Les discours de haine en droit pénal allemand
Par Xavier PIN, Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3, Directeur du centre de droit pénal, ELJ (EA 3707)
Discours haineux (Hassrede) – Pour des raisons historiques évidentes, le législateur, les procureurs et les juges répressifs allemands sont très vigilants face aux discours de haine[1]. Tout en essayant de préserver la liberté d’expression, pilier de l’Etat de droit démocratique, ces autorités s’efforcent, tant bien que mal, de juguler les manifestations haineuses, en luttant contre les attaques verbales et toutes les formes d’incitation à la violence ou la discrimination, notamment celles qui se propagent dans l’espace numérique[2].
Criminalité haineuse (Hasskriminalilät). Cette vigilance est de mise car, au-delà des mots ou des images de haine, le constat peut être dressé que de plus en plus de personnes sont la cible d’attaques physiques en raison de leurs opinions politiques, de leur nationalité, de leur ethnicité, de leur race, de leur couleur de peau, de leur religion, de leur idéologie, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur handicap, de leur apparence ou de leur statut social. Les victimes sont notamment les étrangers et les homosexuels, mais aussi les policiers, les pompiers, les hommes et femmes politiques ou encore les fonctionnaires. Pour désigner ces attaques haineuses, le gouvernement allemand utilise même, depuis 2009, le concept de Hasskriminalität, à propos précisément des agressions contres des femmes et hommes politiques. Et ce phénomène connaît une réalité tragique, illustrée notamment par l’attentat manqué de Halle en octobre 2019 où un partisan d’extrême droite a fait irruption dans une synagogue pour tirer sur des fidèles ; ou par l’assassinat du président du gouvernement de Kassel, Walter Lübke, en juin 2019, qui a été tué par un extrémiste en raison de son action en faveur des migrants.
Contexte politique – Or cette montée de la haine, en particulier contre les étrangers et les autorités qui les soutiennent est étroitement liée à un contexte économique difficile dans certains Länder et à des discours politiques, qui font la part belle à l’insécurité, à la peur et au rejet de l’autre. Certes, pour éviter le retour du nazisme, qui avait érigé la haine en politique d’Etat, avec pour conséquence l’holocauste, la République fédérale d’Allemagne, a prévu des obstacles constitutionnels et institutionnels, en ayant érigé en 1949, la dignité humaine en droit fondamental (L. fond., art 1), ainsi que la liberté d’opinion et d’expression (L. fond., art. 5), tout en combattant les partis d’extrêmes droite et en les empêchant d’accéder au Parlement grâce à la clause des 5%. Toutefois, ces partis extrêmes droite n’ont jamais disparu et leur popularité s’est au contraire renforcée au fil du temps. Ce fut de 1949 à 1952, le Parti socialiste du Reich (PRS), puis à partir de 1964 le Parti national-démocrate d’Allemagne (NPD), puis à partir de 1971, l’Union du peuple allemand ( DVU) et à partir de 1983 également Les Républicains (REP). Du reste, il ne faut pas oublier qu’en 1949, il y eut la séparation des deux Allemagnes (RFA/RDA), avec en 1961 la construction du mur de Berlin et en 1989 sa chute qui conduisit, le 3 octobre 1990 à la Réunification. Or cet événement historique majeur a contribué au retour de l’extrémisme de droite. En effet, après l’euphorie des premiers mois, les Allemands de l’Est ont très vite déchanté : ils ont été considérés par les allemands de l’Ouest comme des citoyens de seconde zone, et ont été confrontés à un chômage massif. Des groupuscules nazis ont alors réapparu dès les années 1990, composés de jeunes cherchant une identité allemande (Deutschland über alles) et s’en sont pris notamment aux immigrés vietnamiens, installés dans les anciens baraquements de l’armée russe. Aujourd’hui, encore le taux de chômage est plus élevé dans les anciens Länder de l’Est, ce qui a conduit en 2013, à la création du parti Alternativ für Deutschland (AFD) par des anciens membres de la CDU, avec un programme clairement orienté vers la lutte contre l’immigration et l’insécurité. Or en 2017, avec 12, 69 % représentant 5, 9 Millions de voix, ce parti a fait son entrée au Parlement et deux ans plus tard au Parlement européen, avec 11 députés. Il est notable aussi que le 2 juillet 2023, le premier Maire d’extrême droite a été élu dans une commune de Saxe-Anhalt de 9000 habitants, sur ce même programme de rejet de l’immigration et de l’Islam. Certes tous les électeurs de l’AFD ne sont pas des extrémistes actifs. Mais selon l’ Office fédéral pour la protection de la Constitution, qui a mis l’AFD sous surveillance, il y avait 38 800 extrémistes de droite en Allemagne en 2022, dont 14 000 violents. Or la progression de l’AFD, surtout dans l’Est, contribue à banaliser les discours de haine et suscite les plus grandes craintes des autorités, d’autant que fin 2023, l’AFD a été accusé d’avoir présenté un plan d’expulsion massive du pays d’étrangers et de « citoyens non assimilés ».
