Vulnérabilité et droits fondamentaux – Rapport de synthèse
RAPPORT DE SYNTHESE
Diane ROMAN, Professeure de droit public, Université de Tours
La variété des thèmes abordés lors du colloque « Vulnérabilité et droits fondamentaux », dont les contributions rassemblées ici par les soins patients de François CAFARELLI et Cathy POMART constituent les actes, souligne une évidence : en quelques années, la notion de vulnérabilité a profondément pénétré l’ordre juridique. Une recherche sur Legifrance[1] révèle ainsi 166 occurrences du terme dans plus d’une dizaine de codes, du Code de l’action sociale et des familles au Code de la sécurité intérieure, en passant par le Code de la consommation ou celui de la construction et de l’habitation… Quant à son invocation par les juges, elle se compte par milliers sur les bases de données recensant la jurisprudence administrative et judiciaire. Qu’il s’agisse de la vulnérabilité des systèmes de défense, des édifices, des territoires, des projets de construction ou des personnes, la diversité des occurrences du terme est remarquable, au point qu’un doute peut poindre quant à la cohérence du contenu ainsi donné à la notion. Quels points communs, en effet, entre le droit pénal, pour qui la vulnérabilité de la victime constitue une circonstance aggravante de certaines infractions[2] voire un élément constitutif d’autres[3], le droit social qui mentionne « les familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté »[4] ou le Code de la route, dont l’article R. 412-6 exige du conducteur qu’il fasse « preuve d’une prudence accrue à l’égard des usagers les plus vulnérables » ?
Les incertitudes sont d’autant plus vives que la notion de vulnérabilité se superpose souvent à d’autres catégories juridiques plus anciennes. C’est le cas notamment dans le champ de la protection sociale[5], où elle tend à supplanter les notions de pauvreté et d’exclusion sociale, sans toutefois les faire disparaître. Exemple significatif, le récent article L. 266-1 du Code de l’aide et l’action sociale dispose que « la lutte contre la précarité alimentaire vise à favoriser l’accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale »[6]. Là où le législateur de la IIIe République aurait évoqué les indigents, où celui de 1998 aurait employé la notion d’exclusion sociale[7], le législateur de 2018 préfère celui de « vulnérabilité économique et sociale ».
C’est également le cas en matière sanitaire et sociale, où coexiste une grande variété terminologique, distinguant dépendance, inaptitude, invalidité et handicap. La vulnérabilité est parfois une caractéristique commune des bénéficiaires de l’action sociale[8], parfois une circonstance spécifique comme en témoigne la rédaction de l’article L. 116-3 CASF, instituant un « plan d’alerte et d’urgence au profit des personnes âgées et des personnes handicapées en cas de risques exceptionnels » et imposant de prendre en compte « le cas échéant, la situation des personnes les plus vulnérables du fait de leur isolement ».
C’est peut-être dans le champ du droit civil, depuis réforme de la loi n° 2007-308 portant réforme de la protection juridique, que le brouillage conceptuel est le plus épais. En la matière, la protection des majeurs vulnérables a progressivement concurrencé l’ancienne notion d’incapacité sur laquelle s’était construit le droit des tutelles, bien que la loi, étrangement, n’utilise pas le terme de « personnes vulnérables ». Initialement, vulnérabilité et incapacité ont un point en commun : le constat de la difficulté de la personne à exercer seule les attributs de la personnalité juridique, c’est à dire les droits et obligations qui lui sont reconnus, ce qui justifie des mesures spéciales de protection. Mais la dissémination de la notion de vulnérabilité l’a conduite à se détacher progressivement de l’incapacité : comme le remarquent la Cour de cassation, dans son rapport de 2009[9], et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme[10], sont ainsi souvent considérées comme des personnes vulnérables celles dont les droits et libertés sont menacées du fait de leur situation pathologique ou de handicap, de leur âge ou de leurs conditions économiques d’existence. Entrent dans cette catégorie, dans une liste non exhaustive, les personnes âgées, les personnes handicapées ou malades, celles frappées d’une certaine faiblesse ou encore celles vivant dans des conditions d’extrême pauvreté.
De cette liste, une caractéristique commune émerge : la vulnérabilité se caractérise comme l’état d’une personne qui, en raison de certaines circonstances, ne peut, en droit ou en fait, jouir de l’autonomie suffisante pour exercer ses droits fondamentaux[11], ce qui justifie, en retour, une protection accrue des pouvoirs publics par différents procédés. « La vulnérabilité marque ainsi le signe d’une extension et d’une diversification des dispositifs de protection, autrefois cantonnés au seul droit des incapacités »[12], visant à assurer la sécurité de sa personne, la protection de son intégrité physique ou à réduire sa sensibilité à la pression.
A l’évidence, le succès de la notion interroge : juristes[13], mais aussi philosophes[14] et sociologues [15] ont tenté d’analyser les procédés et les conséquences de l’introduction de cette notion dans l’ordre juridique, hésitant sur sa portée. Là où les certains sont tentés de voir une notion bouleversant les règles juridiques, d’autres n’y voient qu’un simple effet de mode cosmétique et passager ? Entre « révolution tranquille pleine de promesse »[16] ou « oreiller de la paresse »[17] , la réponse doit certainement être médiane. Il semble que l’émergence de la notion de vulnérabilité présente au moins un intérêt : en rendant nécessaire la conciliation entre respect des droits fondamentaux et protection de la personne, la prise en compte de la vulnérabilité par le droit soumet à des tensions certaines catégories juridiques, telles que le consentement et l’autonomie d’une part (I) et la solidarité et l’interdépendance d’autre part (II).
I. Repenser le consentement : vulnérabilité et autonomie de la personne
Notion phare des ordres juridiques occidentaux, fondés sur l’autonomie de la personne et le principe de liberté, le consentement est également une pratique ordinaire de la vie quotidienne. Qu’il s’agisse du consentement à un contrat, à une relation sexuelle, à une proposition des services sociaux, à des soins médicaux, les manifestations du consentement sont nombreuses, et engagent la personne dans son avoir comme dans son être[18]. Défini comme « l’acte par lequel quelqu’un donne à une décision dont un autre a eu l’initiative l’adhésion personnelle nécessaire pour passer à l’exécution »[19], le consentement témoigne d’une adhésion à une proposition extérieure[20]. Toutefois, les conditions de cette adhésion ne sont pas dénuées d’ambiguïté. Certes, le droit postule que le consentement doit être « libre et éclairé » et ne pas être vicié. Mais à la question de savoir comment apprécier la réalité de la liberté de consentir, la réponse des juristes demeure formaliste : le consentement engage, sauf s’il a été vicié par erreur, dol ou violence[21]. Or, à côté des vices du consentement, reste la zone d’ombre des « défauts du consentement »[22] que les juristes, empreints d’une conception libérale et autonomiste du droit, peinent parfois à saisir. C’est cet « enjeu du consentement »[23] que la réflexion sur la vulnérabilité conduit à revisiter.
A – Une liberté de consentir ? Les hésitations du droit
Tel malade repoussant une intervention jugée indispensable par un médecin, telle femme victime de violences conjugales refusant de quitter le domicile conjugal, tel habitant d’une zone à risque naturel s’opposant à fuir un domicile estimé dangereux, telle personne prostituée refusant de dénoncer les réseaux mafieux qui l’ont conduite sur le trottoir … Par-delà la diversité des situations individuelles, un dilemme se pose aux acteurs juridiques : faut-il défendre le consentement au nom de la liberté individuelle de l’individu rationnel en postulant une égalité formelle des personnes ou, au contraire, convient-il d’en limiter la portée, en prenant en compte l’inégalité ou l’asymétrie de situations individuelles, qui sont soumises à des facteurs externes (économiques, sociaux, culturels, politiques) ou internes (affectifs, psychiques) pouvant altérer la capacité de choix réel de la personne[24] ?
