Le droit international des droits de l’homme existe-t-il ?
L’auteure s’interroge sur l’existence du droit international des droits de l’homme comme branche autonome du Droit international général. Il lui semble pour l’heure impossible d’y déceler une cohérence interne compte tenu de son morcellement entre plusieurs systèmes et régimes juridiques. En même temps, ce caractère fractionné peut s’analyser comme la marque de fabrique du droit international des droits de l’homme, qui, en retour, appuierait sa spécificité.
Par Laurence Burgorgue-Larsen, Professeure à l’Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1)
Si la formule latine Cogito ergo sum permet de révéler la singularité de l’humanité grâce au pouvoir de la pensée ; comment peut-on identifier l’existence d’un droit, qui plus est ô combien particulier, dans la mesure où la charge axiologique dont il est porteur est à son comble ?
Une première manière d’aborder l’interrogation consiste à se pencher sur ceux qui en parlent ; à décrypter les discours portant sur le droit international des droits de l’homme (ci-après DIDH). Or, quand on sait que Nommer, c’est normer 1, on se rend compte assez aisément que, quel que soit le contenu des discours (négatifs ou positifs) à son sujet, ces derniers participent à poser son existence.
Ceci affirmé, si l’existence de multiples types de discours sur le DIDH participe au bout du compte à en faire une branche autonome du droit international général (ci-après DIG) – voire selon certains à le constituer comme discipline au point même, ultime conséquence, d’en faire la structure autour de laquelle l’intégralité du droit international est constituée et évolue 2. – quelles sont les caractéristiques de celle-ci ? Cette deuxième interrogation induit qu’exister ne suffit pas…encore faut-il bien exister. La qualité de l’existence entre ici en ligne de compte. Autrement dit, le DIDH arrive-il à atteindre le graal de la cohérence qui est, pour tout juriste accoutumé à la rationalité, l’horizon nécessaire, tant du processus participant à sa création mais également de celui conduisant à son application.
Si les discours sur le DIDH participent à révéler son existence comme branche autonome du DIG, certains allant jusqu’à considérer qu’il s’est transformé en une nouvelle discipline (I), il n’en reste pas moins qu’il est pour l’heure impossible d’y déceler une cohérence interne. Eclaté, morcelé, pour ne pas dire écartelé entre plusieurs systèmes et régimes juridiques, il est vain d’y chercher une cohérence rassurante (II). Le DIDH est, pour l’heure, réfractaire à l’unité. Serait- ce sa marque de fabrique qui, en retour, appuierait sa spécificité ?
I. Les discours constitutifs
Dénoncer, c’est faire exister. C’est exactement ce à quoi on assiste dans l’univers du droit international des droits de l’homme. Il est l’objet de multiples attaques qui ont toutes comme point commun, grosso modo, la volonté délibérée – pour ne pas dire le programme, voire l’agenda – de débusquer et de révéler les biais dont il serait porteur. En ce sens, ce discours de dénonciation (A) pose, en miroir, l’existence de ce qui est fustigé, critiqué.
Sur un autre plan et s’éloignant des approches qui empruntent à l’idéologie, optant pour des analyses plus classiques, car relevant de la technique du droit, un autre discours permet tout autant de faire vivre le DIDH ; c’est celui de la valorisation. Valoriser, c’est également faire exister. Ici, au lieu de dénoncer les soubassements idéologiques biaisés du DIDH, il s’agit plutôt de valoriser les techniques juridiques particulières qui lui sont propres. Loin d’être dénoncé, il est singularisé pour mieux être distingué de la matrice originelle qui l’a vu naître, le droit international général (B).
En abordant rapidement ces deux types de discours, on prendra la mesure que ce qui est en jeu, c’est l’existence du droit international des droits de l’homme comme branche autonome, voire comme discipline à part entière, dans le paysage juridique.
A. Les discours de dénonciation
Si les droits de l’homme n’ont eu de cesse d’être au cœur de multiples controverses – quant à leur fondement, leur nature, leur portée, leur utilité – cela n’a pas manqué de rejaillir sur le droit qui les consacre, notamment à l’échelle internationale. Si « le procès des droits de l’homme » fait toujours débat, de siècles en siècles – le livre-événement de Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère le démontrant à merveille 3, le continuum analytique de la critique étant remarquable – il en va de même, toutes proportions gardées, des « procès » faits au droit international des droits de l’homme. Il est régulièrement au cœur de controverses notables, plus particulièrement depuis son éclosion généralisée à partir du « Moment de 1948 » 4.
Les analyses critiques du DIDH sont nombreuses et révèlent les fractures idéologiques au sein de la communauté des internationalistes : de l’Ecole des Third World Approaches to International Law (les Twail) 5, en passant par les multiples courants féministes 6, le DIDH fait débat ; il est revisité pour mieux être contesté 7. Les nombreux courants critiques ont pour objet de proposer d’autres approches, tantôt moins occidentales (less western centred) 8, tantôt moins centrées sur la domination des hommes (less male centred) 9. D’une certaine manière, ces multiples théories sont bien la démonstration de l’existence d’un droit international des droits de l’homme : considéré comme imparfait car parcouru de nombreux biais par de nombreux auteurs, ces derniers se sont lancés dans sa contestation et sa dénonciation afin de tenter de le réformer ; l’approche prescriptive qu’ils développent est d’ailleurs particulièrement présente.
Parallèlement à ces discours critiques, il y a à l’inverse des discours laudatifs, valorisant les spécificités techniques du DIDH. Ces discours ont pour objet, de façon plus ou moins avouée ou assumée, de participer à poser l’existence du DIDH comme branche autonome, pouvant aller jusqu’à acter l’existence d’une nouvelle discipline.
B. Les discours de valorisation
La disputatio orthodoxe qui a traversé les rangs de la petite communauté des internationalistes, quelles que soient d’ailleurs leurs formations et leurs nationalités, et qui a longtemps fait l’objet de querelles techniques, est celle de la singularité des traités de protection des droits de l’homme par rapport aux traités internationaux généraux et/ou portant sur d’autres branches du droit international. Cette querelle a eu son âge d’or en France. C’est le colloque organisé à Strasbourg en 1997 par la Société française pour le droit international – relatif à La protection des droits de l’homme et à l’évolution du droit international – qui en fut, en quelque sorte, l’apothéose en ce qu’il exposait les éléments de la « querelle scolastique » pour reprendre l’expression de Jean-François Flauss mentionnée dans son imposant et savant rapport introductif. Il y identifiait d’un côté les « intégristes » ou les « traditionalistes » qui s’emploient à préserver l’intégrité du droit international classique ; de l’autre, les « autonomistes » ou les « sécessionnistes » qui « ont tendance à développer une conception messianique de la protection des droits de l’homme en droit international » et qui « affirment l’existence d’une branche autonome du droit international » 10.
On connaît les arguments avancés par les « autonomistes » pour reprendre la formule de J-F. Flauss : le caractère objectif des droits de l’homme – qui déborde le cadre contractuel basé sur le principe de réciprocité – qui s’est matérialisé dans nombre d’instruments internationaux de protection des droits (le Préambule de la Charte des Nations Unies en tête ou encore l’article 1 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme), qui fut magnifié dès 1951 par la Cour internationale de justice 11 et qui, par la suite, a été confirmé par la jurisprudence de multiples organes de protection 12. Les conséquences sont des aménagements des règles classiques propres au DIG en matière de réserves 13, mais aussi de succession et de dénonciation.