Lutte contre la haine.- Ce contexte méritait d’être rappelé car, à côté du développement des réseaux sociaux et du phénomène des haters que l’on connaît dans la plupart des pays occidentaux, c’est cette histoire politique et économique de l’Allemagne qui explique en partie la réaction du droit pénal allemand face aux discours de haine. Il existe en effet aujourd’hui une série d’incriminations qui sont censées protéger non seulement la dignité des personnes, mais aussi l’ordre étatique démocratique (I). En outre, compte tenu précisément de son passé totalitaire, l’Allemagne veille à ce que son dispositif pénal, préserve autant que possible la liberté d’opinion protégée par l’article 5 de la Loi fondamentale, si bien que l’on trouve autant de délits relevant de la légalité des poursuites que de délits supposant une plainte et que les peines se doublent, s’agissant de la haine en ligne, d’une série de mesures de régulation prévues par la loi sur les réseaux – Netzwerkdurchsetzungsgesetz (NetzDG)- et la loi sur les télécommunication – Telemediengesetz (TMG)- , le tout constituant différentes modalités de la sanction des discours de haine (II).
I. Les incriminations
Les fondements de la sanction pénale des discours de haine se trouvent dans le Code pénal (Strafgesetzbuch) – StGB – de 1871, tel qu’il a été profondément réformé le 1er janvier 1975, après que les ajouts funestes du troisième Reich aient été expurgés par les autorités d’occupation[3]. Actuellement, ce Code contient des dispositions spécifiques visant à lutter contre diverses formes de discours haineux ou d’incitation à la haine. Certaines sont envisagées comme des atteintes à l’Etat et à la paix publique, donc des atteintes à l’ordre (A), d’autres comme des atteintes à l’honneur et plus généralement à la dignité (B).
A. Les atteintes à l’ordre
Certaines infractions relèvent d’un titre sur la mise en danger de l’Etat de droit démocratique (Gefährdung des demokratischen Rechtstaates) (1) et concernent la diffusion de moyens de propagande en faveur des organisations anticonstitutionnelles ou terroristes, ou l’utilisation de signes de ces organisations – d’autres relèvent d’un chapitre sur les atteintes à l’ordre public (Straftaten gegen die öffentliche Ordnung) (2)
1. Les atteintes à l’Etat de droit – Les §86 et § 86 a StGB incriminent respectivement la diffusion de moyens de propagande (Verbreiten von Propagandamittelln) et l’utilisation de signes ou symboles (Verwenden von Kennzeichen) d’une organisation anticonstitutionnelle ou terroriste, et prévoient jusqu’à trois ans d’emprisonnement pour chacune de ces infractions. Sous ces qualifications, on retrouve beaucoup de condamnations de néonazis qui ont prononcé des discours à la gloire d’Hitler, arboré des croix gammées ou porté des uniformes du IIIème Reich. Les poursuites sont ici systématiques (principe de légalités des poursuites), mais n’aboutissent pas systématiquement à des condamnations. Ainsi, au titre des condamnations récentes, on peut citer une décision de la cour constitutionnelle de la Saare du 7 mai 2021[4] qui rejette la requête d’un homme, poursuivi sur le fondement du § 86 a pour avoir proposé sur un marché des objets revêtus de la croix gammée ; ou une autre du tribunal de district de Naumburg qui condamne un homme ayant diffusé des images nazies sur un groupe Whatsapp de 60 personnes[5]. Or chaque fois, l’accusation doit démontrer que l’auteur avait l’intention de soutenir l’idéologie de l’organisation prohibée.
Il est donc possible d’échapper à la répression lorsque la moindre ambiguïté apparaît dans l’expression. Ainsi la Cour fédérale de justice[6] a censuré la condamnation d’un entrepreneur qui vendait, sur Internet, des produits destinés à la scène Punk, tels que vêtements, CD ou autocollants, comportant un grand nombre de symboles nazis, en particulier des croix gammées. Le prévenu prétendait qu’en réalité il critiquait l’idéologie nazie, puisque les symboles en cause, bien que reconnaissables, avaient été modifiés et raturés. Le Procureur estimait au contraire qu’au moins trois de ces reproductions étaient équivoques – en ce sens qu’elles ne permettaient pas de déduire une véritable distanciation par rapport à l’idéologie incriminée -, et le tribunal régional de Stuttgart le condamna mais la Cour fédérale de justice, estimant que, l’utilisation du symbole d’une organisation anticonstitutionnelle sous une forme, qui exprime « ostensiblement et explicitement » (offenkundig und eindeutig ») une opinion qui combat l’idéologie en cause, ne tombe pas sous le coup de l’incrimination visée. Idem pour la reproduction du Soleil Noir – une roue à douze rayons dentés, enfoncée dans le sol par les SS – ; si cette reproduction a justifié la fermeture du compte d’un internaute appartenant à la scène d’extrême droite, elle n’a pas été jugée constitutive du délit[7]. De même, a été relaxé un individu qui avait posté des images sur sa page Facebook, avec Joseph Staline, le drapeau de l’Union soviétique et le terme « communisme » ; Adolf Hitler, la croix