L’accès au juge dans le domaine de l’environnement : le hiatus du droit de l’Union européenne
L’accès à la justice est le moyen concret de faire valoir le droit de chacun au respect des dispositions protégeant l’environnement, l’élément essentiel de l’application de celles-ci. Dans quelle mesure l’ordre juridique de l’Union européenne, Union de droit ayant vocation à garantir une protection juridictionnelle effective, garantit-il un tel droit ? Comment sont mis en œuvre les dispositions de la Convention d’Aarhus qui font partie intégrante de l’ordre juridique européen ? Le présent article fait apparaître une différence de traitement par le droit de l’Union de l’accès aux juges nationaux et celui de l’accès à sa propre Cour. En effet, si l’accès aux juges nationaux dans les contentieux environnementaux, est largement promu par le droit de l’Union a contrario, l’accès à la Cour de justice est, au contraire, rigoureusement encadré dans le droit de l’Union et en dépit de propositions et revendications, aucune évolution substantielle ne peut être relevée dans le domaine de l’environnement.
Par Estelle Brosset, Professeure, Chaire Jean Monnet, Directrice du Master 2 Droit International et Européen de l’Environnement
Aix Marseille Univ, Université de Toulon, Univ Pau & Pays Adour, CNRS, DICE, CERIC, Aix-en-Provence, France
et Eve Truilhé-Marengo, Directrice de recherches CNRS, Directrice du Master 2 Droit International et Européen de l’Environnement
Aix Marseille Univ, Université de Toulon, Univ Pau & Pays Adour, CNRS, DICE, CERIC, Aix-en-Provence, France
Introduction
L’accès à la justice est le moyen concret de faire valoir le droit de chacun au respect des dispositions protégeant l’environnement et constitue de ce fait l’élément essentiel de l’application de celles-ci. Or, accéder à la justice au nom de la protection de l’environnement n’est pas chose aisée. D’abord, la nature, pas plus que ses éléments, ne peut défendre elle-même ses intérêts en justice[1]. Cette prérogative doit donc être transférée à des sujets de droit, des individus, seuls ou regroupés en association, agissant au nom de la défense de l’environnement contre une norme juridique insuffisamment protectrice ou contre une décision d’autorisation d’un projet, d’une activité ou d’une substance dangereuse pour l’environnement. Ensuite, même si des intérêts individuels peuvent également être en jeu, la protection de l’environnement constitue, par nature, un intérêt collectif alors que, dans de très nombreux systèmes juridiques, un intérêt personnel est requis pour qui prétend agir en justice. Un aménagement des règles procédurales applicables est donc généralement nécessaire pour que soit assuré le droit d’accès à la justice en matière d’environnement.
Qu’en est-il dans le cadre du droit de l’Union européenne ? C’est l’objectif du présent article que d’analyser dans quelle mesure l’ordre juridique de l’Union européenne garantit un tel droit entendu, dans le cadre de cette étude, comme le droit des personnes physiques et morales d’accéder à un juge. Le droit de l’environnement de l’Union européenne est dense, cumulant instruments sectoriels et instruments de nature transversale[2]. Il est donc pour le moins essentiel, pour en assurer l’effectivité, que les juges, les juges nationaux comme la Cour de justice de l’Union, puissent être saisis de tous les litiges liés à la mauvaise application des normes qui le composent. À première vue la situation s’annonce plutôt rassurante. Depuis son origine[3], l’Union se définit comme une Union de droit[4] qui a vocation à garantir une protection juridictionnelle effective désormais[5] consacrée dans le Traité[6] et dans l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. D’ailleurs, les voies de recours prévues dans le Traité sont nombreuses, « complètes »[7] nous dit même la Cour, destinées à permettre le contrôle par la Cour tant des actes pris par les institutions, organes et organismes de l’Union que des actes, comportement ou abstentions des Etats. S’y ajoutent celles prévues devant les juridictions nationales, l’article 19, paragraphe 1, deuxième phrase, du TUE, imposant aux États membres d’établir « les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union ». Dans le domaine de l’environnement, le principe est en outre particulièrement valorisé depuis l’adoption en 1998 de la Convention sur l’accès à l’information, à la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, convention approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370 du 17 février 2005[8]. Depuis lors, l’Union est, aux côtés des Etats membres, partie à la Convention qui fait donc partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et pour laquelle la Cour a compétence pour statuer à titre préjudiciel en interprétation[9]. Or, l’objectif de la Convention est ambitieux notamment – mais pas seulement- s’agissant du droit d’accès à la justice en matière d’environnement[10] organisé dans trois hypothèses distinctes : en relation avec l’accès à l’information[11], avec le processus décisionnel[12] et de façon plus générale afin de contester toute hypothèse de violation de dispositions nationales (et de droit de l’Union) protégeant l’environnement. En vertu du troisième paragraphe de l’article 9 du texte, les Parties à la Convention doivent en effet veiller à ce que « les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement ».
Pourtant, dès que l’analyse se fait plus précise, l’impression se transforme singulièrement et devient plus contrastée. L’actualité la plus récente donne d’ailleurs quelques indices non négligeables. Pour la deuxième fois, dans une décision du 17 mars 2017[13], le comité d’examen du respect de la Convention d’Aarhus a constaté les insuffisances du droit de l’Union vis-à-vis du droit au juge en matière environnementale et conclu à la non-conformité du droit de l’Union vis-à-vis des prescriptions de la Convention en matière d’accès du public à la justice[14]. Et pourtant, dans la même période, la Commission publiait, plus précisément le 28 avril 2017, une Communication sur l’accès à la justice en matière d’environnement[15] en vue de recenser l’importante jurisprudence de la Cour en la matière et ce faisant, de « clarifier sensiblement les choses et constituer une source de référence » notamment pour « le public, notamment les personnes physiques et les ONG environnementales, agissant en défenseurs de l’intérêt général »[16]. En conclusion de son document, la Commission souligne que, de son point de vue, « les exigences figurant actuellement dans l’acquis de l’Union (…) fournissent déjà un cadre cohérent pour l’accès à la justice dans ce domaine[17]. D’ailleurs, l’arrêt rendu le 20 décembre dernier, Protect Natur[18], semble conforter cette conclusion. La Cour, sur le fondement de l’article 47 de la Charte et de l’article 9-3 de la Convention d’Aarhus, rappelle l’impossibilité pour les droits procéduraux nationaux de priver les organisations de défense de l’environnement de la possibilité de faire contrôler le respect des normes issues du droit de l’Union de l’environnement[19] et souligne, qu’en ce cas, il incombe à la juridiction nationale, de laisser inappliquée, dans le litige dont elle est saisie, la règle de droit procédural national.
Pour rendre compte de cette situation, il est utile d’envisager d’une part l’accès aux juges nationaux et les règles du droit de l’Union qui s’y appliquent, d’autre part, l’accès à la Cour de justice (et à son Tribunal)[20] en tant que tel. En effet, si l’accès aux juges nationaux est, s’agissant des contentieux environnementaux, largement favorisé par le droit de l’Union, a contrario, l’accès à la Cour de justice est, au contraire, rigoureusement encadré dans le droit de l’Union, et en dépit de propositions et revendications, aucune modification n’a eu lieu pour le domaine de l’environnement. Le droit de l’Union -et plus spécifiquement la jurisprudence de la Cour- semble exiger des États membres ce qu’elle n’exige pas pour elle-même. Certes, les conséquences peuvent, d’un certain point, de vue être relativisées car, c’est l’argument régulier dans la jurisprudence, les limites à l’accès à la Cour elle-même sont précisément compensées par l’accès aux juges nationaux qui peuvent connaître des mesures nationales de mise en œuvre du droit de l’Union et qui peuvent, le cas échéant, saisir la Cour d’une question préjudicielle. Toutefois, outre le fait que cela n’est pas toujours le cas, un hiatus existe dans la mesure où l’invalidité des mesures prises au niveau de l’Union elle-même ne peut que très difficilement être avancée devant le juge de l’Union. Il s’agira ici de rendre compte de l’importance d’un tel hiatus entre l’accès aux juges nationaux et l’accès au juge de l’Union en tant que tel. Dans le premier cas, une spécificité dans le domaine de l’environnement est promue (partie 1), dans le second cas, elle demeure encore largement déniée (partie 2.)
Première partie – L’accès aux juges nationaux : la spécificité environnementale promue par le droit de l’Union
Principe d’administration indirecte et autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres. Si le droit de l’Union peut être avancé au fond devant les juridictions nationales, juridictions de droit commun du droit de l’Union, celui-ci n’a pas, par principe, vocation à s’intéresser aux conditions de l’accès à de telles juridictions. Il faut rappeler en effet que, en vertu du principe d’administration indirecte, ce sont les Etats membres qui ont la charge de mettre en œuvre le droit produit par l’ordre juridique de l’Union qui, bien qu’autonome dans sa conception, « dépend des efforts des Etats membres » s’agissant du respect de ses dispositions[21]. Il faut également rappeler que, en ce but, l’article 19-1 du TUE consacre, de manière générale, l’obligation pour les Etats membres de garantir une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. Il convient enfin de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’« il appartient à chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice »[22] visant à assurer le respect du droit de l’Union ce que l’on peut désigner sous le nom de principe de l’autonomie institutionnelle et procédurale. On remarquera que ce principe est compatible avec ce que prévoit la Convention d’Aarhus elle-même. Celle-ci accorde en effet aux Etats Parties une marge de manœuvre dans l’application du droit à l’accès à la justice et l’organisation des recours ayant pour objectif de contester un acte ayant été adopté en dépit des règles relatives à la participation du public ou plus largement de contester un acte portant atteinte à toute autre norme environnementale. Ainsi, pour le premier cas, l’article 9-2 prévoit que le droit de recours est accordé aux « membres du public concerné » ayant un intérêt suffisant pour agir ou faisant valoir une atteinte à un droit. Or, il est précisé que « ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne (…) ». Ainsi, les organisations non gouvernementales sont réputées avoir un intérêt et des droits auxquels il pourrait être porté atteinte lorsqu’elles œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et qu’elles remplissent les conditions pouvant être requises en droit interne. Dans le second cas, l’article 9-3 prévoit que « les membres du public » doivent pouvoir engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement, mais uniquement lorsqu’ils répondent « aux critères éventuels prévus par son droit interne ». Ces dispositions consacrent donc bien un droit au juge en matière d’environnement mais en aucune manière un accès inconditionnel des membres du public à la justice, une actio popularis environnementale, autorisant les Etats parties à établir des critères spécifiques auxquels ces derniers doivent répondre pour pouvoir effectivement exercer les recours prévus[23]. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que la Cour a, à l’occasion d’un renvoi préjudiciel formé dans un litige portant sur la protection d’une espèce d’ours brun en Slovaquie[24], conclu à l’absence d’effet direct de l’article 9-3, estimant que la disposition ne contient aucune obligation claire et précise de nature à régir la situation des particuliers[25].
On doit toutefois admettre que et ce, en dépit de l’autonomie institutionnelle procédurale sans cesse rappelée, le droit de l’Union dit beaucoup, et c’est là un élément important de spécificité, à propos des conditions d’accès aux juges des Etats membres de l’Union, notamment dans le domaine de l’environnement en arguant du principe de l’effectivité du droit de l’Union mais également de la nécessaire application des principes de la Convention d’Aarhus. Certes, les dispositions du droit dérivé se révèlent relativement limitées, sans doute ultime marque d’une volonté d’assurer le respect du principe de l’autonomie procédurale dont jouissent les Etats membres de l’Union (I). Mais, du côté de la jurisprudence de la Cour de justice, les prescriptions sont au contraire tout à fait nombreuses et précises et attestent clairement de ce que le juge de l’Union s’efforce, en la matière, à concilier autonomie procédurale et protection effective du droit d’accéder à la justice (II).
I – Un bilan législatif en demi-teinte : la marque de l’autonomie procédurale des Etats
Les prescriptions dans le droit dérivé de l’Union demeurent relativement rares mais surtout faiblement développées.
Eclatement des dispositions consacrant le droit au juge. Pendant longtemps, la question de l’accès au juge en matière d’environnement n’avait quasiment jamais été abordée en droit de l’Union européenne, si ce n’est, très succinctement par la directive 90/313 concernant la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement[26]. La question est aujourd’hui régie par plusieurs directives : la directive 2003/4 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement ; la directive 2003/35 prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement[27] ; la directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale[28] ; la directive 2010/75 relative aux émissions industrielles[29] ; la directive 2011/92 relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement[30] et la directive 2012/18 (dite Seveso III)[31]. À l’évocation de cette liste, on constate que le droit d’accès à la justice est envisagé uniquement dans des textes sectoriels imposant d’autres obligations environnementales (information, participation du public, évaluation des incidences…). L’option législative consistant à établir un instrument spécialement consacré à l’accès à la justice a en effet été écartée en 2003 alors que la Commission avait présenté une proposition dans ce sens[32] auxquels plusieurs Etats membres se sont opposés (au nom notamment du principe de subsidiarité[33]). C’est donc uniquement au sein de textes non spécifiques et épars qu’il est possible de trouver quelques dispositions relatives à l’accès aux juges nationaux et aux conditions qui l’entourent. En outre, à l’analyse, on ne peut que constater que les obligations y sont définies de manière relativement minimale.
Minimalisme des dispositions consacrant le droit au juge. La directive 2003/35 prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement (qui est venue modifier les directive 85/337 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et la directive 96/61 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution) constitue une illustration très claire d’un tel minimalisme. La directive 85/337 prévoyait la possibilité de recours devant les instances judiciaires ou administratives en cas de refus de communication abusif et se contentait de souligner que ce recours sera conforme à l’ordre juridique national. Pour assurer la mise en conformité du droit de l’Union à la Convention d’Aarhus, la directive 2003/35 révise ladite directive et insère un article 10 bis, à première vue plus développé, rédigé d’ailleurs en termes très proches de ceux utilisés dans la Convention[34]. Toutefois, les obligations prévues dans l’article sont, au final, pour le moins générales puisqu’il est prévu que les Etats membres garantissent que les membres du public ayant un intérêt suffisant pour agir ou faisant valoir une atteinte à un droit (lorsque le droit administratif procédural d’un État membre impose une telle condition) puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la directive. Ainsi, la directive confie clairement le soin aux États membres de déterminer à quel stade les décisions, actes ou omissions peuvent être contestés, ainsi que ce que constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit et donc ne vient pas réellement ouvrir les possibilités de recours déjà existantes dans les droits nationaux. Les obligations prévues par les autres textes sectoriels sont aussi minimales et ce, sans aucun doute, afin d’assurer le respect de l’autonomie procédurale des Etats. L’article 25 de la directive 2010/75 relative aux émissions industrielles, tout comme l’article 11 de la directive 2011/92 relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement sont rédigés en des termes identiques à la directive 2003/35. L’article 23 de la directive 2012/18 est rédigé encore plus succinctement puisqu’il prévoit une possibilité de réexamen des actes ou omissions d’une autorité compétente en lien avec une demande d’information et opère un renvoi à la directive 2011/92 s’agissant de l’accès à la justice[35]. La directive 2003/4 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement[36] prévoit, sans plus de précision, une possibilité de réexamen et un recours devant un organe indépendant et impartial établi par la loi. L’article 13 de la directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale, qui a notamment pour objectif d’encourager les personnes physiques et morales à jouer un rôle actif pour aider les autorités compétentes à remédier aux dommages environnementaux, prévoit enfin le principe d’un droit au recours tout en précisant qu’elle ne porte atteinte pas atteinte aux dispositions nationales éventuelles réglementant l’accès à la justice.
