un régime sécuritariste (A). Il résiste même au contrôle de proportionnalité traditionnellement reconnu comme protecteur des droits et libertés (B).
A. Un usage plus récurrent au service d’une doctrine sécuritariste
La loi du 30 octobre 2017 — ou dernière loi de prorogation — renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) est présentée comme « inscrivant dans le droit commun des mesures inspirées de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ». Elle permet désormais aux autorités de police, dans un contexte hors crise, d’ordonner la fermeture des lieux de culte (reprise de l’article 8 alinéa 1er de la loi du 21 juillet 2016) ; d’instaurer un périmètre de protection où la circulation et l’accès des personnes y sont règlementés (reprise de l’article 5, 2° de la loi de 1955) ; de prendre des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (reprise partielle de l’assignation à résidence) ; de procéder à des perquisitions administratives (inspiré du pouvoir de perquisition administrative de l’article 11 de l’état d’urgence). Toutes ces mesures sont soit identiques à celles de l’état d’urgence soit inspirées par lui.
Cette transposition entre le régime de l’état d’urgence et le droit commun n’est en définitive que la cristallisation de la dangerosité, d’une « culture de la peur » qui « appelle encore et toujours plus de mesures supposées garantir une sécurité parfaite[7] » au détriment de la liberté. Tout se passe comme si émettre une critique sur la restriction des libertés revenait à approuver les actes de terrorisme. Désormais, il convient d’acquiescer lors de la mise en place de mesures individuelles et subjectives par la police administrative. Celles-ci peuvent alors, sans que cela paraisse choquant, être fondées sur « un faisceau d’éléments subjectifs relatifs au comportement de la personne visée par la mesure, à partir desquels l’autorité de police déduit de manière subjective la dangerosité de la personne [8]».
La notion de risque et de danger est remplacée par la menace et la dangerosité. Des termes forts qui s’accommodent en leur sein d’une gradation. Si le danger est une justification de l’action, la dangerosité, alors même que l’incertitude est inhérente à la notion, devient le nouveau paradigme. Cette « approche maximaliste de la menace[9] » profite au dogme sécuritariste, en ce sens que la sécurité devient la priorité de la société dans son ensemble. L’intervention des autorités ne se fait plus au stade du danger, mais de la dangerosité qu’elle soit avérée ou au stade de potentiel.
Ce nouveau paradigme illustre donc une « normalisation de l’urgence, c’est-à-dire un climat de tension, qui est devenu le quotidien et qui procède à une douce altération des régimes démocratiques à travers un “ordinaire” qui s’éloigne et un “exceptionnel” qui s’installe et qui sans n’être jamais qualifié comme tel, devient le nouvel “ordinaire” [10]». Le rôle du juge apparaît alors primordial dans le rétablissement de cet équilibre. Mais l’assouplissement de son contrôle contribue à placer la sécurité avant la liberté. En ce que le terrorisme comporte une dimension finaliste, subjective, il ne contribue pas à l’accomplissement de cet équilibre. Le concept de dangerosité trouve alors à s’épanouir.
B. L’échec du contrôle de proportionnalité face à la dangerosité
Le juge administratif dans son arbitrage entre sécurité et liberté opère classiquement un contrôle de proportionnalité à trois dimensions : « appropriée, en ce qu’elle doit permettre de réaliser l’objectif légitime poursuivi ; nécessaire, dès lors qu’elle ne doit pas excéder ce qu’exige la réalisation de cet objectif ; et proportionnée, en ce qu’elle ne doit pas, par les charges qu’elle crée, être hors de proportion avec le résultat recherché[11] ». Plus généralement, « la philosophie du contrôle de proportionnalité réside dans le contrôle de la cohérence interne d’un acte entre les moyens employés, la mesure prise et la finalité poursuivie[12] ».
Dans ce triple test de proportionnalité, la notion d’adéquation trouve un contenu assoupli. Dans le cadre de l’arrêt Domenjoud cité plus haut,l’adéquation du motif de l’assignation et donc l’interprétation de la notion de menace pour la sécurité et l’ordre public tendent à satisfaire la sécurité au profit des libertés. Si le rapporteur public parle de « lien fonctionnel[13] » autorisant l’adéquation, en ce que la mobilisation des forces de police pour une manifestation écologiste participerait indirectement à une menace à la sécurité et à l’ordre public, le caractère indirect de l’adéquation tend à permettre l’épanouissement de la dangerosité. Ce pragmatisme fonctionnel qui avait déjà était reconnu par le Conseil d’État (CE, Ass., 23 déc. 1936, n° 51755 et 51755 bis, Sieur Bucard) s’accommode peu de la protection des libertés.
La notion même de proportionnalité est interrogée dans cette affaire. En effet, les charges pesant sur la liberté d’aller et de venir ne semblent-elles pas disproportionnées par rapport à la probabilité de survenue de la menace envisagée ? Si le Conseil d’État semble répondre par la négative, la question demeure en suspens.
Si la question durant la période de l’état d’urgence inquiète quant à sa légalité, elle sera de nouveau posée hors état d’urgence. La réponse apportée par le Conseil d’État ne diffèrera pas substantiellement. Dans une affaire Association nationale des supporters, le Conseil d’État mobilise ainsi l’argument fonctionnel pour justifier l’interdiction de déplacements de certains supporters. L’adéquation de l’application de la législation relative au terrorisme à des supporters ne s’établit pas en faveur des libertés. Le Conseil d’État conclut ainsi que « la mesure ordonnée par le ministre de l’Intérieur était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité ». Pourtant, l’évaluation de ce triple test se fait sur le fondement que les débordements nécessitant l’intervention des forces de l’ordre « étaient susceptibles de se produire », que ces rencontres étaient « à risque » (CE, 30 déc. 2016, Association nationale des supporters, Association Lutte pour un football populaire et Association de défense et d’assistance juridique des intérêts des supporters, req. n° 395337). L’ensemble suffit à ce que les libertés d’aller et venir de ces supporters soient restreintes, voire même violées. Cet argument fonctionnel qui repose sur un risque, une dangerosité inhérente à la manifestation suffit à justifier l’atteinte aux libertés alors même que la période de l’état d’urgence était terminée.
