L’expression des ministres et le devoir de neutralité. À propos des arrêts Schwesig (2014), Wanka (2018) et Seehofer (2020) de la Cour constitutionnelle allemande
Thomas Hochmann, Université Paris Nanterre (CTAD), Institut Universitaire de France
Critiquer les propos d’autrui, est-ce porter atteinte à sa liberté d’expression ? S’inquiéter d’une manifestation d’extrême droite, souhaiter que les contre-manifestants soient plus nombreux, est-ce porter atteinte à la liberté de manifestation ? Une succession d’arrêts rendus ces dernières années par la Cour constitutionnelle allemande semble répondre par l’affirmative lorsque de telles prises de parole émanent d’un membre du gouvernement. Comment concevoir juridiquement ce conflit entre l’expression des ministres et celle de certains partis politiques ?
Il ne peut s’agir d’opposer deux droits à la liberté d’expression. Dans la conception allemande, en effet, les autorités publiques ne bénéficient pas des droits fondamentaux, et ne jouissent donc pas de la liberté d’expression garantie à l’article 5 de la Constitution. Les droits fondamentaux protègent les particuliers contre les autorités publiques, qui sont donc uniquement destinataires d’obligations de respecter les droits fondamentaux, voire de les protéger[1]. Toute considération relative à la liberté d’expression n’est pas pour autant dénuée de pertinence à l’égard des ministres. D’abord on le verra, la Cour constitutionnelle considère que le ministre peut dans certains contextes s’exprimer en tant que particulier, bénéficiaire à ce titre de droits fondamentaux. Ensuite, le fait qu’un ministre ne jouisse pas du droit à la liberté d’expression ne signifie pas qu’il lui est interdit de s’exprimer. Les pigeons volent, quand bien même ils ne bénéficient pas de la liberté d’aller et venir juridiquement garantie aux humains. Le ministre peut parfaitement s’exprimer. Simplement, ce n’est alors pas le cadre juridique prévu à l’article 5 de la Loi Fondamentale qui s’applique[2], mais d’autres règles dont on devine qu’elles sollicitent forcément des considérations similaires à celles qui accompagnent la réflexion sur la liberté d’expression. Bref, si l’expression des ministres ne relève pas, en droit allemand, de la « liberté d’expression » au sens de la Loi Fondamentale, elle relève bien de l’expression.
Cette expression, la Cour constitutionnelle allemande tend à la soumettre à un principe de « neutralité », qu’elle déduit du droit des partis politiques à l’égalité des chances. Dans une série d’arrêts rendus entre 2014 et 2020 sur des recours du parti néo-nazi NPD et de la formation d’extrême-droite AfD[3], la Cour laisse entendre que l’expression des membres du gouvernement serait soumise à un strict « devoir de neutralité » (Neutralitätspflicht)[4]. Cette jurisprudence fut précédée d’une première décision qui ne concernait pas un ministre, mais le président de la République allemande. Quelques semaines avant les élections législatives, le président était allé à la rencontre d’étudiants. Interrogé sur le NPD, il déclara que les citoyens devaient « descendre dans la rue » et manifester pour s’opposer à ces « cinglés » (Spinner) (arrêt Gauck)[5]. Six mois plus tard, la Cour se prononça sur les déclarations de la ministre de la Famille lors d’une « journée de la démocratie » organisée à Weimar (arrêt Schwesig)[6]. Dans une interview donnée à cette occasion, en réponse à une question sur la possible entrée du NPD dans un parlement régional, elle soulignait que, s’il avait abandonné « les rangers et les crânes rasés », ce parti était toujours animé par l’idéologie d’Hitler. L’« objectif numéro un » devait être d’empêcher son entrée au parlement, et la ministre annonçait qu’elle aiderait à tout faire pour l’éviter. En 2018, la Cour examinait un communiqué de presse de la ministre de l’Éducation (arrêt Wanka)[7]. En réaction à une manifestation de l’AfD qui adressait un « carton rouge » à la Chancelière pour sa politique en matière d’immigration, la Ministre rétorquait que c’était l’AfD qui méritait le carton rouge : ce parti encourageait la « radicalisation de la société » et soutenait des extrémistes qui incitaient souvent à la haine. Enfin, en 2020, la Cour fut saisie d’une interview donnée par le ministre de l’Intérieur dans laquelle il alertait sur le « danger » que présentait l’AfD pour l’État (arrêt Seehofer)[8].
La Cour, on le verra, ne se prononce pas toujours en faveur des requérants. Elle rejette les recours dirigés contre Gauck et Schwesig, et ne s’oppose qu’aux publications de Wanka et Seehofer. Néanmoins, dans chacun de ces arrêts, elle insiste fortement sur le « devoir de neutralité » qui s’appliquerait aux membres du gouvernement lorsqu’ils prennent la parole. La Cour paraît donc considérer que l’expression des ministres serait soumise à une obligation générale de neutralité, y compris à l’égard de l’extrême droite (I). Cette impression est néanmoins trompeuse. À y regarder de plus près, il apparaît que les ministres ne sont pas soumis à une telle obligation générale de neutralité. Si leur expression est juridiquement encadrée, c’est de manière beaucoup plus spécifique et limitée (II).
I Le prétendu devoir général de neutralité
La Cour semble déduire de la Constitution un principe selon lequel les ministres doivent demeurer neutres, ne pas prendre part verbalement au combat politique (A). Alors même que l’Allemagne est souvent perçue comme le modèle d’une « démocratie militante », d’un régime qui se défend contre ses ennemis, la Cour n’envisage guère une entorse à cette exigence de neutralité lorsqu’il s’agit de s’exprimer contre des partis hostiles à la démocratie libérale (B).
A Quel fondement constitutionnel pour le principe de neutralité ?
Est-il possible de fonder sur la Constitution l’idée a priori surprenante selon laquelle des autorités politiques devraient observer une neutralité politique ? Les partisans de cette thèse en Allemagne paraissent souvent s’appuyer sur une prémisse implicite[9]. C’est sans doute l’idée générale, indifférenciée, d’une « neutralité de l’État » qui entraîne certains malentendus[10].
La jurisprudence de la Cour constitutionnelle fournit néanmoins un effort d’argumentation. Les décisions récentes s’appuient toutes sur un important arrêt rendu en 1977, qui jugeait inconstitutionnel le comportement du gouvernement qui, dans les mois qui avaient précédé les élections au Bundestag, avait dépensé des sommes très importantes d’argent public pour vanter dans la presse son action et ses succès[11]. La Cour confrontait ce comportement au caractère démocratique de la République allemande[12] et, plus précisément, au droit des partis politiques à l’égalité des chances. Le raisonnement tenu dans cet arrêt a été transposé aux situations pourtant sensiblement différentes jugées ces dernières années.
En affirmant que le pouvoir émane du peuple, l’article 20 de la Loi Fondamentale implique que « la formation de la volonté politique doit s’effectuer du peuple vers les organes de l’État, et non des organes de l’État vers le peuple »[13]. Aussi, les organes étatiques doivent-ils s’abstenir d’exprimer leur soutien ou leur hostilité envers un parti politique. Une telle intervention fausserait en effet la compétition politique et la formation libre de la volonté du peuple. Le gouvernement avait donc violé le « devoir de neutralité de l’État dans la campagne électorale », et porté atteinte à « l’intégrité de la formation de la volonté du peuple par l’élection »[14].
