Le droit des étrangers, « laboratoire » du droit de la prévention du terrorisme
Le droit des étrangers est, depuis longtemps, confronté à de délicates questions de répartition des compétences entre ordres de juridictions s’agissant du contrôle des mesures poursuivant l’identification des étrangers en situation irrégulière et leur reconduite à la frontière. L’irruption de la police administrative dans la lutte contre le terrorisme a conduit à l’apparition de difficultés similaires du fait de l’enchevêtrement des procédures administrative et pénale. L’étude du droit des étrangers permet de mieux comprendre les problèmes inédits auxquels se trouve confrontée la matière pénale dans le contrôle juridictionnel des mesures de police administrative et, peut-être, d’éclairer les zones d’ombres qui demeurent dans l’articulation des procédures.
Par Marion LACAZE, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux, ISCJ
I. Le contrôle juridictionnel des mesures de police administrative
A. Le cadre du contrôle juridictionnel
1. Le moment du contrôle
2. Le juge compétent
B. La nature du contrôle juridictionnel
1. Le contrôle de l’appréciation de la menace
2. L’admission du recours aux notes blanches
II. L’articulation des procédures pénale et administrative
A. Le déficit dans l’orientation légale des procédures
1. Enquêtes pénales et de police administrative
2. Mesures de surveillance pénales et de police administrative
B. Les difficultés dans l’articulation des contrôles
1. L’articulation des contrôles et le droit substantiel
2. L’articulation des contrôles et la procédure
En raison de la dimension internationale du terrorisme qui a frappé la France dans les années 90 et, plus récemment, depuis 2015, le droit des étrangers et la matière pénale ont connu d’importantes évolutions ces dernières années. Souvent adoptées en réaction à une attaque terroriste, commise sur notre sol ou à l’étranger, les lois ou dispositions particulières relatives à la lutte contre le terrorisme se sont multipliées et le rythme des réformes a été particulièrement soutenu depuis 1996.
Même si nombre des évènements à caractère terroriste survenus sur notre territoire ont été le fait de personnes de nationalité française, il semble qu’ils aient nourri l’amalgame politique, ancien et récurrent, entre terrorisme et immigration. Il ne nous appartient pas de le commenter mais on peut relever que celui-ci a souvent trouvé des prolongements légistiques. On pense, bien sûr, à la loi tendant à renforcer la répression du terrorisme du 22 juillet 1996[1], bien connue des pénalistes pour avoir donné lieu à l’une des rares décisions du Conseil constitutionnel prononçant une censure sur le fondement du principe de nécessité de la loi pénale. Il estima en effet qu’était entachée de « disproportion manifeste » l’inscription du délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers des étrangers dans la liste des infractions susceptibles d’être qualifiées de terroristes[2]. Plus près de nous, la loi du 30 octobre 2017[3], adoptée pour permettre la sortie de l’état d’urgence[4], comporte, aux côtés de mesures directement destinées à prévenir le terrorisme, une extension du domaine des contrôles d’identité dits « Schengen »[5], qui n’ont pourtant pas de lien avec une quelconque menace terroriste puisqu’ils ont uniquement pour objet « la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière[6] ». À cheval entre polices administrative et judiciaires, ces contrôles révèlent déjà un trait saillant du droit des étrangers, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir plus longuement.
Bien que la confusion entre lutte contre le terrorisme et lutte contre l’immigration irrégulière puisse être discutée, il demeure qu’un étranger peut bien être l’auteur d’une infraction terroriste.
Dans ce cas, il fait alors l’objet d’un traitement pénal particulier. En plus des peines attachées à l’infraction commise, l’étranger encourt une peine d’interdiction du territoire à titre de peine complémentaire[7]. Non spécifique au terrorisme, cette peine est cependant, en principe, automatique en la matière depuis la loi de prolongation de l’état d’urgence du 21 juillet 2016. Le pouvoir d’individualisation des peines par les magistrats se trouve fortement réduit puisqu’elle ne peut être écartée que par une « décision spécialement motivée », même pour un simple délit d’apologie du terrorisme[8].
Enfin, il faut rappeler que le français naturalisé, pour peu qu’il dispose d’une autre nationalité, pourra être déchu de sa nationalité française s’il est condamné pour un crime ou un délit terroriste pour des faits commis dans les 15 ans suivant sa naturalisation ou antérieurement à celle-ci[9]. Qualifiée de sanction ayant le caractère d’une punition, cette déchéance de nationalité a été jugée conforme à la Constitution[10]. On se souvient que son extension avait été très discutée, à la suite des attaques du 13 novembre 2015, mais qu’elle n’avait pas abouti[11].
Ce qui nous intéresse cependant davantage est de voir comment est traité l’étranger, non pas convaincu de terrorisme mais simplement soupçonné de constituer une menace terroriste. C’est en effet cette partie du droit des étrangers qui est la plus éclairante des dernières évolutions du droit de la lutte contre le terrorisme. Dans les deux cas, en effet, le législateur recourt à des mesures à finalité préventive, rattachées à la police administrative.
Si l’étranger peut être soumis à des mesures administratives coercitives du simple fait de l’irrégularité de sa situation[12], il faut souligner que des mesures et procédures spécifiques existent lorsque « la présence en France d’un étranger constitue une menace grave pour l’ordre public », en particulier lorsque cette menace est liée au terrorisme. La mesure phare est l’expulsion[13], qui peut intervenir sans délai, sur décision du ministre de l’intérieur, contre tout étranger, même protégé[14], en cas d’« urgence absolue »[15]. Or, s’il n’est pas question d’expulser les nationaux, ne serait-ce que pour des raisons pratiques, il n’en semble pas moins que le législateur ait trouvé dans le droit des étrangers une source d’inspiration dans sa quête de prévention des actes de terrorisme.
Dans un premier temps, et pendant longtemps, la volonté de prévenir la commission d’actes de terrorisme s’était traduite par le développement d’un droit pénal préventif[16], qui va jusqu’à incriminer des actes préparatoires non nécessairement univoques[17]. Parallèlement, la procédure pénale s’était dotée de dispositions dérogatoires permettant la multiplication des techniques d’enquête spéciale et le développement de moyens d’investigation proactifs[18].
Depuis quelques années, cependant, le législateur a décidé de recourir au cadre de la police administrative pour renforcer l’efficacité de la lutte contre le terrorisme. Initié par la loi du 13 novembre 2014[19] le mouvement a connu une forte accélération pendant l’état d’urgence, en vigueur du 14 novembre 2015 au 30 octobre 2017[20], et dont les mesures ont contaminé le droit commun avec la loi du 30 octobre 2017. Quand on les regarde de plus près, il semble que le législateur ait trouvé dans le droit des étrangers une de ses sources d’inspiration. Plusieurs mesures récentes ressemblent en effet fortement à des mesures bien connues de cette matière. On pense ainsi aux contrôles d’identité réalisés dans une zone délimitée, le critère géographique étant déterminant pour justifier le contrôle puisqu’aucune condition relative au comportement de la personne n’est requise[21]. De façon encore plus manifeste, on pense aussi aux assignations à résidence hors d’un cadre pénal[22] ou à la retenue à fins de vérification de situation, en dehors du cadre de la garde à vue[23]. Même si elles n’ont heureusement pas abouti, les propositions récurrentes d’instaurer une rétention administrative des « fichés S[24] » rejoignent, là encore, ce qui existe en droit des étrangers.
