La répression de la provocation, de la diffamation et des injures non publiques représentant un caractère raciste ou discriminatoire en France. À propos du décret n° 2017-1230 du 3 août 2017 (JORF n°0182 du 5 août 2017)
Dans la lignée de la loi 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté qui modifie les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse relatives à la provocation, la diffamation et l’injure publiques discriminatoires, le décret du 3 août 2017 modifie les dispositions règlementaires applicables à la provocation, la diffamation et l’injure discriminatoires non publiques cette fois. Ces interventions indiquent une volonté croissante des pouvoirs publics de lutter contre la hausse manifeste des propos discriminatoires, notamment homophobes ou racistes. Mais un tel dispositif de répression est également susceptible de restreindre le champ d’action de la liberté d’expression. Selon le Conseil d’Etat, le dispositif est néanmoins adapté à la conciliation entre d’un côté, la protection des personnes contre la discrimination et, de l’autre, la protection de la liberté d’expression.
Jusqu’où peut-on aller pour lutter effectivement contre la diffusion de propos diffamatoires ou insultant tout en garantissant le respect de la liberté d’expression ? Après le législateur qui est intervenu via la loi du 27 janvier 2017 pour renforcer le dispositif de lutte contre la provocation, la diffamation et l’injure discriminatoires[1] diffusées publiquement, ce fût au tour du gouvernement d’intervenir via le décret du 3 août 2017 pour renforcer le dispositif de lutte contre la provocation, la diffamation et l’injure discriminatoires qui ne sont pas publiquement diffusées[2]. Ces interventions successives du législateur et du gouvernement s’expliquent notamment par la forte augmentation des propos discriminatoires depuis les années 2010[3]. En effet, l’association SOS homophobie ouvre ainsi son rapport 2017 : « triste et malheureux constat [s’impose] : après deux années consécutives de baisse des témoignages, les LGBTphobies progressent à nouveau en 2016 avec une augmentation de 19,5 % des témoignages reçus par SOS homophobie. Les personnes trans sont parmi les premières victimes de cette hausse (+76% de témoignages). La haine envers les personnes lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT) persiste, s’amplifie et s’ancre toujours aussi profondément dans notre société »[4]. Quant au rapport de 2018, il commence également par déplorer qu’« en 2017, [il y a] 4,8 % de témoignages de LGBTphobies de plus, une seconde année de hausse, + 15 % d’agressions physiques : notre inquiétude est grande face à une homophobie et une transphobie qui ne cessent de progresser. Si les victimes sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à témoigner, les manifestations de lesbophobie, gayphobie, biphobie et transphobie se multiplient »[5]. La CNCDH, dans son rapport de 2017 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie indique, quant à elle, que si « on observe une stabilisation, de la tolérance de l’opinion, après trois années de hausse consécutive, la vigilance doit toutefois demeurer constante car la tolérance qui reflète la façon dont la société construit collectivement son rapport à l’altérité, apparaît fluctuante. Et le racisme, construction sociale qui fonctionne comme une division entre un “eux” et un “nous” se renouvelle sans cesse autant dans sa nature que dans ses cibles et ses modes d’expression »[6]. Ces différents éléments peuvent dès lors, au moins partiellement, expliquer le renforcement du dispositif de lutte contre la diffusion de propos diffamatoires ou injurieux à caractère discriminatoire, notamment lorsque de tels propos ne sont pas publics (I). Mais renforcer le dispositif de lutte contre la diffusion de certains propos suppose nécessairement de limiter la liberté d’expression de la personne qui les prononce. Se pose donc la question de la pondération à réaliser entre d’une part le respect de la liberté d’expression et d’autre part la lutte contre les propos discriminatoires. Le Conseil d’Etat s’est prononcé dans une décision du 11 juillet 2018 dans laquelle il estime que cette limitation ne porte pas atteinte de manière disproportionnée à la liberté d’expression ou au droit à la vie privée (II).
I. Le renforcement du dispositif de lutte contre la provocation, la diffamation ou l’injure non publique
Le droit pénal sanctionne la provocation (c’est-à-dire « l’action qui consiste dans le fait d’inciter autrui à faire ou à ne pas faire quelque chose, et le provocateur comme l’individu qui, par le geste, la parole, l’écrit, l’attitude, appelle à agir ou à s’abstenir, guide, incite, excite et contribue ainsi à l’adoption d’une certaine conduite par une ou plusieurs personnes »[7]). Il sanctionne également la diffamation (c’est-à-dire « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé »[8]) et l’injure (c’est-à-dire « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective »[9]), qu’elles soient publiques ou non publiques (A). Il distingue également entre la provocation, la diffamation et l’injure discriminatoires et non discriminatoires. Ces différentes infractions sont plus sévèrement sanctionnées, si elles sont « commise[s] envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée »[10] ou « envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap »[11]. C’est sur ce dernier point qu’est intervenu le gouvernement via le décret du 3 août 2017. En effet, après le renforcement du dispositif de lutte contre la provocation, l’injures et la diffamation discriminatoires et publiques par la loi du 27 janvier 2017, ce décret renforce le dispositif répressif[12] de la provocation, l’injure et la diffamation non publiques en élargissant les motifs de discrimination applicables (B).