Au-delà du droit au recours ? Au total, rien n’est prévu au-delà de l’affirmation d’un droit au recours. Pourtant, le droit d’accéder à la justice dépend clairement de ce qui peut être considérer comme un intérêt pour agir ou une atteinte à un droit ; en outre, il emporte des conséquences plus larges, comme la possibilité de demander des mesures provisoires, la limitation des coûts des procédures voire une aide juridictionnelle ou le droit d’accéder à l’expertise, qui peut être essentiel dans les litiges environnementaux. Or, rien n’est prévu à ce sujet dans le droit de l’Union et les Etats membres sont donc libre de prévoir –ou non- des aménagements permettant de rendre effectif en pratique le droit au recours en matière d’environnement. Le bilan législatif est donc relativement maigre. Mais il est en partie compensé par une jurisprudence exigeante vis-à-vis des Etats membres, développée sur le fondement du principe d’effectivité du droit de l’Union et de la nécessaire application de la Convention d’Aarhus.
II – Une jurisprudence exigeante : la volonté de garantir l’accès au juge en matière d’environnement
Contrairement aux prescriptions législatives, les prescriptions jurisprudentielles sont nombreuses et souvent exigeantes. Celle énoncée par la Cour dans l’affaire emblématique[37] des ours bruns slovaques[38] est tout à fait symptomatique : « [i]l appartient […] à la juridiction de renvoi d’interpréter, dans toute la mesure du possible, le droit procédural relatif aux conditions devant être réunies pour exercer un recours administratif ou juridictionnel conformément tant aux objectifs de (…) la convention d’Aarhus qu’à celui de protection juridictionnelle effective des droits conférés par le droit de l’Union, afin de permettre à une organisation de défense de l’environnement (…) de contester en justice devant une juridiction une décision prise à l’issue d’une procédure administrative susceptible d’être contraire au droit de l’Union de l’environnement »[39]. En application de cette prescription générale, les arrêts rendus en la matière ont précisé les contours du droit au recours (1.), mais, au-delà, ont également délimité les conditions pratiques essentielles à son effectivité (2.). Ces précisions s’imposent aux juridictions nationales qui ont l’obligation d’interpréter de façon conforme le droit procédural national voir même, dans le cas où une telle interprétation conforme devait s’avérer impossible, de laisser inappliquée, dans le litige dont elle est saisie, la règle de droit procédural national contraire, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel[40].
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Les contours du droit au recours
Généralités sur la notion d’atteinte à un droit. Dans la mesure où la protection de l’environnement a principalement pour but de défendre l’intérêt public général et non de conférer expressément des droits aux particuliers, l’obstacle principal au droit au recours en matière d’environnement réside probablement dans la « doctrine de l’atteinte à un droit » qui exige, pour pouvoir agir en justice, d’apporter la preuve d’une atteinte portée à un intérêt individuel. Or, la jurisprudence de la Cour a précisé les limites au recours à une telle doctrine, considérant que, s’il appartient aux États membres de définir ce qui constitue une atteinte à un droit, ce pouvoir doit être modulé par la nécessité de garantir un large accès à la justice pour le public concerné. Un arrêt rendu sur question préjudicielle le 12 mai 2011 dans l’affaire Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland[41] a porté précisément sur une telle doctrine, retenue en Allemagne où le droit de recours reconnu aux organisations non gouvernementales contre un acte administratif n’est considéré recevable que si l’acte porte atteinte aux droits subjectifs du requérant. Le litige opposait une association à une autorité administrative allemande, au sujet d’une autorisation accordée pour la construction et l’exploitation d’une centrale électrique à charbon situé dans une zone autour de laquelle se trouvent cinq zones protégées au titre directive « Habitats »[42]. La Cour va affirmer que les différentes dispositions de la directive 85/337 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement telle que modifiée par la directive 2003/35 et particulièrement son article 10 dis déjà évoqué, doivent être interprétées à la lumière et compte tenu des objectifs de la convention d’Aarhus[43]. Elle insiste sur le fait qu’il convient de ne pas priver les associations de l’exercice du droit qui leur est reconnu par la Convention comme par le droit de l’Union[44] et déclare que la législation allemande en ce qu’elle restreint le droit d’accès au juge des associations de protection de la nature et s’avère contraire au droit de l’Union[45]. Restreindre le droit au recours des associations au seul motif que celles-ci protègent des intérêts collectifs, dit-elle, met à mal l’objectif « d’assurer au public concerné un large accès à la justice », en les privant « très largement de la possibilité de faire contrôler le respect des normes issues de ce droit, lesquelles sont, le plus souvent, tournées vers l’intérêt général et non vers la seule protection des intérêts des particuliers pris individuellement »[46]. On peut souligner que cette interprétation n’est pas isolée et a été, au contraire, confirmée, pour ce qui concerne la directive 2011/92 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dans une affaire Gruber à propos d’une législation autrichienne [47].
Droit de recours des associations. Les conditions d’accès au juge propres aux associations ont également été envisagées dans la jurisprudence de la Cour. Rappelons simplement que, selon les dispositions de la Convention d’Aarhus et du droit dérivé rappelé plus haut, toutes les ONG (et tous les membres du public) ne se voient pas reconnaître automatiquement qualité pour agir. Des critères peuvent être valablement prévus par le droit interne. La jurisprudence est pourtant venue préciser ce que peuvent être ces critères admissibles. Dans un arrêt rendu le 15 octobre 2009 dans l’affaire Djurgarden [48], la Cour a confirmé qu’une loi nationale, ici la loi suédoise, peut exiger qu’une association – qui entend contester par la voie juridictionnelle un projet couvert par la directive évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement– ait « un objet social en rapport avec la protection de la nature et de l’environnement » [49]. Le juge de l’Union a estimé en revanche que la législation en cause, qui subordonne le droit de recours des associations de protection de l’environnement à l’exigence d’un nombre minimum d’adhérents (plus de 2 000), était incompatible avec le droit de l’Union. Elle indique que si un tel critère peut s’avérer pertinent pour s’assurer de la réalité de l’existence et de l’activité d’une association, « le nombre d’adhérents requis ne saurait toutefois être fixé par la loi nationale à un niveau tel qu’il aille à l’encontre des objectifs de la directive 85/337 et notamment de celui de permettre facilement le contrôle juridictionnel des opérations qui en relèvent »[50]. En l’occurrence, selon la Cour, le niveau fixé par la législation suédoise -2000 adhérents minimum- risquait de priver, de fait, la plupart des associations de toute possibilité de recours[51].
Limites au droit de recours. Parmi les limites au droit de recours qui peuvent être prévues par les législations nationales, certaines tiennent non pas aux requérants (et à ses conditions en propre), mais aussi aux types d’actes attaquables. Rappelons d’ailleurs que l’article 2 de la Convention d’Aarhus exclut de son champ d’application les actes du pouvoir législatif et que l’article 1§5 de la directive n° 85/337 prévoit que celle-ci ne s’applique pas « aux projets qui sont adoptés en détail par un acte législatif national spécifique ». Dans l’affaire Boxus[52] la Cour a précisément eu à connaître de cette limite et a, en l’espèce, développé une position tout à fait favorable au recours et donc rigoureuse quant aux limites admises. Dans l’affaire, la Cour a d’abord clairement entendu élargir les actes contre lesquels les personnes physiques devraient pouvoir agir. Elle a en effet considéré qu’en dépit de la marge dont disposent les Etats membres qui leur permet notamment de déterminer quelle juridiction est compétente, les dispositions de la Convention et de la directive « perdraient cependant tout effet utile si la seule circonstance qu’un projet est adopté par un acte législatif (…) avait pour conséquence de le soustraire à tout recours permettant de contester sa légalité, quant au fond ou à la procédure »[53]. Et elle en conclut que dans l’hypothèse où aucun recours ne serait ouvert à l’encontre d’un tel acte, « il appartiendrait à toute juridiction nationale saisie dans le cadre de sa compétence d’exercer le contrôle décrit au point précédent et d’en tirer, le cas échéant, les conséquences en laissant inappliqué cet acte législatif »[54]. Dans la même affaire, la CJUE a par ailleurs eu à connaître d’autres limites posées au droit de recours. Elle a également à ces propos développé une jurisprudence rigoureuse. Elle a ainsi affirmé que « la participation au processus décisionnel en matière d’environnement […] est distincte et a une finalité autre que le recours juridictionnel ». Par conséquent, « les membres du public concerné […] doivent pouvoir exercer un recours contre une décision quel que soit le rôle qu’ils ont pu jouer dans l’instruction de ladite demande »[55]. Les Etats membres n’ont donc pas la possibilité de limiter le droit d’attaquer en justice une décision aux seuls membres du public concerné qui ont participé à la procédure d’adoption de celle-ci[56]. Dans un arrêt récent –Protect Natur déjà cité- relatif à une autorisation de captage d’eau dans une rivière afin d’alimenter les canons à neige d’une station de ski et où était en jeu l’application des dispositions de la directive-cadre sur l’eau[57], la Cour va plus loin encore s’opposant au droit autrichien qui prévoit que l’obtention de la qualité de « partie à la procédure » est une condition obligatoire pour pouvoir introduire un recours visant à contester la décision prise à l’issue de cette procédure, en ce que cette condition restreint le droit d’accéder à la justice car cela reviendrait à « priver le droit de recours de tout effet utile, voire de sa substance même, ce qui serait contraire à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte »[58].
La Cour a également eu l’occasion d’affirmer que, conformément à l’objectif visant à lui donner un large accès à la justice, le public concerné doit pouvoir, par principe, invoquer tout vice de procédure à l’appui d’un recours en contestation de la légalité des décisions visées par ladite directive[59]. Saisie en manquement s’agissant du système juridictionnel allemand, la Cour a eu, en 2015[60], l’occasion de s’exprimer à nouveau sur les limites tenant à l’étendue du recours et notamment sur cette dernière limite. Le recours en manquement concernait en effet la législation allemande qui liait la possibilité d’invoquer un vice de procédure à la condition que celui‑ci ait eu une incidence sur le sens de la décision finale contestée. La Cour a considéré qu’une telle condition rendait excessivement difficile l’exercice du droit de recours visé à l’article 11 de la directive 2011/92 et portait atteinte à l’objectif de cette directive visant à offrir aux « membres du public concerné » un large accès à la justice en privant cette disposition de tout effet utile. Il en irait autrement, selon elle, si la législation prévoyait une telle condition sans faire peser sur le demandeur la charge de la preuve du lien de causalité entre le vice de procédure invoqué et le résultat de la décision administrative attaquée, en renvoyant par exemple aux éléments de preuve fournis par le maître de l’ouvrage ou par les autorités compétentes et, plus généralement, de l’ensemble des pièces du dossier qui leur est soumis[61]. La législation allemande va également être condamnée par le juge de l’Union en ce qu’elle limite, au nom de l’efficacité des procédures administratives, les moyens susceptibles d’être invoqués par un requérant à l’appui d’un recours juridictionnel contre une décision administrative aux objections formulées durant la procédure administrative. Le fait de soulever un moyen pour la première fois dans le cadre d’un recours juridictionnel peut entraver le bon déroulement de cette procédure mais, selon la Cour, les dispositions du droit de l’Union visent à faire en sorte que le contrôle porte sur la légalité de la décision attaquée, quant au fond ou à la procédure, dans sa totalité[62]. Selon la Cour, les Etats demeurent toutefois libres de prévoir certaines limites à la recevabilité des recours au nom de l’efficacité des procédures, telle notamment l’irrecevabilité d’un argument présenté de manière abusive ou de mauvaise foi[63]. Il en va de même pour les règles de forclusion, à condition qu’elles ne restreignent pas excessivement le droit de recours juridictionnel[64].
Au terme de cette jurisprudence, qui est sans doute encore en construction, on constate donc que la marge de manœuvre des Etats au moment de fixer les critères encadrant le droit au recours, si elle existe, est bien loin d’être absolue. Qu’il s’agisse de l’intérêt à agir, du type d’associations pouvant saisir le juge, du type et de l’étendue du recours en cause, les prescriptions qui sont apportée par le juge de l’Union sont significatives et participent d’une certaine manière à une mise en œuvre satisfaisante des dispositions de la Convention d’Aarhus au niveau national, Convention qui est d’ailleurs utilisée systématiquement par la Cour en tant qu’élément d’interprétation. Mais la jurisprudence va plus loin, en consacrant, au-delà du droit au recours, les conditions visant à rendre celui-ci effectif en pratique.
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Au-delà du droit au recours
Si le droit au recours permet d’assurer l’effectivité des dispositions protectrices de l’environnement, sa consécration ne suffit pas à atteindre cet objectif. Encore faut-il que le justiciable puisse concrètement obtenir l’application des dispositions protectrices de l’environnement, en demandant par exemple, des mesures provisoires. Encore faut-il, en outre, que les coûts de procédure ne dissuadent pas celui-ci de faire usage de son droit.
Possibilité de demander des mesures provisoires. La possibilité de demander l’adoption d’une mesure administrative ou judiciaire de nature provisoire en application du droit interne (par exemple, ordonner la suspension du caractère exécutoire de la décision intégrée), qui permette temporairement, c’est-à-dire jusqu’à la décision au fond, d’arrêter la réalisation d’un projet ou l’exécution d’une décision risqués pour l’environnement semble être essentielle pour assurer l’effectivité de la protection de l’environnement, parfois tout autant que le recours en tant que tel. L’article 9-4, de la Convention d’Aarhus, exige d’ailleurs pour cette raison que les recours prévus permettent l’adoption de mesures provisoires adaptées. Toutefois, le droit dérivé de l’Union européenne quant à lui est muet sur la question. Dans l’arrêt Križan[65], qui concernait une autorisation de décharge, la Cour a été interrogée sur la question de savoir si les dispositions en matière d’accès à la justice de la directive 96/61 devenue la directive 2010/75 relative aux émissions industrielles, permettait, y compris en l’absence de disposition expresse, aux membres du public concerné de demander au juge d’ordonner des mesures provisoires de nature à suspendre temporairement l’application d’une autorisation dans l’attente de la décision définitive à intervenir. La Cour va répondre par la positive. Elle estime que l’objectif de cette directive qui est la prévention et la réduction intégrées des pollutions (par la mise en œuvre de mesures visant à éviter ou à réduire les émissions dans l’air, l’eau et le sol) ne serait pas rempli « s’il était impossible d’éviter qu’une installation susceptible d’avoir bénéficié d’une autorisation accordée en violation de cette directive continue à fonctionner dans l’attente d’une décision définitive sur la légalité de ladite autorisation »[66]. Ayant rappelé que la possibilité́ d’ordonner des mesures provisoires était une exigence générale de l’ordre juridique de l’Union[67] et l’expression du droit à un recours effectif reconnu par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux, le juge en conclut que la garantie de l’effectivité́ du droit d’exercer un recours prévu à l’article 15 bis exige que les membres du public concerné aient précisément le droit de demander à la juridiction des mesures provisoires de nature à prévenir ces pollutions, y compris, le cas échéant, par la suspension temporaire de l’autorisation contestée. En revanche, en conformité avec le principe de l’autonomie procédurale, il revient aux Etats membres qu’il appartient de fixer les modalités régissant l’octroi de mesures provisoires.