gammée ainsi que le terme « socialisme » ; Mao Zedong, le drapeau de la République populaire de Chine également le terme « communisme » ; et le prophète Mahomet, le croissant de lune, l’étoile à cinq branches ainsi que le terme « Islam ». En dessous se trouvaient des crânes et des chiffres représentant les bilans respectifs de morts, à savoir respectivement 62 millions, 21 millions, 49 millions et plus de 300 millions. Mais le texte qui suivait le disculpait car il était équivoque : « Des idéologies très similaires : collectiviste, vision relativiste ou utilitaire de l’humanité, autoritaire. Avec des conséquences très similaires ». Cela dit, le prévenu a été condamné pour une autre raison : il avait aussi posté un ensemble d’images sur lesquelles on pouvait voir, dans une couronne dentée, une croix gammée sur un socle, avec l’inscription suivante : « Je suis socialiste parce qu’il me semble incompréhensible d’entretenir une machine, et de laisser dégénérer le plus noble représentant du travail, l’homme lui-même. Adolf Hitler ». Il avait joint au-dessus le passage de texte suivant : « Lisez et comparez avec les politiciens d’aujourd’hui… »
Citons enfin le cas de cette entreprise qui commercialisait de la bière avec des étiquettes de bouteilles, comportant l’inscription « Deutsches Reichsbräu », avec un aigle impérial regardant vers la droite aux ailes déployées, tenant dans ses griffes une couronne de chêne avec une croix de fer et à l’arrière-plan, en ombre, une autre croix de fer, remplissant complètement l’étiquette et s’inclinant légèrement vers la droite. Cet emblème correspondait aux emblèmes nationaux interdits du Reich allemand entre 1933 et 1945, à deux différences près à savoir que la croix de fer avait remplacé la croix gammée et que l’aigle impérial regardait à droite et non à gauche. Cette présentation inversée aurait, en principe, permis à l’accusé d’échapper à la condamnation mais il fut quand même condamné car la référence au national-socialisme apparaissait aussi sur l’étiquette des prix : « Carton : 18,88 ; 6 bouteilles : 7,18 ; 1 bouteille : 2,88 ». Il s’agissait d’une séquence numérique avec la position des lettres de l’alphabet qui faisait apparaître en allemand : « Adolf Hitler » ( 1 8) , « Heil Hitler » (8 8), « Gruß Adolf Hitler » ( 7 1 8) et « Sang et honneur » (2 8 8), ce qui évoquait le réseau d’extrême droite NSDAP et le slogan des Jeunesses hitlériennes.
2. Les atteintes à l’ordre public – Au titre des atteintes à l’ordre public, on trouve trois séries d’incriminations : l’incitation à la haine (§ 130), la représentation de la violence (§ 131) et l’apologie ou l’approbation de certains crimes (§ 140).
Le § 130 StGB concerne l’incitation à la haine, à la violence et à la discrimination (Volksverhetzung), punissable d’amende ou d’une peine d’emprisonnement jusqu’à trois ans. Ce texte interdit la diffusion publique de discours, d’écrits ou d’images qui incitent à la haine envers des groupes ou individus en raison de leur origine ethnique, de leur religion, de leur appartenance à un groupe social ou de leur orientation sexuelle. Il s’agit plus précisément d’une infraction formelle (Gefährdungsdelitkt), qui permet par exemple de poursuivre les discours de banalisation de l’holocauste (Verharmlosung von Völkermordhandlungen, § 130, III). Ont pu ainsi être poursuivis des manifestants ayant arboré une étoile juive avec la mention « non vacciné » (« nicht geimpft »), pour dénoncer la politique de vaccination obligatoire dans la crise du Covid, ou des internautes ayant posté cette même étoile sur leur page Facebook ou fait d’autres comparaisons avec la situation des juifs sous le troisième Reich. Néanmoins, dans ce contexte de crise sanitaires, les réactions judiciaires ont été contrastées.
- Par exemple, le tribunal supérieur de Bavière a confirmé, le 17 février 2023[8], la condamnation d’un manifestant à 100 jours amendes de 40 € pour avoir prononcé en public la phrase suivante : « Maintenant (…) on se sent sous le troisième Reich, comme un métis de seconde zone, qui n’est pas un bon juif ». Cette comparaison avec des juifs pouvant se sentir «métis de seconde zone » a été jugé contraire à la loi, au motif qu’elle menace la paix publique en servant des sentiments antisémites dans le public de sorte qu’elle a pu répandre chez les descendants de victimes d’actes de génocide un climat de peur et d’incertitude, par le rapprochement entre le génocide et les mesures restrictives de liberté liée à la pandémie du Covid. Le même tribunal a retenu la qualification, le 20 mars 2023, à l’encontre de manifestants qui avaient publiquement représenté la porte d’un camp de concentration avec l’inscription « la vaccination rend libre » (« Impfen macht frei »), entourée de deux hommes en noir munis d’une seringue surdimensionnée avec le commentaire « tout était là avant » (« Alles schon mal dagewesen»).
- Dans le même sens, le tribunal de district d’Erfurt a condamné une femme à une amende de 1 200 euros pour avoir porté l’étoile jaune avec l’inscription « non vaccinée ».