A. De la distinction entre propos publics et non publics
Le droit pénal distingue entre les propos injurieux, provocants ou diffamatoires prononcés de manière publique et de manière non-publique. Historiquement, ce sont avant tout les propos prononcés publiquement que le droit sanctionne. En effet, les premières infractions à être prévues par le droit sont celles de diffamation publique[13], d’injure publique[14], et leur provocation[15], sanctionnées par loi du 29 juillet 1881[16] sur la liberté de la presse. Or, cette loi cherchait avant tout à limiter les abus à la liberté d’expression par voie de presse. Par conséquent, le législateur ne semble que peu se soucier des propos tenus dans un cadre non public. Preuve en est, même si la loi de 1881 sanctionnait l’injure non-publique[17], elle ne semblait pas directement l’assimiler aux autres infractions de presse puisque le texte précisait que « si l’injure n’est pas publique, elle ne sera punie que de la peine prévue par l’article 471 du Code pénal ». Qui plus est, la diffamation non-publique n’était pas sanctionnée par cette loi. Celle-ci était certes sanctionnée par le juge judiciaire qui l’assimilait à l’injure non-publique[18] mais elle ne disposait d’aucun fondement textuel. La loi de 1881 ne procédait donc pas à une distinction marquée entre propos « publics » et « non publics » car c’était avant tout les infractions de presse qu’elle réglementait, ce qui ne concernaient, par hypothèse, que des propos publiquement diffusés. En effet, ce que sanctionne la loi sur la liberté de la presse de 1881 ce sont surtout les propos diffamatoires et injurieux proférés par « des discours, cris ou menaces […] dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou affiches, exposés aux regards du public »[19]. La loi de 1881 a même été modifiée pour inclure désormais « tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics »[20], ainsi que « par tout moyen de communication au public par voie électronique »[21]. Par définition, la loi limite les propos ayant une portée publique, c’est-à-dire ceux qui ont « pénétré d’une manière ou d’une autre le domaine public »[22].
Cela étant, à partir des années 1950, le gouvernement se saisit progressivement de la question des infractions à caractère non-publique. En 1958, il reprend dans la partie réglementaire du Code pénal l’infraction spécifique d’injure non-publique[23] (déjà présente en filigrane dans la loi de 1881). En 1972[24], lorsque la disposition relative à l’injure non-publique est supprimée de la loi de 1881, la disposition réglementaire prévue par le décret de 1958 devient le seul fondement textuel de l’infraction[25]. Par ailleurs, depuis 1993[26], la diffamation non publique est expressément réprimée par les articles R. 621-1 et R. 624-3 du Code pénal[27]. A partir de la seconde moitié du 20ème siècle, le gouvernement semble ainsi estimer que la répression des propos non publics mérite également d’être renforcée. Désormais[28], ces trois infractions sont toutes prévues par la partie règlementaire du Code pénal et sanctionnées d’une amende contraventionnelle. Le Code pénal ne définit toutefois pas expressément ces infractions et plus exactement ce qui doit être entendu par « non public ». Mais si l’on raisonne a contrario, on peut dire qu’il s’agit des propos qui n’entrent pas dans la catégorie des injures publiques[29]. Il s’agit « d’acte de communication »[30], c’est-à-dire de propos « prononcés oralement, soit exprimés par écrit ou sous forme d’image et fixés sur un support »[31]. Il importe toutefois que le propos ne soit pas confidentiel[32]. En effet « non publique » ne signifie pas privée. En ce sens, le juge judiciaire précise que « les expressions diffamatoires visant une personne autre que les destinataires du message qui les contient ne sont punissables que si l’envoi a été fait dans des conditions exclusives d’un caractère confidentiel »[33]. Il en va de même en ce qui concerne l’injure[34] ou la provocation[35]. Ainsi, les propos susceptibles d’être sanctionnés par le droit ne doivent pas, d’une part, être prononcés dans un cadre strictement privé ou confidentiel[36] et doivent d’autre part démontrer, « la volonté de leur auteur qu’ils soient portés à la connaissance de tiers »[37]. Ainsi, par exemple, « dès lors qu’un courrier électronique n’est pas transmis en copie conforme à plusieurs autres destinataires, il conserve un caractère confidentiel qui empêche toutes poursuites sur le fondement de l’injure non publique »[38]. La protection de la correspondance privée empêche en effet que l’échange épistolaire strictement privé soit sanctionné par le droit. En revanche, l’échange de courriers, notamment électroniques, à plusieurs personnes sans lien entre elles, constitue un acte de publicité[39] ; tandis que l’échange de courriels à plusieurs personnes unies par une communauté d’intérêt peut constituer un acte qui n’est ni confidentiel, ni public mais qui est qualifiable de « non public ». Dans le deuxième cas de figure, cela suppose toutefois une liste de destinataires restreintes et un contrôle strict de l’accès au forum. Par ailleurs, l’objet doit avoir été clairement identifié, commun à tous les membres et une procédure sélective d’inscription doit exister[40]. De la même manière, les restrictions d’accès que peuvent connaître certains réseaux sociaux empêchent leur qualification en mode de communication publique mais il est possible de les qualifier, comme le soulignent certains auteurs, de mode de communication non publique[41]. Ces différences s’expliquent notamment par l’assimilation historique, mentionnée préalablement, de ce type d’infractions aux infractions de presse (dont l’objet n’était pas de sanctionner les propos strictement confidentiels). En ce sens, notons que bien que désormais réglementées par la partie réglementaire du Code pénal, la doctrine considère que « malgré cet emplacement ainsi que l’absence de caractère public, [ces] infraction[s] obéi[ssen] en tant que de raison au régime substantiel et procédural des infractions de presse et de la diffamation [et de l’injure] publique »[42]. Ainsi, la doctrine ne différencie que peu entre la nature des infractions à caractère public et celles qui concernent des propos non publics. Cela étant, la distinction met nécessairement en lumière une hiérarchie entre ces deux types d’infractions : alors que les infractions relatives à des propos publics sont des délits nécessairement réglementés par le législateur ; les infractions relatives à des propos non publics sont des contraventions qui tombent dans le domaine de compétence du gouvernement. Cette distinction manifeste ainsi une première gradation[43] : les propos publics sont plus sévèrement sanctionnés que les propos non publics. On peut dès à présent observer que cette gradation permet a priori de garantir de manière proportionnée la liberté d’expression des individus. Dès lors que le propos est strictement confidentiel, il ne tombe pas sous le coup des articles R625-7 CP. Dès lors que le propos ne saurait être entendu par des tiers, il est a priori couvert par le secret de la vie privée[44] (et in fine la liberté d’expression). Mais le droit pénal prévoit également une seconde gradation, distinguant les propos à caractère discriminatoire de ceux qui ne le sont pas. Et c’est sur cette seconde gradation qu’intervient le décret du 3 août 2017.