Dans la jurisprudence plus récente, c’est une autre facette de ce même raisonnement qui est le plus souvent convoquée. La campagne de publicité menée par le gouvernement, expliquait la Cour en 1977, avait également porté atteinte au droit des partis politiques à l’égalité des chances[15]. Le processus démocratique suppose l’existence de partis politiques. La Constitution prévoit explicitement, à son article 21 alinéa 1, qu’ils « concourent à la formation de la volonté politique du peuple ». Pour que la démocratie puisse fonctionner, que la minorité ait une possibilité de devenir majoritaire, les partis doivent, autant qu’il est possible, entrer dans la compétition électorale avec les mêmes chances. Le gouvernement ne peut porter atteinte à cette égalité des chances en intervenant au soutien ou à l’encontre d’un parti, y compris en dehors de la période électorale[16]. De ce droit des partis à l’égalité des chances, affirme aujourd’hui la Cour, découle une obligation de neutralité[17]. C’est ce raisonnement qu’invoquent le NPD et l’AfD dans les arrêts récents[18].
La Cour explique de deux manières le risque que le gouvernement fausse la compétition électorale. D’une part, il dispose de ressources importantes qui échappent aux partis de l’opposition ; d’autre part, sa parole jouit d’une autorité particulière et est donc susceptible d’exercer une grande influence[19]. La Cour a ainsi jugé qu’un ministre violait l’obligation de neutralité s’il critiquait une manifestation organisée par un parti politique. En effet, toute appréciation négative de la part d’un ministre est susceptible de dissuader ceux qui envisageaient de prendre part à cette manifestation[20].
Bien sûr, le gouvernement a besoin de communiquer, et il est amené à parler de ses décisions et de son programme, et donc de la politique des partis qui le soutiennent. Mais, « ce travail de communication admissible cesse là où commence la propagande électorale »[21]. Un ministre n’a pas le droit de soutenir les partis gouvernementaux ou de lutter contre les partis d’opposition[22]. Il peut uniquement informer sur l’action du gouvernement, et répondre aux critiques de manière objective[23]. La ministre qui avait adressé un « carton rouge » à l’AfD n’a pas respecté ces exigences. Elle n’informe pas sur le travail gouvernemental, ne répond pas aux critiques, mais se contente de critiquer le parti, en violation de l’obligation de neutralité[24].
L’idée selon laquelle la Constitution imposerait un devoir de neutralité politique aux ministres paraît éminemment contestable et a fait l’objet de nombreuses critiques doctrinales, en ce qu’elle aboutit à une indéfendable « dépolitisation » du gouvernement[25]. C’est l’administration, et non le gouvernement, qui doit être neutre. Le gouvernement est nommé suite aux élections législatives, pour mettre en œuvre le programme de partis politiques. Il exerce forcément ses fonctions de manière politique, comme l’indique d’ailleurs la Constitution allemande : « Le Chancelier fédéral fixe les grandes orientations de la politique et en assume la responsabilité. Dans le cadre de ces grandes orientations, chaque ministre fédéral dirige son département de façon autonome et sous sa propre responsabilité »[26]. Il n’y a donc aucun sens à lui imposer un devoir général de neutralité.
La Cour n’a pas éludé ces critiques et a tenu à répondre dans l’arrêt Wanka[27]. Son argumentation, néanmoins, n’est pas limpide. Le devoir de neutralité, explique-t-elle, n’empêche pas le gouvernement d’expliquer ses choix, de répondre objectivement aux critiques, mais simplement de « prendre parti » dans l’exercice de son activité, d’utiliser ses moyens pour intervenir dans le débat politique. L’étude de la mise en œuvre de ces principes généraux permettra de mieux en saisir les contours. Mais il convient d’abord d’envisager une éventuelle exception au « principe général de neutralité » proclamé par la Cour.
B L’oubli de la démocratie militante
À supposer même que, comme semble le dire la Cour, la Constitution interdise aux ministres de critiquer un parti politique, la question se pose de savoir si cette règle concerne également les propos hostiles aux partis radicaux qui s’opposent aux fondements mêmes de la République allemande. Est-il interdit de critiquer un parti qui, s’il parvenait au pouvoir, ne se contenterait pas de critiquer les autres, mais s’efforcerait de mettre un terme au multipartisme ? Le problème paraît d’autant plus pertinent en Allemagne que cet État constitue l’exemple classique d’une démocratie combattive, capable de se défendre contre ses ennemis (« streitbare » ou « wehrhafte Demokratie »). Le danger d’un tel système a été maintes fois souligné : une démocratie qui intervient trop fort contre ses adversaires risque de se retourner contre elle-même, de ressembler au projet qu’elle entend combattre. Mais cette crainte ne doit pas être exagérée. Comment prendre au sérieux l’AfD lorsqu’elle affirme, devant la Cour, que les critiques exprimées par le ministre Seehofer rappellent « l’incitation à la haine du gouvernement nazi contre les Juifs à partir de 1933 »[28] ?
L’article 21 alinéa 2 de la Loi Fondamentale prévoit l’inconstitutionnalité des partis qui visent à porter atteinte à « l’ordre fondamental libéral et démocratique » (OFLD)[29]. S’il est possible, à certaines conditions, d’interdire un tel parti, ne devrait-il pas être permis de le dénoncer ? Critiquer est une intervention plus douce que dissoudre ou condamner. Si cette démarche « expressive » ne correspond pas aux outils classiquement envisagés par les juristes pour permettre à une démocratie de se défendre, elle paraît assurément s’inscrire dans ce cadre. C’est d’ailleurs ce qu’évoque le terme de « démocratie militante », que l’on utilise en français[30] : militer pour la démocratie, n’est-ce pas s’engager pour elle, et donc notamment s’exprimer en sa faveur et critiquer ses adversaires ? La démocratie militante ne se réduit pas la mise en œuvre de mécanismes extraordinaires comme la dissolution d’un parti. Elle a aussi sa place dans la vie politique de tous les jours[31]. Plutôt que d’interdire, ou avant de le faire, l’État peut s’exprimer pour dénoncer[32].
On peut émettre l’hypothèse que la Cour constitutionnelle n’aurait rien à redire à un ministre qui exprimerait son hostilité au nazisme. Dans un autre contexte, celui de la restriction de la liberté d’expression, la Cour a en effet introduit une exception à l’exigence de neutralité. Il est exclu qu’une loi interdise l’expression d’une opinion particulière, mais cette exigence de neutralité ne s’applique pas à l’égard du nazisme. Le délit d’apologie du régime national-socialiste est donc conforme à la Constitution, quand bien même il n’est pas neutre envers les opinions[33]. La Cour justifiait cette solution par l’histoire de l’Allemagne et de la Loi Fondamentale qui constitue un « contre-projet » au nazisme. Il devrait être permis de transposer sans difficulté ce raisonnement à l’expression des organes de l’État[34].
Néanmoins, rien n’oblige à se contenter d’une démocratie « rancunière », qui ne s’oppose aux ennemis de la liberté qu’à la condition qu’ils aient déjà fait leurs preuves en la détruisant dans le passé[35]. Dans une démocratie militante, les organes de l’État doivent pouvoir intervenir plus largement pour critiquer tous ceux qui visent la destruction des éléments fondamentaux d’une démocratie libérale. Dans le tout autre contexte des publications du gouvernement à sa propre gloire lors de la campagne électorale de 1976, la Cour a d’ailleurs affirmé que l’expression des organes de l’État devait permettre de maintenir le « consensus de base » autour de la Loi Fondamentale. La démocratie, expliquait la Cour, nécessite un « large accord du citoyen avec l’ordre étatique établi par la Loi Fondamentale ». En informant le citoyen de ses actions et de ses projets, en lui permettant de les juger, le gouvernement contribue à lui faire prendre conscience qu’il appartient à une communauté et qu’il peut participer aux prises de décisions, au contraire de la situation qui prévaut dans un État totalitaire. Cette communication amène ainsi le citoyen à reconnaître cet État comme le sien. « La mission de la communication gouvernementale est de maintenir vivant ce consensus de base » autour de la démocratie libérale[36]. On devrait pouvoir en déduire que le gouvernement est autorisé à critiquer les partis qui souhaitent la détruire.
