Police et droit aux Etats-Unis
Par Sarah-Marie Cabon, Maître de conférences, HDR ISCJ (UR 4633), Université de Bordeaux
Étude de droit comparé vs droit étranger. Il nous faut préciser d’emblée que cette intervention ne s’inscrit pas dans une démarche comparative. Si l’on s’attache à la définition de la comparaison en tant qu’opération par laquelle on réunit deux ou plusieurs objets dans un même acte de pensée pour en dégager les ressemblances ou les différences, la police aux États-Unis et la Police en France font en effet émerger le problème central de la comparabilité à savoir « peut-on tout comparer » [1]?
Contexte. Au regard de ces deux objets, la réponse se veut négative tant les spécificités de la police aux États-Unis éloignent drastiquement l’institution de son homologue française. Même si dire que deux choses n’ont rien en commun implique de les avoir comparées…[2], nous maintenons qu’il s’agira moins d’une étude de droit comparé que de l’étude d’un objet juridique étranger, avec toute la contextualisation que cela requiert – contextualisation qui a pour objectif d’atténuer les effets de distorsion[3] – autrement dit le biais qui résulte du regard posé par le chercheur français sur son voisin nord-américain.
Avant d’aborder la relation entre police et droit aux États-Unis, il importe donc en premier lieu de replacer l’objet police dans son contexte, ce qui nécessite de s’intéresser aux spécificités à la fois institutionnelles, historiques et culturelles de l’institution aux États-Unis[4].
Spécificités institutionnelles. Le système policier est déterminé par la structure politique et géographique du pays. La répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les États fédérés a influencé l’organisation des services de police, amenant ainsi à évoquer plus justement « les polices » et non « la police » pour désigner les forces de l’ordre américaines[5]. Comprendre l’objet d’étude implique ainsi de se représenter la décentralisation extrême du maintien de l’ordre dans un pays-continent de 331 millions de personnes où il existe 18 000 services de police organisé selon ses propres règles et modes opératoires. 18 000 services donc, classés en 4 échelons[6].
L’échelon local, qui représente la majeure partie des services de police. Cet échelon désigne la police des villes et leur taille varie considérablement selon que l’on parle de la ville de New- York et du célèbre NYPD, ou d’une petite bourgade du fin fond du Wyoming[7].
L’échelon des comtés, dirigé par un shérif élu et responsable de la sécurité des centres pénitentiaires et des tribunaux locaux et disposant de compétences de police locale dans les zones rurales et les petites villes qui ne bénéficient pas de police municipale.
Le troisième échelon est celui des États, la State Police, dont le chef est désigné par le gouverneur et dont la compétence s’étend aux enquêtes qui relèvent de plusieurs juridictions d’un même États et à la police des routes.
Enfin, l’échelon fédéral où la police se structure en agences relevant des ministères du gouvernement fédéral et qui sont compétentes pour les infractions aux lois fédérales ou encore les infractions ayant une dimension inter-étatique. À ce titre, et parmi les plus connus, on peut citer le Federal Bureau of Investigation (FBI) et la Drug Enforcement Admnistration (DEA)[8].
À la complexité de cette décentralisation s’ajoute la difficulté liée aux lacunes de leur formation. Aux Etats-Unis, les agents se trouvent assermentés au terme d’une instruction initiale plus courte que leurs homologues des pays industrialisés. Les cadets suivent en moyenne 5 mois de classe et 3 mois de formation sur le terrain, là où la majorité des pays européens prévoient 3 à 4 ans de formation[9]. Dans un pays où 380 millions d’armes sont en circulation et sont responsables de plus de 20 000 homicides par an[10], les policiers reçoivent paradoxalement moins de 12 semaines de formation paramilitaire, davantage centrée sur l’anticipation et la gestion du risque que sur les techniques de désescalade, le maintien de l’ordre ou encore la maîtrise du stress.
Militarisation des forces de police. À ce titre, il est intéressant d’évoquer le « programme 1033 » qui, depuis 1997[11], permet au ministère de la Défense de transférer la propriété de ses surplus d’équipements militaires aux services de police conduisant ainsi à doter les agents de fusils d’assauts, mitrailleuses lourdes ou blindés chenillés repeints aux couleurs de la police[12]. Cette militarisation matérielle s’accompagne d’une rhétorique martiale et d’une organisation dominée par un esprit belliqueux, le tout dans un contexte sécuritaire qui prend racine dès les années 1960.
Spécificités historiques. Le Law Enforcement Assistant Act, présenté au Congrès en 1965 par le Président Johnson appelle à une guerre contre le crime. Ce slogan « War on Crime » marque l’origine du flux de ressources et de fonds fédéraux destinés à accroître la force et la taille des polices locales[13]. Le mouvement s’est intensifié dans les années 80 avec le « War on Drugs » sous la présidence de Ronald Reagan puis le « War on Terrorism » de l’administration Bush après les attentats du 11 septembre 2001.
Cette politisation de la criminalité se double d’une racialisation du discours sécuritaire. En dépit de l’abandon officiel de la politique de ségrégation raciale, celle-ci reste maintenue dans les esprits. La surveillance, le contrôle et la répression policière s’inscrivent dans une longue histoire de la criminalisation des populations noires aux États-Unis, et en particulier des hommes[14], permettant d’ancrer durablement un discours politique qui consiste à associer explicitement criminalité et question raciale[15]. Bon nombre de candidats républicains mobiliseront dans leurs campagnes « l’image de femmes blanches trop inquiètes pour se promener à la nuit tombée dans la rue ou au parc »[16]. En 1988, G. Bush instrumentalisera en ce sens la figure d’un criminel noir récidiviste ayant violé une femme blanche, propos qui seront relayés par D. Trump lors de la campagne présidentielle de 2016 à propos cette fois des immigrés mexicains.
