L’action des acteurs privés à la frontière : quel État de droit en matière de migrations ?
Par Marjorie Beulay, Maître de conférences à l’Université Picardie Jules Verne – CURAPP-ESS – UMR 7319
Face à ce que certains qualifient de « crise migratoire » aux portes de l’Union européenne, l’État de droit – entendu au sens de la prééminence du droit – semble vaciller voire se déliter. Les caractéristiques communes de cette notion telles que définies par la Commission de Venise en 2011 (Commission européenne pour la démocratie par le droit, Rapport sur la prééminence du droit, 28 mars 2011, Étude n°512/2009, CDL-AD(2011)003rev.) et développées en 2016 (légalité, sécurité juridique, prévention de l’abus de pouvoir, égalité devant la loi et accès à la justice) (Commission européenne pour la démocratie par le droit, Liste des critères de l’État de droit, 18 mars 2016, Étude n°711/2013, CDL-AD(2016)007) sont battues en brèche, non seulement par l’action/l’inaction de certains États membres mais également par celle de l’Union européenne.
Un phénomène récent met d’autant mieux en exergue cette situation de détérioration, due non seulement à la législation en vigueur mais également au défaut d’implication des acteurs publics : l’implication d’acteurs privés dans la gestion du flux migratoire. Deux interventions, totalement opposées, illustrent cette nouvelle forme d’action. D’un côté, l’engagement d’associations ou de particuliers qui viennent en aide aux personnes sur les routes migratoires notamment pour les secourir ou pour leur offrir le gite. L’action de SOS Méditerranée à bord de l’Aquarius ou l’implication de militants associatifs à Briançon sont des exemples bien connus de cette forme d’intervention privée. De l’autre, des groupes identitaires nationalistes qui s’investissent d’une mission de contrôle des frontières terrestres et maritimes et refoulent les individus qu’ils identifient unilatéralement comme migrants illégaux. La mission Defend Europe est particulièrement illustrative de ce phénomène, les participants n’hésitant pas à faire état publiquement de leurs actions pour « ne pas faire de l’Europe la maison des migrants ».
Ainsi, qu’il s’agisse des associations venant en aide aux migrants ou des groupes identitaires tentant de leur barrer le passage, la question de l’implication des acteurs privés dans le passage des frontières est prégnante. Dans les deux cas, il s’agit soit de remplacer soit de suppléer une action de l’État ou de l’Union européenne qui devrait s’inscrire dans le cadre de l’État de droit. Cette initiative privée nécessite donc de s’interroger sur la garantie des droits de ces acteurs mais également et peut être surtout sur l’encadrement de leurs actions dans la mesure où ils s’invitent dans des missions relevant normalement du rôle de l’État et aujourd’hui de l’Union européenne dans laquelle a été développé un espace de libre circulation des personnes.
La présente contribution propose d’étudier ces phénomènes au prisme de leur encadrement par le droit et de les mettre en lien avec l’action, ou l’inaction de l’Union européenne et/ou des États membres afin de voir quelle place ces acteurs privés peuvent avoir dans la redéfinition de l’État de droit en Europe.
« Comment tu en es arrivée au secours en mer ? C’est un devoir pour chaque capitaine. En plus, nous y sommes tout simplement obligés en tant qu’Européen.nes favorisé.es. Mais cela reste absurde que cette tâche soit principalement effectuée par des volontaires. Il faut imaginer que c’est nous qui sommes soudainement responsables de la survie de milliers de personnes, car la politique ne s’en occupe pas »[1]. Depuis le début du mois de juin 2019, l’auteur de cette déclaration, Pia Klemp, capitaine d’un bateau de sauvetage en Méditerranée affrété par une O.N.G., est la principale accusée d’un procès ouvert par la justice italienne pour aide à l’immigration illégale, infraction pour laquelle elle risque jusqu’à 20 ans de réclusion.