B. Du renforcement de la lutte contre les propos non publics discriminatoires
Depuis une loi de 2004, les injures, provocations et diffamations publiques à caractère discriminatoire sont plus sévèrement sanctionnées que celles dénuées d’un tel caractère[45]. Au regard de la gradation préalablement[46] mise en lumière, on peut alors résumer comme telle la hiérarchisation prévue par le droit pénal (de la plus sévèrement sanctionnée à la moins sévèrement sanctionnée) : (a) les propos publics discriminatoires ; (b) les propos publics non discriminatoires (c) les propos non publics discriminatoires ; (d) les propos non publics et non discriminatoires. Cette gradation est accentuée par le décret du 3 août 2017 qui renforce le dispositif de lutte contre la provocation, les injures et la diffamation non publiques à caractère discriminatoire. Elle s’observe tout d’abord par le déplacement des infractions relatives à la provocation, l’injure et la diffamation discriminatoires non publiques de la catégorie des contraventions de la quatrième classe à celles de la cinquième classe. Ainsi, « le décret a joué sur cette gamme de la classification des contraventions pour faire monter en puissance la répression des contraventions de diffamation et d’injure non publiques présentant un caractère discriminatoire ou raciste »[47]. L’amende passe en effet de 750 à 1500 euros[48]. Par ailleurs, le décret élargit les motifs de discrimination susceptibles de qualifier les infractions ayant trait à la profération de propos non-publics discriminatoires (infraction (c)) à l’identité de genre et à la « prétendu race » (1) et il crée une nouvelle sanction pour la pénaliser : le stage de citoyenneté (2).
1. L’élargissement des motifs de discrimination
Jusqu’en 2017, le droit pénal réprimait la provocation, l’injure non publique et la diffamation non publique « envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée […] ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ». Le décret du 3 août 2017 complète cette disposition. L’article R625-7 du Code pénal dispose désormais que la provocation, l’injure et la diffamation non publiques sont également des contraventions de cinquième classe lorsqu’elles sont prononcées « à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, ou de leur handicap ». Cette modification s’inscrit dans la lignée des réformes de 2012 et de 2016 qui remplacent les termes d’identité sexuelle par ceux d’identité de genre. En 2012, le législateur intègre en effet l’« identité sexuelle » au sein des motifs de discrimination prohibés par le Code pénal, le Code du travail et le statut général des fonctionnaires[49]. En 2016, le législateur prévoit – dans une perspective d’égalité – de sanctionner plus fortement les infractions fondées sur des motivations sexistes[50]. Cela s’illustre par la suite dans la loi de 2017 qui sanctionne la provocation, de la diffamation et de l’injure publiques discriminatoires en raison non plus de l’identité sexuelle, mais de l’identité de genre[51]. Le décret du 3 août 2017 ajoute ensuite, dans la partie réglementaire du Code pénal (ayant trait à la provocation, la diffamation et l’injure non publiques), ce motif de discrimination. Cet ajout, que ce soit dans la partie législative ou réglementaire du Code pénal, entend notamment lutter contre une confusion entre, « d’un côté, l’orientation sexuelle se rapportant à l’attirance émotionnelle, affective et sexuelle et, de l’autre, le genre entendu comme la perception par l’individu de son identité masculine ou féminine »[52]. En ce sens, la CNCDH notait dans son avis de 2013 que « le remplacement des termes “identité sexuelle” par ceux d’“identité de genre” permettrait de rectifier une terminologie inadéquate dans la mesure où elle contribue à alimenter la méconnaissance et les préjugés qui pèsent sur les personnes transidentitaires. Ainsi, dans l’article 225-1 du code pénal, comme dans l’ensemble des dispositions où ils ont été introduits, les termes d’identité sexuelle sont placés à côté de ceux d’orientation sexuelle (“orientation ou identité sexuelle”), ce qui renforce l’amalgame communément fait entre trans et homosexuels, alors même que, comme l’ont souligné les personnes auditionnées, la transidentité est une question d’identité et non de sexualité »[53] . Cela permettrait, en outre, selon la CNCDH, de rappeler que « la notion d’identité de genre se réfère quant à elle à une expérience intime et personnelle qui est indépendante de la morphologie des personnes »[54]. Elle ajoute que « l’“identité de genre” renvoie en effet à une perception et à un vécu intimes de soi déconnectés des déterminations physiologiques » avant de conclure qu’ « ainsi, parce qu’il permettrait une mise en conformité du droit national avec le droit européen, et parce qu’il accroîtrait la précision terminologique de la loi et contribuerait ainsi à une amélioration de la lutte contre les discriminations, la CNCDH soutient le principe de l’introduction dans la législation française de la notion d’ “ identité de genre” »[55]. Après la loi du 27 janvier 2017, le décret du 3 août 2017 prend lui aussi en compte la spécificité de « l’identité de genre », en fait un motif de discrimination susceptible d’aggraver les infractions de diffamation, d’injure et de provocation non publiques et ce, comme l’indique l’introduction dudit décret, « afin de mieux lutter contre la transphobie ».