La réflexion autour du terrorisme, des libertés et de la dangerosité amène à penser que la notion même de dangerosité est un révélateur d’un régime plus liberticide dans la lutte contre le terrorisme. Si la notion n’a pas d’assise explicite, elle permet néanmoins de comprendre, de cerner les raisons d’une telle atteinte. Néanmoins, dès lors que l’essence du concept de dangerosité est intégrée dans le discours, il convient de rester vigilant pour que les libertés soient garanties.
De la phobie du risque à l’Etat dangereux : l’exemple des scandales sanitaires
Par Caroline LANTERO, Maître de conférences en droit public, UCA EA 4232, Université de Clermont Auvergne
La fin de l’acceptation du risque ; la traque du danger – Le risque n’est pas une notion nouvelle en droit administratif puisqu’elle est appréhendée par le juge dès 1895 (CE 21 juin 1895, Cames, n° 82490) comme fondement de responsabilité de l’administration, même sans faute de sa part. Le risque est la réalisation « d’un danger possible » (Conclusions Romieu sur Cames[14]), et l’indemnisation des conséquences fâcheuses de la réalisation d’un risque relève alors d’un dispositif purement indemnitaire et compassionnel (désigné par des notions de « principe supérieur de justice », d’ « équité » et d’ « humanité » sous la plume du Commissaire du gouvernement Jean Romieu), dans une société qui acceptait le risque, mais pas ses effets, notamment lorsqu’ils dépassaient le seuil d’anormalité supportable. Avec le temps, l’acceptation du risque s’est affaiblie puis a disparu. Nous avons désormais le risque en horreur et s’assurer contre lui ou indemniser la moindre de ses conséquences ne suffit plus. Il faut identifier les dangers et prévenir le risque d’exposition à ces dangers.
L’identification des dangers est une mission dont s’est doté l’État, particulièrement en matière sanitaire. Or, il existe dans ce domaine des dysfonctionnements qui dépassent parfois ce qui est intellectuellement concevable et qui font basculer la défaillance à prévenir le risque dans la véritable commission active de fautes graves, génératrice de danger et d’exposition à celui-ci. Les scandales sanitaires, crises sociétales s’il en est tant la charge émotive est grande, constituent une illustration particulièrement frappante de la faille (au sens tectonique/sismique du terme) sur laquelle repose parfois la protection des droits fondamentaux face aux choses dangereuses.
Quels droits fondamentaux ? Le droit à la protection de la santé, proclamé par de nombreux textes internationaux[15] et ayant valeur constitutionnelle en droit français[16]. Bien que reconnu comme un droit collectif davantage qu’individuel (et ne soit pas à ce titre reconnu comme une liberté fondamentale par le Conseil d’État[17]), il s’agit là d’un droit « socle » sur lequel repose une multitude de droits plus subjectifs et au soutien duquel des mesures doivent nécessairement être mises en œuvre. Parmi ces mesures, on relève le droit à des soins appropriés et le droit à la sécurité sanitaire. Et chacun de ces droits, reconnus et proclamés, se décline lui-même.
Le droit à des soins appropriés, qui est reconnu comme une liberté fondamentale par le Conseil d’État[18] implique le droit pour « toute personne (…) compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert (…) de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté (…) (art. L. 1110-5 du code de la santé publique).
Le droit à la sécurité sanitaire se décline essentiellement en miroir des devoirs des pouvoirs publics et implique des mesures de police concrète telles que la mise en place d’une matériovigilance, qui tend à monitorer des incidents ou des risques d’incidents pouvant résulter de l’utilisation des dispositifs médicaux[19], une hémovigilance qui tend à surveiller les produits sanguins (confiée notamment à l’Établissement français du sang) ; une pharmacovigilance qui consiste en une surveillance permanente des effets indésirables, parfois graves, pouvant survenir à l’occasion de tout traitement médicamenteux ; et une biovigilance qui surveille le risque d’incident, les incidents relatifs et les effets indésirables survenant chez un patient, donneur vivant ou receveur, et pouvant résulter de l’utilisation des produits issus du corps humain (organes, tissus, cellules et produits thérapeutiques annexes y compris ceux utilisés en procréation médicale assistée, dispositifs médicaux incorporant les éléments et produits issus du corps humain utilisés à des fins thérapeutiques chez l’homme) ainsi que des activités qui en découlent.
Quels scandales, quelles crises sociétales ? Il existe des crises sanitaires de toute nature, et toutes ne se transforment pas en crise sociétale. C’est généralement la mauvaise gestion d’une crise qui la transforme en scandale. Le colloque dont est issue la présente contribution s’est tenu quelques mois avant qu’une nouvelle crise sanitaire éclose avec la pandémie de Covid19 et prenne des proportions si inédites qu’elle a engendré un état d’urgence sanitaire en France. Dans la tourmente des évènements, la gestion de cette crise a pu prendre des parfums de scandale (absence de mesures plus précoces, absences de masques, etc.) et l’avenir dira ce qu’il en est. De manière plus générale, les épidémies (grippe H1N1), les évènements climatiques (canicule), les aliments (vache folle) ont été par exemple été des crises sanitaires mal gérées ou dont la gestion fut à tout le moins critiquée. Mais elles n’avaient pas pour origine une activité humaine immédiate. En revanche, les produits de santé sont issus de l’activité humaine et leur dangerosité est prévisible. La France a également connu de véritables grands scandales sanitaires, notamment en ce qui concerne les produits de santé, qu’il s’agisse de dispositifs médicaux (Prothèses PIP) ou de médicaments (Distilbène, Mediator, Depakine), lesquels peuvent être d’origine humaine (Sang contaminé, hormones de croissance). Les produits dangereux ne manquent pas, les scandales non plus. Et si l’activité médicale, comme l’activité de police sanitaire ont longtemps bénéficié, d’un régime de responsabilité tolérant à l’erreur parce qu’elles étaient réputées particulièrement difficiles et porteuses de risques, et qu’on ne sanctionnait que les fautes dites lourdes, il y a des scandales qui ont allègrement franchi le seuil de tolérance de l’erreur. L’affaire du Médiator par exemple, qui illustre une faillite majeure des pouvoirs publics.