Si une certaine proximité existe également souvent avec des mesures appartenant à la matière pénale[25], leur régime juridique est souvent plus proche de celles connues du droit des étrangers. On retrouve alors les mêmes difficultés relatives à la répartition et à l’articulation des contentieux entre les deux ordres de juridictions. L’étude du droit des étrangers permet ainsi bien souvent de mieux comprendre les problèmes nouveaux soulevés par le développement de cette police administrative de l’antiterrorisme. Il semble même que le droit des étrangers ait parfois permis d’anticiper certaines solutions prétoriennes. Il n’est alors pas exclu qu’il puisse, aujourd’hui encore, éclairer certaines zones d’ombres. À bien des égards, le droit des étrangers apparaît ainsi comme un « laboratoire » du droit de la lutte antiterroriste[26], même si le juge et le législateur ont parfois accompagné l’emprunt de certains mécanismes de garanties qui n’existaient pas en droit des étrangers.
Nous allons vérifier cette influence du droit des étrangers en nous intéressant au contrôle juridictionnel des mesures de police administrative (I) et à l’articulation des procédures pénale et administrative (II).
I. Le contrôle juridictionnel des mesures de police administrative
Il n’est pas étonnant qu’existe une certaine unité dans le contrôle juridictionnel des mesures de police administrative du droit des étrangers et de la lutte contre le terrorisme. Cela s’observe dans le cadre (A) comme dans la nature (B) du contrôle juridictionnel.
A . Le cadre du contrôle juridictionnel
Lorsque l’état d’urgence a été déclenché, il a été beaucoup discuté que le gouvernement, suivi par le législateur, ait décidé de recourir à ce cadre juridique plutôt qu’à celui de la procédure pénale et des voix se sont élevées pour critiquer une mise à l’écart du juge judiciaire, et un amoindrissement des garanties. Il n’est pas question de revenir sur ces débats[27] mais on peut relever qu’en faisant le choix de recourir à la qualification de mesures de police administrative, les mesures de l’état d’urgence et du Code de la sécurité intérieure sont, en principe, décidées par l’autorité administrative et contrôlées, a posteriori (1) par le juge administratif (2).
1. Le moment du contrôle
Alors que les mesures de police judiciaire intrusives dans la vie privée ou coercitives doivent en principe être autorisées par un magistrat, le contrôle juridictionnel dont les mesures de police administrative peuvent faire l’objet n’est pas systématique, et n’intervient qu’a posteriori[28]. Le législateur prévoit parfois, comme en droit des étrangers[29], que la personne pourra être entendue avant que la mesure n’entre en vigueur[30], mais, à l’exception notable de l’exploitation des données saisies dans le cadre de l’état d’urgence[31] et des « visites » introduites par la loi du 30 octobre 2017[32], la décision est prise par le ministre de l’intérieur ou le préfet, et aucun magistrat n’intervient a priori pour permettre le recours à la mesure. La voie du référé-liberté est parfois ouverte[33], mais il demeure que la décision juridictionnelle n’intervient qu’une fois la mesure de police administrative mise à exécution, et qu’un tel recours n’a pas lieu d’être s’agissant de mesures qui produisent immédiatement tous leurs effets, telles que les perquisitions de l’état d’urgence. Si l’on veut bien admettre la qualification de mesures de police administrative[34], cela n’est guère étonnant.
Plus intéressante est la question du juge compétent pour connaître de ces mesures.
2. Le juge compétent
Le juge naturel des mesures de police administrative est le juge administratif ; cela résulte de la « conception française de la séparation des pouvoirs[35] ». On sait cependant que l’article 66 de la Constitution réserve au juge judiciaire le contrôle des mesures privatives de liberté, notion désormais réduite à la liberté d’aller et venir[36]. Lors du déclenchement de l’état d’urgence, on avait pu s’interroger sur la nature des assignations à résidence au regard de cette qualification. La question ne s’était en effet encore jamais présentée au pénaliste, puisque l’assignation à résidence qui existe au stade présentenciel est une mesure de police judiciaire et relève, naturellement, de la compétence du JLD[37]. Le droit des étrangers permettait cependant d’anticiper la solution dégagée par le Conseil constitutionnel le 22 décembre 2015, dans la première QPC relative aux assignations à résidence de l’état d’urgence[38]. La même question lui avait en effet été posée, il y a plusieurs années, dans le cadre du contrôle a priori de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Il avait déjà clairement affirmé que l’assignation à résidence « ne comportant aucune privation de la liberté individuelle, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 66 de la Constitution est inopérant[39] ».
La solution pouvait paraître contestable en ce qu’elle ne posait aucune réserve ou restriction[40], et s’éloignait ainsi des critères dégagés par la Cour européenne. Pour celle-ci, en effet, si toute mesure d’assignation à résidence n’est pas privative de liberté au sens de l’article 5 de la Convention, elle peut le devenir selon les modalités qui l’accompagnent. Il faut apprécier in concreto l’ampleur des atteintes à une vie privée et familiale normale, ce qui inclut notamment la possibilité d’exercer une activité professionnelle[41]. Or, qu’il s’agisse de l’assignation à résidence des étrangers faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion (ou condamnés à une peine d’interdiction du territoire en attente d’exécution)[42] ou des assignations à résidence de l’état d’urgence[43], il n’est pas interdit de penser que certaines des modalités prévues par la loi puissent conduire à considérer qu’elles relèvent du champ d’application de l’article 5 de la Convention. Sans reprendre ce critère, on note que dès la première QPC relative à ces assignations de l’état d’urgence, le Conseil Constitutionnel a introduit une réserve qui n’existait pas auparavant : la mesure deviendrait privative de liberté si elle excédait 12h par jour[44], limite ensuite étendue au droit des étrangers[45]. Or, si cette limite ne nous paraît pas, en tant que telle, suffisante à garantir une appréciation harmonieuse entre le Conseil et la Cour européenne, il est probable qu’elle ait été inspirée par la jurisprudence européenne[46].
Toujours s’agissant de la détermination du juge compétent, une autre décision nous semble mériter une attention particulière. En février 2018, le Tribunal des conflits a estimé que le contentieux indemnitaire relatif aux conditions d’une retenue d’un étranger en zone d’attente ne relevait pas du domaine de compétence du juge judiciaire[47]. La solution peut, à première vue, ne pas surprendre dans la mesure où le maintien en zone d’attente n’est pas, classiquement, formellement qualifié de mesure privative de liberté- du moins ab initio[48]-, l’étranger auquel est opposé un refus d’entrée sur le territoire étant supposé libre de renoncer à son projet d’y pénétrer. On peut toutefois relever qu’en l’espèce, comme c’est souvent le cas, les documents d’identité de l’étranger étaient ici conservés[49], ce qui fragilise fortement l’argument fondé sur la liberté de repartir[50]. Mais l’intérêt de la décision réside essentiellement dans une affirmation contenue dans sa motivation, selon laquelle « la liberté d’aller et venir (…) n’entre pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l’article 66 »[51], sans distinction entre restriction et privation de liberté. On pourrait alors craindre que ce même motif ne soit étendu à d’autres formes de privation de liberté hors du cadre de la garde à vue, et en particulier à la retenue à fins de vérification de la situation de la personne au regard de différents fichiers, instituée par la loi du 3 juin 2016[52].
Au-delà de la détermination du juge compétent, le droit des étrangers a été précurseur quant aux éléments sur lesquels le juge peut s’appuyer pour apprécier la menace pour l’ordre public que peut représenter la personne.
B. La nature du contrôle juridictionnel
Les mesures de police administrative de prévention du terrorisme ne reposent pas sur la preuve que la personne a commis un comportement prohibé, mais sur une menace (1) évaluée au regard d’éléments qui ne sont pas des preuves au sens du droit pénal (2).
1. Le contrôle de l’appréciation de la menace
Les mesures de police administrative de prévention du terrorisme reposent sur l’existence de « raisons sérieuses de penser » que la personne nourrit certains projets en lien avec le terrorisme[53], ou que son « comportement constitue une menace » qui doit, en droit commun, être « d’une particulière gravité »[54]. On retrouve alors des conditions connues du droit des étrangers en matière d’expulsion. Celle-ci se justifie notamment par le fait que la présence en France de l’étranger « constitue une menace grave pour l’ordre public[55] », menace qui doit être « réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société » lorsque l’étranger est ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne[56].