Mais d’autres jugements ont été plus cléments : ainsi le tribunal régional supérieur de Brunswick qui a eu à statuer sur un détournement de « l’étoile jaune » sur une page Facebook, a estimé qu’il ne s’agissait pas d’une incitation à la haine par banalisation du génocide, au sens du § 130, III : « Certes, le post banalise les souffrances incommensurables de la population juive sous le national-socialisme en y assimilant les restrictions liées au Corona. Cependant, la loi ne criminalise pas toute banalisation de l’injustice nazie. L’utilisation abusive de l’étoile juive est sans doute inappropriée et de mauvais goût mais elle ne répond pas aux exigences légales en matière d’incitation à la haine. Celles-ci exigent que la banalisation fasse référence à un acte précis de génocide. Ce n’est pas le cas ici, parce qu’historiquement l’étoile jaune avait pour objectif d’exclure les Juifs. C’est aussi ainsi que le génocide a été préparé, mais cela ne peut être assimilé aux actes de génocide »[9].
Notons que le texte punit également l’incitation à l’homophobie. Cette incrimination peut être illustrée par un arrêt du tribunal régional supérieur de Brême du 23 février 2023, qui a censuré la relaxe d’un pasteur ayant prononcé, lors d’un séminaire sur le mariage, les paroles suivantes, enregistrées et diffusées sur internet : « Toute cette saleté de genre est une attaque contre l’ordre de création de Dieu et est profondément diabolique et satanique. J’y reviendrai plus tard, l’homosexualité est comme toutes les formes de dégénérescence de la société, qui ont leur cause dans l’impiété. Ce lobby gay, ce lobby diabolique, devient de plus en plus fort, de plus en plus massif (…). Vraiment, ces criminels courent partout en ce Christopher Street day ». Pour ces propos, le pasteur avait été condamné en première instance par le tribunal de district de Brême à une peine de 90 jours amendes de 90 € mais en appel, il fut relaxé aux motifs qu’il n’avait pas prononcé son discours en public mais à l’occasion d’un séminaire et qu’il exprimait des convictions religieuses. Or cette appréciation fut censurée par le tribunal supérieur, qui fit observer que la liberté religieuse (L. Fond. Art 4) et la liberté d’opinion (L. Fond. art. 5) ne sont pas sans limite et que la dignité humaine, comme matrice de tous les droits fondamentaux, ne doit pas être mise en balance avec elle. Les juges du second degré ne pouvaient donc pas considérer que l’expression «formes de dégénérescence de la société » ne constituait pas un dénigrement massif des homosexuels. Quant à l’expression « Criminels de ce jour de Christopher Street », elle renvoyait à un groupe de participants à cette manifestation qui pouvaient tous se sentir visés.
Toujours au titre des atteintes à l’ordre public, le Code pénal allemand réprime aussi la représentation de la violence (Gewaltdarstellung). Introduite en 1973, dans le § 131 StGB, cette incrimination vise à prévenir l’incitation à la haine par la représentation de la violence. Elle interdit la publication, la diffusion ou la présentation publique d’écrits, d’images ou d’autres représentations qui dénigrent, insultent ou diffament des groupes de personnes en raison de leur origine ethnique, de leur religion ou de leur race. Les actes représentés doivent être des actes cruels ou inhumains contre ces personne, ou traduire une glorification ou une banalisation de tels actes contraires à la dignité humaine. Cette infraction est passible d’amende et d’une peine d’emprisonnement jusqu’à un an. A titre d’illustrations, on retiendra une décision rendue le 4 janvier 2022 par la 4ème chambre pénale du tribunal régional supérieur de Celle, qui a précisé que l’infraction suppose que la violence soit au premier plan de la représentation afin de donner au spectateur un type particulier de frisson, d’horreur agréable ou de plaisir sadique. Le tribunal indique aussi que les représentations textuelles ne peuvent être considérées comme punies par la loi que si, à l’instar des représentations cinématographiques ou visuelles, elles décrivent des détails de l’usage de la violence avec une telle précision que le lecteur ou l’auditeur n’a pas à imaginer la scène sous-jacente en se basant uniquement sur sa propre imagination. Enfin, cette même décision nous apprend que l’affirmation selon laquelle les « Européens » sont des « sous-humains » ne constitue pas une incitation à la haine car le terme « Européens » ne peut être défini.
Enfin, la dernière forme d’atteinte à l’ordre public est l’infraction d’apologie ou d’approbation de crime, prévue par le § 140 StGB (Belohnung und Biligung von Straftaten) qui consiste dans le fait d’offrir une récompense ou de donner son aval à une infraction d’atteinte à la paix publique. Pour illustrer cette infraction, punie d’amende et de trois ans d’emprisonnement, il convient de citer deux exemples
- D’abord, le cas des assassinats perpétrés par le National Socialist Underground (« NSU-Morde »), célébrés dans une vidéo de propagande publiée sur internet avec en arrière-plan le personnage comique de « La Panthère Rose ». Des poursuites furent engagées contre les auteurs de cette publication sur le fondement du § 140 StGB et les juges ne manquèrent pas de relever que la « panthère rose » présente des caractères fondamentalement inoffensifs et sympathiques qui ne sont évidemment pas répréhensibles lorsqu’ils sont utilisés lors de carnavals ou de fêtes d’anniversaire d’enfants. Ils ajoutèrent qu’en l’occurrence, ce personnage brandissait le drapeau de guerre impérial, ce qui ne constitue pas en soi une infraction pénale car, contrairement au drapeau de guerre de la dictature nazie comportant une croix gammée, le drapeau impérial ne symbolise pas une organisation anticonstitutionnelle et n’est pas non plus un signe des génocides commis pendant la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, le tribunal relève aussi que ce drapeau de guerre impérial a longtemps été utilisé à mauvais escient par les groupes radicaux de droite, et qu’en l’espèce il était représenté dans une étrange combinaison avec un personnage comique, tout en faisant le lien avec une série d’homicides. Dès lors, cette référence publiée sur Internet utilisant une drôle de mélodie, un personnage de dessin animé souriant, saluant et dansant, qui tantôt se tient fièrement les bras croisés, tantôt brandit un drapeau en marchant victorieusement et tantôt se repose avec contentement dans un hamac, une fois le travail terminé, ne pouvait être compris que comme une approbation de ces meurtres.