La jurisprudence de la Cour européenne offre un panorama varié de la diversité des réponses susceptibles d’être apportées à cette question centrale[25]. Elle a ainsi pu poser une affirmation générale, tendant à reconnaitre « la faculté pour chacun de mener sa vie comme il l’entend [ce qui] peut également inclure la possibilité de s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou moralement dommageable ou dangereuse pour sa personne »[26]. Toutefois, dans l’appréciation concrète du contexte dans lequel s’exprime cette liberté de de choix, sa jurisprudence semble hésitante. L’affaire qui l’a conduite à poser ce principe d’autodétermination personnelle est révélatrice : alors que la Cour européenne devait examiner pour la première fois la question du droit à bénéficier d’une aide à mourir, elle a justifié l’interdiction de l’euthanasie par le souci de protéger les personnes vulnérables[27]. Ceci l’a conduite à rejeter la demande formulée par Mme Pretty, requérante en phase terminale d’une maladie dégénérative mais clamant haut et fort son refus d’être qualifiée de personne vulnérable incapable de décider pour elle-même de son sort[28]. C’est bien en ce sens poser l’indifférence du consentement de la personne et affirmer la nécessité de la protéger, fut-ce malgré elle. Un principe identique prévaut en matière de protection des victimes de violences, quelle que soit l’attitude de celles-ci. La Cour européenne considère ainsi que le fait que des victimes de violences domestiques n’aient pas porté plainte, ou aient retiré leur plainte devant la crainte de représailles, ne doit pas freiner l’action publique et permettre l’impunité des auteurs de violence[29]. C’est reconnaitre que la réponse pénale ne saurait être aux seules mains des victimes, en raison des contraintes et des menaces pouvant altérer leur capacité d’action.
A l’inverse, sur d’autres sujets, le raisonnement de la Cour s’avère bien plus formaliste. Un (contre) exemple peut être trouvé dans la façon dont le droit international et européen saisit la prostitution. Le proxénétisme et la traite humaine sont désormais qualifiés de traitements inhumains et dégradants[30] et doivent être réprimés par les ordres juridiques internes. Ainsi, la Cour européenne des droits de l’Homme affirme « avec la plus grande fermeté » que « la prostitution incompatible avec les droits et la dignité de la personne humaine dès lors qu’elle est contrainte » [31]. Plus encore, le droit considère que l’éventuel consentement des victimes de tels agissements illégaux est indifférent[32]. Toutefois, s’agissant de la prostitution dite « volontaire », c’est-à-dire en dehors de réseaux proxénètes, la Cour européenne développe une approche assez frustre du consentement, refusant de voir dans les contraintes sociales, économiques et matérielles qui pèsent sur les femmes démunies se livrant à la prostitution un élément de nature à vicier leur consentement. Alors qu’ils étaient saisis d’une requête présentée par une femme grevée de dettes et acculée à la prostitution pour y faire face, les juges européens, constatant que la question de savoir ce qu’est une contrainte à la prostitution est controversée, ont affirmé ne pas vouloir « entrer dans un débat dont l’issue n’est pas déterminante en l’espèce »[33]. Pourtant, les récits de certaines prostituées dessinent une réalité à l’opposé de toute idée de « choix libre et éclairé ». Lors du célèbre procès dit du Carlton ayant abouti à la relaxe de D. Strauss-Kahn de l’infraction de proxénétisme, le témoignage d’une prostituée a illustré avec force cette zone grise, entre décision libre et contrainte. A la question de son consentement aux rapports sexuels brutaux auxquels elle avait été soumise, posée de façon insistante par le président du tribunal correctionnel, Mounia répond : « Oui, parce qu’il me fallait cet argent, que j’en avais besoin. J’ai pas dit non, j’ai subi. »[34] Or les mots (ou les maux ?) de Mounia ne trouvent pas écho dans le raisonnement judiciaire, qui laisse entendre que seule une contrainte physique irrépressible est susceptible d’être prise en compte dans le raisonnement judiciaire – toute contrainte de type socio-économique étant laissée de côté. De tels raisonnements reposent sur une approche essentiellement formaliste des notions de consentement et de contrainte, qui fait l’économie des analyses importantes produites par la critique féministe du droit sur les limites voire les pièges inhérents à la rhétorique du « choix »[35]. Parce que les juristes préfèrent ignorer les logiques de domination, subir devient consentir, se soumettre est assimilé à vouloir…
Les réponses apportées par la Cour européenne des droits de l’Homme à Mmes Pretty et Tremblay soulignent à l’évidence la difficulté de solutions tranchées, entre un libéralisme indifférent aux inégalités sociales et fragilités individuelles et un paternalisme bien-intentionné mais négateur des stratégies individuelles de résistance et d’expression de choix personnels. Cette tension entre autonomie et protection, entre indifférence et bienfaisance, constitue pourtant le quotidien de nombreux acteurs : le médecin doit-il respecter les directives anticipées rédigées par un malade[36] ? Le procureur doit-il poursuivre pour abus de faiblesse le récipiendaire d’un don consenti par une personne âgée ? Le travailleur social doit-il contraindre une personne sans domicile fixe à rejoindre un abri[37] ?
A ces questions, le droit a cru apporter une réponse, ces vingt dernières années, à travers l’affirmation du principe de dignité de la personne humaine. Symbolisée par des affaires célèbres, comme celle du lancer de nain[38], elle a justifié une protection des individus contre des choix qu’ils pourraient être amenés à faire, limitant de ce fait leur autonomie décisionnelle. Comme l’affirmaient les conclusions de P. Frydman, « le respect de la dignité humaine, concept absolu s’il en est, ne saurait en effet s’accommoder de quelconques concessions en fonction des appréciations subjectives que chacun peut porter à son sujet »[39]. La valeur absolue de la dignité a pu être approuvée : « L’émergence du principe de dignité est ainsi le signe qu’il y a quelque chose qui dépasse (transcende) les volontés individuelles… Nul ne peut renoncer au principe de dignité humaine, ni pour autrui bien sûr, ni pour lui-même : nul ne peut donc valablement consentir à ce que lui soient portées des atteintes contraires à cette dignité »[40]. Mais l’ambiguité de la notion de dignité a été abondamment soulignée[41] et critiquée : « Notion la plus agaçante de la littérature judiciaire, tant elle se prête à des utilisations variées. Elle est l’alibi des caprices des juges et, par voie de conséquence, la bête noire de la doctrine » [42]. Elle aboutit, en effet, in fine à limiter sensiblement la possibilité des personnes à faire des choix de vie à la marge de ceux majoritairement retenus et, de ce fait, à limiter l’autonomie des personnes en les victimisant. Là encore, l’exemple du lancer de nain est révélateur : la volonté de celui qui se présente comme un « performeur » est balayée d’un revers de main, en raison même de son handicap. Ce point fut souligné : « Un nain est-il particulièrement susceptible de succomber à l’exploitation ? Est-il spécialement vulnérable car faible de corps ou d’esprit ? Ou, si l’on étend le principe, le nain est-il historiquement et socialement handicapé, réduit par le préjugé à une situation qui le force à accepter les indignités ? (…) Le lancer de nain est immoral car il souligne le nanisme du nain. Par un effet de retour, interdire le lancer de nain les désigne déjà comme des personnes non égales et les stigmatise »[43].
Ainsi appréhendé, le débat opposant consentement de la personne et dignité de celle-ci semble insoluble. Une des raisons en est la dimension absolutiste des valeurs qui sont opposées : valeur absolue de la dignité, à laquelle nul ne pourrait déroger, pas même la personne concernée ; et valeur absolue du consentement, en ce qu’il traduirait une liberté souveraine de la personne. Pourtant, comme le souligne G. FRAISSE, « le consentement, singulier ou mutuel, n’a aucune valeur d’absolu ; l’un et l’autre sont enserrés dans des contraintes ou des valeurs qui les excèdent. L’ordre domestique, la santé sociale, la morale sexuelle indiquent les bornes du consentement. Ce dernier n’est ni un idéal, ni un absolu ; il a une valeur relative partielle »[44].
