La fondamentalisation du droit international privé portant sur les personnes et les relations familiales
La place considérable occupée par les méthodes en droit international privé explique que les exigences portées par le respect des droits fondamentaux conduisent à s’interroger sur leur portée à l’endroit des méthodes propres au droit international privé. Les méthodes classiques du droit international privé -technique conflictuelle, méthode de la reconnaissance, applicabilité immédiate ou encore ordre public international- ne sont, certes pas remises en cause par les exigences des droits fondamentaux dans le domaine de l’étude – et en particulier par celle relative au respect des attentes légitimes des parties quant à la stabilité internationale des statuts personnels ou familiaux qu’elles ont constitués et plus généralement la sécurité juridique- mais interrogées quant aux résultats de leur application aux situations personnelles et familiales. Les droits de l’Homme n’entendent pas se substituer aux méthodes et raisonnements propres au droit international privé mais sont, cependant, susceptibles de les orienter, de les corriger ou de les affiner. Cette question est abordée sous l’angle de la question centrale du droit international privé, à savoir la détermination du droit applicable, et des modes d’intervention possibles des droits fondamentaux lorsque le for est conduit, quelle que soit la méthode retenue, à appliquer une loi étrangère.
Par Pierre Meyer, Professeur à l’Université Ouaga 2 (Burkina Faso)
1. La portée transversale des droits fondamentaux dans les différentes dimensions du droit soulève des problématiques spécifiques s’agissant du droit portant sur les personnes et les relations familiales en raison du fait qu’il s’agit de situations et de relations juridiques traditionnellement ancrées dans un contexte et une culture qui les ont façonnées.
Dans le domaine qui nous préoccupe, le droit international des droits de l’Homme entend protéger les droits fondamentaux d’abord à travers des dispositions qui assurent le respect de la vie privée et familiale. L’article 17.1 du Pacte international sur les droits civils et politiques qui protège chaque personne contre les « immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance » ainsi que « des atteintes illégales à son honneur et à sa réputation assure cette protection au niveau universel. Les articles 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et l’article 11 de la Convention américaine des droits de l’Homme assurent, en des termes voisins, la protection de la vie privée et familiale de chaque personne.
Outre ces dispositions de portée générale, certaines dispositions constitutives du droit international des droits de l’Homme, soit dans des normes de portée universelle, soit de portée régionale, peuvent également contribuer à la fondamentalisation du droit des personnes et de la famille. Ainsi, en est-il du droit au nom[1], de la liberté du mariage[2], de l’égalité entre les conjoints durant le mariage, y compris lors de la dissolution[3] et de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions le concernant[4].
2. Le droit international privé, qui a pour objet de traiter des relations privées présentant un élément d’extranéité, celle-ci étant tantôt celle d’un acte décisionnel étranger –un jugement ou un autre acte plus ou moins décisionnel-, tantôt résultant de la diversification spatiale ou personnelle d’une situation, présente la particularité que ses sources s’inscrivent, de façon beaucoup plus poussée que dans les autres disciplines juridiques, dans des méthodes. Les principes et règles – légales, communautaires ou jurisprudentielles- qui constituent les sources de la matière se rattachent à des options méthodologiques. Parmi les méthodes les plus connues, on peut citer la méthode conflictuelle et celle de la reconnaissance jadis cantonnée aux jugements et actes décisionnels étrangers et qui s’étend aujourd’hui à certaines situations constituées à l’étranger en dehors de tout acte strictement décisionnel. Les différentes méthodes poursuivent différents objectifs qui sont ceux traditionnellement attribués au droit international privé contemporain : coordination des systèmes de droit, harmonie internationale des solutions, continuité spatiale des situations. L’existence de ces méthodes et les objectifs traditionnellement poursuivis expliquent que, pendant longtemps, le droit international privé ait été perçu comme une matière essentiellement technique détachée des préoccupations de justice substantielle. Ainsi, la justice en droit international privé a souvent été présentée dans une acception particulière de justice conflictuelle. Alors que dans les autres domaines du droit, la justice a une signification matérielle ou substantielle, la justice, en droit international, privé se définirait comme une « justice dans le rattachement ». Une solution « juste » en droit international privé ne serait donc pas une décision qui, du point de vue du fond, apporte une solution de fond appropriée mais celle qui désigne le système juridique le plus proche de la situation, en principe quelle que soit la solution substantielle que le système juridique ainsi désigné apporte à la situation. Une telle approche est fondée sur l’idée de relativisme des valeurs, des principes et des règles qui constituent un système juridique. Le relativisme qui caractérise le droit international privé repose ainsi sur l’idée que, d’une certaine manière, tous les systèmes juridiques se valent. Cette présentation doit certes être relativisée car il n’est pas sûr que le droit international privé, notamment dans l’utilisation de la technique conflictuelle, ait été totalement détaché de préoccupations substantielles et, à supposer qu’il l’ait été, ce n’est très certainement plus le cas aujourd’hui[5].
3. Alors que les droits fondamentaux postulent l’universalité, on vient de constater que le droit international privé postule, au contraire, un certain relativisme des principes et des règles et, en conséquence, des valeurs qui les sous-tendent. Il existe donc, a priori, une certaine tension entre l’universalisme des droits de l’homme et le relativisme du droit international privé qui conduit une partie de la doctrine à exprimer sa réticence à l’endroit de la référence aux droits fondamentaux qui menacerait la finalité du droit international privé[6]. Ainsi, au soutien du postulat « culturaliste » du droit international privé, il a pu être affirmé que « l’aspiration à l’universalisme inhérente à la notion de droits de l’Homme, risque de compromettre l’esprit de relativisme et d’ouverture qui convient au droit international privé »[7]. Au soutien de la vision universaliste des droits de l’Homme, il a pu être affirmé que « plutôt que de respecter les cultures, il est préférable d’avoir des égards pour les êtres humains »[8]. Il n’est pas certain qu’il soit nécessaire, ni opportun d’opposer relativisme et universalisme. En réalité, les préoccupations portant sur la protection des droits fondamentaux ont toujours été présentes en droit international privé, en particulier au moyen de l’utilisation de l’exception d’ordre public international[9]. Les méthodes du droit international privé qui s’inscrivent dans cette logique d’ouverture aux autres droits doivent être confrontées dans les résultats auxquelles elles aboutissent aux exigences de protection des droits fondamentaux.
Cela s’explique pour au moins deux raisons. L’une tient à la hiérarchie des sources formelles du droit. Les droits fondamentaux sont exprimés dans des sources formelles hiérarchiquement supérieures (conventions internationales, constitutions) à celles dans lesquelles s’expriment les normes de droit international privé (lois, règlements, jurisprudence). L’autre est substantielle et tient à la finalité du droit car le centre de gravité du droit est l’être humain. La fondamentalisation du droit a d’ailleurs pour objet de « recentrer » le droit, dans ses normes et ses méthodes, sur la personne, sa liberté individuelle et la protection de ses droits. Le droit international privé, comme toutes les autres disciplines du droit, doit respecter la primauté hiérarchique formelle – normes internationales et conventionnelles- et substantielle – les valeurs portées par les droits de l’Homme- des normes de protection des droits de l’Homme. Cette obligation induit la transversalité. Les droits de l’homme ont, en conséquence, le même caractère transversal à l’égard du droit international privé qu’à l’endroit de toutes les autres disciplines juridiques. Le respect de la vie privée et familiale est le cadre général de protection des droits fondamentaux en ce qui concerne l’identité de la personne et les relations familiales qu’elle noue. Ce cadre général se décline à travers différents droits exprimant l’identité physique et sociale de l’individu (nom, genre, orientation sexuelle, …) et qui ont comme fondement son autonomie ainsi qu’à travers différents droits se rattachant aux relations familiales établies par les personnes (conjugalité factuelle ou juridiquement constituée, filiation, accès aux origines, …). Sous l’angle des droits fondamentaux, deux éléments doivent être mis en avant : le respect de la stabilité internationale des différents droits se rattachant à la vie privée et familiale et le respect par les différents systèmes juridiques des différents droits se rattachant à la vie privée et familiale. La première question conduit à s’interroger sur les méthodes de désignation du droit applicable propres au droit international privé permettant d’assurer cette stabilité (I) alors que la deuxième question conduit à s’interroger sur les méthodes d’intervention des droits fondamentaux en droit international privé lorsque l’application d’une loi étrangère a été retenue pour s’appliquer à une situation privée personnelle ou familiale (II).
I. Les méthodes DU DROIT INTERNATIONAL PRIVé DANS LA DéTERMINATION DU DROIT APPLICABLE ET LA STABILITé iNTERNATIONALE DE LA VIE PRIVéE ET FAMILIALE
4. Le droit à la protection de la vie privée et familiale, et plus généralement le droit international des droits de l’Homme, n’a nullement pour objet de construire un système de droit international privé. Il est même indifférent aux méthodes du droit international privé ; il ne s’attache qu’à sanctionner les ingérences disproportionnées dans le respect de la vie privée et familiale quelle que soit la méthode retenue[10]. La sanction des ingérences disproportionnées implique que ce sont les « résultats » appréciés « in concreto » de la méthode retenue, et non la méthode elle-même, qui sont en cause. La stabilité internationale de la vie privée et familiale conduit à s’interroger sur les résultats des méthodes qui sont, en droit international privé, susceptibles de répondre le plus adéquatement possible à cette exigence de stabilité. La détermination du droit substantiel applicable aux situations privées internationales s’effectue, généralement, au moyen d’une méthode souvent présentée comme le « noyau » ou le « cœur » du droit international privé : la méthode conflictuelle. On examinera les exigences que porte la stabilité internationale de la vie privée et familiale au regard de l’utilisation de la méthode conflictuelle (A) avant de s’interroger sur les alternatives possibles susceptibles de surmonter les insuffisances de la technique conflictuelle au regard de cette exigence (B).
A. La méthode conflictuelle
5. La technique conflictuelle constitue une forme de coordination entre les systèmes juridiques qui s’effectue au moyen de la possibilité pour un système juridique d’appliquer les normes d’un autre système considéré comme plus « proche » en raison de l’extranéité de la situation. Dans sa structure –catégorie, facteur et loi désignée-, la règle de conflit ne suscite, a priori, aucune question spécifique relative à sa compatibilité par rapport à la protection des droits fondamentaux se rattachant à la situation personnelle et familiale des personnes. En effet, la règle de conflit de lois n’a pas, à proprement parler, de contenu, de substance. Elle a certes un effet juridique mais celui-ci n’est pas constitué d’un régime juridique. Il est constitué d’un rattachement, au moyen d’un facteur de rattachement, d’une situation envisagée dans une catégorie de rattachement. Pour cette raison, la question de la compatibilité de la règle de conflit aux droits fondamentaux ne se pose, en principe, pas.
Il faut toutefois réserver l’hypothèse où la règle de conflit, spécialement en raison du facteur de rattachement qu’elle contient, serait incompatible avec un droit fondamental ou l’interdiction d’une discrimination. Ce serait le cas d’une règle de conflit qui accorderait la prééminence à la loi nationale du mari sur celle de la femme dans la désignation de la loi applicable aux effets du mariage ou aux causes et effets du divorce. En effet, une telle règle de conflit de lois porterait atteinte au principe de l’égalité entre les conjoints. Certes, la discrimination qu’une telle règle introduit n’est pas substantielle puisque la règle de conflit ne contient aucun régime juridique. Il est même possible que la loi nationale du mari soit plus protectrice des droits de la femme que celle de la femme. L’incompatibilité est cependant bien présente à travers la conception de la famille qu’une telle règle de conflit entretient. En effet, elle porte une conception patriarcale fondée sur la prééminence du mari. On sait que pour cette raison les règles de conflit allemande et italienne ont été déclarées inconstitutionnelles dans ces pays[11].
6. Si la règle de conflit de lois ne suscite, a priori, aucun problème particulier en rapport avec les droits fondamentaux, la question des conditions dans lesquelles elle doit être utilisée et des effets qu’elle produit doit être confrontée aux exigences des droits fondamentaux.
Il importe à cet égard de relever que la règle de conflit de lois peut être utilisée dans deux types de situations différentes. Elle peut être utilisée pour créer une situation personnelle ou familiale dans le système juridique du for ; elle peut également être utilisée pour déterminer la loi applicable à la validité ou aux effets qu’il convient d’attribuer à une telle situation déjà configurée dans un système juridique étranger.
L’utilisation d’une règle de rattachement pour créer la situation dans le for est la conséquence de la fonction de coordination entre les systèmes juridiques et ne suscite, a priori, aucune question particulière par rapport aux exigences relevant de la protection des droits fondamentaux. La règle de conflit de lois peut désigner soit la loi du for, soit une loi étrangère. Dans les deux cas, il est possible que la loi désignée porte atteinte ou discrimine une personne dans l’exercice de droits fondamentaux. Si cette atteinte ou cette discrimination est le fait de la loi du for, la question ne relève pas du droit international privé mais des techniques qui, dans le système juridique du for, permettent d’assurer la prééminence des normes –internationales ou constitutionnelles- protégeant ces droits[12]. Si l’atteinte ou la discrimination est le fait de la loi étrangère, cela suscite des réponses adéquates que le droit international privé doit apporter[13].
En revanche, le recours à une règle de conflit de lois pour juger de la validité ou déterminer les effets d’une situation déjà configurée dans un système juridique étranger suscite des questionnements tant du point de vue de la logique interne du droit international privé que du point de vue du respect de certains droits fondamentaux.
7. La technique conflictuelle bilatéraliste, lorsqu’elle est utilisée pour juger de la validité d’une situation déjà constituée dans un système juridique étranger, consiste à vérifier que la situation a été constituée à l’étranger selon la loi désignée par la règle de conflit de lois du for, c’est-à-dire l’Etat où il est statué sur la validité de la situation. De même, à supposer que la situation soit valide, les effets de la situation seront déterminés par la loi désignée par la règle de conflit du for et non la loi –matérielle ou conflictuelle- de l’Etat où la situation a été créée. Ceci peut avoir pour effet de déjouer les légitimes prévisions des parties.