Il est particulièrement intéressant de noter que, là encore, des solutions prétoriennes dégagées en droit des étrangers ont été étendues à la lutte contre le terrorisme. Pour prononcer la décision d’expulsion, l’autorité administrative doit en effet exposer les motifs de sa décision au regard de la menace visée par le texte. Le juge – s’il est saisi- contrôlera alors la légalité externe mais aussi interne de l’acte administratif, et appréciera si les éléments de faits au soutien de la décision sont suffisants. Moins exigeant qu’un contrôle de la motivation des décisions de police judiciaire[57], ce contrôle n’exclut pas que l’autorité administrative se soit fondée sur des notes blanches.
2. L’admission du recours aux notes blanches
Pour justifier de la menace constituée par un étranger, l’autorité administrative s’appuie souvent, en pratique et depuis longtemps, sur des « notes blanches ». Ce terme désigne des informations, le plus souvent issues des services de renseignements, épurées de toute indication permettant d’en identifier la source. Plusieurs fois annoncée comme devant être supprimée[58], la pratique des notes blanches a prospéré en droit des étrangers[59], avant de s’étendre aux mesures de prévention du terrorisme.
Le Conseil d’Etat les a admises comme de nature à justifier du risque requis à condition que les faits relatés soient suffisamment précis et circonstanciés, que le recours permette d’en débattre contradictoirement, et que n’existe pas de contestation sérieuse[60].
La même solution, et les mêmes critères, ont été retenus par le juge administratif dans le cadre de l’état d’urgence[61], et tout laisse à penser qu’ils seront étendus aux mesures introduites par la loi du 30 octobre 2017[62].
Confronté à la question dans le cadre de l’état d’urgence, le juge judiciaire n’a – implicitement- pas exclu que les notes blanches puissent être prises en compte s’agissant du prononcé des mesures de police administrative. Il ne les a cependant pas toujours jugées suffisantes et s’est montré vigilant quant au risque d’un renversement de la charge de la preuve. Depuis des arrêts du 28 mars 2017, en effet, la Cour de Cassation a accepté de contrôler les motifs des décisions préfectorales de recours à des mesures de l’état d’urgence et a posé, sans aucun fondement textuel, que si le juge estime ne pas avoir suffisamment d’éléments, il devra demander au ministère public de rechercher des informations complémentaires auprès des autorités administratives[63]. Dégagée dans le cadre du contrôle des arrêtés préfectoraux autorisant les perquisitions de police administrative, la solution a ensuite été étendue à un arrêté ministériel relatif à une assignation à résidence de l’état d’urgence[64]. Bien que la Cour de Cassation ne mentionne pas clairement que les éléments de faits relatés par l’autorité administrative ou susceptibles d’être apportés a posteriori puissent émaner de « notes blanches », cela ne paraît guère douteux dans la motivation de la décision attaquée dans l’arrêt du 3 mai 2017[65]. Or, si la Chambre criminelle ne formule pas d’opposition de principe à la prise en compte de ces éléments, elle se montre cependant soucieuse de ne pas « faire peser la charge de la preuve sur le seul intéressé » [66] et casse la décision qui avait admis la légalité de l’arrêté ministériel sans « répondre aux griefs invoqués par le prévenu à l’encontre de cet acte administratif ». Réfutant ainsi l’argument de la décision attaquée selon lequel la contestation formulée revenait à demander un contrôle de l’opportunité des décisions administratives, la Cour de Cassation adopte une position médiane ouvrant la voie à un véritable contrôle des motifs – et donc des éléments de faits sur lesquels reposent la décision administrative- tout en prenant en considération la spécificité des mesures de police administrative. Même si la Cour de Cassation ne s’est pas encore prononcée à ce jour, rien ne semble s’opposer à ce que ce contrôle des motifs, et cette « sollicitation préjudicielle[67] », ne soient étendus aux mesures de police administrative du Code de la sécurité intérieure lorsqu’elles sont décidées par une autorité administrative[68].
Cette dernière hypothèse nous permet d’apercevoir l’existence de difficultés particulières, également communes aux deux matières, s’agissant de l’articulation des procédures pénale et administrative.
II. L’articulation des procédures pénale et administrative
S’agissant en second lieu de l’articulation des procédures pénale et administrative, le déficit de critère légal d’orientation des procédures (A) conduit, dans les deux domaines, à des difficultés d’articulation des contrôles (B).
A. Le déficit dans l’orientation légale des procédures
En droit des étrangers comme en matière de lutte contre le terrorisme, de nombreuses situations pourraient donner lieu à la fois à une procédure pénale et à une procédure administrative. Le choix de l’orientation pénale ou administrative n’est cependant pas encadré, ni même guidé, par la loi, et cela est vrai en matière d’enquête (1), comme de mesures de surveillance (2).
1. Enquêtes pénales et de police administrative
Même si la situation est moins fréquente depuis 2012 et la dépénalisation partielle du droit des étrangers[69], il n’est pas rare que l’étranger en situation irrégulière se rende, de ce seul fait, coupable d’une infraction réprimée par le CESEDA[70]. Dans ce cas, et en l’absence de circonstances particulières ou d’autre infraction commise, les circulaires de politique pénale privilégient clairement, et depuis longtemps, le recours à la procédure administrative d’éloignement, au détriment de l’engagement de poursuites pénales[71]. Dans les hypothèses qui demeurent incriminées, cependant, aucun obstacle légal ne s’oppose à l’engagement des poursuites. À l’inverse, il est permis de penser que l’ouverture d’une enquête de police judiciaire serait parfois possible lorsque les conditions d’une l’expulsion sont réunies, a fortiori s’il s’agit d’une expulsion à l’égard d’un étranger protégé par l’article L521-3 du CESEDA. En effet, celle-ci correspond à l’hypothèse où existent des « comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence ». De tels comportements recoupent des incriminations pénales ou permettent, si ce n’est de prouver, tout au moins de soupçonner une infraction comme l’association de malfaiteurs, par exemple[72].
Bien que, formellement, les mesures de police administrative aient alors une finalité purement préventive là où le droit pénal aurait une finalité répressive, la distinction est, en pratique, loin d’être aussi nette[73]. Il y a bien longtemps, en effet, que le droit pénal est devenu préventif, et l’anticipation de la répression est particulièrement forte en matière de lutte contre le terrorisme. L’association de malfaiteurs, ou l’entreprise terroriste individuelle, pour ce ne citer que ces infractions, permettent une intervention du droit pénal au stade des actes préparatoires, mêmes équivoques…et donc bien avant toute atteinte effective aux personnes ou aux biens[74]. Or, s’il est vrai que ces actes préparatoires doivent être prouvés pour permettre une condamnation pénale, il ne faut pas oublier qu’au stade présentenciel, aucune preuve véritable n’est encore exigée par la procédure pénale. Les « raisons sérieuses de penser » nécessaires au prononcé de la mesure de police administrative permettraient, alors, au minimum, l’ouverture d’une enquête préliminaire, qui n’est subordonnée à aucune condition dès lors que la commission d’une infraction apparaît comme « possible »[75].
Il n’est en outre pas plus aisé de distinguer l’objet et le contenu des différentes mesures : comment distinguer, fondamentalement, une perquisition de police judiciaire[76] et une perquisition ou une visite de police administrative[77] ? Plus largement, en matière terroriste, une simple enquête préliminaire permet d’ores et déjà le recours à des mesures d’enquêtes intrusives, mesures qui sont désormais souvent communes à la police administrative. Ainsi les deux cadres permettent-ils désormais la captation de données informatiques[78], des interceptions de correspondance via des procédés classiques[79] ou des IMSI-catchers[80], la sonorisation de lieux déterminés[81], ou encore des mesures de géolocalisation[82], d’infiltration ou d’enquête sous pseudonyme[83].