Cet exemple récent vient illustrer une réalité constatée depuis plusieurs années aujourd’hui : les acteurs privés – O.N.G., associations ou personnes privées – interviennent régulièrement dans les zones frontalières et en corrélation avec les migrations. Deux types d’interventions antithétiques peuvent être constatées : celles d’aide aux migrants en détresse – quel que soit leur statut – et celles visant à refouler les migrants – quels que soient également leur statut et leurs droits – ou à empêcher qu’une aide leur soit apportée. Dans le premier cas, les acteurs privés patrouillent dans les zones frontalières afin de porter assistance aux migrants en situation de péril que ce soit sur terre ou sur mer. L’action des organisations SOS Méditerranée et Médecins sans frontière à bord de l’Aquarius en Méditerranée a été l’emblème de ce type de missions. Dans le second cas, s’inscrivent notamment des interventions d’associations comme Génération identitaire qui a lancé la campagne « Defend Europe » en 2018, considérant que l’action menée par les autorités était insuffisante à protéger les frontières, et a donc opéré des contrôles au col de l’Échelle dans les Alpes pendant 2 mois en refoulant les indésirables vers l’Italie. Une action similaire a également été tentée en Méditerranée à bord du C-Star en 2017 pour entraver les opérations de secours en mer des O.N.G. précédemment citées et empêcher les embarcations d’atteindre le territoire maritime européen. Ces missions ont le soutien de différentes associations identitaires européennes, avatars de la première, comme Identitäre Bewedung en Allemagne ou Generazione Identitaria en Italie par exemple. Autant d’actions, dont l’objet est clairement divergent, mais qui découlent toutes d’initiatives privées, qui sont justifiées par l’inaction des acteurs publics et qui sont précisément contestées par le ou les États en charge du contrôle des frontières.
En effet, une double tension est palpable au niveau des frontières européennes : l’une entre les objectifs défendus par ces acteurs privés – l’occupation des locaux de SOS Méditerranée par Génération identitaire début octobre 2018 en est l’illustration exemplaire – et l’autre entre l’action de ces acteurs privés et l’encadrement juridique mis en place par l’État aux frontières de l’Europe. À ce titre, le cas de Pia Klemp illustre justement les tensions que suscite la question migratoire dans cette zone et entre acteurs privés et acteurs publics. Elle n’est que l’un des derniers exemples d’une liste de cas liés à l’encadrement normatif et procédural autour de l’action d’aide aux migrants et qui s’allonge progressivement : la perte du pavillon panaméen de l’Aquarius en 2018, puis l’arrêt de sa navigation après diverses procédures ouvertes à l’encontre des associations à son bord ; la mise en examen à Malte de Claus Peter Reisch, capitaine du Lifeline, pour une mauvaise immatriculation du navire ; les poursuites en France à l’encontre de Cédric Hérou et Pierre-Alain Mannoni ou encore des « 3+4+2 de Briançon »[2] pour aide à l’immigration illégale. Si les actions judiciaires à l’encontre des actions privées d’aide sont plus nombreuses, c’est également parce qu’elles sont plus régulières et plus médiatisées. En effet, dans les autres cas, après un premier abandon des poursuites par le Parquet de Gap, l’association Génération identitaire ainsi que trois de ses membres ont finalement été jugés à partir de juillet 2019 pour usurpation de fonction de l’administration publique[3] et condamnés un mois plus tard sur ce fondement. Aucune mention cependant n’est faite relativement à la non-assistance à personnes en danger dans cette zone montagneuse et enneigée à l’époque des faits par exemple.
A partir de ces brefs éléments de multiples paradoxes sont observables aux frontières de l’Europe : une multiplication des actions privées faute ou en dépit des actions étatiques pourtant normalement en situation de monopole ; des actions défendant deux visions de la frontière, entre accueil et rejet ; un discours politique toujours plus ferme à l’encontre des acteurs privés agissant à la frontière, surtout quand il s’agit de sauvetage[4] ; et enfin, un rapport particulièrement négatif à l’aide apportée à autrui sans contrepartie. Ces tensions ont une particularité : elles s’inscrivent dans ce que d’aucuns nomment le « dilemme des frontières »[5]. Cette zone particulière, source d’enjeux politiques, de coopération en Europe depuis l’avènement de l’Espace Schengen mais corrélativement aussi de rapports de force entre les État membres de l’Union européenne[6], où les règles applicables en matière d’immigration et d’asile ne cessent d’être renégociées et critiquées afin de toujours plus contrôler les frontières extérieures. C’est à ce prisme multiple que cette action privée interroge la notion d’État de droit, dans sa motivation comme dans son encadrement. Considérée comme une valeur fondatrice de l’Union européenne (article 1bis T.U.E.), cette notion est également une condition préalable à toute nouvelle adhésion (article 49 T.U.E.), et son non-respect est susceptible d’entrainer des sanctions (article 7 T.U.E.). Aujourd’hui, ainsi que le souligne J. Chevallier, l’État de droit « alors qu’il paraissait indissociable d’un modèle d’organisation politique marqué par l’empreinte du libéralisme, […] s’est trouvé promu au rang de contrainte axiologique s’imposant à tout État »[7].