Supposons, par exemple deux ressortissants israéliens qui se sont mariés en Afrique du Sud, alors que les règles de conflit sud-africaine et israélienne déclarent toutes deux applicables aux conditions de fond et de forme du mariage la loi du lieu de célébration, en l’espèce sud-africaine. S’ils s’établissent ensuite dans un pays qui soumet les conditions de fond à la loi nationale commune des futurs conjoints alors que la question de la validité au fond de leur mariage y est posée, les légitimes prévisions des parties qui reposaient sur le fait que la validité de leur mariage relève de la loi sud-africaine sont déjouées.
8. Du point de vue de la logique du droit international privé, cette conséquence de la règle de conflit bilatérale a suscité depuis longtemps des propositions de limitation de l’application des règles de conflit du for pour les situations ne présentant, au moment où elles sont constituées, aucun lien significatif avec le for[14]. Elle a aussi suscité les critiques de la pensée unilatéraliste dans sa version contemporaine[15]. En effet, une règle de conflit bilatérale, parce qu’elle détermine dans le for la sphère d’applicabilité du droit étranger, ne respecte pas la sphère d’applicabilité que le droit étranger s’est donnée. Le non-respect de la sphère d’applicabilité que la loi étrangère s’est attribuée a comme conséquence qu’elle peut être appliquée à des situations qu’elle ne vise pas. Or, une telle application est illogique puisque en ne respectant pas « l’autolimitation » de la loi étrangère, elle crée de « faux conflits » -des conflits là où il n’y en avait pas- et elle est surtout gravement « perturbatrice » des prévisions des parties à une relation juridique, du point de vue du droit susceptible de régir leur relation[16].
Du point de vue des droits fondamentaux, l’utilisation de la technique conflictuelle a pour effet de remettre en cause une situation familiale ou personnelle valablement constituée portant, en cela, atteinte au respect dû à la vie privée ou familiale. L’intérêt de la personne et de la famille est de jouir d’un statut unique à travers les frontières. En conséquence, le respect de la vie privée et familiale oblige les Etats à faire de leur mieux pour éviter une diversité des solutions affectant le statut d’une personne ou la cellule conjugale ou familiale constituée[17].
La Cour européenne des droits de l’Homme a déjà eu, à plusieurs reprises, l’occasion de rappeler que la vie privée et familiale qui doit être protégée contre les ingérences injustifiées de l’Etat impose, au moins pour les situations ne présentant aucun lien significatif avec le for où un statut personnel ou familial est invoqué, de « reconnaître » une situation valablement configurée l’étranger[18]. C’est cependant l’arrêt Wagner[19] qui illustre le mieux que la technique conflictuelle est susceptible de porter atteinte au respect de la vie privée et familiale. Un jugement d’adoption péruvien avait été refusé à la reconnaissance au Luxembourg –contrairement à la pratique administrative antérieure dont l’adoptante avait pu bénéficier lors de précédentes adoptions internationales – au motif que le contrôle de la loi appliquée –en tant que condition de fond posée par le droit international privé luxembourgeois- avait désigné la loi nationale de l’adoptant, en l’espèce luxembourgeoise, qui interdit l’adoption plénière par une personne célibataire. Dans cet arrêt, la Cour de Strasbourg a pu juger que l’application de la loi luxembourgeoise, en tant que loi nationale de l’adoptant, désignée par la règle luxembourgeoise de conflit de lois, au titre du contrôle de la compétence législative comme condition de fond de la reconnaissance, en ce qu’elle interdisait l’adoption plénière par une personne célibataire, portait atteinte au respect de la vie familiale de la requérante luxembourgeoise ayant obtenu un jugement péruvien d’adoption. L’arrêt est intéressant parce qu’il instaure une véritable obligation positive des Etats d’assurer l’exécution d’un jugement mais aussi parce qu’il met en lumière que c’est, dans le cas d’espèce, l’utilisation d’une règle de conflit qui a entraîné la violation du droit au respect de la vie privée et familiale.
Au-delà de la protection de la vie privée et familiale, ce qui est fondamentalement en cause est la sécurité juridique et le respect de la légitime confiance des parties en la validité du statut personnel ou familial créé. Le statut créé est une réalité objective qui a acquis légitimement pour les parties la qualité de rapport juridique. Il serait à la fois contraire à la sécurité juridique et à la confiance légitime des parties de remettre en cause cela en utilisant la technique conflictuelle. On peut même penser que c’est la légitime confiance des parties dans la stabilité de la situation qui constitue le critère essentiel permettant de mesurer in concreto la proportionnalité de l’ingérence dans la vie privée et familiale et donc le caractère, le cas échéant, disproportionné de ne pas assurer cette continuité[20].
9. S’il est avéré que la technique conflictuelle est susceptible, dans certaines situations, de déjouer les légitimes prévisions des parties sur la stabilité internationale de leur situation personnelle ou familiale, il reste à s’interroger sur les corrections et ajustements possibles permettant de rencontrer cette exigence.
B. Les méthodes de détermination du droit applicable et lerespect de la confiance légitime des parties
10. Le contrôle de proportionnalité par lequel est assuré le droit à la vie privée et familiale en droit international privé n’impose a priori aucune méthode. Il requiert seulement que la stabilité internationale des situations ne subisse pas d’ingérences disproportionnées, étant entendu que la confiance légitime est un paramètre essentiel dans la balance des intérêts en cause. On ne peut donc pas affirmer que l’intrusion du contrôle de proportionnalité en droit international privé implique une remise en cause générale du paradigme conflictuel mais plutôt qu’il impose seulement de désactiver les contrariétés que celui-ci suscite dans le respect de la stabilité internationale des situations. On peut alors s’interroger sur la possibilité de recourir à une ou plusieurs « corrections » apportées à la technique conflictuelle lorsque celle-ci ne rencontre pas adéquatement le respect de la vie privée et familiale. Le droit international privé offre à cet égard une diversité d’approches. Certaines d’entre elles s’inscrivent dans le cadre de la technique conflictuelle ; d’autres suggèrent d’y apporter une correction limitée ; enfin, une dernière approche suggère une remise en cause du paradigme conflictuel en inscrivant le traitement des situations configurées à l’étranger dans une méthode qui s’inspire -sans se confondre intégralement avec elle- de la méthode de reconnaissance des jugements étrangers.
11. Certaines règles de conflit de lois permettent d’assurer le respect des légitimes prévisions des parties et la sécurité juridique quant au traitement international de leur situation personnelle ou familiale. L’introduction de l’option de droit, dans certaines législations, permet aux parties de choisir entre plusieurs lois désignées par des rattachements objectifs. Les lois dont le choix est possible, dans les questions juridiques personnelles et familiales, sont généralement la loi de la nationalité et la loi de la résidence habituelle[21]. On observe donc que l’option de droit s’harmonise avec le principe de proximité qui commande l’application d’une loi proche de la situation. L’option de droit permet à la personne de concrétiser cette proximité (elle est donc une règle de conflit localisatrice) tout en permettant à la personne qui opère le choix de prendre en compte la dimension substantielle des lois qui peuvent être choisies (elle permet donc d’introduire dans la règle localisatrice une considération substantielle). Cette dimension substantielle permettra aux parties de choisir, parmi les lois ouvertes par l’option, la législation la plus « libérale ». Une telle option remplit, en outre, adéquatement l’objectif de prévisibilité du droit applicable permettant la stabilité internationale de la situation. Elle a, pour le moment, été essentiellement cantonnée aux situations familiales patrimoniales[22]. Il n’est pas impensable de l’étendre aux situations personnelles et familiales. Une telle extension a été ouverte par le Règlement européen en matière de divorce dont l’article 5 offre aux époux de choisir entre la loi de résidence habituelle des époux au moment où ils procèdent à la désignation, la loi de leur dernière résidence habituelle si l’un d’eux y réside encore au moment du choix, la loi nationale de l’un d’eux au moment de la désignation ou la loi du for (qui sera celle du tribunal saisi) [23] .
Outre l’option de droit, les règles de conflit de lois soumettant l’ensemble d’une relation familiale -sa constitution, ses effets, sa dissolution- à la loi du lieu d’enregistrement -ou la loi de l’autorité ayant contribué à la création de cette relation- rencontre également le souci de respecter les légitimes prévisions des parties. On sait qu’une telle règle de conflit bilatérale a été instituée dans la plupart des pays ayant introduit des dispositions de droit international privé sur le partenariat enregistré. Il en est ainsi en Allemagne[24], en Belgique[25], en France[26], au Royaume Uni[27], en Suisse[28]. Elle a aussi été retenue en Allemagne pour désigner la loi applicable aux conditions de validité et aux effets du mariage entre personnes de même sexe, s’écartant ainsi en droit international privé allemand des règles de conflit de lois portant sur la validité et les effets des mariages entre personnes de sexe différent[29]. Une telle règle de conflit, outre qu’elle laisse une certaine liberté de choix de la loi applicable, dans les limites des règles de compétence de l’autorité procédant à l’enregistrement du partenariat, assure, dans un système appliquant le renvoi, une prévisibilité et une stabilité de la situation. Ceci est particulièrement important s’agissant d’une relation dont les effets, en particulier patrimoniaux, peuvent différer substantiellement selon les législations. En soumettant l’ensemble de la relation à la loi de l’autorité de l’enregistrement, elle assure aux parties que leur relation ne sera pas dénaturée en soumettant ses effets à une autre loi que celle envisagée par les parties. En cela, elle assure une prévisibilité et une stabilité peut-être même supérieure à l’utilisation de la méthode de la reconnaissance eu égard aux incertitudes de cette méthode notamment quant à la portée des effets susceptibles d’être « reconnus » et soustraits aux conflits de lois[30].
Enfin, l’introduction de règles de conflit alternatives à finalité substantielle permet aussi d’assurer une plus grande stabilité internationale des situations. On sait que l’objectif substantiel poursuivi dans les règles de conflit alternatives est le plus souvent la faveur à la validité de la situation. La multiplication des lois susceptibles de valider la situation a pour effet d’accroître la stabilité internationale de celle-ci. Cependant, si la règle de conflit alternative ne porte que sur la validité de la situation, elle multiplie certes les lois susceptibles de la valider mais laisse ouverte et peu prévisible la question des effets de celle-ci. C’est de cette manière qu’on peut analyser les règles de conflit qui ont été édictées en Belgique[31] et en France[32] portant sur la validité du mariage entre personnes de même sexe. Cette faveur à la validité s’observe à la fois par le choix de la loi la moins sévère dans un empêchement bilatéral – la loi de l’autre conjoint si la loi nationale de l’un des conjoints est prohibitive-et l’introduction de rattachements alternatifs- nationalité ou domicile ou résidence- pour la loi validant le mariage de personnes de même sexe. Toutefois, en ne portant que sur la formation du mariage, de telles règles laissent très incertains les effets d’un tel mariage qui restent soumis aux règles de conflit portant sur les effets du mariage. Il en est notamment ainsi lorsque la loi désignée pour régir les effets d’un tel mariage le tiendrait pour inexistant et, en conséquence, ne lui attribuerait aucun effet[33].
12. Certaines corrections peuvent aussi être apportées à la technique conflictuelle afin de rencontrer les légitimes expectatives des parties. On sait que les propositions de solutions des « conflits de systèmes » suggéraient déjà la limitation de l’application des règles de conflit du for pour les situations ne présentant, au moment où elles sont constituées, aucun lien significatif avec le for en présence d’un consensus unanime des ordres juridiques intéressés ou une majorité prépondérante des ordres juridiques intéressés au moment de la constitution ou de l’extinction de la situation[34].
La nouvelle disposition du Code civil néerlandais s’inscrit aussi dans une perspective limitée de correction exceptionnelle à la technique conflictuelle. L’article 9 de la loi néerlandaise du 19 mai 2011 sur le livre 10 du Code civil dispose : « Lorsque des effets juridiques sont attachés à un fait par un Etat étranger concerné en application de la loi désignée par son droit international privé, ces mêmes effets peuvent être reconnus aux Pays Bas, même par dérogation à la loi applicable en vertu du droit international privé néerlandais, dans la mesure où le refus de reconnaître de tels effets constituerait une violation inacceptable de la confiance justifiée des parties ou de la sécurité juridique »[35]. On peut rapprocher cette disposition de celle proposée dans les conflits de systèmes avec toutefois des fondements partiellement différents. L’exception de prévisibilité les exprime clairement en retenant que la mise à l’écart des règles néerlandaises de conflits de lois tient à deux considérations : la confiance légitime des parties et la sécurité juridique. La coordination abstraite entre les systèmes juridiques assurée par la technique conflictuelle doit pouvoir être écartée dans certaines situations où sont en cause la légitime confiance des parties et la sécurité juridique. Ceci permet d’écarter les règles de conflit néerlandaises même si la situation avait des liens avec ce for lors de sa création pour autant que les parties aient légitimement cru à l’application des règles de conflit de lois d’un Etat étranger qui entretenait des liens avec la situation lors de sa création. En outre, alors que les conflits de systèmes exigeaient le consensus ou la majorité prépondérante des ordres juridiques intéressés lors de la création de la situation, l’exception de prévisibilité ne requiert que la conformité à la règle de conflit d’un seul pays pour autant qu’il soit suffisamment proche de la situation de sorte que les parties aient pu croire légitimement à son application. L’exception de prévisibilité est donc beaucoup plus empreinte de « subjectivisme » -les expectatives des parties- que les conflits de systèmes.
L’article 26 du Règlement européen de 2016 sur les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés recourt à cette exception de prévisibilité en prévoyant que la loi du lieu de l’enregistrement du partenariat, applicable à défaut de choix des partenaires, peut exceptionnellement être écartée si l’un des partenaires demande au tribunal de désigner une autre loi sur laquelle les partenaires s’étaient fondés pour organiser ou planifier leurs rapports patrimoniaux. Il faut que le demandeur démontre que « a) les partenaires avaient leur dernière résidence habituelle commune dans cet autre État pendant une période d’une durée significative ; et b) les deux partenaires s’étaient fondés sur la loi de cet autre État pour organiser ou planifier leurs rapports patrimoniaux » (art.26, al.3). La mise à l’écart de la loi compétente est ainsi fondée sur les légitimes expectatives des parties, la légitimité étant ici attestée par une résidence dont la durée est significative dans un autre Etat que celui du lieu de l’enregistrement.
13. Le respect des prévisions légitimes des parties pourrait aussi donner lieu à une remise en cause -plus ou moins partielle- du paradigme conflictuel au profit d’une méthode inspirée de la reconnaissance des jugements étrangers.