Mais au-delà des mesures d’investigation, un certain nombre de mesures individuelles de surveillance, plus ou moins coercitives, existent également à la fois dans un cadre de police judiciaire et de police administrative.
2. Mesures de surveillance pénales et de police administrative
S’agissant des mesures de surveillance, on pense notamment à l’assignation à résidence de l’État d’urgence[84], au contrôle des retours sur le territoire[85] et aux autres restrictions à la liberté d’aller et venir[86] ou de communiquer du Code de la sécurité intérieure[87] (interdiction de fréquenter certaines personnes par exemple). Là encore, ces mesures étaient jusqu’à récemment réservées à un cadre pénal[88]… et à la police des étrangers. L’étranger peut en effet être assigné à résidence[89] dans l’attente de son éloignement[90] ou, et cela nous intéresse davantage, lorsqu’il est sous le coup d’une mesure d’expulsion qui n’est pas encore exécutée[91], auquel cas il peut également se voir interdire de se trouver en relation avec certaines personnes[92]. Les motifs de la mesure – et certaines de ses modalités- rejoignent alors ceux que connaît désormais le code de la sécurité intérieure[93], et l’on retrouve la même absence de détermination légale du cadre procédural dans l’hypothèse où les éléments permettant de caractériser le risque pourraient également conduire à l’ouverture d’une enquête de police judiciaire.
La superposition et la porosité des procédures pénale et administrative soulève, d’autre part, des difficultés particulières en cas de basculement de l’une vers l’autre.
B. Les difficultés dans l’articulation des contrôles
Le basculement d’une procédure de police judiciaire vers une procédure de police administrative, ou, à l’inverse, d’une procédure de police administrative vers une procédure judiciaire soulève d’épineuses questions. Le droit des étrangers est familier de ces difficultés relatives aux conséquences d’une décision d’un juge sur la procédure relevant de l’autre ordre de juridictions. Elles se retrouvent en matière de lutte contre le terrorisme, lorsque le droit pénal vient sanctionner le non-respect d’une décision administrative (1) ou lorsque les procédures pénales et de police administrative se succèdent ou s’entremêlent (2).
1. L’articulation des contrôles et le droit substantiel
Lorsque le droit pénal, dans sa fonction de « gendarme du droit », vient renforcer une injonction ou une prohibition administrative par la prévision d’une peine, la décision administrative constitue le support de la répression. De ce fait, le constat juridictionnel de l’illégalité de celle-ci exclut toute caractérisation de l’infraction. Ainsi l’annulation d’une obligation de quitter le territoire fait‑elle, par exemple, disparaître le délit de maintien irrégulier sur le territoire. Par ailleurs, l’article 111-5 du Code pénal[94] permet au juge judiciaire d’apprécier la légalité de l’acte administratif dont le non-respect est pénalement sanctionné, qu’il s’agisse d’une irrégularité de la situation administrative[95] ou d’une mesure d’assignation à résidence ou de surveillance[96]. Dans le cadre de cet article 111‑5, le juge judiciaire n’intervient cependant que par voie d’exception : il peut certes écarter l’acte administratif illégal, mais certainement pas l’annuler. Toujours est-il que l’infraction n’est alors pas constituée, que celle-ci sanctionne l’irrégularité de la situation administrative de l’étranger ou le non‑respect d’une mesure de l’état d’urgence ou du Code de la sécurité intérieure.
Les choses sont moins évidentes s’agissant des mesures procédurales.
2. L’articulation des contrôles et la procédure
Le juge judiciaire, qu’il ait à connaître de poursuites ou qu’il soit saisi de la question de la prolongation de la rétention des étrangers, a toujours vérifié les conditions des contrôles d’identité de police administrative intervenus antérieurement[97]. Le fondement de cette compétence n’était cependant pas toujours explicite[98], et on a pu s’interroger sur l’extension de la solution aux mesures de police administrative de l’état d’urgence[99]. De façon certainement un peu audacieuse[100], la Cour de Cassation a admis cette compétence du juge judiciaire sur le fondement de l’article 111-5 du Code pénal, dans ses arrêts du 13 décembre 2016[101].
Les difficultés résultent de l’absence d’articulation des contrôles. En droit des étrangers, que le juge judiciaire contrôle une mesure de police administrative ou de police judiciaire, sa décision peut profondément affecter la procédure administrative. Ainsi, l’étranger placé en rétention à la suite d’un contrôle d’identité ou d’une garde à vue illégaux devra-t-il être remis en liberté[102]. Si la décision prononçant la reconduite à la frontière n’est pas affectée en elle-même[103], il est clair que cela compromet fortement, en pratique, l’éloignement de l’étranger[104].
En matière de lutte contre le terrorisme, le problème est souvent inversé et il peut également avoir des conséquences juridiques puisque l’illégalité de la mesure de police administrative à l’origine de la procédure judiciaire incidente conduit à l’annulation des actes de procédure pénale subséquents.
Dégagée dans le cadre des perquisitions de l’état d’urgence[105], la solution n’est toutefois pas transposable aux visites du Code de la sécurité intérieure, puisque, malgré leur qualification de mesures de police administrative, elles sont autorisées par le JLD, juge judiciaire[106]. On peut d’ailleurs, à cet égard, s’étonner que le Conseil Constitutionnel n’y ait rien trouvé à redire[107], lui qui avait censuré, en 1989, la disposition qui entendait confier le contentieux des décisions administratives de reconduite à la frontière au juge judiciaire[108].
[1] Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire.
[2] Décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, §9.
[3] Loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
[4] On peut noter que c’était déjà l’objectif de la loi n° 2016-731du 3 juin 2016, objectif abandonné à la suite de l’attaque du 13 juillet 2016 à Nice. V. l’exposé des motifs du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale ; v. not. O. DECIMA, « Terreur et métamorphose », Dalloz 2016, p. 182 ;Y. MAYAUD, « L’état d’urgence récupéré par le droit commun ? Ou de l’état d’urgence à l’état de confusion ! », JCP‑G n° 12, 21 Mars 2016, doctr. 344 ; C. RIBEYRE, Droit pénal, sept. 2016, étude n°17.
[5] Article 19 de la loi du 30 octobre 2017, qui étend notamment ces contrôles à un « rayon maximal de dix kilomètres autour des ports et aéroports constituant des points de passage frontaliers » et « aux abords » des gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international. V. ég. note 21.
[6] Art. 78-2 alinéas 9 et 10 du Code de procédure pénale ».
[7] Art. 131-30 du Code pénal et L541-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ; C. SAAS, « Interdictions judiciaires du territoire français », Répertoire pénal Dalloz.
[8] Art. 422-4 du Code pénal, modifié par la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.
[9] Art. 25 et 25-1 du Code civil. V. récemment, Décret du 27 mai 2019 portant déchéance de la nationalité française, en accès protégé, NOR: INTN1908094D.
[10] Décision n° 2014-439 QPC du 23 janvier 2015.
[11] Projet de loi constitutionnelle n° 3381 de protection de la Nation, déposé le 23 décembre 2015. Cette volonté de mise au ban de la société française est à n’en pas douter caractéristique d’un droit de l’ « ennemi », qualificatif certainement applicable au droit des étrangers comme à la matière terroriste. V. not. infra notes 26 et 73.
[12] V. not. art. L561-1 et s. du CESEDA pour l’assignation à résidence et art. L551-1 et s. du CESEDA pour la rétention administrative.
[13] Art. L521-1 et s. du CESEDA.
[14] Il s’agit notamment des étrangers mineurs, ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne ou ayant des liens particuliers avec la France ; art. L521-4, L521-5, L521-2 et L521-3 du CESEDA.
[15] Art. L522-1 et L523-1 du CESEDA ; dispositions jugées conformes à la Constitution par la décision n° 2016-580 QPC du 5 octobre 2016.