B – Vulnérabilité et consentement : pour une approche pragmatique
L’émergence de la notion de vulnérabilité pourrait être une nouvelle étape de cette tension du droit entre liberté et égalité[45]. En effet, les théories de la vulnérabilité peuvent être présentées comme un moyen de dépasser le primat libéral, qui achoppe sur le sens et la fonction à reconnaitre au principe de dignité de la personne. En réponse au mythe du sujet rationnel et souverain, la conception alternative du sujet vulnérable et interdépendant promeut une autre conception de l’humanité et du droit. C’est le sens que lui assigne M. FINEMAN, au soutien de sa critique du « mythe de l’autonomie »[46] : pour l’auteure, juriste nord-américaine féministe, les notions d’indépendance, d’autonomie et d’autosuffisance sont irréalistes et irréalisables si l’on ne prend pas en compte l’interdépendance invisible qui tisse nos sociétés[47]. Or, à rebours de la conception absolutiste de la dignité, l’apport de la vulnérabilité est de s’enraciner dans l’expérience concrète des individus. Comme le souligne N. Maillard, « penser la vulnérabilité, c’est donc aussi penser la dignité des êtres au-delà de leur autonomie, sur la base d’une conception de la personne qui ne s’applique pas indifféremment aux anges et aux hommes, mais qui retient au contraire les dimensions multiples de la vie humaine, et qui puisse recueillir sous son concept toutes les formes de la vie humaine. Articuler une idée de la dignité autour d’une conception de la personne désincarnée, atemporelle et parfaitement indépendante revient à élaborer des principes moraux pour des êtres que nous ne sommes pas »[48].
C’est ce souci d’incarnation et de nuance que révèle l’émergence de la notion de vulnérabilité en droit : loin d’opposer autonomie et dignité, il s’agit de prendre en considération les expériences de vie, sans distinguer entre personnes protégées, fut-ce malgré elles ou contre elles, et individus autonomes. La fluidité des situations et des mesures juridiques adoptées révèle les gradations de l’intervention du droit, qui prennent en compte non seulement la personne, saisie dans un contexte donné, mais aussi la nature de la décision et les contextes dans lesquels elle s’exprime. D’où le paradoxe apparent des dispositions relatives aux personnes vulnérables, illustrée par la loi de 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui dispose que la « protection est instaurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. (…) Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci »[49]. La loi qui protège les vulnérables en restreignant leur liberté de choix par la mise en place de mesures d’incapacité affirme ainsi « favoriser l’autonomie » de la personne… L’oxymore législatif semble palpable. Pourtant, les conditions de cet arbitrage entre incapacité et autonomie sont définies à travers l’obligation faite au juge de recueillir le consentement de la personne pour les décisions personnelles la concernant. Les exemples de telles décisions sont nombreux, qu’il s’agisse de modifier le lieu de résidence de la personne âgée ne pouvant plus rester seule à son domicile, de choisir un lieu de vacances ou de procéder à une intervention chirurgicale. Plus généralement, dans l’organisation même de la mesure de protection, le majeur doit être consulté. Cette conciliation concrète et pragmatique entre mesure de protection et respect de l’autonomie[50] des majeurs vulnérables est révélée par l’observation sociologique. B. EYRAUD et P. A. VIDAL-NAQUET montrent ainsi que l’opposition philosophique entre approche « subjective » (liberté) et approche « anthropologique » (dignité) n’est pas corroborée par les mécanismes juridiques de protection des vulnérables : « En proposant de placer la personne au centre, les politiques publiques ne tranchent pas entre ces deux conceptions. Elles tentent plutôt, de façon pragmatique, de les tenir ensemble dans de nombreux domaines, y compris dans ceux où le sujet est réputé́ ne pas jouir de toutes ses facultés » [51] La mesure de protection de la personne donne ainsi lieu à des arbitrages constants, reposant sur un fragile équilibre entre volonté de la personne, intérêt de la personne et nature de la décision, si triviale puisse-t-elle sembler : fumer, avoir un équipement domestique au gaz, avoir des relations sexuelles… C’est ce qui ressort du portrait d’une femme, Mme Pagey, dressé par les sociologues : quadragénaire atteinte d’une légère altération mentale, Mme Pagey est sous tutelle depuis une vingtaine d’année. Habitant seule, elle fréquente le bar-épicerie d’un foyer proche de chez elle et entretient des relations sexuelles avec certains des résidents. Son tuteur craint qu’elle ne soit victime de violences et de proxénétisme et d’une forme plus ou moins organisée de racket, ce que réfute vigoureusement l’intéressée. La discussion entre Mme Pagey et son tuteur, rapportée par les sociologues, montre les efforts de persuasion du second, pour inciter la première à changer ses fréquentations et son comportement, tout en soulignant les limites de l’exercice : comment protéger la personne tout en préservant sa liberté individuelle ? Le principal outil du tuteur passe alors par la négociation : Mme Pagey est invitée à réduire sa consommation de cigarettes, à soigner son alimentation, à mettre de la distance avec ses amis, à ne plus leur acheter d’alcool, etc.[52].
Particulièrement marquée lorsque les personnes concernées sont des majeurs sous protection, l’arbitrage entre protection de la vulnérabilité et respect de la liberté individuelle a une portée plus générale : en effet, l’accent mis sur les conditions concrètes d’exercice des droits appelle à repenser les modalités d’expression du consentement. Dans une approche fondée sur la vulnérabilité, le consentement est moins une alternative binaire oui/non qu’une réflexion sur les contextes et les temporalités de la décision. A l’opposé d’une approche par la dignité, nécessairement principielle et dogmatique, l’approche par la vulnérabilité permet de cerner au plus près les expériences de vie et les enjeux pour les personnes. Elle conduit à une graduation subtile, prenant en compte la capacité de la personne à faire des choix, de l’infans – ce petit enfant atteint d’une incapacité d’exercice totale – pour aboutir à la personne âgée dépendante, en passant par le majeur autonome, mais qui peut être un patient, une mère célibataire, un toxicomane, etc, et expérimenter ainsi des situations de fragilité, de risque ou de domination constitutives de vulnérabilité. Mais il s’agit également d’établir une gradation de l’objet de l’engagement de la personne et des conséquences, pour elles et les tiers, de la décision envisagée : une décision présentant un risque pour la vie de la personne doit nécessairement être pesée plus soigneusement que d’autres, plus ordinaires. D’où la nécessité de garanties procédurales spécifiques, permettant une prise en compte des modalités concrètes d’énonciation du consentement. C’est la perspective dans laquelle s’inscrit la CNCDH, lorsqu’elle invite à faire évoluer les pratiques dans le recueil du consentement des personnes vulnérables. La Commission souligne la « dissymétrie importante dans la relation entre la personne qui a l’initiative de proposer une ou des solutions au(x) problème(s) rencontré(s) et la personne en situation de vulnérabilité : celle-ci accepte ou refuse, elle ne propose pas, et bien souvent l’autonomie du choix de la personne est limitée par l’ascendant (volontaire ou involontaire) et l’autorité de celui qui propose (médecin, famille, travailleur social, institution…) »[53]. Pour la Commission, il conviendrait donc que s’instaure, en amont de l’expression du consentement, un dialogue entre celui ou ceux qui proposent (qu’il s’agisse de particuliers ou d’institutions) et la personne dont le consentement est recherché. Et la CNCDH de préconiser un certain nombre de garanties procédurales telles que, par exemple, l’accompagnement par un tiers choisi par la personne, la délivrance d’« une information précise sur les possibilités existantes, leurs conditions de mise en œuvre et leurs conséquences peut être délivrée à l’intéressé, mais aussi à son entourage » et l’instauration de délai de réflexion. En d’autres termes, seules des garanties procédurales adaptées à la situation individuelle permettent de garantir la sincérité du consentement, qui peut être « floué » sans pour autant être « vicié » juridiquement. Partant, elles contribuent à une protection plus effective de l’autonomie personnelle. Mais la nécessité de garanties procédurales met aussi en lumière un autre enjeu de l’approche par la vulnérabilité. En soulignant l’importance de l’interdépendance et de l’accompagnement, elle conduit à éclairer d’un jour nouveau la notion de solidarité.
II. Repenser la solidarité : Vulnérabilité et interdépendance sociale
Il faut ici insister sur la nouveauté qu’a constitué l’introduction, dans le champ de la protection sociale, de la notion de vulnérabilité. En effet, issue largement de l’approche solidariste ayant gouverné la IIIe République, la protection sociale n’est traditionnellement pas conçue en termes de protection contre la vulnérabilité.