Cette querelle qui opposa les tenants de la banalisation du DIDH (les « généralistes » du DIP) et ceux défendant à l’inverse sa spécificité (les « spécialistes » du DIDH), n’est pas sans rappeler le même type de fracture disciplinaire qui a traversé d’un côté les partisans de la « spécificité » du droit communautaire européen (le désormais « droit de l’Union »), et de l’autre ceux qui n’y voyaient qu’une simple branche (non autonome) du droit international général. Il y a un formidable fil rouge dans ces disputatio ; ce fil rouge est incarné par le professeur Alain Pellet qui, dans des articles ou des cours devenus cultes, s’est évertué avec une constance que l’on ne peut pas lui retirer, tantôt à démonter la mécanique de la singularité du DIDH (en prenant très souvent d’ailleurs l’exemple des réserves aux traités, un de ses thèmes de prédilection en tant qu’ancien Rapporteur spécial de la CDI sur les réserves) 14 ; tantôt se plaît à écrire un « cours de mauvaise humeur » dont l’objet est de dénoncer les « Ayatollah du droit communautaire » 15. Les positions défendues dans ce cours rédigé en 1997 ont été régulièrement depuis confirmées par l’auteur 16.
Aujourd’hui, la controverse semble largement dépassée. Elle ne fait plus débat, en tout cas, pas en ces termes. Le développement quantitatif et qualitatif du DIDH est tel, les affirmations répétées par les organes de protection du mantra de la singularité a pris de telles proportions, qu’il ne semble plus susciter les mêmes passions académiques, sauf sans doute de quelques fortes personnalités qui s’en tiennent à leur position de principe.
Les débats se sont déplacés au fur et à mesure que le DIDH a évolué : après l’analyse des traités de protection des DH comme tels, c’est la question de la multiplication de traités internationaux dans des domaines spécialisés (environnement, investissement) et du fonctionnement des organes de protection qui est apparue au devant de la scène académique, ce débat s’insérant dans l’analyse plus générale relative à la multiplication des juridictions internationales dans des domaines extrêmement variés. A la querelle de la singularité a succédé celle de la multiplicité porteuse de « fragmentation ». Le danger fut porté sur la place publique, celle qui est propre au « petit monde » des internationalistes, par la Commission du droit international (CDI). Le célèbre rapport sur la fragmentation du droit international publié en 2006 alimentait toutes les peurs en postulant la désintégration du DIG par la multiplication de « self-contained regimes » (régimes autonomes). Quand bien même l’on pourrait discuter de façon critique la terminologie employée dans ce document – en réfutant par exemple la nouveauté du constat comme l’a fait avec beaucoup de finesse Anne-Charlotte Martineau dans sa thèse 17 – il est un fait que ce rapport de la CDI a plus dénoncé et mis en garde du danger d’une fragmentation entre le DIG d’un côté et ses multiples branches spécialisées de l’autre, que celui de la « fragmentation » au sein du DIDH lui-même. Or, sans aller jusqu’à considérer qu’il est « fragmenté » (la charge négative d’une telle formule étant par trop marquée), il ne fait guère de doute qu’il est tout sauf homogène.
Car exister ne suffit pas, encore faut-il que la qualité de l’existence soit, en quelque sorte, au rendez-vous. A supposé donc que l’on s’accorde sur l’existence du DIDH en considérant qu’il s’agit d’une discipline à part entière, peut-on dans la foulée considérer que ce droit est Un, marqué du sceau de l’unité ; qu’il forme un tout globalisant et homogène ? L’unité est évidemment rassurante pour le juriste qui aime ordonner et systématiser afin de dévoiler une cohérence. Mais en réalité, affirmer l’unité du DIDH, ce serait fantasmer un état de fait inexistant ; les disparités qui étreignent les multiples systèmes des droits de l’homme ne participent guère à l’appréhender de façon cohérente.
II. Les disparités du réel
Affirmer l’unité du DIDH serait aujourd’hui faire preuve d’un aveuglement préoccupant ou d’un engagement militant faisant fi d’un minimum d’objectivité car la réalité est d’une hétérogénéité et d’une complexité inouïes. Le foisonnement institutionnel et normatif est protéiforme, rétif à toute systématisation. Tant la multiplication de sources aux statuts divers (hard et soft), que celle des mécanismes de contrôle au sein d’enceintes aux fonctions variées (de type politique, juridictionnel, quasi-juridictionnel ou autres), ne permettent pas de penser le DIDH en termes de « système » où serait ordonné tout à la fois les textes et les structures ayant pour objet de les contrôler. L’ordre, l’unité et la cohérence sont introuvables (A).
Ce constat en appelle un autre ; celui de l’existence (tantôt organisée, tantôt spontanée) de palliatifs à ce désordre somme toute productif. Là encore, ces palliatifs ne sont pas des panacées. Ils atténuent simplement le choc des confrontations procédurales et normatives (B). De là à affirmer qu’une autre spécificité du DIDH serait celle de l’introuvable cohérence ; d’un irréductible pluralisme (normatif, institutionnel et procédural), il n’y a qu’un pas…
A. L’introuvable cohérence
Malgré une inlassable rhétorique où l’expression de « système » fait florès – on ne cesse en effet de parler et d’écrire à propos du « système » universel de protection des Nations Unies ou des « systèmes » régionaux de protection des droits (en y intégrant d’ailleurs des ensembles dont l’objet n’était pas au départ, d’organiser la protection des droits de l’homme) 18 – on est loin de ce que ces formules postulent : une organisation rationnelle qui, à partir de traités internationaux portant sur les droits de l’homme, aurait donné naissance à des normes, des structures et des procédures marquées du sceau de la cohérence.
Rappelons les évidences : celles relatives à l’univers du droit international. Chaque organisation internationale 19 (à portée universelle ou régionale), à un moment T – de son évolution interne, de l’évolution des relations internationales, de l’apparition de la pression de multiples acteurs (ceux de la société civile au premier chef) – décidera de se lancer dans l’élaboration d’un traité de protection des droits et/ou dans l’élaboration d’un texte de nature déclaratoire – afin de combler ce qu’elle perçoit comme un vide normatif et/ou pour afficher sa puissance politique… Il s’agit ni plus ni moins de la conséquence de l’autonomie créatrice des organisations internationales qui mettent en place, comme elles l’entendent, leur « agenda normatif » au sein duquel, par la force des choses, la « politique juridique extérieure » de chaque Etat partie se manifeste avec éclats (dans les négociations mais aussi au stade de la signature, de la ratification, de l’émission de réserves). Dans ce contexte, il est évident que les organisations internationales comme les Etats n’entendent pas sacrifier leur autonomie pour les premières et leur souveraineté pour les seconds sur l’autel de l’idéal d’une nécessaire unité, ou à tout le moins, d’une minimale cohérence du DIDH. Bref, contracter des « engagements parallèles et contradictoires » 20 – est le propre de leur liberté.
Autrement dit, si la cohérence externe (entre systèmes internationaux de protection des droits) est introuvable et si la cohérence interne (au sein des systèmes internationaux eux- mêmes) est particulièrement difficile à atteindre, il n’y a là qu’une conséquence somme toute normale de la logique propre à l’ingénierie normative à l’échelle internationale. Le contraire aurait été passablement étonnant dans un système où la multiplicité des acteurs, des institutions, des cadres d’intervention est à son zénith dans un monde a-hiérarchique où les « souverainetés déchainées » (R-J. Dupuy) sont encore puissantes.
1. L’impossible cohérence externe (l’incohérence inter-systémique)
Il suffit de faire un tour d’horizon normatif puis institutionnel et procédural pour se rendre compte de l’absence de cohérence entre systèmes.