Spécificités culturelles. Difficile enfin de contextualiser l’objet police aux États-Unis sans aborder la question de l’imaginaire populaire nourri par sa représentation dans la culture cinématographique et télévisuelle. De Columbo à Law & Order en passant par l’excellent The Wire, les « cops shows », séries narrant le quotidien des forces de l’ordre sont légion. L’action policière, comme la criminalité, s’offre à la perception à travers une mise en scène assez variable de l’agent de police. L’individu dont la bonne moralité force l’admiration et le respect alors qu’il est confronté aux crimes violents de la cité laisse progressivement la place à un personnage plus complexe, sorte de loup solitaire souvent alcoolique, irascible et au tempérament violent[17]. Image d’autant plus réaliste que bon nombre de personnages incarnant l’agent comme le gangster l’étaient vraiment dans la vie. Pour les adeptes de The Wire, le personnage de Little Melvin est joué par Melvin Williams lui-même, baron de la drogue arrêté en 1984 et condamné à une peine de 34 ans d’emprisonnement. Il sortira en septembre 2003 et interprètera son propre rôle dans la série[18]. Il en va de même pour certains inspecteurs, auditionnés au sein des forces de police de Baltimore, pour jouer leur propre rôle.
Chiffres. Le lien entre fiction et réalité est donc très étroit et la problématique qui nous intéresse aujourd’hui renvoie à une réalité qui semble dépasser la fiction. En témoignent non plus les images aux codes narratifs et esthétiques des séries télévisées mais celles provenant des vidéos amateurs mettant à jour les interpellations meurtrières[19].
C’est en 2015, au lendemain du décès d’un afro-américain de 18 ans à Ferguson (Missouri) qu’un quotidien américain a entrepris de comptabiliser le nombre de personnes tuées chaque année par la police. Pour la seule année 2023, 1213 personnes sont décédées des suites de tirs ou violences policières, 1093 en 2022 pour un total de 8079 personnes depuis le début du décompte en 2015. Selon une étude dirigée par l’Université de Brown (Rhode Island) sur le coût de la guerre, c’est 5000 victimes de plus que le total des pertes militaires américaines recensées sur les zones de combats réunies d’Afghanistan, Syrie, Iraq et Yémen d’octobre 2001 à octobre 2019[20].
De son côté, l’Officer Down Memorial Page [21] recense officiellement les policiers américains morts en service depuis l’année 1900. Sur les dix dernières années, le site fait état de 2624 agents tués en service. Ce chiffre comprend les décès lors de confrontations non provoquées, embuscades préméditées et contrôles routiers. A noter que la principale cause de décès des agents en service est le meurtre par arme à feu.
Le paradoxe du policier. Au-delà des chiffres en eux-mêmes, leur effrayante régularité illustre un profond dysfonctionnement de l’institution et un lien police-population essentiellement basé sur la peur et la défiance, les sanctions administratives et judiciaires étant relativement rares.
Ce constat fait écho à une théorie sociologique majeure en vogue dès les années 1930 dénommée « le paradoxe du policier » et qui peut être résumée ainsi : Le policier qui a une vision légaliste de ses obligations se coupe des liens personnels qui lui sont pourtant nécessaires pour être capable d’être un médiateur dans le règlement des conflits dans son ressort. Le policier qui a des liens étroits avec la population locale est incapable d’agir contre elle avec la vigueur prescrite par la loi.[22] « Il ne distingue plus ce qui est bien de ce qui est mal alors qu’il est lui-même supposé être le garant de la distinction entre les deux »[23].
La diffusion le 15 février dernier des images d’un policier de l’État de Floride qui, prenant le bruit d’un gland tombant sur la carrosserie de son véhicule pour un coup de feu, vide son chargeur en direction d’un véhicule de patrouille dans lequel se trouvait un suspect de vol, non armé et menotté, nous en fournit ici l’absurde et terrifiante illustration[24].
Problématique. Si dans son rapport au Droit, la police se trouve traditionnellement confrontée à l’exigence, d’une part, du maintien de l’ordre en faisant montre d’efficacité et d’initiative, d’autre part, du respect du droit, c’est-à-dire d’une limitation de son action par les prérogatives des citoyens, le contexte états-unien entraine un fort déséquilibre en faveur de la première exigence, au détriment de la seconde. Autrement dit, la dimension très proactive du maintien de l’ordre et de la gestion du risque prend largement le pas sur l’idée de protection des garanties individuelles, comme si l’accomplissement des objectifs policiers devait impliquer une mise entre parenthèses des droits de chaque individu.
Crime control v. Due process. L’objet d’analyse nous amène alors sur le terrain d’un choix politique classique et fondamental aux États-Unis, à savoir Crime control v. Due process[25]. La notion de Due process, inscrite dans la Constitution aux Ve et XIVe amendements, interdit de priver une personne de vie, de liberté et de propriété sans Due Process of Law, c’est-à-dire « sans le bénéfice des garanties ou des protections dues par le droit »[26]. Le crime control met plutôt l’accent sur l’efficacité du système pénal, c’est-à-dire sa capacité à neutraliser et condamner le plus grand nombre de délinquants dans un contexte d’allocation de ressources limitée. En vertu de ce modèle, le processus pénal – dont l’arrestation constitue la première étape – est apprécié en fonction du résultat qu’il produit, conduisant très souvent à l’application de mesures de police administratives guidées par une forte présomption de culpabilité[27]. Exécuté par la police et le parquet, le crime control sous-tend l’idée, à l’inverse du Due process, que face à une obligation de résultat – inscrite dans la loi elle-même – ce qui relève de la qualité du procès au sens du « respect des garanties individuelles » devient périphérique[28].