Certes, l’institution de la Sécurité sociale dans l’après-guerre visait à protéger les travailleurs et leurs familles contre la réalisation de certains risques par la mise en place de mécanismes de solidarité[54]. Certes encore, la vulnérabilité des usagers des services d’aide et d’action sociales, qui résulte de leur précarité matérielle et est attestée par la condition de ressources mise pour l’accès aux prestations dispensées, est partiellement prise en charge par les mécanismes de l’aide sociale. Mais d’une part les risques couverts par la Sécurité sociale sont loin d’appréhender toutes les situations de vulnérabilité[55]. Et d’autre part, la spécialisation et la subsidiarité de l’aide et l’action sociales[56] ont pour seul et principal effet de se traduire par le versement de minima sociaux dont le montant est assez faible. Comme le souligne un auteur, les protections minimales qu’elles fournissent, « loin de modifier la position relative de leurs bénéficiaires, procèdent plus comme des assignations de statuts dans lesquelles ces derniers échangent l’acceptation d’une position dévalorisée (invalide puis handicapé, inapte au travail, personne âgée impécunieuse…) contre des prestations, très souvent matérielles et chichement calculées »[57]. Dès lors, l’éventuelle redistribution que l’aide sociale instaure, loin de favoriser une réduction des inégalités, a principalement pour effet de les conserver et les entériner en maintenant un ordre social. Plus encore, par sa complexité, le droit social peut tendre à accroitre la vulnérabilité : soit que, par sa complexité, il dissuade les usagers potentiels de bénéficier des prestations qu’il institue, ce que révèle le phénomène de non recours aux droits sociaux[58], soit que, par ses procédés mêmes, il renforce les vulnérabilités sous couvert de leur protection, en créant des mécanismes de dépendance.
A – Vulnérabilité et dépendance
L’ambiguïté de l’État social a été mise en évidence : « D’un côté, il est un puissant mécanisme de justice sociale inventé dans la modernité, notamment vis-à-vis des personnes en difficulté, dans la mesure où il socialise la solidarité et leur permet institutionnellement de garder leur dignité; mais, de l’autre, il se met en place toujours concrètement par le biais d’un maquis de fonctionnaires ou de travailleurs sociaux, dont les attitudes ne sont jamais neutres, et qui peuvent, lors de leurs interactions, les réduire à un rôle de dépendance et de charité »[59].
La façon dont les interventions des institutions sociales peuvent se traduire par la perte de pouvoir et la stigmatisation des destinataires est illustrée par jurisprudence et l’analyse ethnographique à laquelle s’essayent parfois les juristes. Deux exemples peuvent être donnés, l’un issu de la jurisprudence européenne, le second d’une étude de cas québécois.
Le premier ressort des faits de l’arrêt Soares De Melo c. Portugal, rendu en 2016[60] par la Cour européenne des droits de l’Homme. La Cour se montre particulièrement critique à l’égard des services sociaux portugais ayant retiré des enfants à leur mère. Elle vilipende leurs réponses inadaptées face à « la détresse matérielle de la requérante, mère d’une famille nombreuse, exerçant presque seule son rôle parental »[61]. La requérante survivait, dans un dénuement matériel extrême, grâce aux aides sociales et à la charité. Or, cette situation familiale préoccupante n’avait pas suscité de mesures d’accompagnement des services sociaux. « En réalité, il apparaît que les services sociaux en charge de l’accompagnement de la famille attendaient de la part de la requérante, en sus de la régularisation de sa situation dans le pays, la présentation formelle d’un dossier motivé faisant état des besoins qu’ils avaient pourtant eux-mêmes constatés et signalés »[62]. Condamnant l’absence de mesures concrètes qui auraient permis aux enfants de vivre avec leur mère et évité leur placement à des fins d’adoption, la Cour rappelle que « le rôle des autorités de protection sociale est précisément celui d’aider les personnes en difficulté, de les guider dans leurs démarches et de les conseiller, entre autres, quant aux différents types d’allocations sociales disponibles, aux possibilités d’obtenir un logement social ou aux autres moyens de surmonter leurs difficultés »[63]. In fine, la séparation de la famille, ordonnée par la justice portugaise, est condamnée par la Cour. C’est bien le formalisme des services sociaux qui est en jeu dans l’affaire Soares de Melo. Comme le soulignait le juge Sajo dans une opinion concordante, une telle attitude, sous couvert de protection, entrave l’effectivité des droits fondamentaux et renforce la vulnérabilité des personnes : « L’absolutisme dans l’interprétation de l’intérêt de l’enfant peut facilement devenir source de formalisme administratif de la part des services de protection de l’enfance, formalisme qui à son tour a tôt fait de dégénérer sous couvert d’une prétendue bienveillance paternaliste de l’État. L’histoire de la maltraitance envers les enfants et de la discrimination est une histoire de services publics et privés fournis par des ‘sauveurs’ ».
C’est une histoire semblable de domination et de dépossession de soi par le jeu de l’intervention sociale qui ressort du beau portrait d’une femme québecoise, dressé par E. BERNHEIM[64]. Clara, enfant placée sous la protection des services sociaux en raison de maltraitances sexuelles occasionnées par ses parents, devenue mère toxicomane se livrant occasionnellement à la prostitution et qui se voit elle-même retirer la garde de son enfant, expérimente tout au long de sa vie des situations de vulnérabilité qui l’exposent à différents types d’interventions sociales, médicales et judiciaires. L’auteure souligne que « les décisions administratives et judiciaires que Clara a subies tout au long de sa vie sont complètement désincarnées de leurs propre système de contrainte et analysées à la lumière de leurs effets réels : l’acquittement de sa mère malgré sa participation active dans son agression sexuelle, ses multiples placements, la prostitution dans laquelle sa mère la maintient grâce à la complicité (des services sociaux), la perte de la garde de sa fille puis la détérioration de leur relation, etc. Toutes ces décisions découlent d’un cadre juridique que Clara ne connaît pas et pour lequel elle n’a aucun intérêt ; elles apparaissent comme profondément injustes de facto »[65]. Pourtant, poursuit E. BERNHEIM, « Clara est une battante : elle ne croit ni en la justice, ni en l’institution judiciaire, mais elle a des droits et entend les faire respecter. Clara a eu recours et milite dans des organismes communautaires de défense des droits. La connaissance de ses droits, la lutte contre les discriminations, le pouvoir qu’elle peut reprendre sur sa vie, c’est là qu’elle en a pris conscience (…) Alors que les institutions juridiques ou ceux qui les représentent lui inspirent méfiance—comme faisant partie du « système »— la connaissance et la mobilisation du droit pour obtenir des services ou pour dénoncer des situations de violation semblent avoir un réel effet émancipatoire pour Clara. C’est que la lutte juridique menée au sein des organismes communautaires est collective et solidaire, calquée sur les besoins réels. C’est bien le seul espace où Clara n’est pas soumise aux impératifs institutionnels, où elle trouve écoute et considération »[66].
Séparées par un océan, et évoluant dans des systèmes juridiques différents, les deux vies de femmes présentent des points communs : Liliana Sallete Soares de Melo, la portugaise, et Clara la québécoise sont certainement toutes deux des femmes en situation de vulnérabilité : mères célibataires, pauvres, l’une est sans papier, l’autre toxicomane. Toutes deux subissent des interventions des services sociaux, formellement orientées vers leur protection et celle de l’intérêt de leurs enfants mais qui, décidées de façon unilatérale et sans leur consentement, aboutissent à renforcer cette vulnérabilité. Enfin, toutes deux trouvent dans « l’arme du droit »[67] un outil d’émancipation, qu’il s’agisse, pour l’une, du recours devant la Cour européenne et, pour l’autre, de la mobilisation dans des centres communautaires. Or, à travers ces deux destins de vie, émerge une nouvelle conception du soutien à la vulnérabilité. En mettant l’accent sur l’interdépendance sociale et le constat que les individus isolés n’existent pas, mais s’inscrivent toujours dans une pluralité de réseaux ; familiaux[68], locaux[69], communautaires, nationaux, etc., le « droit de la vulnérabilité » aménage des outils destinés à aider la personne à recourir effectivement à ses droits.