La jurisprudence de la Cour offre d’ailleurs plusieurs éléments en ce sens. En 1975, elle se prononçait sur le « rapport sur la protection de la Constitution » (Verfassungsschutzbericht), document publié chaque année par le Ministère de l’Intérieur pour informer la population sur les mouvements radicaux. En qualifiant dans ce cadre le NPD de parti d’extrême droite hostile à la Constitution et ennemi de la liberté, affirmait la Cour, le ministre de l’Intérieur n’a fait que « remplir son devoir constitutionnel de protéger l’ordre fondamental libéral démocratique »[37]. Quelques années plus tard, le NPD se plaignait devant la Cour d’une déclaration du ministre de l’Intérieur qui, en réponse à une question parlementaire, accusait le parti d’être hostile à la Constitution et d’honorer le national-socialisme. Pour rejeter la requête, la Cour signalait que l’ensemble du gouvernement avait le devoir de protéger l’ordre fondamental libéral démocratique (OFLD), et donc d’informer le Parlement sur les mouvements qu’il estimait hostiles[38].
En 2020, le ministre de l’Intérieur Seehofer avait donc de bonnes raisons de souligner que les valeurs de la Constitution n’étaient pas neutres, et que chaque organe constitutionnel avait le droit de s’exprimer pour les défendre[39]. Déjà, en 2014, la ministre de la Famille Schwesig avait expliqué qu’en tant que membre du gouvernement, elle avait l’obligation d’intervenir en faveur de l’ordre fondamental libéral démocratique : « cette obligation, qui provient du principe de la démocratie militante, implique qu’une position neutre ne peut pas être adoptée contre les partis aux tendances extrémistes »[40].
En dépit des solides éléments qui appuient cette position dans la jurisprudence, la Cour lui oppose plusieurs arguments guère convaincants[41]. D’abord, elle laisse entendre, sans trancher explicitement la question, que la possibilité de critiquer les partis hostiles à l’OFLD ne serait offerte qu’à certains organes, dans le cadre de compétences spécifiques, telle la rédaction du « rapport de protection de la Constitution »[42]. Ensuite, la Cour remarque qu’en appelant explicitement à voter contre le NPD, la ministre Schwesig ne s’est pas contentée de protéger l’OFLD, mais est intervenue partialement dans la campagne électorale[43]. Pourtant, une telle consigne de vote est la conséquence naturelle de l’identification des visées inconstitutionnelles d’un parti. Enfin, selon la Cour, le devoir de neutralité existe à l’égard de tous les partis, tant qu’ils n’ont pas été déclarés contraires à la Constitution[44]. L’existence d’un mécanisme juridique d’interdiction d’un parti politique paraît ainsi s’opposer à toute critique préalable, à l’expression par un ministre de son hostilité envers les idées défendues par une formation politique. Soit un parti est déclaré inconstitutionnel par la Cour constitutionnelle, au terme de la procédure envisagée par l’article 21 alinéa 2 de la Constitution, soit il s’agit d’un parti comme un autre envers lequel le gouvernement doit observer la plus stricte neutralité dans ses propos. Cette conception étriquée de la démocratie militante, qui la réduit à ses mécanismes juridiques et en exclut les interventions expressives, ne convainc pas. Plusieurs arguments justifient au contraire de permettre les prises de position hostiles contre un parti.
Premièrement, la compétence de saisir la Cour constitutionnelle pour qu’elle déclare l’inconstitutionnalité d’un parti politique revient au Bundestag, au Bundesrat ou au gouvernement fédéral[45]. Il est donc normal que ces organes soient amenés à s’exprimer sur un parti politique pour envisager l’opportunité de recourir à une telle procédure. La Cour l’a remarqué explicitement à l’occasion d’un recours par lequel le NPD lui demandait de constater que ces trois organes violaient son droit à l’égalité des chances en le qualifiant fréquemment d’inconstitutionnel. Les organes compétents pour engager une telle procédure peuvent débattre de cette mesure et donc exprimer dans ce cadre leur opinion sur l’hostilité d’un parti à la Constitution[46].
Deuxièmement, en 2017, saisie d’un recours pour interdire le NPD, la Cour constitutionnelle a considéré que celui-ci poursuivait bien des objectifs hostiles à l’OFLD, mais qu’il n’était pas nécessaire de le dissoudre dès lors qu’il n’avait aucune chance vraisemblable de parvenir au pouvoir[47]. Suite à une suggestion du président de la Cour constitutionnelle, la Loi Fondamentale a été révisée pour permettre de priver de financements publics les partis qui sont dans une telle situation[48]. Il paraît difficile de considérer qu’un parti ainsi qualifié « officiellement » d’ennemi de la Constitution par la Cour constitutionnelle ne puisse pas être critiqué par un ministre[49].
Troisièmement, le raisonnement de la Cour ne justifie pas réellement son choix d’écarter l’obligation invoquée par la ministre Schwesig de s’exprimer contre les partis hostiles à la Constitution. Le refus d’admettre une telle exception à l’exigence de neutralité n’occupe que quelques lignes dans l’arrêt. La Cour se contente d’affirmer que « personne ne peut tirer des conséquences juridiques de l’inconstitutionnalité d’un parti tant que celle-ci n’a pas été déclarée par la Cour constitutionnelle »[50]. Mais dénoncer verbalement un parti ne revient pas à « tirer des conséquences juridiques » de son inconstitutionnalité. La Cour l’a par exemple remarqué à propos de la réponse à une question parlementaire : la critique d’un parti n’est pas une intervention dotée d’effets juridiques[51]. Dans l’arrêt que cite la Cour pour appuyer son propos, les juges précisaient clairement qu’ils visaient là des interventions administratives contre un parti ou ses membres, le prononcé de sanctions juridiques et non de simples déclarations (à l’exception des menaces de recourir à des sanctions juridiques)[52]. Surtout, ce précédent indiquait de manière parfaitement explicite que l’existence d’une procédure d’interdiction n’excluait pas la méthode plus douce qui consiste à critiquer le parti : « Il est parfaitement légitime que les organes constitutionnels compétents pour engager une procédure d’interdiction, plutôt que de la mettre en œuvre, essaient d’abord d’opposer des arguments politiques à un parti qu’ils considèrent inconstitutionnel, et de rendre ainsi superflue une procédure d’interdiction. De cette manière aussi, ces organes remplissent leur mission de protéger l’ordre fondamental libéral démocratique »[53].
On ne saurait mieux dire. À supposer même que le gouvernement doive observer une stricte neutralité envers les partis politiques lorsqu’il s’exprime, il paraît difficile de considérer que cette exigence s’oppose aussi à la critique des partis hostiles à la Constitution. Certes, il peut être dangereux d’argumenter à partir d’un « principe de la démocratie militante » qui dépasserait les outils spécifiquement prévus par la Loi Fondamentale. Une telle démarche est problématique lorsqu’elle est utilisée pour justifier des restrictions aux droits supplémentaires à celles qui sont permises par la Constitution[54]. Mais il y a une différence entre prendre des mesures juridiques hostiles à un parti et le dénoncer verbalement. De simples propos critiques envers un parti ne portent pas atteinte à ses droits, ce qui conduit à grandement relativiser les restrictions à l’expression des membres du gouvernement.
II Des exigences partielles de neutralité
Comme l’écrit Mehrdad Payandeh dans son important article sur la question, si la Cour paraît consacrer une large obligation de neutralité, elle rechigne à la mettre en œuvre, et permet en réalité aux ministres de prendre part au débat politique[55]. Il convient donc à présent de présenter la manière dont la Cour concrétise cette exigence (A), avant d’essayer de reformuler les limites à l’expression des ministres, que la proclamation indifférenciée d’un « devoir de neutralité » ne permet pas de saisir (B).