Par ailleurs, il substitue également, « à la notion de race, qui n’est pas applicable aux êtres humains, celles de prétendue race, comme cela avait été fait dans les dispositions législatives du Code pénal par la loi du 27 janvier 2017 »[56]. Même si le mot « race » ne disparaît ici pas complètement, la modification introduite par le décret du 3 août 2017 s’inscrit dans une dynamique qui, depuis plusieurs années, cherche à supprimer cette occurrence dans les textes juridiques. Le mot « race » a été introduit en droit français par le décret-loi Marchandeau en 1939. L’objectif était alors de lutter contre la diffamation par voie de presse en raison de l’origine, la race ou la religion, dans un contexte de montée en puissance de l’antisémitisme en France[57]. Le mot est ensuite introduit dans l’article 1er du préambule de la Constitution de 1946[58], puis dans l’article 1er de la constitution de 1958[59]. L’introduction de ce terme « s’inscrit dans une période marquée par la fin de la Seconde Guerre mondiale et par l’abrogation du régime de l’indigénat dans les colonies françaises […]. Elle […] procède d’une démarche de rupture avec les régimes juridiques attentatoires aux droits fondamentaux […] Il s’agissait [ainsi] de nommer le mal pour mieux le combattre »[60]. À partir des années 1990, on observe cependant un certain nombre de tentatives pour supprimer le mot « race » des textes juridiques. En 2013, François Hollande déclarait d’ailleurs vouloir supprimer ce mot de la Constitution française[61]. S’en suit notamment une proposition de loi « tendant à la suppression du mot “race” de notre législation »[62]. Les arguments en faveur de cette suppression sont principalement de trois ordres[63]. En premier lieu, les parlementaires invoquent l’inexistence scientifique du mot race. Selon eux, « l’emploi du mot race, même pour dénoncer les discriminations reviendrait à admettre l’existence d’un concept scientifiquement erroné »[64]. En second lieu, ils considèrent que « la présence du terme race dans des textes visant à combattre le racisme, serait incohérente en ce qu’elle offre une légitimation au discours raciste »[65]. En troisième lieu, ils considèrent qu’il s’agit d’une forme d’interdiction morale et qu’il n’est pas politiquement correct[66] d’utiliser ce terme. Cependant, aucune tentative n’aboutit. La suppression du terme race soulève en effet des difficultés : elle « fragilise l’édifice de lutte contre les discriminations, complexifie davantage l’appréhension juridique de la discrimination raciale »[67]. Qui plus est, comme le dit Danièle Lochak, « supprimer le mot “race” […] n’éradiquera pas le racisme »[68], de la même manière que ce n’est pas le « mot “race” dans les textes qui alimente le racisme »[69]. Par ailleurs, la « race » peut être pensée comme une catégorie historiquement et socialement construite[70].Or, la prise en compte de cette construction peut être fortement utile à sa déconstruction et à la lutte contre le racisme.
Certains auteurs « regrettent l’absence de développement de cette justification, a fortiori en constatant que le terme “race” demeure dans quantité d’autres textes […] »[71]. Cependant, au regard de ces différents éléments, l’usage des termes « prétendue race » peut alors apparaître comme un compromis entre, d’une part, la suppression totale du terme race qui suscite, on l’a dit, des difficultés et, de l’autre, la volonté politique de certains acteurs de mettre en lumière l’absence de fondement scientifique, biologique ou ontologique à cette catégorie. Il en va de même en ce qui concerne les propos publics puisque la loi de 2017 procède à la même modification. C’est donc une approche subjectiviste qui semble désormais l’emporter en ce qui concerne la lutte contre la diffamation, la provocation et l’injure non publiques racistes : il n’existe certes aucune race d’un point de vue objectif (scientifique, biologique ou ontologique), mais dès lors que certaines personnes se fondent, de manière subjective, sur cette croyance pour prononcer des propos sanctionnables, le droit pénal accepte alors l’existence d’une « prétendue race ». À la différence des mesures visant à supprimer définitivement l’occurrence du mot dans les textes juridiques, le décret du 3 août 2017, à l’instar de la loi du 27 janvier 2017, admet toutefois que la race existe a minima dans la tête de ceux qui prononcent des propos racistes. Cette modification peut être lue comme cherchant, à l’instar des tentatives visant à supprimer le terme des textes juridiques, comme une mesure « teintée d’idéalisme républicain »[72] en ce qu’elle cherche à « disqualifier le mot “race” pour éradiquer le racisme »[73]. L’idéologie républicaine portée par le décret se retrouve par ailleurs également dans la nouvelle sanction prévue pour punir la provocation, l’injure et la diffamation discriminatoires non publiques – en miroir de la loi du 27 janvier 2017 qui la crée également pour sanctionner de tels propos lorsqu’ils sont cette fois prononcés de manière publique – à savoir le stage de citoyenneté.
2. L’augmentation des sanctions applicables
Le décret du 3 août 2017 ajoute dans les peines prévues en cas d’injure, de provocation et de diffamation discriminatoires non publiques « les peines complémentaires suivantes : le travail d’intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures ; l’obligation d’accomplir, le cas échant à ses frais, un stage de citoyenneté »[74]. Le stage de citoyenneté a été créé par la loi du 9 mars 2004, dite Perben II[75]. Il s’inscrit dans les mesures « dites collectives »[76], à l’instar du stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de stupéfiants[77] ou de responsabilisation parentale[78]. Il s’agit de substituer à une peine strictement rétributive une peine plus pédagogique et plus collective en ce qu’elle cherche à apprendre à l’individu les règles du « vivre ensemble ». Comme l’indiquent les textes, l’objectif de cette sanction est en effet « l’apprentissage des valeurs de la République et des devoirs du citoyen »[79]. Plus exactement, elle entend « rappeler au condamné les valeurs républicaines de tolérance et de respect de la dignité de la personne humaine et de lui faire prendre conscience de sa responsabilité pénale et civile ainsi que des devoirs qu’implique la vie en société. Il vise également à favoriser son insertion sociale »[80]. L’égalité entre les personnes est donc très clairement réaffirmée par le droit pénal comme une valeur républicaine. La peine de stage de citoyenneté est pensée comme poursuivant un « objectif éducatif et de responsabilisation de la personne mise en cause »[81] : éducation et responsabilisation aux valeurs républicaines sont ainsi au fondement du stage de citoyenneté. L’article R131-35 du Code pénal précise, en outre, que « lorsqu’il concerne une personne condamnée pour une infraction commise avec la circonstance aggravante prévue par l’article 132-76, il rappelle en outre à l’intéressé l’existence des crimes contre l’humanité, notamment ceux commis pendant la Seconde Guerre mondiale ». L’article 132-76 du Code pénal dispose, quant à lui, que « lorsqu’un crime ou un délit est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée, soit établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l’une de ces raisons, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ». Partant, dès lors que la provocation, l’injure ou la diffamation non publique est discriminatoire et que la peine de stage de citoyenneté est prononcée, l’auteur se verra rappeler l’existence des crimes contre l’humanité et ceux commis pendant la Seconde guerre mondiale. Ce rappel est intéressant puisqu’il n’est pas sans faire écho aux raisons pour lesquelles le terme « race » est dans un premier temps apparu dans le droit français. Le stage entend ainsi « créer les conditions d’une reprise de dialogique avec les institutions et les membres de la société civile ainsi que de prévenir la récidive ou la réitération de l’infraction »[82]. Il est toutefois difficile de mesurer, pour le moment, l’efficacité concret d’un tel dispositif.