Limitation des coûts des procédures. La limitation des coûts des procédures participe à l’évidence au principe d’effectivité́ des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Il s’agit en effet concrètement d’éviter que les requérants ne soient pratiquement empêchés de former ou de poursuivre un recours juridictionnel à cause de la charge financière qui pourrait en résulter. D’ailleurs le paragraphe 4 de l’article 9 de la Convention exige que les procédures prévues soient objectives, équitables et rapides et leur coût ne soit prohibitif, ce qui est repris dans les dispositions du droit de l’Union et notamment dans l’article 10 bis de la directive 85/337 ainsi que l’article 15 bis de la directive 96/61. L’article 9-5, de la Convention prévoit, en ce but, l’obligation de mise en place de mécanismes appropriés d’assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l’accès à la justice. L’article 47, troisième alinéa, de la Charte des droits fondamentaux prévoit qu’une « aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité́ de l’accès à la justice » mais le droit dérivé de l’Union européenne ne met en place aucun mécanisme particulier en matière de protection de l’environnement. Or, certains systèmes nationaux, en particulier le système juridictionnel britannique, ont été soumis à l’appréciation de la Cour. Dans l’affaire Edwards et Pallikaropoulos, la Cour a considéré que l’interprétation de la notion de couts « prohibitifs » ne saurait relever du seul droit national et que, dans l’intérêt d’une application uniforme du droit de l’Union et en vertu du principe d’égalité́, cette notion devait trouver, dans l’Union, une interprétation autonome et uniforme. En vertu de cette exigence, et dans le cas des particuliers et des membres d’associations appelés à jouer un rôle actif dans la défense de l’environnement, selon la Cour, le coût d’une procédure ne doit « ni dépasser les capacités financières de l’intéressé ni apparaître, en tout état de cause, comme objectivement déraisonnable »[68]. L’affaire a conduit à ce que le juge se prononce sur la règle « perdant payeur », selon laquelle la juridiction nationale peut ordonner que la partie qui succombe supporte l’ensemble des dépens de la procédure, y compris les dépens de la partie adverse. Sans remettre en cause le principe de la condamnation de la partie défaillante, la CJUE affirme que l’exigence de coût non-prohibitif oblige la juridiction nationale appelée à statuer sur les dépens à tenir compte tant de l’intérêt de la personne qui souhaite défendre ses droits que de l’intérêt général lié à la protection de l’environnement. Dans le cadre de cette appréciation, le juge national ne saurait se fonder uniquement sur la situation économique de l’intéressé, mais doit également procéder à une analyse objective du montant des dépens. Il peut tenir compte de la situation des parties en cause, des chances raisonnables de succès du demandeur, de la gravité de l’enjeu pour celui-ci et pour la protection de l’environnement, de la complexité du droit et de la procédure applicables, du caractère éventuellement téméraire du recours à ses différents stades ainsi que de l’existence d’un système national d’aide juridictionnelle ou d’un régime de protection en matière de dépens. Saisie d’un recours en manquement contre le Royaume-Uni[69], la Cour a également envisagé un système de plafonnement des dépens et constaté qu’a priori, la possibilité́ pour le juge saisi d’octroyer une ordonnance de protection des dépens assure une plus grande prévisibilité́ du coût du procès et participe du respect de l’exigence relative aux coûts non prohibitifs. Elle a toutefois jugé que plusieurs caractéristiques du régime de protection des dépens de l’État membre – telles que l’absence d’obligation d’accorder la protection lorsque le coût de la procédure est objectivement déraisonnable et l’exclusion de la protection dans le cas où seul l’intérêt particulier du requérant est en cause – impliquaient que le régime en question ne pouvait satisfaire à l’exigence relative à l’absence de coût prohibitif.
Au terme de ce panorama, il apparaît clairement qu’en dépit du principe d’autonomie procédurale, le droit de l’Union, prioritairement jurisprudentiel, garanti de manière assez vigoureuse le principe d’un accès effectif au juge dans le domaine de l’environnement. Or, paradoxalement, le droit de l’Union ne garantit pas de manière équivalente l’accès à son propre prétoire.
Deuxième partie – L’accès à la Cour de justice de l’Union européenne : la spécificité environnementale déniée par le droit de l’Union
Intérêt de la question. La question de l’accès à la Cour de justice de l’Union européenne présente, à première vue, un intérêt moindre que la précédente dans la mesure où le contentieux relatif aux actes et activités ayant possiblement un impact sur l’environnement se déroule principalement devant les juges nationaux, y compris lorsque le droit de l’Union européenne est en jeu. Et pour cause, ce que le droit de l’Union, au plan matériel, prévoit, ce sont principalement des obligations à destination des autorités nationales (en matière de qualité environnementale, de surveillance de l’état de l’environnement ou relatives à l’élaboration de plans et de programmes visant à réduire la pollution et les déchets ou encore relatives au conditionnement de certaines activités à l’octroi d’un permis ou d’une autorisation) qui se concrétisent par des réglementations générales internes, ainsi que par des décisions et actes spécifiques émanant des autorités publiques nationales. La question n’est pourtant pas, loin de là, marginale. Elle est ne l’est pas d’abord car, au plan pratique, un nombre non négligeable de décisions, plus exactement des autorisations de faire (ou de ne pas faire), sont prises au niveau de l’Union, par la Commission européenne qu’il s’agisse des décisions d’autorisation de dissémination d’OGM, d’utilisation d’herbicides, des décisions d’approbation de plans nationaux (en matière d’émissions industrielles, de réduction de gaz à effet de serre) ou encore des décisions de soutien d’activités (de financement de création de centrales électriques). Elle ne l’est pas ensuite au plan axiologique car, les personnes physiques et morales doivent, eu égard à l’objectif d’Union de droit, pouvoir accéder au juge de l’Union pour contester l’ensemble des actes – y compris de portée générale- pris par l’Union dans le secteur de l’environnement.
Rappels liminaires sur les voies de droit devant la Cour de justice. Envisager l’accès des personnes physiques et morales à la Cour impose d’effectuer quelques rappels liminaires. Il faut d’abord rappeler que certains recours ne sont pas ouverts aux particuliers. C’est le cas du recours en manquement. Certes, toute personne peut déposer, sans frais, une plainte auprès de la Commission contre un État membre et il n’a pas à démontrer l’existence d’un intérêt à agir. Toutefois, la Commission apprécie discrétionnairement si une suite doit être donnée ou non à une plainte. Il importe en outre de rappeler que certains recours, s’ils sont ouverts aux personnes physiques et morales ne sont, dans le domaine environnemental, quasiment jamais activés. C’est le cas du recours en responsabilité extracontractuelle de l’Union[70]. Dès lors, l’analyse se porte logiquement principalement sur les conditions de recevabilité du recours en annulation qui d’ailleurs déterminent en grande partie celles des recours complémentaires que sont l’exception d’illégalité et le recours en carence. La question centrale peut être résumée ainsi : dans quelles conditions, une personne physique ou morale peut-elle saisir la Cour de justice de l’Union européenne (entendu comme désignant en première instance le Tribunal, puis en pourvoi la Cour) lorsqu’elle estime que les institutions ou les organes européens ont violé les droits qu’elle tire des dispositions protectrices de l’environnement ? Plus spécifiquement, dans quelle situation se trouvent un individu ou une organisation non gouvernementale qui souhaitent remettre en question la validité d’un acte de l’Union susceptible de porter atteinte à la protection de l’environnement, que l’acte en question soit de nature législative ou exécutive ?
La réponse n’est pas a priori complexe : les conditions classiques (et génériques) d’accès au juge de l’Union pour les personnes physiques et morales telles qu’énoncées dans le traité s’appliquent, ce qui est n’est pas surprenant, dans le domaine de l’environnement. Il suffit dès lors de les rappeler pour rendre compte de l’accès au juge de l’Union dans la matière environnementale. Doit-on pourtant conclure- et c’est dès lors la question principale- à l’absence de spécificités procédurales en cette matière ? La question est d’autant plus importante que les conditions prévues par le traité et interprétées par le juge ne permettent qu’un accès étroit des personnes physiques et morales au juge. A l’examen[71], la conclusion est clairement positive. L’interprétation jurisprudentielle desdites conditions par le juge de l’Union dans les contentieux environnementaux est absolument identique à l’interprétation classique sans qu’aucune spécificité ne puisse être, en dépit de propositions en ce sens, relevée (I). Or, alors même que des potentialités étaient et sont espérées, pour l’heure, l’application de la Convention d’Aarhus et de ses prolongements dans l’Union n’a pas permis de modifier la situation d’un prétoire encore clairement verrouillé (II).
I- Le statu quo dans l’interprétation des conditions d’accès à la Cour
Délimitées à l’article 263 § 4 TFUE, substantiellement modifiées par le traité de Lisbonne[72], les conditions du recours en annulation pour les personnes physiques et morale envisagent trois hypothèses pour lesquelles les conditions fixées sont distinctes. Toute personne physique ou morale peut d’abord former un recours contre les actes dont elle est le destinataire. Elle peut aussi le faire contre les autres actes dont elle n’est pas le destinataire, mais qui la concernent directement et individuellement. Enfin, un recours peut être formé « contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ». C’est précisément cette troisième hypothèse qui a été ajoutée dans le dernier traité et qui, en ne répétant pas, pour cette hypothèse, la condition contestée d’individualité visée dans la seconde, a vocation à élargir le droit de recours des personnes physiques et morales. Ces trois hypothèses et surtout les conditions qu’elles prévoient ont fait l’objet naturellement de nombreuses interprétations qu’il convient de rappeler (1) avant de constater qu’elles ont été absolument reprises, sans changement, dans les contentieux environnementaux (2).
1- Rappel des conditions « interprétées » du recours en annulation
Interprétation ancienne : l’exemple de l’interprétation de la condition d’individualité. Sans qu’il soit besoin d’y revenir tant la question est bien connue, l’interprétation la plus déterminante a longtemps été celle relative aux conditions prévues dans le cadre de la seconde hypothèse : soit celle qui exige qu’il soit démontré que l’acte -dès lors qu’il n’a pour destinataire le requérant- le concerne « individuellement » et « directement ». Elle est, on le sait, particulièrement stricte, notamment (mais pas seulement[73]) à propos du critère d’individualité, pour lequel le juge exige, depuis l’arrêt Plaumann, qu’il soit démontré que l’acte atteint le requérant « en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire »[74]. Et l’invocation du droit à une protection juridictionnelle effective consacré sous la forme principe général du droit puis de l’article 47 de la Charte, pourtant « appelé à la rescousse pour servir de fondement à l’assouplissement des conditions de recevabilité du recours en annulation »[75], n’a pas permis de faire évoluer ladite interprétation. La Cour rappelle, sans déroger qu’elle ne peut, sans excéder ses compétences, s’écarter des conditions qui sont expressément prévues par le traité et ce même à la lumière du principe de protection juridictionnelle effective[76]. En conséquence, la recevabilité des recours relatifs aux actes de portée générale n’a été admise que dans des hypothèses particulières, lorsque les requérants ont fait partie d’un cercle restreint de personnes (opérateurs économiques) identifié ou identifiable au moment où l’acte a été pris[77] ou lorsqu’ils sont intervenus dans le processus menant à l’adoption de l’acte en application de garanties de procédure prévues par la réglementation de l’Union[78].
Interprétations récentes de l’hypothèse « Lisbonne ». Plus récemment, des interprétations importantes ont concerné la troisième branche de l’article 263 § 4, celle insérée à l’occasion du traité de Lisbonne. Elles ont d’abord concerné la notion d’« actes règlementaires » que le traité[79] n’avait pas défini ce qui ne pouvait manquer de provoquer de vives discussions[80]. Pour simplifier la querelle, « les uns estimaient qu’il fallait inclure les actes législatifs dans la catégorie des actes réglementaires, alors que les autres s’y opposaient »[81]. La première hypothèse semblait pouvoir être déduite des certaines versions linguistiques[82] et décisions jurisprudentielles[83]. Mais, eu égard à l’organisation du paragraphe comme du libellé du projet de traité constitutionnel[84] dont provenait, mot pour mot, la rédaction de l’article 263 TFUE, la seconde hypothèse paraissait également envisageable. C’est d’ailleurs celle qu’a retenu le Tribunal puis la Cour, les deux ayant considéré tour à tour que la notion d’acte réglementaire « doit être comprise (…) comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs »[85]. En conséquence d’une telle interprétation, il ne fait aucun doute que, pour les actes législatifs, avant ou après le traité de Lisbonne, la situation des requérants n’a pas changé et notamment « la teneur de la condition de l’affectation individuelle telle qu’interprétée par la Cour dans sa jurisprudence constante depuis l’arrêt Plaumann »[86]. D’autres interprétations à propos de cette troisième hypothèse attestent également de ce que les conditions ne sont finalement pas aussi souples que prévu et l’ouverture de l’accès au prétoire de l’Union sans doute moins importante qu’espéré. C’est le cas de l’interprétation de celle de « l’absence de mesure d’exécution » de l’acte réglementaire. Si les premières interprétations étaient plutôt favorables au requérant[87], la Cour a ultérieurement adopté une conception clairement plus restrictive. Selon elle, toute mesure nationale d’exécution d’un acte règlementaire doit être considérée comme faisant obstacle au recours en annulation à son encontre, y compris celles purement mécaniques qui ne pourtant laissent transparaître aucune intervention discrétionnaire des autorités nationales[88]. C’est aussi le cas de la troisième condition qui exige que l’acte règlementaire en cause « concerne directement » le requérant. Et pour cause, suivant sa jurisprudence classique sur l’affectation directe déjà envisagée[89], le juge exige la démonstration d’un effet sur la situation juridique du requérant[90]. Toutefois, souvent, les actes règlementaires de l’Union produisent non pas des effets de droit, mais des effets purement matériels, mais, pour l’heure, le juge ne les admet pas afin de déterminer si un requérant est ou concerné « directement »[91].
