La subversion du droit par les idées d’extrême droite : les nouvelles lois scélérates
Au regard de l’altération progressive de nombreux régimes de libertés, notamment en matière pénale et politique, la crise idéologique essuyée par les droits humains et les libertés fondamentales devient peu à peu législative. À la lumière de reculs successifs et d’un enchaînement de compromissions avec les valeurs républicaines, la notion de scélératesse qui avait été utilisée à la fin du XIXème siècle par une partie de la doctrine pour qualifier un ensemble de trois lois adoptées afin de lutter contre le terrorisme et les mouvements anarchistes, semble malheureusement à nouveau pertinente. Elle permet d’illustrer la tendance autoritaire et illibérale du droit actuel et le glissement vers une démocratie de faible intensité1
Par Yannick Lécuyer, Maitre de conférences en droit public HDR, Membre associé de l’IREDIES (EA 4536), Collaborateur de la Fondation René Cassin
« O du Ausgeburt der Hölle !
Soll das ganze Haus ersaufen ?
Seh’ ich über jede Schwelle
doch schon Wasserströme laufen.
Ein verruchter Besen,
der nicht hören will !
Stock, der du gewesen,
steh doch wieder still ! »
(Johann Wolfgang von Goethe,
Der Zauberlehrling, 1797)
La crise essuyée par les droits humains et les libertés fondamentales, mise en exergue par de nombreux auteurs dont Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère, n’est plus seulement idéologique2. Au regard de l’altération de plusieurs libertés par de nombreuses lois, elle est désormais devenue législative. A la faveur des états d’urgence successifs et de l’impératif de lutte contre le terrorisme, la phénoménologie juridique rattrape doucement la phénoménologie politique.
Peu à peu, les thématiques illibérales, nationalistes et identitaires gagnent du terrain et laissent une empreinte de plus en plus évidente dans l’ordonnancement juridique. Les premières brèches ont été ouvertes par Nicolas Sarkozy à partir de 2002 depuis la place Beauvau avec une accélération très nette dès son installation à l’Elysée en 2007. Sous prétexte de lutter contre l’extrême droite puis de partir à la reconquête de son électorat, notamment populaire, ses successeurs et lui ont contribué à une banalisation des thématiques puis la prospérité politique de celle-ci3. On se souviendra du refus de l’ancien Président de la République de diaboliser les électeurs frontistes, de la création du ministère de l’immigration et de l’identité nationale dès 2007 ou de l’organisation du débat sur l’identité nationale littéralement destiné à séduire les personnes sensibles aux messages de l’extrême droite4. La multiplication des rapprochements programmatiques entre le Rassemblement national, ex-Front national et Les Républicains interrogent. La droite traditionnelle s’est transformée en droite décomplexée qui emprunte de plus en plus souvent les éléments de langage et les positions du Rassemblement national. L’élection d’Éric Ciotti à la tête des Républicains est une manifestation évidente de ce glissement problématique de tout le champ politique. Sous le mandat François Hollande, on discerne les mêmes obsessions anti-immigration et sécuritaire incarnées par Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve à l’occasion des débats relatifs à la déchéance de nationalité ou à la constitutionnalisation de l’état d’urgence5. Quant à Emmanuel Macron, on se souviendra de la tentative de la Ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, de confier une enquête au CNRS sur l’« islamo-gauchisme à l’université », rhétorique d’extrême droite calquée sur celle qui avait présidé en d’autres temps à la formation du terme « judéo-bolchévisme »6. On notera aussi le recadrage de la Première ministre Elisabeth Borne pour avoir qualifié le Rassemblement national d’héritier de Pétain. Il est révélateur d’une nouvelle stratégie risquée : ne pas heurter trop explicitement les électeurs tentés par l’extrême droite comme si la confrontation directe avec les théories nationalistes, identitaires et l’ultra-droite était vouée à l’échec7.
Dans son ouvrage « La grande confusion », le sociologue Philippe Corcuff dissèque les processus qui ont conduit à la victoire intellectuelle de l’extrême droite en France8. Déjà en 2016, Daniel Lindenberg écrivait : les mots d’extrême droite, « parfois identiques à ceux qui fleurissaient au Front National ou bien auparavant dans la tradition maurrassienne ininterrompue malgré les apparences (…) ont été introduits en contrebande dans le discours politique et idéologique mainstream (…). La conclusion aujourd’hui est sans appel : la pensée réactionnaire (…) a largement gagné la bataille des idées »9. De fait, de nombreuses propositions du Rassemblement national – primat de la sécurité et de l’ordre publics, liaison entre immigration et terrorisme, etc…, se sont imposées dans le débat public via les partis politiques républicains puis, mécaniquement, se sont invités dans la loi elle-même.
Dans ce contexte, la notion de scélératesse associées à une série de trois lois adoptées à la fin du XIXème siècle, semble à nouveau pertinente pour illustrer la tendance autoritaire et illibérale du droit actuel. Historiquement, ces lois scélérates avaient été votées afin de lutter contre les mouvements anarchistes et la multiplication des attentats commis ou revendiqués par ceux-ci10. Le label est doctrinal. L’expression a été utilisée pour la première fois dans un article de 1899 coécrit par Francis de Pressensé, Léon Blum (sous couvert d’anonymat) et Émile Pouget, « Les lois scélérates de 1893–1894 »11. L’adjectif « scélérates » a également été utilisé par une partie de la doctrine pour désigner rétrospectivement les ordonnances du 25 juillet 1830, dites ordonnances de Saint Cloud, qui marquent la fin de la restauration12.
La première loi, adoptée le 12 décembre 1893 portait modification des articles 24 § 1, 25 et 49 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Elle permettait de poursuivre la provocation indirecte, c’est à dire l’apologie, des crimes de meurtre, de pillage, d’incendie, de vol, de destruction ou de détérioration d’un objet mobilier ou un bien immobilier appartenant à autrui par l’effet d’une substance explosive ou incendiaire ou d’un incendie. Le seul fait d’imaginer la commission d’une infraction était réprimé en absence même de tout acte ou commencement d’exécution. Pour Antonin Dubost, Garde des sceaux co-initiateur de la loi avec le Président du Conseil Casimir Périer, contrairement à la provocation directe, c’est-à-dire le conseil donné de commettre un crime, ce nouveau délit visait « la glorification des prétendus héros de l’anarchie donnés en exemple à des esprits faibles et dévoyés, qu’on dirige ainsi, plus lentement mais plus sûrement, vers le but qu’on se propose, et auquel on ne les aurait peut-être pas conduits par une provocation trop directe et trop violente »13. Il s’agissait, selon l’expression employée par le Procureur général Bertrand lors du procès d’Auguste Vaillant, de punir, les « complices moraux » des actes visés14. La loi introduisait en outre des peines plus sévères, la possibilité de détention provisoire, et autorisait les tribunaux à saisir, confisquer et détruire les écrits, imprimés, placards ou affiches litigieux.
La deuxième loi, en date du 18 décembre 1893, était consacrée aux associations de malfaiteurs. Elle instituait tout d’abord un crime contre la paix constitué par toute entente établie dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les propriétés. Les peines prévues étaient les travaux forcés à temps à titre principal et la relégation à titre accessoire. Elle punissait ensuite quiconque était déclaré coupable d’avoir sciemment et volontairement favorisé les auteurs de ce nouveau crime en leur fournissant des instruments, des moyens de correspondance, un logement ou un lieu de réunion. Dans cette hypothèse, la réclusion pouvait, le cas échéant, s’accompagner d’une interdiction de séjour à temps ou à vie. Enfin, la loi du 18 décembre incitait ouvertement à la délation en exemptant de peine les personnes qui dénonçaient aux autorités l’existence d’entente ou d’association criminelle auxquelles ils avaient participé.
La troisième et dernière loi, celle du 28 juillet 1894, visait les « menées anarchistes ». Elle établissait une compétence spéciale des tribunaux de police correctionnelle en matière de propagande anarchiste. Son article 3 prévoyait aussi la faculté d’une peine de relégation tandis que l’article 4 empêchait toute diminution de la durée de la peine prononcée. Pour finir, l’article 5 autorisait au nom de l’ordre public les tribunaux à interdire, en tout ou partie, la reproduction des débats.
Cent-trente années plus tard, ces trois lois ne sont toujours pas anodines. Théoriquement, elles illustrent la capacité d’un régime républicain à prendre « au besoin » de la distance avec les libertés qui en constituent le noyau15. En pratique, elles ont tenu leurs promesses en servant de levier aux tentations autoritaires et conservatistes de plusieurs gouvernements des troisième, quatrième et cinquième républiques. De plus, leur utilisation n’a pas été cantonnée à la lutte contre les mouvements anarchistes. Elles ont servi à juguler, directement ou indirectement par la peur qu’elles inspiraient, l’activité et la propagande de nombreux mouvements contestataires même modérés, le plus souvent dans le spectre gauche du paysage politique, cristallisant une défiance chronique entre l’Etat et ces derniers16. Les différents troubles politiques qui ont parsemés l’histoire coloniale française, guerre du Rif (1925-1927) et bien évidemment guerre d’Indochine (1946-1954) et guerre d’Algérie (1954-1962), ont fourni d’autres occasions d’application. Elles laissent enfin un héritage dans le droit positif. La notion d’apologie est restée inscrite à l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 tandis que certaines dispositions relatives à la répression du terrorisme sont encore en vigueur et ont même été renforcées, particulièrement par la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 relative à la lutte contre le terrorisme.
Critiquées dès leur introduction, ces trois lois ont été abrogées en grande partie grâce à quelques réformes législatives successives entre 1981 et 1988 sous la présidence de François Mitterrand17. Mais ce n’est que la loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal qui a définitivement supprimé la loi du 28 juillet 1894 et la répression des activités anarchistes.
Les lois scélérates semblent donc ancrées dans un contexte historique très spécifique incompatible de prime abord, avec une remobilisation du terme pour désigner des lois plus récentes.
En premier lieu, les libertés et les droits fondamentaux sont aujourd’hui substantiellement protégés. Les sources nationales ou internationales n’ont jamais été aussi nombreuses : bloc de constitutionnalité, de légalité, principes généraux du droit, Convention européenne des droits de l’homme, Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Pactes et traités onusiens… Si on regarde du côté des mécanismes de protection, c’est aussi l’abondance. Les justiciables disposent d’un éventail de choix très large pour faire respecter leurs libertés : référé liberté et recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, voie de fait et emprise irrégulière devant le juge judiciaire, question prioritaire de constitutionnalité, sans compter la saisine des juridictions internationales, Cour européenne des droits de l’homme, Cour de justice de l’Union européenne, comités onusiens… Il n’y a pourtant aucune aberration sur ce point. L’adoption des lois scélérates s’est faite en plein « âge d’or » des libertés, c’est-à-dire une période plutôt propice à leur reconnaissance, au moins celles qui permettaient de verrouiller le régime républicain18.