A. Un principe général de neutralité relativisé par sa mise en œuvre
En dépit du principe de neutralité annoncé, la Cour n’a pas toujours donné satisfaction aux partis d’extrême-droite. Elle a rejeté les recours dans les affaires Gauck et Schwesig, et n’a déclaré inconstitutionnelle que les publications de Wanka et de Seehofer. L’application de l’exigence de neutralité varie en effet selon les expressions. La Cour a ainsi semblé la réserver aux propos tenus pendant la campagne électorale[56], avant d’écarter clairement une telle restriction temporelle, au motif que le processus de formation de l’opinion politique ne se cantonnait pas à la période électorale[57]. La Cour a également opéré une distinction entre le président fédéral et les ministres[58]. Mais la véritable clé d’application de l’obligation de neutralité selon la Cour réside dans ce que l’on pourrait appeler la question des « deux bouches du Roi »[59] : il s’agit de savoir si l’auteur des propos litigieux s’est exprimé comme titulaire de la fonction étatique ou à un autre titre[60].
La Cour a souligné que l’obligation de neutralité ne s’appliquait pas au ministre dès lors qu’il s’exprimait, non pas en cette qualité, mais en tant qu’individu ou comme membre d’un parti politique[61]. En effet, il bénéficie alors de la liberté d’expression qui ne saurait permettre une telle exigence de neutralité. En outre, il serait discriminatoire pour les partis de gouvernement de priver de parole leurs membres les plus importants.
La pertinence de cette distinction a été mise en cause par la doctrine, en particulier au motif qu’elle ne correspondait pas à la manière dont les affirmations des ministres sont perçues. Ni l’identité politique du ministre ni les fonctions officielles de la personnalité politique ne sont jamais oubliées du public. Les déclarations du ministre de l’Intérieur sont aussi celles d’un dirigeant du SPD, et la Chancelière sera toujours perçue comme la Chancelière, quel que soit le contexte de sa prise de parole. Cette dissociation serait donc à la fois infondée et impraticable[62]. La Cour a néanmoins écarté explicitement ces critiques : l’absence d’une séparation stricte entre le ministre et le politicien n’empêche pas de mettre en œuvre cette distinction[63]. On doit considérer que c’est le ministre qui s’exprime lorsqu’il utilise les ressources du gouvernement ou qu’il revendique l’autorité que lui confère sa fonction[64]. Plus concrètement, la Cour renvoie à un faisceau d’indices qui s’appuient sur l’ensemble des circonstances de l’expression[65].
La Cour tient d’abord compte du contenu des propos litigieux[66]. Évidemment, aucun indice ne permet à lui seul de trancher dans un sens ou l’autre. La désignation du locuteur par sa fonction de ministre ne suffit pas à interpréter les propos comme une expression « gouvernementale »[67]. Le fait que la ministre utilise le pronom « je » ne permet pas de déduire qu’elle s’exprime comme individu[68]. Plaident pour une expression en tant que ministre la référence appuyée à ce statut, ou à des mesures adoptées dans l’exercice des fonctions. Le thème des propos joue ainsi un rôle particulier. D’un côté, la Cour semble considérer que des propos qui ne concernent pas le domaine de compétence du ministre tendent à relever de l’expression privée[69]. Mais, de l’autre côté, si des éléments conduisent malgré tout à rattacher l’expression au ministre, cette excursion en dehors des affaires de son portefeuille lui sera reprochée : le ministre ne devrait pas se mêler des autres champs de compétence[70].
Une attention doit en outre être portée à l’ensemble du contexte. Le recours aux emblèmes du ministère est un indice souvent rappelé. Le lieu de l’expression joue également un rôle : des propos tenus au sein du ministère ou lors d’un meeting de son parti seront interprétés différemment. Surtout, la mobilisation des moyens spécifiques du ministère pour diffuser les propos permettrait d’imputer les propos au ministre.
Le bilan de l’application de ces critères montre que, en dépit des grandes déclarations de la Cour, l’ampleur du devoir de neutralité ne doit pas être surévaluée. Ainsi, dans l’arrêt Schwesig, la Cour considère que la ministre ne s’était pas exprimée comme telle dans les passages litigieux. Les réponses relatives au travail du ministère pouvaient être dissociées de celles qui évoquaient le NPD, où Madame Schwesig se référait à son expérience personnelle plutôt qu’à l’autorité de sa fonction. Son expression n’avait pas utilisé le budget du ministère et n’était pas accompagnée des emblèmes et symboles qui lui auraient donné l’apparence d’un discours officiel[71]. Au contraire, dans les arrêts Wanka et Seehofer, la publication du communiqué de presse ou de l’interview sur la page Internet du ministère a conduit la Cour a considéré que l’autorité et les moyens de la fonction avaient été mobilisés, ce qui entraînait l’application de l’obligation de neutralité[72]. Dans la seconde affaire, la Cour précise que l’interview ne posait pas de problème en soi : Horst Seehofer s’y exprime en tant qu’homme politique, sans utiliser l’autorité de sa fonction. Il n’utilise pas les emblèmes du ministère, ne se réfère pas à des décisions ou des projets du ministre, ou encore à des éléments dont il aurait eu connaissance en raison de cette fonction[73]. C’est uniquement la publication de cette interview sur le site du ministère qui est inconstitutionnelle, en ce qu’elle traduit une utilisation des ressources du gouvernement, des moyens spécifiques dont Seehofer dispose en tant que ministre, pour s’exprimer contre un parti en violation de l’obligation de neutralité[74].
Un ministre peut donc parfaitement s’exprimer de manière hostile envers un parti, du moment qu’il ne publie pas ses déclarations sur le site du ministère. En dépit des grandes proclamations de la Cour, le devoir de neutralité est donc bien moins général qu’il n’y paraît. Il serait sans doute plus clair de considérer que les ministres sont des acteurs politiques, qu’ils ne sont pas soumis à une obligation générale de neutralité, mais aux limites plus précises qui s’appliquent à l’expression de l’État.
B Les limites à l’expression des ministres
Les exigences qui s’appliquent à l’expression des ministres peuvent s’apparenter à des obligations de neutralité, mais de manière beaucoup plus restreinte et précise que le devoir général de neutralité évoqué par la Cour constitutionnelle[75]. On peut identifier une interdiction de fausser la compétition entre les partis, de porter atteinte aux droits fondamentaux, et enfin une obligation d’objectivité.
Le droit des partis à l’égalité des chances ne fonde pas un devoir général de neutralité. Il est extravagant de déduire une telle exigence de l’arrêt de 1977 qui jugeait inconstitutionnel le comportement des partis de gouvernement pendant la campagne électorale. N’y a-t-il pas une différence de taille entre dépenser des millions de Deutsche Marks pour vanter les mérites du gouvernement dans la presse, et critiquer dans une interview les visées fascistes d’un parti d’extrême-droite ? Le droit des partis à l’égalité des chances ne confère pas un droit de ne pas être critiqué[76]. Il interdit simplement à l’État de fausser la concurrence ce qui signifie, comme dans l’affaire de 1977, utiliser les ressources de l’État pour promouvoir les partis ou pouvoirs ou dénigrer l’opposition[77]. Dans les arrêts récents, la Cour ne dit pas autre chose, mais elle déduit de l’interdiction de faire campagne avec les ressources de l’État une obligation générale de neutralité des pouvoirs publics. Cette démarche la conduit à ne pas faire de différence entre une dépense massive d’argent public et la publication d’un communiqué de presse affublé du logo du ministère. Certes, la ministre Wanka a utilisé les ressources du ministère en publiant un tel communiqué. Mais il n’est pas évident que ce recours aux moyens du ministère soit suffisamment lourd pour fausser la compétition entre les partis[78]. La Cour considère que toute invocation de ses fonctions donne à la parole du ministre un « poids » très important, une « crédibilité particulière »[79]. Mais l’autorité qu’elle attribue ainsi à l’expression n’est-elle pas excessive ? L’atteinte à l’égalité des chances des partis politiques nécessite une appréciation des conséquences de l’expression, une évaluation de ses effets sur la compétition politique. L’exigence générale de neutralité repose sur l’attribution de conséquences irréalistes à la moindre prise de position partisane d’un ministre.