2- L’application – sans changement- aux actes susceptibles de porter atteinte à l’environnement
L’arrêt Stichting Greenpeace. Une telle configuration a été reproduite pour les contentieux environnementaux sans qu’aucune spécificité ne puisse être détectée. Il n’a en effet jamais été admis d’exception procédurale environnementale qui tiendrait compte du fait qu’en matière environnementale les intérêts sont par nature collectifs et qu’il est donc encore plus difficile d’identifier un cercle fermé de requérants satisfaisant aux critères retenus par la jurisprudence. La lecture du premier arrêt pertinent en la matière, l’arrêt Stichting Greenpeace[92] permet de l’illustrer. Au soutien de la recevabilité de leur recours en annulation d’une décision de la Commission relative au concours financier apporté par le Fonds européen de développement régional à la construction de deux centrales électriques aux îles Canaries, Greenpeace International ainsi que des associations locales et des résidents avaient en effet défendu l’idée que la jurisprudence Plaumann ne pouvait être transposée dans des cas où les intérêts légitimes affectés par la décision attaquée ne sont pas de nature économique, mais sont liés aux conséquences négatives pour l’environnement. Selon eux, pour vérifier si un particulier est concerné individuellement par un acte lorsqu’est invoquée une atteinte à l’environnement, le juge devrait exiger du requérant qu’il établisse les trois éléments suivants : a) qu’il a subi personnellement un préjudice (actuel ou potentiel), à cause du comportement prétendument illégal de l’institution communautaire concernée, par exemple la violation de ses droits en matière d’environnement ou l’atteinte à ses intérêts légitimes découlant de ce bien qu’est l’environnement ; b) que le préjudice résulte de l’acte attaqué ; et c) que le préjudice soit susceptible d’être réparé par une décision juridictionnelle. L’Avocat général lui-même avait plaidé en faveur d’un « souhaitable élargissement de la jurisprudence »[93] du fait de la nature particulière des actes dans le domaine de l’environnement qui, en effet, sont susceptibles d’affecter de larges catégories de citoyens de manière générale et abstraite ce qui peut aboutir à écarter, en application de la jurisprudence Plaumann, pour cette seule raison, tous les recours formés. Il proposait dès lors un schéma –distinct de celui des requérant- articulé autour du critère dit du « cercle fermé »[94] de sujets de droit affectées « de manière particulière » soit du fait de raisons géographiques[95] soit du fait d’autres raisons (qui se confondent assez nettement à la notion de préjudice[96]). Le Tribunal puis la Cour n’ont toutefois pas repris ces propositions et ont, au contraire, clairement affirmé que la jurisprudence Plaumann était applicable aux questions environnementales[97] pour conclure à l’irrecevabilité du recours. Selon la Cour, « le concours de circonstances suffisantes pour que le requérant puisse prétendre qu’il est affecté par la décision attaquée d’une manière qui le caractérise par rapport à toute autre personne, reste applicable, quelle que puisse être la nature des intérêts affectés, économiques ou autres, des requérants »[98] et « la seule référence à un préjudice que sont susceptibles de subir, de manière générale et abstraite, des particuliers (…) ne suffit pas à conférer au requérant la qualité pour agir »[99]. L’Avocat général explicite ce maintien : selon lui « reconnaître à tout sujet de droit dont l’intérêt à la préservation de l’environnement est affecté par un acte d’une institution communautaire le droit d’attaquer cet acte (…) équivaudrait à admettre l’action populaire dans toutes les affaires ayant une dimension environnementale »[100]. Or, « une évolution de la jurisprudence dans cette direction est impossible, parce que, outre les obstacles pratiques auxquels elle se heurte, elle va à l’encontre de la lettre (…) du traité »[101].
Les arrêts postérieurs. Cette jurisprudence n’a pas, depuis lors, changé[102] et ce d’autant plus que les hypothèses particulières reconnues par le juge pour d’autres domaines n’ont, dans le domaine de l’environnement, pas prospéré[103]. Certes, la modification induite par le traité de Lisbonne aurait pu modifier la donne. Elle devrait ouvrir par exemple, pour les opérateurs économiques affectés par des actes règlementaires de protection de l’environnement, de nouvelles opportunités d’accès au juge sous réserve, naturellement, que les conditions prévues par le traité soient bien remplies ce qui, pour l’heure, n’a pas été le cas[104]. En revanche, s’agissant des recours des associations ou ONG en matière d’environnement à l’encontre d’actes règlementaires susceptibles de porter atteinte à l’environnement, les opportunités ne devraient pas élargies, à moins que la mesure en question n’affecte, ce qui est hautement improbable, directement son statut juridique. On relèvera d’ailleurs qu’aucune action d’associations ou ONG en matière d’environnement n’a été considérée comme recevable par le juge de l’Union. N’a pas été jugé comme tel le recours en annulation de deux ONG de défense de l’environnement à l’encontre de deux décisions de la Commission européenne relatives à l’utilisation de deux herbicides ayant des effets négatifs potentiels sur l’environnement et la santé humaine (l’atrazine et la simazine)[105]. N’a pas non plus été jugée recevable[106] le recours d’une association de promotion de l’utilisation durable des ressources naturelles, WWF-UK, en annulation d’un règlement du Conseil établissant, pour 2007, les possibilités de pêche et les conditions associées pour certains stocks halieutiques applicables dans les eaux communautaires[107].
Recours considérés comme recevables. Les seuls recours recevables ont concerné les cas où les associations ou ONG étaient destinataires d’une décision. Cela a été le cas à propos de l’accès à l’information environnementale. Parce que les ONG avaient été destinataires de décision de refus de demande d’accès à un certain nombre de documents, lorsqu’elles ont décidé d’introduire des recours en annulation à l’encontre desdites décisions, elles ont mécaniquement été considérées comme recevables à agir[108]. Cela a été également le cas à propos de demandes de « réexamen » de mesures prises au titre du droit de l’environnement et ce, en application du règlement pris par l’Union pour appliquer la Convention d’Aarhus. Cela conduit naturellement, pour envisager ces recours, à interroger les effets d’une telle convention sur l’accès, à côté des prétoires nationaux, au prétoire de l’Union. Force est toutefois de constater que, pour l’heure, les effets de la Convention paraissent encore tout à fait limités, même si, pour l’avenir, ils ne peuvent pas être totalement exclus.
II- Les effets limités de la Convention d’Aarhus quant aux conditions d’accès à la Cour
L’Union est, on l’a dit, aux côtés des Etats, partie[109] à la Convention et à ce titre, ses institutions, dont la Cour, sont soumises aux obligations de la Convention, en particulier celle prévue à l’article 9-3 de la Convention. A d’ailleurs été adopté, en ce but, un règlement n° 1367/2006[110] qui a pour objet de contribuer à l’exécution de ces obligations de la convention d’Aarhus par les institutions et organes de l’Union. La question est la suivante : la Convention d’Aarhus (et son règlement d’exécution) a-t-elle et peut-elle impliquer un changement s’agissant de l’accès au juge de l’Union dans le domaine de l’environnement ? Cette question de l’effet de la Convention est une question ancienne, aussi ancienne sans doute que la date de signature par l’Union de ladite Convention. Très tôt il a pu être souligné que « la signature par l’Union de la Convention d’Aarhus pourrait fournir « l’argument externe » quelque peu exonératoire des hésitations internes propres à accélérer de manière décisive l’évolution »[111] s’agissant de l’accès au prétoire. Toutefois, plusieurs années plus tard, l’effet de la Convention ne s’est pas encore réalisé. D’abord, on l’a vu, l’interprétation des conditions d’accès au juge –tel que prévues par le traité- n’a pas été modifiée sous l’influence de la Convention. Pourtant, certains requérants avaient fait valoir, devant la juridiction de l’Union, la Convention précisément en ce but. Il avait été en particulier avancé que les droits en matière d’information et de participation du public consacrés par la Convention devaient être considérés comme permettant de caractériser (individualiser) un requérant par rapport à toute personne ce que le Tribunal a refusé, soulignant que « les éventuels droits que la requérante tire de la Convention d’Aarhus (…) lui sont octroyés en sa qualité de membre du public » et ne sauraient donc avoir d’effet sur la situation des requérants[112]. « La Cour[113] a confirmé cette interprétation et n’a donc pas jugé utile de reconsidérer son interprétation du Traité à la lumière de la Convention d’Aarhus »[114]. Ensuite, les effets ne se sont pas réalisés car l’option retenue dans le cadre du règlement pris en exécution de la Convention a été pour le moins prudente (1) et en aucune manière compensé par la possibilité d’une invocabilité directe de la Convention que la Cour n’a pas admise (2) même si les pressions actuelles et non négligeables, en dehors de l’Union, doivent être considérées (3).
- L’option prudente retenue dans le cadre du règlement Aarhus
La procédure de réexamen interne d’actes administratifs. Pour répondre à la question de savoir si la situation relative à l’accès au juge de l’Union a été modifiée par la Convention, il importe d’abord d’examiner les dispositions du règlement pris en application de ce texte dans l’Union afin d’identifier ce qu’elles permettent (ou non) de neuf. A priori, la réponse devrait être positive puisque le règlement prévoit une nouvelle procédure en vue de l’application de l’article 9-3 de la Convention, prévue à l’article 10-1 du texte, sous l’intitulé procédure de « réexamen interne d’actes administratifs ». Cette procédure permet à toute organisation non-gouvernementale s’occupant de la protection de l’environnement – et répondant aux critères fixés par l’article 11[115]– de formuler une demande écrite visant à un réexamen interne auprès de l’institution ou organe de l’Union[116] qui a adopté un acte (ou qui a omis d’adopter un acte qu’il était censé adopter) au titre du droit de l’environnement. La demande, faite dans un délai de 6 semaines après l’adoption de l’acte de notification ou de publication, devra être étudiée par l’institution ou l’organe en cause qui devra faire une réponse au demandeur dans un délai de 12 à 18 semaines suivant réception de la demande. Pour l’heure, 35 demandes de réexamen ont été adressées à la Commission. Elles ont toutes abouti à un rejet de l’admissibilité de la demande de réexamen ou un refus – au fond- de celle-ci. Selon l’article 12 du règlement, en cas de réponse défavorable à une demande de réexamen, l’association demanderesse pourra saisir la Cour -conformément aux dispositions pertinentes du traité- et notamment former un recours en annulation de la décision de rejet de la demande de réexamen adressée par l’institution ou l’organe saisi. Dans 15 cas, un recours a été déposé.
La question de la nouveauté au plan juridictionnel. Il faut admettre toutefois que, au-delà de la nouveauté administrative, la nouveauté au plan juridictionnel paraît toute relative : il a toujours été en effet possible pour un destinataire d’une décision individuelle – ici de rejet d’une demande de réexamen- de contester ladite décision sans avoir à démontrer un quelconque intérêt à agir (consubstantiel au fait d’être destinataire de l’acte). D’ailleurs, une telle contestation, le précise clairement l’article 12 devra être effectuée conformément aux dispositions pertinentes du Traité. Toutefois, en réalité, le règlement offre aux ONG, y compris quand à l’accès au prétoire, quelque chose de neuf : la possibilité de porter à l’attention du juge – sous couvert d’une décision de rejet d’une demande de réexamen- une décision « de base » qu’elles considèrent comme affectant la protection de l’environnement et ce, sans avoir à remplir les traditionnelles conditions de recevabilité pour les décisions adressées à des tiers et en dehors du délai de deux mois. Certes, l’objet du recours ne peut en aucun cas être de rechercher l’illégalité de la décision « de base », uniquement celle de la décision de rejet de la demande de réexamen. Cependant, les arguments avancés pour démontrer l’illégalité de la décision de rejet du réexamen peuvent également démontrer, par ricochet, l’illégalité de la décision de base et que, en cas d’annulation, la décision de base devra être soumise à une procédure administrative de réexamen. Que la question de l’articulation entre cette possibilité nouvelle et l’article 263 du TFUE ait été posée n’est de ce fait pas surprenant. Elle l’a été dans l’affaire TestBioTech[117] à propos du recours en annulation à l’encontre d’une décision de rejet d’une demande de réexamen (d’une décision de la Commission d’autorisation de mise sur le marché de produits contenant du soja modifié, consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci)[118]. Fort heureusement, le Tribunal a conclu que les deux voies, celle du réexamen et celle du recours en annulation, devaient être absolument déconnectées[119]. Selon lui, le recours en annulation doit être considérée comme recevable, y compris si, par ce biais, de façon « inhérente », il est « contesté la légalité ou le bien-fondé de l’acte visé par la demande de réexamen, à savoir en l’espèce la décision d’autorisation »[120], à condition toutefois que les moyens soulevés à l’appui dudit recours ne fassent valoir que l’illégalité de la décision attaquée[121].
L’obstacle du champ d’application du règlement. Quoique neuve, ladite procédure souffre d’un défaut majeur relié à son champ d’application[122]. Il faut dire que la procédure de réexamen ne s’applique pas à l’ensemble des actes adoptés par les institutions et organes de l’Union mais seulement aux « actes administratifs » adoptés en outre « au titre du droit de l’environnement ». S’agissant de l’exigence d’un acte administratif pris « au titre du droit de l’environnement », elle ne paraît pas très rigoureuse car la définition donnée par l’article 2-1, sous f), dudit règlement est plutôt compréhensive – quoique plus réduite que ce que prévoit la Convention d’Aarhus[123]-. Il s’agit de « toute disposition législative de l’Union qui, indépendamment de sa base juridique, contribue à la poursuite des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement tels que prévus par le traité : la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement, la protection de la santé des personnes, l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles et la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement ». Sur cette base, le juge de l’Union a ainsi pu estimer qu’une décision d’autorisation de mise sur le marché (à l’exception de la culture) de produits contenant du soja modifié, consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci[124] qui, pourtant engageaient principalement des enjeux de santé humaine (liée à la consommation de denrées alimentaires)[125], pouvait être qualifiée d’acte adopté au titre du droit de l’environnement[126]. En revanche, tel n’est pas le cas de la notion d’acte administratif. En effet, le règlement en retient une définition plutôt stricte : doit être considérée comme un acte administratif, selon l’article 2-1, sous g) du texte, « toute mesure de portée individuelle (…) ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur ». La procédure de réexamen ne vise donc que les mesures (contraignantes[127]) individuelles et exclut clairement les actes de portée générale (qu’ils soient législatifs ou règlementaires) [128]. Dans les faits, on doit admettre que seul un très petit nombre de décisions adoptées en matière d’environnement, principalement les permis et les autorisations, entrent sous l’empire du règlement et donc sont susceptibles de demandes de réexamen. Or, une tel champ d’application, au stade du contentieux, ne permet pas d’évolution substantielle. Et pour cause, ce type d’actes, les actes individuels, peuvent toujours être contestées devant le juge de l’Union par les destinataires desdits actes sans démontrer un quelconque intérêt supplémentaire à agir. Que l’évolution du champ d’application ait été envisagée et plaidée n’est donc guère surprenant et ce d’autant plus qu’il est clairement plus restrictif que ce que prévoit le texte plus libéral de la Convention d’Aarhus.