Le décret du 3 août 2017 (dans la lignée de la loi du 27 janvier 2017) peut ainsi être lu comme marquant un renforcement du dispositif de lutte contre la provocation, l’injure et la diffamation discriminatoires non publiques. Un tel renforcement suppose nécessairement que la liberté d’expression des personnes soit limitée. Le Conseil d’État a néanmoins considéré que l’atteinte à la liberté d’expression engendrée par ce décret était proportionnée à l’objectif de protection des tiers poursuivi par ledit décret.
II. La légalité du décret visant au renforcement de la lutte contre la provocation, la diffamation ou l’injure non publiquE
Pénaliser l’expression de certains propos limite nécessairement la liberté d’expression de son auteur. C’est précisément l’un des arguments qui était invoqué devant le Conseil d’État par les requérants qui souhaitaient faire annuler le décret du 3 août 2017 considéré comme portant, entre autres, atteinte à la liberté d’expression[83]. Ce dernier juge cependant l’atteinte proportionnée à l’objectif poursuivi. De manière générale, il juge le décret à la fois conforme aux exigences du droit européen des droits de l’homme (A) et du droit interne français (B).
A. La conformité du dispositif réglementaire de renforcement de la lutte contre la provocation, la diffamation ou l’injure non publique au droit européen
Le Conseil d’État était invité à se prononcer à la fois sur la conformité du décret à l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme relative à la liberté d’expression et à l’article 7 de ladite Convention relatif principe de légalité des délits et des peines.
Sur le premier point, le Conseil d’État juge le 11 juillet 2018 que « l’élargissement des infractions de provocation non publique à la discrimination, à la haine et à la violence à l’égard d’une personne ainsi que de diffamation et d’injure non publiques au cas où celles-ci sont commises en raison de l’identité de genre de la victime et le passage, pour les deux dernières, de la catégorie des contraventions de quatrième classe à celle de cinquième classe ne fixent à la liberté d’expression, notamment protégée par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que des limites nécessaires et proportionnées à la défense de l’ordre, au respect de la liberté et de la vie privée des personnes, ainsi qu’à celui de l’égalité entre les personnes »[84]. Le juge exerce ici un contrôle de proportionnalité (comme l’indiquent les termes « nécessaires et proportionnées ») dans le cadre du contrôle de conventionnalité mais le Conseil d’État ne mentionne que peu d’éléments factuels visant à expliquer les raisons pour lesquelles il juge l’atteinte proportionnée à l’objectif recherché par la pénalisation. On peut toutefois déduire certains de ces éléments puisque le juge se réfère à la fois à la défense de l’ordre, au respect de la liberté et de la vie privée, ainsi qu’au principe d’égalité. En premier lieu, on peut supposer que la défense de l’ordre est concernée, car la diffusion de propos provocants, injurieux ou diffamatoires discriminatoires peut être considérée comme susceptible de provoquer des troubles à l’ordre public, en ce qu’elle provoque de l’animosité entre les personnes. En second lieu, on peut considérer que le respect de la liberté et de la vie privée des personnes n’est pas atteint de manière disproportionnée, car la pénalisation étant limitée aux propos non confidentiels, les personnes disposent toujours de la possibilité d’exprimer de manière confidentielle leur opinion raciste, homophobe ou sexiste. En dernier lieu, il semble que le respect de l’égalité est concerné, car la diffusion de propos provocants, injurieux ou diffamatoires discriminatoires suppose que les personnes visées par les propos discriminatoires sont considérées comme inférieures aux autres individus. Cependant, ces différentes explications ne sont pas explicitées par le juge. Ce dernier semble malgré tout prendre en compte le droit européen. En effet, son raisonnement semble structuré conformément aux exigences du droit européen. Il est vrai que la Cour considère que la « liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels de pareille société, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10 (art. 10-2), elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique ». Il en découle notamment que toute « formalité », « condition », « restriction » ou « sanction » imposée en la matière doit être proportionnée au but légitime poursuivi »[85]. Cette question, le juge administratif ne la mentionne nullement. Malgré tout, la Convention précise bien dans son article 10 alinéa 2 que « l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ». Or, il s’agit en l’espèce précisément d’un décret qui entend protéger l’ordre, la réputation et les droits d’autrui, comme l’indique clairement le Conseil d’État. Même s’il n’explicite que peu, ici comme ailleurs, les tenants et les aboutissants de son contrôle de proportionnalité, ce dernier apparaît structuré autour des exigences de proportionnalité du droit européen[86].