Toutefois, cette notion semble de plus en plus se déliter ou perdre de sa superbe. En matière de questions migratoires ce constat ne semble pas pouvoir être démenti. Entendu au sens de la prééminence du droit mais également des mécanismes de légitimation de l’action de l’État en raison des liens étroits entretenus avec la démocratie et les droits de l’Homme, l’État de droit est une notion fréquemment utilisée comme une forme de « label démocratique »[8]. Son respect dans le cadre de politiques toujours plus fermes vis-à-vis des droits des migrants interroge, de même que ce qu’il peut subsister de son contenu, et en particulier de la garantie des droits[9]. A ce titre, l’action des personnes privées à la frontière et son encadrement illustrent la remise en question des valeurs que défend l’État au moyen d’autres valeurs contradictoires. Devant ce bras de fer que semblent se livrer acteurs publics et acteurs privés au-dessus de la frontière, il convient d’interroger la place occupée par les seconds, dans la mesure où elle ne paraît s’inscrire dans aucun cadre juridique (I), avant d’analyser les moyens juridiques d’encadrement de leur action et l’image que celle-ci renvoie des valeurs promues par les États européens et donc de la définition de l’État de droit européen (II).
I – Une place occupée en marge du droit ?
« J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources. […] De tels lieux n’existent pas, et c’est parce qu’ils n’existent pas que l’espace devient question, cesse d’être une évidence, cesse d’être incorporé, cesse d’être approprié. L’espace est un doute : il faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête »[10]. C’est ainsi que le territoire se retrouve délimité et borné afin d’identifier cette appartenance. En dépit de la tentation de penser que les frontières sont une question ancienne voire obsolète, les États semblent de plus en plus enclins justement à rappeler les bornes de leur territoire en fixant, marquant, indiquant, délimitant cette frontière pour affirmer leur emprise. Cette attitude est d’autant plus exacerbée aujourd’hui face aux migrations humaines, phénomènes qui réintroduisent ce doute dans l’établissement de la délimitation des espaces. L’action des acteurs privés ici étudiée s’inscrit dans ce contexte capital, expliquant ainsi les tensions particulières mise en exergue (A). Or, l’opposition se cristallise d’autant plus fortement que cette action s’inscrit dans une démarche contestataire des règles de droit privilégiées par l’État et/ou de leur façon de les appliquer (B).
A – Une action s’inscrivant dans un contexte particulier
Si cette action des acteurs privés est aussi clivante et si elle interroge autant, c’est en raison du cadre géographique dans lequel elle s’inscrit : la frontière. Juridiquement, sa définition se veut neutre : il s’agit de « la ligne formée par la succession des points extrêmes du domaine de validité spatiale des normes de l’ordre juridique d’un État »[11]. Toutefois, la réalité qu’elle recouvre est d’une toute autre nature, expliquant dès lors les réactions épidermiques suscitées. En effet, la frontière est un thème sensible car elle suppose toujours un « récit »[12] au sens d’un attachement à un passé voire à une identité et tient une place particulière dans la naissance de l’État[13]. Par ailleurs, si la pacification des relations internationales a permis un « passage des fronts aux frontières »[14], il n’en demeure pas moins qu’elles sont un espace de tensions idéologique, philosophique et politique. La frontière est le symbole du dedans et du dehors, l’espace de réalisation d’un rapport de force. En ce sens qu’elle est la marque des limites de l’exercice de la juridiction de l’État, la « ligne de partage des souverainetés »[15] entre deux entités frontalières. A ce titre, la frontière – et le contrôle des entrées qui l’accompagne – est une institution à l’aune de laquelle l’autorité de l’État va se mesurer car il s’agit pour certains auteurs de la garantie des fondements d’une société[16], de la sécurité[17] ou de la protection de l’homogénéité d’une communauté[18].