Parce qu’en dépit d’un État devenu très présent dans la prévention et la réparation du risque sanitaire (I), on a connu une situation impensable dans laquelle l’État a été responsable d’une exposition à la dangerosité. Il s’agit de l’affaire du Médiator. Un scandale sanitaire relatif à un produit intrinsèquement dangereux, qui se produit dans une société refusant le risque et porte atteinte à des droits fondamentaux : nous avons là les ingrédients d’une crise sociétale, en tant que traduction d’un dysfonctionnement majeur du politique et du juridique difficile à égaler associée à une perte de confiance durable (II).
I – Un État très présent dans la prévention et la réparation du risque
Si la pharmacovigilance existe depuis longtemps (elle était dévolue depuis 1941 au ministre de la Santé), une véritable phobie du risque a émergé dans les années 1990, du fait d’un enchaînement (voir un enchevêtrement) de scandales sanitaires (hormones de croissance, sang contaminé, isoméride), contraignant les pouvoirs publics à agir plus et mieux qu’avant. Cette « phobie du risque » recouvre la baisse du seuil d’acceptabilité du risque et la baisse extrême du seuil d’acceptabilité des dommages issus des risques. Ces deux abaissements de seuil se traduisent par un besoin accru de sécurité d’une part, un besoin accru d’indemnisation d’autre part. Et le législateur, comme le juge, en ont pris acte à partir des années 1990. Pour gérer l’inacceptabilité du risque, le législateur a encadré le besoin de sécurité sanitaire. Pour gérer l’inacceptabilité des dommages issus du risque, le juge administratif et le législateur ont modifié les conditions de la réparation.
La prévention – Peu après le scandale du sang contaminé, la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 « relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme » crée l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et instaure un système de vigilance impliquant directement les établissements de santé. L’AFSSAPS a implosé avec le scandale du Médiator et se trouve encore au cœur des contentieux du Médiator et des prothèses PIP. Elle a été remplacée en 2012 par l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avec la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Parmi les derniers correctifs et aménagements réalisés et en réaction évidente aux derniers scandales, une ordonnance du 14 avril 2016[20] a créé l’Agence nationale de santé publique, qui réunit les missions antérieurement exercées par l’Institut de veille sanitaire, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) et l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). Au regard de la crise sanitaire causée par le coronavirus, la France n’est pas à l’abri de nouveaux correctifs sur le fonctionnement de la récente agence nationale de santé publique. Les questionnements émergent en effet sur l’opportunité d’avoir fait disparaître l’EPRUS (établissement autonome qui avait notamment pour mission de gérer le stock de masques) au profit d’une agence qui ne dispose d’aucun pouvoir d’initiative dans la gestion des stocks stratégiques, n’agit que sur instruction ministérielle et n’a pas de capacité d’auto-saisine sur les missions inscrites à l’article L. 1413-1 du code de la santé publique et relatives à « la préparation et la réponse aux menaces, alertes et crises sanitaires »[21]. Une résolution tendant à créer une commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion a été d’ailleurs été adoptée par le Sénat le 30 juin 2020[22].
Pour en revenir à la sécurité des médicaments (pharmacovigilance) la mission de l’ANSM consiste en une activité de contrôle qui se dédouble. En amont, elle délivre notamment les autorisations de mise sur le marché (AMM) après une procédure d’évaluation très encadrée[23]. En aval, elle contrôle les médicaments mis sur le marché via un dispositif de veille et d’alerte[24] et peut notamment suspendre ou retirer les autorisations. Ces missions relèvent d’une activité de police administrative spéciale[25] et les décisions prises en matière de police sanitaire par l’ANSM, qui est placée sous la tutelle du ministère de la Santé[26], le sont au nom de l’État[27].
La réparation – Pour répondre à l’inacceptabilité des dommages issus de la réalisation du risque, le juge administratif, puis le législateur, ont considérablement fait évoluer les conditions de la réparation. Historiquement, seule la responsabilité de l’État pouvait être recherchée et pendant longtemps, seule la faute lourde de celui-ci pouvait engager sa responsabilité dans le cadre de ces activités de police[28]. Cette exigence était particulièrement persistante en ce qui concerne les activités de contrôle et de tutelle[29]. Le Conseil d’État opère un très net infléchissement en 1993 dans l’affaire du sang contaminé en estimant qu’au regard des missions confiées à l’Établissement français du sang (organisation générale du service public de la transfusion sanguine, contrôle des établissements qui sont chargés de son exécution et édiction des règles propres à assurer la qualité du sang humain, de son plasma et de ses dérivés) et aux buts poursuivis, « la responsabilité de l’État peut être engagée par toute faute commise dans l’exercice desdites attributions »[30]. L’impératif de protection de la santé publique[31] a pris le pas sur la franchise de responsabilité concédée au titre de la difficulté de l’activité[32]. En 2016, dans l’affaire du Médiator précisément, il proclame formellement que le régime de responsabilité pour faute simple s’applique à la police sanitaire. Il estime, comme en 1993 à propos des transfusions sanguines, que la « nature des pouvoirs conférés » aux « autorités chargées de la police sanitaire relative aux médicaments », autant que les « buts en vue desquelles ces pouvoirs lui ont été attribués », justifie que la responsabilité de l’État puisse être « engagée par toute faute commise dans l’exercice de ces attributions »[33].