Dans sa substance, la méthode de la reconnaissance consiste à établir qu’une situation valablement configurée dans le système juridique de sa création doit pouvoir être reconnue dans les autres systèmes juridiques sans exiger que la situation ait été constituée en application de la loi que le for retient comme celle du rattachement le plus significatif pour cette situation. Le for de reconnaissance reconnaît la situation qui a été créée dans un autre système juridique, soit par application du droit matériel, soit par application du droit désigné par les règles de conflit de lois de cet autre système juridique. Cette méthode élimine ou « éclipse » [36] le conflit de lois pour les situations constituées dans un système juridique étranger de la même manière que les conditions de reconnaissance des jugements étrangers ne posent -ou ne devraient pas poser- pas d’exigences quant à la loi appliquée au fond par le juge étranger. Il n’entre pas dans le cadre de cette étude d’examiner de façon approfondie la méthode de la reconnaissance[37] ; il convient plutôt d’en examiner la portée du point de vue des situations juridiques et des effets des situations couverts par la méthode ainsi que des conditions auxquelles la reconnaissance peut être accordée sous l’angle du respect de la protection des droits fondamentaux.
14. La première interrogation que suscite cette méthode est de préciser à quelles « situations » elle s’applique. Les réponses proposées en droit international privé sont diverses. Certains proposent que la méthode soit limitée aux seules situations « cristallisées » par l’intervention d’une autorité publique, dotée d’un pouvoir décisionnel plus ou moins important, chargée de les créer ou de contribuer à leur création[38]. Les situations couvertes par la reconnaissance devraient donc nécessairement être constatées dans un acte public ou semi public, cette dernière distinction s’effectuant selon le caractère plus ou moins décisionnel, voire simplement réceptif, de l’acte public créant ou constatant la situation. La cristallisation pourrait aussi résulter d’une effectivité fondée sur une apparence ayant déjà produit des effets au sein d’un ordre juridique[39]. D’autres proposent d’étendre la méthode à tous les actes juridiques privés dans la mesure où un acte juridique tient sa juridicité d’un ordre juridique auquel il se rattache nécessairement. Tout acte juridique est donc de cette manière « enraciné ». En outre, du point de vue de sa structure logique et de ses effets, il présente les mêmes caractères que le jugement soumis depuis fort longtemps à la méthode de la reconnaissance[40].
Du point de vue du respect de la vie privée et familiale, les critères permettant d’inclure des situations dans la méthode de la reconnaissance devraient être fondés sur deux facteurs.
Le premier porte sur la légitime confiance que les parties ont eue dans la validité de la situation. Si l’on pose l’exigence du respect de la légitime confiance que les parties peuvent avoir dans la validité et la stabilité internationale de la situation, l’intervention d’une autorité publique, quelle que soit la nature de cette intervention –décisionnelle, semi décisionnelle ou simplement réceptrice de la volonté des parties- joue un rôle important. La légitime confiance des parties et l’intervention d’une autorité publique sont, en effet, liées puisque « l’intervention d’une autorité publique dans la création ou dans l’opposabilité aux tiers de la situation » renforce « la confiance que les parties placent dans la validité de la situation »[41]. Le critère de la cristallisation de la situation par l’intervention d’une autorité publique (officier de l’Etat civil, notaire, par exemple) est, en principe présent s’agissant des situations relevant de la vie privée et familiale (changement de sexe, mariage, partenariat, établissement d’une filiation).
Le deuxième facteur porte sur la réalité objective, personnelle ou familiale, déjà configurée et vécue qui peut être inclue dans le droit au respect de la vie privée et familiale. En effet, la protection contre l’ingérence disproportionnée de l’Etat requiert que la situation existe indépendamment de sa consécration juridique par une autorité publique. Un auteur relève que « les valeurs fondamentales de protection de la vie familiale ont tendance à se rattacher davantage à la relation de fait qu’à l’institution juridique qui lui est associée »[42] . Le même auteur écrit qu’en « ce qui concerne les relations de famille créées à l’étranger, leur accueil devra s’orienter davantage en considération de la protection que l’Etat doit assurer aux relations affectives et effectives sans que la nature juridique du lien qui leur a été associé à l’étranger puisse être déterminante à cet égard »[43]. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme offre plusieurs exemples où des relations familiales ont été reconnues, au moins dans certains de leurs effets, et protégées, au titre du respect de la vie privée et familiale, alors que la relation n’avait pas de base juridique. Par exemple, la Cour de Strasbourg a jugé qu’une relation homosexuelle stable au sein d’un couple de cohabitants relevait de la notion de vie familiale[44]. Il en est de même pour la relation entre un enfant et sa famille d’accueil qui s’était comportée comme des parents et avait même demandé son adoption[45].
Il se pourrait que la réalité objective d’une situation personnelle ou familiale ne corresponde pas à une attente légitime des parties parce que, par exemple, la situation a été configurée dans un système juridique ne présentant pas de liens spécifiques avec elle alors qu’elle n’aurait pas pu être créée dans d’autres systèmes juridiques présentant des liens substantiels -par exemple, par la nationalité ou le domicile des parties- avec cette situation. Dans ce cas, la question se pose de savoir si la réalité effective doit l’emporter ceci impliquant que, malgré l’absence de confiance légitime, la situation puisse être reconnue. On peut penser que la réalité effective de la situation devrait permettre sa reconnaissance à condition que cette réalité corresponde à une situation vécue pendant un certain temps. En revanche, si la situation a été créée dans un Etat éloigné de la situation et qu’elle y a été créée pour être « exportée » dans un Etat présentant une proximité certaine avec les parties sans correspondre dans l’Etat de création à une situation réellement vécue pendant un certain temps, elle pourrait ne pas être reconnue sans que ce refus de reconnaissance puisse être considéré comme une ingérence disproportionnée dans la vie privée et familiale.
15. La deuxième question que pose la méthode de la reconnaissance porte sur les conditions de reconnaissance d’une situation. Celles-ci peuvent être posées par analogie avec celles du jugement étranger. La première d’entre elles porte sur la compétence de l’Etat d’origine, c’est-à-dire l’exigence d’un lien jugé suffisant entre cet Etat et la situation dont la reconnaissance est requise. Du point de vue du droit international privé, s’agissant des situations relevant du statut personnel et familial, ce lien peut être constitué de la nationalité ou du domicile de l’une des parties à la situation. Ces deux rattachements sont, en effet, considérés comme légitimes en matière de statut personnel de sorte qu’une situation créée par l’un de ces Etats –soit l’Etat national, soit l’Etat du domicile- devrait être reconnue du point de vue de la compétence de cet Etat car exprimant un lien suffisant entre cet Etat et la situation. En outre, la légitime confiance en la stabilité internationale de la situation est, sans nul doute, renforcée s’il existe un lien de proximité suffisant entre les parties et l’Etat d’origine de la situation.
Il est cependant possible d’adopter une approche plus libérale de la reconnaissance en ne posant pas d’exigence de proximité suffisante et en acceptant de reconnaître une situation sur le fondement de la seule compétence matérielle de l’autorité ayant contribué à la création de la situation. Telle est la solution adoptée par la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la célébration et la reconnaissance de la validité des mariages. De même, la Convention de Munich du 5 septembre 2007 sur la reconnaissance des partenariats enregistrés ne fait pas de la compétence de l’autorité d’enregistrement du partenariat fondée sur la nationalité ou le domicile de l’un des partenaires une condition de la reconnaissance. Toutefois, l’article 7.5. de la Convention permet -mais n’oblige pas- à un Etat de refuser de reconnaître le partenariat si « au moment de la déclaration de volonté devant l’autorité compétente, aucun des deux partenaires ne se rattachait, par la nationalité ou la résidence habituelle, à l’État du lieu de l’enregistrement ».
Tout comme en matière de jugement, l’Etat où la reconnaissance de la situation est requise n’a pas à procéder à un contrôle de la loi appliquée au fond. On rappelle que l’essence de la méthode de la reconnaissance est d’écarter les règles de conflit de lois de l’Etat de reconnaissance.
Enfin, il est nécessaire de vérifier la conformité de la situation à l’ordre public au sens du droit international privé de l’Etat de reconnaissance. Etant entendu que cette question se rattache à la question des méthodes par lesquelles le droit international privé intègre la protection des droits fondamentaux, elle sera examinée ci-dessous[46].
16. La troisième question que pose la méthode de la reconnaissance porte sur la portée de la reconnaissance du point de vue des effets de la situation couverts par la reconnaissance. La reconnaissance porte incontestablement sur l’existence et la validité de la situation reconnue mais la question se pose de savoir si elle s’étend aussi aux effets que cette situation entend produire. Il est certain que, pour présenter quelque utilité, la reconnaissance doit aussi porter sur les effets déjà produits et que continue à produire la situation reconnue. Se pose alors la question de savoir si ces effets sont déterminés par la loi de l’Etat de constitution de la situation ou la loi de l’Etat de reconnaissance. On pourrait admettre que la loi de constitution de la situation détermine tous les effets produits et à produire par la situation. Cela aurait pour avantage de ne pas dénaturer la situation et de respecter les légitimes prévisions des parties. Cela implique que la technique conflictuelle est écartée pour tous les effets que la situation entend produire selon la loi de constitution. On pourrait aussi proposer que les effets déjà produits relèvent de la loi de l’Etat de constitution alors que les effets à produire seraient déterminés par la loi désignée par la règle de conflit de lois de l’Etat de reconnaissance. Cela pourrait cependant avoir pour effet de déjouer les légitimes prévisions des parties[47].
17. La méthode de la reconnaissance suscite de nombreuses interrogations en raison des incertitudes qu’elle engendre aussi bien du point de vue des situations « à reconnaître », des conditions posées et des effets qu’elle couvre. La méthode présente sans doute la plus grande efficacité lorsqu’elle est utilisée dans des conventions internationales[48] ou des normes communautaires qui en précisent les conditions et la portée.
18. La protection des droits fondamentaux n’a aucune vocation à se substituer au droit international privé et aux méthodes auxquelles cette discipline a recours. Toutefois, la protection de la vie privée et familiale qui doit être assurée, y compris pour les situations internationales, est susceptible d’orienter ou de guider le choix des méthodes du droit international privé. On a constaté que les moyens utilisés par le droit international privé pour assurer la confiance légitime des parties dans la stabilité internationale de leur situation sont très divers. On a vu que certains s’inscrivent dans le cadre de la technique conflictuelle, ou d’une exception ponctuelle à son utilisation fondée sur la « confiance justifiée des parties et la sécurité juridique » ou enfin d’une remise en cause, plus ou moins large, en recourant à une autre méthode fondée sur la reconnaissance des situations. La diversité des approches ne doit cependant pas occulter qu’elles ont, en commun, de déplacer le curseur de la localisation des situations qui n’est plus exclusivement fondée sur le souci d’assurer une coordination abstraite entre les règles des systèmes juridiques mais sur des considérations plus subjectives, tenant à la volonté, directe ou indirecte, des parties et ce qu’elles ont pu légitimement attendre de la stabilité internationale de la situation qu’elles ont créée. Il semble donc que la confiance légitime est le véritable droit fondamental que le droit international privé doit assurer lorsqu’il s’agit des situations internationales déjà inscrites dans un système juridique étranger. Cela ne doit pas surprendre quand on sait que la « fondamentalisation » du droit conduit nécessairement à recentrer le droit et ses finalités sur la personne et la protection des droits dont elle est titulaire.
19. Quelle que soit la méthode retenue pour déterminer le droit applicable à une situation, le résultat auquel elle aboutit – application d’une loi étrangère sur le fondement d’une règle de conflit de lois ou reconnaissance d’une situation qui a été configurée sous l’empire d’une loi étrangère -doit être confronté au respect des droits fondamentaux. Certes, les techniques de droit international privé sont différentes –technique conflictuelle ou méthode de la reconnaissance- mais la question de la compatibilité par rapport aux droits fondamentaux se pose dans les mêmes termes de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire de distinction dans les modes d’intervention des droits fondamentaux entre l’application d’une loi étrangère en application d’une règle de conflit et dans la reconnaissance d’une situation configurée à l’étranger.
II. LES MODES D’INTERVENTION DES DROITS FONDAMENTAUX DANS LES SITUATIONS INTERNATIONALES RELEVANT DE LA VIE PRIVéE ET FAMILIALE
20. L’obligation pour le juge de respecter les droits fondamentaux subsiste intégralement si la loi étrangère que le juge doit appliquer, directement par l’utilisation de sa règle de conflit de lois ou indirectement dans le contexte d’une situation soumise à la reconnaissance, porte atteinte à un droit fondamental ou contient une discrimination prohibée. En effet, dans un contexte de droit international privé, c’est l’Etat où la loi étrangère est appliquée qui sera tenu pour responsable d’une violation des droits fondamentaux dans l’hypothèse où la loi étrangère discrimine ou porte atteinte à un tel droit. Ceci conduit à s’interroger sur les méthodes d’intervention des droits fondamentaux dans les situations privées internationales[49][50]. Pour répondre à cette interrogation, il convient d’interroger les textes normatifs portant protection des droits de l’Homme sur leur sphère d’application. De façon générale, ceux-ci assurent leur protection à toute personne relevant de « la compétence » ou « de la juridiction » d’un Etat membre, formulation qui désigne toutes les personnes visées par l’exercice d’une compétence législative, administrative ou judiciaire de l’Etat. L’extranéité de la situation ne dispense pas les Etats liés par ces normes d’applicabilité de respecter cette sphère d’applicabilité. En d’autres termes, les conditions d’application des normes, en particulier internationales, de protection des droits de l’Homme ne sont pas laissées à la discrétion des Etats parties[51]. Ceci implique que la méthode retenue pour assurer la protection des droits fondamentaux doit, dans tous les cas et quelle que soit l’extranéité de la situation, garantir du point de vue des résultats concrets les droits fondamentaux protégés. A cet effet, deux méthodes sont, a priori, possibles. La première suit la logique de l’application immédiate des normes de protection des droits fondamentaux (A) ; la deuxième recourt à la méthode classique de l’exception d’ordre public international (B).