Si dans les années 1980-1990 il y a pu avoir une forme d’illusion de disparition des frontières, parfois prédite par certains analystes[19], en réalité il n’en est rien. Comme le souligne justement M. Agier « [l]a mondialisation n’a pas supprimé les frontières : elle les transforme, les déplace, les dissocie les unes des autres […]. Elle les multiplie et les élargit, tout en les rendant plus fragiles et plus incertaines. […] Tout un monde de frontières se reconfigure aujourd’hui […] »[20]. Les États paraissent aujourd’hui encore plus obsédés, voire « angoissés »[21], par leurs frontières que par le passé, comme l’illustre notamment la focalisation de D. Trump concernant la construction d’un mur continu à la frontière avec le Mexique. Et cette réalité est également constatable en Europe : si les frontières ont pu paraître s’atténuer au sein de l’Union européenne du fait de l’établissement d’un espace de libre circulation sans contrôle aux frontières intérieures, elles n’ont jamais disparu[22]. Pis, il semble même y avoir, ici également, une volonté réactualisée de marquer la frontière comme le démontrent les images des barbelés de la frontière hongroise qui font écho à la construction de murs toujours plus hauts et plus nombreux à travers le monde[23]. Comme s’il y avait une nécessité impérieuse de rappeler la compétence, voire l’existence, de l’État souverain en Europe. De porte, la frontière se transforme donc – faute de clé – en mur, et les candidats à l’exil tentent d’entrer par la fenêtre ou une issue dérobée.
En réalité, la frontière, quelle que soit la forme qu’elle prend et la manière dont elle est institutionnalisée, est un test pour l’État : le « théâtre où la légitimité de son pouvoir est observée avec attention »[24]. L’action des acteurs privés s’inscrit dans cette analyse de légitimation et d’interrogation du bien fondé et de la pertinence de l’action de l’État, des États ou de l’Union européenne. Ceux qui viennent au secours des migrants dénoncent le manque d’humanité notamment du « plus froid des monstres froids » face à la détresse qui s’exprime, et ceux qui viennent empêcher l’avancée des migrants au sein ou vers l’Europe induisent ou critiquent un manque de fermeté dans la politique frontalière des États, ce qui mettrait en péril la communauté de l’intérieur. Pour l’État il s’agit donc d’un lieu hautement stratégique.
Aujourd’hui cette problématique est démultipliée en nombre et en situations. Avec la modification des migrations[25], les évolutions territoriales en Europe et la facilitation des déplacements, la notion de frontière ne peut être susceptible d’une interprétation unique[26]. Elle renvoie, au fil du temps à des réalités différentes pour les historiens – du fait des époques, des conflits, des conquêtes etc. – mais semble également se métamorphoser aux yeux des géographes[27]. Si l’un de ces derniers, J. Gottmann, enseignait dans les années 1950 que « la frontière est une ligne »[28], elle apparait aujourd’hui davantage polymorphe et on observe une multiplication des zones de tension. É. Balibar le souligne, les « frontières ne [sont] plus localisables de façon univoque. […] Les frontières vacillent : cela ne veut pas dire qu’elles disparaissent. Moins que jamais le monde actuel est un monde “sans frontières”. Cela veut dire au contraire qu’elles se multiplient, et se démultiplient dans leur localisation et dans leur fonction, qu’elles se distendent ou se dédoublent, devenant des zones, des régions, des pays frontières, dans lesquels on séjourne et on vit »[29]. En effet, loin du simple trait dans l’espace, la frontière est un lieu, et loin de la simple frontière naturelle, elle se diversifie dans ses formes et ses institutionnalisations, elle se construit[30]. Ces lieux sont pluriels car la gestion de l’entrée sur le territoire évolue en fonction de l’évolution des migrations.
Aujourd’hui on parle notamment de lieux-frontières[31], comme c’est le cas pour certaines îles ou pour les aéroports, mais également de frontières réticulaires[32] ou frontières en réseau avec les différents camps de rétention ou camps sauvages qui tracent sur les cartes des zones-frontières élargies avec des interconnexions multipliées. D’aucuns évoquent même l’existence d’une Europe comme Borderland ou « pays-de-frontière »[33], paradoxe ou comble ultime pour l’organisation qui se veut l’archétype de la libre circulation. Quel que soit le nom ou le contenu qui leur soit donné, il s’agit à chaque fois d’espaces où la question de l’entrée sur le territoire se pose et où l’autorité de l’État peut sembler défiée. Actuellement on va même jusqu’à parler d’externalisation des frontières, à la suite des accords passés notamment avec les autorités turques ou libyennes qui assurent, à la place des États européens, la sécurité et le contrôle de l’entrée sur leur territoire. On arrive donc à une délocalisation, une déterritorialisation de la frontière. Dernier exemple en date : la proposition de créer des plateformes régionales de débarquement[34] sous contrôle d’organisations internationales, visant à placer en périphérie des États européens les personnes migrantes. Il y a donc une mutation et une multiplication des espaces-frontières, avec chacun leur système d’organisation et leur encadrement ou non-encadrement juridique[35]. Dans tous les cas l’objectif est le même : contrôler les entrées sur le territoire national ou européen. Et seul l’État est titulaire du droit d’en autoriser l’accès. En effet, comme l’a souligné D. Bigo « [e]n tant qu’institution politique, la frontière est consubstantiellement une ligne de défense, de sécurisation, permettant de délimiter un intérieur et un extérieur, ce qui est sa fonction principale. Frontière et contrôle ne peuvent être distingués »[36]. La frontière est le point d’entrée sur le territoire et donc toute brèche peut être présentée comme un risque potentiel.