Dès 1992, le régime de la faute lourde avait été abandonné en matière de responsabilité médicale.[34] Dès 1993, un régime de responsabilité sans faute avait émergé pour les aléas thérapeutiques[35]. Ce détour par la responsabilité purement médicale (différentes de celle de la police sanitaire) montre que besoin sociétal d’une indemnisation a été largement pris en considération par le juge administratif. De manière plus générale, en 2005 et avant que le scandale inacceptable du Médiator n’éclate, les toutes premières phrases l’étude du Conseil d’État consacrée à la « Responsabilité et socialisation du risque » avaient parfaitement synthétisé les traits d’une société qui n’acceptait plus le risque, ni ses conséquences : « Notre société refuse la fatalité. Elle se caractérise par une exigence croissante de sécurité. Cette exigence engendre la conviction que tout risque doit être couvert, que la réparation de tout dommage doit être rapide et intégrale et que la société doit, à cet effet, pourvoir, non seulement à une indemnisation des dommages qu’elle a elle-même provoqués, mais encore de ceux qu’elle n’a pas été en mesure d’empêcher, ou dont elle n’a pas su prévoir l’occurrence »[36].
Le législateur des années 2000 a répondu à ce besoin accru d’indemnisation en introduisant des mécanismes de solidarité en de nombreux domaines et en créant des fonds d’indemnisation. En matière sanitaire, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) créée par la loi du 4 mars 2002[37], est devenu le guichet payeur des risques réalisés. Initialement en matière d’accident médicaux non fautifs, d’infections nosocomiales et en substitution de l’assureur défaillant dans les suites d’une procédure amiable. Plus tard en 2002, il est chargé de l’indemnisation des dommages causés par des infections nosocomiales, même fautives[38] en matière de dommages liés à l’utilisation des hormones de croissance[39]. En 2004, il est désigné pour indemniser les dommages liés aux vaccinations obligatoires[40], au VIH transfusionnel[41] et aux mesures sanitaires d’urgences[42]. En 2010, il est en charge de l’indemnisation des dommages causés par le virus de l’hépatite C transfusionnelle[43] et il se substitue également à l’Établissement français du Sang qui ne peut plus être mis en cause dans les contentieux[44]. En 2012, il indemnise les dommages causés par des contaminations transfusionnelles du VHB et T-Lymphotropique humain[45]. Ces mécanismes d’indemnisation n’empêchent ni la victime de rechercher des responsabilités lorsqu’on peut les identifier, ni le fonds d’exercer une action contre le tiers responsable. On comprend que ces dispositifs visent à une garantie automatique et immédiate des victimes de manière à les indemniser rapidement, mais aussi à les préserver des affres d’un éventuel procès. Et cette garantie véhicule peut-être un message de responsabilité (et non plus seulement de solidarité) lorsque des tiers responsables que sont les laboratoires sont parfaitement identifiables. C’est le cas pour les dommages causés par le Mediator, également mis à la charge de l’ONIAM en 2011[46]. C’est aussi le cas pour les dommages causés par la Depakine, également mis à la charge de l’ONIAM en 2017[47]. Dans ces deux scandales sanitaires, l’État a également été jugé responsable.
II – Un État responsable d’une exposition à la dangerosité
Alors que toute cette vigilance existe, qu’elle est encadrée, structurée, financée, les scandales sanitaires sont curieusement toujours révélés par un lanceur d’alerte extérieur, ce qui nuit considérablement et d’emblée à l’image de sécurité et de prévention que l’État veut véhiculer. Pire, on apprend que l’État est parfois responsable (à tout le moins co-responsable) du danger.
Des lanceurs d’alertes à la place des agences de veille – L’histoire des scandales sanitaires se répète avec une constance déroutante. L’information surgit, le scandale éclate, le législateur prend une loi de sécurité, l’agence chargée d’assurer la vigilance disparaît, la faute de l’État est reconnue.
En 1991, l’Évènement du Jeudi publie un rapport confidentiel datant de 1985 prouvant que le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) a sciemment utilisé du sang contaminé, entraînant la contamination de patients hémophiles par le VIH[48]. Le scandale éclate. La loi n° 93-5 du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament est adoptée. Le CNTS disparaît et est remplacé par une nouvelle organisation : l’Agence française du sang (AFS) est créée en 1993 et l’Institut national de la transfusion sanguine (INTS) est créé en 1994. L’EFS est créé le 1er janvier 2000 et placé sous la tutelle du ministère de la Santé. La loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme, de créer l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). La faute de l’État est reconnue par le juge administratif[49].
En 2010, alors que le Médiator est enfin retiré des pharmacies, Irène Frachon, pneumologue au CHU de Rouen mène son combat à terme et publie un livre le 2 juin 2010 : « Mediator150 mg : Combien de morts ? ». Deux jours plus tard Le Figaro relaie l’alerte et l’énorme scandale éclate. La loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé est adoptée. L’AFSSAPS disparaît au profit de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). La faute de l’État est reconnue par le juge administratif.[50]
En mai 2011, Marine Martin, une femme ayant pris de la Dépakine (médicament antiépileptique couramment prescrit) pendant sa grossesse, lance l’alerte dans L’indépendant et engage assez rapidement la responsabilité du laboratoire Sanofi. Le médicament causait sur les enfants des malformations physiques, des retards de développement et de troubles envahissants du développement. Mais le scandale n’éclate véritablement à l’échelle nationale qu’en 2015. Pas de loi pour remplacer l’AFSSAPS qui avait déjà disparu. L’ANSM intervient pour que la Dépakine soit contre-indiquée aux femmes enceintes ou en âge de procréer en 2015. L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) lance une enquête en juillet 2015. En 2018 l’ANSM fait basculer la contre-indication en interdiction. La faute de l’État est reconnue par le juge administratif en première instance le 2 juillet 2020[51].