En second lieu, les lois scélérates sont clairement identifiées. Elles sont trois adoptées dans un intervalle très court, deux ans. Le même repérage n’est pas envisageable pour les nouvelles lois scélérates. Elles sont beaucoup plus nombreuses. La période de décroissance sélective des libertés est beaucoup plus longue et, surtout, elle n’est pas achevée. Nonobstant, l’origine du terme étant doctrinale, l’observation n’est pas rédhibitoire. Certes le qualificatif de scélératesse ne visait que trois lois mais celles-ci s’inscrivaient dans un arsenal juridique cohérent et entraient en synergie avec des lois antérieures comme celle du 14 mars 1872 qui criminalisait les organisations promouvant la grève, l’abolition de la propriété privée, de la famille ou de la religion qui amorce la bataille législative et judiciaire contre les mouvements anarchistes.
Il existe par conséquent aucune contradiction à évoquer la scélératesse de lois nouvelles dès lors qu’elles partagent avec celles de 1893-1894 la même économie qui a amené Francis de Pressensé, Léon Blum et Émile Pouget à signaler ces dernières comme telles : prétendre protéger les libertés en les détériorant. C’est dans cette duplicité que réside toute la scélératesse du procédé, sa perfidie. Les lois scélérates avancent masquées et affaiblissent en réalité ce qu’elles allèguent défendre en apparence. Par ailleurs, elles portent systématiquement le sceau de l’ordre et de l’autorité et, par touches successives, altèrent l’intensité de la société démocratique. Enfin, elles concernent principalement les garanties en matière de procédure pénale et la liberté d’expression.
Or, c’est sous l’angle de ces libertés et de ces droits que, depuis 2020, la France a, selon la division recherche et analyse du groupe de presse The Economist, perdu le label de « démocratie pleine » et a basculé dans le groupe des « démocraties imparfaites » ou « défaillantes »19. François Sureau constate en ce sens : « J’ai assisté avec une certaine surprise à la capacité de toutes les institutions publiques à s’asseoir sur des principes fondateurs (rétention de sûreté, déchéance de nationalité, regroupement des fichés S, etc.). Le plus étonnant pour moi n’est pas que ces idées aient été émises, mais qu’elles ne rencontrent ni l’opposition du Président de la Commission des lois, ni de l’Assemblée nationale, ni du Garde des Sceaux, etc., jusqu’à l’ultime rempart qu’a été le Conseil constitutionnel au moment de l’Etat d’urgence »20.
Cette dégradation consécutive à l’adoption d’une succession de lois, les nouvelles lois scélérates (II.) s’inspire indéniablement, de courants de pensée qui valorisent une hypertrophie de l’autorité doublée d’une vision intolérante du monde (I.).
I. Le triomphe des obsessions conservatistes
Quelle que soit l’exacte orientation politique, les lois scélérates émanent de gouvernements et de majorités législatives a priori républicaines mais, au moins à fleur de conscience, plutôt réceptifs aux discours d’extrême droite dès qu’il s’agit de terrorisme (A.). Cette tentation du conservatisme et le choix de la facilité – une réponse pensée à court terme et liberticide trahit une incapacité profonde, celle de penser l’altérité (B.).
A. L’objectif affiché des lois scélérates : la lutte contre le terrorisme
Le but affiché de toutes les lois scélérates est sécuritaire. Que ce soit d’hier ou d’aujourd’hui, elles sont des lois de circonstances adoptées dans l’urgence et sous le coup de l’émotion afin de répondre à des attaques ou des menaces terroristes. A la fin du XIXème siècle, c’est l’attentat commis par Auguste Vaillant en pleine Assemblée nationale le 9 décembre 1893 pour venger l’exécution de l’anarchiste connu sous l’alias Ravachol qui a servi de déclencheur21. La loi du 28 juillet 1894 est quant à elle la réponse à l’assassinat au mois de juin précédent du Président de la République Sadi Carnot par Sante Geronimo Caserio, autre anarchiste notoire. La France était alors, comme beaucoup d’Etats voisins, victime d’une « épidémie terroriste » rouge et noire22.
Depuis l’attentat du Word Trade Center en septembre 2001, c’est le terrorisme djihadiste qui concentre toutes les attentions23. La France a adopté une série de lois qui plongent leurs racines dans les angoisses sécuritaires suscitées par cet évènement dramatique : loi n°2003-339 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, dite loi Sarkozy II, loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, loi n°2011-267 du 14 mars 2011 relative à l’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure qui permet la captation de données informatiques, loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, riposte législative aux tueries perpétrées par Mohammed Merah quelques mois auparavant, loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme,
Cette débauche normative semblait déjà disproportionnée par rapport aux attaques djihadistes commises sur le territoire français. Certes, les attentats commis par le Groupe islamique armé en 1994 et 1995 étaient encore vifs dans la mémoire collective mais, à titre d’exemples, une seule attaque fut enregistrée en 2013 et trois en 2014 dont deux décorrélées de l’islam politique par le parquet24.
La machine législative va totalement s’emballer après les attentats perpétrés en janvier 2015 contre le journal satirique Charlie hebdo puis en novembre 2015. La succession des textes donne le vertige. Outre le décret de l’état d’urgence et ses six prorogations25, les nouvelles lois se succèdent à un rythme effréné. Bien qu’en préparation depuis deux ans, la loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement est présentée comme une réplique gouvernementale26. Le terrorisme devient l’alibi pour toutes les réformes, voire de toutes les acrobaties comme celle réalisée par la loi n°2016-339 du 22 mars 2016 qui entend tout à la fois prévenir les incivilités, les atteintes à la sécurité publique et les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
La loi n°2016-731 du 3 juin 2016 dressée contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement est une illustration topique de la scélératesse. Symboliquement adoptée en réponse aux attentats djihadistes, son intitulé affiche un renforcement des garanties pénales – améliorer l’efficacité et les garanties de la procédure pénale – alors qu’elle les dégrade27. La loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme porte le même sceau : elle se présente comme la promesse d’une sortie attendue par l’opinion publique de l’état d’urgence alors qu’elle le relaye et en banalise plusieurs éléments.
On notera plus récemment les lois n°2020-1023 du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine et n°2020-1671 du 24 décembre 2020 relative à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du Code de la sécurité intérieure. Cette dernière prolonge ou pérennise certaines mesures liberticides envisagées jusqu’alors de manière expérimentale : technique de renseignement dite de « l’algorithme », possibilité d’établir des périmètres de protection pour garantir la sécurité d’un évènement ou d’un lieu exposé à une menace terroriste, fermetures de lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, visites domiciliaires.
L’emballement sécuritaire n’est pas terminé. Trois lois supplémentaires ont été adoptées depuis 2021 – la loi n°2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés qui, contrairement à son nom, ne renforce aucune liberté et ouvre en revanche de nouvelles perspectives de restrictions, la loi n° 2021-646 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, la loi n°2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. On a l’impression d’un décrochage entre la menace terroriste et l’entropie normative qu’elle génère. La loi semble s’être transformée en un outil de communication assez éloigné de sa véritable vocation afin de rassurer la population28.
La scélératesse ne se limite pas aux lois strictement sécuritaires. L’obsession du terrorisme gagne indirectement d’autres textes. La loi n°2021-1109 confortant le respect des principes de la République du 24 août 2021, couramment appelée « loi séparatisme », apparait d’ailleurs clairement sur la page du site vie-publique.fr dédiée à la lutte contre le terrorisme et dont l’URL mentionne les attentats de novembre 201529. De plus, un lien est expressément établi entre l’adoption de la loi et l’assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty en octobre 2020. Ici encore, la scélératesse est patente. Tout en se plaçant sous l’égide de la République, c’est-à-dire d’un régime auquel les libertés sont littéralement chevillées, elle réprime et oblige plus qu’elle ne protège. Elle crée des préventions pénales supplémentaires – délit d’entrave à la fonction d’enseignement, délit de séparatisme – ainsi que de nouvelles contraintes administratives.
Dans un registre apparenté compte tenu de la liaison fallacieuse opérée entre terrorisme et immigration, le projet sur la loi pour contrôler cette dernière et améliorer l’intégration a opportunément relancé été « à la faveur » de l’assassinat à Arras en octobre 2023 du professeur de lettre modernes Dominique Bernard.
Sous prétexte de résoudre les défis posés par le terrorisme djihadiste, le législateur s’abandonne par facilité aux méthodes et aux solutions préconisées par l’extrême droite dans un contexte de vigilance atténuée par l’émotion collective. Il s’expose ce faisant à un mal plus pernicieux et historiquement beaucoup plus dangereux pour échapper à un autre.
Les lois scélérates entrent en résonnance avec les théories de la « démocratie combattante » ou « combative » développées consécutivement au délitement de la République de Weimar sous la plume d’universitaires allemands tels Karl Loewenstein, Karl Mannheim ou Karl Popper30. Ces auteurs partent du postulat que la démocratie libérale est un régime foncièrement fragile qui offre à ses ennemis les moyens de prospérer et de la détruire. Dans cette conception, la liberté conduit inévitablement à l’effondrement du régime. Partant, les institutions doivent être capables de se défendre grâce à des mécanismes juridiques adéquates, au besoin liberticides31. Pour Carlo Schmid, il faut avoir « le courage d’être intolérant à l’égard de ceux qui veulent utiliser la démocratie pour la tuer »32. Karl Popper estime pour sa part qu’une tolérance sans limites ne peut mener qu’à la disparition de la tolérance : « Si nous étendons une tolérance sans limites même à ceux qui sont intolérants, si nous ne sommes pas préparés à défendre une société tolérante contre l’assaut des intolérants, alors les tolérants seront anéantis, et avec eux la tolérance »33.
Ces théories ont essaimé dans de nombreux ordonnancements juridiques nationaux et internationaux, notamment dans celui de la Convention européenne des droits de l’homme. Elles ont inspiré la rédaction de l’article 15 de la Convention qui prévoit la possibilité d’apporter des dérogations, c’est-à-dire des limitations supplémentaires aux droits conventionnels en cas de guerre ou de danger public menaçant la vie de la nation. Bien qu’elle insiste régulièrement sur l’importance de la tolérance, valeur cardinale de toute société démocratique34, la Cour européenne des droits de l’homme a exploité sans difficulté cette disposition afin de valider la notion de « wehrhafte demokratie », « démocratie apte à se défendre »35.
Les lois scélérates sont l’instrument juridique par excellence de la démocratie combattante. Toutefois, parce qu’elles distillent la peur et le manque de confiance au cœur des institutions, détruisant au passage leur caractère libéral et démocratique beaucoup plus sûrement que ne l’auraient espéré leurs réels adversaires, elles posent deux questions lancinantes. Premièrement, l’existence d’un droit dérogatoire d’inspiration illibéral est-il compatible avec l’établissement d’une vérité libérale et démocratique ? Deuxièmement, derrière les mots, est-ce la démocratie ou l’Etat qui se défend vraiment ? Paradoxe, et non des moindres, alors que cette conception de la démocratie a été pensée pour faire obstacle à la résurgence des mouvements d’extrême droite qui avaient mis l’Europe à feu et à sang pendant la seconde guerre mondiale, c’est aujourd’hui elle qui permet à l’illibéralisme dont ils sont les promoteurs de s’imposer à nouveau.