Ainsi, l’action des acteurs privés, quel que soit son but, s’inscrit dans un lieu où elle n’a normalement pas sa place puisqu’il s’agit d’un espace relevant du domaine réservé de l’État. Pis, elle s’inscrit a priori dans une action contestataire dans la mesure où elle prend la forme d’une dénonciation matérielle des actions officielles et de leurs fondements juridiques. Si ce n’est pas systématiquement dans une démarche de désobéissance, c’est toujours dans une volonté d’avoir un droit de regard sur ce qui est fait : pouvoir vérifier soit la conformité au droit du traitement réservé à ceux qui y sont retenus, soit la réelle sécurisation des frontières par exemple. Car les migrants – personnes en déplacement dont le chemin n’est pas terminé – se trouvent dans cet entre-deux de la frontière[37], à la croisée des chemins de l’exil, où s’effectue une forme de tri entre désirables et indésirables[38] et où la mort rôde de plus en plus[39].
B – Une place accaparée en réaction à l’application du droit
Cette corrélation frontière-territoire-contrôle implique que le régime applicable aux frontières suive l’évolution de l’approche politique qui prévaut dans l’État au territoire duquel on souhaite accéder. De fait, le rapport à la frontière des États, notamment européens, n’a pas été linéaire au fil de l’Histoire contemporaine. Plusieurs phases se sont succédé aléatoirement entre deux extrêmes : d’un côté, l’entrée sur le territoire facilitée en raison de la recherche de main d’œuvre supplémentaire ; de l’autre, le verrouillage de l’accès légal au territoire notamment pour protéger un système social ou en raison de motifs sécuritaires[40]. Cette dernière logique de fermeture est en réalité assez récente car jusqu’au milieu du XIXe siècle, le système de passeport – et donc d’identification des personnes se déplaçant – avait surtout pour fonction d’empêcher les gens de sortir du pays et notamment de conserver la main d’œuvre qualifiée ou la source de revenus fiscaux[41]. A contrario, il était souvent plus aisé d’entrer sur le territoire d’un autre État comme en témoignent par exemple les appels aux migrations d’installation ou de travail aux États-Unis ou au Canada fin XIXe – début XXe[42]. À cette époque, les acteurs privés étaient partie prenante au processus migratoire[43].
Aujourd’hui la tendance s’est nettement inversée[44]. Si l’émigration ne semble plus être un problème[45], à l’inverse, l’immigration – c’est-à-dire l’ouverture des frontières de potentiels territoires d’accueil – paraît davantage complexe. Cette approche ambivalente se retrouve dans l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 : « 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ». Le premier alinéa consacre la liberté de circulation à l’intérieur d’un même territoire ; le second la liberté d’émigrer puis de revenir dans son État d’origine. Toutefois, aucun alinéa ne consacre le droit d’entrer et de s’installer sur le territoire d’un autre État que le sien. Ainsi, est consacré un droit « bancal »[46] à la migration, selon lequel on a le droit de partir mais sans savoir nécessairement où l’on pourra avoir le droit d’entrer puisqu’il s’agit d’une décision souveraine de l’État d’accueil.
La liberté de circulation des personnes au sein de l’Union européenne ne fait qu’atténuer cette réalité pour certains individus et de manière encore moins visible à l’heure actuelle. En effet, sous différents motifs et en application du Code Schengen, plusieurs États membres de l’Union européenne – dont la France, l’Allemagne, la Norvège ou encore le Danemark – ont réinstauré les contrôles aux frontières intérieures. Cette autorisation est normalement temporaire mais court, notamment dans le cas de la France, depuis quatre ans avec l’aval du Conseil d’État[47]. Par ce biais, les États peuvent notamment contourner l’interdiction qui leur est faite de procéder à des contrôles systématiques équivalents à des vérifications aux frontières intérieures[48]. Toutefois, sa motivation et sa prolongation régulière interrogent.