Un État aux origines du danger – Revenons plus précisément sur le naufrage de l’AFSSAPS et le scandale du Mediator qui, par son déroulé et sa chronologie, a causé une crise confiance durable[52]. Le médiator n’était pas un risque. D’emblée, il était un produit dangereux[53]. Le rapport accablant de l’IGAS[54] démontre que dès l’origine, l’autorisation n’aurait pas dû être donnée et que la surveillance aurait dû être accrue. Antidiabétique mis sur le marché en 1976, autorisé à ce titre par le ministre de la Santé en 1974, il a été très rapidement prescrit « hors AMM » et a provoqué des valvulopathies cardiaques et de l’hypertension artérielle pulmonaire, deux maladies très graves. Dès 1995 des alertes remontent à l’AFSSAPS[55]. En 1999, les alertes ne laissent plus de place au doute[56], se multipliant et s’aggravant pendent dix ans. Il faut pourtant attendre le 30 novembre 2009 pour qu’il soit suspendu et retiré des pharmacies, et le 20 juillet pour qu’il soit définitivement retiré du marché. On connaît la suite. Le scandale éclate en 2010 grâce à Irène Frachon. En 2011, l’IGAS remet son rapport. La responsabilité civile des laboratoires a été engagée. Le délibéré du procès pénal est attendu en 2021 et, lors de ses réquisitions du 23 juin 2020, la Procureure a déploré que l’AFSSAPS eût « gravement failli dans sa mission de police sanitaire en ne se donnant pas les moyens de percer le flou et le brouillard entretenus pendant des années par les laboratoires Servier »[57]. La responsabilité de l’État via son agence l’AFSSAPS[58] ne fait aucun doute et est reconnue par le Conseil d’Etat en novembre 2016[59]. Il a conclu à une carence fautive en reprenant la grille de lecture du risque établie dans l’affaire du sang contaminé (empruntant à nouveau les termes de l’arrêt d’assemblée du 9 avril 1993) autour de la notion de « risque sérieux », en ajoutant qu’il est ici « caractérisé ». Ce choix de vocabulaire souligne que le risque – pour ne pas dire le danger – était parfaitement établi, et la carence paraît d’autant plus impardonnable (alors même que les laboratoires Servier ont menti à l’agence). Dans la deuxième édition de l’Observatoire sociétal du médicament réalisé par Ipsos pour Leem[60], un sondage de 2012 montrait que les Français auraient conservé leur confiance dans les médicaments, mais l’ont considérablement perdue vis-à-vis des autorités de contrôle (51% feraient encore confiance). En 2011 le baromètre annuel du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) sur les droits des malades[61], réalisé par l’institut LH2 auprès d’un échantillon représentatif de 1006 personnes, indiquait que 62% seraient moins confiants envers les institutions publiques.
Un tel scandale sanitaire est intolérable. Nous sommes au-delà des difficultés de prévention et de gestion du risque. Au-delà même de l’analyse et de l’éventuelle critique de notre propre acceptabilité du risque. L’Etat a été fautif, non seulement de ne pas prévenir le risque, mais de contribuer à exposer la population à un danger, heurtant ainsi de plein fouet les droits fondamentaux évoqués plus haut, et, dans le cas du Mediator, le droit à la vie. Dans une société qui rejette le risque, il s’agit là d’un dysfonctionnement difficilement compréhensible et difficilement surmontable.
ECHANGES
Michel BAULAIGUE, Docteur en sociologie, Cadre de formation IRTS de La Réunion
Quand le peuple ne se sent plus écouté, il se rappelle au bon souvenir à ceux qui le dirigent.
Les gilets jaunes en sont la figure emblématique en France mais d’autres mouvements mondiaux le rappellent sous d’autres formes que cela soit au Chili, au Liban, à Hong Kong, en Espagne. Les gilets jaunes comme les autres mouvements ne cherchent plus à se faire voir mais à se montrer (au sens étymologique du terme du latin monstrare) et démontrent leur colère et le sentiment de mécontentement.
En panne d’une société qu’ils ne comprennent pas, faute d’en être exclus ou en en risque de l’être. Tel est le symbole affiché. De fait, inutile de rappeler les chiffres économiques pour comprendre que du chômage au pouvoir d’achat, la préoccupation majeure est bien présente en cet endroit-là, faisant ainsi apparaître les fractures sociales voire territoriales.
Certes le mouvement se radicalise, mais qu’est-ce que la radicalité, si ce n’est que de revenir à la racine, la genèse pour tenter de comprendre d’où vient ce sentiment de ne plus avoir de place, de ne plus être compris par ceux qui disent ce que la société doit être face à ceux qui la vivent au quotidien.
Le mouvement se crée faute de pouvoir confier (par défaut d’une crise de confiance) sa représentation auprès des partis politiques, des syndicats, de tous ceux qui traditionnellement servaient de médiateurs entre les dirigeants et le peuple. Le fossé se creuse alors, même notre plus haut représentant de l’Etat ne le dit pas autrement dans cet échec « à réconcilier le peuple avec ses dirigeants ».
La violence apparaît alors comme la seule échappatoire possible en espérant que de ce chaos provoqué émerge une solution ou tout au moins de rappeler ce que Cioran affirmait en son époque « Le triomphe de la morale exige souvent l’expérience douloureuse de la boue ».
Deux figures apparaissent alors, le groupe des gilets jaunes (les gentils) et les casseurs (les méchants). Opposition binaire où le monde semble plus facile à comprendre, qu’un monde complexe et global. Cependant, toutes deux sont bien à saisir comme l’expression d’une même crise sociale au risque de ne pas traiter voire d’exclure un groupe au profit de l’autre. Quant à l’Etat, il se sert de ces débordements pour décrédibiliser cette expression populaire.
Il semble bien que les revendications se portent principalement sur le pouvoir d’achat. Mais n’est-ce pas légitime de le faire ainsi quand l’apogée de la consommation est à son comble et semble se dessiner comme le graal absolu. Ainsi comme le soulignait J. Baudrillard , cette société de consommation ne mène-t-elle pas à sa propre destruction voire « à sa propre consumation ». De fait saturés de ce sens que la société impose, les citoyens sont en recherche de symboles où l’imaginaire social ou collectif prend le pas sur la rationalité productive ou légale selon M. Weber.