B. L’intention sous-jacente : le ciblage de l’autre
Qu’elles soient récentes ou passées, les lois scélérates possèdent deux autres traits caractéristiques : premièrement, elles visent une catégorie précise de personnes qu’elles désignent comme intrinsèquement dangereuses ; deuxièmement ce ciblage a une propension à s’étendre et dépasser les intentions initiales.
La fin du XIXème siècle va ainsi être marquée par une chasse à l’anarchiste dont les lois scélérates de 1893 et 1894 ont été les principaux supports juridiques36. La cohorte des lois scélérates contemporaines place un autre adversaire dans sa ligne de mire : les islamistes. C’est d’ailleurs l’occasion d’un premier amalgame entre islamisme et djihadisme et, par conséquent, d’une première extension. Les deux notions possèdent un soubassement et une histoire partiellement commune mais ne se confondent pourtant pas. L’islamisme est à la fois une doctrine religieuse totalitaire et discriminatoire et un projet politique qui entend faire jouer aux principes de l’islam le rôle central dans la vie sociale, politique, et juridique d’un pays. Le djihadisme est une idéologie qui prône le recours à la violence pour atteindre les buts prônés par l’islamisme. Le premier est de nature politique tandis que le second est d’essence militaire.
Or c’est bien l’islamisme qui est au cœur de toutes les préoccupations, les projets et les débats à l’origine des nouvelles lois scélérates. Elles ont accouché d’un droit de l’ennemi selon la formule consacrée en droit pénal par Günther Jakobs et reprise en droit administratif par Stéphanie Hennette-Vauchez et Serge Slama37. Il s’agit de mettre en place deux régimes juridiques distincts dont l’un, apanage des citoyens, respecte les libertés fondamentales et l’autre, destiné à un ennemi déshumanisé, les relativise afin de lutter contre le danger que ce dernier représente38. C’est un droit d’exclusion et de discrimination39. L’orientation juridique qui en découle compromet gravement les principes du droit pénal moderne et sonne le glas de l’universalité des droits et libertés fondamentaux. Elle distingue citoyens et ennemis en excluant ces derniers de la communauté des humains. Outre qu’il existe une véritable distorsion du traitement juridique selon que l’intransigeance en vue d’imposer ses règles à la société procède de doctrines chrétiennes ou islamiques, en agissant en miroir le législateur tombe dans un piège psychologique élémentaire.
A l’instar de l’extension du ciblage des anarchistes aux mouvements communistes puis socialistes tout au long du XXème siècle, la focale des nouvelles lois scélérates s’est simultanément élargie dans deux directions. C’est d’ailleurs dans le cadre de ce phénomène que l’influence des représentations et des idées d’extrême droite est la plus visible.
La confusion entre djihadistes et islamistes étant faite ab initio, il ne restait plus qu’un pas à franchir pour associer les musulmans. Dans la veine renanienne, l’islam sert plus que jamais de moyen de contre-identification à l’identité française40. L’attaque perpétrée à Annecy en juin 2023 fournit une preuve flagrante de l’incapacité à dissocier violence terroriste et islam. Bien que le terroriste fût chrétien, une partie de la presse et de la blogosphère n’a eu de cesse que de discuter ses accointances philosophiques et sociales avec l’islam au point d’en faire un « chrétien-musulman « , explication subséquente de son basculement dans la violence41. Pour le politologue Haouès Seniguer, il existe une surdétermination de la variable religieuse. Tout fonctionne comme si tous les conflits, toutes violences et guerres s’ancreraient dans l’islam : « Ce qui signifierait (…), d’une part, qu’il y aurait un lien structurel entre les textes, la sacralité, l’islamité et la violence et, d’autre part, que derrière chaque musulman un tant soit peu attaché à sa foi, barbus et femmes « couvertes » d’un fichu a fortiori, se dissimulerait un « intégriste » ou « un fou d’Allah »42.
Les lois pénales sécuritaires dressées contre l’islamisme radical se sont accompagnées d’un agencement de lois et de règlements destinés à catégoriser négativement les pratiquants de l’islam. La mutation de la laïcité constitue le principal levier de cette dérive. Françoise Lorcerie observe que le principe sert aujourd’hui surtout d’argument offensif à un néonationalisme conservateur qui le traduit à son avantage dans un contexte européen où l’islam est devenu « un horizon d’altérité »43. Simple exigence de neutralité de l’Etat, la laïcité tend à devenir un principe identitaire d’application non plus exclusivement verticale mais horizontale pour ne pas dire globale, c’est à dire qu’il ne s’impose plus uniquement à l’Etat, aux collectivités et à leurs agents mais également aux usagers et se déploie progressivement dans tout l’espace public. Sans être nommée, la neutralité devient progressivement une exigence transversale qui provoque une aseptisation religieuse asymétrique dans toutes les relations. Bien que non fondé sur la laïcité, l’article L. 1321-2-1 du Code du travail issu la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels qui autorise le règlement des entreprises à restreindre la manifestation des convictions des salariés s’inscrit parfaitement dans cette perspective. De manière périphérique, le Conseil d’Etat accepte depuis 2008 de prendre en compte le niveau de pratique religieuse dans l’évaluation de la capacité d’assimilation d’une personne étrangère sollicitant sa naturalisation44. Il a également validé le retrait de la nationalité pour défaut d’assimilation d’une femme ayant refusé de serrer la main du secrétaire général de la préfecture lors de la cérémonie d’accueil dans la nationalité pour des motifs religieux45. A chaque fois, c’est l’islam qui est en cause.
De la controverse relative au port du hijab à l’école en 2004 à celle suscitée par l’abaya en août 2023 en passant par l’épisode du burkini, la France ne cesse de cumuler les réprobations de la part des Nations unies46. Bien qu’expurgée de toute référence au principe de laïcité grâce à la vigilance du Conseil d’Etat, la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public reste un texte de combat dressé face à l’islam47. Il continue par ailleurs d’être systématiquement associé à la laïcité par les autorités administratives48. L’analyse du Comité des droits de l’homme dans sa constatation Yaker c. France du 23 octobre 2018 est édifiante : « De l’avis du Comité, la France n’a pas suffisamment expliqué en quoi l’interdiction du port de ce vêtement était nécessaire. De plus, le Comité n’a pas été convaincu par les arguments avancés par la France, selon lesquels l’interdiction de dissimuler le visage était nécessaire et proportionnée pour des raisons de sécurité et visait à assurer le respect du principe du « vivre ensemble » dans la société »49. Le Président du Comité alors en fonction, Yuval Shany, a précisé que, s’il considère à titre personnel la burqa comme une forme d’oppression faite aux femmes, les décisions rendues par le Comité n’entendent pas encourager le port de ce vêtement. Elles expriment uniquement la position selon laquelle « une interdiction généralisée à caractère pénal ne permet pas d’assurer un équilibre raisonnable entre l’intérêt général et les libertés individuelles »50.
Pour Denis Salas, la laïcité a fait l’objet d’un dévoiement sécuritaire et d’une réinterprétation défensive au nom des valeurs républicaines afin de contenir l’expansion de l’islam dans l’espace public 51. Selon l’auteur, la méfiance, pour ne pas dire l’hostilité, envers les musulmans, conjuguée à la répression des variantes radicales de leur religion, a abouti à la mise en place d’une laïcité de surveillance.
La même scélératesse anime la loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi « contre le séparatisme ». Adoptée pour renforcer la laïcité, elle aggrave le déséquilibre entre d’une part la tolérance qui en est la cause substantifique et, d’autre part, les exigences du « vivre ensemble » dont elle est présentée en impératif52. En conclusion de cette loi : le communautarisme, c’est-à-dire la tendance des individus à s’identifier et à s’organiser en fonction de leur appartenance à un groupe spécifique, ne peut être que majoritaire. Elle entérine un concept totalement subjectif déjà présent dans la loi du 11 octobre 2010 et le plaçant sous les auspices de l’ordre public alors même que la Cour européenne des droits de l’homme n’avait accepté, du bout des lèvres, de lui faire jouer un rôle que sous l’angle de la « protection des droits et libertés d’autrui » 53. La loi du 24 août 2021 revient en réalité sur certains acquis fondamentaux des lois du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat et du 1er juillet 1901 relative à la liberté d’association : contrôle du préfet sur la création des associations cultuelles, obligation de déclaration quinquennale, attraction du caractère cultuel des associations mixtes ou à objet religieux pour les soumettre au régime de la loi de 1905 plutôt qu’à celui de la loi de 1901, renforcement du contrôle administratif sous prétexte de l’instauration du contrat d’engagement républicain, modification des règles relatives à leurs ressources dès lors qu’un élément d’extranéité intervient (art. 21) ou qu’elles sont issues de la gestion d’un immeuble (art. 71)54…
La loi « contre le séparatisme » franchit une étape supplémentaire dans l’obnubilation sur l’islam. Même si cette religion ne figure à aucun moment dans le texte, l’islam est omniprésent, à commencer dans les débats parlementaires qui ont précédé son adoption. De plus, le ministère de l’intérieur et de l’outre-mer la présente sous forme d’un découpage en trois axes dont le dernier est l’accompagnement de la structuration d’un islam de France face aux dérives extrémistes de l’islamisme55. Elle modifie également le Code de l’entrée et du séjour des étrangers afin de renforcer les réserves liées à l’ordre public, à l’apologie publique d’un acte de terrorisme, et à la polygamie (généralement associée à l’islam).
La seconde confusion, celle avec les migrants et les demandeurs d’asile est ainsi établie .
Ici encore les majorités parlementaires républicaines qui adoptent les lois scélérates et l’extrême droite vibrent sur des fréquences analogues56. La lutte contre le terrorisme est dominée par l’amalgame délétère entre ce dernier, l’islam et l’immigration, une « corrélation magique » qui ne repose sur aucune réalité scientifique57.
Sur fond de peur de grand remplacement et de génocide blanc agitée par les théoriciens nationalistes et identitaires, les lois qui mettent l’accent sur la délinquance et les difficultés d’intégration relayent des discours de plus en plus stigmatisants58. Elles facilitent l’identification d’un « eux », être collectif fantasmagorique porteur de tous les travers et de tous les dangers, qui sert surtout à définir les contours d’un « nous » tout aussi fictif, vertueux et idéalisé. Toute cette agitation ne résiste pourtant pas à l’épreuve du réel. Seule une petite minorité d’attaques terroristes implique des migrants ou des réfugiés. En dépit de ce constat ramené au nombre de personnes migrantes, de demandeurs d’asile ou de réfugiés en France, le juriste ne peut qu’être interloqué par la disproportion des réactions.
Terrorisme et immigration font l’objet d’une fièvre législative assez comparable : vingt-cinq lois adoptées depuis trente ans, le plus souvent selon la procédure accélérée pour le terrorisme ; le même nombre depuis 1980 pour l’immigration. Pendant longtemps, la France a pénalisé l’aide aux migrants jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 juillet 2018, déduise du principe constitutionnel de fraternité la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national59. Encore a-t-il fallu que la Cour de cassation mette un terme à la distinction hasardeuse que les autorités souhaitaient faire entre actes humanitaires et actes militants afin de limiter les effets de cette jurisprudence60. Seule l’aide à l’entrée sur le territoire reste pénalisée en tout état de cause.