- L’absence d’invocabilité directe de la Convention d’Aarhus devant la Cour
La question de la non- conformité du règlement à la Convention d’Aarhus. En effet, contrairement au règlement, le texte de la Convention d’Aarhus ne fait aucunement référence à la portée individuelle des actes et se limite à exclure de son champ d’application les actes législatifs[129]. On comprend que la question de la non- conformité du règlement aux dispositions de la Convention d’Aarhus ait précisément été soulevée et ce jusque devant le Tribunal d’abord puis la Cour ensuite. Elle l’a été dans le cadre de deux affaires, l’une relative à une décision de la Commission accordant au Royaume des Pays-Bas une dérogation temporaire aux obligations prévues par la directive 2008/50 sur la qualité de l’air[130], l’autre relative à un règlement de la Commission fixant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides dans les produits [131]. Dans les deux cas, les demandes de réexamen de ces deux textes -formulées par plusieurs associations- avaient été rejetées par la Commission précisément au motif que les textes ne pouvaient être qualifiés de mesures de portée individuelle[132] et donc d’actes administratifs. Les associations avaient alors introduit un recours en annulation de ces décisions de rejet (des demandes de réexamen )[133] et avancé, au soutien, l’invalidité de l’article 10 §1 du règlement au regard de la Convention d’Aarhus[134]. En première instance, le recours a abouti car le Tribunal a annulé les décisions de rejet et, pour ce faire, a prononcé l’invalidité de l’article 10 § 1 : selon lui, « une procédure de réexamen interne qui ne concernerait que les mesures de portée individuelle aurait une portée très limitée dans la mesure où les actes pris dans le domaine de l’environnement sont le plus souvent des actes de portée générale. Or, au vu des objectifs et de l’objet de la convention d’Aarhus, une telle limitation n’est pas justifiée »[135]. La Cour, saisie en pourvoi, n’a pourtant pas suivi le Tribunal (ni d’ailleurs les conclusions de son Avocat général[136]) et a rejeté le recours en annulation. Le raisonnement de la Cour ne suit pas celui du Tribunal dès ses prémisses, plus précisément dès le stade de sa réponse à la question de la possibilité d’invoquer l’article 9-3 de la Convention d’Aarhus à l’appui d’un examen de la validité de l’article 10 § 1 du règlement.
Le refus de la Cour d’admettre l’invocabilité directe de la Convention d’Aarhus. Le Tribunal n’avait pas ignoré la question de l’invocabilité directe. Et pour cause, selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union ne procède à l’examen de la validité d’une disposition d’un règlement au regard d’un traité international « que lorsque la nature et l’économie de celui-ci ne s’y opposent pas et que, par ailleurs, ses dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises »[137]. Toutefois, par exception à cette jurisprudence et aux conditions fixées, la Cour avait pu admettre, dans l’hypothèse où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre d’un accord international (ou dans le cas où l’acte renvoie expressément à des dispositions précises de cet accord), de contrôler la légalité de l’acte en cause au regard des dispositions de cet accord[138]. Le Tribunal avait conclu que précisément, s’agissant du règlement, c’était le cas dans la mesure où il a clairement pour objet de mettre en oeuvre la Convention d’Aarhus[139]. La Cour ne va pourtant pas suivre cette position[140]. Selon elle, d’une part, l’article 9-3 de la Convention, ne contient pas d’obligation inconditionnelle et suffisamment précise[141] et d’autre part, l’article 10 § 1 du règlement ne peut être considéré comme « mettant en œuvre » la Convention. Pour asseoir cette seconde affirmation, sans doute la moins convaincante, la Cour ne se focalise pas à dessein sur le règlement – dont l’intitulé ne permettait guère de douter puisqu’il était un règlement d’application de la Convention- mais sur l’article 9-3 de la Convention. Soulignant que l’article organise pour les Parties contractantes « une large marge d’appréciation quant à la définition des modalités de mise en œuvre des « procédures administratives ou judiciaires »[142], dès lors, selon la Cour, le règlement ne peut être considérer comme étant un texte strictement d’application dudit article.
Appréciation de la jurisprudence. On doit admettre qu’à ce stade, le raisonnement de la Cour interroge tant il paraît excessivement exigeant et ce, à la fois à propos de la conclusion d’absence d’effet direct de la Convention[143] que de celle d’absence d’exécution par le règlement de ladite Convention. Et pour cause, le règlement a pour objectif – affiché[144]– d’assurer l’exécution des obligations découlant de la convention. Il paraît d’autant plus exigeant qu’à d’autres occasions, l’approche de la Cour a été sensiblement plus ouverte[145]. Il témoigne en fait, cela ne fait guère de doute, de la forte sensibilité de la Cour à l’égard – en général- de la place des accords internationaux dans l’ordre juridique de l’Union et notamment de leur invocabilité dans les contentieux relatifs au droit dérivé. Reste que, en l’espèce, ce faisant, la Cour a, sans avoir in fine adressé la question de la conformité du droit de l’Union à la Convention d’Aarhus[146], clairement réduit les potentialités de la Convention et permis le maintien de l’étroit champ d’application de la procédure de réexamen interne.
- Les pressions en dehors de l’Union sur la base la Convention
Les deux décisions du Comité d’examen du respect de la Convention. Si les effets actuels sont clairement réduits, la question des effets futurs peut être posée. Elle peut l’être d’autant plus que, du côté de la Convention d’Aarhus, le travail d’interprétation a précisément abouti à exiger de la part du droit de l’Union et de son juge, une évolution. On rappellera que les Parties ont, dès leur première réunion, décidé de créer le Comité d’examen du respect de la Convention[147]. Or ce comité a adopté, en réponse à la communication de l’ONG ClientEarth[148], deux décisions sur les conditions d’accès au juge de l’Union et sur leur conformité avec l’article 9 de Convention[149]. Cela mérite d’être noté car le comité « est semble-t-il le premier organe indépendant extérieur à l’Union à se prononcer sur l’accès aux voies de droit de l’Union européenne » [150]…Cela mérite d’autant plus de l’être que, à deux reprises, le comité a mis en évidence des insuffisances du droit de l’Union vis-à-vis du respect de l’article 9. Dans une première décision rendue le 14 avril 2011[151], tout en admettant que le Traité peut être interprétée d’une manière qui satisferait au critère défini au paragraphe 3 de l’article 9 de la Convention, le comité a considéré que, pour l’heure, la jurisprudence de la Cour était « trop rigoureuse pour que les critères de la Convention puissent être remplis »[152]. Il en conclut mécaniquement au non-respect de l’article 9-3 (et de l’article 9-4) de la Convention et recommandé « de faire en sorte que toutes les institutions européennes pertinentes, dans le cadre de leurs compétences, prennent des mesures pour corriger les lacunes de la jurisprudence des juridictions européennes lorsqu’il s’agit d’assurer au public concerné l’accès à la justice en matière d’environnement »[153]. Dans une décision du 17 mars 2017[154], le comité a clairement enfoncé le clou considérant que le droit de l’Union, plusieurs années plus tard, ne respectait toujours pas la Convention d’Aarhus. Pourtant, entre temps, le Traité avait été révisé s’agissant des conditions du recours en annulation et le règlement 1367/2006 d’application de la Convention avait commencé à fonctionner[155]. Toutefois, le comité a estimé que l’interprétation du nouvel article 263, quatrième alinéa, du TFUE relatif aux aux actes réglementaires qui concernent directement la personne et qui ne comportent pas de mesures d’exécution[156] était excessivement restrictive[157]. Il a en outre considéré que le règlement Aarhus ne pouvait pas pallier ces déficiences étant donné qu’il est lui aussi contraire[158] à la Convention sur plusieurs points[159] notamment parce qu’il réserve la procédure de réexamen et les contestations contentieuses qui en découlent aux actes de portée individuelle[160] ce qui, selon lui, au vu des objectifs et de l’objet de la Convention d’Aarhus, est « une limitation non justifiée ». Le comité a recommandé que la jurisprudence de la Cour intègre pleinement la Convention ou, à titre subsidiaire, que l’Union européenne modifie son règlement Aarhus ou adopte une nouvelle législation[161]. Dans les deux décisions, le comité a bien rappelé que les voies de recours devant les tribunaux nationaux (conjuguées à la question préjudicielle) « ne doivent pas être un motif pour refuser »[162] une évolution de la jurisprudence rigoureuse à l’égard de laquelle elles ne sont pas une « contrepartie »[163].
La réaction de l’Union européenne. Il n’est pas surprenant, eu égard à l’importance des griefs, que l’Union ait réagi. Elle l’a fait à l’occasion même de l’adoption de la décision du comité d’examen par les Etats parties à la Convention[164]. La réaction a été forte car la Commission[165], puis le Conseil[166], quoiqu’avec quelques différences, ont argué, pas moins, que les conclusions du comité ne reconnaissaient pas la spécificité de l’ordre juridique de l’Union et de ses voies de droit et, ce faisant, « remettaient en question des principes constitutionnels de droit de l’Union qui revêtent un caractère à ce point fondamental qu’il est juridique impossible pour l’Union de suivre ces conclusions et de s’y conformer »[167]. Les arguments avancés au soutien sont classiques et rejoignent ceux avancés régulièrement par la Cour[168] : ils tiennent principalement[169] à l’existence, en sus de l’accès au juge de l’Union, d’un accès aux juridictions nationales qui peut permettre de compenser et compléter les voies de recours devant le juge de l’Union. En effet, selon eux, « les conclusions du comité ne reconnaissent ni le rôle central des juridictions nationales (…) ni la procédure de renvoi préjudiciel (…) en tant que voie de recours valide »[170]. La conséquence d’une telle mobilisation est que la proposition d’approbation de la décision du comité d’examen n’a pas réussi à réunir le consensus lors de la dernière réunion des Parties à la Convention[171]. Il a été convenu de créer un groupe informel pour continuer la discussion et de reporter la discussion à une prochaine réunion des Parties. Si l’Union a réussi à « temporiser », reste que ce contexte d’ensemble fait peser sur elle une contrainte politique non négligeable.
Pour conclure, on doit admettre que, jusqu’à présent, le droit au juge tel que consacré notamment dans le droit de l’Union, a principalement emporté des obligations pour les juridictions nationales sans déclencher, à côté de ces obligations « à usage externe »[172], des obligations « internes » qui concerneraient le juge de l’Union. Il y a clairement, dans cette situation pour le moins paradoxale, de sérieux motifs de déception sur le terrain de la reconnaissance d’un droit d’accès au juge dans le domaine de l’environnement. Certes, les raisons sont tout à fait déconnectées de la question de la protection de l’environnement. Et pour cause, la réticence de « consommer le mariage » »[173] entre droit au juge et règles relatives aux recours n’est pas spécifique au domaine, mais d’ensemble (liées à la crainte de l’engorgement du prétoire et à la place des juges nationaux). Cela est le cas aussi lorsqu’il est question de l’invocabilité de la Convention d’Aarhus car les enjeux de la réponse dépassent de loin le domaine de l’environnement pour toucher aux éléments fondamentaux de l’ordre juridique de l’Union européenne. On pourrait y voir un motif d’optimisme. Toutefois, il n’en reste pas moins que la réalité est la même : la situation en matière d’accès à la Cour pour les personnes physiques et morales, lorsque des actes « environnementaux » sont en jeu, demeure bien peu favorable. Certes, et c’est l’argument régulier dans la jurisprudence, une telle situation est en partie compensée par l’accès aux juges nationaux qui peuvent connaître des mesures nationales de mise en œuvre du droit de l’Union. L’effet compensatoire semble d’autant plus important que, par sa jurisprudence, la Cour a fixé des exigences nombreuses et favorables à l’accès aux juridictions nationales. Cependant, un hiatus persiste dans la mesure où en cas d’invalidité des mesures prises au niveau de l’Union elle-même, l’accès au juge de l’Union ne vient pas prolonger l’accès au juge national. Et le mécanisme de la question préjudicielle ne permet pas de résoudre entièrement un tel hiatus. Certes, en cas de doute sur la validité du droit de l’Union, le juge national a l’obligation de déférer ladite question (préjudicielle en appréciation de validité) à la Cour. Cependant, dans ce cadre, les possibilités pour les particuliers sont bien d’être équivalentes à celles ouvertes dans le cadre du recours en annulation, notamment (mais pas seulement[174]) parce que ces derniers n’ont pas la maîtrise du renvoi préjudiciel qui relève du pouvoir d’appréciation des juridictions internes[175]. Et les désavantages en comparaison d’une action directe devant le juge de l’Union (devant le tribunal) sont clairement plus nombreux, notamment en termes de coûts, de longueur voire de sûreté de la procédure[176].
* Le présent article est publié dans le cadre d’un projet de recherche collectif financé par la Mission de recherche Droit et Justice, intitulé « Le procès environnemental : du procès sur l’environnement au procès pour l’environnement », sous la direction de M. Hautereau-Boutonnet et E. Truilhé-Marengo.
[1] Certains auteurs ont développé des théories inverses, attribuant aux éléments de l’environnement le droit d’ester en justice : C. D. Stone, Should trees have standing ? Toward legal rights for natural objects, South California Law review, 1972, p. 450 et Should tree have standing ? And other essays on law, morals and environment, Oceana Publications, New York, 1996, 181 p.
[2] E. Truilhé-Marengo, Droit de l’environnement de l’Union européenne, Larcier, Bruxelles, 2015, 409 p.
[3] M. Dougan, The Treaty of Lisbonn 2007 : Winning Minds, Not Hearts, CML Rev., n° 45, 2008, 678. Voir aussi, A. Vauchez, L’Union par le droit, Les presses de Sciences Po, 2013, 398 p.
[4] CJUE, 29 juin 2010, E. et F. aff. C-550/09, Rec. p. 6213; CJUE, 19 décembre 2013, Telefonica / Commission européenne, aff. C-274/12 P, Rec. p. 852, pt. 56. Voir bien avant pour la consécration de la notion de « Communauté de droit » : CJCE, 23 avr. 1986, « Les Verts » / Parlement européen, aff. 294/83, Rec. p. 1339, pt. 23.
[5] La Cour de justice l’avait d’abord reconnu en tant que principe général de droit, inspiré de la Convention européenne des droits de l’homme et des traditions constitutionnelles communes aux États membres : CJCE, 15 mai 1986, Johnston, aff. 222/84, Rec. p. 1651, pt. 18. Voir pour une vue détaillée : F. Picod, Droit au juge et voies de droit communautaire : un mariage de raison, Mélanges en l’honneur de P. Manin, L’Union européenne, union de droit, union des droits, Pedone, 2010, pp. 907-920.
[6] Article 19 § 1 TUE.
[7] Le Traité FUE a institué, notamment par ses articles 263 et 277, d’une part, et 267, d’autre part, un « système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union » (CJUE, 19 déc. 2013, Telefonica / Commission européenne, précité, pt. 57).
[8] Décision 2005/370, du 17 février 2005, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, JOCE du 17/05/2005, n° L 124.
[9] CJUE, 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie VLK, Affaire C-240/09, Rec. p. 1255, pt. 30.
[10] C. Larssen, B. Jadot, La convention d’Aarhus, dans L’accès à la justice en matière d’environnement, Bruylant, 2005, p. 219
[11] Article 9-1 : « Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que toute personne qui estime que la demande d’informations qu’elle a présentée en application de l’article 4 a été ignorée, rejetée abusivement, en totalité ou en partie, ou insuffisamment prise en compte ou qu’elle n’a pas été traitée conformément aux dispositions de cet article, ait la possibilité de former un recours devant une instance judiciaire ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi ».
[12] Article 9-2 : « Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné a) ayant un intérêt suffisant pour agir ou, sinon, b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d’une Partie pose une telle condition, puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l’article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente Convention ».
[13] Projet de décision du Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Aarhus concernant l’Union européenne n° ACCC/C/2008/32 adoptée le 17 mars 2017.
[14] J. Bétaille, Accès à la justice de l’Union européenne, le Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Aarhus s’immisce dans le dialogue des juges européens : à propos de la décision no ACCC/C/2008/32 du 14 avril 2011, RJE, n°4, 2011. pp. 547-562.
[15] COM du 28 avril 2017, C(2017) 2616 final. Cette communication peut être vue comme une réponse – anticipée- de la Commission précisément à la décision du Comité en charge de l’application de la Convention d’Aarhus : la jurisprudence de la Cour sur l’accès aux prétoires nationaux y est présentée comme la marque du respect de cet engagement international par les institutions de l’Union.