B – Vulnérabilité et interdépendance : les nouveaux outils de l’action sociale
Ce renouvellement conceptuel reçoit un écho dans la formulation des énoncés juridiques : les méthodes et procédés de l’action sociale sont précisément définis autour de l’objectif de restauration des droits fondamentaux des personnes vulnérables auxquelles elle s’adresse. La loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions avait ouvert la voie en affirmant les politiques misent en œuvre tendent à « garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance »[70]. Depuis, les textes se sont multipliés, en reprenant un objectif identique : ainsi, l’article L. L116-1 du Code de l’action sociale et des familles assigne à l’action sociale et médico-sociale la fonction de « promouvoir l’autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets », en direction notamment « des personnes et des familles vulnérables ». De même, l’article D. 142-1-1 du Code de l’action sociale et des familles énonce que « le travail social vise à permettre l’accès des personnes à l’ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté » « dans un but d’émancipation, d’accès à l’autonomie, de protection et de participation des personnes » ; l’article L. 6323-1-1 du Code de la santé publique assigne aux centres de santé la mission complémentaire de « mener des actions de santé publique, d’éducation thérapeutique du patient ainsi que des actions sociales, notamment en vue de favoriser l’accès aux droits et aux soins des personnes les plus vulnérables »[71].
Se dessinent ainsi de nouvelles formes d’actions sociales, s’appuyant sur les compétences et les capacités des individus[72]. Ces transformations du modèle traditionnel de la protection sociale, décrites par ailleurs[73], révèlent une nouvelle configuration : à rebours des théories libérales, indifférentes aux déterminismes sociaux et aux inégalités sociales qui conditionnent les choix individuels, il s’agit de rechercher l’autonomisation des individus plus que de postuler leur autonomie[74], en assurant leur accompagnement.
L’accompagnement est en effet devenu un nouvel outil des politiques sociales, présent dans de nombreux champ, qu’il soit médico-social[75], sanitaire[76], social[77], de l’enfance[78] au grand âge[79]. Son essaimage est significatif, tout comme son étymologie. L’accompagnement renvoie au fait d’être compagnon, littéralement « celui qui partage le pain ». Il caractérise, à en croire les dictionnaires, le fait de « partager les occupations, les aventures, le sort d’une autre personne, se déplacer avec elle ». Incidemment, en musique, l’accompagnement est ce qui sert de soutien à la partie principale. La pénétration du vocable dans le champ des politiques sociales entend certainement fonder un mode d’intervention moins vertical et prescriptif en direction des personnes vulnérables. Comme le souligne F. PETIT, accompagnement et assistance ne relèvent pas d’une logique identique : « même s’il comporte une aide matérielle, financière ou morale, même s’il associe un mécanisme de contrôle, il est davantage question, dans le cadre d’un accompagnement, de responsabiliser la personne dans une démarche dynamique, d’être à ses côtés en continu pour l’aider à trouver sa voie et à conserver intacte sa capacité de réflexion dans les difficultés qui l’atteignent : l’objectif est de l’aider à retrouver son autonomie ou à la préserver. De caractère continu et individualisé, l’accompagnement présente la particularité de s’inscrire dans la durée pour aider un individu à franchir une difficulté (d’ordre personnel, social, économique ou médical) ou, plus largement, à réaliser un projet. Du point de vue de sa finalité, l’accompagnement s’apparente donc moins à une assistance – que certains déforment négativement en lui substituant le terme d’assistanat – qu’à une aide à l’apprentissage »[80].
Faute de pouvoir en dresser une étude d’ensemble[81], deux exemples seulement seront pris ici pour illustrer cette transformation de l’action publique, sous l’effet de l’émergence de la notion de vulnérabilité : ils concernent d’une part l’accompagnement judiciaire dans le champ pénal, et d’autre part l’accompagnement social.
Dans le champ pénal, l’accompagnement peut prendre différentes formes et viser tant les victimes d’infraction que leurs auteurs[82]. Cet accompagnement institutionnel peut parfois être l’expression même de la réponse pénale : c’est le cas des stages dont le nombre est allé en augmentant et qui peuvent être prononcés soit à titre d’alternative aux poursuites[83] ou à titre d’alternative à l’emprisonnement[84]. Qu’il s’agisse d’un stage de citoyenneté, d’un stage de responsabilité parentale, d’un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, d’un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, d’un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes, d’un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants ou enfin d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière, l’enjeu de ces mesures est identique : elles visent à rappeler à l’auteur de l’infraction un certain nombre de valeurs (« valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité de la personne humaine »[85], « principe républicain d’égalité entre les femmes et les hommes, (..) gravité des violences, quelle que soit leur forme, au sein du couple ou à caractère sexiste »[86], « réalités de la prostitution et les conséquences de la marchandisation du corps »[87], « obligations juridiques, économiques, sociales et morales qu’implique l’éducation d’un enfant »[88]) et de contribuer à son insertion sociale[89]. Même si le terme d’accompagnement n’est pas employé par les textes, le sens accordé à la peine, qui se dessine à travers ces stages, est clairement pédagogique[90], et la réponse pénale traduit une volonté d’accompagnement de l’auteur à des fins d’insertion. Cette volonté se retrouve en revanche explicitement affirmée à propos des mineurs délinquants : elle constitue le cœur de la protection judiciaire de la jeunesse, au titre de ses missions de mise en œuvre et de suivi des condamnations pénales et des mesures d’individualisation de la peine. Le code de procédure pénale prévoit en effet explicitement que la PJJ « exerce l’accompagnement éducatif auprès du condamné relevant de sa compétence dans le cadre de la mesure qui lui a été confiée. Il lui apporte aide et soutien »[91]. Comme le souligne le directeur territorial de la PJJ de La Réunion, E. DEMARLE, « L’objectif de l’accompagnement éducatif judiciaire au pénal, c’est d’aller chercher les jeunes dans leur humanité. Il ressort assez clairement que prendre en compte la vulnérabilité, ça nécessite de voir au-delà de l’état premier et d’envisager une réinsertion de la personne concerne afin de lui redonner la qualité de citoyen »[92].
C’est un souci identique qui se retrouve dans l’accompagnement social des personnes vulnérables. Sa mise en œuvre contemporaine résulte de la promulgation conjuguée des deux lois du 5 mars 2007, l’une tournée vers la protection de l’enfance, l’autre vers celles des majeurs vulnérables. D’une part, la loi n° 2007-293 réformant la protection de l’enfance a modifié l’aide à domicile accordée aux familles[93], en prévoyant que celle-ci pouvait prendre la forme d’un accompagnement en économie sociale et familiale destiné à aider la famille à gérer son budget[94]. D’autre part, la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a institué des dispositifs nouveaux d’accompagnement administratif des personnes vulnérables. Un nouveau dispositif, la mesure d’accompagnement social personnalisé[95], a remplacé les anciennes tutelles pour intempérance et prodigalité et tutelles aux prestations sociales. Ces dernières s’inscrivaient dans une logique traditionnelle, associant contrôle et assistance[96] et reposaient sur l’idée d’une vérification du caractère socialement acceptable des dépenses effectuées par les bénéficiaires de prestations sociales[97]. La loi du 5 mars 2007, en instituant les MASP, a renouvelé cette approche : l’article L. 271-1 du Code de l’action sociale ouvre ce dispositif d’accompagnement contractualisé à « toute personne majeure qui perçoit des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources ». Consistant en une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social individualisé de personnes vulnérables[98], le dispositif repose sur une aide psycho-sociale destinée à protéger des personnes vulnérables, notamment celles âgées dépendantes. Préalable éventuel à des mesures judiciaires[99], il prend la forme d’un contrat conclu entre la personne et le département, dont le texte prévoit qu’il « repose sur des engagements réciproques »[100].