Autre exemple, au lendemain de l’attaque du lycée Gambetta à Arras en 2023, le Ministre de l’intérieur, Gerald Darmanin, a annoncé sa volonté de ne plus respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme interdisant l’expulsion de personnes dont les autorités estiment qu’elles représentent un danger pour le pays : « Ce n’est pas grave si la Cour européenne des droits de l’homme, dont la décision n’est pas contraignante, nous condamne à payer 3 000 euros d’amende, je suis prêt à payer ! »61. Outre qu’elle entaille un ordre public européen déjà fragilisé par une grave crise de légitimité62, cette revendication ancienne de l’extrême droite pose le primat de la sécurité publique sur le respect de la dignité humaine et des libertés fondamentales et altère en profondeur la société démocratique : qu’ils aillent se faire pendre ailleurs en quelque sorte. Outre qu’elle repose sur une confusion entre effet contraignant et effet exécutoire, cette position expose la France à des condamnations par le juge européen sur le fondement de l’article 34 de la Convention (recours individuel) mais pas uniquement63. Comme dans l’ordonnance Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales c/ Beghal du 30 juin 2009, le Conseil d’Etat a stoppé net ce nouvel essai de faire fi des mesures provisoires décidées par la Cour64.
Les débats relatifs au projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration rejeté par l’Assemblée nationale le 11 décembre 2023 répondent à la même dialectique scélérate. A l’inverse à ce que laisse entendre son intitulé, ce texte ne contenait aucune disposition propice aux étrangers ou aux demandeurs d’asile. Il était même l’archétype d’un recul tous azimuts de leurs droits. Le gouvernement entendait le faire adopter le plus rapidement possible afin d’expulser plus facilement les personnes concernées par des réserves d’ordre public indépendamment des risques qu’elles encourent dans le pays de destination65. Tel que présenté en première lecture devant le Sénat, il tentait de durcir drastiquement les conditions d’entrée et de séjour des candidats à l’immigration et induit une criminalisation des personnes migrantes et des demandeurs d’asile66. La notion d’ordre public y était omniprésente, notamment avec la création d’une « menace à l’ordre public » comme nouveau motif de placement en rétention administrative. Auditionnée par la Commission des lois de l’Assemblée nationale, la Défenseure des droits, Claire Hédon, s’est montrée très critique vis-à-vis du texte sous trois angles67. Premièrement, elle soulignait que le projet multipliait excessivement les dispositifs de sanction et les mesures coercitives applicables aux étrangers. Deuxièmement, il accroissait démesurément les exigences d’intégration, précarise le droit au séjour et de l’accès à la nationalité et, partant, risque d’accroître le nombre de personnes en situation irrégulière. Troisièmement il remettait en cause les équilibres de la société démocratique et menace les droits de tous, entre autres l’accès à la santé. De son côté, anticipant l’avis à intervenir de la Commission nationale des droits de l’homme qu’il préside, Jean-Marie Burguburu avait alerté les députés sur la contrariété du projet de loi avec les engagements internationaux de la France dans le domaine des droits humains et des libertés fondamentales68.
II. Le phagocytage des libertés sous prétexte de les protéger
De nombreuses disputatio se sont tenues à propos des dérogations autorisées par l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme qui, hormis quelques droits et libertés, autorise un anéantissement temporaire du contrôle classique de la Cour69. Les lois scélérates sont beaucoup plus préoccupantes. Elles n’appartiennent pas à ce débat car les limitations supplémentaires ne relèvent pas de l’état d’urgence et ne sont bornées ni dans le temps ni dans l’espace. Elles aggravent les restrictions, c’est-à-dire les limitations courantes des libertés fondamentales, et octroient, en période ordinaire, des pouvoirs extraordinaires aux autorités administratives.
L’importance de l’enjeu, la lutte légitime contre ceux qui distillent la terreur, ne doit pas faire oublier l’absurdité de la proposition : dégrader les libertés qui structurent la société démocratique pour mieux la garantir. C’est une incongruité : l’entrée « terrorisme » est devenue une des plus répandues dans les lexiques des manuels consacrés aux libertés fondamentales. Force est de constater que « le renforcement des moyens juridiques et financiers alloués à la préservation de l’ordre public et de la sécurité nationale a pour corollaire un rétrécissement des libertés », essentiellement les garanties pénales (A.) et la liberté d’expression sous toutes ses formes (B.)70.
A. La déshumanisation du droit pénal
On ne compte plus les spécialistes du droit pénal qui tirent la sonnette d’alarme. Christine Lazerges souligne le paradoxe entre « le début de XXIème siècle qui est d’être celui de l’invocation des droits fondamentaux et de garanties conventionnelles et constitutionnelles des droits de l’homme » et l’absence de « scrupules s’agissant d’exceptions et de régressions »71. La protection de la société contre le crime tend indubitablement à primer sur les libertés fondamentales. Renée Koering-Joulin et Jean-François Seuvic rappellent à ce titre qu’il existe un « lien intime, pour ne pas dire fusionnel, entre le droit pénal et les droits de l’homme »72.
Cette déshumanisation du droit pénal est le produit d’une nouvelle doctrine, celle de la sécurité globale, symbolisée par l’adoption de la loi n°2021-646 du 25 mai 2021 du même nom. De l’aveu même de ses partisans, la sécurité globale n’est pas une simple stratégie pénale destinée à assurer un continuum de sécurité et de permettre une meilleure articulation des forces régaliennes, elle est une nouvelle philosophie qui aspire à la sécurité totale des citoyens73. Pour Pierre Berthelet, il s’agit d’un discours de légitimation du renforcement des moyens de l’Etat pour faire face aux « nouvelles menaces » qu’il rencontre74. Elle part de deux postulats erronés : premièrement le monde n’aurait jamais été aussi dangereux alors qu’il n’est pas plus périlleux, seule l’origine des menaces change, sans compter le phénomène de décorrélation entre insécurité objective et subjective qui fausse les ressentis ; deuxièmement, l’Etat serait structurellement faible alors qu’il n’a jamais disposé d’autant de pouvoirs. Dès lors la sécurité globale serait la seule réponse viable à l’insécurité globale, y compris au détriment des libertés fondamentales et des garanties pénales élémentaires. Ainsi compris, elle incarne est un projet de société totalement antagoniste à celui de la société démocratique. Elle est une régression, un retour à la conception hobbesienne de l’Etat dans laquelle les sujets abandonnent leurs libertés au profit de la sécurité.
La dégradation du droit pénal est le produit de trois facteurs : la multiplication des infractions préventives, le durcissement des sanctions, l’accroissement colossal des pouvoirs octroyés aux autorités administratives75. Le terme d’infraction préventive peut surprendre. A priori, la notion d’infraction est associée à la violation d’une règle préétablie. A l’opposé, les infractions préventives jouent ante delictum, dès lors qu’une personne est présumée dangereuse pour la société. Comme à la fin du XIXème siècle, la lutte contemporaine contre le terrorisme a favorisé l’incrimination autonome d’actes d’aide ou d’incitation. On retiendra l’exemple du délit de consultation habituelle de sites djihadistes instauré par la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 ou celui du délit de participation à une entreprise individuelle terroriste créé par la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014, délits qui incriminent respectivement une accointance supposée avec le djihadisme ou les actes préparatoires d’une action terroriste alors même que celle-ci n’est pas encore accomplie76. Sans être totalement inexistant, le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel « sous le regard approbateur d’une opinion publique à la recherche d’un prétendu droit fondamental à la sécurité » reste timide77.
La clef de compréhension de ce chavirage est la notion de dangerosité78. A la faveur d’un brouillage entre police judiciaire et police administrative, tout ou presque devient possible dès lors que la dangerosité est érigée en assise du droit pénal. Succès posthume d’Alexandre Lacassagne, les délinquants sont considérés comme des microbes qu’il s’agit de neutraliser dans un corps spécifique, le milieu social79.
L’évaluation administrative du danger représenté par une personne justifie désormais toute une batterie de mesures administratives qui auraient été inenvisageables sans le recours à cette appréciation : la probabilité remplace la certitude de l’exécution. C’est le « règne du soupçon »80. La loi précitée du 13 novembre 2014 institue ainsi un dispositif administratif d’interdiction de sortie du territoire avec retrait immédiat du passeport et de la carte d’identité afin d’empêcher le départ de candidats au djihad en Syrie et en Irak81. Malgré l’effort d’objectivisation par le juge constitutionnel, la dangerosité, concept aux contours incertains et variables, est également au cœur de la loi n°2020-805 du 7 août 2020 qui prévoit, à l’issue de leur peine, des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes82.
A cet égard, la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 qui renforce la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme marque un tournant. Elle prolonge et banalise un certain nombre de mesures jusqu’alors considérées comme des dérogations aux libertés, c’est-à-dire des limitations des libertés cantonnées aux situations crises et de dangers exceptionnels qui menacent la vie de la nation83. Conformément à la logique de suspicion et de dangerosité, elle permet de prendre des mesures en dehors de tout commencement d’exécution dès lors qu’il existe des « raisons sérieuses de penser » qu’un « comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public » (art. 3). Elle autorise les préfets à fermer provisoirement des lieux de culte et établir des périmètres de protection au sein desquels l’accès et la circulation des personnes sont réglementés. On notera que la loi n’a fait l’objet d’aucune saisine a priori du Conseil constitutionnel et qu’il a fallu attendre deux questions prioritaires de constitutionnalité pour connaitre l’opinion exacte du juge constitutionnel. La première décision n°2017-691 QPC du 16 février 2018 concerne les mesures de surveillances84. Le Conseil constitutionnel y juge conformes à la Constitution les dispositions litigieuses de la loi du 30 octobre 2007 à l’exception -faute de règle assez claire en encadrant l’exploitation, la conservation et la restitution- de celles permettant la saisie des données, des systèmes informatiques et des équipements terminaux qui en sont le support. Dans la seconde décision n°2017-695 en date du 29 mars 2018, il émet trois réserves d’interprétation85. Il rappelle dans un premier temps que les personnes privées associées à l’exercice de missions de surveillance générale de la voie publique doivent être placées sous un contrôle effectif des officiers de police judiciaire. Il insiste dans un deuxième temps sur l’absence de discrimination dans la mise en œuvre des opérations de contrôle et de sécurité au sein des périmètres de protection. Enfin, dans un troisième temps, il objecte au législateur que le renouvellement des dites-zones doit être conditionné par la démonstration qu’il persiste un risque.
C’est encore la dangerosité qui autorise les mesures de surveillance au nom d’un slogan récurrent bien connu : « si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre ! ». Il existe cependant une différence considérable que le législateur semble avoir oublié entre le fait de ne pas vouloir que des informations personnelles et intimes soient connues d’autrui et ne pas avoir de comportement délictueux à dissimuler. Sous prétexte de mieux encadrer le recours à la vidéoprotection, les lois relatives à la sécurité ne cessent d’accroître les hypothèses de recours à ces technologies : loi n°2011-267 d’orientation et de programmation pour la performance en date du 14 mars 2011, loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 qui étend les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance susceptibles d’être prononcées par le Ministre de l’intérieur, loi n°2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, loi n°2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 202486.
La loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 est l’exemple paroxystique de cette dynamique87. Tout en aspirant à clarifier le cadre légal et le contrôle des activités des services de renseignement, notamment par l’institution d’une autorité administrative indépendante chargée de rendre des avis simples, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), cette loi repose sur « l’assertion selon laquelle la prévention des risques passe par l’intériorisation de l’idée que le moindre de nos gestes puisse être potentiellement observé »88. Le Conseil constitutionnel, à la suite d’une saisie ubuesque par le Président de la République alors que la loi émanait d’un projet, c’est-à-dire un texte dont il ne pouvait ignorer la teneur et sur lequel il pouvait agir bien en amont, censura deux dispositions respectivement relatives aux conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés et à la capacité des services de renseignement de déroger en cas d’urgence opérationnelle à l’autorité du Premier ministre et de se passer de l’avis de la Commission. Si le message fût bien entendu par le législateur s’agissant des communications nationales, il adopta néanmoins immédiatement une autre loi n°2015-1556 du 30 novembre 2015 afin de faire échapper les communications électroniques internationales à la rigueur toute relative du juge constitutionnel89.
La vidéosurveillance des espaces publics, utilement rebaptisée vidéoprotection suivant les ressorts de la scélératesse, est devenue monnaie courante. On recense plus de soixante-mille caméras sur la voie publique auxquelles il faut ajouter les caméras embarquées par la police et la gendarmerie (loi n°2016-731 du 3 juin 2016), d’autres catégories de personnel comme les agents assermentés des services de transport (décret n°021-543 du 30 avril 2021), les sapeurs-pompiers (décret n° 019-743 du 17 juillet 2019), les agents pénitentiaires (décret n°2019-1427 du 23 décembre 2019), les policiers municipaux (décret n°2019-140 du 27 février 2019) et les drones dont le déploiement est désormais autorisé par la loi du 24 janvier 2022 précitée90.
Les mesures administratives ne sont pas les seules concernées, les mesures judiciaires le sont aussi. Les pénalistes gardent en mémoire la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant sur l’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II, qui porte à quatre-vingt-seize heures la durée de la garde à vue dans certaines éventualités dont celle du terrorisme. La loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 inaugure par exemple un régime de visites et de saisies spécifiques à des fins de prévention du terrorisme.
Dernier point mais non des moindres, la rupture entre droit pénal et libertés fondamentales a indéniablement trouvé un écho dans les méthodes policières. Le choix de mener une guerre contre le terrorisme en lieu et place d’une répression pénale adaptée et conforme aux standards de l’Etat de droit a induit des changements de mentalité, transformé les policiers en militaires et les militaires en policiers91. Les lois scélérates encouragent le zèle de certains fonctionnaires de police animés par les mêmes conceptions idéologiques qui subvertissent celles-ci92. Le contexte sécuritaire et autoritaire aggrave le risque systémique de violences et d’incidents si on se rapporte à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme93. Conformément à la dialectique de la scélératesse, la loi n°2017-258 du 28 février 2017 joue ici un rôle particulièrement pervers. Officiellement adoptée dans le but de limiter l’usage des armes aux cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée (art. 1er) et, préfigurant la loi sur la sécurité globale qu’elle préfigure, afin d’harmoniser les régimes de la police et de la gendarmerie, elle consacre en réalité la légalité de la « défense anticipée » et la disparition de la condition d’actualité de l’acte d’agression, condition décisive sous l’ancien régime de la légitime défense94.
L’augmentation du nombre de recours à l’usage par les policiers de leur arme de service et du nombre de décès en lien avec une intervention de police95 a fait réagir la Commission nationale consultative des droits de l’homme. L’instance a publié un rappel à l’ordre dans lequel elle martèle que les droits humains ne sont pas un obstacle au maintien de l’ordre mais un gage de cohésion sociale. Face à la situation qu’elle juge alarmante, elle préconise quelques pratiques vertueuses96 : abandonner la rhétorique de la « riposte » ; ne pas transformer les agents du maintien de l’ordre en combattants ; respecter le cadre légal de l’usage de la force ; soumettre les forces de l’ordre à un devoir d’exemplarité…
B. La régression des droits de nature politique
Les libertés et les droits de nature politique sont primordiales dans une société démocratique car ils permettent l’animation de la vie politique et démocratique d’un pays. Droits ambivalents, ils sont à la fois des droits subjectifs de ceux qui les invoquent et des principes objectifs des régimes démocratiques. Cela concerne au premier chef la liberté d’expression laquelle est, selon la Cour européenne des droits de l’homme, un « fondement essentiel d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun »97. Elle est lex generalis par rapport aux autres modalités d’expression lex specialis, libertés à dimension collective comme la liberté de manifester pacifiquement, la liberté de réunion, la liberté d’association et les droits strictement politiques comme le droit à des élections libres.
C’est un point qui n’est pas discuté : les États peuvent légitimement restreindre la liberté d’expression lorsqu’ils sont confrontés à des appels à la haine, à la violence ou à la discrimination98. En l’occurrence, le djihadisme coche les trois cases. Nonobstant, eu égard à l’importance cardinale de cette liberté dans une démocratie, ils doivent faire preuve de mesure et de rigueur. C’est précisément la problématique posée par les lois scélérates.
Compte tenu de sa qualité de « contre-pouvoir » ou, pour reprendre les termes de la Cour européenne, de « chien de garde de la démocratie »99, la liberté d’expression de la presse est particulièrement exposée. L’une des quatre ordonnances du 25 juillet 1830 qualifiées de scélérates suspendait précisément la liberté de la presse tandis qu’une autre réformait le suffrage afin d’écarter du cens toute une partie de la bourgeoisie jugée trop libérale100. Cette tentative d’anéantissement des droits de nature politique et des droits politique provoquera les trois glorieuses du 27 au 29 juillet, le départ de Charles X et la chute de la restauration.
La première loi scélérate, celle du 12 décembre 1893, impacte également la liberté d’expression. Elle modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui ne visait que la provocation directe à commettre les crimes de meurtre, de pillage, d’incendie, ou des crimes contre la sûreté de l’État. La loi du 12 décembre punit désormais, la provocation indirecte, c’est-à-dire l’apologie et crée un véritable délit de tendance ou d’opinion101. La Chambre criminelle de la Cour de cassation va retenir une approche fidèle à celle des rédacteurs de la loi. Dans un arrêt de 1971, elle considère que le délit d’apologie suppose la glorification d’un ou plusieurs actes ou celle de leur auteur102. Il s’agit, selon la Cour, de l’incitation à porter un jugement de valeur morale favorable sur les crimes ou leurs auteurs ou de la présentation élogieuse d’une personne condamnée pour intelligence avec l’ennemi103.
Le délit d’apologie a été aggravé par la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 qui écarte l’application du régime spécifique réservé aux délits de presse et fait tomber la procédure dans le giron d’un autre régime dérogatoire, beaucoup moins favorable celui-ci, celui du terrorisme. Pour Bertrand de Lamy, ce glissement génère une « curieuse dysharmonie qui paraît laisser à ce délit sa parure d’infraction de presse » et lui fait perdre en netteté104. Il présente néanmoins de nombreux avantages pratiques pour qui préfère l’efficacité aux libertés. Cela autorise notamment la comparution immédiate. Elle allonge également le délai de prescription en le faisant passer de 3 mois à un an. Parallèlement la loi n°2012-1432 du 21 2012 décembre permet, en synergie, de placer les personnes poursuivies en détention provisoire.
Saisi d’une question prioritaire, le Conseil constitutionnel a décerné un brevet de constitutionnalité à l’article 421-2-5 du Code pénal, tel que consolidé par la loi du 13 novembre 2014. Il écarte dans sa décision la méconnaissance de la liberté d’expression et de communication sur la base d’un raisonnement en trois temps : le législateur poursuit l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions ; l’apologie publique crée un trouble à l’ordre public sans qu’il y ait d’incertitude sur la licéité des comportements concernés ; l’atteinte portée à la liberté d’expression est « nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi » du fait que les « actes de terrorisme dont l’apologie est réprimée sont des infractions d’une particulière gravité susceptibles de porter atteinte à la vie ou aux biens »105.
Ce n’est pas exactement l’avis de la Cour européenne des droits de l’homme qui, après son propre contrôle en trois actes – légalité, légitimité, nécessité – conclu à la violation de l’article 10 de la Convention (liberté d’expression) dans un arrêt Rouillan c. France du 23 juin 2022. Sans remettre en cause le principe de sanction de l’apologie publique d’actes de terrorisme, elle interpelle sur la lourdeur des peines infligées et rappelle que les condamnations pénales constituent l’une des formes les plus graves d’ingérence en la matière106. La Cour continue de privilégier le rôle indispensable de « chien de garde » joué par la presse par rapport aux législations spéciales antiterroristes107. L’arrêt Rouillan doit être lu comme une invitation discrète à revoir à la baisse les quantums prévus par l’article 421-2-5 du Code pénal.
La loi du 13 novembre 2014 n’est malheureusement pas isolée. Elle s’inscrit dans un ensemble normatif qui trahit une difficulté gouvernementale chronique à gérer les opinions qui ne lui conviennent pas et à tenir le cap du mantra exprimé par la Cour dans son célèbre arrêt Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976 : « La liberté d’expression (…) vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur, ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population »108.
Différentes lois illustrent la tentation-réflexe du recours à la restriction des garanties et des libertés fondamentales. Le Conseil constitutionnel a partiellement jugulé la contagion en censurant l’article 3 de la loi n°2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, dite loi « anticasseurs », qui attribuait au préfet le pouvoir de prendre des décisions d’interdiction de manifester en dehors de toute condamnation pénale et sans recours effectif109. Il a également vidé de sa substance la loi n°2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite loi Avia : détermination exclusive du caractère licite des contenus par l’administration ; absence d’intervention a priori du juge dans le dispositif lequel était censé uniquement reposer sur la capacité de la plateforme à analyser tous les contenus signalés et à les retirer le cas échéant ; risque d’automaticité de la sanction dans la mesure où aucune cause d’exonération de responsabilité n’était envisagée110. Il a aussi émis une réserve lors de l’examen de la constitutionnalité de la loi n°2018-1202 relative à la lutte contre la manipulation de l’information couramment surnommée « loi fake news » : la limitation de la liberté d’expression est inenvisageable si le caractère inexact ou trompeur de l’information est manifeste111. Il en va de même pour le risque d’altération de la sincérité du scrutin.
Les efforts du Conseil constitutionnel pour protéger les libertés sont louables. Toutefois l’impression générale qui se dégage de la jurisprudence constitutionnelle semble donner raison à Dominique Rousseau pour qui « derrière quelques beaux arbres se cache une forêt de décisions protégeant davantage les prérogatives de l’État que les libertés »112. S’agissant de la loi du 24 juin 2000, elle reste un puissant encouragement à la censure par les opérateurs privés afin d’éviter toute mise en cause de leur responsabilité.