L’analyse du champ normatif du DIDH donne le tournis. On sait que le processus de droit commun d’élaboration du DIDH est celui de l’ingénierie conventionnelle 21. Or, on ne compte plus les traités qui, adoptés dans le cadre d’enceintes universelles et régionales, réglementent le champ des droits de l’homme. Le patchwork normatif caractéristique du DIDH ne peut pas en outre ignorer les politiques étatiques de ratification qui ne sont évidemment pas les mêmes d’un Etat à l’autre et d’une Convention à l’autre…
Les traités à portée générale tout d’abord, tant à l’échelle universelle sont légion. Or, un examen même succinct et superficiel permet de réaliser que non seulement ils ne protègent pas tous les mêmes droits 22 ; non seulement certains y intègrent des éléments caractéristiques d’une culture particulière – les droits économiques et sociaux et les « devoirs » dans les droits interaméricain et africain ou encore les « peuples » dans le droit africain, sans même parler de la valorisation de la Charia par la Charte arabe – mais encore et surtout, quand ils protègent les mêmes droits et libertés, leur contenu comme leur portée peuvent différer. Pour le dire encore différemment, les duplications sont nombreuses (car nombre de droits et libertés garantis sont les mêmes), mais elles sont imparfaites (leur contenu et/ ou leur portée n’étant pas identique). On sait que le phénomène de sophistication du droit international a engendré en retour une spécialisation à outrance qui a dépassé de très loin ces textes à portée générale. Moult traités spécialisés ont été élaborés afin d’assurer la protection de droits sous l’angle cette fois-ci de la seule catégorisation, soit celle des personnes à protéger (les réfugiés, les apatrides, les femmes, les enfants, les travailleurs migrants, les handicapés), soit celle de comportements à prohiber (la discrimination raciale, la torture, les disparitions forcées). Répondant à des besoins spécifiques et à des demandes de reconnaissance politique, cette spécialisation des instruments internationaux ne serait point préoccupante, si on n’observait pas à nouveau un phénomène de duplication imparfaite. Or, elle est bien à l’œuvre. Les productions normatives s’entrechoquent : une même catégorie de personnes étant protégée dans plusieurs ensembles normatifs, tout en n’étant pas définie et protégée de la même manière 23. … Aucune mutualisation des entreprises normatives n’a été à l’œuvre, faute de l’existence d’un système juridique international centralisé. Les mêmes chevauchements normatifs sont présents s’agissant des traités spécialisés prohibant certains comportements emportant violation des droits de l’homme (ainsi de la torture, des disparitions forcées ou encore de la discrimination raciale) 24. S’en tenir à cette approche classique où il n’y aurait que le droit dur qui compte – s’arrimant en quelque sorte à la critique de la « normativité relative » présentée avec brio par Prosper Weil dans son article légendaire de la RGDIP en 1982 – serait toutefois passer à côté de la réalité de la formation du DIDH. Le droit déclaratoire y tient une place majeure – non seulement parce qu’il est en général une étape préparatoire à l’adoption de textes de droit dur 25. – mais également et peut-être surtout parce qu’il a acquis une valeur normative hors du commun (la destinée de la DUDH est emblématique à cet égard), qui peut déboucher dans certains cas sur un contrôle en bonne et due forme, comme s’il s’agissait d’un traité. C’est le cas dans le champ interaméricain des droits de l’homme où la Commission interaméricaine a octroyé à la Déclaration Américaine des Droits de l’Homme du 2 mai 1948 une valeur obligatoire, confirmée d’ailleurs au contentieux par la Cour interaméricaine. Cette audace lui permet de contrôler le respect des droits, libertés et devoirs qu’elle consacre par des Etats qui n’ont pas ratifié la Convention américaine de 1969, mais qui sont membres de l’OEA et à laquelle la DADH se trouve rattachée. Alors que les Etats-Unis, le Canada, Belize et tous les Etats-îles des Caraïbes n’ont même pas ratifié la Convention américaine (et donc par définition n’ont pas accepté la juridiction de la Cour interaméricaine), ils se retrouvent toutefois soumis à la DADH et au contrôle de la Commission qui ne se fait pas prier pour l’exercer.
Si de cohérence normative il n’est point question, il en va de même à l’échelle institutionnelle et procédurale. On ne compte plus les modes variés de contrôle de l’application des instruments de protection des droits de l’homme. La nature des institutions et des procédures est d’une hétérogénéité déconcertante, allant des pures mécanismes politiques – où le marchandage est Roi qu’il s’agisse de l’Examen périodique universel (EPU) au sein des Nations Unies 26 ou du contrôle mis en place par la Commission intergouvernementale de l’ASEAN – jusqu’à une juridictionnalisation particulièrement sophistiquée (c’est le cas des trois Cours régionales de protection des droits qui fonctionnent au sein des Amériques, en Afrique et en Europe), en passant par des mécanismes hybrides, ceux des organes « quasi-judiciaires » qui évoluent dans deux types d’environnements. Soit ils officient seuls, aux destinées du contrôle de certains traités (8 des 9 traités onusiens ; le contrôle de la Charte sociale européenne ; certains traités européens affublés de comités conventionnels) ; soit ils complètent les juridictions régionales (en étant en règle générale les organes de réception des requêtes en Europe, des pétitions en Amérique latine, et des communications en Afrique), tout en ayant des compétences qui débordent de très loin les seules fonctions judiciaires. En effet, assurer la promotion des droits de l’homme étant l’autre facette, en réalité fondamentale, de leur fonction : rapports thématiques, rapports par pays, visites in loco sont des fonctions politiques sensibles qui peuvent, quand elles sont menées avec indépendance, transfigurer le fonctionnement d’un ensemble de protection. L’histoire (fabuleuse à de nombreux égards) du début des activités de la Commission interaméricaine est emblématique de l’importance que cette fonction de promotion a détenu, alors que l’Amérique du Sud subissait les effets délétères car funestes des dictatures des années 70/80 27.
Si on ajoute à cette nomenclature l’existence de mécanismes ad hoc, comme des mécanismes d’enquête ; la création de Rapporteurs thématiques ; la mise en place de figures emblématiques censées incarner la politique des droits de l’homme d’une organisation internationale (Commissaire au droits de l’homme du Conseil de l’Europe ou encore Haut Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies), il est tout simplement impossible et vain de vouloir y trouver coûte que coûte des traces d’une cohérence institutionnelle.
Le panorama se complexifie quand on sait que le mouvement de juridictionnalisation qui a saisi le droit international et du DIDH en particulier, a engendré un phénomène singulier : à la multiplication s’est ajoutée la compétition. Voilà que des Cours dont la compétence première et originelle n’était pas de statuer en matière de droits de l’homme, ont été amenées, par la force des choses, à investir le terrain qui consiste à statuer sur des questions relatives à ces questions : de la CIJ à la CJUE, en passant par la Cour de la CEDEAO (Ecowas Court) 28, ou encore de la CEMAC 29 (en Afrique) et du feu Tribunal de la Communauté d’Afrique Australe (SADC), ou encore de la Cour de Justice de la Communauté andine 30 à la Cour de justice des Caraïbes 31 (au sein des Amériques), on ne compte plus les juridictions qui sont sorties de leur lit et qui interprètent et appliquent, différentes sources du DIDH. Partant, les situations où les Etats se retrouvent confrontés à des injonctions qui peuvent être contradictoires se sont multipliées ; l’ère des conflits d’obligations concurrentes est à son zénith.
2. La difficile cohérence interne (l’incohérence intra-systémique)
Si de cohérence externe il n’est pas question entre les grands systèmes de protection des droits (le système universel d’un côté et les systèmes régionaux de l’autre), il en est de même dans une moindre mesure en leur sein. Non pas que le chaos systémique soit au rendez-vous, mais la cohérence parfaite reste un idéal car elle est difficile à atteindre de façon intégrale.
S’agissant du système universel, si les ratifications des traités onusiens n’ont cessé de croître, si la « dynamique » des comités conventionnels, grâce à l’indépendance de leurs membres, n’a cessé de se renforcer, force est de constater également que tout est encore quelque peu erratique car il n’y a jamais eu de « plan préétabli » dans l’instauration et le développement de la mécanique des « traités dits de base» 32. Il n’y a jamais eu « de ‘grand horloger’ ou de ‘grand architecte’, pour définir un ‘grand dessein’ ou une ‘destinée manifeste’ pas de ‘main invisible’ régulant le marché » 33. Si la multiplication des instruments spécialisés et d’organes de contrôle n’a absolument pas été contrôlée, il est d’autant plus difficile d’obtenir une cohérence en aval. La cohérence normative entre les comités conventionnels – si elle est désirable, parfois désirée et inscrite dans certains textes 34 – n’est certainement pas toujours au rendez-vous et les risques de fragmentation à l’intérieur même des mécanismes onusiens de contrôle sont régulièrement dénoncés en doctrine 35.