Le feu brûle ainsi nos excès dans une tentative de purification de ces derniers. Les carrefours incendiés dont certains seront occupés pour allier tout au moins à La Réunion, tradition et technologie (danser ou « crazer » le Maloya anciennement danse et chant de contestation des esclaves et le disco avec sono et jeux de lumières) se conjuguent pleinement. N’est-ce pas là l’expression de la postmodernité dans une composition, amplifiant ainsi le caractère émotionnel et affectuel du rassemblement ?
Ainsi à La Réunion, l’étouffement progressif de l’île semble poindre, revivifiant ainsi nos vieilles terreurs du manque et de l’émeute où dans le tragique de la situation ne se dessine aucune solution, mais comme le souligne E. Canetti « l’instant de survivre est instant de puissance »
Puissance tel est bien l’enjeu du débat. Le peuple oublié, non seulement traverse la rue mais surtout l’investit et l’occupe pleinement, Les élites et les élus sont clairement désavoués au profit de l’instituant comme le soulignait R. Lourau à propos des évènements de mai 1968. Ce peuple oublié a enfin l’occasion, l’opportunité, le Kairos disaient les grecs, d’occuper la scène sociale et souvent médiatique. La recherche principale est à vivre l’instant présent comme « l’instant éternel », instant jubilatoire, de jouissance où la puissance des images et des ondes, s’inscrit pleinement dans la thèse de G. Debord . Cette société du spectacle est amplifiée par la puissance des réseaux sociaux où chacun filme et diffuse son « petit moment ». L’information est ainsi livrée sans aucun filtre, puisque non institutionnalisés, non formalisés, amplifiant une forme de pouvoir horizontalité auquel tant de citoyens aspirent. La « centralité souterraine » et « l’enracinement dynamique » sont en action dans ce mouvement. « Le Roi clandestin » s’invite à la fête et souffle sur le pouvoir institué sa puissance qu’elle tire de l’instituant. Une véritable demande d’altérité est au cœur de ce mouvement où chacun veut se retrouver en l’autre et où le sentiment de mépris tant exprimé dans ce mouvement se doit d’être mis à mort.
Bien évidemment, le débridement collectif peut parfois se faire dans l’excès et dans la destruction mais comme le souligne Cioran, à certains moments de son histoire la vie en société « ne mérite d’être vécue que sur les délices de ses ruines » .
Quoi qu’il en soit, le retour de Dionysos, Dieu de la folie (ou de l’ivresse) et pour certains des excès est à l’œuvre et se rappelle à notre bon souvenir, se réjouissant de ce débridement collectif dans une société trop longtemps tenue et régie par la figure du Dieu Prométhée comme l’avait déjà souligné en son époque M. Maffesoli.
Ce débridement n’est que la résultante de ce « désenchantement du monde » comme l’avait prédit en son temps M. Weber.
Ainsi la parole du peuple se libère tout autant sur les ondes que dans la rue, parole à laquelle la plupart des Politiques ne peuvent déchiffrer faute d’avoir vécue trop longtemps dans un entre-soi si rassurant.
Cette expression populaire peut parfois apparaître désordonnée, anarchique, mais elle est dite, exprimée à partir de la raison du cœur, la « raison sensible » dont on sait depuis au moins Pascal qu’elle est puissante.
Cette expression non plus rationnelle mais émotionnelle fait d’autant plus écho à ceux qui entendent ou s’entendent au travers de cette dernière. Certes, elle terrorise les uns (les adeptes de la rationalité légale) mais affectionne et attendrit les autres.
Ainsi est la conséquence du désaveu de la population pour les Politiques de tous bords, d’une saturation d’un discours trop longtemps tenus par ces derniers qui ne trouve plus d’écho voire qui irrite plus qu’il n’apaise. Saturation d’autant plus importante que trop longtemps tu et ignorée. La colère de ceux qui n’ont pu se dire que depuis trop longtemps, s’exprime alors davantage comme des cris que comme des discours bien construits.
Les institutions ont longtemps joué le rôle de fédérer les hommes mais force est de constater qu’elles ne peuvent plus aujourd’hui jouer cette fonction comme l’a souligné F. Dubet , trop désacralisées et décrédibilisées qu’elles sont.
Le peuple se sent alors livré à son propre destin, destin qu’il pense cruel et non prometteur au demeurant. Ce mouvement devient alors l’expression de ce « ré-enchantement du monde ».
C’est pourquoi, les gilets jaunes sont bien le catalyseur de toutes les doléances, de toutes les revendications sociales, économiques, culturelles. Ils en appellent à l’unité, à la solidarité et peut-être à une identité commune voire à un « idéal communautaire » . Ainsi, ce mouvement au-delà de ses turbulences voire de ses violences est bien le reflet d’une société en quête de sens, en quête d’une nouvelle forme de solidarité au sens Durkheimien.
L’interdiction de manifester des gilets jaunes et les appels à la dissuasion de se rendre sur les manifestations n’arrêtera pas une « idée dont le temps est venu » disait M. Weber son époque et risque au contraire d’aboutir à une société de plus en plus liberticide.
Ainsi force est de constater, que la démocratie si elle n’évolue pas dans ses formes notamment dans sa représentation, dans la désignation de ses représentants et dans le dialogue risquent fort de se retrouver en difficulté. Le lien social semble être réinterroger dans une société, s’était posée comme verticalisé entre ses dirigeants et ses dirigés.
Bibliographie :
Baudrillard (J.), La société de consommation, Folio essais, Paris, 1970.
Canetti (E.), Masse et puissance, Gallimard, Paris, 1966.
Cioran, Le crépuscule des pensées, L’Herne, Paris, 1991.
Debord (G.), La société du spectacle, Buchet /Chastel, Paris, 1967.
Dubet (F.), Le déclin des institutions, Seuil, Paris, 1994.
Eve (P.), Île à peur, Océan indien, Réunion, 1992.
Grameyer (Y.), L’école de Chicago, Champs Flammarion, Paris, 1978.