Le juge constitutionnel n’a en revanche rien trouvé à redire à la loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires qui altère la liberté d’informer afin de protéger les entreprises contre la divulgation d’informations stratégiques113. En frappant d’illicéité l’utilisation ou la divulgation sans le consentement de son détenteur d’un de ces secrets qui résulterait d’un accès non autorisé ou d’un comportement déloyal en matière commerciale, cette loi neutralise complètement la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin II », laquelle avait octroyé aux lanceurs d’alerte un statut juridique déjà modeste (le statut originel prévoyait une saisine préalable de sa hiérarchie par le lanceur d’alerte, saisine expurgée grâce à la transposition de la directive européenne 2019/1937 du 23 octobre 2019). Comme pour les lois Avais et Sapin II, la loi « Fake news » qui soumet les plateformes en ligne à un devoir de vigilance, de transparence et de lutte contre la diffusion de fausses informations, favorise le silence et la censure des opinions par des opérateurs privés114.
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En conclusion, la notion de scélératesse ne se borne pas au commentaire des lois de 1893-1894. Elle est même particulièrement adaptée pour décrire le maillage de lois qui érodent actuellement les libertés fondamentales au nom de la lutte contre le terrorisme.
L’analyse de Francis de Pressensé et de Léon Blum dans leur texte passé à la postérité sur les lois scélérates ne sont en rien anachroniques. Le premier écrit : « La France a connu à plusieurs reprises, au cours de ce siècle, ces paniques, provoquées par certains attentats, savamment exploitées par la réaction et qui ont toujours fait payer à la liberté les frais d’une sécurité menteuse »115. Léon Blum renchérit : « Tout le monde avoue que de telles lois n’auraient jamais dû être nos lois, les lois d’une nation républicaine, d’une nation civilisée, d’une nation probe. Elles suent la tyrannie, la barbarie et le mensonge. Tout le monde le sait, tout le monde le reconnaît ; ceux qui l’ont votée l’avouaient eux-mêmes. Combien de temps vont-elles rester encore dans nos Codes ? ».
Sous couvert d’anonymat, Léon Blum va plus loin et pointe nommément du doigt leur auteurs : « On sait à qui nous les devons. Je ne m’inquiète pas d’un Lasserre ou d’un Flandin sans importance. Ils ont déjà disparu. Mais les ministres qui les ont conçues, qui ont profité d’un moment d’horreur et d’affolement pour les imposer, qui ont fait subir jusqu’au bout à une Chambre obéissante leur menace sous condition ? J’ai dit leurs noms, je les répète : après Casimir-Perier, avec le garde des sceaux Guérin, il y eut Dupuy, Hanotaux, Poincaré, Georges Leygues, Barthou et, le plus grand de tous, Félix Faure. Ajoutons-y M. Deschanel, qui seul de la majorité, intervint à deux reprises. Dans le débat, ne trouve-t-on pas tous les grands noms de la République néo-opportuniste ? Est-ce que, s’il reste des républicains dans la République, ces hommes-là ne devraient pas toujours rester marqués, flétris, honnis ? ».
C’est un autre trait commun. Ces lois qui n’ont parfois rien à envier aux propositions les plus conservatrices de l’extrême droite – les cadres du Rassemblement national soulignent régulièrement et à juste titre les analogies et les copier-coller entre leur programme et ceux des majorités qui se sont succédé – sont le fruit d’un opportunisme politique. Portées à fleur de conscience et de manière plus ou moins assumées par des courants républicains, elles édulcorent peu à peu l’Etat de droit et font le lit d’un prochain virage autoritaire et antirépublicain en France116.
1 Ce travail a été effectué dans le cadre d’une réflexion sur les subversions du droit sous le patronage de l’Institut thématique interdisciplinaire de l’Université de Strasbourg, du CNRS et de l’INSERM, 2023-2024.
2 J. LACROIX, J-Y PRANCHÈRE, Le procès des droits de l’homme : généalogie du scepticisme démocratique, Paris, Ed. du Seuil, 2016, 352 p. Voir également des mêmes auteurs Les Droits de l’homme rendent-ils idiot ?, Paris, Ed du Seuil,2019, 112 p.
3 Sous la cinquième République, Jacques Chirac fut un des premiers à passer le cap et à faire des appels du pied politique à l’électorat d’extrême droite en utilisant des arguments xénophobes : « Il y a un type, Le Pen, que je ne connais pas et qui n’est probablement pas aussi méchant qu’on le dit. Il répète certaines choses que nous pensons, un peu plus fort et mieux que nous, en termes plus populaires » (F-O. GIESBERG), Jacques Chirac, Éd. du Seuil, 1995, p. 419) ; « Notre problème, ce n’est pas les étrangers, c’est qu’il y a overdose. C’est peut-être vrai qu’il n’y a pas plus d’étrangers qu’avant la guerre, mais ce n’est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d’avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs. Comment voulez-vous que le travailleur français (…) qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur, eh bien le travailleur français sur le palier, il devient fou. Il devient fou » (J. Chirac, Discours d’Orléans, 19 juin 1991).
4 Le Parisien, 29 mars 2006, : « Oui, je cherche à les séduire. Mais d’où viennent-ils ? De la droite républicaine, de l’autre d’une partie de la gauche. Qui pourrait m’en vouloir de récupérer ces gens dans le camp républicain? J’irai même les chercher un par un, ça ne me gêne pas ».
5 RTL, 16 février 2015. Manuel Valls reprend le néologisme islamo-fascisme jusqu’ici employé par l’extrême droite et les milieux conservateurs : « Pour combattre l’islamo-fascisme, l’unité doit être notre force. Il ne faut céder ni à la peur, ni à la division ».
6 CNRS, Communique de presse : L’« islamogauchisme » n’est pas une réalité scientifique, 17 février 2021.
7 Conférence de presse d’Emmanuel Macron, Bratislava, 31 mai 2023 : « Et je pense qu’en effet, dans nos démocraties, on ne peut plus battre l’extrême droite simplement avec des arguments historiques et moraux », a-t-il poursuivi. « D’abord parce que cette extrême droite s’est transformée et ensuite parce qu’elle a beaucoup d’électeurs aujourd’hui qui ne votent pas pour cette histoire mais votent parce qu’ils se disent au fond, on n’a pas encore essayé cela et ce qu’ils nous proposent paraît séduisant ».
8 Ph. CORCUFF, La grande confusion : comment l’extrême droite gagne la bataille des idées, Paris, Textuel, 2021, 640 p.
9 D. LINDENBERG, « Une révolution conservatrice qui avance à visage découvert », Le Monde, 15 janvier 2016.
10 R. KEMPF, Ennemis d’État : les lois scélérates, des anarchistes aux terroristes, Paris, La Fabrique, 2019, 227 p.
11 F. de PRESSENSÉ, UN JURISTE (Léon Blum n’a pas signé de son nom), É. POUGET, Les Lois Scélérates de 1893–1894, Ed. de la Revue blanche, 1899.
12 T. ABLARD, « Le statut pénal du chef de l’État », RFDC, 2002, n°51, p. 637-661, spé. note 112.
13 Propos rapportés dans G. BARBIER, Code expliqué de la presse. Traité général de la police de la presse et des délits de publication, Paris, Marchal et Billard, 1911, p. 299.
14 Quand on jugeait les anarchistes. Chroniques judiciaires d’Albert Bataille (présentation S. Vautier), Paris, La Louve, 2015, p. 250.
15 J-P. MACHELON, La République contre les libertés, Paris, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1976, 461 p.
16 J. DURET, « La répression judiciaire de l’activité et de la propagande communiste des années 1920 à la libération : entre rupture et continuité de l’infraction politique en droit français », Cahiers Jean Moulin, 2022, n°8 : l’auteur recense les nombreux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation et des juridictions du fond qui assimilent notamment les communistes aux anarchistes
17 Rapport de la Ligue des droits de l’homme sur les cas de cinq détenus des îles du Salut (île Royale), présenté par Joseph Reinach, 1899, 39 p.
18 R. GIRARDET, Mythes et mythologies politiques, Paris, éd. du Seuil, spé. p. 97 et suiv.
19 J. DAMON, « Classements et déclassements de la démocratie dans le monde », Constructif, 2022, n°61, pp. 18-24.
20 Dans quel état est le droit ?, France culture, 2 décembre 2019.
21 K. SALOMÉ, « Attentat anarchiste à la Chambre des députés », Parlement(s), Revue d’histoire politique, 2021, hors-série n°16, pp. 145-152.
22 J. MAITRON, Le mouvement anarchiste en France, Paris, Gallimard, 1975, tome 1, p. 212.
23 Au nom du 11 septembre… Les démocraties à l’épreuve de l’antiterrorisme (dir. D. Bigo, L. Bonelli, T. Deltombe), Paris, La Découverte, 2008, 420 p.
24 Pour une opinion contraire voir D. C. RAPOPORT, « Why Has The Islamic State Changed its Strategy and Mounted the Paris-Brussels Attacks ? », Perspectives on terrorism, 2016, vol. 10, pp. 24-32.
25 S. HENNETTE-VAUCHEZ, « La fabrique législative de l’état d’urgence : lorsque le pouvoir n’arrête pas le pouvoir », Cultures & Conflits, 2019, n°113, pp. 17-41. Voir également C. LAZERGES, « Les droits de l’homme à l’épreuve du terrorisme », RSC, 2018, n° 3, pp. 753-764.
26 AN, Rapport d’information n°1022 déposé par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement et présenté par MM. Jean-Jacques Urvoas et Patrice Véchère, 14 mai 2013.
27 CNCDH, 17 mars 2016, Avis sur le projet de loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, JORF n°0129, 4 juin 2016.
28 D. ROUSSEAU, « La loi ? Un instrument de communication », Le Monde, 3 février 2005.
29 Trente-cinq ans de législation antiterroriste : https://www.vie-publique.fr/eclairage/18530-trente-cinq-ans-de-legislation-antiterroriste#apr%C3%A8s-les-attentats-de-novembre-2015
30 K. MANNHEIM, Diagnosis of our time : Wartime essays of a sociologist, Londres, Kegan Paul Trench, Trubner & Co, 1943, 208 p. ; K. LOEWENSTEIN, « Militant Democracy and Fundamental Rights », American political science review, 1937, n°31, pp. 417-432.
31 V. GAZAGNE-JAMMES, « Le républicanisme militant, une certaine conception de la démocratie militant française : Réflexions autour du projet de loi confortant le respect des principes républicains », RDLF 2021 chron. n°09 : « La démocratie militante impose une limite au-delà de laquelle le débat d’idées, qui permet à l’État démocratique de concilier des vues contraires grâce à des procédures prévues à cet effet, ne peut plus advenir. Autrement dit, la démocratie militante pense à la fois les limites de l’État libéral mais aussi celles de la démocratie représentative et du politique comme instance de conciliation ».
32 C. SCHMID, Discours du 8 Septembre 1948 devant le Conseil parlementaire chargé de rédiger la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne.