Plan. Au-delà donc des facteurs historiques, culturels et sociaux, le sujet implique de s’interroger sur le rôle du Droit dans la problématique de la violence policière aux États-Unis, invitant en premier lieu à explorer en quoi le droit se présente comme un vecteur de violences policières, en second lieu, comme un obstacle à leur sanction.
I. Le droit, vecteur de la violence policière aux États-Unis
Censée disposer du monopole légal du recours à la violence physique, l’institution policière se distingue des autres appareils d’État et renvoie en principe l’image d’une force maîtrisée et protectrice du peuple. Cela étant, dans un pays où le IIe amendement de la Constitution est interprété comme un droit à l’auto-défense armée de chaque citoyen contre d’autres citoyens[29], l’action policière, bien souvent motivée par un sentiment de danger permanent, reflète moins l’idée d’un gardien que celle d’un gladiateur[30].
Couplée à la doctrine du crime control, l’autorisation par la loi suprême de l’État de se faire milice par et pour soi-même[31] nous place face à une disproportion manifeste entre d’un côté, les pouvoirs qui sont conférés à la police par la loi et légitimés par la volonté fédérale de contrôle de la délinquance (A), de l’autre, les mécanismes de protection des garanties individuelles (B).
A. Prépondérance de la doctrine du Crime control
Si les travaux issus de cette doctrine s’attachent plus précisément à analyser la phase sentencielle du processus pénal, ils sont néanmoins un éclairage utile pour la compréhension des violences policières. En effet, si comprendre la violence policière aux États-Unis implique nécessairement de s’attarder sur le droit encadrant l’usage de la force, c’est-à-dire les moyens attribués à la police, il n’est possible d’avoir une vision d’ensemble du phénomène qu’en gardant à l’esprit l’obligation politique de résultat à laquelle l’institution est soumise, autrement dit la fin qui va justifier ces moyens démesurés.
Conséquence de la décentralisation déjà évoquée, il n’existe pas aux États-Unis de code de déontologie ou de procédure à l’échelle nationale. Chaque État américain, voire parfois les municipalités, dispose de ses propres lois relatives à l’ouverture du feu et à l’usage de la force par la police. Cet usage est donc régi par des textes de portée locale et chaque service établit une sorte d’échelle du recours à la force appelée « continuum use of force » sans véritable contrôle de la part d’un service d’inspection unique tel que nous le connaissons en France[32]. Ce continuum use of force renvoie à un usage gradué allant de la simple réprimande verbale à l’usage de la force létale, en passant par la prise d’étranglement, l’arme de poing ou encore l’interpellation et la fouille : le fameux « Stop and Frisk ».
S’inscrivant dans le cadre d’une stratégie pro active privilégiée par les polices de proximité, cette méthode permet, outre de « poser les mains sur des individus [33]» marchant dans la rue et considérés comme suspect, de remplir des quotas de contrôles fixés en amont par les services de police[34]. Illustration du crime control, cet objectif pour chaque équipe de police d’atteindre un certain nombre d’interpellations ouvre la voie à des situations qui dégénèrent rapidement dès lors que face à un individu potentiellement armé, le passage d’une étape à l’autre du « continuum use of force » est laissé à l’entière discrétion du policier, seul juge du danger imminent. Le Code pénal du Texas fait par exemple état de la possibilité d’user de la force mortelle par un officier de police lorsqu’il « est raisonnable de croire que c’est nécessaire »[35].
Dans un pays où la législation fédérale lui permet de porter un équipement militaire et où les préjugés racistes (conscients ou inconscients) biaisent leur perception du danger[36], comment empêcher un policier de sauter les étapes pour en arriver à des violences meurtrières dès lors que les normes encadrant son activité délaissent les notions de justification et de proportion au profit d’une rhétorique martiale déshumanisée et de résultats statistiques censés illustrer l’efficacité du pouvoir policier ?
En outre, selon un rapport d’Amnesty International sur les violences policières aux États-Unis, neufs États – dont le district de Columbia – ne disposaient en 2015 d’aucune loi sur l’emploi de la force létale et seuls huit États américains exigent l’usage par leurs forces de l’ordre d’un avertissement verbal avant d’utiliser une arme létale[37]. Enfin, aucun État ne possède de dispositif légal relatif aux mécanismes d’obligation de rendre des comptes de l’usage d’armes létales par les responsables de l’application de la loi.[38]
Ce constat fait un écho à un ouvrage sur la police aux États-Unis qui fait date dans lequel l’auteur souligne qu’au lieu « de garantir les droits en limitant le pouvoir policier, la loi (ou plus justement ses lacunes) amplifie ce dernier en cautionnant son débordement [39]». Instance de la loi elle-même, la police n’a pas besoin de se mettre « au-dessus des lois », car celles-ci lui sont d’emblée favorables. Si donc l’exercice quasi-discrétionnaire de la violence par la police n’affronte pas la lettre de la loi mais s’y adosse en quelque sorte, c’est sur le terrain des garanties individuelles existantes contre les mesures de contrainte qu’il faut désormais placer l’analyse pour tenter de comprendre le rapport complexe de la police non plus au droit mais aux droits.
B. Insuffisance des garanties individuelles contre les mesures de contraintes
Si seule une analyse des législations de chaque États quant à l’usage de la force par la police permettrait de rendre compte de manière objective du respect ou non par les États-Unis des normes internationales relatives au recours à la force meurtrière, diverses études empiriques, groupes de travail et rapports d’ONG pointent, sur les 60 dernières années, le non-respect, par les 50 États, de ces normes[40]. Au plan interne, si l’on pense d’emblée au Miranda Rights, issus de l’arrêt de la Cour suprême de 1966 « Miranda vs Arizona »[41], les lois destinées à protéger contre les abus de pouvoir de la police comprennent également le huitième amendement, qui interdit les peines cruelles et inhabituelles ainsi que le quatorzième amendement.