- Ensuite, le cas des « Tee-shirts Z ». : lors d’un rassemblement public, des individus arboraient des T-shirts avec l’inscription « mmmhhh Zitronenlimonade » (« humm la limonade au citron ») à peine perceptible mais avec la lettre « Z » surdimensionnée, dessinés dans le style et la forme bien connue, utilisée par l’armée russe lors de l’invasion de l’Ukraine. Il a été jugé que ces faits constituaient l’infraction d’approbation d’une guerre d’agression selon le § 140 n° 2 StGB, combinés au §138 alinéa 1 n° 5 StGB, et § 13 du Code de droit pénal international (VStGB).
Cela étant dit, il est notable que les expressions de haine pénalement répréhensibles en droit allemand, ne sont pas seulement celles qui menacent l’ordre public, il peut aussi s’agir de celle qui portent atteinte à l’honneur voire à la dignité des victimes.
B. Les atteintes à la dignité
Le Code pénal allemand comporte plusieurs dispositions relatives aux injures ou à l’humiliation qui visent à prévenir et à réprimer les atteintes à l’honneur et la dignité des individus, voire de la société dans son ensemble. Ces incriminations constituent toutes d’importantes restrictions à la liberté d’expression et ne sont donc poursuivies que sur plainte de la victime. Certaines protègent uniquement l’honneur, ou la considération, comme la calomnie – « üble Nachrede » (§ 186 StGB) – ou la diffamation – « Velumdnung » (§ 187 StGB), d’autres s’appliquent plus particulièrement aux discours de haine, à savoir les injures ou la Beleidigung (§ 185 StGB) qui porte une atteinte directe à la dignité de la personne individuelle (1), et l’incitation à la haine ou la Verhetzende Beleidigung (§ 192 a StGB), qui porte une atteinte indirecte à la dignité de la personne par l’intermédiaire du groupe qu’elle vise (2).
1. L’atteinte directe ou Beleidigung (§ 185 StGB). Le § 185 StGB traite de la Beleidigung, infraction difficilement traduisible, qui désigne l’humiliation, l’injure, le dénigrement ou le mépris et qui est constituée par la publication de fausses déclarations préjudiciables à la réputation d’une personne. Selon les circonstances, la Beleidigung peut être punie d’une amende ou d’une peine allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement. Or, la difficulté s’agissant de l’application de ce texte est de tracer la limite entre ce qui est permis au nom de la liberté d’expression et ce qui est interdit.
Une affaire illustre parfaitement cette difficulté : l’affaire Renate Künast, du nom d’une députée écologiste qui a dû subir une avalanche de haine sur les réseaux sociaux, à la suite d’une citation erronée, que lui a attribuée un extrémiste de droite Sven Liebich. Sven Liebich avait en effet affirmé que Renate Künast approuvait les rapports sexuels avec des mineurs, à condition qu’ils ne soient pas violents. Or une telle allégation s’appuyait sur une phrase sortie de son contexte, prononcée lors d’un débat au parlement, le 29 mai 1986, où les Verts de Rhénanie-Westphalie discutaient de la décriminalisation des relations sexuelles avec des enfants, et où la députée avait ajouté : «virgule, lorsque la violence n’est pas en jeu » (« Komma, wenn keine Gewalt im Spiele ist »). Cette citation a donc été reprise par Lieblich près de 30 ans plus tard, dans un article On line du Welt du 24 mai 2015, avec le commentaire suivant : « Est-ce que cela ne sonne pas comme si le sexe sans violence avec des enfants serait ok? » (« Klingt das nicht, als wäre Sex mit Kindern ohne Gewalt okay? »). Cet article a ensuite été relayé sur Facebook et diffusé fin octobre 2016 avec le titre :«Künast approuve les relations sexuelles avec des enfants, dès lors qu’il n’y a pas de violence » (« Künast findet Kinderficken ok, solange keine Gewalt im Spiel ist » avec une photo de la députée et une citation modifiée : « Virgule, quand il n’y a pas de violence, le sexe avec des enfants est totalement ok . C’est bon maintenant» (« Komma, wenn keine Gewalt im Spiel ist, ist Sex mit Kindern doch ganz ok. Ist mal gut jetzt. » La députée a alors porté plainte pour obtenir le retrait de cette publication, mais celle-ci a resurgi en 2019, assortie de 22 commentaires insultants et fortement dénigrants (« Stück Scheisse », « Krank im Kopf », « altes grünes Drecksschwein », « Geisteskrank », « kranke Frau », « Schlampe », « Gehirn Amputiert », « Drecks Fotze », « Sondermüll », « Alte perverse Dreckssau », etc…). Liebich a été condamné à dix mois de prison avec sursis pour, entre autres, Beleidigung et incitation à la haine mais il a interjeté appel du jugement du tribunal régional de Halle. Quant à la députée Künast, elle a demandé à Facebook, avec le soutien de l’association HateAid, de dévoiler l’identité des auteurs. Or le tribunal régional de Berlin a classé tous les commentaires comme couverts par la liberté d’expression, estimant que la liberté d’expression, contribuant au débat devait l’emporter sur la protection de l’honneur. Ce n’est qu’après une nouvelle plainte devant le tribunal de chambre (Kammergericht) de Berlin que 12 des 22 commentaires ont été jugés illégaux. La députée