Le recours au contrat et à des procédés d’accompagnement est loin d’être une spécificité des MASP. Il se décline particulièrement dans le champ de la lutte contre le chômage[101] et l’exclusion sociale, qu’il s’agisse du jeune de seize à vingt-cinq ans révolus en difficulté et confronté à un risque d’exclusion professionnelle[102], du bénéficiaire du revenu de solidarité active[103], ou encore, plus récemment de la personne victime de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle engagée dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle[104]. Comme le relève R. LAFORE, à travers cette multiplication des procédés contractuels dans le champ de la protection sociale, « ce qui se joue là, c’est la façon dont s’aménage l’articulation entre l’indépendance des individus et leur interdépendance. Le contrat est très exactement la forme qui permet d’instituer ces deux éléments et de les faire cohabiter : dans sa dimension consensuelle, il fait droit à l’autonomie de chacun et notamment du bénéficiaire, mais, dans son contenu, il actualise pour chaque situation les conditions du « vivre ensemble » qui sont à la fois des « droits » et des « devoirs », des créances et des obligations. Il s’agit ainsi de produire des individus socialisés qui habitent leurs fonctions et rôles sociaux en y adhérant, grâce aux appuis et aux incitations que les organisations sociales mettent en œuvre »[105]. En d’autres termes, par l’accent qu’il met sur le lien social et l’effectivité des droits, l’accompagnement pourrait ainsi marquer un renouveau du principe de fraternité au cœur de l’action sociale[106]. En ce sens, par la main tendue qu’il offre, l’accompagnement constitue une des réponses sociales à la vulnérabilité. Car, comme le résumait une remarque faite, lors du colloque de La Réunion, par Christian BONNEAU, « ce ne sont pas les murs qui protègent, c’est l’accompagnement ».
[1] Effectuée au 1er octobre 2018.
[2] V. par ex., C. pén., art. 221-4 (meurtre), 222-4 (torture), 222-10 (violences), 222-33 (harcèlement sexuel), 225-12-1 (achat de services sexuels), 225-16-2 (bizutage), 225-7 (proxénétisme), 311-5 (vol), 313-2 (escroquerie).
[3] C. pén., art. 223-15-2 (abus frauduleux de l’état de faiblesse ou d’ignorance), 225-4-1 (traite d’êtres humains), 225-13 (exploitation), 225-14-2 (servitude), 225-14 (conditions de travail ou d’hébergement contraires à la dignité).
[4] C. action soc. et fam., art. L116-1: « L’action sociale et médico-sociale tend à promouvoir (…) l’autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets. Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées, des personnes et des familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté, et sur la mise à leur disposition de prestations en espèces ou en nature »
[5] V. sur le sujet, BORGETTO M., « La vulnérabilité saisie par le Droit » , in DONIER V. et LAPEROU-SCHENEIDER B. (dir.), L’accès à la justice de la personne vulnérable en droit interne, Editions de l’Epitoge, Collection L’unité du droit, volume XVI, 2016, pp. 11-25
[6] Loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, art. 61.
[7] C. action soc. et fam., art. L115-1 : « La lutte contre la pauvreté et les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation ».
[8] C. action soc. et fam., art. L116-1.
[9] Cour de cassation, Les personnes vulnérables dans la jurisprudence de la Cour de cassation, rapport 2009.
[10] CNCDH, Avis sur le consentement des personnes vulnérables, 2015.
[11] V. en ce sens PAILLET E., « Avant-propos », in PAILLET E. et RICHARD P. (dir.), Effectivité des droits et vulnérabilité de la personne, Bruylant, 2014, p. 4 : « L’effectivité, ou plutôt l’ineffectivité des droits ainsi au cœur de la vulnérabilité. Elle est le critère qui transforme une fragilité en vulnérabilité » ; LAVAUD-LEGENDRE B., « La paradoxale protection de la personne vulnérable par elle-même : les contradictions d’un « droit de la vulnérabilité » en construction, RDSS 2010, p. 520 : « La vulnérabilité désigne donc un état de fragilité antérieur à une atteinte à un droit juridiquement protégé ».
[12] CNCDH, avis précité, p. 8.
[13] COHET-CORDEY F. (dir.), Vulnérabilité et droit – Le développement de la vulnérabilité et ses enjeux en droit, PUG, 2000 ; PAILLET E. et RICHARD P. (dir.), Effectivité des droits et vulnérabilité de la personne, Bruylant, 2014 ; ROUVIERE F. (dir.), Le droit à l’épreuve de la vulnérabilité, études de droit français et comparé, Bruylant 2011. De nombreuses thèses ont également abordé tout ou partie du sujet : V. notamment BLONDEL M., La personne vulnérable en droit international, Université de Bordeaux, 2015 ; DUTHEIL-WAROLIN L., La notion de vulnérabilité de la personne physique en droit privé, Université de Limoges, 2004, GUITARD V., Protection de la personne et catégories juridiques : vers un nouveau concept de vulnérabilité, Université Paris 2, 2005 ; GENNET E., Personnes vulnérables et essais cliniques : réflexion en droit européen, Aix-Marseille, 2018 ; LICHARDOS G., La vulnérabilité en droit public : pour l’abandon de la catégorisation, Université de Toulouse Capitole, 2015 ; PFALZGRAF N., Vulnérabilité et vices du consentement, Université de Strasbourg, 2015.
[14] FERRARESE E., « Vivre à la merci. Le care et les trois figures de la vulnérabilité dans les théories politiques contemporaines », Multitudes, 2/2009 (n° 37-38), p. 132-141 ; GARRAU M., Politiques de la vulnérabilité, CNRS Editions, 2018 ; POCHE F., « Vulnérabilité sociale, une approche philosophique et politique », Cahiers français n°390, 2016, p. 15 ; THOMAS H., Les vulnérables, Éditions du Croquant, 2010.
[15] BORDIEZ-DOLINO A., VON BUELTZINGSLOEWEN I., EYRAUD B., LAVAL C. et RAVON B. (dir), Vulnérabilités sanitaires et sociales. De l’histoire à la sociologie, Rennes, PUR, 2014 ; BORDIEZ-DOLINO A., « Le concept de vulnérabilité », La Vie des idées, 11 février 2016 ; CASTEL R., « De l’indigence à l’exclusion, la désaffiliation. Précarité du travail et vulnérabilité relationnelle », in DONZELOT J. (dir.), Face à l’exclusion : le modèle français, Paris, Esprit, 1991, pp. 137 et s. ; EYRAUD B., VIDAL NAQUET P., « Consentir sous tutelle. La place du consentement chez les majeurs placés sous mesures de protection », Tracés 14 2008/1 p. 103-127 ; SOULET M. H., « La vulnérabilité, une ressource à manier avec prudence », in BURGORGUE-LARSEN L., La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, éd. Pédone, 2014, pp. 7 et s.
[16] TIMMER A., « A Quiet Revolution : Vulnerability in the European Court of Human Rights ».
[17] BESSON S., « La vulnérabilité et la structure des droits de l’Homme. L’exemple de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », in L. BURGORGUE-LARSEN L., La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, éd. Pédone, 2014, p. 81.
[18] Au point de pouvoir s’interroger sur la cohérence même de la notion. Selon M. FABRE-MAGNAN, « Le consentement renvoie finalement en droit à deux champs sémantiques différents, et même, à certains égards, opposés : celui de la liberté et du contrat. Une solution serait de trouver un autre terme pour signifier l’usage volontaire d’une liberté : celui d’« accord », ou celui encore plus flou d’ « assentiment » ou même le terme générique de « manifestation de volonté ». (L’institution de la liberté, PUF, 2018, p. 60).
[19] FOULQUIE P., Dictionnaire de la langue philosophique, PUF, 1962, cité par FRAISSE G., Du consentement, Paris, Le Seuil, 2007, p. 22.
[20] FRISON-ROCHE M., « Remarques sur la distinction entre la volonté et le consentement en droit des contrats », RTD civ., 1995, p. 573 et s.
[21] C. civ., nouvel article 1130 : « L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. » ; le nouvel art. 1143 C. Civ., s’inspirant de la jurisprudence antérieure, a intégré certaines formes de violence économique : « Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ». V. sur le sujet, COURDIER-CUISINIER A. S., « La vulnérabilité et le vice de violence », in ROUVIERE F. (dir.), Le droit à l’épreuve de la vulnérabilité, études de droit français et comparé, Bruylant 2010, pp. 340-362
[22] FRAISSE G., Du consentement, Le Seuil, 2007.
[23] JAUNAIT A., MATONTI F., « L’enjeu du consentement », Raisons politiques, 2/2012 (n° 46), p. 5-11.
[24] Pour une analyse de la portée philosophique de ce dilemme, V. MARZANO M., Je consens donc je suis, PUF, 2006.