[16] V. not. V. MALABAT, « Les mutations du droit pénal à l’épreuve de la lutte contre le terrorisme », in L’hypothèse de la guerre contre le terrorisme, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2017, p. 173 ; Y. MAYAUD, « La politique d’incrimination du terrorisme face à la législation récente », AJ Pénal 2013, p. 443 ; A. PONSEILLE, « Les infractions de prévention, Argonautes de la lutte contre le terrorisme », RDLF 2017, chron. n°26 ; F. SAFI, « L’évolution des incriminations face à Daech », in, Daech et le droit, A. CASADO et F. SAFI (dir.), Éditions Panthéon-Assas Colloques, 2016, p. 95.
[17] Cela a été relevé par le Conseil Constitutionnel dans le cadre du contrôle de constitutionnalité du délit d’entreprise terroriste individuelle mais n’a pas conduit au constat d’une violation du principe de nécessité des peines, simplement à la formulation d’une réserve d’interprétation excluant que la preuve du projet délictuel résulte des seuls éléments matériels requis par le texte d’incrimination. V. Décision n° 2017-625 QPC du 7 avril 2017.
[18] Art. 706-16 et s. du Code de procédure pénale.
[19] Nous situons à l’introduction de l’interdiction administrative de sortie du territoire, mesure phare de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, le véritable début de ce mouvement de fond. On pourrait cependant considérer que celui-ci a débuté plus tôt, avec la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale organisant l’accès administratif aux données de connexion, à la suite de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui avait instauré l’obligation de conservation des données. La loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite LOPPSI 2) avait, antérieurement, prévu le blocage administratif de sites internet pédopornographiques, mais sa mise en œuvre ne put intervenir avant la publication du décret n° 2015-125 du 5 février 2015.
[20] V. le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, pour la métropole et les différentes lois de prolongation. Sur l’état d’urgence, v. not. O. GOHIN, « Les leçons en droit d’un état d’urgence à l’endroit », ADSD, vol. 4, Mare & Martin, à paraître, 2019.
[21] Les contrôles d’identité dits « Schengen », précédemment évoqués notes 5 et 6, permettent en effet de contrôler toute personne se trouvant dans une zone déterminée, « quel que soit son comportement », les contrôles ne pouvant toutefois pas être « généralisés et discrétionnaires », ce qui implique que l’autorité qui en décide doive justifier de « circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public » (Décision n° 93-323 DC du 5 août 1993). Si cette restriction a conduit à l’abrogation de l’article 8-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 telle que modifiée par la loi n°2016-987 du 21 juillet 2016 par la décision n° 2017-677 QPC du 1er décembre 2017, il faut noter que le Conseil Constitutionnel n’en a pas moins admis qu’il est « loisible au législateur de prévoir que les opérations mises en œuvre dans ce cadre peuvent ne pas être liées au comportement de la personne ». La même formule est reprise dans la décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 pour juger conformes à la Constitution les différentes mesures de contrôle permises au sein des « périmètres de protection » institués à l’article L226-1 du Code de la Sécurité intérieure (CSI) par la loi du 30 octobre 2017, dès lors qu’elles se fondent « sur des critères excluant toute discrimination ».
[22] V. note 12 pour le droit des étrangers, et article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
[23] Des similitudes importantes semblent en effet exister entre la retenue de l’article L611-1‑1 du CESEDA, créée par loi n°2012-1560 du 31 décembre 2012 et dont la durée maximale a été portée de 16 à 24 heures par la loi n°2018‑778 du 10 septembre 2018 et la retenue instituée à l’article 78-3-1 du Code de procédure pénale par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
[24] Une telle hypothèse a, en outre, été exclue par le Conseil d’Etat ; v. CE, Avis n°390867 sur la constitutionnalité et la compatibilité avec les engagements internationaux de la France de certaines mesures de prévention du risque de terrorisme, 17 décembre 2015.
[25] V. not., beaucoup plus longuement, notre étude « La dualité juridictionnelle française, instrument de la lutte contre le terrorisme », Les colloques de l’ISCJ, n°1, juin 2017, p. 77‑112. Le même constat pourrait être fait s’agissant des mesures instituées par la loi du 30 octobre 2017, la fermeture des lieux de culte (L227-1 et s. CSI) pouvant rappeler la peine de l’article 131-39 du Code pénal et les MICAS (art. L228-1 et s. CSI) les mesures pré-sentencielles de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence (art. 137 et s. du CPP), les mesures de sûreté post‑sentencielles telle que les surveillances judiciaire ou de sûreté (723‑29 et s. et 706-53-13 et s. CPP) ou encore le projet de peine de « détention à domicile » (v. Projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, JUST1806695L). C’est encore plus flagrant s’agissant des perquisitions, visites et saisies, v. art. L229-1 et s. du CSI et 706‑89 et s. CPP.
[26] L’idée a été notamment développée dans la doctrine espagnole, qui a pu rattacher le droit des étrangers au droit pénal de l’ennemi ; v. not. G. PORTILLA CONTRERAS, El Derecho Penal entre el cosmopolitismo universalista y el relativismo postmodernista, Valencia, Tirant lo blanch, coll. U’’ alternativa, 2007, p. 141 et s.
[27] Sur ceux-ci, v. not. B. LOUVEL, « Audience solennelle de rentrée 2016 » ; Th. RENAULT, « Du rififi chez les juges. Le juge administratif est-il le nouveau gardien des libertés publiques ? », AJDA 2016 p.1677 ; Ch. Tukov, « L’autorité judiciaire, gardienne exclusive de la liberté individuelle ? », AJDA 2016, p.936.
[28] V. art. 14-1 al. 1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, art. R421-1 du Code de justice administrative et les nombreux délais spéciaux institués par le Code de la sécurité intérieure ; v. not. J.-B. PERRIER, « Le juge judiciaire et l’état d’urgence », RFDA 2017, 949.
[29] V. not. pour les mesures d’expulsion, hors hypothèse d’urgence absolue ; art. L522-1 du CESEDA.
[30] C’est le cas pour la fermeture des lieux de culte (art. L227-1 et L227-2 du CSI).
[31] Art. 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955. Soulignons que cette intervention a priori du juge administratif a été instituée par la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016, après que le Conseil Constitutionnel a jugé contraire à la Constitution, dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, le régime des perquisitions et visites résultant de la loi n°2015-1501 du 20 novembre 2015 en raison, notamment, de l’absence d’autorisation d’un juge pour autoriser l’exploitation des donnes saisies. Notons que la rédaction antérieure du texte, résultant de l’ordonnance n° 60‑372 du 15 avril 1960 et dépourvue de toute garantie, avait également été jugé contraire à la Constitution, par la décision n° 2016-567/568 QPC du 23 septembre 2016.
[32] Art. L229-1 et s. du CSI ; v. infra. Sur l’application dans le temps des dispositions de la loi du 30 octobre 2017 relatives à l’autorisation d’exploitation des données saisies au cours d’une perquisition antérieure à son entrée en vigueur, et sur la conformité de cette autorisation, en l’espèce, à la Convention européenne, v. Cass. Crim., 14 novembre 2018, n°18-80.507, Publié au bulletin.
[33] Le Conseil d’Etat avait ainsi posé que devait être considérée comme satisfaite la condition d’urgence pour les assignations à résidence de l’état d’urgence (v. CE, Section du contentieux, 11 décembre 2015, n° 395009, 394990, 394992, 394993, 394989, 394991 et 395002 ; v. not. Et plus largement, G. EVEILLARD, « État d’urgence : les assignations à résidence devant le juge administratif et le Conseil constitutionnel », Droit Administratif n° 4, Avril 2016, comm. 25), la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 ayant ensuite ajouté que cette condition était « présumée satisfaite » dans ce cadre, à l’article 14-1 al. 2 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955. S’agissant des mesures du Code de la sécurité intérieure, plusieurs mesures font une référence explicite à la possibilité d’un référé-liberté (v. par ex. art. 228-4 et 228-5 pour les MICAS, la condition d’urgence n’étant pas légalement présumée, même pour l’assignation à un périmètre géographique déterminé, à la différence du contrôle administratif du retour sur le territoire ; v. art. L228-2 et L225-3 CSI), celui-ci pouvant être, exceptionnellement, suspensif (v. art. L227-1 du CSI pour la fermeture des lieux de culte et art. L228-2 CSI pour le renouvellement de la mesure d’assignation à un périmètre déterminé et L228-4 pour le renouvellement des mesures de contrôle administratif si le recours est formé dans les deux jours).