Künast a alors déposé un recours constitutionnel, pour que soit ordonnée la suppression de tous les commentaires et qu’elle puisse enfin agir contre leurs auteurs. Le 19 décembre 2021, elle a obtenu gain de cause : le tribunal constitutionnel fédéral (Bundesverfassungsgericht, BVerfG) a en effet jugé que le tribunal de chambre de Berlin avait, à la suite d’une « incompréhension », méconnu les droits personnels de Mme Künast, garantis par la Constitution, en ne mettant pas en balance les droits de la personnalité et la liberté d’expression. Selon le BverfG, l’hostilité envers une personne, le mépris ou les discours de haine ne sont pas couverts par la liberté d’expression. Et de préciser en outre que les personnes politiquement intéressées et actives ne seront disposées à s’engager que si leurs droits de la personnalité sont garantis. L’affaire a alors été renvoyée devant le Kammergericht de Berlin qui a finalement admis, le 31 octobre 2022 que le poids des insultes était disproportionné.
Il apparait donc désormais que pour appliquer le § 185 StGB, il faut mettre en balance la liberté d’expression, non pas avec l’honneur (Ehre) ou la réputation de la personne visée (« aüsserliche Ehre ») mais avec les droits de sa personnalité (Persönnlichkeitsrechte), tels qu’ils découlent des articles 1 et 2 de la Loi fondamentale[10].
2. L’atteinte indirecte ou la verhetzende Beleidigung ( § 192a StGB). Le § 192 a StGB incrimine, depuis le 22 septembre 2021, les dénigrements de groupe (Gruppenbezogene Herabsetzungen), en punissant d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans ou d’une amende, toute personne dont le discours est susceptible de porter atteinte à la dignité humaine d’autrui en s’attaquant à un groupe ou à un individu en raison de son origine nationale, raciale, religieuse ou ethnique, de sa vision du monde, de son handicap ou de son orientation sexuelle, ou qui insulte, méprise ou calomnie de manière malveillante une autre personne appartenant à l’un des groupes mentionnés ci-dessus, sans y être invité par cette personne. Selon la justification officielle, il s’agit de combler un vide juridique qui existait entre l’infraction d’injure ou de Beleidigung, qui suppose un lien direct entre l’auteur et la victime (§ 185 StGB) et l’incitation à la haine ou Volksverhetzung (§130 StGB), qui suppose une atteinte à la paix publique. La nouvelle infraction ne suppose ni lien direct, ni impact public, elle s’applique aussi aux messages privés, ce qui est très critiqué par les avocats, au regard du respect de la vie privée et de la liberté d’expression. L’incrimination est aussi critiquée par la doctrine, qui estime que la norme ne répond ni aux exigences du principe de légalité, car certains termes sont jugés imprécis (« groupes »), la répression est formelle (« autoriser quelqu’un à entrer », « apte à ») et le contenu discriminatoire est flou (« insultant », « malveillant », « méprisant », ni aux normes de sanction (justice et opportunité). Du reste des propositions de réformes sont déjà en discussion pour améliorer les infractions d’injures ou de Beleidigungen et notamment pour saisir le phénomène des « tempêtes de haine ».
Quoi qu’il en soit, ce cas concerne la personne qui, dans un message privé, à l’aide d’un mème, ferait des commentaires méprisants sur un groupe ethnique ou idéologique, auquel une personne recevant ce message par accident appartient. Avant 2021, les poursuites n’étaient pas possibles. Ce fut le cas par exemple du gardien de but Jens Lehmann qui avait envoyé à un autre footballeur un message privé sur WhatsApp à l’occasion d’une apparition télévisée du footballeur Aogo sur Sky, en lui demandant si Aogo était « réellement le quota noir de Sky ». Or ce commentaire a atterri accidentellement sur le Whatsapp de M. Aogo, qui lui a répondu « WOW, tu es sérieux ? (…) Le message ne m’était sans doute pas destiné !!! ». Or comme le message ne lui était pas destiné, bien que son contenu fût discriminatoire et raciste, Jens Lehmann n’a pas été sanctionné. Aujourd’hui il le serait.
Le § 192 a StGB s’applique du reste non seulement si le message est envoyé directement par son auteur, même sans référence explicite au destinataire, mais également s’il s’agit d’un message transmis. Cela concernerait par exemple des contenus antisémites, transmis au Conseil central des Juifs, promouvant ouvertement le gazage des Juifs ou, faisant référence à l’Holocauste, en déclarant que « beaucoup de choses étaient meilleures sous le nazisme ». De même, serait punissable l’envoi de lettres anti-islamiques adressées à des individus musulmans et à des communautés islamiques dans lesquelles l’auteur souhaiterait la mort des musulmans ou dans lesquelles les musulmans seraient discrédités, car tous les groupes nationaux, raciaux, religieux et ethniques, ainsi que les croyances, les handicaps et les orientations sexuelles bénéficient de la protection. Les seules situations non visées par le texte sont le sexe ou l’identification du genre. Sous cette réserve, le bien juridique protégé est la dignité humaine.