Ce quatorzième amendement englobe les clauses de procédure régulière et d’égalité de protection, la loi sur les droits civils de 1871 et la loi fédérale sur les réclamations délictuelles. Si le Civil Rights Act est longtemps apparu comme le texte de référence dans les affaires de violences policières, l’interdiction de priver tout individu de l’exercice de ses droits, privilège ou immunité[42] s’est finalement avérée inefficace pour la dissuader[43].
C’est ensuite à la lumière de standards dégagés par les juges de la Cour suprême des États-Unis que l’on peut être renseigné sur le degré de protection accordé aux individus face aux représentants de la loi. Le premier est issu de l’arrêt Tennessee v. Garner (1985)[44], dans lequel la Cour suprême retient qu’il est préférable qu’un individu suspecté de crime (en l’espèce non armé) s’échappe plutôt qu’il ne meurt[45]. Par conséquent, et en dépit de l’hétérogénéité des textes relatifs à l’ouverture du feu et à l’usage de la force, cet arrêt instaure seulement deux cas d’autorisation de la force léthale que l’on retrouve dans chaque État : un policier peut utiliser son arme à feu si lui-même ou une autre personne est en danger imminent de mort ou de blessures graves, ou dans le cas d’un suspect qui fuit, si celui-ci a commis une infraction grave et présente, s’il n’est pas interpellé, un danger imminent de mort ou de blessures graves à autrui[46].
C’est ensuite dans la décision Graham v. Connor rendue en 1989 que la Cour vient préciser qu’en cas de danger de mort pesant sur un policer ou un civil, alors l’utilisation de la force meurtrière est justifiée[47]. Elle poursuit en dégageant un important critère d’appréciation de l’sage de la force : « l’objective reasonableness standard » qui au fil du temps a fait l’objet d’une interprétation plus ou moins extensive par les cours suprêmes étatiques.
Ce critère est mis en œuvre lors de l’évaluation des plaintes pour recours excessif à la force par les policiers. Selon « l’objective reasonableness standard », le recours à la force par les agents doit être jugé « du point de vue d’un agent raisonnable présent sur les lieux, plutôt qu’avec une vision rétrospective » et « à la lumière des faits et des circonstances auxquels ils sont confrontés »[48]. Cela étant, après des décennies d’application, non seulement la norme du policier raisonnable manque de clarté quant à la manière dont elle est analysée, mais la Cour suprême a pour l’essentiel échoué à fournir des indications sur les qualités qui caractérisent l’hypothétique policier raisonnable dès lors qu’elle ne fait aucune mention des caractéristiques qui définissent exactement ce qu’est « un policier raisonnable ». Ce critère n’impose dès lors aucune limite significative aux pouvoir de la police et n’assure par conséquent aucune protection aux individus lors de leur confrontation avec les forces de l’ordre. Même si la plupart des États utilisent encore ce standard pour évaluer le recours à la force, il existe désormais des normes plus explicites quant au degré de force pouvant être utilisé lors de différentes situations. Par exemple, selon le manuel du département de la police de Seattle, les agents ne sont autorisés à recourir à la force que lorsqu’aucune alternative raisonnablement efficace ne semble exister. À l’inverse, d’autres États établissent qu’il est possible pour le policier d’utiliser « tout moyen » pour arrêter un suspect qui fuit ou qui résiste.
En l’absence de garanties permettant une protection homogène de la population contre les violences policières et compte tenu de l’échec des standards jurisprudentiels à les limiter, il sera alors proposé d’apprécier objectivement le travail de la police en dotant les agents de caméra embarquées afin de restaurer la confiance entre la police et les citoyens. En 2012, le service de police de Rialto, en Californie, en partenariat avec l’Institut de criminologie de l’Université de Cambridge, a examiné si les caméras portées sur le corps auraient un impact sur le nombre de plaintes contre des agents ou sur le recours à la force par ces derniers.
Sur une année, l’étude a révélé une diminution de 60% des incidents liés au recours à la force par les agents de police[49]. La conclusion positive de cette étude n’a cependant par permis d’éviter plusieurs décès résultant de brutalités de la part de policier porteurs de caméras. En outre, si visionner une vidéo, c’est en théorie disposer d’un récit factuel, objectif et incontestable, là encore une enquête fédérale sur 63 services de police utilisant des caméras indique que près d’un tiers d’entre eux n’ont pas de règlements écrits sur les appareils et leur utilisation[50] faisant dès lors de la nécessité du recours à la force une notion à géométrie plus que variable et relativement discrétionnaire.
L’analyse juridique des violences policières aux États-Unis amène à constater une sorte de permissivité, en amont, de la part du droit, le faisant dès lors vecteur de cette violence. Ce constat, couplé au très faible nombre de condamnations prononcées à l’encontre d’agents ayant fait un usage excessif de la force invite à analyser en quoi le droit se veut également, en aval, un obstacle à la sanction de ces violences.
II. Le droit, obstacle à la sanction des violences policières aux États-Unis
S’intéresser à la sanction des violences policières aux États-Unis c’est, à nouveau, se confronter à l’absence de schéma unitaire si cher au juriste en quête d’un minimum d’homogénéité de son objet d’étude afin, si ce n’est d’établir un lien entre une notion et son régime, au moins de s’offrir le luxe d’une vision d’ensemble. Dès lors que la responsabilité pénale et disciplinaire aux États-Unis est aussi diverse et morcelée que le sont les forces de police, il nous faut abandonner cet idéal.