[34] Quoiqu’elle n’ait jamais été remise en cause par le Conseil Constitutionnel s’agissant du renseignement, des mesures de l’état d’urgence, ni de celles instituées dans le Code de la sécurité intérieure, cette qualification peut pourtant ne pas convaincre ; v. not. Th. HERRAN, « La distinction entre police administrative et police judiciaire à l’aune de la loi relative au renseignement », Montesquieu Law Review, n°4, mars 2016 ; « L’oxymore de la prévention réactive à la commission d’une infraction », Gaz. Pal., 2018 n° 3, p. 66; R. PARIZOT, « La distinction entre police administrative et police judicaire est-elle dépassée ? », in Le code de la sécurité intérieure, artisan d’un nouvel ordre ou semeur de désordre ?, dir. M. TOULLIER, Les sens du droit, Dalloz, 2017, p. 133.
[35] V. not. Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, Conseil de la concurrence ; v. déjà art. 10 et 13 des lois des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire.
[36] V. not. B. LOUVEL, « L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ou des libertés individuelles ? », 2 février 2016.
[37] Art. 142-5 CPP.
[38] Décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015
[39] Décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, §68.
[40] Le Conseil d’Etat a ainsi pu mettre en garde le législateur, en soulignant que « seule une assignation à résidence qui se bornerait , pour les personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité, à restreindre leur liberté de circulation avec des modalités d’exécution laissant à l’intéressé une liberté de mouvement conciliable avec une vie familiale et professionnelle normale , pourrait, le cas échéant, être envisagée dans un cadre administratif » ; v. CE, Avis n°390867 sur la constitutionnalité et la compatibilité avec les engagements internationaux de la France de certaines mesures de prévention du risque de terrorisme, 17 décembre 2015.
[41] V. not. Comm. EDH, 5 octobre 1977, n°7960/77, Guzzardi c/ Italie ; CEDH, 11 janvier 2001, n° 24952/94, N.C. c/ Italie, ; CEDH, 5 juillet 2016, n°23755/07, Buzadji c/ République de Moldavie et, sur la question de la privation de liberté dans le cadre de l’état d’urgence, v. not. CEDH, Gr. ch., 19 février 2009, n°3455/05, Abou Qatada et autres c. Royaume-Uni. Notons que si la mesure n’est pas considérée comme privative de liberté, elle relève alors de l’article 2 du protocole 4.
[42] V. le régime dérogatoire au sein de l’art. L561-1 du CESEDA, jugé conforme à la Constitution par la décision n° 2017-674 QPC du 30 novembre 2017, M. Kamel D, qui exclut que la mesure puisse devenir privative de liberté, même en cas de renouvellement indéfini.
[43] La question semble particulièrement pouvoir se poser lorsque l’assignation à résidence est accompagnée d’un placement sous surveillance électronique mobile, ce que permet l’article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 mais qui ne semble pas avoir été utilisé en pratique et n’a pas donné lieu à QPC. Il faut préciser que la question de la conformité des assignations à résidence de l’état d’urgence à l’article 5 de la Convention européenne n’est pas incongrue, même pour la période pendant laquelle le gouvernement français avait invoqué l’article 15 autorisant des dérogations à la Convention, et en particulier à cet article 5, dès lors que la Cour européenne opère un contrôle in concreto et vérifie notamment que les mesures ont bien été utilisées dans le but permettant la mise en œuvre de l’article 15 par l’Etat qui l’invoque et si elles étaient proportionnées; v. not. CEDH, 1er juillet 1961, n°332/57, Lawless c/ Irlande, ; CEDH, GrGr. Ch., 19 février 2009, n° 3455/05, A. et autres c. Royaume-Uni, et plus largement les arrêts cités dans la fiche thématique de la CEDH, « Dérogation en cas d’état d’urgence, CEDH, 31 août 2018.
[44] Décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015.
[45] Décision n° 2017-674 QPC du 30 novembre 2017.
[46] Notons que la prévision textuelle de la prise en compte « de [la] vie familiale et professionnelle » depuis la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 pour les assignations à résidence de l’état d’urgence, et par les articles L225-1 et L228-2 du CSI, quoique significative d’une attention législative aux critères européens, ne nous paraît pas davantage suffisante à clore le débat.
[47] Tribunal des Conflits, 12 février 2018, C4110.
[48] Tout en considérant que « le maintien d’un étranger en zone de transit (…) n’entraîne pas à l’encontre de l’intéressé un degré de contrainte sur sa personne comparable à celui qui résulterait de son placement dans un centre de rétention », le Conseil Constitutionnel juge que « le maintien d’un étranger en zone de transit, en raison de l’effet conjugué du degré de contrainte qu’il revêt et de sa durée, a néanmoins pour conséquence d’affecter la liberté individuelle de la personne qui en fait l’objet au sens de l’article 66 de la Constitution ». Il en découle que si la décision de placement -et même de maintien en zone d’attente- peut être légalement confiée à l’autorité administrative, un contrôle du juge judiciaire doit être prévu au-delà d’une certaine durée de maintien en zone d’attente. V. la décision de principe n°92‑307 DC du 25 février 1992. C’est ainsi que la décision de maintien en zone d’attente est contrôlée par le juge administratif (la voie privilégiée étant le référé-liberté tant que l’étranger n’a pas été éloigné), mais que le juge judiciaire doit intervient pour prolonger le maintien en zone d’attente au-delà de 4 jours ; v. art. L221-1 et s. du CESEDA, et en particulier L221-3 et 222-1 et Cass. Civ. 2, 28 juin 1995, n°94-50.002, Bechta.
[49] La demande à l’origine de la décision était d’ailleurs relative à la conservation des documents d’identité de l’étranger maintenu en zone d’attente, « au-delà du temps strictement nécessaire à l’exercice du contrôle de son identité et de la régularité de sa situation ».
[50] La Cour européenne admet ainsi, dans cette hypothèse, une ingérence dans l’exercice de la liberté de circuler ; v. not. CEDH, 22 mai 2001, n°33592/96, Baumann contre France, §62. On peut cependant souligner que, de la même façon, le fondement textuel au regard duquel est menée l’analyse est l’article 2 du Protocole n° 4 à la Convention, et non l’article 5 relatif à la privation de liberté.
[51] Tribunal des Conflits, 12 février 2018, C4110.
[52] Art. 78-3-1 CPP, v. supra note 23.
[53] Art. L224-1 et L225-1 du CSI.
[54] Art. L228-1 et s et L229-1 et s. du CSI. Dans le cadre de l’état d’urgence, il suffit de « raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics », cette menace n’ayant pas à être liée à un risque terroriste ; v. not., pour las assignations à résidence de la COP 21, CE, Section du contentieux, 11 décembre 2015, n° 395009, 394990, 394992, 394993, 394989, 394991 et 395002 et, implicitement, la décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015. Il en va autrement pour la mesure de l’art. L228-5 du 228-5 CSI, pour laquelle la décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 a posé l’exigence que « la menace présentée par les personnes nommément désignées, dont la fréquentation est interdite, [soit] en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme ».
[55] Art. L521-1 du CESEDA.
[56] Art. L521-5 du CESEDA.