Quant aux systèmes régionaux, ils sont évidemment mieux articulés : tout est d’ailleurs fait pour qu’ils le soient. Ainsi, en Afrique et au sein des Amériques, la coordination entre les organes quasi-judiciaires (Commissions) et judiciaires (Cours) est organisée par les textes afin que le phénomène bien connu de jalousie et de compétition institutionnelles soit atténué 36, mais également afin que le traitement des requêtes soit maximal et que la célérité de leur traitement soit au rendez-vous. En Europe, depuis l’entrée en vigueur des protocoles n°11 et 14, tout est également fait pour que l’articulation procédurale entre les fonctions des différentes formations de jugement (juge unique, comité de trois juge, chambre de sept juges et grande chambre de dix-sept juges) soit effective.
Toutefois, sous l’angle de la cohérence normative, tout n’est pas idéal. Si en Europe la question de l’universalité du système ne se pose plus depuis 1998 37, il n’en va pas de même en Afrique et au sein des Amériques. Ces continents sont marqués par des politiques de non-ratification des textes de protection et de non-acceptation des déclarations d’acceptation de juridiction des Cours. En Afrique, si les cinquante-quatre Etats membres de l’Union africaine ont ratifié la Charte de Banjul 38, le protocole créant la Cour africaine n’était ratifié que par trente d’entre eux 39 , parmi lesquels seulement sept ont accepté sa juridiction 40 !
Le problème est encore plus préoccupant au sein des Amériques puisque sur les trente-cinq Etats membres de l’Organisation des Etats Américains (OEA), seuls vingt-quatre ont ratifié la Convention américaine et, parmi eux, uniquement vingt (tous latino-américains, à l’exception des Barbades) ont accepté la juridiction de la Cour 41. Autrement dit, alors qu’en Afrique la Charte de Banjul est un socle juridique unanimement accepté, il est loin d’en aller de même au sein des Amériques à l’endroit de la Convention américaine. Les neuf Etats qui ont décidé de rester complètement hors du jeu conventionnel, sont les Etats anglophones arrimés à la culture juridique de la common law 42. Il y a, de façon manifeste – pour reprendre la formule percutante de Paolo Carozza – un Anglo-Latin Divide sur le continent américain 43. Les deux continents ont été également marqués par des politiques de dénonciations de la compétence des Cours régionales. Là où, en Europe, il y a une remise en cause politique de l’autorité de la Cour de Strasbourg 44 ; en Afrique et en Amérique, la dénonciation technique a été effective 45, ce qui n’est guère favorable à l’édification d’une culture commune d’adhésion à la juridictionnalisation de la protection des droits 46. Si on ajoute à ces éléments, qui révèlent les failles de l’engagement des Etats, le foisonnement normatif au sein des « systèmes » caractérisé par l’adoption d’une multitude d’autres textes contraignants, eux-mêmes marqués du sceau d’acceptations à géométrie variable, on ne peut décidément pas parler de « systèmes » de protection où tout serait harmonieux et intelligible.
En dépit de l’introuvable cohérence du DIDH, il s’avère qu’il existe de notables et remarquables exceptions à la logique du désordre. Des palliatifs existent : ils relèvent par essence de l’exception.
B. Les palliatifs au désordre
Le désordre étant protéiforme, les palliatifs le sont également. Ces palliatifs sont tantôt délibérés et réfléchis en prenant corps au sein des traités (palliatifs textuels) ; tantôt spontanés, naissant d’approches synergiques (soit des négociateurs des traités, soit de ceux qui les interprètent et les appliquent, i.e les juges) (palliatifs pragmatiques). Ils ont tous pour objet d’éviter les écueils chaotiques entre les dénommés « systèmes » de protection des droits de l’homme ainsi qu’en leur sein. Ils agissent tantôt au plan procédural (1), tantôt au plan normatif (2)
1. Les palliatifs procéduraux
Les mécanismes ne manquent pas afin d’atténuer l’absence de hiérarchisation entre les multiples organes quasi-judiciaires et juridictionnels internationaux 47. Certains sont textuels et ont pour objet d’éviter les conflits de juridiction ; d’autres sont prétoriens et ont pour ambition de tenter de régler les conflits d’obligations concurrentes auxquels les Etats se trouvent régulièrement confrontés.
S’agissant des mécanismes textuels, deux figures connues sont là pour tenter d’harmoniser, à tout le moins de coordonner, les procédures internationales.
Eviter au maximum les conflits de juridiction, éviter la multiplication des procédures internationales sur des affaires identiques (mettant aux prises les mêmes faits et les mêmes parties) devant des instances internationales concurrentes, tel est l’objet de l’interdiction de la litis pendens internationale 48. Elle est prévue au sein du protocole facultatif du Pacte IDCP (art. 5§2 a.), au sein des Conventions européenne (art. 53§3 b.) et interaméricaine (art. 46§1 c.) comme au sein de la plupart des traités des Nations Unies sur les droits de l’homme 49. Eviter des recours successifs « a la même finalité que la règle contentieuse précédente : tenter d’harmoniser des mécanismes qui sont nés et ont été établis de manière anarchique» 50. Leur interdiction est également prévue par la plupart des Conventions de protection des droits de l’homme comme la Convention européenne (art.35§2 b), la Convention américaine (art.47d.), l’article 56§7 de la Charte africaine et là encore par la majorité des traités des Nations Unies.
Ces mécanismes, bien que révélant la nécessité des créateurs des conventions internationales des droits de l’homme d’anticiper au maximum les effets négatifs découlant de l’impossible systématisation, n’en restent pas moins des mécanismes agissant à la « marge ».
Quant aux conflits d’obligations concurrentes, ce sont des solutions prétoriennes qui tentent de les régler ; elles répondent à la question de savoir comment concilier l’allégeance des Etats à plusieurs types d’obligations conventionnelles quand elles entrent en contradiction. La jurisprudence conventionnelle, ces dernières années, a développé des approches qui tentent cet exercice « conciliatoire » entre, par exemple, les obligations issues de la Charte des Nations unies ou celles issues du droit de l’Union européenne, confrontées aux exigences conventionnelles. Ainsi, la théorie de la présomption de protection équivalente 51 comme celle de l’exigence d’interprétation conforme ont fait leur apparition, avec son lot d’incohérences et donc de critiques 52. Il n’empêche, de telles approches ont pour dessein de dompter la complexité normative actuelle qui multiplie les obligations à la charge des Etats, les mettant très souvent en porte à faux. La jurisprudence ne sera jamais parfaite, elle fait au mieux dans un monde où la centralité n’existe pas.
2. Les palliatifs normatifs
Comment assurer la concordance normative ou, à tout le moins, une relative harmonie normative entre les nombreux droits et libertés protégés à travers la multitude de traités à portée générale et spécialisés qui forment partie du DIDH ? Ici, la problématique repose sur des ressorts qui se manifestent en amont de l’adoption des traités (au stade de leur élaboration) et en aval de ceux-ci (au stade de leur interprétation).