Lourau( R.), L’instituant contre l’institué, Anthropos, Paris, 1969.
Maffesoli (M.), L’ordre des choses, CNRS Editions, Paris, 2014.
Maffesoli (M.), Le réenchantement du monde, Edition la Table ronde, Paris, 2007.
Maffesoli (M.), L’instant éternel le retour du tragique dans les sociétés postmodernes, Denoël, Paris, 2000.
Maffesoli (M.), Du nomadisme, Biblio Essais, Paris, 1997.
Maffesoli (M.), Eloge de la raison sensible, Grasset, Paris, 1996.
Maffesoli (M.), L’ombre de Dionysos, contribution à une sociologie de l’orgie, Méridiens, Paris,1982.
Nietzsche (F.), Ainsi parlait Zarathoustra, 1885.
Rosanvallon (P.), Le peuple introuvable, histoire de la représentation démocratique en France, Gallimard, Paris,, 1998- La démocratie inachevée, histoire de la souveraineté du peuple en France, Paris, Gallimard, 2000.
Simmel (G.), Sociologie et épistémologie, PUF, Paris, 1981.
Weber (M.), L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Plon, Paris, 1964.
[1] R. Castel, « De la dangerosité au risque », in Actes de la recherche en sciences sociales, juin 1983, vol. 47-48, éd. « Éducation et philosophie », p. 120.
[2] Pour la distinction entre sûreté et sécurité, voir S. Hennette-Vauchez, D. Roman, Droits de l’Homme et libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. « HyperCours », 3e ed., 2017, p.468 et ss.
[3] Pour un historique de la législation anti-terroriste en France voir : S. Hennette-Vauchez, D. Roman, Droits de l’Homme et libertés fondamentales, Paris, Dalloz, coll. « HyperCours », 3e ed., 2017, p.401-402.
[4] B. Bonnefous, J. Pascual, « La nuit où François Hollande a déclaré l’état d’urgence », Le Monde, 2 novembre 2017.
[5] M. de Villiers, A. Le Divellec, Dictionnaire du droit constitutionnel, Dictionnaire Sirey, 2017, p.159.
[6] J.-L. Halpérin, « Le normativisme est-il impuissant face à l’état d’urgence ? » in J.-L. Halpérin, S. Hennette-Vauchez, E. Millard, L’État d’urgence. De l’exception à la banalisation, Presse Universitaire de Nanterre, coll. « Actualité », 2017, p.23.
[7] M. Delmas-Marty, « Sécurité et dangerosité », RFDA, 2011, p.1096.
[8] P. Cassia, Contre l’état d’urgence, Dalloz, 2016, p.74.
[9] C. Chocquet, « Le terrorisme est-il une menace de défense ? », Culture et Conflits, 2001, no 44.
[10] K. Roudier, « Le contrôle de constitutionnalité de la législation antiterroriste. Étude comparée des expériences espagnole, française et italienne », NCCC, octobre 2012, n°37.
[11] J. M. Sauvé, « Le principe de proportionnalité, protecteur des libertés », Intervention à l’institut Portalis le 17 mars 2017.
[12] R. Cabrillac, « Libertés et droits fondamentaux – Maîtrise des connaissances et de la culture juridique », Dalloz, coll. « Hors collection Dalloz », 25e ed., 2019, p. 492.
[13] X. Domino, « Assignations à résidence en état d’urgence. Conclusions sur Conseil d’État, section, 11 décembre 2015, M. J. Domenjoud, n° 394989 », RFDA 2016, p. 105
[14] Jean Romieu, Conclusions sur CE 21 juin 1895, Cames : Revue générale du droit on line, 2018, numéro 29302 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=29302).
[15] Charte constitutive de l’OMS et préambule de la Constitution de l’Organisation signée le 22 juillet 1946 ; article 25-1 de la DUDH de 1948 ; article 12-1 du Pacte relatif aux droits sociaux, économiques et culturels de 1966 ; Déclaration d’Alma-Ata du 12 septembre 1978 sur les soins primaires ; Charte sociale européenne du 18 octobre 1961, signée à Turin et révisée en 1996 ; Déclaration de 1994 relative à la promotion des droits des patients en Europe (Charte d’Amsterdam) ; Charte des droits fondamentaux de l’UE ; Résolution adoptée par l’ONU le 12 décembre 2012, qui consacre la couverture sanitaire universelle comme objectif.
[16] Alinéa 11 du préambule de 1946 ; Cons. const., 15 janv. 1975, IVG, n° 74-54 ; Cons. const., 22 juill. 1980, contrôle des matières nucléaires, n° DC 80-117
[17] Au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : CE, 8 sept. 2005, Garde des Sceaux, n° 284803.
[18] CE, 13 déc. 2017, Pica-Picard, no 415207, aux T.
[19] Instruments, appareil, équipement, logiciel destiné au diagnostic, la prévention, le contrôle, le traitement ou l’atténuation d’une maladie ou d’une blessure. Directive CE, 93/42/CEE relative aux dispositifs médicaux. Ex : défibrillateurs, appareils de mesure tensionnelle, masques, seringues, etc.
[20]Ordonnance n° 2016-462 du 14 avr. 2016.
[21] Audition, en visioconférence, M. Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique Covid-19 et Mme Geneviève Chêne, directrice de Santé publique France, Mission d’information de la conférence des Présidents sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19, 15 avril 2020, Compte-rendu n°6, Session ordinaire de 2019-2020.
[22] Sénat n° 113, Session ordinaire de 2019-2020, 30 juin 2020.
[23] Article L5121-8 du code de la santé publique et art. R5121-21 et suivants du code de la santé publique.
[24] Article L5312-4 du code de la santé publique
[25] CE, Sect. 25 avril 1958, Société des laboratoires Geigy, Leb. p. 236, concl. Heumann.
[26] Art. L. 5311-1 du code de la santé publique.
[27] Art. L. 5322-2 du code de la santé publique.