[57] V. not. not. O. LE BOT, « État d’urgence et compétences juridictionnelles », RFDA 2016 p.436 et, pour les perquisitions de polices administrative et judiciaire, Th. HERRAN et M. LACAZE, note sous Cass. Crim., 28 mars 2017, « Le contrôle des perquisitions administratives de l’état d’urgence par le juge pénal : acte 2 », Lexbase Hebdo édition privée, n°697 du 4 mai 2017 (N° LXB : N7962BWS).
[58] V. not. Réponse du Ministère de l’intérieur à la question n°0349G, JO Sénat du 4 juin 2004, p. 3819 ; Réponse du Ministère de l’intérieur à la question n° 01720, JO Sénat du 08 novembre 2007, p. 2042. Une question similaire, n°92304, formulée le 5 janvier 2016, était restée sans réponse.
[59] V. not. S. SLAMA, « Du droit des étrangers à l’état d’urgence : des notes blanches au diapason », Plein droit n°117, juin 2018, revenant notamment sur CE, 11 octobre 1991, n°128128, Diouri.
[60] V. not. CE, 3 mars 2003, n°238662, Rakhimov ; CE, 4 octobre 2004, n°266948, Bouziane ; S. SLAMA, art. préc. ; CE, Juge des référés, 7 mai 2015, n° 389959.
[61] V. not. CE, Section du Contentieux, 11 décembre 2015, n°394991 et suspendant l’arrêté ayant prononcé une assignation à résidence après avoir procédé à des suppléments d’instruction : CE, ordonnance n°396116 du 22 janvier 2016, M. B. Notons que, malgré cette admission des « notes blanches », le contrôle des mesures de l’état d’urgence apparaît comme ayant « basculé d’un contrôle restreint en un contrôle normal » ; v. not. O. Le Bot, « Les perquisitions administratives en état d’urgence », RFDA 2016, p. 943 ; R. Letteron, « Etat d’urgence : Le juge judiciaire et le contrôle des perquisitions (épisode 2) », Liberté, Libertés Chéries, [en ligne], 31 mars 2017.
[62] V. not. E. DAOUD et A. JACQUIN, « La loi renforçant la sécurité intérieure ou la pérennisation de la défense empêchée », AJ Pénal nov. 2017, p. 482 et s.
[63] Cass. Crim., 28 mars 2017, n°16-85072 et n°16-85073 Publiés au bulletin ; v. not. Ch. FONTEIX, Dalloz Actualité, 26 avril 2017 ; Th. HERRAN et M. LACAZE, préc. ; J.-B. PERRIER, JCP-G, n°17, 24 avril 2017, 473.
[64] Cass. Crim., 3 mai 2017, 16-86.155, Publié au bulletin ; v. not. P. CASSIA, « Précision (bienvenue ?) sur les modalités selon lesquelles le juge pénal peut apprécier la légalité d’un acte individuel de police administrative », Dalloz 2017, p. 1169 ; S. FUCINI, Dalloz actualités, 30 mai 2017 ; G. BEAUSSONIE, « La poursuite de la reconquête du contrôle de l’état d’urgence par la chambre criminelle », Dalloz 2017, p. 1175.
[65] Quoique le terme ne soit pas employé, on reconnaît en effet aisément les critères dégagés par la jurisprudence administrative dans l’appréciation que mène la décision attaquée des éléments factuels ayant motivé la mesure : « ces actes administratifs ont été motivés par la référence à des éléments factuels (…) [et] les prévenus, tout en contestant la réalité des faits énoncés dans ces arrêtés ou l’interprétation qu’en a donnée l’administration, ont été dans l’incapacité d’étayer leurs allégations ».
[66] Ce risque paraît bien réel à la lecture de la circulaire du 5 novembre 2016 relative à l’articulation des mesures administratives et des mesures judiciaires en matière de lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation, NOR : JUSD1633563C, qui estime que la réunion de ces trois conditions permet de « tenir pour établis les faits mentionnés dans la décision, quand bien même ils ne seraient pas étayés par des éléments plus précis ».
[67] Selon la formule de J.-B. PERRIER, art. préc., note 63.
[68] Pour ce qui est des visites de police administrative, dès lors qu’elles sont autorisées par le JLD, cela paraît beaucoup plus douteux, la nature de la décision fondant la mesure comme le cadre de son contrôle étant profondément distincts. S’il est très probable que les « notes blanches » pourront, là encore, bien souvent constituer la base factuelle permettant au juge de prendre sa décision, une telle demande d’informations complémentaires ne semble alors pouvoir intervenir qu’a priori. Les recours institués a posteriori, en effet, ne concernent pas ici une décision de l’autorité administrative mais la décision du JLD, ce qui soulève d’autres questions épineuses. V. not. le compte-rendu de la table ronde du colloque La sortie de l’état d’urgence, dir. P. GERVIER, Institut Universitaire Varenne, coll. Colloques & Essais, à paraître.
[69] La loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 a en effet abrogé le délit de simple séjour irrégulier, et restreint les conditions du délit de maintien irrégulier sur le territoire, pour se conformer aux décisions El Dridi et Achughbabian de la Cour de Justice de l’Union européenne, qui excluent de punir l’étranger d’emprisonnement du seul fait de l’irrégularité de sa situation administrative lorsqu’il « n’a pas été soumis aux mesures coercitives visées à l’article 8 de cette directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de la préparation et de la réalisation de son éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention ». Pour les mêmes raisons, à la suite de l’arrêt Affum, la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 a abrogé le délit d’entrée irrégulière depuis une frontière intérieure de l’Union. V. CJUE, 1ère chambre, 28 avril 2011, C-61/11 PPU, Hassen El Dridi c/ Italie ; CJUE, Gr. Ch., 6 décembre 2011, C-329/11, Alexandre Achughbabian c/ Préfet du -Val-de-Marne ; CJUE, gr. ch., 7 juin 2016, C-4715, Affum contre préfet du Pas-de-Calais.V. plus longuement, M. LACAZE, « Le droit pénal comme instrument de répression de l’immigration irrégulière », RPDP, n°3, p. 681.
[70] Délit d’entrée irrégulière depuis une frontière extérieure de l’Union de l’art. L621-2 du CESEDA ou délits de méconnaissance des mesures d’éloignement ou d’assignation à résidence des articles L624-1 à L624-4 du CESEDA.
[71] V. Circulaire du 21 février 2006, Conditions de l’interpellation d’un étranger en situation irrégulière, garde à vue de l’étranger en situation irrégulière, réponse pénale ; v. ég. Observations du gouvernement français devant la CJUE dans l’affaire Achughbabian ; Circulaire n°11‑04‑C39 du 13 décembre 2011.
[72] Art. 450-1 du Code pénal pour l’association de malfaiteurs de droit commun, art. 421-2-1 en matière terroriste ; art. 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour les infractions de provocation à la haine ou à la commission d’infractions.
[73] V. supra note 34 et not. J. ALIX, « Quelle place pour le droit pénal dans la lutte contre le terrorisme », et O. CAHN, « Le dispositif antiterroriste français est-il une loi d’exception ? », Mélanges en l’honneur de G. Giudicelli-Delage, Dalloz, 2016, p. 423-440 et p. 453-467 ; R. THERY, « Peut-on punir le terrorisme ? », Rue Descartes, 2018/1, n°993 p. 72-84.
[74] V. not. les références notes 34 et 16.
[75] Rappelons en outre que la Cour de cassation a admis que cette possible existence d’une infraction résulte d’informations apportées par des services de renseignements ; v. Cass. Crim., 9 novembre 2010, n° 10-82918, Inédit.
[76] Comp. art. 706-91 CPP (instruction), 706-89 CPP (enquête de flagrance) et 706-90 CPP (enquête préliminaire).