Il convient, pour les mêmes raisons, de relativiser les limites que les droits fondamentaux des partis politiques ou de leurs membres apportent à l’expression des ministres. Depuis une vingtaine d’années, la Cour constitutionnelle considère que certains propos tenus par des autorités publiques peuvent porter atteinte aux droits fondamentaux, et ne sont donc permis que s’ils remplissent certaines conditions. Cette jurisprudence a en particulier été forgée dans trois arrêts relatifs aux avertissements émis par l’État. L’arrêt Glykol portait sur un document publié par le ministère de la Santé qui dressait la liste des vins dans lesquels des traces d’un produit chimique avaient été identifiées[80]. Dans l’arrêt Osho, la Cour examinait une réponse ministérielle à une question parlementaire qui décrivait une secte comme un mouvement manipulateur et dangereux[81]. L’arrêt Junge Freiheit, enfin, s’intéressait au rapport de protection de la Constitution, qui désignait un hebdomadaire comme une publication d’extrême droite[82]. Ces expressions d’autorités publiques portaient-elles atteinte, respectivement, à la liberté professionnelle, à la liberté de religion et à la liberté d’expression ?
Dans ces trois affaires, la Cour observa que le comportement de l’État, s’il ne constituait pas une atteinte « classique » aux droits fondamentaux, telle qu’une interdiction, développait des effets tout à fait similaires. Les individus se voyaient dissuadés d’acheter certaines bouteilles, de rejoindre un mouvement religieux ou de lire un journal. Une telle atteinte factuelle et indirecte aux droits fondamentaux constituait l’« ersatz », l’« équivalent fonctionnel » d’une atteinte normative et directe[83]. On peut néanmoins douter qu’une telle atteinte voie le jour dans les cas qui nous préoccupent. Dans l’arrêt Osho, la Cour soulignait que la liberté de religion n’impliquait pas un droit de ne pas être critiqué par les organes de l’État[84]. De même, la liberté d’expression n’est pas un droit d’échapper à la critique : les propos défavorables d’un ministre envers un parti politique ne portent pas en soi atteinte à ce droit fondamental[85]. La Cour indique que la critique d’un parti relève du débat public, et qu’il revient au parti de se défendre par la parole[86]. Elle a expressément écarté l’idée que la caractérisation d’un parti comme inconstitutionnel serait « aveuglément suivie » par le public et par les médias[87].
En revanche, la Cour paraît considérer que toute prise de position hostile d’un ministre envers une manifestation est susceptible d’influencer les participants éventuels, de les dissuader d’y prendre part[88]. Elle porte donc atteinte à la liberté de réunion[89]. Cette position repose sur une estimation factuelle qu’il est permis de mettre en doute. Elle semble accorder trop de poids à la parole du ministre. L’annonce de contrôles d’identité ou la menace d’une grande fermeté des forces de l’ordre pourraient développer de tels effets. Mais il semble excessif de considérer que le simple désaccord politique exprimé par un ministre, ou même l’appel à une contre-manifestation, soient susceptibles de dissuader ceux qui souhaitent justement manifester contre le gouvernement[90].
Même à la supposer établie, une atteinte à la liberté d’expression, à la liberté de manifestation ou au droit à l’égalité des chances des partis politiques sera justifiée si elle respecte certaines conditions qui sont loin de correspondre à une obligation générale de neutralité. La Cour évoque plutôt une interdiction de l’arbitraire (Willkürverbot) ou un devoir d’objectivité (Sachlichkeitsgebot)[91]. Cette restriction, également développée dans la jurisprudence sur les avertissements étatiques[92], ne correspond pas à proprement parler à un devoir de neutralité. Le ministre n’a pas le droit de pointer le danger représenté par un parti si aucun fait ne vient appuyer cette appréciation. Mais les propos du ministre sont justifiés s’ils se fondent sur de tels éléments. Ainsi, la Cour souligne que l’affirmation selon laquelle un parti est hostile à la Constitution relève du débat public, et ne sort du cadre autorisé que si elles ne s’appuient pas sur des considérations factuelles et s’avère ainsi arbitraire[93]. Dans l’arrêt Wanka, elle explique que le gouvernement a parfaitement le droit de répondre aux critiques qui lui sont adressées, et donc de défendre son action, à condition de s’appuyer sur les faits et d’en rendre compte fidèlement[94]. La Cour reprochait ainsi à la ministre de n’avoir pas répondu aux attaques en exposant la politique du gouvernement en matière d’asile, mais de s’être contentée de dénoncer les liens de l’AfD avec des mouvements radicaux d’extrême-droite, sans fonder ses déclarations sur des éléments factuels[95]. De manière plus générale, la Cour a considéré qu’il était défendu aux ministres[96], comme à toute personne, de proférer des injures gratuites contre autrui (Schmähkritik), c’est-à-dire des propos qui ne présentent guère de lien avec une controverse factuelle, mais consistent à exprimer du mépris sans aucune raison apparente[97]. Cette limite s’applique également à l’expression du président fédéral[98].
Une question voisine, parfois évoquée par la Cour, touche à la forme de l’expression. Les propos des ministres ne doivent pas être « agressifs »[99]. La Cour s’oppose à un nivellement par le bas du discours public : les attaques des partis d’extrême-droite, qui ne font pas particulièrement preuve de retenue[100], ne justifient pas que les membres du gouvernement répondent de la même manière. La Cour a pu accepter des mots assez forts de la part du président fédéral (« cinglés », pour désigner les membres du NPD)[101], mais uniquement parce qu’il n’était pas gratuitement insultant dans le contexte[102]. Un « droit de riposte » a été clairement exclu : une accusation outrancière ne saurait justifier une réponse gouvernementale du même acabit[103]. Le raisonnement de la Cour constitutionnelle de la Sarre, qui excluait que le gouvernement doive observer la plus grande retenue quand les partis d’opposition peuvent s’exprimer de manière véhémente, n’a pas convaincu la Cour[104]. Le ministre Seehofer critiquait ce « corset communicatif », qui empêcherait de réagir spontanément et de répondre efficacement aux agressions[105], mais il ne fut pas entendu, pas plus que ceux qui appellent à être plus tolérant envers les propos tenus sur les réseaux sociaux[106].
Les arrêts Schwesig, Wanka et Seehofer sont trompeurs. Ils défendent contre toute vraisemblance une conception dépolitisée du gouvernement et paraissent proclamer une large obligation de neutralité dans l’expression des ministres. Effrayée par ses propres déclarations, la Cour limite néanmoins grandement le champ d’application de ce principe, par l’intermédiaire d’une dissociation entre le ministre et le politicien. Bien qu’elle soit discutable, cette distinction permet assez aisément d’échapper aux exigences posées par la Cour. Il suffit de ne pas publier sur le site du ministère les propos critiques sur un adversaire politique. En outre, même quand elle s’applique, la neutralité exigée est bien moins large que les déclarations de principe de la Cour ne semblent l’indiquer. C’est davantage une obligation d’objectivité que la Cour impose aux ministres. Ils doivent toujours s’appuyer sur les faits pour exprimer posément leurs positions.