A. L’application immédiate des normes de protection des droits fondamentaux
21. L’application immédiate des droits fondamentaux implique qu’ils doivent être appliqués immédiatement et directement aux situations privées internationales sans examen du droit étranger désigné par la règle de conflit ou sur le fondement duquel la situation a été constituée à l’étranger. En d’autres termes, la situation est directement confrontée aux normes internationales de protection des droits fondamentaux sans considération de la loi étrangère. L’application immédiate est ainsi un refus de coordination avec le droit étranger alors que l’exception d’ordre public international est un échec de la coordination qui a bien été tentée mais dont les résultats doivent être écartés car ils portent atteinte de façon trop choquante à l’ordre public international du for.
22. Cette méthode semble avoir été retenue par la juridiction qui, pour la première fois de façon explicite, a posé le problème de l’insertion des droits –en l’espèce, constitutionnels- fondamentaux en droit international privé. Dans une décision du 4 mai 1971, le tribunal constitutionnel fédéral allemand a, en effet, fait prévaloir un droit constitutionnellement garanti –la liberté du mariage- dans un litige de droit international privé où se posait la question du mariage, en Allemagne avec un ressortissant allemand, d’une femme espagnole divorcée, à l’époque où la loi espagnole prohibait le divorce de sorte qu’en droit espagnol la femme n’était pas divorcée et ne pouvait donc se marier à nouveau[52]. La juridiction constitutionnelle allemande affirme très clairement que la sphère d’applicabilité des droits fondamentaux, au sens du droit constitutionnel allemand, est déterminée par la Constitution et non par des règles de droit international privé. Ainsi, il est affirmé que « Même en droit international privé, il faut partir de la norme directrice de l’article 1, alinéa 3, de la loi fondamentale, qui oblige tous les pouvoirs publics au respect des droits fondamentaux »[53]. La juridiction poursuit en affirmant que la portée des droits fondamentaux « doit être déduite directement de la Constitution elle-même » et qu’il « n’est pas possible de justifier une autre conception par la spécificité ou l’originalité du droit international privé »[54]. Elle retient fort logiquement que toute position contraire où l’applicabilité des droits fondamentaux serait fondée sur les règles ou les méthodes du droit international privé, notamment l’exception d’ordre public, « aboutit au fait que les règles édictées par le législateur en matière de droit privé déterminent le rang et la portée des normes constitutionnelles »[55]. Après avoir très clairement affirmé que la sphère d’applicabilité des droits constitutionnels fondamentaux devait être tirée de la Constitution et non des règles et mécanismes du droit international privé, la juridiction constitutionnelle retient que deux méthodes sont susceptibles d’assurer la primauté desdits droits.
La première voit dans les droits fondamentaux « une barrière qui limite directement l’application du droit désigné par la règle de conflit », la seconde « [fait] appel à l’article 30 EGBGB »[56], c’est-à-dire à l’exception d’ordre public. Le Tribunal prend cependant bien soin de préciser que « Si on adoptait cette seconde solution [l’exception d’ordre public], il faudrait cependant renoncer à distinguer entre les violations des droits fondamentaux tolérables et intolérables. Au contraire, pour que l’article 30 EGBGB permette la mise en œuvre des droits fondamentaux, il faudrait analyser la réserve de l’ordre public comme le ‘point de pénétration’ des droits fondamentaux en droit international privé…, ce qui aurait pour conséquence que toute atteinte portée à ces droits par l’application du droit étranger déclaré applicable en vertu d’une règle de conflit déclencherait l’intervention de l’ordre public allemand »[57].
23. Cette application directe des normes internationales ou constitutionnelles présente l’avantage d’être conforme à la hiérarchie des normes puisqu’elle aboutit à rendre la norme supérieure –internationale ou constitutionnelle- applicable selon ses propres critères sans être tributaire du déclenchement de l’ordre public du for. En effet, l’application des normes, notamment conventionnelles, ne peut être laissée à la discrétion des Etats parties, ce qui est potentiellement le cas lorsque l’ordre public est utilisé comme moyen d’assurer la primauté des droits fondamentaux sur les lois étrangères[58].
Cette méthode a cependant parfois suscité des réserves tenant à la difficulté de son application compte tenu du caractère général des formulations dans lesquelles sont exprimés les droits fondamentaux de sorte qu’il serait difficile de transcrire en règles précises à appliquer à l’espèce la norme de protection[59]. En d’autres termes, la généralité des termes employés rendrait difficile le choix d’une solution concrète à apporter à la situation. Il est exact que la formulation des normes internationales de protection des droits fondamentaux est, le plus souvent, générale. Les précisions et les déclinaisons de ces normes générales apportées par la jurisprudence n’excluent cependant pas d’induire des règles précises aptes à fournir des solutions concrètes. La principale critique porte cependant sur ce que l’application immédiate des droits fondamentaux excède ce qui est requis pour assurer leur protection. La protection desdits droits requiert qu’il ne soit pas donné effet à une loi étrangère dont les résultats sont choquants, ce que remplit adéquatement l’utilisation de l’exception d’ordre public international, mais non d’exclure a priori toute consultation du droit étranger en vue d’imposer un résultat déterminé, ce qui caractérise le recours à l’application immédiate[60]. Il n’est pas sûr que l’application immédiate impose dans tous les cas un « résultat déterminé ». En effet, la confrontation de la situation à la norme de protection s’effectue dans le cadre d’un raisonnement fondé sur la proportionnalité dont on sait qu’il a précisément pour objet d’intégrer les éléments factuels d’une situation – y compris, le cas échéant, les éléments d’extranéité caractérisant la situation- de sorte que l’application immédiate permet de moduler l’application du droit fondamental en cause dans la situation. Il n’est pas sûr par conséquent que l’application immédiate aboutisse à des résultats si différents de ceux qui seraient observés en cas de recours à l’exception d’ordre public international[61].
24. Quels que soient les avantages ou, au contraire, les réserves que suscite l’application immédiate des droits fondamentaux, il faut constater que le recours à cette méthode est tout à fait exceptionnel dans la jurisprudence[62]. Si l’on excepte un cas qui ne relève pas de la vie privée ou familiale mais d’une situation relevant de l’esclavage domestique où l’application immédiate de la prohibition de l’esclavage domestique sans passer par la consultation de la loi désignée pour régir la situation de travail– qui aurait probablement été la loi nigériane- s’explique sans doute pas la gravité de l’atteinte à la liberté individuelle[63], on ne trouve pas beaucoup d’exemples où les juges ont eu recours à la méthode de l’application immédiate. Un ancien arrêt de la Cour d’appel de Paris -devenu célèbre à force d’être ressassé comme le seul exemple où l’application immédiate d’un droit fondamental a été retenue- a, cependant, utilisé ce procédé pour appliquer directement un droit conventionnel protégé par la Convention européenne des droits de l’Homme, en l’espèce le droit à la vie privée et familiale. Dans une affaire où une personne transsexuelle de nationalité argentine demandait la modification de la mention de son sexe dans un acte de l’état civil français qui lui avait été refusée par l’administration de l’Etat civil alors qu’à l’époque la loi argentine ne prévoyait pas encore cette possibilité[64], la Cour d’appel de Paris a appliqué directement l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme[65]. Elle a retenu que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui, selon la jurisprudence de la Cour européenne, permet le changement de sexe d’une personne est « d’application directe en droit français », que « la matière des droits de l’Homme est d’ordre public et que la protection de ces droits doit être assurée tant à l’égard des nationaux que des ressortissants d’Etats non-parties s’ils sont domiciliés sur le territoire national » et ceci « sans considération du statut personnel de l’intéressé ». C’est précisément cette dernière précision qui exclut la consultation de la loi nationale -en l’espèce argentine- de l’intéressé -car le genre relève de l’état de la personne en principe rattaché à la loi nationale- qui exprime le recours à l’application immédiate. En effet, elle exclut la consultation de la loi désignée par la règle de conflit pour évaluer le résultat de son application au regard de l’exigence portée par le droit à la vie privée.
25. Quels que soient les mérites tenant au respect de la hiérarchie des normes ou les réserves que peut susciter l’application immédiate, il faut constater que c’est la deuxième méthode, celle qui utilise l’exception d’ordre public en droit international privé, qui a les faveurs de la doctrine privatiste. Elle est aussi la plus fréquemment employée dans la jurisprudence. Elle a en outre été retenue expressément par certaines législations. Ainsi, en Allemagne, l’article 6 de la loi du 25 juillet 1986 sur le droit international privé dispose que « La règle de droit étranger sera écartée lorsque son application conduit à un résultat gravement incompatible avec les principes du droit allemand » et précise que « c’est notamment le cas lorsque son application est inconciliable avec des droits fondamentaux.
B. L’exception d’ordre public international
26. L’ordre public, spécialement constitué des conventions universelles ou régionales de protection des droits de l’Homme, constitue, dans la jurisprudence, le moyen privilégié de pénétration des droits fondamentaux en droit international privé[66]. Il permet de confronter l’application de la loi étrangère à l’obligation de respect des droits fondamentaux et à la prohibition des discriminations et écarte son application si elle conduit à des résultats incompatibles avec l’un ou l’autre de ces impératifs. L’utilisation de l’exception d’ordre public est parfois justifiée au nom de ce qu’il s’agit d’une méthode classique du droit international privé de défense des valeurs fondamentales du for, y compris la protection des droits de l’Homme[67], parfois en raison de son caractère empirique[68]. Une autre justification réside dans le fait que la méthode permet d’appliquer sans difficulté les dispositions substantielles de normes régionales de protection des droits de l’Homme dans des situations où la loi étrangère évincée émane d’un Etat non-partie à cette convention. En effet, l’effet positif de l’ordre public substitue à la loi étrangère évincée les normes pertinentes, en l’espèce des normes régionales de protection des droits fondamentaux[69].
Certains justifient le recours à cette technique du droit international privé par le fait de sa souplesse qui permettrait à l’Etat du for de moduler, notamment en raison du plus ou moins degré de rattachement de la situation internationale considérée avec le for, les conditions de son intervention. C’est dans ce contexte qu’il a été suggéré de recourir à l’ordre public de proximité pour cantonner l’application des droits fondamentaux.
Un autre moyen d’atténuer la portée des droits fondamentaux en raison de l’extranéité de la situation se fonde sur la nature du droit fondamental en cause.
27. L’ordre public de proximité désigne le lien particulier qu’une situation internationale doit entretenir avec le for pour justifier le refus des effets que la loi étrangère entend produire dans le for au moyen de l’exception d’ordre public[70]. Cette proximité de la situation avec le for est tantôt fondée sur la nationalité du for de l’une des parties à la relation, tantôt fondée sur le domicile dans le for de l’une –ou des deux- parties, tantôt fondée sur la présence cumulative de ces deux facteurs. Il a été utilisé à plusieurs reprises dans la jurisprudence en France pour écarter tantôt les effets d’une répudiation prononcée à l’étranger si l’épouse était Française[71], ou domiciliée en France[72], tantôt les effets d’une loi étrangère ne permettant pas la recherche de paternité naturelle pour un enfant de nationalité française et résidant en France[73].
Lorsque l’ordre public est actionné au nom de la protection d’un droit fondamental, la condition de proximité, si elle est fondée sur la nationalité, est clairement discriminatoire puisqu’elle n’accorde la protection de l’ordre public qu’aux seuls nationaux[74]. Si la condition de proximité est fondée sur le domicile, elle n’est pas plus acceptable puisqu’elle limite la protection d’un droit fondamental aux seules personnes domiciliées sur le territoire. Cette limitation des personnes protégées aux seuls nationaux ou aux seules personnes domiciliées dans le for témoigne d’une déconsidération certaine à l’égard des personnes n’ayant pas le « privilège » d’appartenir à ce cercle fermé. Comme le relève un auteur : « Ces justiciables-là sont abandonnés à leur sort »[75]. Cette déconsidération est souvent justifiée par le souci de respecter les différences culturelles et la volonté de ne pas procéder à une application « impérialiste » ou « agressive » de la conception « occidentale » des droits de l’Homme. Comme le relève le même auteur, cet « abandon » de certains justiciables est « habillé de bons sentiments (‘Nous ne souhaitons pas régenter le monde’) »[76]. Sur le plan strictement juridique, cette limitation des personnes protégées ne se concilie pas avec la portée d’applicabilité de la plupart des normes conventionnelles qui obligent les Etats parties à garantir les droits conventionnels aux personnes « se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence »[77] ou « relevant de la juridiction d’un Etat membre »[78].
Dans le souci d’élargir le cercle des personnes protégées, il a été proposé d’étendre la proximité aux personnes ayant un lien avec un Etat partageant avec le for les mêmes conceptions en matière de protection des droits fondamentaux. Plus précisément, dans le contexte du Conseil de l’Europe et s’agissant d’un droit conventionnel protégé par la Convention européenne des droits de l’Homme, le lien de proximité susceptible d’actionner l’ordre public serait celui qu’une personne entretient -par sa nationalité ou(et) son domicile- avec un Etat partie à la Convention. Cette proposition a été accueillie avec beaucoup d’intérêt par une partie de la doctrine en France qui y voit un moyen de concilier la protection des droits fondamentaux et la justice de droit international privé[79]. C’est sur ce fondement qu’a pu être construite l’idée d’un « ordre public européen » qui protégerait les ressortissants et les personnes domiciliées dans un Etat partie à la Convention européenne des droits de l’Homme.
Cette proposition appelle plusieurs observations.
On peut penser qu’étendre le cercle des personnes protégées conduit certes à en accroître le nombre mais ne fait pas pour autant disparaître le principe même de la discrimination. Les ressortissants d’Etats tiers ou les personnes non domiciliées dans un Etat « européen » (ainsi entendu) sont toujours exclus de la protection et abandonnés à leur sort.