[25] Sur la jurisprudence de la Cour européenne, v. notamment : CHARDIN N., «La Cour européenne des droits de l’homme et la vulnérabilité », in ROUVIERE F. (dir.), Le droit à l’épreuve de la vulnérabilité, Bruxelles, Bruylant, 2011, pp. 367 et s. ; RUET C., « La vulnérabilité dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », RTDH, 2015, p. 317-340
[26] CEDH, 29 avr. 2002, Pretty c. Royaume-Uni, n° 2346/02, § 62
[27] Précit., § 74 : « La disposition légale incriminée en l’espèce, à savoir l’article 2 de la loi de 1961, a été conçue pour préserver la vie en protégeant les personnes faibles et vulnérables – spécialement celles qui ne sont pas en mesure de prendre des décisions en connaissance de cause – contre les actes visant à mettre fin à la vie ou à aider à mettre fin à la vie. Sans doute l’état des personnes souffrant d’une maladie en phase terminale varie-t-il d’un cas à l’autre. Mais beaucoup de ces personnes sont vulnérables, et c’est la vulnérabilité de la catégorie qu’elles forment qui fournit la ratio legis de la disposition en cause. Il incombe au premier chef aux Etats d’apprécier le risque d’abus et les conséquences probables des abus éventuellement commis qu’impliquerait un assouplissement de l’interdiction générale du suicide assisté ou la création d’exceptions au principe. Il existe des risques manifestes d’abus, nonobstant les arguments développés quant à la possibilité de prévoir des garde-fous et des procédures protectrices ».
[28] Précit., § 73 : « 73. La Cour note que si le Gouvernement soutient que la requérante, personne à la fois désireuse de se suicider et sévèrement handicapée, doit être considérée comme vulnérable, cette assertion n’est pas étayée par les preuves produites devant les juridictions internes ni par les décisions de la Chambre des lords, qui, tout en soulignant que le droit au Royaume-Uni est là pour protéger les personnes vulnérables, ont conclu que la requérante ne relevait pas de cette catégorie. »
[29] CEDH, 9 juin 2009, Opuz c. Turquie, n° 33401/02, § 137-145.
[30] V. notamment Cour EDH, 7 janvier 2010, Rantsev c. Chypre et Russie, n° 25965/04.
[31] Cour EDH, 11 sept. 2007, Tremblay c. France, n° 37194/02.
[32] V. not. Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, dite convention de Palerme, art. 3b : « Le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa a du présent article, est indifférent ».
[33] Cour EDH, 11 sept. 2007, Tremblay c. France, précit., § 26-27.
[34] ROBERT-DIARD P., « Chroniques judiciaires, Compte rendu d’audience lors du procès dit « du Carlon » », Le Monde.fr , 10 février 2015
[35] HENNETTE-VAUCHEZ S. et ROMAN D., « Du sexe au genre : le corps des femmes en droit international », in BURGORGUE LARSEN L., MUIR WATT H., RUIZ-FABRI H. et TOURME JOUANNET E. (dir), Féminisme(s) et droit international. Etudes francophones, Paris, Société de législation comparée, 2016, pp. 265-322, corps des femmes
[36] V. la contribution supra de D. TELES (chapitre 2 : Vulnérabilité, santé et soins).
[37] V., à propos d’une note de la Préfecture de Paris autorisant cette mise à l’abri contrainte, CAA Paris, 21 décembre 2004, JCP A 2005, n° 5, 1065 note J. Moreau : « en subordonnant ainsi cette prise en charge d’autorité, par suite de l’échec des tentatives visant à obtenir le consentement des personnes en danger, à l’existence de températures fortement négatives et à celle d’un risque vital, résultant de la conjugaison de ces températures fortement négatives et de l’absence de protection adéquate, la note critiquée n’ordonne pas aux agents concernés d’accomplir un acte qui ne serait pas, dans le but ainsi défini de tenter de sauver les personnes sans abri par un accueil temporaire, indispensable à la survie de ces personnes et proportionné à leur état ».
[38] CE, Ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, Rec. Lebon p. 372
[39] FRYDMAN P., conclusions sur C.E., Ass., 27 oct. 1995, Cne de Morsang sur Orge et Ville d’Aix en Provence, RFDA, 1995, p. 1209.
[40] FABRE-MAGNAN M., « Le sadisme n’est pas un droit de l’homme », D., 2005, pp. 2978-80
[41] CASSIA P., Dignité(s), Dalloz, coll. Sens du droit, 2016 ; HENNETTE-VAUCHEZ S., « Une dignitas humaine. Vieilles outres, vin nouveau », Droits. Revue française de théorie juridique, 2009, n°48, pp. 59-85 ; A Human Dignitas ? Remnants of the Ancient Legal Concept in Contemporary Dignity Jurisprudence, International Journal of Constitutional Law, 2011, vol. 9, No 1, pp. 32-57.
[42] MARTENS P., « Encore la dignité humaine : réflexions d’un juge sur la promotion par les juges d’une norme suspecte », in Les droits de l’homme au seuil du troisième millénaire : mélanges en hommage à Pierre LAMBERT, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 562.
[43] WEIL L., « La dignité de la personne humaine en droit administratif », in PAVIA M.-L. et REVET Th. (dir.), La dignité de la personne humaine, Economica, 1999, p. 105
[44] FRAISSE G., p. 66
[45] Pour une opinion réfutant la portée du principe que peut jouer la notion de vulnérabilité en la matière, V. FABRE-MAGNAN M., L’institution de la liberté, PUF, 2018, pp. 84 et s.
[46] FINEMAN M., The Autonomy Myth: A Theory Of Dependency, The new press, 2005
[47] FINEMAN M., « The vulnerable subject : anchoring equality in the Human condition », Yale Journal of Law and Feminism, 1, 8-9, 2008
[48] MAILLARD N., « La vulnérabilité. Une nouvelle catégorie morale ? », Le champ éthique n°56, Labor et Fides, Genève, p. 225.
[49] C. civ., art. 415. : « Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci »
[50] V. les contributions supra de B. GILBERT et de A. FOUCAULT (chapitre 3 : Vulnérabilité, Handicap et vieillissement).
[51] EYRAUD B. et VIDAL NAQUET P., « Consentir sous tutelle. La place du consentement chez les majeurs placés sous mesures de protection », Tracés 14 2008/1 p. 103-127, § 5.
[52] Id., § 59.
[53] Avis précité, p. 12.
[54] V. en ce sens les premiers alinéas de l’art. 111-1 du C. séc. soc. : « La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale. Elle assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille. Elle garantit les travailleurs contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus. Cette garantie s’exerce par l’affiliation des intéressés à un ou plusieurs régimes obligatoires ».
[55] En témoigne notamment les hésitations historiques, lors de la création de la sécurité sociale, à prendre en charge le risque chômage et l’absence, à ce jour, de prise en charge du risque de dépendance lié au grand âge par la Sécurité sociale. Si le premier point a été résolu par la création de l’assurance chômage en 1958, le second reste en suspens. Dans un discours du 13 juin 2018, le président de la République a ainsi annoncé pour 2019 le vote d’une grande loi pour « construire un nouveau risque pour répondre à cette nouvelle vulnérabilité sociale ».
[56] Sur ces points, V. BORGETTO M. et LAFORE R., Droit de l’aide et de l’action sociales, Montchrestien, 8e éd., 2012.
[57] LAFORE R., « Services publics sociaux et cohésion sociale », in DECRETON S. (dir.), Service public et lien social, L’Harmattan, 1999, p. 376.
[58] WARIN Ph., « Le non recours aux droits sociaux, entre vulnérabilité sociale et citoyenneté active », Cahiers français n° 390, 2016
[59] MARTUCCELLI D., Grammaires de l’individu, Paris, Gallimard, 2002, p. 34
[60] CEDH, 16 février 2016, Soares De Melo c. Portugal, n° 72850/14
[61] Id., § 118
[62] Id., § 106.
[63] Id., § 106.
[64] BERNHEIM E., « De petite fille abusée à mère négligente: Protection de la jeunesse et matrice de domination », Canadian Journal of Women and the Law, University of Toronto Press, Volume 27, Number/numéro 2, 2015, pp. 184-206.
[65] Id., p. 196.
[66] Id., p. 197.