L’inadéquation entre, d’un côté la réalité des chiffres illustrant le nombre de personnes victimes de violences policières, de l’autre le très faible nombre de condamnation d’agents qui en sont responsables[51] semble néanmoins trouver racine au sein d’une doctrine judiciaire connue sous le nom de « Qualified immunity ». Obstacle juridique à l’indemnisation des victimes de brutalités policières (A), l’immunité qualifiée se double d’un obstacle institutionnel à la sanction pénale des agents auteurs de ces brutalités (B).
A. L’immunité qualifiée, obstacle juridique à la responsabilité civile des auteurs de violences policières.
Aux termes du quatrième amendement à la Constitution des États-Unis et du Civil Right Act de 1871, un individu qui porte atteinte à un droit constitutionnel s’expose à des poursuites criminelles, civiles ainsi que des sanctions disciplinaires. De là, le Congrès confère à tout individu le droit de poursuivre en justice les agents publics qui auraient commis une violation de leurs droits, notamment par le biais d’un usage excessif de la force et statue sans équivoque que « tout fonctionnaire de l’État qui provoque une privation de tout droit garanti par la Constitution et les lois sera responsable envers la partie lésée[52] ». Néanmoins, très rares sont les cas où des représentants des force de l’ordre, quelque soit l’échelon (local, comté ou étatique) ont été sanctionnés après avoir enfreint ces textes fondateurs, et ce en raison de l’immunité qualifiée que l’on peut aussi traduire par « immunité de juridiction » . Créée en 1967 dans l’arrêt Pierson v. Ray[53], cette doctrine se comprend comme une exception à la responsabilité civile des agents publics qui ont agi de bonne foi et qui ont des raisons de croire en la légitimité de leur de comportement. Plus tard, dans l’arrêt Harlow v. Fitzgerald rendu en 1982[54], la Cour suprême est venue préciser sa doctrine pour en faire un test reposant sur deux principaux critères que l’on peut analyser sous forme de questions[55]. Face à un acte de violence policière, le tribunal doit en premier lieu examiner s’il y a eu une atteinte au quatrième amendement prévu par la Constitution américaine. En d’autres termes l’action du policier est-elle contraire à la Constitution ? Si la réponse est non, il obtient l’immunité qualifiée. À l’inverse, si la réponse est oui, en cas d’usage de la force excessif, de perquisition ou de fouille abusive par exemple, le tribunal devra poser une deuxième question visant à déterminer si, au moment des faits, il est raisonnable de considérer que le policier aurait dû savoir que son acte caractérisait une violation constitutionnelle d’un droit clairement établi. Concrètement, il s’agit ici de savoir s’il existe un précédent sur lesquels les juges peuvent s’appuyer pour estimer que le policier ne pouvait pas ne pas avoir connaissance de ce droit. C’est là que se situe le cœur du problème. En effet, au fil de sa jurisprudence, la Cour a restreint sa définition des termes « droit clairement établi », de sorte que seules les décisions antérieures dont les faits sont quasiment identiques peuvent être jugées comme des précédents recevables dans le cadre de ce deuxième test. Or, rares sont les dossiers considérés par la Cour comme suffisament identiques. L’analyse de sa jurisprudence démontre ainsi qu’il est très courant que les tribunaux estiment que des agents gouvernementaux ont effectivement violé les droits d’une personne, mais que la victime ne peut toutefois pas bénéficier d’une quelquonque réparation simplement parce que ce type précis de faute ne s’est pas produit dans des affaires antérieures. Il suffit en effet de légères différences entre le comportement jugé et le cas de référence pour que les juges estiment que le droit de la victime n’était pas si clairement établi et, partant, protègent l’agent public de toute condamnation civile. L’arrêt Baxter v Bracey et al. rendu par la Cour suprême en 2020 en est un exemple. En l’espèce, un agent avait ordonné à son chien, considéré comme experimenté, d’attaquer le plaignant, Alexander Baxter alors que ce dernier, suspecté de cambriolage, s’était rendu, assis dans une cave, les mains en l’air. Après avoir passé le premier test, les juges ont donc cherché à savoir si au moment des faits, le droit à ne pas se faire attaquer par un chien après s’être rendu était clairement établi. Dans un arrêt rendu en 2012 par la Cour d’appel de Cincinnati, un policier avait été condamné civilement pour avoir laissé son chien attaquer un suspect alors que celui-ci était déjà à terre, les mains ecartées sur le côté. La lecture de cet arrêt, lors duquel l’attitude du policier a été déclarée comme n’étant pas objectivement raisonnable, laisse penser qu’il constitue un précédent recevable permettant d’établir un droit clairement établi à l’égard d’Alexander Baxter et que le policier ne pouvait pas ignorer. Pour autant, les juges de la Cour suprême ont estimé qu’en raison de plusieurs différences ; le moment de la journée, l’experimentation du chien, la manière dont le suspect s’était rendu… il n’était pas possible de faire état d’un droit clairement établi au bénéfice d’Alexander Baxter, accordant ainsi l’immunité qualifiée aux policiers poursuivis. Alors que le Quatrième amendement et le Civil right Act étaient destinés à être les principaux moyens de tenir les acteurs étatiques responsables de violations des droits constitutionnels, l’immunité qualifiée vient supprimer les effets dissuasifs et réparateurs de ces textes. En dépit des critiques suscitées par cette doctrine, la Cour surpême continue de justifier sa position en se fondant essentiellement sur la nécessité de protéger les policiers et les fonctionnaires contre les dépenses et le fardeau procédural resultant de poursuites civiles en ajoutant que sans immunité qualifiée, les forces de l’ordre ne seraient pas en mesure de faire leur travail correctement[56]. Au lendemain du décès de G. Floyd, le « George Floyd Justice in Policing Act » de 2021 promet une réforme profonde de la police en s’attaquant notamment à l’irresponsabilité des policiers permise par l’immunité qualifiée. Une opposition entre la chambre des représentants et le Sénat n’a finalement pas permis le vote de ce texte. Au plan étatique toutefois, plusieurs législations interdisent ou limitent aujourd’hui l’application de l’immunité qualifiée à leur service de police[57]. Obstacle juridique à l’indemnisation des victimes de violences policières, l’immunité qualifiée ne connait pas de mécanisme similaire sur le plan de la repression pénale. Les condamnations pénales n’en sont pas pour autant plus nombreuses, signe d’un obstacle non plus juridique mais institutionnel à la sanction des violences policières.