Sur le second point, le Conseil d’État considère que le décret ne porte pas non plus atteinte à l’article 7 de la Convention européenne duquel découle notamment le principe de légalité des délits et des peines. En effet, le juge devait répondre à l’argument selon lequel les termes « d’identité de genre » et « d’orientation sexuelle » étaient trop imprécis pour pouvoir servir de fondements à une sanction pénale. Le juge considère cependant que la notion de genre « vise le genre auquel s’identifie une personne, qu’il corresponde ou non au sexe indiqué sur les registres de l’état civil ou aux différentes expressions de l’appartenance au sexe masculin ou au sexe féminin ». Partant, même si le genre n’est pas expressément défini par les textes de droit positif interne, le Conseil d’État estime que la définition du terme est claire et précise. Pour ce faire, il reprend mot pour mot les termes du Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 janvier 2017 relative à la loi sur l’égalité et la citoyenneté[87] (celle-là même qui instaure la notion d’identité de genre dans le Code pénal). Peut-être reprend-il aussi implicitement les justifications du Conseil constitutionnel qui considère que « les termes d’“identité de genre”, qui figurent d’ailleurs à l’article 225-1 du code pénal dans sa version issue de la loi du 18 novembre 2016 mentionnée ci-dessus, sont également utilisés dans la convention du Conseil de l’Europe du 12 avril 2011 et dans la directive du 13 décembre 2011 mentionnées ci-dessus »[88].
Selon le Conseil d’État, le décret est donc conventionnel, de la même manière qu’il est conforme au droit interne.
B. La conformité du dispositif réglementaire de renforcement de la lutte contre la provocation, la diffamation ou l’injure non publique au droit interne français
Les requérants faisaient valoir que le décret était à la fois susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée et au principe d’égalité.
Sans particulièrement s’attarder sur cette question, le Conseil d’État considère que le « décret attaqué ne porte pas une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée en tant qu’il range dans la catégorie des contraventions de la cinquième classe les infractions de diffamation et d’injure non publiques qui ne concernent les propos ou écrits exprimés en dehors des lieux ou réunions publics qu’à la condition d’avoir été tenus ou diffusés dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel »[89]. Ce moyen traduisait, comme le souligne une auteure, « le sentiment d’une intrusion répressive croissante dans la sphère privée »[90], la liberté d’expression pouvant être perçue comme « toujours plus étriquée »[91]. Mais comme l’auteure le note, « il le faisait non sans une certaine maladresse »[92], dans la mesure où il ne s’agissait pas ici de propos strictement confidentiels. Exerçant là aussi un contrôle de proportionnalité – puisqu’il se réfère au caractère « non excessif » de l’atteinte -, le juge considère que, dans la mesure où les termes « non public » ne signifient pas « privé », il n’est pas excessif de pénaliser les propos diffamatoires ou injurieux dès lors qu’ils sont susceptibles d’être entendus par des tiers.
Par ailleurs, il écarte, de manière encore plus concise, l’argument au regard duquel le décret attaqué méconnaîtrait le principe d’égalité entre personnes croyantes et personnes athées en rangeant désormais les infractions concernées dans les contraventions de la cinquième classe. Ce moyen ne peut, selon lui, qu’être écarté dans la mesure où les motifs visés incluent la non-appartenance à une religion. En effet, ne sont pas seulement plus durement sanctionnées les injures, les provocations ou les diffamations discriminatoires en raison des croyances d’une personne mais également les propos discriminatoires proférés en raison des non-croyances d’une personne ; raison pour laquelle le décret ne méconnaît pas le principe d’égalité.
Après la validation constitutionnelle du dispositif visant à renforcer la lutte contre la provocation, la diffamation et l’injure publiques discriminatoires, c’est au tour du dispositif visant à renforcer la lutte contre la provocation, la diffamation et l’injure non publiques d’être validé. Même s’il opère par la voie contraventionnelle, sans que le législateur ne se soit saisi de cette question, le droit français tend à durcir le dispositif répressif des propos injurieux ou diffamatoires non publics et discriminatoires. Par cette occasion, le droit français manifeste, en toute discrétion[93], son attachement à une conception modérée de la liberté d’expression qui n’englobe pas la protection des propos racistes ou discriminatoires, même s’ils n’entrent pas dans le champ des infractions de presse, qu’ils ne sont pas publiquement diffusées.
[1] Loi n°2017-46 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Voir aussi, GUILLOU M., « Tour d’horizon des dispositions de la loi Egalité et citoyenneté », AJCT, 2017, p. 6. BELLESCIZE (de) D., « La loi égalité et citoyenneté et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse », Constitutions, 2017, p. 127. Voir aussi, CNCDH, Avis sur le projet de loi « Egalité et citoyenneté », 28 janvier 2017, n°67.
[2] Le décret n° 2017-1230 du 3 août 2017 relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire renforce le dispositif de lutte contre ces infractions, ce qui limite, partant, la liberté d’expression des auteurs d’éventuels propos (cf. infra).
[3] SOS homophobie, Rapport sur l’homophobie, 2017. Voir aussi, AZOULAY W., « Du renforcement des infractions de diffamation et d’injures non publiques à leur élargissement », Dalloz actualité, 20 septembre 2017.
[4] SOS homophobie, Rapport sur l’homophobie, 2017, p. 7.
[5] SOS homophobie, Rapport sur l’homophobie, 2018, p. 7-8.
[6] CNCDH, Les essentiels du rapport sur la lutte contre le racisme, 2017, p. 24.
[7] LASSALLE J.Y., « Provocation », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, novembre 2016 (actualisation novembre 2017), §1.
[8] Article 29 de la loi du 29 juillet 1881.
[9] Ibid.
[10] Pour les propos non publics : R624-3 CP (pour la diffamation) et R624-4 CP (pour l’injure) – version antérieure à 2005. Pour les propos publics : Article 32 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 (pour la diffamation) ; article 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 (pour l’injure) ; article 24 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 (pour la provocation).
[11] Pour les propos non publics : Décret n° 2005-284 du 25 mars 2005 relatif aux contraventions de diffamation, d’injure et de provocation non publiques à caractère discriminatoire et à la compétence du tribunal de police et de la juridiction de proximité. Pour les propos publics : Loi 2004-1343 2004-12-09 art. 13 1° JORF 10 décembre 2004.