En amont, le phénomène de fertilisation croisée est caractéristique. Il a été mis en évidence avec pertinence par Sandrine Turgis dans sa thèse de doctorat 53. Les rédacteurs de traités internationaux de DH ne les pensent, ne les conçoivent ni ne les rédigent dans le « vide ». Ils sont évidemment conscients de l’environnement normatif qui entoure le processus d’élaboration et ils tentent de s’y arrimer – souvent sous la pression des représentants de la société civile – pour, a minima, consacrer des approches équivalentes (en assurant la concordance des définitions des droits protégés et de celle des comportements à bannir). L’exemple du concept de discrimination à l’égard des femmes posé dans la Convention des Nations Unies de 1979 est symptomatique de la circulation des concepts et de leur utilisation ultérieure par les rédacteurs de nouveaux traités portant sur le même sujet. La Convention d’Istanbul de 2011, adoptée dans le cadre du Conseil de l’Europe s’est évidemment inspirée de la définition onusienne 54 qui, entre temps, avait été vampirisée par la Cour européenne dans le cadre du ‘processus d’ouverture aux sources extérieures (Voir infra.) qui caractérise son mode d’interprétation de la Convention.
En aval, comment faire pour que chaque juridiction et quasi-juridiction ne déploie une interprétation par trop « autonomiste » qui irait à l’encontre non seulement de la cohérence normative entre les droits et libertés, mais aussi et sans doute de l’universalisme des droit de l’homme ? Ici, là encore, les palliatifs sont tout à la fois textuels et prétoriens.
S’agissant des premiers, on recense l’existence de « clauses de concordance » (on pense à la ‘clause de concordance’ de l’article 53 de la Charte des DFUE qui incite pour ne pas dire oblige la CJUE à interpréter les droits de la Charte à la lumière de la Convention telle qu’interprétée par la Cour EDH), mais également l’existence de qu’Emmanuel Decaux a appelé les « clauses de la liberté la plus favorisée » qui indexe la protection des droits de l’homme sur l’instrument le mieux offrant 55. Elles établissent un principe de non régression en matière de protection qui débouche, en réalité, sur la valorisation « du traitement le plus favorable » 56. Elles incitent, en principe, à une valorisation de ce que la doctrine latino-américaine a vulgarisé comme étant le principe pro homine 57 – encore appelée pro persona. Elles sont présentes dans la grande majorité des traités internationaux de protection des droits de l’homme 58, même si elles ne sont pas toutes utilisées avec la même intensité 59.
Quant aux trouvailles prétoriennes, le phénomène consistant à recourir à des sources extérieures – y compris non contraignantes 60 – afin d’interpréter les droits et libertés garantis par les traités de protection des droits, participe à dégager un sens et une portée communes à ces droits. Si l’activité de certaines juridictions internationales reste encore marquée par ce que le professeur Maurice Kamto a appelé le « narcissisme jurisprudentiel » (en parlant de la CIJ), il est un fait qu’il n’en va pas de même avec les Cours régionales de protection des droits. Les travaux doctrinaux qui se sont penchés sur la question démontrent l’importance du phénomène, en dépit de la variété terminologique choisie par les auteurs pour le caractériser 61. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit sans nul doute de la mécanique prétorienne la plus à même de parvenir à l’établissement de standards jurisprudentiels communs, puisque chaque juridiction s’inspire de la jurisprudence de l’autre et des instruments les plus récents et les plus spécialisés sur les droits concernés. C’est, d’une certaine manière, faire vivre l’universalisme.
***
S’il est vain pour ne pas dire absurde aujourd’hui de nier l’existence du droit international des droits de l’homme comme branche spécialisée du droit international général, au point de pouvoir affirmer qu’il s’est transformé en une discipline à part entière, il est tout aussi vain et absurde de clamer sa cohérence. Certes, elle est évidemment désirée et moult mécanismes ont pour objet de faire en sorte que les incohérences ne se transforment pas en chaos. Il y a sans doute ici la rançon du succès de la matière « droits de l’homme ».
Notes:
- Cette approche se déduit de la lecture de l’article d’A. Viala, « Le concept d’identité constitutionnelle : approche théorique », L. Burgorgue-Larsen (dir.), L’identité constitutionnelle saisie par les juges en Europe, Paris, Pedone, 2011, pp. 7-24. ↩
- Parmi de nombreux auteurs, on mentionnera l’approche jusnaturaliste d’Antonio Cançado Trindade selon laquelle le droit international est entièrement axé autour de la personne humaine ; on se permet ici de renvoyer à notre « Présentation » de la pensée de cet auteur in Le droit international de la personne humaine, Paris, Pedone, 2012, pp. 5-43. (Collection Doctrine(s) ↩
- J. Lacroix, J-Y. Pranchère, Le procès des droits de l’homme. Généalogie du scepticisme démocratique, Paris, Seuil, 2016, 330 p. ↩
- On relèvera ici la passionnante controverse agitant le monde académique des historiens et des sociologues relative au « turning point » du processus d’internationalisation des droits de l’homme. Certains persistent et signent en considérant qu’il s’agit de 1948 avec l’élaboration de la Déclaration Universelle des droits de l’homme ; d’autres réfutent cette analyse classique pour estimer que ce sont les années 1970 qui constituent une réelle césure (S. Moyns, The Last Utopia, Human Rights in History, Cambridge, Cambridge University Press, 2010) en faisant une distinction entre les « droits de l’homme » du XVIIIème siècle et les « droits humains » nés dans les années 1970. Un troisième courant défend l’idée selon laquelle l’internationalisation a en réalité été le produit d’un phénomène de fond qui a émergé dès le XVIIIème siècle. On renverra à l’excellent article du sociologue du droit danois, Mickael Madsen, qui présente ces controverses en proposant sa propre analyse critique de ces approches novatrices, « La guerre froide et la fabrique des droits de l’homme contemporains : une théorie transnationale de l’évolution des droits de l’homme », ICourts Working Paper Series, n°58, 2016. De même, pour un état des lieux dans l’engagement des sociologues dans l’étude du droit des droits de l’homme, voir L. Damay, F. Delmotte, « Les droits de l’homme entre ruptures et continuité : un éclairage historico-sociologique », Journal Européen des Droits de l’Homme/European Journal of Human Rights, 2016/2, pp. 161-178 ↩
- Les promoteurs et les partisans des Twail questionnent particulièrement l’influence coloniale sur l’édification du droit international à l’échelle mondiale ; ce dernier serait donc sous-tendu par des valeurs occidentales dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas. Un des éminents auteurs de cette approche est A. Anghie, v. A. Anghie et al., The Third World and International Order : Law, Politics and Globalization, La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, 2003 ; pour une analyse consistant à se demander si le mouvement des Twail est une théorie, une méthodologie ou les deux, on renvoie à l’analyse d’O. C. Okafor, « Critical Third World Approaches to International Law : Theory, Methodology, or Both ? », International Community Law Review, 2008, pp. 371-378. ↩
- L’australienne H. Charlesworth est devenue, après plusieurs précurseurs nord-américaines, une icône historique du lancement de la critique féministe du droit international à la suite de son article publié en 1991 avec deux autres collègues australiennes ; pour une présentation en français de sa pensée, voir S. Hennette-Vauchez in Sexe, genre et droit international, Paris, Pedone, 2013 (Col. Doctrine(s)). ↩
- Il y a évidemment une multitude d’analyses critiques centrées sur le DIG, on renvoie ici à l’analyse de L. Delabie, « Les nouvelles approches du droit international », Revue Québécoise de droit international, Théories et réalités du droit international public au XXIème siècle, Hors série Mars 2016, pp. 57-77. ↩