On n’invoque néanmoins pas impunément de grands principes. La fausse impression suscitée par la Cour encourage les velléités contentieuses de l’extrême droite. L’AfD a ainsi pu annoncer un recours contre l’inscription « Respect – Pas de place pour le racisme » apposée sur la porte de la mairie de Francfort. Il y aurait là une violation du « devoir de neutralité »[107]. Lorsqu’Angela Merkel a qualifié d’« impardonnable » l’élection du président d’un Land par son parti avec l’aide des voix de l’AfD, la formation a aussitôt saisi la Cour constitutionnelle[108]. Au nom de cette même exigence de neutralité, un politologue a prétendu devant les tribunaux que le maire de Munich n’avait pas le droit de critiquer ses travaux qui affirment que la population de la ville était largement solidaire des Juifs durant le national-socialisme[109].
En outre, des solutions parfois plus proches d’une réelle obligation de neutralité ont été rendues par certaines juridictions administratives ou fédérées. Il faut donc le répéter pour conclure : les ministres peuvent prendre part au débat politique, répondre à leurs adversaires et les critiquer. Les prises de position politiques du gouvernement ne portent pas en soi atteinte à l’égalité des chances des partis politiques ou à leur liberté d’expression. La controverse politique n’est pas un problème constitutionnel : des expressions peuvent être en conflit sans qu’apparaisse pour autant un conflit interne à la liberté d’expression.
Cette recherche a été conduite dans le cadre du programme EGALIBEX, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR-18-CE41-0010-01)
[1] Pour une comparaison des droits allemand et français sur ce point, cf. Claus Dieter Classen, « Französisches Grundrechtsverständnis: kaum Dogmatik, objektiv-rechtliche Traditionen, subjektiv-rechtliche Perspektiven? », JöR, 2020, p. 213 s. ; Aurore Gaillet, Thomas Hochmann, Nikolaus Marsch, Yoan Vilain, Mattias Wendel, Droits constitutionnels français et allemand. Perspective comparée, LGDJ, 2019, par. 672.
[2] Dans le langage de la théorie allemande des droits fondamentaux, on dirait que l’expression du ministre relève du domaine de réglementation (Regelungsbereich) de l’article 5, mais n’appartient pas à son domaine de protection (Schutzbereich). Le domaine de réglementation correspond au type d’activité humaine concerné par le droit fondamental, tandis que le domaine de protection désigne les comportements qui sont couverts par le droit fondamental, ceux auxquels il s’applique.
[3] Ces procédures s’inscrivent dans le cadre de la compétence que détient la Cour pour régler les litiges entre organes constitutionnels (Organstreitverfahren). Le statut spécifique que la Loi Fondamentale garantit aux partis politiques leur permet en effet de saisir la Cour dans ce cadre pour faire respecter les droits que leur attribue spécifiquement la Constitution. Les arrêts rendus par la Cour sont alors essentiellement déclaratoires : ils consistent à interpréter la Constitution pour clarifier les droits et devoirs des organes constitutionnels. Cf. l’article 93, alinéa 1 (1) de la Loi Fondamentale et les articles 13 alinéa 5 et 67 de la loi sur la Cour constitutionnelle (BVerfGG). Cf. aussi Cour constitutionnelle allemande, BVerfGE 44, 125 (2 mars 1977) ; BVerfG, 2 BvE 1/19, Seehofer (9 juin 2020), par. 97 ; et par exemple Klaus Schlaich et Stefan Korioth, Das Bundesverfassungsgericht. Stellung, Verfahren, Entscheidungen, 11e éd., München, C.H. Beck, 2018, par. 83.
[4] On se concentrera ici sur la Cour de Karlsruhe, mais il convient de mentionner qu’une telle idée apparaît également dans la jurisprudence récente des cours constitutionnelles des États fédérés et des juridictions administratives. Cette question constitue même l’un des rares cas où la Cour fédérale semble s’être inspirée de décisions de Cours fédérées. Cf. à ce sujet Anastasia Kazakou, Les Cours constitutionnelles des États fédérés allemands : contribution à l’étude de la justice constitutionnelle, Thèse, Université Paris 2, 2020, p. 441 s.
[5] Cour constitutionnelle allemande, BVerfGE 136, 323, Gauck (10 juin 2014) (ci-après : Gauck).
[6] BVerfGE 138, 102, Schwesig (16 décembre 2014) (ci-après : Schwesig).
[7] BVerfGE 148, 11, Wanka (27 février 2018) (ci-après : Wanka).
[8] BVerfG, 2 BvE 1/19, Seehofer (9 juin 2020) (ci-après : Seehofer).
[9] Cf. en ce sens les remarques de Mehrdad Payandeh, « Die Neutralitätspflicht staatlicher Amtsträger im öffentlichen Meinungskampf », Der Staat, vol. 55, 2016, p. 521.
[10] Pour un exemple de cette démarche en France, cf. Jérémie Boulay et Estelle Camber-Rougé, La neutralité politique des collectivités territoriales : l’obligation institutionnelle de ne pas prendre parti, Berger-Levrault, 2016.
[11] BVerfGE 44, 125 (2 mars 1977).
[12] « (1) La République fédérale d’Allemagne est un État fédéral démocratique et social. (2) Tout pouvoir d’État émane du peuple. […] ».
[13] BVerfGE 44, 125, par. 49 ; Schwesig, par. 28 ; Wanka, par. 52.
[14] BVerfGE 44, 125, par. 56.
[15] Ibid., par. 57 s.
[16] Wanka, par. 46 ; Seehofer, par. 78.
[17] Schwesig, par. 43 ; Wanka, par. 45 ; Sebastian Nellesen, Äusserungsrechte staatlicher Funktionsträger, Tübingen, Mohr Siebeck, 2019, p. 53 s.
[18] Cf. par exemple Schwesig, par. 7 : le NPD invoque le devoir de neutralité des organes étatiques qui découle du droit des partis à l’égalité des chances (« die aus dem Recht der politischen Parteien auf Chancengleichheit folgende Pflicht staatlicher Organe zur Neutralität im Wahlkampf »).
[19] Schwesig, par. 53 ; Wanka, par. 52.
[20] Wanka, par. 47 s.
[21] Schwesig, par. 46.
[22] BVerfGE 44, 125, p. 148 ; Wanka, par. 54 ; Seehofer, par. 51.
[23] Wanka, par. 55 s.
[24] Wanka, par. 79.
[25] Cf. par exemple Steffen Tanneberger et Heinrich Nemeczek, « Anmerkung », Neue Zeitschrift für Verwaltungsrecht, 2015, p. 216 ; Klaus Ferdinand Gärditz, « Steriles Politikverständnis: Zum Wanka-Urteil des Bundesverfassungsgerichts », Verfassungsblog, 27 février 2018 ; M. Payandeh, art. cit., p. 529 s. ; Joachim Wieland, « Öffentlichkeitsarbeit der Regierung in Zeiten der Digitalisierung », in Julian Krüper (dir.), Die Organisation des Verfassungsstaats, Festschrift für Martin Morlok zum 70. Geburtstag, Tübingen, Mohr Siebeck, 2019, p. 547 s.; Christoph Möllers, « Über die Wahrung der demokratischen Form », Verfassungsblog, 11 février 2020. Cf. déjà l’opinion dissidente du juge Rottmann jointe à l’arrêt de 1977 : BVerfGE 44, 125, Rottmann diss., par. 217.
[26] Article 65 de la Loi Fondamentale.
[27] BVerfGE 148, 11, par. 65.