[12] Ce décret qui durcit notamment le dispositif contraventionnel applicable à ces infractions peut en effet être perçu comme « opèrant une migration aggravante des infractions de diffamations et d’injures non publique » (AZOULAY W., « Du renforcement des infractions de diffamation et d’injures non publiques à leur élargissement », Dalloz actualité, 20 septembre 2017).
[13] Article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
[14] Ibid.
[15] Article 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
[16] Article 170 de loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.
[17] Article 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
[18] CC., chambre criminelle, 10 octobre 1974, no 73-92.337 , Bull. crim. no 290, sur le fondement de l’ancien article R26-11 du Code pénal. Voir aussi, CC, 24 octobre 2002, n°010029.
[19] Article 23 de la loi 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, JO 30 juillet 1981. Cette disposition concerne la provocation, mais l’article 30 relatif à la diffamation renvoie aux moyens énoncés par l’article 23, à l’instar de l’article 33 en ce qui concerne l’injure.
[20] Article 2 de la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972.
[21] Article 2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004.
[22] LASALLE J.Y., « Provocation », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, novembre 2016 (actualisation août 2017), n°28.
[23] Décret n°58-1303 du 23 décembre 1958 modifiant diverses dispositions d’ordre pénal en vue d’instituer une cinquième classe de contraventions de police
[24] Loi n° 72-546 du 1 juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme.
[25] Même si la jurisprudence estime en 1974 que cette infraction reste soumise au régime de la loi du 29 juillet 1881, « tant en ce qui concerne ses éléments constitutifs qu’en ce qui concerne les modalités de la poursuite » – voir, COURTIN C., « Contravention », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Mars 2010 (actualisation : Janvier 2012) ; voir aussi, CC., chambre criminelle, 22 mai 1974, Bull. crim. no 290, D. 1975. 128, note J. Foulon-Piganiol, JCP 1975. II. 18019
[26] Décret du 29 mars 1993, JORF 26 février 1994, p. 3200. Voir aussi, COURTIN C., « Contravention », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, mars 2010 (actualisation janvier 2012), n°126.
[27] Voir aussi, DETRAZ S., « Diffamation », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Octobre 2017 (actualisation : Février 2019)
[28] L’injure non publique est réglementée par la partie règlementaire depuis une loi n°72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme. Voir aussi, COURTIN C., « Contravention », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, mars 2010 (actualisation janvier 2012), n°124.
[29] DREYER E., « Injures publiques et non publiques », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, octobre 2016 (actualisation août 2017), n°294.
[30] Ibid, n°296 ; DETRAZ S., « Diffamation », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, octobre 2017 (actualisation septembre 2018), n°153. Voir aussi Cass. Crim., 11 mai 1999, n°9782575.
[31] Ibid.
[32] DETRAZ S., « Diffamation », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, octobre 2017 (actualisation septembre 2018), n°154.
[33] Cass. Crim., 12 avril, 2016, no 1486176. Voir aussi, Cass. Crim., 7 mai 2018, n°16-85035.
[34] DREYER E., « Injures publiques et non publiques », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, octobre 2016 (actualisation août 2017), n°302.
[35] LASALLE J.Y., « Provocation en matière d’infractions contre les personnes », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, novembre 2016 (actualisation août 2017).
[36] Cass. Crim., 25 juin 1963, n°6193778.
[37] Cass. Crim., 12 avril 2016, n°1486176.
[38] DREYER E., « Injures publiques et non publiques », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Octobre 2016 (actualisation : Août 2017)
[39] Crim. 6 janv. 2015, D. 2016. Pan. 282, obs. E. Dreyer. – Crim. 28 avr. 2009, Dr. pénal 2009. Comm. 105, obs. M. Véron ; CCE 2009. Comm. 102, obs. A. Lepage.
[40] Emmanuel DREYER, « Injures publiques et non publiques », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Octobre 2016 (actualisation : Août 2017).
[41] Ibid. Voir aussi, PIERROUX E, « Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux : petites injures entre » amis »», Gaz. Pal. 2-3 déc. 2015, p. 4.
[42] DETRAZ S., « Diffamation », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Octobre 2017 (actualisation : Février 2019), se référant à LEPAGE A, Le code pénal et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, in MALABAT V, LAMY B., et GIACOPELLI M. [dir.], La réforme du code pénal et du code de procédure pénale. Opinio doctorum, 2009, coll. Thèmes et Commentaires, Dalloz, p. 135) ; la Cour de cassation juge en effet que « la diffamation ne change pas de caractère lorsqu’en l’absence de publicité, elle dégénère en contravention ».
[43] LEPAGE A., « Provocations, diffamations et injures non publiques. Le décret n°2017-1230 du 3 août 2017 relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire devant le Conseil d’Etat », Communication commerce électronique, n°11, novembre 2018, comm. 84.
[44] Sur ce point, voir, Tribunal de Proximité de Dieppe, 16 janvier, 2004, Dalloz, 2004, p. 541.
[45] Lorsque tel n’est pas le cas, voir les articles R621-1 et R621-2 CP : «la diffamation non publique [commise] envers une personne est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1re classe.La vérité des faits diffamatoires peut être établie conformément aux dispositions législatives relatives à la liberté de la presse. […] L’injure non publique envers une personne, lorsqu’elle n’a pas été précédée de provocation, est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1re classe »
[46] Cf. supra (I ; A).
[47] LEPAGE A., « Provocations, diffamations et injure non publiques. Le décret n°2017-1230 du 3 août 2017 relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire devant le Conseil d’Etat », Communication commerce électronique, n°11, novembre 2018, comm. 84.