33 K. POPPER, La Société ouverte et ses ennemis, Tome 1 : L’ascendant de Platon, Paris, Ed du Seuil, 1979, 256 p.
34 CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, n°5493/72, § 49.
35 CEDH, 26 septembre 1995, Vogt c. Allemagne, n°17851/91, § 51. La Cour fait directement référence à l’expérience de l’Etat défendeur sous la République de Weimar. Voir également CEDH, 16 mars 2006, Zdanoka c. Lettonie, n°58278/00, § 100 et CEDH, 24 juin 2008, Adamsons c. Lettonie, n°3669/03, § 120.
36 V. BOUHEY, Les Anarchistes contre la République : contribution à l’histoire des réseaux (1880-1914), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, 491 p.
37 G. JAKOBS, « Kriminalisierung im Vorfeld einer Rechtsgutsverletzung », Zeitschrift für die gesamte Strafrechtswissenschaft, 1985, n°4, pp. 751-785. Voir également : J. ALIX, O. CAHN, « Mutations de l’antiterrorisme et émergence d’un droit répressif de la sécurité nationale », RSC, 2017, n°4, pp. 845-868 ; D. LINHARDT, C. MOREAU DE BELLAING, « La doctrine du droit pénal de l’ennemi et l’idée de l’antiterrorisme. Genèse et circulation d’une entreprise de dogmatique juridique », Droit et société, 2017, n°97, pp. 615-640. Pour le droit administratif de l’ennemi voir S. HENNETTE-VAUCHEZ, S. SLAMA, « État d’urgence : l’émergence d’un droit administratif de l’ennemi ? », AJDA, 2017, n°32, p. 1801 et
38 H. PRANTL, De terrorist als gesetzgeber wie man mit angst politik macht, München, Éd. Droemer Knaur Verlag,. 2008, 208 p.
39 C. LAZERGES, H. HENRION-STOFFEL, « Le déclin du droit pénal : l’émergence d’une politique criminelle de l’ennemi », RSC, 2016, n°3, 649-662 : « C’est un droit du rejet et sans espérance aucune pour ceux qui ont lourdement porté atteinte à la nation par des actes terroristes ou des crimes considérés comme très graves ». Voir également O. CAHN, « Cet ennemi intérieur, nous devons le combattre : le dispositif antiterroriste français, une manifestation du droit pénal de l’ennemi », Archives de politique criminelle, 2016, n°38, pp. 89-121, spé. p. 99.
40 E. RENAN, Leçon inaugurale, Collège de France, 22 février 1862 : « L’islam est la plus complète négation de l’Europe ; l’islam est le fanatisme […] ; l’islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile ; c’est l’épouvantable simplicité de l’esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle ».
41 Voir par exemple « Annecy : d’où vient la rumeur selon laquelle l’assaillant serait un Syrien musulman nommé Selwan Majd ? », Libération, 16 juin 2023.
42 H. SENIGUER, « La laïcité à l’épreuve de l’islam et des musulmans : le cas de la France », Revue d’éthique et de théologie morale, 2009, n°254, pp. 63-96.
43 F. LORCERIE, « L’islam comme contre-identification française », L’année du Maghreb, 2005-2006, pp. 509-536.
44 CE, 27 juin 2008, n°286798, Mme F. Voir Ph. CHRESTIA, « La burqa est incompatible avec la nationalité française », AJDA, 2008, p. 2013.
45 CE, 11 avril 2018, n°412462.
46 Voir respectivement : AGNU, Rapport sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance religieuse, 16 septembre 2004, A/59/366 (à propos de la loi n°2004-228 du 15 mars 2004) ; Comité des droits de l’homme, 10 août 2018, CCPR/C/123/D/2662/2015 (à propos du licenciement d’une salariée de la crèche Baby Loup parce qu’elle souhaitait porter un voile à l’intérieur de l’établissement et de sa validation par l’arrêt n°13-28-369 de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 25 juin 2014) ; AGNU, 19 septembre 2023, 78ème session, discours du secrétaire général Antonio Guterres (à propos de l’abaya dont le port a été interdit en milieux scolaire par une note de service du ministre de l’éducation nationale en date du 31 août 2023, note validée par ordonnance n°487891 du Conseil d’Etat du 7 septembre 2023).
47 CE, Étude relative aux possibilités juridiques d’interdiction du port du voile intégral, 30 mars 2010.
48 Voir https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/38312-letat-et-la-laicite. Voir également le Vademecum de la laïcité à l’école élaboré par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, 2021, 114 p.
49 CCPR/C/123/D/2747/2016.
50 https://news.un.org/fr/story/2018/10/1027302
51 D. SALAS, « Laïcité, le dévoiement sécuritaire », Les cahiers de la justice, 2018, n°3, p. 389.
52 Pour une opinion contraire voir M. GUERRINI, « La cohésion nationale : théâtre de l’objectivation des droits fondamentaux », RDLF, 2021, chronique n°03.
53 CEDH, 1er juillet 2014, SAS c. France, n° 43835/11, § 121 : « la flexibilité de la notion de « vivre ensemble » et le risque d’excès qui en découle commandent que la Cour procède à un examen attentif de la nécessité de la restriction contestée ».
54 A l’exception de deux réserves d’interprétation notamment l’injonction de veiller au respect de la liberté d’association et au libre exercice des cultes dans la mise en œuvre des nouvelles dispositions législatives, ni le Conseil constitutionnel (Cons. const., 22 juillet 2022, n°2022-1004 QPC, Union des associations diocésaines de France et a.), ni le Conseil d’Etat (CE, 3 décembre 2020, Avis sur un projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République), n’ont décelé d’incompatibilité respectivement avec la Constitution et la Convention européenne, en l’occurrence les articles 9 (liberté de conscience et de religion) et 11 (liberté d’association).
55 Ministère de l’intérieur et de l’Outre-Mer, Loi confortant le respect des principes de la République 2022 : premier bilan et perspectives, un an après sa promulgation, 2023, 12 p.
56 L’extrême droite a fait du triptyque terrorisme, islam et immigration un fonds de commerce : « On sait aujourd’hui qu’il y a un lien direct immigration, islam, délinquance, terrorisme. Il faut tenir compte de ce lien, de ce que j’ai appelé les poupées russes » (E. Zemmour, CNews, L’heure des pros, 13 septembre 2021) ; « Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France remplis d’immigrés (…) ? Combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non assimilés ? » (M. Lepen, Libération, 25 mars 2012) ; « Le lien entre l’immigration et le terrorisme, il est évident » (J. Bardella, CNews, 26 avril 2022). Mais une partie de la droite traditionnelle n’hésite pas à reprendre les mêmes éléments de langage : « Il faut cesser de nier le lien entre terrorisme et immigration, notamment l’immigration la plus récente » (V. Pécresse, Europe 1, 25 avril 2022) ; « Le gouvernement doit enfin sortir d’une vision angélique et naïve afin de regarder la réalité en face : le lien statistique entre immigration et terrorisme est irréfutable » (E. Ciotti, La Croix, 26 avril 2021).
57 V. GEISSER, « Immigration et terrorisme : corrélation magique et instrumentalisation politique », Migrations Société, 2020, n°182), pp. 3-13. Voir également J-B. MEYER, « Le lien entre migration et terrorisme : un tabou à déconstruire », Hommes & migrations, 2016, n°1315, pp. 49-57.
58 Mis au goût du jour par Renaud Camus (Le grand remplacement, Paris, Chez l’auteur, 5ème éd., 2019, 506 p.), les ressorts de la théorie du grand remplacement remontent à Édouard Drumont et Maurice Barrès.
59 Cons. const., 6 juillet 2018, n°2018-717/718 QPC, Cédric H. et a.
60 Cass. crim., 26 février 2020, n°19-81.561.
61 TF1, Face à Face, 30 octobre 2023.
62 La Cour européenne des droits de l’homme : une confiance nécessaire pour une autorité renforcée (dir. Sébastien Touzé), Paris, A. Pedone, 2016, 248 p.
63 CEDH, 4 février 2005, Mamatkoulov et Askarov c. Turquie, n°46827/99 et 46951/99. Voir également CEDH, 21 mai 2019, OO c. Russie, n°36321/16.
64 CE, ord., 7 décembre 2023, n°489817. Voir précédemment CE ord., 30 juin 2009, n°328879. Voir l’analyse de Anna Glazewski, « Ouzbek expulsé : Darmanin peut-il s’affranchir de la CEDH ? », Le club des juristes, 14 décembre 2023 (https://www.leclubdesjuristes.com/opinion/non-respect-par-la-france-dans-un-contexte-de-lutte-contre-le-terrorisme-dune-mesure-provisoire-indiquee-par-la-cedh-regard-critique-4096/).
65 Interviewé par trois journalistes notoirement proches de l’extrême droite dont le directeur de la rédaction, Geoffroy Lejeune, dans les pages du Journal du dimanche le Ministre de l’intérieur Gérald Darmanin défend uniquement le texte sous l’angle de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme : « Aucun tabou pour protéger les Français » (JDD, 22 octobre 2023).
66 L’octroi d’un titre de séjour sera désormais conditionné à la maitrise minimale de la langue française. Le délai durant lequel on peut assigner à résidence ou placer en rétention une personne faisant l’objet d’une OQTF est allongé. La durée initiale de rétention passe de 2 à 4 jours. La justice de l’asile est transformée en justice d’abattage : régionalisation (officiellement afin de rapprocher le justiciable de la juridiction), disparition de la collégialité sauf exception.
67 Audition de la Défenseure des droits devant les rapporteurs de la commission des lois de l’Assemblée nationale à propos du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, 17 novembre 2023. La Défenseure des droits avait émis un premier avis très critique le 23 février 2023.
68 CNCDH, 28 novembre 2023, Lettre sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.
69 S. TOUZÉ, « La restriction vaudra toujours mieux que la dérogation », Le club des juristes, 22 avril 2020.
70 S. HENNETTE-VAUCHEZ, D. ROMAN, Droits de l’homme et libertés fondamentales, Paris, Dalloz, 5ème éd., 2022 , p. 59.
71 C. LAZERGES, « La dangerosité de la notion de dangerosité en droit pénal », Criminocorpus, 2022, n°20.
72 R. KOERING-JOULIN, J-F. SEUVIC, « Droits fondamentaux et droit criminel », AJDA, 1998, p. 106
73 J-M. FAUVERGUE, « Sécurité globale : de la conception à la pratique partagée », Servir, 2022, n°515, pp. 31-32. Voir également M. DELMAS-MARTY, Libertés et sûretés dans un monde dangereux, Paris, Éd. du Seuil, 2010, p. 30.
74 P. BERTHELET Pierre, « Heurts et bonheurs de la sécurité globale. Réflexions sur un concept à succès », Sécurité et stratégie, 2016, n°21, pp. 64-72. Voir également La sécurité globale, perspectives juridiques et éthiques (dir. R. Maurel, J. Gallois), Paris, LGDJ, 2022, 190 p.
75 Pour les infractions préventives voir A. PONSEILLE, « Les infractions de prévention, argonautes de la lutte contre le terrorisme », RDLF, 2017, chron. n°26.