[67] ISRAEL L., L’arme du droit, Presses de sciences po, 2009.
Même si E. BERNHEIM nuance son apport : « L’histoire de Clara m’amène cependant à penser que le discours sur les droits, en raison de sa forme et de ses prémisses, constitue actuellement un obstacle majeur à l’émancipation et que dans ce contexte il faut être des plus rudentes quand vient le moment d’explorer des solutions de nature juridique au problème de l’oppression » (pp. 205-206).
[68] V. la contribution supra de C. POMART, montrant que la famille est construite juridiquement comme un mode d’accompagnement des vulnérabilités (chapitre 1 : Vulnérabilité et cellule familiale).
[69] V. les contributions supra de Th. MALBERT et de D. GAUDIEUX (chapitre 1 : Vulnérabilité et cellule familiale).
[70] Loi n° 98-657, codifiée à l’article L115-1 C. action soc. et fam.
[71] Créé par l’ordonnance n°2018-17 du 12 janvier 2018 – art. 1.
[72] Les différentes interventions d’acteur de terrain présentées lors du colloque, comme celles de C. JOUVENOT au CEVIF, de S. SIMON-GODES et L. ZAFIMAHARO, responsables de la Case Marmaillons, d’E. DEMARLE de la Protection judiciaire de la jeunesse ou de S. TARDY, du Pôle prévention et lutte contre exclusions de la DJSCS (V. contributions supra), ont toutes défini la restauration des capacités de la personne comme étant le cœur de leur action. De même, B. BRYDEN, dans sa contribution supra, souligne qu’en matière psychiatrique, « c’est avant tout dans la personne vulnérable elle-même, qu’il faut chercher la solution » ; dans un autre champ, celui du handicap, A. FOUCAULT (v. contribution supra) affirme que « il faut chercher et apporter la compensation nécessaire pour que cette personne puisse exprimer ses talents et ses compétences ».
[73] On se permet ici de renvoyer à notre article, « La « responsabilisation » de l’individu : quel équilibre entre droits et devoirs ? », in BORGETTO M., GINON A.-S. et GUIOMARD F. (dir.), Quelle(s) protection(s) sociale(s) demain ?, Coll. Thèmes et commentaires, Dalloz, 2016, pp. 233-258.
[74] Même si l’on doit souligner, avec LAVAUD-LEGENDRE B. (précit.), que ces mesures d’accompagnement s’inscrivent par ailleurs dans un contexte général tendant à affaiblir les protections statutaires reconnues aux personnes : Ainsi, deux logiques coexistent : l’instauration de mesures individuelles favorisant l’autonomisation des personnes vulnérables et, parallèlement, l’affaiblissement de supports de référence pour ces mêmes personnes. Or, comme le souligne l’auteure, il est à craindre que l’Etat ne puisse assumer la charge qu’il s’est fixée si les individus concernés ne disposent en amont, ou parallèlement, de socles de protection présentant une certaine stabilité (statut de salarié, place de la famille en matière éducative, maintien d’institutions publiques au contact des personnes…). Et l’auteure de conclure qu’on ne peut donc se réjouir de l’émergence d’un droit de la vulnérabilité, tant qu’en amont tout n’est pas fait pour éviter qu’un nombre trop important de personnes n’ait à y recourir.
[75] V. les obligations pesant sur les établissements et services sociaux et médico-sociaux résultant de l’article L. 311-3 du Code santé publique : sont assurés au bénéfice de la personne « une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion ».
[76] v., par ex., C. Santé pub., art. L. 1110-9. Plus généralement, la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a permis l’expérimentation de dispositifs d’accompagnement des personnes malades, en situation de handicap ou à risque de développer une maladie chronique, dans le but de renforcer leur autonomie.
[77] DAMON J., « Accompagnement social et référent unique », RDSS 2018, pp. 987 et s.
[78] V. le dispositif d’aide et d’accompagnement adapté et contractualisé prévu par l’article R. 131-7 du Code de l’Éducation en cas de manquement d’un élève à l’obligation scolaire.
[79] La notion d’accompagnement des personnes âgées dépendantes est au cœur de la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015 ; v. notamment C. action soc. et fam., art. L. 113-1-1 et L. 113-1-2.
[80] PETIT F., « L’émergence d’un droit à l’accompagnement », RDSS 2012, p. 977.
[81] Pour une analyse, V. BRES Ch., Le droit à l’accompagnement, Thèse de doctorat en Droit, Université d’Avignon, 2015.
[82] BONFILS Ph., « L’accompagnement en droit pénal », RDSS 2012. 1021
[83] C. proc. Pén., art. 41-1.
[84] C. pén., art. 131-5-1.
[85] C. pén., art. R 131-35, (stage de citoyenneté).
[86] C. pén., art. R. 131-51-1 (stage de lutte contre le sexisme).
[87] C. pén., art. R. 131-51-3 (stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels).
[88] C. pén., art. R. 131-48 (stage de responsabilité parentale).
[89] C. pén., art. R. 131-35.
[90] CLAVEL J., « Une réponse citoyenne », AJ pénal 2012. 324.
[91] C. proc. Pén., art. D49-56.
[92] DEMARLE E., contribution supra (chapitre 5 : Vulnérabilité et justice pénale).
[93] C. action soc. et fam., art. L. 222-2.
[94] C. action soc. et fam., art. L. 222-3. Un accompagnement éducatif et social des mineurs et de leur famille peut également être décidé par le service de l’aide sociale à l’enfance (C. action soc. et fam., art. L222-4-2).
[95] AUBERTIN J., « La mesure d’accompagnement social personnalisé ou la protection ineffective de la vulnérabilité sociale par le département », RGDM 2016, n° 59, p. 215 ; MIKAFEL-TOUDIC V., « Les mesures d’accompagnement social personnalisé : une mission nouvelle pour les conseils généraux », RDSS 2008. 813.
[96] FOSSIER Th., BAUER M., « L’utilisation des prestations sociales : contrôle ou assistance », RDSS 1994. 657.
[97] PECAUT-RIVOLIER L., VERHEYDE Th., « Majeurs protégés : mesures de protection juridique et d’accompagnement », Répertoire de procédure civile, Dalloz, juin 2013, § 325.
[98] MAUGER-VIELPEAU L., « Les destinataires de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 : une loi d’action sociale ? », RDSS 2008, p. 812 : « En résumé, les majeurs protégés destinataires de la loi du 5 mars 2007 sont soit des personnes moralement ou physiquement vulnérables, soit des personnes socialement vulnérables ».
[99] C. action soc. et fam., art. L. 271- 6, C. civ., art. 495 à 495-9.
[100] Pour une analyse, V. MIKALEF-TOUDIC V., « Les mesures d’accompagnement social personnalisé : une mission nouvelle pour les conseils généraux », précit.
[101] V. par ex, C. trav., art. L. 5411-6-1 : « Le projet personnalisé d’accès à l’emploi retrace les actions que (Pôle Emploi » s’engage à mettre en œuvre dans le cadre du service public de l’emploi, notamment en matière d’accompagnement personnalisé et, le cas échéant, de formation et d’aide à la mobilité » ; v. aussi C. trav., art. L. 5131-1 : « L’accompagnement personnalisé pour l’accès à l’emploi a pour objet de faciliter l’accès et le maintien dans l’emploi des personnes qui, rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle, ont besoin d’un accompagnement social. ».
[102] C. trav., art. L. 5131-3 : « Tout jeune de seize à vingt-cinq ans révolus en difficulté et confronté à un risque d’exclusion professionnelle a droit à un accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, organisé par l’Etat ».
[103] C. action soc. et fam., art. L. 262-27 : « Le bénéficiaire du revenu de solidarité active a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins et organisé par un référent unique ».
[104] C. action soc. et fam., art. L. 121-9.
[105] LAFORE R., « Obligations contractuelles et protection sociale », RDSS 2009, p. 41.
[106] V. en ce sens BORGETTO M., « La portée juridique de la notion d’accompagnement », RDSS 2012, p. 1039.
Bonsoir,
Je suis MBA Felicien-hance, doctorant à l’université de Yaoundé 2 ( Cameroun). En effet, je viens de lire le rapport du présent colloque et, je suis intéressé. Est-ce possible de l’avoir en numérique.
Merci !