- Pour une très dure critique du DIDH tel qu’il est, on renvoie à l’ouvrage fascinant et percutant de M. Mutua, Human Rights. A Political and Cultural Critique, University of Pennsylvania Press, Philadelphia, 2002, 252 p. (Col. Pennsylvannia Studies in Human Rights ↩
- Le courant féministe est protéiforme en ce qu’il est traversé de nombreuses approches, pour ne pas dire de nombreuses tensions, qui affaiblissent en retour la portée de sa critique. Ce sont les féministes dites « postmodernes » qui se sont intéressées au domaine des droits de l’homme : en considérant qu’il est le reflet d’une domination coloniale, d’un produit de la pensée colonialiste, il ne tiendrait pas compte de l’expérience des femmes en fonction de leur situation réelle ↩
- Il poursuivait en considérant qu’entre les deux camps, il y aurait les partisans d’un « ‘évolutionnisme modéré’ » selon lesquels « la protection des droits de l’homme gagnerait à s’appuyer davantage sur les règles établies du droit international, à les prendre en considération plus fréquemment », tout en préconisant « dans certains cas de figure la particularisation des règles de droit international », J-F. Flauss, « La protection des droits de l’homme et les sources du droit international », La protection des droits de l’homme et l’évolution du droit international, Paris, Pedone, 1998, pp. 13-14 (Colloque de Strasbourg de la SFDI) ↩
- CIJ, Avis, 28 mai 1951, Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Rec., 1951, p. 23 : « [d]ans une telle convention [la Convention de 1948 pour le prévention et la répression du crime de génocide], les Etats contractants n’ont pas d’intérêts propres : ils ont seulement tous et chacun, un intérêt commun, celui de préserver les fins supérieures qui sont la raison d’être de la convention. Il en résulte que l’on ne saurait, pour une convention de ce type, parler d’avantages ou de désavantages individuels des Etats, non plus que d’un exact équilibre contractuel à maintenir entre les droits et les charges. La considération des fins supérieures de la Convention est, en vertu de la volonté commune des parties, le fondement et la mesure de toutes les dispositions qu’elle renferme. » Pour une confirmation récente, CIJ, Arrêt, 29 juillet 2012, Questions concernant l’obligation d’extrader ou de poursuivre (Belgique c. Sénégal), Rec. 2012, p.449, §§. 68-69 ↩
- Com. EDH, 11 janvier 1961, Autriche contre Italie : « Considérant (…) que les obligations souscrites par les Etats contractants dans la Convention ont essentiellement un caractère objectif, du fait qu’elles visent à protéger les droits fondamentaux des particuliers contre les empiètements des Etats contractants plutôt qu’à créer des droits subjectifs et réciproques entre ces derniers. » ; Cour IDH, Arrêt, 15 septembre 2005, Massacre de Mapiripán c. Colombie, Série C n°134, § 104 ↩
- Les organes de protection ont affirmé leur compétence pour apprécier la validité des réserves ainsi que pour tirer eux-mêmes les conséquences juridiques de l’incompatibilité d’une réserve à l’objet et au but d’un traité, alors que le DIG postule que c’est aux seuls Etats réservataires de tirer les conséquences du caractère éventuellement non valide de leurs réserves (i.e., renoncer à faire partie du traité, retirer leur réserve ; modifier la réserve de façon à remédier à l’illicéité constatée ↩
- A. Pellet, « La mise en œuvre des normes relatives aux droits de l’homme », Droit international et droits de l’homme, H. Thierry, E. Decaux (dir.), Paris, Montchrestien, 1990, pp. 101-140 ; «’Droits-de-l’hommisme’ et droit international », Conférence commémorative Gilberto Amado, Nations Unies, 2000, pp. 1-17 ↩
- A. Pellet, « Les fondements juridiques internationaux du droit communautaire », Académie de droit européen, Florence, Recueil des cours (1994), Kluwer, Dordrecht, 1997, vol. V, t.2, pp. 193-217 ↩
- A. Pellet, « Préface», Les interactions normatives. Droit de l’Union européenne et droit international, L. Burgorgue-Larsen, E. Dubout, A. Maitrot de la Motte, S. Touzé (dir.), Paris, Pedone, 2012, pp. 5-12 ↩
- A-C. Martineau, Le débat sur la fragmentation du droit international. Une analyse critique, Bruxelles, Bruylant, 2015, 612 p. ↩
- C’est le cas ainsi en Europe avec l’insertion de la CJUE dans la protection des droits fondamentaux ou en Afrique avec celle de la Cour ECOWAS (Cour de la CEDEAO) qui elle également a été amenée à protéger les droits de l’homme ↩
- E. Lagrange, J-M. Sorel (dir.), Traité de droit des organisations internationales, Paris, Lextenso, 2013, 1248 p. ↩
- Pour reprendre le titre du Cour dispensé à l’Académie de La Haye par E. Roucounas en 1987 et publié en 1991, T. 206, pp. 9-288. ↩
- Je ne m’appesantirai pas ici sur les règles coutumières du DIDH – toujours l’objet de disputatio entre internationalistes, mais qui mériteraient d’être scrutées dans le cadre d’une analyse plus fouillée. ↩
- Certains catalogues sont plus fournis que d’autres au regard de leur adoption plus récente ↩
- La situation des réfugiés est saisie à l’échelle universelle et africaine ; celle des enfants à l’échelle universelle, africaine et européenne ; celle des femmes, à l’échelle universelle, interaméricaine et européenne, plus à l’échelle africaine si on prend en considération le protocole de Maputo qui complète la Charte africaine de Banjul ; celle des handicapés à l’échelle interaméricaine et universelle ↩
- Ad. ex. S’agissant de la prohibition de la torture, on recense la Convention des Nations Unies contre la torture de 1984 (entrée en vigueur le 26 juin 1987, 158 Etats parties), la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture de 1985 (entrée en vigueur en 1997, 18 Etats parties), la Convention européenne pour la prévention de la torture de 1987, entrée en vigueur en 1989, 47 Etats parties). S’agissant des disparitions forcées, on recense la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (entrée en vigueur le 23 décembre 2010, 56 Etats parties) et la Convention interaméricaine sur la disparition forcée de personnes (entrée en vigueur le 28 mars 1996, 14 Etats parties). S’agissant de la prohibition de la discrimination raciale, on recense la Convention pour l’élimination de la discrimination raciale de 1965 (entrée en vigueur en 1969, 177 Etats parties) ainsi que deux textes adoptés dans le cadre régional interaméricain, la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et autres formes d’intolérance de 2013 et la Convention interaméricaine contre toutes les formes de discrimination et d’intolérance de 2013 ↩
- Huit des neuf Conventions internationales de protection des droits de l’homme adoptées dans le cadre des Nations Unies ont été précédées de textes déclaratoires. Il sera intéressant de voir si une Convention (universelle ou régionale ou les deux) sur les droits des peuples autochtones voit le jour ↩
- Les procédures les plus ineffectives sont celles où le contrôle est de type politique. A l’échelle universelle, l’Examen Périodique Universel (EPU) est l’emblème de la politisation du droit international du droits des l’homme. Le Conseil des droits de l’homme – qui avait succédé en 2008 à l’ancienne Commission des droits de l’homme dont la politisation de l’activité avait été dénoncée – est tombé en réalité dans les mêmes travers, comme l’examen du premier cycle de contrôle par les pairs a démontré, v. A-M. Thévenot-Werner, « L’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies au regard du droit international. Entre politisation et normativité », JDI, octobre 2012, doctr. 13. ↩
- R. K. Goldman, «History and Action : the Inter-American Human Rights System and the Role of the Inter-American Commission on Human Rights», Human Rights Quaterly, 2009, pp.856-887 ↩