[77] Cela se dégageait clairement de la jurisprudence – certes dépassée – du Conseil d’Etat lui-même, qui avait pu juger que les perquisitions de l’état d’urgence « devaient à l’origine être effectuées suivant les modalités définies par les dispositions alors en vigueur de l’article 10 du code d’instruction criminelle conférant au préfet des pouvoirs de police judiciaire, auquel a succédé l’article 30 du code de procédure pénale ; que l’abrogation de cet article par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 n’a pas eu pour conséquence de soustraire au contrôle de l’autorité judiciaire l’exercice par le ministre de l’intérieur ou le préfet de missions relevant de la police judiciaire » ; v. CE, Juge des référés, 14 novembre 2005, n°286835, Publié au recueil Lebon.
[78] Article L853-2 CSI et article 706-102-1, la scission en deux articles distincts des cadres de l’instruction et de l’enquête ayant disparu avec la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, qui a ainsi supprimé l’ancien art. 706-102-2. De la même façon, il n’est plus distingué entre les deux cadres procéduraux pour les « autres techniques spéciales d’enquête » ; v. art. 706-95-11 et s.
[79] Article L852-1 al. 1 CSI et articles 100 CPP (instruction) et 706-95 CPP (enquête).
[80] Article L852-1 al. 2 CSI et article 706‑95‑20CPP.
[81] Article L853-1 CSI et article 706-96 et s.
[82] Article L851-5 CSI et article 230-32 et s. CPP (instruction ou enquête).
[83] Article L861-2 CSI et articles 706-81 et s. (instruction ou enquête).
[84] Article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.
[85] Articles L225-1 à L225-8 du CSI.
[86] Articles L228-1 et s. du CSI.
[87] Article L228-5 du CSI. Sur ces mesures, v. not. J. ALIX, « La lutte contre le terrorisme, entre prévention pénale et prévention administrative », in Le code de la sécurité intérieure, préc., p. 147 ; Th. HERRAN, art. préc. note 34 ; C. RIBEYRE, « L’élargissement des mesures spéciales et dérogatoires face à Daech », in Daech et le droit, préc., p. 113.
[88] Articles 137 et s. et 142-5 CPP pour l’assignation à résidence et 138 et s. CPP pour le contrôle judiciaire. Ce cadre est ici plus restrictif que la police administrative car cela ne peut concerner que des personnes mises en examen. En application de l’article 80-1 CPP, il faut alors qu’existent des « indices graves ou concordants rendant vraisemblable [que les personnes] aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont [le juge d’instruction] est saisi ».
[89] « En 2018, le nombre de décisions d’assignation à résidence (18 302) a crû de manière importante par rapport à 2017 (8 781), 2016 (4 687), 2015 (4 020), 2014 (2 274), 2013 (1 618) et 2012 (668 ou 904 (93) », avec un taux effectif d’éloignement aux environs de 10,5 % en 2018. V. J. GIRAUD, Rapport AN, « Immigration, asile et intégration », 5 juin 2019.
[90] Article L561-1 et s. du CESEDA.
[91] Articles L. 523-3 et L. 541-3 du CESEDA ; v. ég. supra note 42.
[92] Art. L563-1 du CESEDA. Notons qu’il en va de même pour l’étranger assigné à résidence dans l’attente de l’exécution d’une peine d’interdiction du territoire (art. L541-3 du CESEDA).
[93] V. supra.
[94] « Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis. »
[95] Le juge n’a cependant « pas à étendre son contrôle de la légalité à une décision administrative antérieure », v. Cass. Crim., 3 juin 1998, n°97-81895, Publié au bulletin ;
[96] Pour des poursuites en raison du non-respect d’une mesure d’assignation à résidence illégale, Cass. Crim., 11 décembre 1991, n°90-86449, Publié au bulletin ; v. ég. supra note 64, pour les assignations à résidence de l’état d’urgence.
[97] V. not. Cass. Civ. 2, 28 juin 1995, n°94-50002, Publié au bulletin, dit « Betcha », jugeant irrégulière l’interpellation de l’étranger à la suite d’un contrôle d’identité lui-même irrégulier et ordonnant son maintien en liberté. De façon plus explicite, la Cour de Cassation a ensuite posé en principe qu’ « qu’en vertu des articles 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 et 136 du Code de procédure pénale, il appartient au juge, saisi par le préfet [d’une demande de prolongation de la rétention administrative], de se prononcer comme gardien de la liberté individuelle, sur les irrégularités attentatoires à cette liberté, invoquées par l’étranger, d’une mesure de garde à vue, lorsque cette mesure précède immédiatement un maintien en rétention administrative » ; v. Cass. Civ. 2, 28 juin 1995, n°94-50006, Publié au bulletin, et, not., une application récente pour une garde à vue irrégulière : Cass. Civ. 1, 13 juin 2019, n°16-22.548, Publié au bulletin.
[98] Bien que l’arrêt du 28 juin 1995 se fonde sur les articles 66 de la Constitution et 136 du CPP, ceux-ci ne permettent pas d’expliquer l’ensemble des solutions, et ne sont pas susceptibles de justifier la compétence du juge pénal en l’absence de privation de liberté.
[99] V. not. O. CAHN, « Un Etat de droit, apparemment… », AJ pénal 2016, p. 202 ; N. RORET, « Etat d’urgence : quel rôle pour le juge pénal ? », Gaz. Pal. 22 mars 2016, p. 13 ; G. ROUSSEL, « Le régime des techniques de renseignement », AJ Pénal 2015, p. 520.
[100] L’article 14-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 désigne en effet le juge administratif comme organe de contrôle de l’état d’urgence, la seule exception visée concernant les « peines prévues à l’article 13 ». Même si cet article renvoie au Code de justice administrative, auquel déroge l’article 111-5 du Code pénal, il n’était alors pas interdit de penser que la compétence spéciale du juge pénal se trouvait contrariée par la loi plus spéciale encore relative à l’état d’urgence.
[101] Cass. Crim., 13 décembre 2016, n°16-84.794 et n°16-82.176, Publiés au bulletin, n°16-84.162 et n°16-84.166, Inédits ; Droit Administratif n° 5, Mai 2017, comm. 20, note G. EVEILLARD ; Lexbase, note J.-B. Perrier ; Dalloz 2017, p. 275, note J. Pradel ; Droit pénal 2017, ét. 6, note C. RibeyrE ; JCP-G 2017, p. 206, note J.- H. Robert.
[102] V. not. les arrêts Cass. Civ. 1, 5 juillet 2012, n° 11-30.371, 11-19.250 et 11.30-530, tirant toutes les conséquences de l’impossible recours à l’emprisonnement en matière de séjour irrégulier (v. supra note 69) pour déduire l’irrégularité des gardes à vues fondées sur ce délit et la remise en liberté des étrangers placés en rétention à la suite d’une telle garde à vue. Toute irrégularité des formes prévues par la procédure ne conduit cependant pas à la remise en liberté de l’étranger ; v. not. Civ. 1, 8 mars 2017, n°16-13.533, Publié au bulletin.
[103] Le juge judiciaire excède ainsi ses pouvoirs en jugeant de la légalité de la décision administrative relatives au séjour et à l’éloignement ; v. not. Civ. 1, 27 septembre 2017, n°16-50.062 et 16-50.062, AJDA 2017, 1861.
[104] Le législateur en avait d’ailleurs bien conscience lorsqu’il décida, en 2011, de retarder l’intervention du contrôle du JLD ; v. l’étude d’impact de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, soulignant que « en 2008, l’échec a été lié pour 26 % des cas à une décision du juge des libertés ».En 2018, la rétention a débouché sur une remise en liberté par le juge judiciaire dans 38,8% des cas en métropole et 25,5% des cas en Outre-me r; v. CIMADE et al., Rapport 2018 sur les centres et locaux de rétention administrative, juin 2019, p. 18.
[105] V. Cass. Crim., 13 décembre 2016, préc. note 101
[106] V. supra note 68.
[107] V. décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018.
[108] V. décision n° 89-261 DC du 28 juillet 1989.