[16] Point 9 de la Communication.
[17] Point 210 de la Communication.
[18] CJUE, 20 décembre 2017, Protect Natur, C‑664/15. Le litige interne concernait une autorisation d’une installation de production de neige (appartenant à une station de ski) et comprenant un bassin de stockage alimenté par de l’eau prélevé dans une rivière situé en Autriche. En l’espèce, la procédure administrative avait été menée par l’autorité compétente suivant les prescriptions de la loi autrichienne relative au droit de l’eau destinée à transposer la directive-cadre sur l’eau qui ne prévoit pas de dispositions spécifiques relatives à la participation ou au droit de recours juridictionnel des ONG. Protect Natur, une organisation de défense de l’environnement, contestait la décision au motif que le projet en cause aurait des incidences notables sur des zones protégées au titre de la directive « habitats » et détériorerait l’état des masses d’eau. Mais, le droit de participation, en tant que partie à la procédure, à la procédure d’autorisation, lui avait été refusé (notamment car elle n’avait pas fait avoir à temps ses objections) et faute d’être reconnue comme ayant la qualité de partie à la procédure, l’ONG s’était vue également déniée la possibilité d’introduire un recours devant une juridiction nationale afin de contester une décision d’autorisation du projet.
[19] Pt. 47 de l’arrêt.
[20] Dans le cadre de l’étude, l’expression « Cour de justice de l’Union européenne » sera entendue, suivant le traité (article 19 § 1 TUE) comme désignant la Cour de justice et le Tribunal.
en première instance le Tribunal, puis en pourvoi la Cour)
[21] Conclusions rendues le 29 avril 2004 dans l’affaire Commission /France, C-304/02, pt. 29.
[22] CJCE, 16 décembre 1976, Rewe, aff. 33/76, Rec. p. 1989, pt. 5. Voir, par analogie, CJUE, 18 octobre 2011, Boxus e.a., C-128/09 à C-131/09, C-134/09 et C-135/09, Rec. p. 9711, pt. 52.
[23] K. Andrusevyvh, Case Law of the Aarhus Convention, 2004‑2011, p. 80.
[24] CJUE arrêt du 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie VLK, aff. C-240/09, Rec. p. 1255
[25] La Cour se fonde ici sur le fait que, comme évoqué plus haut, le texte fait référence à des critères spécifiques auxquels le public doit répondre selon le droit interne pour bénéficier de ce droit. Il nécessite donc un acte ultérieur pour son application et à ce titre ne peut prétendre à être qualifié d’effet direct.
[26] Directive 90/313 du 7 juin 1990, concernant la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement, JOCE n° L 158 du 23/06/1990 p. 56. Article 4 : « Une personne estimant que sa demande d’information a été abusivement rejetée ou négligée, ou qu’elle n’a pas reçu une réponse satisfaisante de la part de l’autorité publique, peut introduire un recours judiciaire ou administratif à l’encontre de la décision, conformément à l’ordre juridique national en la matière ».
[27] Directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 prévoyant la participation du public lors de l’élaboration de certains plans et programmes relatifs à l’environnement, et modifiant, en ce qui concerne la participation du public et l’accès à la justice, les directives 85/337/CEE et 96/61/CE du Conseil, JOCE n° L 156 du 25/06/2003 p. 17.
[28] Directive 2004/35 du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, JOCE du 30/04/2004, n° L 143.
[29] Article 27.
[30] Article 11.
[31] Article 23.
[32] Proposition de directive relative à l’accès à la justice en matière d’environnement /COM/2003/0624 final- COD 2003/0246.
[33] J.-F. Delile, La protection juridictionnelle dans le domaine environnemental en droit de l’Union européenne : la victoire de l’incohérence. Julien Bétaille. Le droit d’accès à la justice en matière d’environnement, LGDJ, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2016, p. 100 ; L. Krämer, The Environement Complaint in the EU, Journal of European Environmental and Planning Law, 2009, p. 17.
[34] « Les États membres veillent, conformément à leur législation nationale pertinente, à ce que les membres du public concerné : a) ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le droit administratif procédural d’un État membre impose une telle condition, puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public. Les États membres déterminent à quel stade les décisions, actes ou omissions peuvent être contestés. Les États membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l’objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice. À cette fin, l’intérêt de toute organisation non gouvernementale, répondant aux exigences visées à l’article 1er, paragraphe 2, est réputé suffisant aux fins du point a) du présent article. De telles organisations sont aussi réputées bénéficier de droits susceptibles de faire l’objet d’une atteinte aux fins du point b) du présent article ».
[35] Article 23 Accès à la justice : « Les États membres veillent à ce que a) toute personne qui demande des informations conformément à l’article 14, paragraphe 2, point b) ou c), ou à l’article 22, paragraphe 1, de la présente directive, puisse demander le réexamen, conformément à l’article 6 de la directive 2003/4/CE, des actes ou omissions d’une autorité compétente en ce qui concerne une telle demande, b) dans leur cadre juridique national respectif, les membres du public concerné aient accès aux procédures de recours visées à l’article 11 de la directive 2011/92/UE pour les affaires relevant de l’article 15, paragraphe 1, de la présente directive ».
[36] Directive n° 2003/4 du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil, JOCE n° L 41 du 14 février 2003.
[37] Elle l’est car elle concerne une décision d’une autorité publique d’autoriser la chasse à l’ours brun, dérogeant aux dispositions de la directive « Habitats » dont les dispositions « ne visent pas à protéger les personnes mais l’environnement, dans l’intérêt général du public ».
[38] CJUE, 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie VLK, Affaire C-240/09, Rec. p. 1255.
[39] Pt. 51 de l’arrêt.
[40] CJCE, du 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106/77, Rec. p. 629, pts. 21 et 24 et CJUE, 5 avril 2016, PFE, aff. C‑689/13, Rec. p. 199, pt. 40 ainsi que jurisprudence citée.
[41] CJUE arrêt du 12 mai 2011, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein‑Westfalen eV, aff. C-115/09, Rec. p. 3673.
[42] Directive 92/43 du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite « Habitats », JOCE du 22/7/1992, n° L 206.
[43] Pt 41.
[44] Pt 44.
[45] Pt 45.
[46] Pt 46.
[47] CJUE, 16 avril 2015, Karoline Gruber / Unabhängiger Verwaltungssenat für Kärnten e.a., Aff. C-570/13, Rec. p. 231, pts. 39 et 40.
[48] CJCE, 15 octobre 2009, Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening et le Stockholms kommun genom dess marknämnd, aff. n° C-263/08, Rec. p. 9967.
[49] Pt 46.
[50] Pt 47.
[51] Le gouvernement suédois reconnaissait que seules deux associations répondaient en pratique à cette condition.
[52] CJUE, 18 octobre 2011, Boxus, aff. C-128/09 à 131/09 et C-134/09, 135/09, Rec. p. 9711. Voir : J.-F. Delile. La protection juridictionnelle dans le domaine environnemental en droit de l’Union européenne : la victoire de l’incohérence in J. Bétaille. Le droit d’accès à la justice en matière d’environnement, LGDJ, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2016, pp. 91-124.
[53] CJUE, 18 octobre 2011, Boxus, précité, pt. 53.
[54] Pt. 55 de l’arrêt.
[55] Pt. 38 de l’arrêt.
[56] Ce qui est conforme au Guide d’application de la Convention d’Aarhus, p. 195, disponible sur : https://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/pp/implementation%20guide/french/aigf.pdf.
[57] CJUE, 20 décembre 2017, Protect Natur, aff. C‑664/15, Rec. p. 987.
[58] Pts. 68-69 de l’arrêt.
[59] CJUE, 7 novembre 2013, Gemeinde Altrip e.a., aff. C‑72/12, Rec. p. 712, pts 47 et 48.
[60] CJUE, 15 octobre 2015, Commission / Allemagne, aff. C-137/14, Rec. p. 683.
[61] Voir, CJUE, 7 novembre 2013, Gemeinde Altrip e.a., précité, pt. 53.
[62] CJUE, 15 octobre 2015, Commission c/ Allemagne, précité, pt. 80.
[63] Pt. 81 de l’arrêt.
[64] CJUE, 20 décembre 2017, Protect Natur, C‑664/15, pt. 101.
[65] CJUE, 15 janvier 2013, Jozef Križan, Aff. C‑416/10, Rec. p. 8.
[66] Pts. 108 et 109 de l’arrêt précité.
[67] CJCE, 19 juin 1990, Factortame e.a., C-213/89, Rec. p. 2433, pt. 21, CJCE, 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, Rec. p. 2271, pt. 67.
[68] CJUE, 11 avril 2013, Edwards et Pallikaropoulos, Aff. C‑260/11, Rec. p. 221, Pt. 40.
[69] CJUE, 13 février 2014, Commission / Royaume-Uni, Aff. C‑530/11, Rec. p. 67.
[70] Cette voie est tout à fait ouverte aux personnes physiques et morales puisqu’aucune condition ne leur est imposée quant à leur intérêt pour agir. Toutefois, les conditions de la responsabilité sont telles que ce recours n’a quasiment jamais été activé pour demander la réparation de préjudices dans le domaine de l’environnement. Les contentieux portent pour l’heure exclusivement sur des comportements des institutions qui – dans l’objectif de protéger l’environnement- créent des préjudices économiques dans le chef de particuliers. Voir par exemple CJUE, 14 octobre 2014, Jean-François Giordano c/ Commission, Aff. C-611/12 P, Rec. p. 2282l. Des mesures d’urgence interdisant la pêche du thon rouge dans l’océan Atlantique et dans la Méditerranée adoptées par la Commission n’engagent pas la responsabilité de l’Union dans la mesure où elles sont prévues par le règlement (CE) no 2371/2002, relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques. Il n’y a dès lors pas d’illégalité du comportement de la Commission et les préjudices économiques liés à l’interdiction de l’activité de pêche ne pourront pas être indemnisées.
[71] Voir il y a quelques années, sur ce thème, l’excellent article de N. De Sadeleer et C. Poncelet, Contestation des actes des institutions de l’Union susceptibles de porter atteinte à l’environnement et à la santé humaine, un pas en avant, deux pas en arrière, RTDE, janv-mars 2013, p. 15.
[72] E. Brosset, Clartés et obscurités des actes de l’Union européenne dans le traité de Lisbonne in E. Brosset, C. Chevallier-Govers, V. Edjaharian, C. Schneider (Dir.), Le traité de Lisbonne, déconstitutionnalisation ou reconfiguration de l’Union européenne, Bruylant, 2009, pp. 107-138.
[73] La condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par un acte communautaire pour être recevable à agir dans le cadre d’un recours en annulation requiert deux éléments. Premièrement, l’acte attaqué doit produire directement des effets sur la situation juridique du requérant. Deuxièmement, cet acte ne doit laisser aucun pouvoir d’appréciation aux autorités nationales chargées de sa mise en œuvre (Voir arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C-386/96 P, Rec. p. 2309, pt. 43 et arrêt du Tribunal du 27 juin 2000, Salamander e.a./Parlement et Conseil, T-172/98, T-175/98 à T-177/98, Rec. p. II-2487, pt. 62 et la jurisprudence citée). Ces critères ne sont pas négligeables et la démonstration n’est pas toujours facile : voir parmi d’autres exemples, Ordonnance du Tribunal du 22 juin 2006, Markku Sahlstedt et autres / Commission, aff. T-150/05, Rec. p. 172. Le recours en annulation introduit par les requérants contre la décision 2005/101/CE de la Commission, du 13 janvier 2005, arrêtant, en application de la directive « habitats », la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique boréale, n’est pas recevable car la décision litigieuse ne produit pas, par elle-même, des effets sur la situation juridique des requérants qui ont la qualité de propriétaire de terrains situés dans ces zones. Cette décision ne contenant aucune disposition quant au régime de protection des sites d’importance communautaire, telles des mesures de conservation ou des procédures d’autorisation à respecter, elle n’affecte ni les droits et obligations des propriétaires de biens fonciers ni l’exercice de ces droits.
[74] CJCE, 15 juillet 1963, Plaumann / Commission, aff. 25/62, Rec. p. 199
[75] S. Marciali, Enfin un élargissement des conditions de recevabilité des recours en annulation des personnes physiques et morales, RMUE, n° 509, juin 2007, p. 383.
[76] Voir par exemple pour une formulation déjà catégoriquement en ce sens : TPICE, 27 juin 2000, Salamander e. a. / Parlement et Conseil, T-172/98, Rec. p. II-2487, pt 75. Voir aussi, CJCE, 25 juillet 2002, UPA, aff. C-50/00 P, Rec. p. 3425, pt. 38.
[77] Lorsqu’un acte affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques, notamment lorsque cet acte modifie les droits acquis par les particuliers antérieurement à l’adoption dudit acte (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, Rec. p. 159, pts. 71 et 72 ainsi que jurisprudence citée).
[78] Voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 1977, Metro SB-Großmärkte/Commission, 26/76, Rec. p. 1875, pt. 13, ainsi que Tribunal, ordonnance, 25 mai 2004, Schmoldt e.a./Commission, aff. T- 264/03, Rec. p. 157, pt. 40 et jurisprudence citée.
[79] L’explication de cette négligence oscille entre celle reliée au « manque de temps » ou au « défaut de consensus » : J. Van Meerbeeck et A. Van Waeyenberge, Les conditions des recours introduits par les particuliers : au cœur du dédale européen in N. De Sadeleer et a., Les innovations du traité de Lisbonne : incidences pour le praticien, Bruylant, 2011, p. 178.
[80] Voir notamment K. Lenaerts, Le traité de Lisbonne et la protection juridictionnelle des particuliers en droit de l’Union, Cahiers de droit européen 2009, p. 711 à 745 (en particulier, 725 et suiv.) ainsi que M. Wathelet et J. Wildemeersch, Recours en annulation : une première interprétation restrictive du droit d’action élargi des particuliers ? Journal de droit européen 2012, p. 75 à 79.
[81] Conclusions de l’Avocat général Mme Kokott du 17 janvier 2013. Aff. C-583/11 P, pt 28.
[82] Voir les conclusions de l’Avocat général Mme Kokott du 17 janvier 2013. Affaire C‑583/11, pt 31. « C’est le cas de la version française : il existe une similitude incontestable entre la notion de « règlement » au sens de l’article 288-2 TFUE et l’expression « acte règlementaire ».
[83] L’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union par exemple est subordonné à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. La nature générale ou individuelle d’un acte n’est pas, en la matière, « déterminante pour établir si l’on se trouve en présence d’une telle violation » (Voir arrêt du 19 avril 2007 Holcim / Commission, aff. C-282/05, Rec. p. 2941, pts. 47 et 48).
[84] Dans le projet, au vu des nouvelles dénominations de lois et de lois-cadres pour viser les « actes législatifs », il ne faisait guère de doute que seuls les actes d’exécution étaient visés par l’expression « d’actes règlementaires ». Voir R. Mehdi et F. Picod, Article I-33 in A. Levade, L. Burgorgue-Larsen et F. Picod (Dir.) Traité établissant une constitution pour l’Europe, commentaire article par article, T1, Bruylant, 2005 p. 398.