B. L’organisation de la police, obstacle institutionnel à la responsabilité pénale des auteurs de violences policières.
Tandis que le nombre de personnes décédées des suites de tirs ou violences policières dépassent le millier d’individus chaque année, le nombre de poursuites pénales à l’encontre des agents auteurs d’homicide dans l’exercice de leur fonction s’élèvent à 54 en 10 ans[58]. Parmi ces 54 poursuites, 11 agents ont été effectivement condamnés, la plupart à des peines allant de 1 à 10 ans d’emprisonnement. Selon une étude réalisée sur les violences policières aux États-Unis entre 2013 et 2019, seul 1% des décès à la suite d’une interpellation policière débouche sur une mise en examen du ou des officiers en cause[59] ce qui, là encore, ne signifie pas qu’elle sera suivie d’une condamnation.
Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ce constat, au premier rang desquels se situe l’inexactitude des chiffres. En effet, en comparant la base de données du gouvernement qui suit la population américaine avec des bases de données non gouvernementales et « open source » qui suivent la brutalité policière par le biais de médias déjà cités, c’est plus de 55% des décès dus à des violences policières qui sont soient mal classés, soit tout simplement non signalés[60]. Cette sous-déclaration des homicides impliquant la police doit donc être prise en compte pour comprendre l’écart entre le nombre d’homicides causés par la police et le nombre de condamnations pénales.
C’est ensuite la puissance des syndicats policiers qui vient éclairer un peu plus le faible nombre de condamnations dans les rangs de la profession. Si l’hétérogénéité des règles encadrant les divers services de police sur le plan local représente un frein à une réforme d’ampleur, en revanche le front homogène et solidaire dont les agents font montre lors d’homicide, violence ou bavure commis par l’un des leurs illustre une union d’individus liés par un code commun à l’ensemble des services du pays. Comme souvent les corporations, les services de police aux États-Unis suivent un code culturel officieux que l’on retrouve sous diverses appellations : « Blue Code », « Blue shield » ou encore « Blue wall of silence »[61] faisant de la fraternité inhérente à la difficulté de leur profession un sérieux obstacle à la révélation des fautes ou abus commis par leurs collègues[62]. À ce sujet, au sein d’un pays où circulent davantage d’armes que d’habitants, les représentants des forces de l’ordre s’accordent à dire qu’il « vaut mieux être jugé par 12 jurés que porté par 6 croque-morts[63] ».
Et encore faut-il qu’un tel jury soit réuni. En effet, la singularité du système de justice pénale états-unien nous renseigne enfin sur la complexité des enjeux à l’œuvre dès lors qu’un membre de la police de ce pays se trouve mis en cause pour des faits d’homicides ou de violences à l’encontre de civils. Les États-Unis sont un des seuls pays au monde où les procureurs, chefs de la police, sont élus par la population[64]. Alors qu’il s’agissait au XIXe siècle de mettre fin au favoritisme politique engendré par le système de nomination des procureurs par les gouverneurs et d’assurer leur indépendance à l’égard du pouvoir venu d’en haut, c’est aujourd’hui la sujétion des autorités de poursuites au pouvoir d’en bas qui pose problème dans un contexte où rien n’interdit que le financement des campagnes électorales de tels ou tels procureurs soit, entre autre, assuré par le soutien et les donations de la part des syndicats de police.
Si la mort de G. Floyd a été érigée en symbole des graves dysfonctionnements du système policier aux États-Unis, la condamnation de l’un des agents auteur de son homicide à une peine de 21 ans d’emprisonnement ne permet toutefois pas entrevoir une réforme d’ampleur dès lors que parmi les nombreuses causes de violences policières, la relation « Police et Droit » reste encore rarement interrogée.
[1] K. Mariat, Ce que comparer veut dire, Dalloz 2023, p. 1471;
[2] R. Sacco et P. Rossi, Introduzione al diritto comparato, Utet, 2015, p. 18, in K. Mariat, Ce que comparer veut dire, Dalloz 2023, p. 1471.
[3] M-C. Ponthoreau, Droit comparé et droits étrangers, des champs scientifiques autonomes ? RIDC, vol. 67 n°2, 2015.
[4] J. Gleizal, C. Journès, et J. Montain-Domenach, (dir.), « Introduction », La Police. Le cas des démocraties occidentales, Presses Universitaires de France, 1993, pp. 15-46.
[5] S. Gros, La problématique des méthodes policières aux États-Unis, Note du CREOGN, n° 11, juillet 2015.
[6] J. Gleizal, C. Journès, et J. Montain-Domenach, (dir.), « Introduction », La Police. Le cas des démocraties occidentales, préc. ; The History of Policing in the United States, Part 1. Police Studies Online. Eastern Kentucky University. V. Plsonline.eku.edu.
[7] V. J. Brewer et al, The Police, Public Order and The State, Palgrave Macmillan ed., 1996, p. 113.
[8] Pour une présentation détaillée, v. V. Seron, Aperçu comparatif de la structure organisationnelle de la police au regard des exemples allemand, français, belge et nord-américain, in Fédéralisme Régionalisme, Vol 4. 2003, Régions et sécurité.