Enfin, comme les autres formes d’injures ou de Beleidigungen, ce dénigrement de groupe constitue une infraction de plainte (Antragsdelikt). Cela signifie que des poursuites pénales n’ont lieu que si l’infraction est signalée aux autorités et qu’une plainte pénale est déposée par la victime. Notons aussi qu’à l’avenir, les opérateurs de réseaux sociaux ne devront plus simplement supprimer les contenus dans lesquels des personnes sont prétendument ou effectivement insultées en raison de l’appartenance à un groupe mentionné, mais aussi les signaler, ce qui devrait faciliter considérablement la poursuite des discours de haine[11].
II. Les sanctions
Sans entrer dans le détail des règles d’imputation, qui varient suivant que le discours de haine a été relayé ou non par un moyen de télécommunications[12], il convient de noter que la sanction des discours de haine en droit pénal allemand procède d’une combinaison de solutions répressives (A) et de solutions régulatrices (B).
A. La voie de la répression
Le droit pénal allemand de la haine se caractérise par l’originalité de son système de poursuite (1) et la relative sévérité des peines (2).
1. Les poursuites- En principe, les délits d’injure ou de Beleidigung sont tous des délits de plainte (« Antragsdelikte») alors que les délits d’atteinte à l’ordre étatique ou à l’ordre public sont poursuivis d’office par le Procureur. Il n’est pas question d’entrer ici dans le détail de chacune de ces voies, mais deux particularités méritent d’être relevées.
Tout d’abord, il est notable que la plainte n’est pas nécessaire quand les injures ou Beleidigungen sont adressées contre les victimes du nazisme ou d’autres formes de violences totalitaires et que le Procureur estime que les poursuites sont nécessaires (§ 194 StGB).
Ensuite s’agissant du délai pour porter plainte, il est en principe de 3 mois (§ 77b StGB), or la question s’est posée de savoir, s’agissant de la haine exprimée en ligne, à quel moment il fallait fixer le point de départ de ce délai. Faut-il partir de la commission de l’infraction (Vollendung) ou de sa consommation (Beendigiung) ? La réponse a été donnée par le tribunal régional supérieur (Oberlandesgericht, OLG) de Karlsruhe, dans une décision remarquée du 18 Janvier 2023 (l’affaire Famos), à propos d’un homme qui sur sa page Facebook avait posté un photomontage avec la tête de certains hommes politiques sur le corps de criminels nazis jugés à Nuremberg. Le tribunal a décidé que si le moment de la connaissance du délit par les victimes n’était pas connu (ce qui est souvent le cas sur Internet), il fallait prendre en compte le moment de la consommation finale, c’est-à-dire le moment où la victime était touchée. Cette règle semble faire l’unanimité dans la doctrine et devrait faire jurisprudence.
2. Les peines – Les peines encourues sont systématiquement l’amende, ainsi qu’un emprisonnement jusqu’à deux ans pour les délits d’injures ou de Beleidigung et jusqu’à trois ans pour les atteintes à l’ordre étatique. Mais trois particularités sont notables au stade du prononcé de la peine.
D’abord, il convient de noter que le mobile haineux est pris en compte de manière générale dans la détermination de la peine de tout type d’infraction. En effet, selon le § 46, al. 2 StGB, lors de l’évaluation de la peine, le tribunal prend en considération les circonstances qui plaident pour et contre l’auteur de l’infraction. Et le texte précise que sont pris en compte les motivations et les objectifs de l’auteur, notamment racistes, xénophobes, antisémites ou autres mobiles inhumains.
Ensuite, en cas d’injures réciproques (wechselseitige Beleidigung), le juge peut décider de dispenser de peines les deux protagonistes ou l’un des deux seulement (§ 199 StGB)
Ensuite, une cause d’aggravation spécifique est prévue, depuis le 1er janvier 2021, lorsque des politiciens ou politiciennes sont en cause, selon le § 188 StGB, qui concerne plus exactement la calomnie, la diffamation et la Beleidigung contre les personnes de la vie politique (Gegen Personen des politischen Lebens gerichtete Beleidigung, üble Nachrede und Veleumdnung), à l’occasion d’une manifestation publique ou dans le contenu d’un message. D’abord réservée aux politiciens d’envergure nationale, cette cause d’aggravation a été étendue le 4 avril 2021 à la protection des femmes et hommes politiques ayant un mandat communal. La peine d’emprisonnement encourue est alors, suivant le type d’infraction, de 3 à 6 mois minimum et peut être portée à 5 ans maximum.
Il reste que ce dispositif pénal n’est vraiment efficace, s’agissant de la haine en ligne, que s’il se double d’un dispositif de régulation performant qui permet de supprimer les contenus haineux et d’en neutraliser les auteurs.