[85] Trib. UE, Ord. 6 sept. 2011, déjà cité, pt. 56.
[86] Trib. UE, Ord. 6 sept. 2011, déjà cité, pt. 71.
[87] Trib. UE, 21 oct. 2011, Microban International Ltd et Microban (Europe) Ltd / Commission, aff. T-262/10, Rec. II- 7697. D. Simon, Actes attaquables, Europe n° 12, Décembre 2011, comm. 448. Selon le Tribunal, toute mesure nationale d’exécution ne doit pas être considérée comme faisant obstacle au recours en annulation, notamment celles purement techniques et automatiques qui ne laissent transparaître aucune intervention discrétionnaire des autorités nationales. A noter qu’il n’était toutefois pas si sûr que cette interprétation place le requérant dans une position si favorable puisque, avant l’adoption de quelconque mesure d’exécution, celui-ci a, dans un délai de deux mois, à analyser finement l’acte, sa nature afin de conclure ou non à « son aptitude ou son inaptitude (…) à requérir des mesures d’exécution » : C. Blumann, Actes législatifs et mesures d’exécution dans le projet de Constitution pour l’Europe, in Les dynamiques du droit européen en début de siècle. Etudes en l’honneur de Jean-Claude Gautron, Pedone, 2004, p. 267
[88] La recevabilité d’un recours notamment à l’encontre d’un règlement n° 302/2011, portant ouverture d’un contingent tarifaire d’importation exceptionnel en ce qui concerne certaines quantités de sucre est rejeté dans la mesure où le règlement ne déploie ses effets juridiques à l’égard des parties requérantes « que par l’intermédiaire d’actes pris par les autorités nationales (…) (qui) constituent des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE. Cette conclusion n’est pas remise en cause par le prétendu caractère mécanique des mesures prises au niveau national étant donné que ce critère est dépourvu de pertinence à cet égard » (CJUE, 28 avr. 2015, T & L Sugars Ltd, aff. 456/13 P, Rec. p. 284, pts. 40-42).
[89] « Il est légitime de s’interroger sur le point de savoir si cette notion doit faire l’objet d’une interprétation différente de celle qui a été développée dans le cadre de la jurisprudence (…) Néanmoins, il y a lieu de relever (…) que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE poursuit un objectif d’ouverture des conditions d’introduction des recours directs (…). Dès lors, la notion d’affectation directe telle que nouvellement introduite dans cette disposition ne saurait, en tout état de cause, faire l’objet d’une interprétation plus restrictive que la notion d’affectation directe telle qu’elle apparaissait à l’article 230, quatrième alinéa, CE » (Tribunal, 25 octobre 2011, Microban International Ltd et Microban (Europe) Ltd contre Commission européenne, précité, pts. 31 et 32).
[90] Ainsi, dans l’arrêt Microban, le Tribunal a ainsi admis la recevabilité d’un recours contre la décision de la Commission relative à la non-inscription d’un additif (le triclosan) sur la liste des additifs concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires car, quoique de portée générale, produisait directement des effets sur la situation juridique des parties requérantes dès lors que celles-ci achètent du triclosan et l’utilisent pour fabriquer leurs produits.
[91] C’est la proposition de l’Avocat général dans l’affaire Inuit : Conclusions de l’Avocat général, Mme Kokott du 17 janvier 2013. Affaire C‑583/11 P, pt. 71. Voir : E. Brosset, Les enseignements de l’affaire Inuit Tapiriit Kanatami, RDUE, 2015, n° 586 p.173-188 ; F.-V. Guiot, L’affaire inuit : une illustration des interactions entre recours individuel et équilibre institutionnel dans l’interprétation de l’article 263 TFUE, RTDE 2014, p. 389. Voir enfin les quelques cas où la Cour, dans le domaine de la concurrence, les a admis : Voir arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391 et du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C-525/04 P, Rec. p. 9947. Voir aussi arrêts du Tribunal du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T‑114/02, Rec. p. II-1279, pt. 89, et du 30 septembre 2003, ARD/Commission, T-158/00, Rec. p. II-3825, pt. 60.
[92] Ordonnance TPICE du 9 août 1995, Greenpeace e.a./Commission (T-585/93, Rec. p. II-2205) confirmée par l’arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Stichting Greenpeace Council (Greenpeace International) e.a. / Commission des Communautés européennes. Affaire C-321/95 P. Rec. p. 1651.
[93] Conclusions de l’Avocat général Georges Cosmas présentées le 23 septembre 1997, affaire C- 321/95 P, pt. 104.
[94] « La tâche du juge consiste alors à délimiter, sur la base de critères appropriés, l’ampleur de ce cercle fermé, la longueur de son rayon » (Pt. 104 des conclusions).
[95] « Les personnes se trouvant à proximité des travaux – ce qui est ici le cas- subissent les conséquences de ceux-ci d’une autre manière et plus intensément que celles se trouvant en un lieu plus éloigné, parce que précisément ces dernières se trouvent à une distance plus grande du centre de l’intervention touchant à l’environnement. Il en découle logiquement que l’on pourrait soutenir que les personnes de la première catégorie constituent un « cercle » particulièrement fermé et délimité et se trouvent donc dans une situation de fait qui les caractérise par rapport à tout autre sujet de droit » (Pt. 104 des conclusions).
[96] L’Avocat général estime en effet, suivant l’exemples des droits nationaux, que « la nature des conséquences qu’a ou est susceptible d’avoir l’intervention touchant à l’environnement et surtout que l’ampleur, c’est-à-dire la gravité de ces conséquences » devraient être pris en considération. Il cite d’ailleurs pour le droit français le voisinage qui constitue le critère de base en vertu duquel une qualité pour agir à l’encontre de permis de bâtir est reconnue aux personnes physiques ; or pour la reconnaissance de cette qualité de voisin, on prend en considération, outre la distance par rapport aux travaux projetés, la nature et la gravité des conséquences qu’ils comportent.
[97] On doit toutefois relever un passage qui laisse songer à une ouverture : la Cour, pour répondre aux arguments des requérants visant à démontrer que la jurisprudence ne tient pas compte de la nature et du caractère spécifique des intérêts environnementaux qui fondent leurs recours, souligne que « c’est la décision de construction des deux centrales en cause qui serait de nature à porter atteinte aux droits en matière d’environnement dont les requérants se prévalent » et que « la décision attaquée, relative au financement communautaire de ces centrales, ne peut avoir qu’une incidence indirecte sur ces droits » (pts 30 et 31 de l’arrêt de la Cour) ce qui a amené à considérer que, dans une autre hypothèse, l’argument aurait pu prospérer. Pour l’heure, il n’y a toutefois aucun exemple en ce sens.
[98] Pt. 8 de l’arrêt.
[99] Pt. 9 de l’arrêt.
[100] Pt. 103 des conclusions.
[101] Ibidem.
[102] Voir par exemple TPICE, 22 décembre 1995, Marie-Thérèse Danielsson, Pierre Largenteau et Edwin Haoa contre Commission des Communautés européennes, Aff. T-219/95 R, Rec. 1995 II-03051 : « À cet égard, à supposer même que les requérants puissent, le cas échéant, subir un préjudice personnel lié aux prétendues conséquences néfastes des essais nucléaires en cause pour l’environnement ou pour la santé de la population, cette circonstance ne suffirait pas, à elle seule, à les individualiser d’une manière analogue à celle du destinataire de la décision litigieuse […] dans la mesure où un préjudice du type de celui qu’ils invoquent pourrait affecter, de manière indifférenciée, toute personne résidant dans la zone considérée ». Voir aussi, TPICE, 28 novembre 2005, European Environmental Bureau (EEB) et Stichting Natuur en Milieu / Commission, Aff. jointes T-236/04 et T-241/04, Rec. 2005 II-04945, pt. 56 ou encore TPICE, 2 juin 2008, WWF-UK Ltd / Conseil, T-91/ 07, Rec. p. 170, pt. 82 et CJCE, 5 mai 2009, WWF-UK Ltd / Conseil et Commission, C-355/ 08, Rec. p. 286.
[103] Voir pour un bilan de la jurisprudence l’arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, Rec. p. 159, pts 71-72 ainsi que jurisprudence citée. Mais ladite jurisprudence n’a pas été souvent appliquée en matière d’environnement. Voir CJUE, 24 novembre 2016, Ackermann, Aff. jointes C-408/15 P et C-409/15, Rec. p. 893. Voir aussi TPICE, 2 juin 2008, WWF-UK Ltd / Conseil de l’Union européenne, T-91/ 07, Rec. p. 170 (WWF-UK n’a pas été considérée comme étant individuellement concernée et la qualité pour agir ne lui a pas été accordée, alors même le règlement contesté avait été pris en vertu d’un règlement du Conseil qui lui accordait, en tant que membre du Conseil consultatif régional de la mer du Nord, des droits procéduraux dans le processus décisionnel).
[104] Tribunal, du 4 juin 2012, Eurofer ASBL / Commission européenne, Affaire T-381/11, Rec. p. 273. La décision 2011/278/UE de la Commission définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission (de gaz à effet de serre) à titre gratuit prévoit la détermination, par les États membres, de la quantité annuelle finale de quotas d’émission alloués à titre gratuit pour les installations concernées sur leurs territoires. Par conséquent, la décision attaquée ne constitue pas un acte réglementaire qui ne comporte « pas de mesures d’exécution » au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (c’est nous qui soulignons).
[105] Trib. UE, 28 novembre 2005, European Environmental Bureau (EEB) et Stichting Natuur en Milieu / Commission, Aff. jointes T-236/04 et T-241/04, Rec. II-4945.
[106] TPICE, 2 juin 2008, WWF-UK Ltd / Conseil, T-91/ 07, Rec. p. 170, pt. 82 et CJCE, 5 mai 2009, WWF-UK Ltd c/ Conseil et Commission, C-355/ 08, Rec. p. 286.
[107] JOCE 2007, L 15, p. 1
[108] CJUE, 23 novembre 2016, Commission / Stichting Greenpeace Nederland et PAN Europe, aff. C-673/13 P, Rec. p. 889. Le 20 décembre 2010, Stichting Greenpeace Nederland et Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) ont demandé l’accès à plusieurs documents relatifs à la première autorisation de mise sur le marché du glyphosate comme substance active. L’accès leur a été refusé (au motif que les documents contenaient des informations confidentielles sur les droits de propriété intellectuelle des demandeurs de l’inscription du glyphosate) et le recours a été introduit à l’encontre de la décision de refus de la Commission.
[109] Décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, JOCE L 124 du 17.05.2005
[110] Règlement n°1367/2006 du 6 septembre 2006 concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, JOCE du 25/9/2006 n° L 264, p. 13. L’adoption du règlement fait suite à un projet de directive de 2003 (COM (2003) 624 final) sur l’accès à la justice en matière environnementale qui visait à définir un ensemble d’exigences minimales relatives à l’accès aux procédures administratives et judiciaires en matière d’environnement, transposant ainsi en droit de l’Union et dans celui des États membres le troisième pilier de la convention d’Aarhus.
[111] G. Monédiaire, L’accès à la justice communautaire en matière d’environnement au miroir de la Convention d’Aarhus, RJE, 1999, n° spécial, p. 74.
[112] TPICE, 2 juin 2008, WWF-UK Ltd / Conseil, T-91/ 07, Rec. p. 170, pt. 82. Voir avant, TPICE, 28 novembre 2005, European Environmental Bureau (EEB) et Stichting Natuur en Milieu / Commission, Aff. jointes T-236/04 et T-241/04, Rec. II-4945.
[113] CJCE, 5 mai 2009, WWF-UK Ltd / Conseil et Commission, C-355/ 08, Rec. p. 286.
[114] J. Bétaille, Accès à la justice de l’Union européenne, le Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Aarhus s’immisce dans le dialogue des juges européens : à propos de la décision no ACCC/C/2008/32 du 14 avril 2011, RJE, n°4, 2011. pp. 547-562.
[115] Article 11 §1 : « Une organisation non gouvernementale est habilitée à introduire une demande de réexamen interne conformément à l’article 10, à condition que: cette organisation soit une personne morale indépendante et sans but lucratif en vertu du droit ou de la pratique nationaux d’un État membre ; que cette organisation ait pour objectif premier déclaré de promouvoir la protection de l’environnement dans le cadre du droit de l’environnement ; que cette organisation existe depuis plus de deux ans et l’objet de la demande de réexamen interne introduite par cette organisation s’inscrive dans son objectif et ses activités ».
[116] Le règlement ne limite pas la possibilité du réexamen aux seules institutions européennes, une telle demande peut être faite auprès de tout organe ou agence communautaire. Les décisions prises par l’Agence européen des produits chimiques (ECHA) ou par l’Autorité européenne pour la sécurité des aliments (AESA) par exemples pourront être soumises à réexamen à condition qu’elles aient un « effet juridiquement contraignant et extérieur ».
[117] Trib. UE, 15 décembre 2016, TestBioTech et a. / Commission, Aff. T-177/13.
[118] En défense, la Commission (ainsi que l’EFSA et Monsanto) avait avancé qu’un tel recours contre la décision de rejet du réexamen de la décision d’autorisation de mise sur le marché, parce qu’il est une tentative d’introduire un recours en annulation « déguisé » à l’encontre de la décision d’autorisation, en dehors de conditions prévues par l’article 263-4 TFUE devait être considéré comme irrecevable. Il faut dire qu’aucun recours en annulation n’avait été introduit, dans le délai de deux mois, à l’encontre de la décision d’autorisation. Il faut dire également, eu égard à la teneur des éléments avancés dans le recours, que les associations visaient conjointement à démontrer l’illégalité de la décision de rejet du réexamen, mais également, ce faisant, l’illégalité de la décision d’autorisation.
[119] « S’il est vrai que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE détermine les conditions dans lesquelles une personne physique ou morale peut empêcher qu’un acte légal ne devienne définitif à son égard, il ne vise aucunement à limiter la possibilité d’une institution ou d’un organe de l’Union d’effectuer, dans les limites légales, une modification, une suspension, un retrait ou une révocation d’un acte adopté par elle ou par lui » (pt 44) et en sens inverse « le fait qu’une institution ou un organe de l’Union procède à la modification, à la suspension, au retrait ou à la révocation d’un de ses actes antérieurement adoptés ne peut pas être considéré comme élargissant la portée des conditions de recevabilité d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE à l’encontre dudit acte » (pt 46).
[120] Pt. 56 de l’arrêt.
[121] Pt. 60 de l’arrêt.
[122] La définition des bénéficiaires de la procédure peut aussi faire débat. L’article 10-1 du règlement prévoit en effet que la procédure de réexamen interne peut être uniquement enclenché par une ONG alors même que l’article 9-3 de la Convention prévoit que les membres du public doivent avoir accès à des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques » (c’est nous qui soulignons). Or, selon l’article 2.4, « le terme « public » désigne une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la coutume du pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes ».
[123] Article la définition est plus étroite que celle impliquée par la Convention d’Aarhus. L’article 9 § 3 exige la mise en place de procédures administratives et judiciaires pour contester les actes « allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement ». Le règlement lui réserve la procédure de réexamen aux actes adoptés en vue de réaliser les objectifs de l’Union en matière d’environnement (c’est nous qui soulignons) ce qui est clairement un champ d’application plus réduit.