[9] M. Haberfeld, in The Atlantic, Avr. 2021.
[10] A. Leparmentier, Aux États-Unis, trois personnes sont tuées chaque jour par la police, Le Monde, 6 janv. 2023 ; J. Mascia, C. Brownlee, How Many Guns are circulating in the US ? The Trace, Feb 29, 2024.
[11] Le « programme 1033 » a été instauré en 1997 par le biais du National Defense Authorization Act for Fiscal Year sous la présidence de Bill Clinton.
[12] La problématique des méthodes policières aux États-Unis, préc.
[13] J. Bannenberg, Militarisation des forces de police aux États-Unis : conséquences sociales et alternatives, Rapport du GRIP, déc. 2020.
[14] K.G. Muhammad, The condemnation of Blackness – Race, Crime, and the Making Modern Urban America, Harvard University Press, 2011, in C. Recoquillon, Se protéger de la police, se protéger sans la police, Mouvements, n°92, 2017, p. 22.
[15] Y. Philippe, Un parti de la loi et de l’ordre aux États-Unis ? Essai généalogique et historiographique, L’ordinaire des Amériques, 2020.
[16] Op. cit.
[17] J. Achemchame, Entre ombre et lumières : les figures de policiers en eaux troubles, symboles d’une Amérique en perte de repère, TV/Séries, 1/2012.
[18] Op. cit.
[19] P. Smolar, Etats-Unis: la vidéo de l’interpellation fatale de Tyre Nichols relance le débat sur les violences policières, Le Monde, 28 janv. 2023.
[20] N C. Crawford, C. Lutz, Human Cost of Post-9/11 Wars, Nov. 13, 2019, Watson Institute, Brown University; J. Crosse, License to kill : US Police killed over 1200 people in 2023, wsws.org.
[21] Disponible sur le site www.odmp.org.
[22] W. Foote Whyte, Street corner society, Paris, La Découverte, 1995, p. 139.
[23] Cf. S. Freud, La Scission du moi dans le processus de défense, 1938, in J. Achemchame, Entre ombre et lumières : les figures de policiers en eaux troubles, symboles d’une Amérique en perte de repère, préc.
[24] B. Brasch, Deputy scared by an acorn hitting his cruiser opens fire in streets, The Washington post, 15 fév. 2024.
[25] Pour une analyse de l’opposition dans le cadre du système de justice pénale américain, v. F. Tulkens, Le rôle et les limites de la fonction juridictionnelle dans la justice pénale aux États-Unis, Crime Control v. Due Process, In P. Gerard, F. Ost et M. Van de Kerchove (dir.), Fonction de juger et pouvoir judiciaire, Transformations et déplacements, Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 1983, p. 493 ; R.L. Packer, Two models of the criminel process, University of Pennsylvania Law Review, Vol. 113, n°1, Nov. 1964.
[26] G. Martin, Le due process of law aux États-Unis, thèse, Paris II, 1997 ; E. Zoller, Les grands arrêts de la Cour suprême des États-Unis, Dalloz, 2e éd., 2000.
[27] F. Tulkens, Le rôle est les limites de la fonction juridictionnelle dans la justice pénale aux États-Unis, préc. p. 518, J. Cedras, La justice pénale aux États-Unis, éd. Économica, 2005, p. 155 et s.
[28] D. Salas, Ce que nous appelons punir, Études, 2011/3, p. 319.
[29] Cour supreme des États-Unis, District of Columbia v. Heller, 554 U.S. 570, 2008. Dans son arrêt du 26 juin 2008, la Cour suprême a jugé que « le deuxième amendement protège le droit individuel de posséder une arme à feu sans pour autant servir dans la milice, et d’utiliser cette arme dans la limite des dispositions prévues par la loi , telle que l’auto-défense au sein de sa maison » et « que la loi du District bannissant les armes de poing chez soi viole le deuxième amendement, tout comme le fait son interdiction à domicile dans le seul but de procurer un moyen d’auto-défense immédiat ». V. l’opinion dissidente du juge Scalia, District of Columbia, et al., Petitioners v. Dick Anthony Heller, 554 U.S. (2008), p. 13.
[30] V. C. Recoquillon, Se protéger de la police aux États-Unis, Pratiques militantes du mouvement Black Lives Matter, préc. p. 23.
[31] V. IIe Amendement de la Constitution des États-Unis : “A well regulated Militia, being necessary to the security of a free State, the right of the people to keep and bear Arms, shall not be infringed » Traduction : « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé ».
[32] S. Gros, La problématique des méthodes policières aux États-Unis, Note du CREOGN, n°11, préc. p. 3.
[33] « Lay hands on people », politique officielle de la ville de Chicago. V. B. Lande, Laying Hands learning to touch and grab in the Police Academy, in N. Boero, K. Mason (ed), The Oxford Handbook of the Sociology of Body and Embodimen, 2019, p. 447.
[34] W.K. Skogan, La méthode du « Stop and Frisk », en tant que stratégie organisationnelle : leçons tirées à partir des exemples des villes de New-York et Chicago, Dossier de l’IHEMI, n° 54, p. 2.
[35] Section 9.51 Penal Code, v. G. S. Reamey, Police Use of force Laws in Texas, St. Mary’s Law Jourrnal, vol. 52, n° 4.
[36] C. Recoquillon, Se protéger de la police aux États-Unis, Pratiques militantes du mouvement Black Lives Matter, préc. p. 22.
[37] Rapport Amnesty International, Deadly Force, Police use of Lethal force in the United States, 2015.
[38] Deadly Force, Police use of lethal force in the United States, rapport Amnesty International, 2015.
[39] D. Black, Manners and Customs of the Police, Academic Press, 1980 in J-P. Brodeur, Les visages de la police, Pratiques et Perceptions, Presse de l’Université de Montréal, 2018, p.6.