[48] On retrouve donc désormais comme suit les quatre degrés de gravité mentionnés précédemment : (a) les injures, provocations et diffamations publiques discriminatoires qui entrent dans la catégorie des délits (b) les injures, provocations et diffamations publiques non discriminatoires qui entrent dans la catégorie des délits; (c) les injures, provocations et diffamations non publiques discriminatoires qui entrent dans la catégorie des contraventions de cinquième classe ; (d) les injures, provocations et diffamations non publiques non discriminatoires qui entrent dans la catégorie des contraventions de première classe. Voir aussi, AZOULAY W., « Du renforcement des infractions de diffamation et d’injures non publiques à leur élargissement », Dalloz actualité, 20 septembre 2017.
[49] Article 4 de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel. Voir aussi, FONDIMARE E., L’impossible indifférenciation. Le principe d’égalité dans ses rapports à la différence des sexes, Thèse de doctorat en droit public, Université Paris-Nanterre, 2018§751
[50] Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Voir aussi, FONDIMARE E., L’impossible indifférenciation. Le principe d’égalité dans ses rapports à la différence des sexes, Thèse de doctorat en droit public, Université Paris-Nanterre, 2018, §639.
[51] Article 171 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, modifiant l’article 132-77 du Code pénal ; Article 207 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.
[52] FONDIMARE E., L’impossible indifférenciation. Le principe d’égalité dans ses rapports à la différence des sexes, Thèse de doctorat en droit public, Université Paris-Nanterre, 2018, §751. Voir aussi, l’intervention de Sergio Coronado, lors de la séance du 24 juillet 2012 à l’Assemblée nationale, p. 2376.
[53] CNCDH, Avis sur l’identité de genre et sur le changement de la mention de sexe à l’état civil, 2013, §12.
[54] Ibid, §13.
[55] Ibid., §15.
[56] Introduction du décret du 3 août 2017.
[57] DREYER E., « Injures publiques et non publiques », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, octobre 2016 (actualisation : août 2017), n°48.
[58] « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».
[59] « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».
[60] BADA S.L., « Disparition du mot « race » de la loi : de l’(in)opportunité de la proposition de loi visant à la suppression du mot « race » de notre législation », ADL, juin 2013.
[61] Ibid.
[62] Proposition de loi tendant à la suppression du mot « race » de notre législation, 16 mai 2013, n°139.
[63] BADA S.L., « Disparition du mot « race » de la loi : de l’(in)opportunité de la proposition de loi visant à la suppression du mot « race » de notre législation »., ADL, juin 2013.
[64] Ibid.
[65] Ibid.
[66] Ibid.
[67] Ibid.
[68] LOCHAK D., « Supprimer le mot race de la Constitution n’éradiquera pas le racisme », entretien avec Carine Fouteau, Mediapart, 19 mars 2012.
[69] LOCHAK D., « Ce n’est pas le mot race dans les textes qui alimente le racisme », entretien par François Béguin, Le Monde du 17 mai 2103 :«Était-il nécessaire de faire disparaître le mot « race » de la législation ?Je suis partagée. D’un côté, les mots ne sont pas neutres. Utiliser un terme – a fortiori dans un contexte juridique – peut lui donner une certaine légitimité : on peut donc comprendre le souhait d’éliminer le mot « race » des textes de loi.D’un autre côté, dans tous les contextes où ce mot apparaît, c’est sur le mode de la dénégation, pour disqualifier les actes et les propos racistes, il est donc difficile d’en tirer la conséquence que les « races » existeraient […] ».
[70] Voir notamment DORLIN E., Sexe, race et classe : pour une épistémologie de la domination, Paris, PUF, 2009.
[71] AZOULAY W., « Du renforcement des infractions de diffamation et d’injures non publiques à leur élargissement », Dalloz actualité, 20 septembre 2017.
[72] BADA S.L., « Disparition du mot « race » de la loi : de l’(in)opportunité de la proposition de loi visant à la suppression du mot « race » de notre législation »., ADL, juin 2013.
[73] Ibid.
[74] Article 1 du décret n°2017-1230 du 3 août 2017 relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire.
[75] Loi n°2004-204 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004.
[76] GERMAIN G., LASSALLE S., « Stage de citoyenneté : une mesure inégale ? », AJ Pénal, 2014, p. 467.
[77] Loi n°2007-297 du 5 mars 2007.
[78] Loi n°2007-297 du 5 mars 2007.
[79] Article 131-5-1 Code pénal.
[80] Article R131-35 Code pénal.
[81] GERMAIN G., LASSALLE S., « Stage de citoyenneté : une mesure inégale ? », AJ Pénal, 2014, p. 467.
[82] GERMAN G., LASSALLE S., « Stage de citoyenneté : une mesure inégale ? », AJ Pénal, 2014, p. 467.
[83] CE, 11 juillet 2018, n°414819.
[84] CE, 11 juillet 2018, n°414819, §7.
[85] CEDH, Handyside contre Royaume-Uni, 7 décembre 1976, n°5493/72.
[86] Voir notamment, SAUVE J.M., « Le principe de proportionnalité, protecteur des libertés », 17 mars 2017, disponible sur http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours-Interventions/Le-principe-de-proportionnalite-protecteur-des-libertes.
[87] Conseil constitutionnel, n°2016-745, 26 janvier 2017, § 89. Voir sur cette décision, MONTECLER (de) M.C., « Le conseil constitutionnel fait le ménage dans la loi Egalité citoyenneté », Dalloz actualité, 1 février 2017.
[88] Conseil constitutionnel, n°2016-745, 26 janvier 2017, § 89.
[89] CE, 11 juillet 2018, n°414819, considérant 5.
[90] LEPAGE A., « Provocations, diffamations et injures non publiques. Le décret n°2017-1230 du 3 août 2017 relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire devant le Conseil d’Etat », Communication commerce électronique, n°11, novembre 2018, comm. 84.
[91] Ibid.
[92] Ibid.
[93] LEPAGE A., « Provocations, diffamations et injures non publiques. Le décret n°2017-1230 du 3 août 2017 relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire devant le Conseil d’Etat », Communication commerce électronique, n°11, novembre 2018, comm. 84 : « Le décret […] n’a pas fait un bruit considérable ».