[124] Décision d’exécution 2012/347/UE, du 28 juin 2012 autorisant la mise sur le marché de produits contenant du soja modifié (MON 87701 x MON 89788), consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci, à l’exception de la culture, JOCE 2012, L 171, p. 13.
[125] Les enjeux environnementaux étaient réduits, limités puisque la mise en culture n’avait pas été autorisée par ladite décision.
[126] Trib. UE, 15 décembre 2016, TestBioTech et a. / Commission, Aff. T-177/13.
[127] Les demandes de réexamen qui ne concernent pas des actes ayant « un effet juridiquement contraignant et extérieur » ne sont pas considérées comme recevables. Par exemple, la demande de réexamen de la décision d’adoption par la Commission de la liste des candidats aux fonctions de directeur exécutif de l’ECHA a été rejetée car ladite décision ne possède pas un tel « effet externe » : Requests for internal review concerning the Commission’s decision of 12 September 2007 adopting the list of candidates for the appointment of the Executive Director of the European Chemicals Agency by the Management Board thereof : http://ec.europa.eu/environment/aarhus/requests.htm. Le réexamen d’un amendement du Parlement européen concernant la proposition de révision de la directive 2003/87 du 13 octobre 2003établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre a été rejeté car un tel amendement, de nature politique, ne possède pas « d’effet juridique ».
[128] Trib. UE, 17 juillet 2015, European Environmental Bureau (EEB) contre Commission européenne, Aff. T-685/14, Rec. II p. 560 : une décision de la Commission d’approbation concernant la notification par la Bulgarie d’un plan national pour les installations de combustions dans le cadre la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles n’est pas une mesure individuelle. La directive 2010/75 étant un acte de portée générale dans la mesure où elle établit un régime général en matière de limitation de la pollution due aux activités industrielles, la décision qui n’émet aucune objection à l’égard d’un tel régime, participe au caractère général de cette directive.
[129] Voir l’article 2, paragraphe 2, de la Convention.
[130] CJUE, 13 janvier 2015, Conseil de l’Union européenne e.a. contre Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, Affaires jointes C-401/12 P à C-403/12 P, Rec. p. 4. Voir L. Coutron, « Dur retour à la réalité pour la Convention d’Aarhus à la suite de l’annulation de l’audacieux arrêt Vereniging Milieudefensie », RTDE, 2016, p. 390.
[131] CJUE, 13 janvier 2015, Conseil de l’Union européenne et Commission européenne / Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe, Aff. jointes C-404/12 P à C-405/12 P, Rec. p. 5.
[132] Ce que le Tribunal va confirmer pour la décision de dérogation adressée au Pays Bas. Une telle décision vient appliquer une directive générale (la directive 2008/50 qui « est un acte de portée générale dans la mesure où elle établit, en termes abstraits et objectifs, un régime général en matière d’évaluation et de limitation des émissions de polluants »pt 29) et concerne toutes les personnes physiques et morales résidantes aux Pays Bas (pt 32). Trib. UE, 14 juin 2012, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, Aff. T-396/09, Rec. II p. 301.
[133] Trib. UE, 14 juin 2012, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, Aff. T-396/09, Rec. p. 301. Voir également, pour la seconde affaire, Tribunal, 14 juin 2012, Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe / Commission européenne, Aff. T-338/08, Rec. II p. 300.
[134] Toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision lui faisant grief, la validité des actes antérieurs constituant la base juridique de la décision attaquée. Ici l’exception d’illégalité du règlement no 1367/2006 est soulevée à titre incident par les requérantes, en vue d’obtenir l’annulation de la décision attaquée adoptée sur la base de ce règlement.
[135] Trib. UE, 14 juin 2012, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, précité, pt. 65. Voir également, pour la seconde affaire, Tribunal, 14 juin 2012, Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe / Commission européenne, précité, pt. 83.
[136] Conclusions de M. Niilo Jääskinen, rendues le 8 mai 2014 , aff. jointes C-402/12 P, C-403/12 P et affaire jtes C- 404/12 et C-405/12.
[137] Voir parmi plusieurs exemples : CJCE, 3 juin 2008, Intertanko e.a., C‑308/06, Rec. p. 4057, pt. 45.
[138] Voir en ce sens les arrêts de la Cour du 22 juin 1989, Fediol/Commission, 70/87, Rec. p. 1781, pts. 19 à 22, et du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec. p. 2069, pt. 31.
[139] Pt. 58 des deux arrêts.
[140] CJUE, 13 janvier 2015, Conseil e.a./Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, précitée, pt. 61. CJUE, 13 janvier 2015, Conseil de l’Union européenne et Commission européenne contre Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe, précitée, pt. 54.
[141] Elle rappelle que seuls « les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par [le] droit interne » sont titulaires des droits prévus audit article 9-3. En conséquence, cette disposition est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’un acte ultérieur. Elle l’avait déjà dit dans l’arrêt CJUE, 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie VLK, Affaire C-240/09, Rec. p. 1255, pt. 45.
[142] CJUE, 13 janvier 2015, Conseil de l’Union européenne e.a. / Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht, précité, pts. 59 et 60. CJUE, 13 janvier 2015, Conseil et Commission / Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe, précité, pts. 52-53.
[143] Il eut été possible de considérer que l’article 9-3 est une disposition « mixte », claire, précise et inconditionnelle dans certains de ses éléments : conclusions de l’Avocat général Jääskinen, présentées le 8 mai 2014, pt. 79.
[144] Le règlement est intitulé « règlement concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus… ». Voir également le considérant 18 et l’article 1-1 d du règlement : « Le présent règlement a pour objet de contribuer à l’exécution des obligations découlant de la convention (…) en garantissant l’accès à la justice en matière d’environnement au niveau de la Communauté, dans les conditions prévues par le présent règlement ».
[145] CJCE, 9 octobre 2001, Pays-Bas / Parlement et Conseil, aff. C-377/98, Rec. 2001, p. 7079, pt 54 : À supposer que la Convention sur la diversité biologique « contienne des dispositions dépourvues d’effet direct, en ce sens qu’elles ne créeraient pas de droits que les particuliers pourraient invoquer directement en justice, cette circonstance ne constituerait pas un obstacle au contrôle par le juge du respect des obligations qui s’imposent à la Communauté en tant que partie à cet accord ». Voir pour un développement en la faveur de cette interprétation : B. Pirker, Access to Justice in Environmental Matters and the Aarhus Convention’s Effects in the EU legal Order : No Room for nuanced self-executing effect ?, RECIEL, 25 (1), 2016, pp. 81- 91.
[146] A. Roger, A lost opportunity for improving access to justice in environmental matters : the CJE on the invocability of the Aarhus Convention, EU law analysis, 15 février 2015 : http://eulawanalysis.blogspot.fr/2015/02/a-lost-opportunity-for-improving-access.html.
[147] Décision I/7 « Examen du respect des dispositions » adoptée à la première réunion des Parties les 21 au 23 octobre 2002. Pour plus d’informations sur le comité du respect des dispositions, voir par exemple V. Koester, « Review of Compliance under the Aarhus Convention : a rather Unique Compliance Mechanism », Journal for European Environmental and Planning Law, vol. 2, n° 1 (JEEPL 1/2005). Voir aussi V. Koester, « Le comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Aarhus : un panorama des procédures et de la jurisprudence », REDE, 2007, p. 251. 36.
[148] Pt. VI de la Décision I/7 : « un ou plusieurs membres peuvent adresser au Comité des communications concernant le respect par cette Partie des dispositions de la Convention ».
[149] Pour la première décision, le 1er décembre 2008, l’ONG ClientEarth a adressé une communication au Comité dans laquelle elle alléguait que l’Union européenne avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 et des paragraphes 2, 3, 4 et 5 de l’article 9 de la Convention
[150] J. Bétaille, Accès à la justice de l’Union européenne, le Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Aarhus s’immisce dans le dialogue des juges européens : à propos de la décision no ACCC/C/2008/32 du 14 avril 2011, RJE, n°4, 2011. pp. 547-562.
[151] Décision du Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Aarhus concernant l’Union européenne n° ACCC/C/2008/32 du 14 avril 2011 (disponible sur www.unece.org/env/pp/pubcom.htm).
[152] Pt. 87 de la décision.
[153] Pt. 98 de la décision.
[154] Projet de décision du Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Aarhus concernant l’Union européenne n° ACCC/C/2008/32 adoptée le 17 mars 2017.
[155] Il faut ici rappeler que dans sa première décision, le Comité avait indiqué que, en attendant que la CJUE statue sur l’affaire Stichting Milieu, il s’abstiendrait d’examiner la question de savoir si le règlement 1367/2006, ou toute autre procédure pertinente de réexamen administratif interne de l’Union européenne satisfaisait aux prescriptions de la Convention en matière d’accès à la justice. Ce qu’il a précisément fait dans sa seconde décision.
[156] Voir les pts. 60 à 84 des conclusions.
[157] Pt. 79.
[158] Tout au moins l’article 10-3. S’agissant de l’article 12 en effet, il semble possible selon le Comité que les juridictions européennes interprètent l’article d’une façon compatible avec les exigences de la Convention à condition que l’examen du manquement à la procédure de réexamen soit accompagné d’un examen quant au fond de l’acte initial, visé précisément par ladite procédure.
[159] Les points d’incompatibilité relevés concernent aussi (Voir les pts. 85-121 des conclusions) le champ d’application rationae personae de la procédure de réexamen (qui devrait être accessible, au-delà des ONG, aux membres du public) et le champ d’application rationae materiae (puisque la procédure devrait valoir pour tout acte administratif dès qu’il est « relatif » à l’environnement (par ex. qui y porte atteinte) et pas seulement les actes « au titre du droit de l’environnement » ainsi que pour tout acte y compris s’il ne produit pas d’effet juridiquement contraignant et extérieur).
[160] Pt. 51 : « En particulier, le Comité souscrit à l’analyse du Tribunal selon laquelle «il n’y a aucune raison d’interpréter la notion d’actes” au paragraphe 3 de l’article 9 de la Convention comme couvrant seulement les actes de portée individuelle» et «il n’existe pas de corrélation entre les actes de portée générale et ceux pris par une autorité publique dans l’exercice de son pouvoir judiciaire ou législatif» ».
[161] Voir les points 124 à 126 des conclusions.
[162] Pt. 90 de la première décision.
[163] Pt. 124 de la seconde décision.
[164] Voir le projet de décision VI/8f du 10 juillet 2017 qui propose de faire siennes les conclusions du Comité d’examen. Ce projet a été soumis aux Etats parties à la Convention lors de la sixième session de la réunion des Parties du 11 au 13 septembre 2017.
[165] Proposition de décision du Conseil relative à la proposition à prendre, au nom de l’Union européenne, lors de la 6ième session de la réunion des parties à la convention d’Aarhus sur une affaire ayant trait au respect des dispositions (ACCC/C/2008/32), COM (2017) 366 final.
[166] Projet de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l’Union, sur l’affaire ACCC/C/2008/32, 13 juillet 2017. La différence tient au fait que le Conseil n’a pas admis la proposition de vote négatif et a opté pour une acceptation du projet de décision « sous réserve » que la décision recommande à la partie concernée « de considérer » (et de non de faire) ce qui est une version positive d’un refus d’exécuter…
[167] COM (2017) 366 final, p. 7.
[168]Arrêt Conseil et Commission/Vereniging Milieudefensie e.a., précité, pt. 60; arrêt Conseil et Commission/Stichting Natuur en Milieu e.a., précité, pt. 52 : « les procédures judiciaires et administratives en matière environnementale relèvent «essentiellement» du droit des États membres ».
[169] En plus de rejeter les conclusions du comité d’examen, les institutions rappellent combien les implications desdites conclusions sont incompatibles avec : 1- le principe de séparation des pouvoirs s’agissant de la recommandation relative à une modification de l’interprétation par la Cour des conditions du Traité ; 2- la hiérarchie des normes s’agissant de la recommandation de modification du règlement Aarhus (dans la mesure où sa modification élargirait la catégorie des actes susceptibles de recours en application du Traité).
[170] COM (2017) 366 final, p. 5.
[171] Si tous les efforts sont vains, un vote a lieu à la majorité des 3/4 des parties présentes et votantes.
[172] D. Simon, Droit au juge et contentieux de la légalité en droit communautaire : la clé du prétoire n’est pas un passe-partout in Libertés, justice, tolérance, Mélanges en hommage au Doyen G. Cohen-Jonathan, Bruylant, 2004, p. 1399.
[173] F. Picod, Droit au juge et voies de droit communautaire : un mariage de raison, op. cit., p. 917.
[174] Leur situation est d’autant moins équivalente que, « homothétiques » (R. Mehdi, La recevabilité des recours formés par les personnes physiques et morales à l’encontre d’un acte de portée générale : l’aggiornamento n’aura pas lieu…, RTDE, 39 (1), janv-mars 2003, p. 32) que le recours en annulation et le recours préjudiciel en validité diffèrent ensuite du point de vue des possibilités d’intervention des requérants ou du public en général, le premier offrant une latitude plus grande que le second. Il implique un débat contradictoire complet avec les requérants individuels et le public, informé, peut, sous certaines conditions, intervenir. Dans les procédures préjudicielles, les particuliers intéressés ne peuvent présenter leurs observations que s’ils sont également intervenus dans le cadre de la procédure introduite devant la juridiction nationale.
[175] Elles ont été résumées parfaitement par l’Avocat général M. Jacobs dans ses conclusions présentées le 21 mars 2002, Affaire C-50/00 P, UPA : « Les juridictions nationales peuvent refuser de déférer des questions à la Cour et (…) les juridictions nationales – même au plus haut niveau – peuvent se fourvoyer dans leur examen préalable de la validité de mesures communautaires de portée générale et décider dès lors de ne pas déférer de questions sur la validité à la Cour de justice. En outre, lorsque la juridiction saisit la Cour d’une question préjudicielle, il lui revient en principe de formuler les questions auxquelles elle souhaite que la Cour réponde. Il est dès lors possible que les demandes de particuliers soient reformulées dans les questions soumises à la Cour. Les questions formulées par les juridictions nationales pourraient, par exemple, limiter le nombre de mesures communautaires contre lesquelles un requérant s’est pourvu en justice ou les moyens d’annulation sur lesquels il s’est fondé » (pt 42).
[176] Les conclusions de l’Avocat général M. Jacobs dans ses conclusions présentées le 21 mars 2002, Affaire C-50/00 P, UPA, évoquent notamment la question des mesures provisoires : pt 44 : « (…) bien que les juridictions nationales soient investies du pouvoir de suspendre une mesure nationale basée sur une mesure communautaire ou de prescrire des mesures provisoires dans l’attente d’une décision de la Cour, l’exercice de cette compétence est soumis à bon nombre de conditions et dépend – malgré les efforts de la Cour pour fournir des lignes directrices quant à l’application de ces conditions – dans une certaine mesure de l’appréciation discrétionnaire des juridictions nationales. En tout état de cause, des mesures provisoires octroyées par une juridiction nationale seraient limitées à l’État membre en question et des requérants pourraient dès lors se voir contraints à introduire des actions dans plus d’un État membre ».
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