[28] CE 10 février 1905, Tomaso Greco ; CE, Ass., 28 juin 1968, Société mutuelle d’assurances contre les accidents en pharmacie, n°67593, Leb. p. 411.
[29] CE, Ass., 30 novembre 2001, Kechichian, n° 219562, AJDA 2002, p. 133, chron. Guyomar et Colin.
[30] CE, Ass. 9 avril 1993, M.D., n°138653, Leb. p. 110, concl. H. Legal
[31] CJUE, 3 déc. 2015, aff. C-82/15
[32] CE, sect., 21 juin 2000, n° 202058, ministre de l’Équipement, des transports et du logement c/ Commune de Roquebrune-Cap-Martin, Leb. 236
[33] CE, 1e et 6e ch. réunies, 9 novembre 2016, Mme Faure c/ Min. des affaires sociales, de la santé et des droits de la femme, n°393902 et n° 393926 (1e espèce, aux T.) ; Mme Bindjouli, n° 393108 (2e espèce, au Rec.).
[34] CE, Ass., 10 avril 1992, Époux V., rec. p. 171.
[35] CE, Ass., 9 avril 1993, Bianchi, rec. p. 127 concl. Daël.
[36] Conseil d’État, Responsabilité et socialisation du risque, Études et documents du Conseil d’État, n°56, 2005, La Documentation française, p. 205.
[37] Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ; art. L. 1142-22 du code de la santé publique.
[38] loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale ayant créé l’article L. 1142-1-1. Une action récursoire est possible en cas de faute établie à l’origine du dommage de l’établissement.
[39] La loi du 30 décembre 2002 lui a également confié la charge d’indemniser les dommages résultant de l’utilisation des hormones de croissance, jusqu’alors confiée à l’association France-Hypophyse (art. L. 1142-22 CSP)
[40] La loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a modifié l’article L. 3111-9 du code de la santé publique pour transférer à l’ONIAM la charge qui pesait sur l’État en matière de réparation des dommages résultant de vaccinations obligatoires (art. L. 3111-9 CSP)
[41] La même loi n° 2004-806 du 9 août 2004 a modifié l’article L. 3122-1 du code de la santé publique pour confier à l’ONIAM l’indemnisation des victimes du VIH à la suite d’une transfusion sanguine, laquelle relevait jusqu’alors du fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles, créé par la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 pour l’indemnisation des victimes de la contamination par le VIH
[42] La loi du 9 août 2004 toujours a confié à l’ONIAM le soin d’indemniser les dommages issus des mesures d’urgence prises par l’État en cas de menace sanitaire grave (aujourd’hui à l’art. L. 3134-4 CSP depuis le transfert de dispositions opéré par la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur
[43] La loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement pour la Sécurité sociale, et ses décrets d’application n° 2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2010, ont désigné l’ONIAM comme guichet unique de l’indemnisation depuis le 1er juin 2010.
[44] Art. L. 3122-1 du code de la santé publique ; CAA Lyon, 23 sept. 2010, Établissement français du sang, n° 08LY01311.
[45] La loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la Sécurité sociale pour 2013 a ajouté cette charge à l’article L. 1142-22 CSP.
[46] La loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificatives pour 2011 a en effet confié à l’ONIAM la charge d’indemniser les victimes du Benfluorex (art. L. 1142-22 CSP).
[47] La loi du n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 qui a confié à l’ONIAM la charge d’indemniser les victimes de prescription valproate de sodium ou de l’un de ses dérivés pendant une grossesse (art. L. 1142-22 CSP).
[48] Anne-Marie Casteret, « Le rapport qui accuse le centre national de transfusion sanguine », L’évènement du Jeudi, 25 avril- 1er mai 1991, pp. 52-54.
[49] CE, Ass. 9 avril 1993, M.D., n°138653, Leb. p. 110.
[50] E, 1re et 6e ch. réunies, 9 nov. 2016, Faure c/ Min. Affaires sociales, Santé et Droits de la
femme, n° 393902 et n° 393926.
[51] TA Montreuil, 2 juillet 2020, Mme Emmanuelle B. épouse L. et autres, n° 1704275.
[52] Au-delà des titres de presse qui reprennent régulièrement la sémantique de la crise de confiance, des sondages et des études ont montré une véritable défiance des administrés vis-à-vis du système de santé français.
[53] IGAS, Enquête sur le Mediator, Rapport public 2011, 261 p.
[54] Inspection générale des affaires sociales, Enquête sur le MEDIATOR®, Rapport n° RM2011-001P, janvier 2011, 261 p.
[55] Résultats de l’étude IPPHS, communiqués de façon confidentielle le 07 mars 1995 qui conclut à l’existence d’un risque d’HTAP lié à l’usage des anorexigènes en général et des fenfluramines en particulier, Rapport IGAS 2011, p. 8.
[56] Les cas de valvulopathie sont publiés.
[57] Procès du Médiator. L’Agence de sécurité du médicament assume ses responsabilités, Ouest France, avec AFP, 1er juillet 2020.
[58] Les décisions prises en matière de police sanitaires par l’AFSSAPS (comme celles de l’ANSM aujourd’hui) sont prises au nom de l’État (art. L. 5322-2 CSP), en raison de sa nature d’établissement public placé sous la tutelle du ministre de la santé (art. L. 5311-1 CSP).
[59] CE, 1re et 6e ch. réunies, 9 nov. 2016, Faure c/ Min. Affaires sociales, Santé et Droits de la femme, n° 393902 et n° 393926. Le juge administratif a estimé par la suite que la responsabilité de l’État devait être exonérée de 70 % en raison de la faute des laboratoires Servier : Application de la cause exonératoire du fait du tiers CAA Paris, 4 août 2017, n° 16PA00157 et 16PA03634.
[60] Url : https://www.leem.org/publication/observatoire-societal-du-medicament-2012
[61] Devenu Union Nationale des Associations Agréées d’usagers du Système de Santé (UNAASS) en 2017 et faisant disparaître la page internet qui hébergeait les rapports annuels.