B. La voie de la régulation
En Allemagne, la régulation des discours de haine en ligne est prévue par la loi sur l’application des réseaux sociaux ( Netzwerkdurchsetzungsgesetz NetzDG ), entrée en vigueur le 1er janvier 2018, qui vise à lutter contre la diffusion de contenus illégaux, notamment ceux incitant à la haine en ligne, sur les plateformes de médias sociaux et les services en ligne similaires. Elle sera renforcée bientôt par une loi sur les droits numériques (Digital-Rechte-Gezetz) qui vise à adapter le règlement européen sur les services numériques Digital service Act[13].
Pour l’heure la NetzG prévoit plusieurs types de mesures. D’abord, les plateformes ont une obligation de retrait : elles sont tenues de retirer rapidement les contenus illicites signalés par les utilisateurs. Ce retrait doit intervenir en général dans les 24 heures suivant la réception du signalement, mais ce peut être en moins de 24h en cas d’illicéité manifeste, et en moins de 7 jours en cas d’illicéité non manifeste. Sont visés ici autant les discours de haine, que la diffamation, ou toute forme de propagande extrémiste. Ensuite, les plateformes ont l’obligation de faciliter le signalement des contenus illicites : elles sont tenues de fournir des mécanismes de signalement faciles à utiliser pour les utilisateurs. Les plateformes ont également une obligation de transparence : elles doivent publier des rapports réguliers sur leurs mesures de suppression des contenus illégaux et leurs procédures de traitement des signalements. Enfin, en cas de non-respect de la loi, les plateformes peuvent être passibles d’amendes importantes, dont le montant varie en fonction de la gravité de la violation. Par ailleurs, les grandes plateformes sont tenues de nommer un responsable national, chargé de traiter les plaintes et de coopérer avec les autorités répressives.
A cela s’ajoutent des campagnes de sensibilisation régulièrement menées par les pouvoirs publics, qui invitent chaque citoyen à faire preuve de courage civique en dénonçant aux autorités ou en signalant aux opérateurs, les propos haineux. Et il existe aussi, depuis le 1er février 2022 un dispositif de surveillance, animé par le Bureau central de communication des contenus criminels sur Internet ( ZMI BKA ), qui a pris la suite des structures de signalement décentralisées qui existaient déjà dans les Länder. L’objectif est de contrecarrer la brutalisation croissante de la communication sur les réseaux sociaux et de permettre une poursuite efficace des délits de propagande, d’injures et d’incitation à la haine. C’est dire que la lutte contre les discours de haine est aujourd’hui devenue l’affaire de tous.
[1] La haine est un fort sentiment de rejet, de répulsion, de détestation ou d’hostilité envers une personne, un groupe ou une institution, qui se développe généralement dans un milieu socialement, affectivement ou économiquement défavorisé.
[2] Selon une étude de 2019, 73 % des 18 à 24 ans auraient déjà vu des commentaires haineux en ligne.
[3]Introduction de la partie générale par deux lois du 25 juin et du 4 juillet 1969, modification de la partie spéciale par une loi du 2 mars 1974, v. aussi la loi d’application (EGStGB) du 2 mars 1974.
[4] SaarlVerfGH, 7.5.2021
[5] AG Naumburg, 8.2.2021
[6] BGH, 15 mars 2007, 3 StR 486/06 (LG Stuttgart) : NStZ 2007, p. 466.
[7] OLG Rostock AfP 2022, 67
[8] Bay OLG, 207 StRR 32/23
[9] 1 ORs 10/23
[10] v. BGHSt, 11, 76 : «Kern der Ehrenhaftigkeit des Menschen ist die ihm unverlierbar von Geburt an zuteil gewordene Personenwürde, zu deren Unantastbarkeit sich das Grundgesetz der Bundesrepublik in Artikel 1 bekennt und deren Achtung und Schutz es ausdrücklich aller staatlichen Gewalt zur Pflicht macht. Aus der inneren Ehre fließt der durch § 185 StGB strafbewehrte Rechtsanspruch eines jeden, das weder seine innere Ehre noch sein guter äußerer Ruf geringschätzig beurteilt oder gar völlig mißachtet, daß er vielmehr entsprechend seiner inneren Ehre behandelt werde»; BGHSt, 36, 145 : «Die Ehre ist lediglich ein Aspekt der Personenwürde, nicht identisch mit ihr und sein Bereich, den das allgemeine Persönlichkeitsrecht umfaßt. Ein Angriff auf die Eine wird geführt, wenn der Täter einem anderen zu Unrecht Mängel nachsagt, die, wenn sie vorlägen‚ den Geltungswert des. Betroffenen mindern würden. (…) Jedenfalls darf das Rechtsgut der Ehre nicht mit der Personnwürde oder der (ideellen) Persönlichkeitssphäre gleichgesetzt werden. Durch eine solche Gleichsetzung verlöre es seine Konturen».
[11] Le législateur allemand s’attend à ce que cela entraîne environ 200 000 nouveaux délits chaque année.
[12] Ainsi, la responsabilité des hébergeurs et des éditeurs est définie par les §§ 7 et 10 de la loi sur les télécommunications (TelemedienGesetz, TMG), qui traite notamment des questions d’action et de participation (Täterschaft und Teilnahme).
[13] Règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (Règlement sur les services numériques), publié au JOUE, 27 oct. 2022.