En outre, créer un « ordre public européen » néglige le fait que plusieurs droits fondamentaux protégés par la Convention européenne des droits de l’Homme le sont également, parfois dans des termes très proches, par des normes de portée universelle. Ainsi, la protection de la vie privée et familiale est protégée par l’article 17.1 du Pacte international sur les droits civils et politiques dans des termes analogues à ceux de l’article 8 de la Convention européenne. De même, l’article 23.4. du même Pacte formule la même règle que l’article 5 du Protocole n°7 à la Convention européenne en ce qui concerne l’égalité des conjoints dans la dissolution du mariage. Certes, il serait irréaliste de nier que certains droits garantis par des normes universelles ne sont concrètement pas protégés dans tous les Etats. Cela s’explique par les défaillances institutionnelles graves des mécanismes de protection des droits fondamentaux au niveau universel. En effet, aucune judiciarisation du contentieux de la violation des droits fondamentaux comparable à ce qui est organisé au sein du Conseil de l’Europe n’est organisée sur le plan universel. Le fait que les droits fondamentaux sont mieux protégés concrètement dans certaines régions du monde que dans d’autres n’altère nullement leur universalité. Cette observation est importante car elle est de nature à mettre en lumière l’ambiguïté parfois relevée sur le caractère prétendument « européen » ou « occidental » des droits de la personne. L’idée d’un « ordre public européen » qui signifierait que seuls les droits européens auraient vocation à protéger les droits fondamentaux est inexacte car elle repose sur la méconnaissance des textes universels de protection des droits humains qui certes ont connu moins d’avancées que, par exemple la Convention européenne des droits de l’Homme, non parce qu’ils sont inférieurs mais parce qu’ils n’ont pas pu bénéficier d’un mécanisme juridictionnel de mise en œuvre. C’est en cela –et en cela seulement- que le droit européen des droits de l’Homme est davantage protecteur que les normes de portée universelle.
Enfin, l’extension de la protection aux seules personnes pouvant justifier d’une « proximité européenne » suscite une critique identique à celle qui a pu être formulée à l’endroit de l’ordre public de proximité « national ». La sphère d’applicabilité des normes conventionnelles de protection des droits – notamment en ce qui concerne la Convention européenne- n’est pas limitée aux ressortissants et aux personnes domiciliées dans les Etats parties. Elle oblige les juridictions des Etats parties du simple fait qu’une juridiction d’un Etat partie est amenée à statuer sur la demande d’une partie de sorte que la protection est due au simple fait qu’une situation est à juger par une juridiction d’un Etat partie.
On a relevé que la condition de proximité a été utilisée en France en particulier dans le contentieux portant sur la répudiation et la filiation. Cette condition paraît aujourd’hui en net recul, voire abandonnée. Dans un arrêt du 26 octobre 2011[80], la Cour de Cassation de France n’avait pas mentionné cette condition pour écarter la loi ivoirienne qui prohibe la recherche de paternité de l’enfant adultérin alors que la Cour d’appel avait, pour écarter la loi ivoirienne, mentionné expressément qu’il s’agissait d’un enfant né et élevé en France. Le doute était cependant permis car l’avocat général qui s’était demandé s’il était souhaitable d’abandonner, au nom de la protection des droits de l’Homme, toute exigence du lien de proximité avait répondu par la négative. En outre, deux arrêts rendus en 2013 avaient repris les conditions de proximité pour soulever l’exception d’ordre public relativement à des répudiations intervenues au Maroc et en Algérie[81]. En 2017, dans une affaire relative à l’établissement de la filiation d’un enfant réunissant les conditions de proximité avec la France -l’enfant né en France y résidait habituellement avec sa mère- alors que le père prétendu invoquait la loi camerounaise -loi nationale de la mère de l’enfant- qui permet de déclarer l’action irrecevable s’il est établi, pendant la période légale de la conception, l’inconduite notoire de la mère ou le fait qu’elle a eu commerce avec un autre individu, la Cour de cassation rejette le moyen au motif que cette disposition du droit camerounais est contraire à l’ordre public international français sans mentionner aucunement le lien de proximité de l’enfant avec la France[82]. C’est cependant l’avis de l’avocat général qui témoigne de façon assez claire de l’abandon de la condition de proximité à l’effet de soulever l’exception d’ordre public. En effet, alors que le pourvoi invitait la Cour à renouer avec la théorie de l’Inlandsbeziehung pour que l’exception d’ordre public puisse être déclenchée, l’avis de l’avocat général retient que « l’analyse proposée par le demandeur au pourvoi est de nature à méconnaître le droit au respect de la vie privée résultant de l’article 8 de la CEDH, et plus particulièrement « le droit de connaître son ascendance » consacré par la Cour de Strasbourg […] Enfin, le raisonnement adopté par [le demandeur] ne saurait être admis au vu des dispositions de l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui reconnaît à l’enfant le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux »[83]. Dans un autre domaine, celui du divorce, le Règlement européen n°1 259/2010, dit Rome III, du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps substitue la loi du for à la loi étrangère désignée lorsque cette « loi n’accorde pas à l’un des époux, en raison de son appartenance à l’un ou l’autre sexe, une égalité d’accès au divorce… » (art.10) sans recours à l’exception d’ordre public constatant la contrariété de la loi étrangère à la loi du for. Le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation propre au déclenchement de l’exception d’ordre public -par exemple d’appréciation in concreto des effets de la loi étrangère inégalitaire ou d’absence de proximité entre la situation et l’Etat du for – de sorte que le seul critère permettant l’application spatiale et personnelle du règlement et l’égalité des sexes qu’il promeut est la possibilité de recourir à la juridiction d’un Etat membre participant à la coopération renforcée [84].
28. Une autre manière de tenter d’atténuer la portée de l’exception d’ordre public a trait au contenu substantiel des droits protégés. Cette atténuation repose sur une hiérarchie des droits de l’Homme de sorte que certains d’entre eux, ceux qui sont situés « en bas de la hiérarchie », ne mériteraient pas d’être protégés au moyen de l’exception d’ordre public. Le problème réside dans la question de savoir quelle est l’instance juridictionnelle qui serait compétente pour déterminer quels sont les droits fondamentaux « vraiment fondamentaux » et ceux qui le seraient moins. Aucune réponse satisfaisante ne peut être donnée à cette interrogation fondamentale.
Une partie de la doctrine a, cependant, tenté de répondre à cette question en proposant d’identifier les droits « vraiment fondamentaux » pas rapport aux autres. Les droits de « premier rang » sont ceux qui sont « conçus comme ceux qui touchent directement à l’égale dignité de tout être humain : par exemple le droit au mariage sans aucun empêchement racial, l’égalité des sexes ou encore le droit pour l’enfant de voir sa filiation établie »[85] alors que ceux de « second rang » comprendraient des droits tels que « le droit à l’adoption pour un couple homosexuel ou le droit au changement de sexe ou encore le droit à telle ou telle forme de procréation médicalement assistée »[86] .
Cette volonté d’établir une hiérarchie entre les droits fondamentaux témoigne d’une certaine réticence -voire d’une réticence certaine- à l’endroit de certains droits tirés de l’interprétation dynamique que la Cour européenne des droits de l’Homme confère aux dispositions conventionnelles européennes, en particulier de l’article 8 qui protège la vie privée et familiale. Selon certains, l’interprétation dynamique donnée par la Cour de Strasbourg aboutit à ce qu’il « se crée tous les mois à Strasbourg un droit de l’Homme supplémentaire qui vient s’ajouter à la liste déjà longue des droits existants »[87]. Cette réticence s’exprime parfois de manière très affirmée chez certains auteurs. Ainsi, il est affirmé que la catégorie des droits de l’Homme « a un contenu trop évolutif au point que tout est en passe de devenir droit de l’Homme, y compris des situations totalement artificielles dictées par le ‘prêt à penser’ ambiant »[88].
Cette hiérarchie entre les droits poursuit l’objectif d’assurer un compromis entre des systèmes juridiques profondément différents, notamment en ce qui concerne les personnes et les relations familiales. Ceci devrait permettre de donner effet plein à certains droits « de premier rang » parce qu’ils reflètent une certaine universalité, comme l’égalité entre les sexes ou le droit pour l’enfant à voir sa filiation établie, alors que d’autres « de second rang » sont des « conquêtes libérales » modernes spécifiques aux sociétés occidentales, comme le droit au changement de sexe dans les documents d’état civil, la nécessité de créer un cadre juridique stable pour les couples homosexuels, voire l’accès au mariage pour lesdits couples ou encore le droit à l’adoption pour les couples de même sexe[89].
Il est incontestable que les droits présentés comme de « second rang » et qui sont issus de l’interprétation dynamique que la Cour européenne de Strasbourg confère à la Convention, en particulier de l’article 8, combinée, le cas échéant avec l’article 14 qui prohibe les discriminations, sont fondés sur l’autonomie de la personne et procèdent d’une vision égalitaire et libérale de la famille. Il est tout aussi incontestable que ces deux fondements ne sont pas partagés par plusieurs systèmes juridiques. On pense souvent aux systèmes juridiques plus ou moins imprégnés des prescriptions de la religion musulmane. Il en est de même de la conception portée par le statut personnel dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. La famille, dans la plupart des droits d’Afrique subsaharienne, revêt une dimension beaucoup plus institutionnelle que contractuelle, ce qui restreint considérablement sa reconfiguration par les individus. Fondée sur une identité collective, elle laisse peu de place à l’exercice de la liberté et de la volonté individuelle[90]. Elle est, en outre, souvent appréhendée par les législations à travers des normes structurantes imprégnées d’impératifs religieux et moraux qui ont également pour effet de limiter les types de famille. L’autonomie de la personne qui fonde certains droits individuels (comme l’identité de genre) est également étrangère à la perception sociale et collective de la personne dans nombre de systèmes juridiques d’Afrique subsaharienne.
Il est donc entendu que certains droits perçus comme fondamentaux dans certains systèmes de droit ne sont pas universels et ne sont donc pas reçus comme tels, voire sont perçus comme fondamentalement incompatibles, dans d’autres systèmes de droit. Il est, en outre, loin d’être établi que certains droits, appartenant pourtant à la catégorie des « droits vraiment fondamentaux » ou de « premier rang », sont parfaitement intégrés dans certains systèmes juridiques[91]. On songe, par exemple, à l’égalité entre les sexes (dans les pays où par exemple la polygamie est présente soit du fait du pluralisme juridique qui laisse subsister les coutumes, soit du fait de sa réception dans les législations étatiques contemporaines) ou au droit pour l’enfant de faire établir sa filiation.
Cela n’explique cependant pas pourquoi ces droits doivent, en conséquence de leur absence de réception dans certains systèmes juridiques, être perçus comme de « second rang » et, en conséquence, s’effacer automatiquement devant ces autres systèmes de droit qui ne les ont pas intégrés. L’Etat du for a l’obligation de faire prévaloir, dans le for, son point de vue sur les droits fondamentaux à protéger même si le caractère universel de certains droits n’est pas encore assuré. En particulier, l’Etat du for, soumis à des exigences conventionnelles, ne peut se délier de ses engagements en matière de protection des droits fondamentaux à les faire prévaloir contre des lois étrangères. L’Etat du for doit assurer la protection des droits fondamentaux, tels qu’entendus dans le for, à toutes les personnes relevant de sa juridiction. On a mentionné que les droits fondamentaux, présentés comme « inférieurs », résultent le plus souvent d’une interprétation dynamique de l’article 8 de la Convention européenne par la Cour de Strasbourg. Il ne s’agit pas, à proprement parler, de « droits nouveaux » mais de la portée contemporaine de droits fondamentaux consacrés depuis toujours dans la Convention. Du point de vue juridique, on ne saisit pas pourquoi, dans les Etats du Conseil de l’Europe, cette portée nouvelle ne devrait pas bénéficier de la même sphère d’applicabilité et de la même protection que la disposition fondatrice dont cette portée est tirée. Certes, on peut admettre que des individus choisissent librement l’application de règles issues de leur culture d’origine, même si celles-ci sont incompatibles avec les droits fondamentaux tels qu’ils sont entendus dans le for. Il revient cependant à l’Etat du for de faire prévaloir sa compréhension des droits fondamentaux lorsque ceux-ci sont invoqués devant ses institutions, notamment judiciaires, et, dans ce cas, les conceptions même majoritaires d’un groupe ne sauraient l’emporter sur les droits d’une personne qui ne souhaite pas se conformer à ces conceptions[92]. Le droit de vivre selon les règles de sa culture ne doit pas être transformé en une assignation à une identité culturelle empêchant toute autonomie du sujet.
Sur le plan du droit positif, on constate que cette volonté de cantonner l’utilisation de l’exception d’ordre public international en excluant certains droits fondamentaux considérés comme « moins fondamentaux » ne se traduit pas, en tout cas de façon générale, dans la jurisprudence. Un auteur écrit à juste titre que « il n’y a aucun doute que …. ces droits bénéficient pour les juridictions ou les législateurs qui les ont proclamés, de la même primauté que les droits reconnus depuis longtemps dont ils dérivent »[93]. Si on prend l’exemple du droit à la réassignation sexuelle –qui est très fréquemment cité par ceux qui entendent hiérarchiser les droits de l’Homme comme un exemple caractéristique d’un « droit moins fondamental » -, on constate que tant la jurisprudence que la loi lui confèrent une protection égale à celle des autres droits. Ainsi, les jurisprudences française[94] et allemande[95] notamment en font bénéficier toute personne domiciliée sur leur territoire. Le législateur belge assure une protection maximale -qui s’étend au-delà des seuls nationaux ou personnes domiciliées en Belgique- dans la mesure où le Code belge de droit international privé dispose sur ce point, que les « dispositions du droit applicable en vertu de l’alinéa 1er [Loi nationale] qui interdisent la réassignation sexuelle ne sont pas appliquées »[96]. Pour les conjugalités homosexuelles -également présentées avec l’adoption par les couples de même sexe comme un droit « moins fondamental » – c’est, le plus souvent, le Législateur lui-même qui a désactivé les lois prohibitives. Cette désactivation s’effectue soit par des règles de conflit à finalité substantielle[97], soit par la désignation de la loi du lieu de célébration ou d’enregistrement[98], soit par la mention explicite de l’ordre public dans l’hypothèse où la loi nationale désignée par la règle de conflit invaliderait un partenariat enregistré homosexuel[99].
29. Si l’on pose que ni l’ordre public de proximité, entendu comme n’accordant la protection des droits fondamentaux qu’à un cercle de personnes fondé sur la nationalité et (ou) le domicile, ni une hiérarchie « introuvable » entre les droits fondamentaux ne constituent des critères pertinents permettant l’atténuation des exigences de l’ordre public international, il n’en demeure pas moins qu’il faut alors s’interroger sur les critères qui permettraient dans certaines situations de désactiver le mécanisme de l’ordre public international en raison de l’extranéité de la situation.