- K. J. Alter, L.R. Helfer, J. McAllister, “A New International Human Rights Courts for West Africa : The ECOWAS Community Court of Justice ”, AJIL, vol.107, 2013, pp. 737-779 ; S. T. Ebobrah, “The role of the ECOWAS Community Court of Justice in the Integration of West Africa : small trides in the wrong direction ?”, ICourts Working Papers Series, n°27, 2015 ↩
- M-C. Kwame-Mouaffo, « Le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de la CEMAC : une étude à la lumière du droit communautaire européen, Penant, Revue de droit des pays d’Afrique, 2012, pp. 206-233 ↩
- K.J. Alter, L. Helfer, L. O. Saldias, « Transplanting the European Court of Justice: The Experience of the Andean Tribunal of Justice », American Journal of Comparative Law, 2012, 60 (6), pp. 709–744 ↩
- D. Perrot, « Le schéma institutionnel de la Caricom issu du traité révisé de 2001 : entre stato-centrisme et construction communautaire, C. Flaesh-Mougin, J. Lebullenger (dir.), Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amérique, Afrique, Bruxelles, Bruylant, 2010, pp. 131-158 ↩
- Le professeur E. Decaux exprime très bien que « la notion de ‘traités de base’, aujourd’hui communément mise en avant est elle-même trompeuse, en négligeant des conventions orphelines dépourvues d’organe collectif de protection composé d’experts indépendants, malgré leur importance, qu’il s’agisse des conventions de nature pénale relevant de l’Office de Vienne sur la prévention du crime et non du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme. », E. Decaux, « L’impératif de cohérence, entre intégrité du système et efficacité du droit », La dynamique du système des traités de l’ONU en matière de droits de l’homme, E. Decaux, O. de Frouville (dir.), Paris, Pedone, 2015, p. 167 ↩
- E. Decaux, « L’impératif de cohérence, entre intégrité du système et efficacité du droit », La dynamique du système des traités de l’ONU en matière de droits de l’homme, E. Decaux, O. de Frouville (dir.), Paris, Pedone, 2015, p. 167 ↩
- La Convention pour la prévention de toutes les personnes contre les disparitions forcées vise expressément la coopération entre les diverses instances internationales en précisant que « dans le cadre de ses fonctions, le Comité [des disparitions forcées] consulte d’autres comités conventionnels institués par les instruments de droits de l’homme pertinents, en particulier le Comité des droits de l’homme (…) en vue d’assurer la cohérence de leurs Observations et recommandations respectives » (art.28§2). La Convention relative aux droits des personnes handicapées prévoit de son côté que « Dans l’accomplissement de son mandat, le Comité consulte, selon qu’il le juge approprié, les autres organes pertinents créés par les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme en vue de garantir la cohérence de leurs directives en matière d’établissement de rapports, de leurs suggestions et de leurs recommandations générales respectives et d’éviter les doublons et les chevauchements dans l’exercice de leurs fonctions» (art. 38 b). ↩
- Voir, d’une manière générale, les communications de l’ouvrage dirigé par E. Decaux, O. de Frouville (dir.), La dynamique du système des traités de l’ONU en matière de droits de l’homme, Paris, Pedone, 2015, 208 p. ↩
- Il ne sera jamais évincé, surtout au sein des Amériques où les relations entre la Commission et la Cour interaméricaine n’ont jamais été aisées et continuent de ne pas être entièrement apaisées ↩
- A tout le moins eu égard à la Convention en tant que tel. S’agissant des protocoles, c’est autre chose, v. L. Burgorgue-Larsen, La Convention européenne des droits de l’homme, Paris, Lextenso, 2015 (2ème ed.), p.21 et s. ↩
- Elle entrait en vigueur le 21 octobre 1986 (après que 25 Etats aient décidé de la ratifier) : le premier fut le Libéria (4 août 1982), tandis que le dernier permettant que sa ratification universelle soit obtenue en 1999, a été l’Erythrée (14 janvier 1999) ↩
- Le Tchad ayant été le 30ème à le faire le 27 janvier 2016 ↩
- Il s’agit du Bénin (2016), du Burkina Faso (1998), de la Côte d’Ivoire (2013), du Ghana (2011), du Malawi (2008), du Mali (2010), du Rwanda (2013) et de la Tanzanie (2010). Du coup, c’est uniquement pour l’heure contre ces sept Etats que la jurisprudence de la Cour africaine est entrain de se forger…La Tanzanie est le pays qui accuse déjà le plus grand nombre d’affaires portés devant lui ↩
- Il s’agit de l’Argentine, des Barbades, de la Bolivie, du Brésil, du Chili, de la Colombie, du Costa Rica, de l’Equateur, du Salvador, du Guatemala, d’Haïti, du Honduras, de Mexico, du Nicaragua, du Panamá, du Paraguay, du Pérou, de la République dominicaine, du Suriname et de l’Uruguay ↩
- Ainsi des Etats-Unis et du Canada (dont la langue est majoritairement l’anglais) pour l’Amérique du Nord, de Belize (pour l’Amérique centrale) et des pays-îles des Caraïbes (Antigua et Barbuda ; Bahamas ; Guyana, San Kitts et Nevis ; Sainte Lucie ; St Vincent et Grenadines) ↩
- P. Carozza, « The Anglo-Latin Divide and the Future of the Inter-American System of Human Rights », Notre Dame Journal of International and Comparative Law, 2015, Vol. 5, pp. 153-170 ↩
- Ce qui n’en est pas moins préoccupant, voir E. Decaux, « Conclusions générales», La Cour européenne des droits de l’homme. Une confiance nécessaire pour une autorité renforcée, S. Touzé (dir.), Paris, Pedone, 2016, pp. 225-246 et L. Burgorgue-Larsen, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme (août-décembre 2016), AJDA, 30 janvier 2017, p. 157.) ↩
- Le Rwanda en 2016, le Venezuela en 2012 et Trinité et Tobago en 1998. S’agissant de la récente dénonciation du Rwanda, on prendra connaissance avec intérêt de l’arrêt de la Cour ADHP, Arrêt, 3 juin 2016, Ingabira Victoire Humuoza c. Rwanda, n°003/2014 (« Arrêt sur les effets du retrait de la déclaration faite en vertu de l’article 34§6 du protocole ») ↩
- S. Touzé, «La remise en cause de l’autorité des Cours supranationales », La protection des droits de l’homme par les Cours supranationales, J. Andriantsimbazovina, L. Burgorgue-Larsen, S. Touzé (dir.), Paris, Pedone, 2016, pp. 195-210. ↩
- G. Dannenberg, « L’articulation entre les procédures de plainte et de communication devant les organes de contrôle », E. Decaux, O. de Frouville (dir.), La dynamique du système des traités de l’ONU en matière de droits de l’homme, Paris, Pedone, 2015, pp. 185-204 ↩
- L. Hennebel, H. Tigroudja, Traité de droit international des droits de l’homme, Paris, Pedone, 2016, p. 521 ↩
- La jurisprudence des organes concernés s’est notamment focalisée sur les notions d’ « instance concurrente » susceptible de fonder une exception d’irrecevabilité. En général, et heureusement – car cela aurait intégré à nouveau du désordre –, l’interprétation de cette notion a été marquée du sceau de l’équivalence. Les organes de protection examinent en général la nature de l’organe de contrôle, la procédure suivie devant celui-ci et enfin les effets de ses décisions. Si les organes quasi-judiciaires (l’emblème étant le Comité des droits de l’homme) et judiciaire (les trois Cours régionales) sont des « instances internationales », des mécanismes d’enquête portant sur la situation générale des droits de l’homme dans un Etat (comme l’ancienne « Procédure 1503 ») CEDH, déc. 17 janvier 1995, Lukanov c. Bulgarie ou encore des procédures qui ne recouvrent pas les allures de la juridictionnalisation, ne sont pas considérées comme des « instances internationales » : ainsi du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) (CEDH, 17 juillet 2008, De Pace c. Italie) de recours en constatation de manquement contre la Commission européenne activée à la suite d’un dépôt de plainte (CEDH, 1er février 2011, Karoussiotis c. Portugal, Chron. AJDA, L. Burgorgue-Larsen, 2011) ↩
- L. Hennebel, H. Tigroudja, op.cit., p.524 ↩