76 J.-M. BRIGANT, « L’entreprise individuelle terroriste, nouvelle arme contre le terrorisme », in Les combattants européens en Syrie (dir. A. Jabobs et D. Flore), Paris, L’Harmattan, 2015, p. 107 et suiv.
77 K. ROUDIER, « Le Conseil constitutionnel face à l’avènement d’une politique sécuritaire », Nouveaux cahiers du conseil constitutionnel, 2016, pp. 37-50.
78 La dangerosité saisie par le droit pénal (dir. Geneviève Giudicelli-Delage et Christine Lazerges), Paris, PUF, 2011, 320 p. Voir également C. LAZERGES, « La dangerosité de la notion de dangerosité en droit pénal », Criminocorpus, 2022 n°20.
79 A. Lacassagne « Les transformations du droit pénal et les progrès de la médecine légale, de 1810 à 1912 », Archives d’anthropologie criminelle, 1913, p. 364 : « Le milieu social est le bouillon de culture de la criminalité ; le microbe, c’est le criminel, un élément qui n’a d’importance que le jour où il trouve le bouillon qui le fait fermenter »
80 E. DREYER, « Le droit pénal sécuritaire », Dalloz, 2021 p. 1973
81 L’article L. 224-1 du Code de la sécurité intérieure permet au ministre de l’intérieur de prononcer une mesure d’interdiction de sortie du territoire pour une durée de six mois renouvelable jusqu’à deux ans à l’encontre de Français projetant de participer, à l’étranger, à des activités terroristes.
82 Cons. const., déc. n°2020-805 DC, 7 août 2020, Loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, consid. 14 : « Toutefois, s’il est loisible au législateur de prévoir des mesures de sûreté fondées sur la particulière dangerosité, évaluée à partir d’éléments objectifs, de l’auteur d’un acte terroriste et visant à prévenir la récidive de telles infractions, c’est à la condition qu’aucune mesure moins attentatoire aux droits et libertés constitutionnellement garantis ne soit suffisante pour prévenir la commission de ces actes et que les conditions de mise en œuvre de ces mesures et leur durée soient adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. Le respect de cette exigence s’impose a fortiori lorsque la personne a déjà exécuté sa peine ».
83 CNCDH, Avis sur le suivi de l’état d’urgence, JORF n°0048, 26 février 2016.
84 Cons. const., déc. n°2017-691 QPC, 16 février 2018, M. Farouk B. Le Conseil juge conformes à la Constitution les dispositions litigieuses de la loi du 30 octobre 2007 à l’exception de celles relatives à la saisie, la conservation et la restitution, la saisie des systèmes informatiques et des équipements supports, faute de règle assez claires en encadrant l’exploitation.
85 Cons. const. déc. n°2017-695 QPC, 29 mars 2018, M. Rouchdi B. et a.
86 On retrouve la même logique de crainte permanente et de dangerosité dans la loi n°2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, plus connue sous le nom de « loi anticasseurs », qui permet aux autorités de procéder à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu’à la visite des véhicules sur les lieux d’une manifestation et à ses abords immédiats.
87 J-B. de GUBERNATIS, M. MARTIN, « La loi relative au renseignement : la victoire de la peur sur l’idéal de protection des droits et libertés ? », Les Cahiers Portalis, 2016, n°3, pp. 75-85.
88 G. MACILOTTI, J. ALEV-DILMAC, K. DELOMITSOS, « Normes, déviances et nouvelles technologies : entre régulation, protection et contrôle », Sciences & Actions Sociales, 2019, n°12), pp. 1-9.
89 Voir la décision de conformité, Cons. const., déc. n°2015-722 DC, 26 novembre 2015, Loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.
90 F. NICOUD, « Loi Sécurité globale préservant les libertés : vers une sécurité des transports publics « à grande vitesse » ?, JCP A, 2021, n°27, 2218.
91 L’armure, le pistolet, le gaz lacrymogène et des armes de guerre reconnues comme telles par l’État (fusils d’assaut, grenades de désencerclement, lanceur de balles de défense) deviennent peu à peu partie intégrante de l’équipement standard des forces de l’ordre. Par ailleurs, sous couvert du plan Vigipirate ou de l’opération sentinelle, les militaires sont en permanence associés à des missions de maintien de la paix assez éloignées de leur métier (voir par exemple le rapport de la Cour des comptes sur la loi de programmation militaire (2019-2025), 2022).
92 Le vote d’extrême-droite est majoritaire chez les policiers et les militaires. Selon une étude publiée par le CEVIPOF en 2023 (L. Rouban, Note de recherche – élection présidentielle 2022, p. 4), 30 % des policiers et des militaires se déclarent proches du Rassemblement national ce qui constitue la plus forte proximité partisane socio-professionnelle. 44 % d’entre eux avaient l’intention de voter pour Marine Lepen (p. 8). Outre le conservatisme exacerbé d’un des syndicats de police les plus représentatifs, Alliance Police, la profession est celle qui enregistre le plus grand nombre de syndicats associés à l’extrême droite : Fédération professionnelle indépendante de la Police (FPIP), Syndicat professionnel des policiers de France (SPPF), Front national Police (FNP).
93 CEDH, 27 août 1992, Tomasi c. France, n°12850/87 ; CEDH 28 juillet 1999, Selmouni c. France, n°25803/94 ; CEDH, 1er avril 2004, Rivas c. France, n°59584/00 ; CEDH, 19 mai 2004, R.L. et M.-J.D. c. France, n°44568/98 ; CEDH, 4 novembre 2010, Darraj c. France, n°34588/07 ; CEDH, 16 novembre 2017, Boukrourou et a. c. France, n°30059/15 ; CEDH, 23 mai 2019, Chebab c. France, n°542/13 ; CEDH, 30 avril 2020, Castellani c. France, n°43207/16.
94 C. TZUTZUIANO, « L’usage des armes par les forces de l’ordre. De la légitime défense… à la légitime défense en passant par l’autorisation de la loi », RSC, 2017, n°4, pp. 699-712.
95 En se basant sur les chiffres publiés annuellement par l’IGPN, le journal Libération calculait qu’entre la période 2012-2016 d’une part, et 2017-2021 d’autre part, l’usage des armes par les policiers a augmenté de 26 % ; et les usages de l’arme contre un véhicule ont augmenté de 39 % (« Violences policières, refus d’obtempérer : depuis 2017, une inflation létale », Libération, 27 juin 2023). Par ailleurs, alors qu’il oscillait entre 19 et 26 cas entre 2011 et 2019, le nombre annuel de décès en lien avec une intervention de police en France (par balles, d’un malaise, d’une arme censée être non létale…) dépasse systématiquement les 39 personnes depuis 2020.
96 CNCDH, Avis sur les rapports entre police et population : rétablir la confiance entre la police et la population, JORF n°0045, 11 février 2021.
97 CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, n°5493/72, § 49.
98 CEDH, 6 juillet 2006, Erbakan c. Turquie, n°59405/00, § 56 : « A cet égard, la Cour souligne que la tolérance et le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains constituent le fondement d’une société démocratique et pluraliste. Il en résulte qu’en principe on peut juger nécessaire, dans les sociétés démocratiques, de sanctionner voire de prévenir toutes les formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine fondée sur l’intolérance (y compris l’intolérance religieuse), si l’on veille à ce que les « formalités », « conditions », « restrictions » ou « sanctions » imposées soient proportionnées au but légitime poursuivi ».
99 CEDH, 26 avril 1979, Sunday times c/ Royaume-Uni (n°1), n°6538/74, § 65
100 Les deux autres ordonnances prévoyaient une nouvelle dissolution de la Chambre des Députés et la convocation d’élections pour le mois de septembre.
101 La loi du 12 décembre 1893 n’est pas la première qui institue un délit d’opinion (voir par exemple l’article 102 du Code pénal de 1810, la loi du 9 septembre 1835 ou la loi du 27 février 1858, dite loi de sûreté générale). Elle est néanmoins la première loi républicaine à le faire.
102 Cass. crim., 14 janvier 1971, n°0-90.558.
103 Voir respectivement Cass. crim., 19 juin 2013, n°12-81.505 et Cass. crim., 16 novembre 1993, n°90‑83.128.
104 B. de LAMY, « Des actes aux paroles ; des paroles aux actes (à propos des délits d’apologie et de provocation terroristes) », in Humanisme et justice : mélanges en l’honneur de Geneviève Giudicelli-Delage, Paris, Dalloz, 2016, pp. 462-473, spé. p. 469.
105 Cons. const. déc. n°2018-706 QPC, 18 mai 2018, Jean-Marc R, consid. 22-24.
106 CEDH, 23 juin 2022, Rouillan c. France, § 74.
107 CEDH 20 octobre 2009, Ürper et a. c. Turquie, n°14526/07, §§ 44-45 : la Cour retient la violation de l’article 10 consécutive à la suspension de la publication de journaux même pendant une période relativement brève qu’elle assimile à de la censure.
108 CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, n°5493/72, § 49.
109 Cons. const. déc. n°2019-780 DC, 4 avril 2019, Loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations.
110 Cons. const. déc. n°2020-801 DC, 18 juin 2020, Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Le Conseil a également retoqué le volet préventif de la loi afin de tenir compte des critiques sévères opposées par la Commission européenne (C(2019) 8585 final, 22 novembre 2019).
111 Cons. const., déc. n°2018-773 DC, 20 décembre 2018, Loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information, consid. 23.
112 D. ROUSSEAU, « Propos introductifs », in Le Conseil constitutionnel est-il le gardien des libertés ? (dir. S. Benzina),, 2021, Poitiers, PUJ, Poitiers, 2021, p. 10.
113 Cons. const., déc. n°2018-768 DC, 26 juillet 2018, Loi relative à la protection du secret des affaires.
114 N. MALLET-POUJOL, « Secret des affaires, lanceurs d’alerte et risques d’autocensure : approche juridique », Communications, 2020, n°106, pp. 175-186 : « Il n’est évidemment pas de la compétence d’un juriste de mesurer le phénomène d’autocensure. Mais il est possible d’entrevoir des hypothèses susceptibles de générer un tel comportement. Ainsi est-il permis d’avancer que tant le périmètre de protection du secret des affaires que le mode de protection des lanceurs d’alerte sont de nature à inciter à l’autocensure, en raison de la conscience des périls encourus ». Pour la loi « Fake news », voir l’analyse de D de BELLESCIZE, « Fake news : une loi polémique, qui pose plus de questions qu’elle n’en résout », Constitutions, 2018, p. 559.
115 F. de PRESSENSÉ, « Notre loi des suspects », in Les Lois Scélérates de 1893–1894, Ed. de la Revue blanche, 1899, p. 3.
116 L’autorité tend à devenir une obsession gouvernementale à tous les étages. Elle était au cœur du projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration. Elle est aussi le fil conducteur du plan annoncé par le ministère des solidarités en décembre 2023 pour responsabiliser les parents défaillants, plan qui envisage la mise en place d’amendes et de travaux d’intérêt général pour les parents défaillants, le port de l’uniforme à l’école…