[40] V. Code de conduite pour les responsables de l’application de la loi, Instrument des droits de l’homme, disponible sur le site du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme ; Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation d’armes à feu par les responsables de l’application de la loi, idem ; V. Rapport Amnesty international, Deadly Force, préc.; T. McEwen, National data collection on Police use of force, U.S. Department of Justice Bureau of Justice Statistics, 1996 ; J Fyfe, Police use of deadly force: Research and reform, Justice Quarterly. N°5 (2), 1988, p. 165–205; Etude du droit en vertu duquel nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé, Document des Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, New-York, 1964.
[41] Cour supreme des États-Unis, Miranda vs Arizona, 384 US 436, 1966. Arrêt rendu sur le fondement des cinquième et sixième amendement à la Constitution dans le but d’assurer la sauvegarde de ces droits constitutionnels lors d’une arrestation et d’un interrogatoire de garde à vue.
[42] Art. 42 USC, §1983.
[43] A. Patton, Endless Cycle of Abuse, Why 42 USC 1983 is ineffective in Deterring Police Brutality, 44 Hastings LJ, 753, 1993.
[44] Cour Suprême des États-Unis, Tennessee v. Garner, 471 U.S. 1, 105 S. Ct. 1694 (1985) : «
[45] Standard établi sur le fondement du quatrième amendement à la Constitution des États-Unis.
[46] A.N. Tennenbaum, The influence of the “Garner” Decision on Police Use of Deadly force, The Journal of Criminal Law and Criminology, 1985, (1), pp. 241-260.
[47] Cour Suprême des États-Unis, Graham v. Connor, 490 U.S. 386 (1989) ;
[48] H. Phoam, What is the “Reasonable Officer” standard for police use of force, Stanford Center for Racial Justice, 2022.
[49] L. Miller, J.Toliver, and Police Executive Research Forum, Implementing a Body-Worn Camera Program: Recommendations and Lessons Learned. Washington, DC: Office of Community Oriented Policing Services, 2014.
[50] Research on Body Worn Camera, National Institute of Justice, 2022.
[51] V. Malécot et al., En chiffres et en cartes : la réalité des violences policières aux États-Unis, Le Monde, 8 juin 2020.
[52] « Every State official who cause a deprivation of any rights guaranteed by the Constitution and laws shall be liable to the party injured ».
[53] Cour suprême des États-Unis, Pierson v. Ray, 386 U.S. 547 (1967)
[54] Cour suprême des États-Unis, Harlow v. Fitzgerald, 475 U.S. 800 (1982)
[55] O. Doghmane, Carte blanche à la brutalité policière, gracieuseté de la Cour suprême, Journal L’obiter (CA), 2021.
[56] A. Chung and al., For Cops who kill, Special Supreme Court protection, Reuters Investigates, 8 mai 2020. Outre qu’elle justifie sa position, la Cour suprême est venue élargir encore la protection accordée aux agents publics par le biais de la doctrine de l’immunité qualifiée en permettant aux juges de ne plus poser la première question, à savoir si un droit constitutionnel a été violé, réduisant d’autant plus la possibilité de créer du précédent, v. Pearson v. Callahan, 555 U.S. 223, 2009 ; A. Sauber, When is a Right not a Right ? Qualified Immunity After Pearson, Mitchell Hamline Law Journal of Public Policy and Practice, Vol. 39. Art. 7, 2018, p. 129.
Il est également interessant de souligner que dans les cas où les policiers n’ont pas bénéficié de l’immunité qualifiée, 99,98 % des dommages et interêts versés aux plaignants proviennent des services employeurs. Les agents ne contribuent qu’à une très faible partie, le contribuable étant redevable du reste. V. J.C. SCHWARTZ, Police Indemnification, NYU Law Review, vol. 89, n° 3, 2014, p. 890.
[57] K. Ellison, The Death of G. Floyd, The Trial of D. Chauvin, and deadly force encounters with police: have we finally reached an inflection point? Or will the cycle of inaction continue? 50 Geo. L.J. Ann. Rev. Crim. Proc. (2021). Seuls les États du Colorado et du Nouveau Mexique interdisent aujourd’hui complètement cette défense juridique des policiers, ainsi que la ville de New-York. Sans l’interdire totalement, le Connectictut en limite l’application.
[58]La problématique des méthodes policières aux États-Unis, Note du CREOGN, préc. p. 3 ; V. également la page du Washington Post, Fatal force, dernière consultation le 5 mars 2024.
[59] C. Recoquillon, V. Malécot, F. Picard, G. Henry, En chiffres et en cartes, la réalité des violences policières aux États-Unis, Le Monde, 8 juin 2020.
[60] GBD 2019 Police Violence US Subnational Collaborators, Fatal police violence by race and state in the USA, 1980–2019: a network meta-regression, The Lancet, vol. 398, Issue 10307, Oct. 2021, pp. 1237-1255.
[61] Littéralement : « Code bleu », « Bouclier bleu », « Mur bleu du silence ».
[62] T. Jackman, New Orleans Police Pioneer new way to stop misconduct, remove “blue wall of silence”, The Washington Post, June 13th 2020; M. Caldero, J. Dailey, B. Withrow, Police Ethics, The Corruption of Noble Cause, 4th ed, Routledge, 2018.
[63] La problématique des méthodes policières aux États-Unis, Note du CREOGN, préc. p. 3
[64] M. J. Ellis, The origins of the elected prosecutor, The Yale Law Journal, 2012, p. 1528., spec. p. 1551 : « Elections as a Mean of Removing Prosecutors from Patronage », J. Cedras, La justice pénale aux États-Unis, préc., p. 30 et s.