[28] Seehofer, par. 15. La Cour qualifie poliment ces propos d’« inadaptés » et « démesurés » (ibid., par. 76).
[29] « Parmi les principes fondamentaux de cet ordre », a notamment expliqué la Cour, « il faut au moins compter : le respect des droits de l’homme concrétisés dans la Loi Fondamentale, en particulier le droit de la personnalité à la vie et au libre épanouissement, la souveraineté du peuple, la séparation des pouvoirs, la responsabilité du gouvernement, la légalité de l’administration, l’indépendance des tribunaux, le multipartisme, et l’égalité des chances pour tous les partis politiques ». BverfGE 2, 1, Interdiction du parti SRP (23 octobre 1952), par. 38.
[30] Cette manière un peu étrange de désigner en français la démocratie apte à se défendre est sans doute due à l’influent article rédigé en anglais par Karl Loewenstein, « Militant Democracy and Fundamental Rights », The American Political Science Review, juin 1937, p. 417-432, et août 1937, p. 638-658, republié dans András Sajó (dir.), Militant Democracy, Eleven International Publishing, Utrecht, 2004, p. 231-262.
[31] Cf. Chr. Möllers, art. cit. : « Die wehrhafte Demoratie […] im politischen Alltag ».
[32] Cf. en ce sens dans le contexte américain, Corey Brettschneider, When the State Speaks, What Should it say?, Princeton University Press, 2012.
[33] BVerfGE 124, 300 Wunsiedel (4 novembre 2009). Cf. Thomas Hochmann, Le négationnisme face aux limites de la liberté d’expression. Étude de droit comparé, Pedone, 2013, p. 316 s.
[34] La Cour cite en passant l’arrêt Wunsiedel à la fin de l’arrêt Gauck, par. 33.
[35] Sur cette question, cf. Th. Hochmann, op. cit., p. 275.
[36] BVerfGE 44, 125, par. 63 s. La Cour reprend ce passage dans Schwesig, par. 40.
[37] BVerfGE 40, 287 (29 octobre 1975), par. 9. Cf., soulignant que cet arrêt est plus pertinent que celui de 1977 pour apprécier les déclarations contemporaines des ministres contre le NPD ou l’AfD, M. Payandeh, art. cit., p. 527.
[38] BVerfGE 57, 1 (25 mars 1981), par. 23.
[39] Seehofer, par. 28 et 94.
[40] Schwesig, par. 16. Cf. aussi Gauck, par. 13 : le président soutenait qu’en tant que gardien de la Constitution, il devait le cas échéant prendre clairement position pour défendre la Constitution contre les forces hostiles.
[41] Dans Seehofer, par. 95, la Cour ne répond pas vraiment au ministre. Elle considère qu’il prétendait uniquement défendre le président fédéral, qui avait été attaqué par l’AfD, et elle écarte cet argument en remarquant que le ministre ne s’était pas contenté de protéger le président, mais s’était exprimé plus largement sur l’AfD. La Cour n’évoque pas la possibilité qu’il soit permis à un ministre de dénoncer plus généralement l’hostilité d’un parti aux « valeurs de la Constitution ».
[42] Cf. Gauck, par. 26 s ; Schwesig, par. 67 et Seehofer, par. 95. Cf. pourtant BVerfGE 57, 1, par. 23, qui évoque le devoir « du gouvernement » de protéger l’OFLD.
[43] Schwesig, par. 67.
[44] Schwesig, par. 35. La Cour mentionne pourtant plus loin dans l’arrêt l’obligation de protéger l’OFLD, et souligne que l’affirmation qu’un parti est hostile à la Constitution fait partie du débat public (ibid., par. 47).
[45] Article 43 de la BVerfGG.
[46] BVerfGE 133, 100 (20 février 2013), par. 23. Cf., restreignant la possibilité de s’exprimer en défense de l’OFLD à ces seuls cas où l’expression est directement liée à l’intervention d’un mécanisme juridique de démocratie militante, S. Nellesen, op. cit., p. 199.
[47] BVerfGE 144, 20 Procédure d’interdiction du NPD (17 janvier 2017).
[48] Nouvel article 21 alinéa 3 de la Loi Fondamentale, adopté en juin 2017.
[49] Cf. pourtant en ce sens S. Nellesen, op. cit.. p. 114. Mais cf. récemment l’arrêt de la Cour constitutionnelle de Basse-Saxe (Niedersächsicher Staatsgerichtshof), 24 novembre 2020, StGH 6/19, p. 34 : lorsque la Cour constitutionnelle fédérale a établi qu’un parti poursuivait des objectifs inconstitutionnels, ce parti doit supporter que les organes de l’État dénoncent son hostilité à la Constitution.
[50] Schwesig, par. 35 : « Diese Neutralitätspflicht staatlicher Organe besteht gegenüber allen Parteien, wenn nicht deren Verfassungswidrigkeit durch das Bundesverfassungsgericht festgestellt wurde. Bis zur Entscheidung des Bundesverfassungsgerichts kann niemand die Verfassungswidrigkeit einer Partei rechtlich geltend machen (vgl. BVerfGE 40, 287 <291>; 133, 100 <107>) ».
[51] BVerfGE 57, 1, par. 19 et 21.
[52] BVerfGE 40, 287, par. 6 : « Das Entscheidungsmonopol des Gerichts schließt ein administratives Einschreiten gegen den Bestand einer politischen Partei schlechthin aus […]. Bis zur Entscheidung des Bundesverfassungsgerichts kann deshalb niemand die Verfassungswidrigkeit einer Partei rechtlich geltend machen (BVerfGE 12, 296 (304)); das heißt, gegen die Partei, ihre Funktionäre, Mitglieder und Anhänger dürfen wegen ihrer mit allgemein erlaubten Mitteln arbeitenden parteioffiziellen Tätigkeiten keine rechtlichen Sanktionen angedroht oder verhängt werden ».
[53] BVerfGE 40, 287, par. 7 : « Es ist daher verfassungsrechtlich legitim, wenn die mit dem Recht zum Verbotsantrag ausgestatteten obersten Verfassungsorgane, statt von dieser Möglichkeit Gebrauch zu machen, zunächst versuchen, eine Partei, die sie für verfassungswidrig im Sinne von Art. 21 Abs. 2 Satz 1 GG halten, durch eine mit Argumenten geführte politische Auseinandersetzung in die Schranken verweisen zu lassen und dadurch ein Verbotsverfahren überflüssig zu machen. Auch damit erfüllen sie in aller Regel ihren Auftrag, die freiheitliche demokratische Grundordnung zu wahren und zu verteidigen ».
[54] La Cour a un temps suivi une telle démarche. Cf. les critiques de Johannes Lameyer, Streitbare Demokratie, eine verfassungshermeneutische Untersuchung, Duncker & Humblot, Berlin, 1978, p. 135 s. ; Christoph Gusy, « Die „freiheitliche demokratische Grundordnung“ in der Rechtsprechung des Bundesverfassungsgerichts », Archiv des öffentlichen Rechts, 1980, p. 302.
[55] M. Payandeh, art. cit., p. 528 s.
[56] BVerfGE 44, 125, par. 71 ; Schwesig, par. 31.
[57] Wanka, par., 46 ; Seehofer, par. 48.
[58] Le président, explique la Cour dans l’arrêt Gauck, incarne l’unité de l’État et remplit une fonction d’« intégration » de la communauté. Dans ce cadre, il lui revient de s’exprimer pour dénoncer les développements, et notamment les partis politiques, qui lui paraissent dangereux, et il peut encourager les citoyens à s’engager contre eux. Le président ne franchit les limites que s’il paraît favoriser un parti ou en calomnier un autre (Gauck, par. 21 s., en particulier par. 28). Dans l’arrêt Schwesig, la Cour a expressément exclu de transférer ce raisonnement à la situation des ministres. Elle leur applique une obligation de neutralité plus stricte, soumise à un contrôle plus étroit (Schwesig, par. 35 s.).