Traditionnellement, l’atténuation des exigences de l’ordre public international s’exprimait au moyen du mécanisme dit de l’ordre public atténué. Cette atténuation était fondée sur le lieu de création de la situation. Si la situation était constituée dans le for, l’ordre public « plein » devait être utilisé ; si la situation avait été constituée à l’étranger et qu’il s’agissait d’en induire des effets dans le for, l’ordre public dit atténué impliquait, en réalité, qu’il n’y avait pas lieu, en principe, de soulever l’exception d’ordre public international. Cela s’expliquait par la considération que l’ordre public était moins atteint s’agissant d’une situation constituée à l’étranger, celle-ci ne présentant pas de liens aussi étroits avec l’ordre juridique du for, qu’une situation à créer dans le for.
En ce qui concerne les droits fondamentaux protégés par l’ordre public, la première proposition consistant à actionner l’ordre public pour des situations à créer dans le for est toujours pertinente. La même proposition s’applique également lorsqu’il s’agit non pas à proprement parler de créer une situation nouvelle mais de révéler une situation préexistante. Ainsi, on constate que l’autorité du for va célébrer des mariages malgré des lois prohibitives par exemple, parce qu’elles prohibent certains mariages sur le fondement d’un critère religieux (comme dans nombre de pays inspirés par la religion musulmane qui prohibent le mariage d’une Musulmane avec un non-Musulman) ou encore parce qu’elles font de la différence de sexe entre les conjoints une condition de validité du mariage. De même, l’autorité compétente va enregistrer un partenariat malgré la loi étrangère, par exemple nationale de l’un des partenaires, voire des deux partenaires, qui ignore cette forme de conjugalité. La personne transgenre qui requiert la modification des mentions de son sexe dans des actes de l’état civil verra sa demande accueillie, avec cependant parfois l’exigence d’un rattachement au for par la nationalité ou la résidence. Le juge actionnera l’ordre public à l’encontre des lois prohibitives ou restrictives d’établissement de la filiation[100].
La deuxième proposition, qui consiste à désactiver l’ordre public international s’agissant des situations créées à l’étranger, n’est, en revanche, plus pertinente ou, en tout cas mérite d’être précisée. La mondialisation et la mobilité des personnes ont mis à mal le présupposé de l’éloignement du système juridique du for de toutes les situations configurées à l’étranger. Il est, au contraire, tout à fait possible que l’ordre juridique du for entretienne avec la situation des liens plus étroits ou au moins aussi étroits, par exemple par la nationalité ou le domicile, que ceux entretenus par le système juridique où la situation a été constituée.
Le lieu de constitution de la situation à l’étranger est donc, à lui seul, insuffisant pour atténuer les exigences de protection des droits fondamentaux au moyen de l’ordre public international ; il faut, en outre qu’il traduise un éloignement de la situation juridique avec le for. Cela implique qu’au moment de la constitution de la situation, les parties n’entretenaient aucun lien significatif avec le for (ou un Etat partageant les mêmes conceptions que le for s’agissant de la protection des droits fondamentaux et plus précisément des droits pertinents dans la situation) et que cela ait pu susciter une confiance légitime des parties en la stabilité internationale de la situation créée. La confiance légitime en la stabilité internationale d’une situation dont on a mesuré l’importance dans la mise en œuvre des méthodes du droit international privé des personnes et de la famille devient aussi un facteur déterminant de la relativisation de l’ordre public international en tant qu’instrument de protection des droits fondamentaux.
La confiance légitime pourrait dans certains cas être protégée par le droit au respect de la vie privée et familiale. Si l’on suppose par exemple un mariage polygamique ou une répudiation suivie du mariage du mari ayant répudié sa première épouse dans un système juridique, inspiré du droit musulman, avec lequel les parties entretenaient des rapports exclusifs au moment de la constitution de la situation et alors que cette situation a perduré dans ce même système juridique, on peut penser que, si cette situation -le deuxième mariage ou le mariage qui suit la répudiation- est ensuite importée dans un ordre juridique tenu de protéger l’égalité entre les sexes, l’activation de l’ordre public international pour refuser de reconnaître cette situation pourrait porter atteinte dans cet Etat à l’obligation de respecter la vie privée et familiale des personnes impliquées dans cette situation. L’égalité entre les sexes entre, ici, en conflit avec un autre droit fondamental, celui portant sur la protection de la vie privée et familiale. Le débat sur l’ordre public international dans une telle situation suppose une balance entre des droits fondamentaux qui constitue l’une des dimensions du raisonnement fondé sur la proportionnalité. Même si la confiance légitime n’entre pas en conflit avec un autre droit fondamental, on peut penser que le débat sur la relativisation de l’ordre public international ne sera pas très éloigné d’un raisonnement fondé sur la proportionnalité. En effet, la question qui devra être traitée portera sur le caractère disproportionné ou non-disproportionné de l’atteinte à la confiance légitime des parties et à la sécurité juridique. Dans l’appréciation de cette atteinte, des considérations relatives au temps écoulé depuis la création de la situation, l’intensité de la confiance légitime des parties, les conséquences concrètes de l’activation de l’ordre public seront déterminantes. Le débat sur l’ordre public sera aussi celui d’une mise en balance des intérêts. L’ordre public contextualisé, c’est-à-dire apprécié en considération des circonstances, repose sur un raisonnement analogue à celui présent dans le contrôle de proportionnalité où l’on ne juge pas la norme mais la question de savoir si, in concreto, son application n’emporte pas une atteinte disproportionnée à un droit fondamental ou aux attentes légitimes des parties. On constate ainsi que la fondamentalisation du droit international privé des personnes et de la famille se traduit par le recours à un raisonnement inhérent à la protection des droits fondamentaux, la proportionnalité, dans le déclenchement de l’exception d’ordre public international.
Si la confiance légitime des parties et la sécurité juridique constituent un paramètre essentiel dans la contextualisation de l’ordre public international, elles ne doivent cependant pas exclure la prise en considération d’autres paramètres. Deux considérations peuvent être confrontées et mises en balance avec la nécessité de respecter les attentes légitimes des parties.
La première porte sur le degré de contrariété au droit fondamental pertinent dans le système juridique du for où la situation entend produire des effets. Le degré de contrariété dépendra, le plus souvent, des effets issus de la situation portant atteinte à un droit fondamental qui sont revendiqués dans le système juridique du for. Si l’on reprend l’exemple mentionné ci-dessus du mariage polygamique configuré à l’étranger et ayant pu justifier les attentes légitimes des parties quant à sa reconnaissance internationale, on peut penser que le degré de contrariété sera moindre si la seconde épouse se fonde sur cette situation, incontestablement incompatible avec l’égalité entre les sexes, pour revendiquer une pension alimentaire[101] ou des droits successoraux[102] tirés de sa qualité de deuxième épouse par rapport à la revendication du mari qui, se fondant sur cette même situation, entendrait contraindre cette deuxième épouse à réintégrer le domicile conjugal. Les effets réclamés par l’épouse sont certes tirés d’une situation clairement inégalitaire mais activer l’ordre public au nom de l’égalité entre les sexes serait favoriser une seconde inégalité entre coépouses alors que l’effet réclamé par le mari consiste à revendiquer ouvertement les effets particulièrement inégalitaires de la situation créée. L’exemple de la répudiation peut également illustrer la nécessité de prendre en considération la manière dont la situation, également clairement incompatible avec l’égalité entre les sexes, se présente à l’ordre juridique du for. Ainsi, on peut penser que l’ordre public pourrait être écarté si c’est l’épouse qui revendique dans le système juridique du for la reconnaissance de la répudiation étrangère pour pouvoir se remarier ou éviter de devoir entamer une procédure de divorce.
La seconde considération susceptible d’être mise en balance avec la nécessité de ne pas porter atteinte de façon disproportionnée aux attentes légitimes des parties porte sur le caractère impérieux du besoin social justifiant l’activation de l’ordre public international. Seul un besoin social impérieux doit permettre d’invoquer cet ordre public à l’encontre de la sécurité juridique et des attentes légitimes des parties. Dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, la condition que l’ingérence apportée à la vie privée et familiale est « nécessaire dans une société démocratique » implique l’existence d’un besoin social impérieux qui peut être contrôlé par la Cour. Deux arrêts rendus par la Cour de Strasbourg, dans des affaires où la situation configurée à l’étranger avait incontestablement pu entretenir la confiance légitime en sa stabilité internationale, témoignent de la prise en considération de ce facteur dans l’appréciation de l’activation de l’ordre public international. Dans l’affaire ayant donné lieu au premier arrêt, l’adoption aux Etats-Unis par un évêque grec de l’Eglise orthodoxe y résidant de son neveu résidant aux Etats-Unis pour ses études alors que les relations affectives entre l’adoptant et l’adopté, rentré en Grèce a la fin de ses études, s’étaient maintenues pendant quatorze ans jusqu’au décès de l’adoptant avait incontestablement pu créer une confiance légitime en la reconnaissance internationale de cette adoption. Les juridictions grecques, saisies d’une demande introduite par une sœur du défunt tendant à la non-reconnaissance de cette adoption au motif qu’un moine ne dispose pas de la capacité d’adopter, ont soulevé l’exception d’ordre public international pour faire droit à cette demande et refuser de reconnaître l’adoption. La Cour de cassation grecque, saisie de l’affaire, a eu recours aux décisions des conciles de l’Eglise orthodoxe du premier millénaire pour poser la règle qu’un moine ne peut pas adopter et qu’en conséquence la reconnaissance d’un jugement étranger consacrant une telle adoption « se heurte à l’ordre public international de l’article 33 du Code civil et n’est pas autorisée ». Saisie d’un recours par le neveu, la Cour européenne des droits de l’Homme a relevé que le refus de reconnaître l’adoption constituait une violation de différents droits substantiels du requérant, dont celui portant sur le respect de sa vie familiale sans que cette violation puisse être justifiée par un besoin social impérieux. En effet, les règles religieuses et anciennes appliquées par la Cour de cassation grecque, déconnectées de l’évolution de la société grecque qui notamment a aboli les effets civils de la prohibition canonique du mariage des moines, « ne [répondaient] pas à un besoin social impérieux »[103]. Dans la deuxième affaire, une ressortissante maltaise, Mme Green, mariée à Malte avec un ressortissant maltais, émigrée ensuite en Libye où, convertie à l’Islam, alors que son mariage avait automatiquement pris fin en raison de ce qu’une Musulmane ne pouvait rester mariée à un non-Musulman, s’était remariée, lors d’une cérémonie religieuse, avec un ressortissant libyen. Ce deuxième mariage qui avait été célébré depuis 20 ans avait pu susciter la confiance légitime des conjoints en sa reconnaissance internationale. Pourtant, 20 ans plus tard, alors que les conjoints étaient retournés à Malte pour s’occuper du père de Mme Green, les autorités maltaises refusèrent d’enregistrer le mariage libyen à Malte, ce qui aurait permis au deuxième mari d’y séjourner sans visa. Le motif du refus était qu’il n’était pas établi que le premier mariage de Mme Green était dissous et que, par conséquent, le second mariage ne constituait pas un mariage polygamique (ou plus exactement polyandrique), ce qui était contraire à l’ordre public international maltais. Saisie d’un recours par les conjoints, la Cour européenne a rejeté la requête comme étant manifestement mal fondée et a considéré que l’activation de l’ordre public international au motif de privilégier « l’intérêt de la communauté de promouvoir les mariages monogamiques » relève de la marge nationale d’appréciation des Etats[104].
Ces deux arrêts de la Cour européenne témoignent de ce que l’ordre public international soulevé par l’Etat où la situation est appelée à produire des effets est soumis au contrôle de proportionnalité. Ceci implique que la mesure des exigences de l’ordre public international en raison de l’extranéité de la situation devrait s’inscrire dans un raisonnement faisant appel à la proportionnalité[105]. En effet, l’Etat qui invoque l’importance accordée à l’objectif qu’il poursuit et qui entraine une restriction de droits, ce qui explique l’activation de l’ordre public, doit justifier qu’il soit porté atteinte à ce droit. Ceci requiert un but légitime, un besoin social impérieux dans une société démocratique et une restriction de droits proportionnée au but légitime recherché, ceci permettant d’inclure tous les éléments de fait et de droit pertinents afin de mesurer les différents intérêts en cause. Le contrôle de proportionnalité permet ainsi d’affiner l’appréciation in concreto de l’ordre public international. Ceci n’est certes pas de nature à sécuriser les solutions d’activation ou de désactivation de l’ordre public international mais est peut-être inhérent à l’ordre public lui-même. L’ordre public consiste -et a toujours consisté- en une mise en balance qui, sans se confondre avec lui, s’apparente au contrôle de proportionnalité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on peut penser que la méthode de l’application immédiate des droits fondamentaux ne diffèrerait pas fondamentalement dans ses résultats de l’utilisation de l’exception d’ordre public international[106].
CONCLUSION
30. Les attentes légitimes des parties et la sécurité juridique constituent des facteurs déterminants dans la fondamentalisation du droit international privé portant sur la personne et les relations familiales. On l’a observé en ce qui concerne deux dimensions méthodologiques essentielles du droit international privé : le choix des méthodes aptes à désigner le droit applicable aux situations personnelles et familiales internationales et les modes d’intervention de la protection des droits fondamentaux dans ces mêmes situations. Sans nullement remettre en cause les méthodes du droit international privé, cette exigence les infléchit tantôt pour intégrer des considérations subjectives tenant au respect des attentes légitimes des parties lorsqu’il s’agit de déterminer le droit applicable, tantôt pour intégrer un raisonnement fondé sur la proportionnalité lorsqu’il s’agit de préciser les modes d’intervention des droits fondamentaux en droit international privé. On peut alors s’interroger sur la question de savoir si les expectatives légitimes des parties et la sécurité juridique ne sont pas devenues, en elles-mêmes, un véritable droit fondamental. Sans doute, comme la plupart des droits fondamentaux, il n’est pas absolu et peut connaître des restrictions dont l’appréciation relèvera du contrôle de proportionnalité. Il paraît bien que ce « nouveau droit fondamental » continuera à infléchir plus ou moins substantiellement les rapports que le droit international des droits de l’Homme entretient avec le droit international privé des personnes et de la famille.