- On prendra connaissance de la première thèse écrite sur la question en France, V. Lobier, La protection équivalente des droits fondamentaux en Europe, Thèse, Université de Grenoble, 2016, Direction R. Tinière. De même, F. Sudre, « Les ambiguïtés du contrôle du ‘critère de la protection équivalente’ par la Cour européenne des droits de l’homme », Mélanges en l’honneur de C. Blumann. L’identité du droit de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2015, pp. 517-530. ↩
- Pour un exemple récent où la Cour européenne change de « curseur analytique » avec le lot d’incertitudes que cela engendre entre l’arrêt de chambre et celui de grande chambre dans l’affaire Al-Dulimi et Montana Management Inc. c. Suisse (CEDH, 26 nov. 2013 et Gde Ch., 21 juin 2016), v. L. Burgorgue-Larsen, «Actualités de la Convention européenne des droits de l’homme (janvier-juillet 2016) », AJDA, 26 septembre 2016, pp. 1738-1748 ; de même, J-S. Bergé et S. Touzé, « La question de l’équivalence en droit international et européen », JDI, juin-juillet-août 2016, pp. 984-1007 ↩
- S. Turgis, Recherches sur l’interaction entre les normes internationales relatives aux droits de la personne, Paris, Pedone, 2012, 642 p. ↩
- D. Simonović, « Global and Regional Standards on Violence Against Women : The Evolution and Synergy of the CEDAW and Istanbul Convention », Human Rights Quaterly, vol. n°36, August 2014, pp. 590-606. ↩
- La formule est celle du professeur E. Decaux, « Article 60 », La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droits de l’homme. Commentaire article par article, M. Kamto (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 1106. Toutefois, il faut immédiatement mentionner que tous les auteurs n’ont pas le même point de vue qu’E. Decaux ; ils sont divisés sur la signification de ces clauses. Pour les uns, il s’agit de clauses posant des règles d’interprétation ; pour d’autres, elles sont là pour organiser l’application de traités successifs portant sur un même sujet ; enfin, selon une troisième approche, ces clauses posent des règles de résolution de conflits. Pour une présentation des différents points de vue doctrinaux, voir A. Rachovitsa, « Treaty Clauses and Fragmentation of International Law : Applying the More Favourable Protection Clause in Human Rights Treaties », Human Rights Law Review, 2016, 17, pp. 77-101 ↩
- On reprend ici la formule du professeur E. Decaux. Il l’utilisa alors qu’il commentait l’ancien article 60 (nouvel article 53) de la Convention européenne, « Article 60 », La Convention européenne des droits de l’homme. Commentaire article par article, L-E. Pettiti, E. Decaux, P-H. Imbert (dir.), Paris, Economica, 1995, pp. 897-903, spéc. 898. Il l’utilisait à nouveau, avec une variante terminologique dans son commentaire de l’article 60 de la Charte africaine. Il affirmait ceci : « le plus souvent les systèmes de protection des droits de l’homme semblent fermés sur eux-mêmes, avec leurs propres normes, tout en prenant la précaution de garantir une sorte de ‘clause de la liberté la plus favorisée’ en indexant la protection des droits de l’homme sur l’instrument le mieux offrant. », cf. « Article 60 », La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droits de l’homme. Commentaire article par article, M. Kamto (dir.), Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 1106. Toutefois, il faut immédiatement mentionner que tous les auteurs n’ont pas le même point de vue qu’E. Decaux ; ils sont divisés sur la signification de ces clauses. Pour les uns, il s’agit de clauses posant des règles d’interprétation ; pour d’autres, elles sont là pour organiser l’application de traités successifs portant sur un même sujet ; enfin, selon une troisième approche, ces clauses posent des règles de résolution de conflits. Pour une présentation des différents points de vue doctrinaux, voir A. Rachovitsa, « Treaty Clauses and Fragmentation of International Law : Applying the More Favourable Protection Clause in Human Rights Treaties », Human Rights Law Review, 2016, 17, pp. 77-101 ↩
- L’article de référence à cet égard est celui de M. Pinto, « El principio pro homine. Criterios de la hermenéutica y pautas para la regulación de los derechos humanos », La aplicación de los tratados sobre derechos humanos por los tribunales locales, Buenos Aires, Ediciones del Puerto, 1997, pp. 163-171. Les articles subséquents sont tous partis de cette définition cf. F. Amaya Villareal, «El principio pro homine : Interpretación extensiva vs. El consentimiento del Estado », Revista Colombiana de derecho internacional – International Law, 2005, pp. 337-380. ↩
- Ainsi de l’article 5§2 du Pacte relatif aux droits civils et politiques de 1966 ; de l’article 53 de la Convention EDH ; de l’article 29 b). et c.) de la Convention américaine des droits de l’homme ; de l’article 23 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979 ; de l’article 41 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant de 1990 ; de l’article 1 b). de la Charte arabe des droits de l’homme de 2004 ou encore de l’article 31 du Protocole à la Charte africaine relatif aux droits des femme ↩
- La Cour européenne n’a pas utilisé toutes les potentialités de l’article 53 de la Convention européenne tandis que la Cour interaméricaine a utilisé l’article 29 (b) de la Convention américaine de telle manière que cela lui a permis d’opérer un recours massif aux sources extérieures ↩
- L. R. Glas, « The European Court of Human Rights’ Use of Non Binding and Standard-Setting Council of Council of Europe Documents », Human Rights Law Review, 2017, 17, pp. 97-125 ↩
- Concernant l’analyse de la jurisprudence de la Cour interaméricaine, G. L. Neuman a parlé d’« importation » (G. L. Neuman “Import, Export and Regional Consent in the Inter-American Court of Human Rights”, EJIL, (2008), 101-123) ; L. Lixinski a considéré qu’il était question d’ ‘expansionism’ (L. Lixinski, “Treaty interpretation by the Inter-American Court of Human Rights : Expansionism at the service of the Unity of International Law“, EJIL, (2010), vol. 21, N°3, pp. 585-604) et M. De Pauw d’ ‘external referencing’ ou encore de ‘cross references’ (M. De Paw, “The Inter-American Court of Human Rights and the Interpretive Method of External Referecing : Regional Consensus v. Universality”, The Inter-American Court of Human Rights: Theory and Practice, Present and Future, Y. Haeck, O. Ruiz-Chiriboga, C. Burbano (eds.), Intersentia, 2015, pp. 3-24). S’agissant du décryptage de la jurisprudence de la Cour européenne, F. Sudre a parlé de « globalisation des sources » (F. Sudre, « L’interprétation constructive de la liberté syndicale au sens de l’article 11 de la Convention EDH. Note sous l’arrêt Demir et Bakayra », JCP, Gen., n°5, 28 janv. 2009 ; S. Turgis d’interprétation croisée (S. Turgis, Recherches sur l’interaction entre les normes internationales relatives aux droits de la personne, Paris, Pedone, 2012, 642 p.); F. Tulkens et S. Van Drooghenbroek de ‘process of enrichment’ (processus d’enrichissement), F. Tulkens, S. Van Drooghenbroek, «Le soft law des droits de l’homme est-il vraiment si soft ?», Liber amicorum Michel Mahieu, Bruxelles, Larcier, 2008, pp. 505-526) ; G. Cohen-Jonathan et J-F. Flauss ont mentionné une « approche comparée du droit international des droits de l’homme » (« La Cour européenne des droits de l’homme et le droit international (2008) », AFDI, 2008, p. 530. V. également J-F. Flauss., « Du droit international comparé des droits de l’homme dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », in Le rôle du droit comparé dans l’avènement du droit européen, Schultess, 2002, pp. 159-182) et pour ma part de « décloisonnement», « Nothing is perfect. Libres propos sur la méthodologie interprétative de la Cour européenne», Mélanges en l’honneur de Jean-François Flauss, Paris, Pedone, 2014, pp. 101-115 ; quant au système africain de protection – et plus particulièrement des recommandations de la Commission africaine[1] – M. Killander a mentionné son « Holistic approach » (M. Killander, “Interpreting Regional Human Rights Treaties”, Revista Sur, (2010), pp. 145-169 ↩
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