[59] Cf. Ernst Kantorowicz, Les deux corps du Roi, Gallimard, 1989 (1957).
[60] Cette question traverse tout régime d’encadrement juridique de l’expression de l’État. Cf. par exemple dans le contexte américain Helen Norton, The Government’s Speech and the Constitution, Cambridge University Press, 2019, p. 27 s.
[61] Schwesig, par. 50 s. ; Wanka, par. 62 ; Seehofer, par. 53 s.
[62] Cf. M. Payandeh, art. cit., p. 535 s.; et d’autres références dans Wanka, par. 63. Cf. déjà BVerfGE 44, 125, Rottmann diss., par. 230 : « Une division du Chancelier et des membres du gouvernement entre, d’un côté, le titulaire de la fonction qui se voit imposé le silence pendant la campagne électorale et, de l’autre côté, le politicien qui peut s’engager dans la campagne en faveur d’une nouvelle majorité pour les partis qui soutiennent le gouvernement, n’est pas possible ». Cf. en revanche, défendant une telle distinction, Stefen Studenroth, « Wahlbeeinflussung durch staatliche Funktionsträger: Zur Abgrenzung zwischen staatlicher Öffentlichkeitsarbeit und privater Wahlwerbung in Äusserungen von Amtsträgern », Archiv des öffentlichen Rechts, 2000, p. 272 s.
[63] Wanka, par. 66 ; Seehofer, par. 63.
[64] Schwesig, par. 54 s.; Seehofer, par. 58 s.
[65] Cf. de manière détaillée S. Nellesen, op. cit., p. 80 s.
[66] Schwesig, par 56 s. ; Wanka, par. 66 ; Seehofer, par. 58 s.
[67] Seehofer, par. 61.
[68] Schwesig, par. 77.
[69] Cf. par exemple Seehofer, par. 82.
[70] BVerfGE 44 125, par. 68 s. ; Wanka, par. 77 ; Seehofer, par. 94.
[71] Schwesig, par. 69 s.
[72] Wanka, par. 68.
[73] Seehofer, par. 84 s.
[74] Seehofer, par. 89 s.
[75] Je m’appuie ici beaucoup sur l’excellente étude de M. Payandeh, art. cit., p. 539 s.
[76] Cf. BVerfGE 133, 100, par. 21 ; Schwesig, par. 47.
[77] M. Payandeh, art. cit., p. 542.
[78] M. Payandeh, art. cit., p. 548.
[79] Schwesig, par. 55 : « die Äußerung mit einer aus der Autorität des Amtes fließenden besonderen Gewichtung versehen wird » ; Wanka, par. 64: « eine aus der Autorität des Amts fließende besondere Glaubwürdigkeit oder Gewichtung ».
[80] BVerfGE 105, 252 Glykol (26 juin 2002).
[81] BVerfGE 105, 279 Osho (26 juin 2002).
[82] BVerfGE 113, 63 Junge Freiheit (24 mai 2005).
[83] Glykol, p. 273.
[84] Osho, p. 294.
[85] M. Payandeh, art. cit., p. 544 ; Klaus Ferdinand Gärditz, « Unbedingte Neutralität? Zur Zulässigkeit amtlicher Aufrufe zu Gegendemonstrationen durch kommunale Wahlbeamte », Nordrhein-Westfällische Verwaltunsgsblätter, 2015, p. 169 ; contra S. Nellesen, op. cit., p. 57.
[86] BVerfGE 133, 100, par. 21 : « Teil der öffentlichen Auseinandersetzung sind Äußerungen zur Einschätzung einer politischen Partei als verfassungsfeindlich, sofern sie sich im Rahmen von Recht und Gesetz halten. Solchen Äußerungen kann und muss die betroffene Partei mit den Mitteln des Meinungskampfes begegnen »; Schwesig, par. 47.
[87] BVerfGE 133, 100, par. 21.
[88] Wanka, par. 48 et 72.
[89] BVerfGE 140, 225 (7 novembre 2015), par. 11. Il s’agit de la décision de référé dans laquelle la Cour ordonnait à Madame Wanka de supprimer sa déclaration du site du ministère, dans l’attente d’un jugement au fond.
[90] Cf. en ce sens M. Payandeh, art. cit., p. 545 s.
[91] La Cour souligne parfois que cette exigence s’applique à tout acte de l’État, indépendamment donc de la question de savoir s’il constitue une atteinte à un droit fondamental. Cf. BVerfGE 57, 1 par. 24 ; Glykol, par. 59 ; Schwesig, par. 40 ; Wanka, par. 59. Cf. aussi, déjà, BVerfGE 44, 125, par. 66.
[92] Glykol, par. 59 ; Osho, par. 53 ; Junge Freiheit, par. 68.
[93] BVerfGE 40, 287, par. 10 ; BVerfGE 57, 1, par. 24 ; BVerfGE 133, 100, par. 22 ; Gauck, par. 26 ; Schwesig, par. 47 s.
[94] Wanka, par. 59 s. et 65.
[95] Wanka, par. 78 s.
[96] Schwesig, par. 43.
[97] Cf. un arrêt récent qui clarifie la jurisprudence sur cette notion, BVerfG (2e section de la 1ère chambre), 1 BvR 2397/19, 19 mai 2020, par. 19 : « eine Äußerung keinen irgendwie nachvollziehbaren Bezug mehr zu einer sachlichen Auseinandersetzung hat und es bei ihr im Grunde nur um das grundlose Verächtlichmachen der betroffenen Person als solcher geht ».
[98] Gauck, par. 29.
[99] BVerfGE 57, 1, par. 24.
[100] BVerfGE 40, 287, par. 10.
[101] Gauck, par. 29 : « zugespitzter Wortwahl».
[102] Gauck, par. 33 : le terme, explique la Cour, désigne ceux « qui n’ont pas compris l’histoire et, en dépit des conséquences dévastatrices du national-socialisme, défendent des convictions d’extrême-droite, nationalistes et antidémocratiques ».
[103] Wanka, par. 59 s.
[104] Wanka, par. 60, qui cite l’arrêt de la Cour constitutionnelle de la Sarre du 8 juillet 2014. Cf. aussi un extrait de cet arrêt dans J. Wieland, art. cit., p. 549.
[105] Seehofer, par. 27.
[106] Cf. J. Wieland, art. cit., p. 533-549. La Cour se réfère de manière critique à cette étude dans Seehofer, par. 65. Cf. cependant BVerfG (2e section de la 1ère chambre), 1 BvR 987/20, Löw (8 septembre 2020), qui évoque la possibilité qu’une expression sur un réseau social soit appréciée différemment. Des décisions commencent à être rendues sur cette question. Cf. tout récemment l’arrêt de la Cour constitutionnelle de Basse-Saxe : Niedersächsicher Staatsgerichtshof, StGH 6/19 (24 novembre 2020).
[107] Hanning Voigts, « AfD Frankfurt hat ein Problem mit antirassistischem „Respekt“ Schild am Rathaus », Frankfurter Rundschau, 7 décembre 2019.
[108] « AfD klagt Merkel und die Bundesregierung », Süddeutsche Zeitung, 22 juillet 2020.
[109] Cf. l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui rejette le recours, BVerfG (2e section de la 1ère chambre), 1 BvR 987/20, Löw (8 septembre 2020). Le requérant était sans doute également encouragé par un précédent succès devant la Cour constitutionnelle à propos de faits en partie similaires : BVerfG (1ère section de la 1ère chambre), 1 BvR 2585/06, 17 août 2006.