[1] Art. 24.2. PIDCP; Art. 18 CADH
[2] Art. 23.1 PIDCP; Art. 12 Conv.EDH; Art. 17, al.2 et 3 CADH
[3] Art. 23.4. PIDCP ; Art. 5 du Protocole n°7 à la Conv.EDH; Art. 17, al. 4 CADH ; Art. 6 et 7 Protocole de Maputo du 11 juillet 2003 relatif aux droits des femmes
[4] Art. 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989
[5] B. FAUVARQUE-COSSON, « Droit comparé et droit international privé : la confrontation de deux logiques à travers l’exemple des droits fondamentaux », R.I.D.C. 2000, p. 797 et ss. ; A. BUCHER, « La dimension sociale du droit international privé », R.C.A.D.I .2009, t. 341, p. 9 et ss. ;
[6] X. DUPRE DE BOULOIS, « La critique doctrinale des droits de l’Homme », RDLF, 2020, Chron.N°38, spéc., p. 2-3
[7] Y. LEQUETTE, Note sous Paris 14 juin 1994, Rev. crit. 1995, p. 308
[8] A. MEZGHANI, « Le juge français et les institutions de droit musulman », J.D.I. 2003, p. 760
[9] Voy. P. KINSCH, « Droits de l’Homme, droits fondamentaux et droit international privé », R.C.A.D.I. 2005, t. 318 , p. 19 et ss., spéc. p. 170 et ss.
[10] P. KINSCH, « L’apport de la jurisprudence de la Cour Européenne des droits de l’Homme », in P. LAGARDE (Sous la dir.de), La reconnaissance des situations en droit international privé, Actes du Colloque international de la Haye du 18 janvier 2013, Paris, Pedone, 2013 p. 43 et ss.
[11] BGH. 8 déc. 1982, BGHZ, 86-57, p. 62 et s. ; Cour const. (it.), 26 février (5 mars) 1987, Rev. Crit. 1987, p. 563, note Ancel et 25 nov. (10 déc.) 1987, Rev. Crit. 1988, p. 710, note Ancel
[12] Ainsi, il pourra s’agir d’un contrôle de constitutionnalité ou de conventionalité de la loi incriminée.
[13] Voy. infra, II, n°20 et ss.
[14] Voy. en particulier les propositions de A. FERRER-CORREIA, « La doctrine des droits acquis dans un système de règles de conflit bilatérales », Mél. Wengler, Berlin, 1973, t II, p. 285 et ss. ; P. GRAULICH, Principes de droit international privé. Conflit de lois. Conflit de juridictions, Paris, Dalloz, 1961, p. 168 et ss. ; A. MAKAROV, « Les cas d’application des règles de conflit étrangères », Rev. Crit.,1955, p. 431 et s. ; E. MEIJERS, « La question du renvoi », Bull. Inst. Jur. internat., 1938, p. 191 et ss.
[15]P. GOTHOT, « Le renouveau de la tendance unilatéraliste en droit international privé », Rev. Crit. 1971, 1-36, 209-243 et 415-450
[16] Voy. R. QUADRI, Lizioni di dirrito internazionale privato, Napoli, Ed.Ligori, 3è éd. 1961, spéc.p 199 et ss. et P.GOTHOT, Le renouveau de la tendance unilatéraliste en droit international privé, op. cit., p. 21 et ss.
[17] A. BUCHER, « La famille en droit international privé », R.C.A.D.I. 2000, t.283, p. 98 et s. ; « La dimension sociale du droit international privé », R.C.A.D.I., 2009, t. 341, p. 9 et s. ; P. KINSCH Droits de l’Homme, droits fondamentaux et DIP, op. cit., p. 119 et ss.
[18] Ainsi pour retard mis dans la transcription d’un mariage valablement célébré à l’étranger d’une personne transsexuelle qui constituait une ingérence disproportionnée au respect de l’identité personnelle et psychologique des personnes, le mariage constituant un des éléments de cette identité (C.E.D.H., 20 juillet 2010, Dadouch c. Malte, req.n° 38816/07). Le même raisonnement est tenu par la CEDH relativement à la transcription au moins partielle sur les registres de l’Etat civil des actes de naissance d’enfants nés à l’étranger de mère porteuse (C.E.D.H., 26 juin 2014, Mennesson c. France, req.n° 65192/11) L’obligation de transcription est certaine pour le parent dont la filiation biologique est établie dans l’acte étranger. En revanche, des doutes pouvaient subsister pour le « parent d’intention ». Le 16 octobre 2018, dans le cadre du réexamen de l’affaire Mennesson, la C.E.D.H. a été saisie pour avis consultatif, par la France, dans le cadre de l’application du Protocole n° 16 à la Conv.EDH, sur la question de savoir si le refus de transcription de la filiation du parent d’intention (en l’espèce, la mère d’intention) et la possibilité qui lui est offerte de recourir à l’adoption plénière excède « la marge nationale d’appréciation des Etats dans l’application de l’art. 8 de la Convention ». La Cour a rendu son avis consultatif, le 10 avril 2019, et a retenu l’obligation pour l’Etat d’établir un lien de filiation entre l’enfant et le parent d’intention. Cependant, l’établissement de ce lien ne requiert pas nécessairement la retranscription de l’acte d’Etat civil étranger désignant la mère d’intention comme la mère légale. La filiation peut aussi être établie par l’adoption « dès lors que ses conditions sont adaptées et que ses modalités permettent une décision rapide… » .
[19] C.E.D.H., 28 juin 2007, Wagner c. Luxembourg, req. n°76240/01, D. 2007, p.2700, note F. MARCHADIER, Rev.Crit., 2007, p.807, note P. KINSCH ; J.D.I. 2008, p.183, note L. D’AVOUT
[20] P. KINSCH, L’apport de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, op.cit., p. 50 et ss.
[21] Il y est parfois adjoint la loi de l’autorité d’enregistrement s’agissant des relations conjugales de partenariat. Voy.p.ex. l’art. 22 du Règlement (UE) 2016/1104 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés. Le droit international privé des Pays-Bas abandonne l’option de droit au profit de l’autonomie des partenaires en leur permettant le choix de toute loi à la seule condition qu’elle connaissance l’institution du partenariat enregistré (Art. 10 C.civ.)
[22] Ainsi en matière de régimes matrimoniaux et d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrés (Règlements (UE) 2016/1103 et 2016/1104 du 24 juin 2016 relatifs à la compétence, à la loi applicable et aux effets des jugements étrangers en matière de régimes matrimoniaux) et en matière de successions (Convention de la Haye du 1er juillet 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort ; Règlement (UE) 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen)
[23] Règlement (UE) n°1259 /2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps
[24] Art. 17 b EGBGB (droit international privé allemand)
[25] Art. 60 al.1er du Code belge de droit international privé
[26] Art. 515-7 du Code civil français
[27] Section 212 (2) et 215 (1) du Civil Union Act
[28] Art. 65 de la loi suisse sur le partenariat enregistré combiné avec l’article 44 de la loi fédérale suisse sur le droit international privé du 15 décembre 1987
[29] Voy. Art. 17b EGBB. Voy. C. KOHLER, « La nouvelle législation allemande sur le mariage et le droit international privé », Rev.crit. 2018, p. 51 et ss.
[30] Voy. ci-dessous, n°13
[31] Art. 46 al. 2 la loi du 16 juillet 2004 portant Code de droit international privé. Sur cette disposition, voy. F. RIGAUX et M. FALLON, Droit international privé, Larcier, 3ème éd., 2005, n°12.56 , P. WAUTELET, « Les couples de même sexe en droit belge en particulier sous l’angle du droit international privé », in Rapports belges au Congrès de l’Académie internationale de droit comparé à Utrecht, Bruxelles, Bruylant, 2006, p.326
[32] Art. 202-1 du Code civil français, issu de la loi du 17 mai 2013
[33] P. HAMMJE, « Mariage pour tous et droit international privé. Dits et non-dits de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe », Rev.crit. 2013, p. 773 et ss.
[34] Voy. supra, n°8 et les références citées à la note 14
[35] Sur cette disposition, Voy. G. GOLSTEIN, L’exception de prévisibilité, Vers une localisation subjective dans la résolution des conflits de lois ? Rev. crit. 2018, p. 3 et ss.
[36] L’expression est de G.P. ROMANO, voy. « La bilatéralité éclipsée par l’autorité. Développements récents en matière d’état des personnes », Rev.crit. 2006, p. 457
[37] Pour des études approfondies sur la méthode de la reconnaissance, voy. : L. BARNICH, Les actes juridiques en droit international privé, Essai de méthode, Bruxelles, Bruylant, 2001 ; L. BARATTA, « La reconnaissance internationale des situations juridiques personnelles et familiales », R.C.A.D.I. 2010, t.348, p. 243 et ss. ; S. BOLLEE, « L’extension du domaine de la méthode de la reconnaissance unilatérale », Rev. Crit., 2007, p.307 et ss. ; P. LAGARDE, « La reconnaissance, mode d’emploi », Mélanges en l’honneur d’Hélène GAUDEMET-TALLON, Dalloz, 2008, p. 481 et ss. ; P. LAGARDE (Sous la dir.de) La reconnaissance des situations en droit international privé, Paris, Pedone, 2013 ; P. MAYER, « Les méthodes de la reconnaissance en droit international privé », Mélanges en l’honneur de Paul LAGARDE, Dalloz, 2005, p. 547 et ss. ; C. PAMBOUKIS, « La renaissance-métamorphose de la méthode de la reconnaissance », Rev. Crit., 2008, p. 513 et ss. ; E. PATAUT, « Le renouveau de la théorie des droits acquis », Trav.Com.fr. DIP 2006-2008, p. 71 et ss. ; G.-P. ROMANO, « La bilatéralité éclipsée par l’autorité. Développements récents en matière d’état des personnes », Rev. Crit., 2006, p. 457 et ss. ; A. QUINONEZ ESCAMEZ, « Propositions pour la formation, la reconnaissance et l’efficacité internationale des unions conjugales du couple », Rev.Crit., 2007, p. 357 et ss.
[38] En ce sens, P. MAYER, « Les méthodes de la reconnaissance en droit international privé », op. cit., n°29
[39] Voy. C. PAMBOUKIS, La renaissance-métamorphose de la méthode de reconnaissance, op.cit., p.535 et ss. Voy. aussi l’exemple cité par P. MAYER, art. précit. dans l’affaire Schwebel v. Ungar où la Cour d’appel de l’Ontario a reconnu un divorce religieux (célébré par un rabbin dans un camp de réfugiés en Italie en 1945) tenu pour nul par la loi (italienne) désignée par la règle de conflit de lois de l’Ontario au motif que l’état de célibataire de Madame Watkor (née Schwebel) avait été établi par le droit de l’Etat d’Israël où elle avait séjourné durant sept années. Sur l’utilisation de la méthode de la reconnaissance à des situations constituées sans intervention d’une autorité publique, ainsi de la répudiation, voy. S. BOLLEE, « L’extension du domaine de la méthode de la reconnaissance unilatérale », op.cit., p. 313 et ss.
[40] En ce sens, voy. L. BARNICH, Les actes juridiques en droit international privé, Essai de méthode, op. cit., p. 162 et ss.
[41]P. MAYER, « Les méthodes de la reconnaissance en droit international privé », op.cit., n°29
[42] A. BUCHER, La famille en droit international privé, op. cit., p. 132 ; A. DIONISI-PEYRUSSE, « La conformité à l’article 8 de la CEDH des refus de reconnaissance des situations familiales créées à l’étranger au nom de l’ordre public international », in Le droit entre tradition et modernité, Mélanges à la mémoire de Patrick COURBE, Dalloz 2012, p. 162 et ss.
[43] Ibid.
[44] CEDH, 24 juin 2010, Schalk et Kopf c. Autriche, req. 30141/04 ; J.C.P. 2010, 1013, note Fulchiron ; R.T.D.Civ. 2010, p. 738, note J-P. MARGUENAUD
[45] CEDH, 27 avril 2010, Moretti et Benedetti c. Italie, req. 16318/07 ; J.C.P. 2010, p. 578, obs. F. SUDRE
[46] Voy.ci-dessous II, n°20 et ss.
[47] Sur une présentation des solutions possibles, voy. P. LAGARDE, « La reconnaissance, mode d’emploi », Mélanges en l’honneur d’Hélène GAUDEMET-TALLON, Dalloz, 2008, p. 481et ss.
[48] Voy. p. ex les différentes conventions de la Commission internationale de l’Etat civil portant sur la reconnaissance des décisions constatant le changement de sexe d’une personne (12 septembre 2000), l’attribution du nom (16 septembre 2005), la reconnaissance des partenariats enregistrés (5 septembre 2007)
[49] Sur cette question, voy. P. COURBE, « Le droit international privé et les difficultés d’insertion de la Convention dans le système français », in P. TAVERNIER (dir), Quelle Europe pour les droits de l’Homme ? – La Cour de Strasbourg et la réalisation d’une union plus étroite, Bruxelles, Bruylant 1996, p. 249 et ss. ; A. DIONISI-PEYRUSSE, « La conformité à l’article 8 de la CEDH des refus de reconnaissance des situations familiales créées à l’étranger au nom de l’ordre public international », op. cit., p. 157 et ss. ; B. FAUVARQUE-COSSON, « Droit comparé et droit international privé », op. cit., p. 797 et ss. ; L. GANNAGE, La hiérarchie des normes et les méthodes du droit international privé (étude de droit international privé de la famille), Paris, L.G.D.J., 2001, spéc. n°496 et ss. ; L. GANNAGE, « A propos de « l’absolutisme » des droits fondamentaux », in Vers de nouveaux équilibres entre ordres juridiques, Mél. En l’honneur d’Hélène GAUDEMET-TALLON, Paris, Dalloz, 2008, p. 265 et ss. ; L. GANNAGE, « L’ordre public international à l’épreuve du relativisme des valeurs », Trav. Com. Fr. dr. Int.pr. 2006-2008, p. 205 et ss. ; H. GAUDEMET-TALLON, « Nationalité, statut personnel et droits de l’Homme », Festschrift für Erik JAYME, Munich, Sellier, European Law Publishers 2004, p. 305 et ss. ; P. HAMMJE, « Droits fondamentaux et ordre public », Rev.crit. 1997, p.1 et ss. ; P. KINSCH, « Droits humains, droits fondamentaux et droit international privé », op.cit, spéc. n°133 et ss. ;; P. MAYER, « La Convention européenne des droits de l’Homme et l’application des normes de droit international privé », op. cit., p. 651 et ss. ; A. SINAY CITERMANN, « Les tendances actuelles de l’ordre public international », Mélanges en l’honneur du professeur Bernard AUDIT, Paris, L.G.D.J., 2014, p. 635 et ss. ; N. WATTE, « Les fonctions de l’ordre public international et les droits de l’Homme », Mélanges John KIRKPATRICK, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 1047 et ss.
[50] Pour une approche fondée sur la façon dont les modes d’intervention des droits fondamentaux assurent ou, au contraire, cantonnent l’universalité des droits fondamentaux, voy. M. FARGE, « L’universalité des droits de l’Homme au prisme du droit international privé des personnes et de la famille », RLDF 2017, chron. N°29
[51] Voy. J-F. FLAUSS, « L’exequatur des jugements étrangers et l’ordre public procédural : Le point de vue de Strasbourg », LPA 18 avril 2002, n°78 ; L. GANNAGE, « A propos de « l’absolutisme » des droits fondamentaux », op. cit., p. 276 et s. ; N. WATTE, « Les fonctions de l’ordre public international et les droits de l’Homme », op. cit. p. 1063 et ss.
[52] BVerfG, 4 mai 1971, Rev. Crit. 1974, p. 57. Sur cette décision –qualifiée de l’arrêt « de l’Espagnol »- et son importance en Allemagne, voy. P. KINSCH, « Droits de l’Homme, droits fondamentaux et DIP », op.cit. p. 195 et ss. Il relève que « des auteurs allemands y ont vu la décision la plus importante de la jurisprudence allemande de droit international privé du XXème siècle » (p. 195)
[53] BVerfGE, précit. Rev.crit. 1974, p. 57
[54] Ibid., p. 65-66
[55] Ibid.
[56] Ibid. , p. 71
[57] Ibid. p. 72
[58] Sur la question de la portée des droits fondamentaux conventionnels de la CEDH, la Cour européenne (CEDH, 20 juillet 2001, Pellegrinni c. Italie, Rev. crit. 2004, p. 106, note L. L. CHRISTIANS) a clairement affirmé, à propos de l’exequatur d’une décision étrangère, que le juge de l’exequatur ne peut pas donner effet à une norme étrangère qui contrevient aux dispositions de la Convention. Il est cependant difficile de tirer des conclusions générales de cet arrêt qui avait trait à des questions procédurales et non substantielles.
[59] P. MAYER, « La Convention européenne des droits de l’Homme et l’application des normes étrangères », Rev.crit. 1991, p. 651 et ss.
[60] P. HAMMJE, « Droits fondamentaux et ordre public, Rev.crit. 1997, p.10
[61] Voy. infra, n°29
[62] M. FARGE, « L’universalité des droits fondamentaux au prisme du droit international privé des personnes et de la faille », op.cit., p.4
[63] Soc. 10 mai 2006, JDI 2007, p. 531, note J.-M. JACQUET ; D. 2007, p. 1751, obs. P. COURBE ; JCP 2006.II.1405, note S. BOLLEE ; Rev. crit. 2006, p. 856, note E. PATAUT et P. HAMMJE
[64] Aujourd’hui, l’article 3 de la loi argentine 26 743 du 23 mai 2012 permet la rectification de la mention du sexe dans les registres de l’état civil lorsqu’elle ne coïncide pas avec l’identité de genre de la personne.
[65] Paris, 14 février 1994, Rev. crit. 1995, p. 308, note LEQUETTE. Voy. dans le même sens de l’application directe des normes internationales à propos du mariage d’un homme avec une personne transsexuelle, ressortissante du Costa Rica, en dépit du refus de la loi nationale d’admettre la réassignation sexuelle, dans l’avis du 24 janvier 2005 de la Direction générale des registres et du notariat en Espagne. Cet avis est fondé sur le droit fondamental au libre développement de la personnalité garanti à la fois par la Constitution espagnole et la Conv.EDH (Rev. crit. 2005, p. 614, note S. SANCHEZ LORENZO)
[66] Parmi une jurisprudence très fournie, voy. à propos du mariage homosexuel entre un ressortissant français et un ressortissant marocain, l’utilisation de l’ordre public tiré des dispositions de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire : Civ., 1ère, 28 janvier 2015, D. 2015, p. 1056, note H. GAUDEMET-TALLON et JAULT-SESEKE. Sur cet arrêt, voy ; D. BODEN, S. BOLLEE, B. HAFTEL, P. HAMMJE, P. VAREILLES-SOMMIERES, « Mariage de personnes de même sexe : Exception d’ordre public », Rev.crit. 2015, p. 400 et ss. ; H. FULCHIRON, « Le « mariage pour tous » est d’ordre public en matière internationale », D. 2015, p. 464 et ss. ; L. GANNAGE, « L’ordre public militant : le mariage pour tous face aux systèmes de tradition musulmane », J.C.P. 2015, n°318 ;
[67] H. GAUDEMET-TALLON, « Le pluralisme en droit international privé : richesses et faiblesses (Le funambule et l’arc-en-ciel) », R.C.A.D.I. 2005, t. 312, p. 9-488, p. 394
[68] P. KINSCH, « Droits de l’Homme, droits fondamentaux et DIP », op. cit., p.207
[69] P. KINSCH, ibid. p. 208
[70] Sur l’origine de cet ordre de proximité fondée sur l’Inlandsbeziehung du droit allemand, voy. P. COURBE, « L’ordre public de proximité », in Le droit international privé : esprit et méthodes, Mélanges en l’honneur de Paul LAGARDE, Dalloz, 2005, p. 227 et s. ; N. JOUBERT, La notion de liens suffisants avec l’ordre juridique ( Inlandsbeziehung) en droit international privé , Paris, Lexis Nexis, Litec, 2007, p. 160 et s.
[71]Civ.1ère, 10 mai 2006, Bull. 2006, I, n°224, p. 196 (En l’espèce, les deux conjoints étaient de nationalité française et marocaine et résidaient au Maroc)
[72] Civ., 1ère, 17 février 2004, Rev. Crit. 2004, p. 423, note P. HAMMJE ; J.D.I. 2004, 1200, note L. GANNAGE ; Civ., 1ère, 25 octobre 2005, Bull. 2005, n°379, p. 316 ; Civ., 1ère, 4 novembre 2009, Bull. 2009, I, n°217
[73] Civ., 1ère, 10 février 1993, Rev. Crit. 1993, p. 613, note J. FOYER ; D. 1994, p. 66, note J. MASSIP ; JCP 1993. I. 3688, no 10, obs. FULCHIRON et Civ., 1ère, 10 mai 2006, Bull. 2006, I, n° 226 p. 198. Sur cet arrêt, voy. G. KESSLER et G. SALAME, « Ordre public de proximité et filiation », D. 2006, p. 2890 ; Dr.famille 2006, comm. 177, note FARGE
[74] N. Watte, « Les fonctions de l’ordre public international et les droits de l’Homme », op. cit., p. 1067
[75] D. BODEN, « Requiem pour l’ordre public de proximité », Rev.crit. 2018, p. 882 et ss., spéc., p. 891
[76] D. BODEN, ibid.
[77] Art. 2.1. PIDCP
[78] Art. 1er Conv.EDH Voy. L. GANNAGE, « A propos de l‘ ‘Absolutisme’ des droits fondamentaux », op.cit. p. 265 et ss., spéc. p. 275 et ss. ; « L’ordre public international à l’épreuve du relativisme des valeurs », Trav. Com. Fr. DIP 2008, p. 205 et ss.
[79] P. HAMMJE, « Droits fondamentaux et ordre public », op.cit., p.1 et ss. ; P. COURBE, « L’ordre public de proximité », op. cit. p.227 et ss.
[80] Civ., 1ère, 26 octobre 2011, D. 2012, p. 1228, obs. H. GAUDEMET-TALLON et F. JAULT-SESEKE ; AJ Famille 2012, p. 50, obs. E. VIGNANOTTI ; Dr. fam. 2012, p. 46, note M. FARGE ; Gaz. Pal. 16 mars 2012, p. 30, note A. DEVERS ; J.D.I. 2012, p. 176, note J. GUILLAUME
[81] Civ. 1re, 23 oct. 2013, D. 2013, p. 2518 ; AJ fam. 2013, p. 709, obs. A. BOICHÉ ; RTD civ, 2014 , p. 94, obs. J. HAUSER (« dès lors que l’épouse était domiciliée en France ») ; du même jour, Bull. 2013, I, n° 205 ; AJ fam. 2013, p. 709 ; RTD civ. 2014, p. 94, obs. J. HAUSER (« le jugement du tribunal de Tanger ne pouvait être reconnu en France, s’agissant de deux époux qui y étaient domiciliés »).
[82] Civ., 1ère, 27 septembre 2017, D. 2017, p.2518 note Johanna GUILLAUMÉ ; K. BIHANNIC, « L’exception d’ordre public à la croisée des chemins…Digressions méthodologiques au départ de l’arrêt du 27 septembre 2017, n°16.19-254 », RDLF 2018, chron. n°06
[83] Avis du 21 juin 2017 de l’avocat général M. VALDES-BOULOUQUE sur Civ.1ère, 27 sept. 2017, M. Staffan X… c/ Mme Agnès Y… et son fils Justin Y…, n° 16-19.654, précit.
[84] Voy. D. SINDRES, « Vers la disparition de l’ordre public de proximité ? », J.D.I. 2012, p. 887 et ss.
[85] H. GAUDEMET-TALLON, « Nationalité, statut personnel et droits de l’Homme », in Festschrift für Erik JAYME, Munich, Sellier, European Law Publisher, 2004, p. 219-220. Voy. aussi dans le même sens, L. GANNAGE, « A propos de l’Absolutisme des droits fondamentaux », op.cit. p.279 et ss. ; L. GANNAGE, « Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des conflits de cultures », ADI-Poche, 2013, p. 221 et ss.
[86] Ibid.
[87] L. GANNAGE, « L’ordre public international à l’épreuve du relativisme des valeurs », op. cit., p. 208. Voy. dans le même sens de la thèse de la création de « nouveaux droits », A. DIONISI-PEYRUSSE, « La conformité à l’article 8 de la CEDH des refus de reconnaissance des situations familiales créées à l’étranger au nom de l’ordre public international », op. cit. p. 159 et ss. ; H. GAUDEMET-TALLON, « Le pluralisme en droit international privé : richesses et faiblesses (Le funambule et l’arc-en-ciel) », op. cit., p. 409 et ss. ; Y. LEQUETTE, « Le droit international privé et les droits fondamentaux », in Libertés et droit fondamentaux, Paris, Dalloz, 2007, p. 99 et ss.
[88] B. ANCEL ET Y. LEQUETTE, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, Paris, Dalloz, 5ème éd.,2006, p. 175.
[89] L. GANNAGE, « Les méthodes du droit international privé à l’épreuve des conflits de cultures », op.cit., p. 221 et ss.
[90] A.A. DIOUF, « Libres propos sur le statut personnel dans le droit international privé des Etats d’Afrique noire », Rev.crit. 2019, p. 726 et ss.
[91] Il est d’ailleurs loin d’être certain que certains droits résultant de l’interprétation dynamique de la Cour de Strasbourg sont intégralement partagés dans tous les Etats parties.
[92] P. KINSCH, « Droits de l’Homme, droits fondamentaux et DIP », op.cit., p.286-287
[93]P. KINSCH, Ibid., p.248. Voy. aussi, M. FARGE, « L’universalité des droits fondamentaux au prisme du droit international privé des personnes et de la famille », op.cit., p. 16 et ss.
[94] Paris, 14 février 1994, cité supra, n° 24
[95] Trib. Const., 18 juillet 2006, BVerfGE, 116, 243
[96] Art. 35 ter al. 2 du Code belge de droit international privé. Cette disposition permet d’assurer la protection de ce droit à toute personne dont la demande est jugée par une juridiction belge
[97] Comme en droit international privé français (Art. 202-1, al.2 C. Civ.) et belge (Art. 46, al.2 du Code belge de dr.int. privé)
[98] Comme dans la plupart des législations de droit international privé pour les partenariats enregistrés et en Allemagne pour les mariages entre personnes de même sexe (Art.17b, § 1, du EGBGB)
[99] Comme pour les partenariats de droit italien où l’article 32 de la loi 76/216 du 26 mai 2016 sur les partenariats enregistrés pour les personnes de même sexe et les cohabitations prévoit que « si la loi applicable n’admet pas le partenariat enregistré entre personnes majeures de même sexe, la loi italienne s’applique ». Un commentaire précise que le partenariat est d’ordre public en raison de sa nature constitutionnelle. Voy. K. TRILHA SCHAPPO et M.M. WINKLER, « Le nouveau droit international privé des partenariats enregistrés« , Rev. crit. 2017, p. 319 et ss.
[100] M. FARGE, « L’universalité des droits fondamentaux au prisme du droit international privé des personnes et de la famille », op.cit.,p. 16
[101] Civ., 1ère 22 avril 1986, Rev.crit. 1987, p. 374, note COURBE ; JDI 1987, p. 629, note KAHN
[102] Civ.1ère, 3 janvier 1980, Benddedouche, Rev.crit. 1980, p.327, note SIMON-DEPITRE ; D. 1980, P. 549, note POISSON-DROCOURT
[103] CEDH, 3 mai 2011, Negrepontis-Gianinisis c. Grèce, req. 56759/08, Rev.crit. 2011, p. 817, étude P. KINSCH ; J.D.I. 2012, p. 213, obs. DIONISI-PEYRUSSE ; J.C.P.,2011, I, 839, n°7, obs. GOUTTENOIRE
[104] CEDH (décision d’irrecevabilité), 6 juillet 2010, Green et Farhat c. Malte, req. N° 38797 /07
[105] Sur la proportionnalité et l’ordre public, voy. K. BIHANNIC, L’exception d’ordre public à la croisée des chemins…Digressions méthodologiques au départ de l’arrêt du 27 septembre 2017, n°16.19-254, op. cit, spéc. p. 8 et ss. ; J GUILLAUME, note préc., p. 2518 et ss. ; J. GUILLAUME, L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et l’ordre public international français, D. 2020, p. 699 et ss.
[106] Voy. supra, n°20
Article très intéressant !
Merci Professeur !