Dès lors, plus les frontières des territoires d’accueil potentiels sont fermées, plus les risques à prendre sont grands et les comportements dangereux[49]. On parle d’ailleurs aujourd’hui de morts par migration[50]. Si la plupart des rapports et études se concentrent sur les morts nombreuses et emblématiques en Mer Méditerranée[51], comme le soulignait l’alpiniste italien R. Messner, « la montagne n’est ni juste, ni injuste, elle est dangereuse » elle aussi : au printemps, lors de la fonte des neiges, les corps de plusieurs migrants ayant tenté de franchir les Alpes apparaissent maintenant régulièrement. En effet, les migrants ayant réussi à atteindre le continent européen tentent la traversée de la frontière par des chemins escarpés afin d’éviter les contrôles dans les trains ou sur les routes entre l’Italie et la France notamment. La frontière a donc des conséquences létales liées à ce paradoxe entre droit d’émigrer et impossibilité d’immigrer et dont la réalité se fait jour avec une grande violence[52]. Toutefois, en dépit de cette dangerosité et indépendamment de la volonté de l’État, les frontières demeurent poreuses – c’est d’ailleurs à l’inverse ce que dénoncent certains acteurs privés. Les chiffres de l’immigration publiés le 12 juin 2019 par le Ministère de l’intérieur démontre que tous les chiffres sont en hausse pour l’année 2018, à l’exception des naturalisations[53]. Il n’y a donc pas de frontières infranchissables et la construction des murs paraît être davantage la démonstration de l’impuissance du souverain à rendre ses frontières imperméables qu’une démonstration de force[54].
C’est en raison de cette réalité que les acteurs privés agissent au niveau de la frontière. Les anti-migrants parce qu’ils considèrent que les contrôles et la surveillance aux frontières sont insuffisants. Ils ne contestent pas le droit appliqué ; ils en dénoncent l’inefficacité[55]. Ils se présentent à ce titre comme un phénomène contestataire au sens où il s’agit d’une action « épisodique plutôt que continue, [qui] se déroule en public, suppose une interaction entre des requérants et d’autres, est reconnue par ces autres comme pesant sur leurs intérêts, et engage le gouvernement comme un médiateur, une cible ou un requérant »[56]. En effet, les groupes identitaires s’inscrivent dans des actions ponctuelles comme celle du Col de l’Échelle sur deux mois par exemple, mettent en scène leurs interventions (réseaux sociaux, moyens techniques, mise en scène…), agissent sur les parcours migratoires ou les actions des O.N.G. d’aide aux migrants et appellent l’État à davantage de fermeté. Il y a donc bien une action de contestation qui est menée et au travers de laquelle Génération identitaire notamment a réemployé un certain nombre de codes et de moyens afin de se présenter en gardiens des frontières pour tromper leurs interlocuteurs. Ces organisations anti-migrants et leurs membres agissent à cette fin hors de tout cadre juridique, en revendiquant leur qualité de citoyens européens soucieux de la sécurité des frontières.
À l’inverse, l’action des acteurs privés apportant leur aide aux migrants s’inscrit dans une démarche d’instrumentalisation du droit, c’est-à-dire d’user du droit comme un instrument de leur action. Ceux qu’A. Lendaro nomme les désobéissants[57], optent pour une approche déjà bien connue des associations comme le G.I.S.T.I.[58] : utiliser le droit pour le faire respecter par l’État. Le point de départ paraît pour beaucoup enraciné dans un impératif humaniste : alors que des personnes sont en détresse soit en montagne soit au large des côtes européennes et qu’ils risquent la mort et/ou le renvoi vers la Libye par exemple, ces individus ou associations décident de s’impliquer et de leur venir en aide avec leurs moyens faute de tout autre intervention étatique suffisante[59], comme les propos de Pia Klemp le relevaient en tête de cet article. Mais au-delà de cette action d’humanité ou d’hospitalité[60], ils refusent également de laisser faire et surtout de cautionner des pratiques étatiques illégales qu’ils sont amenés à constater – comme le refoulement systématique vers l’Italie dans la vallée de La Roya par exemple[61] – et qu’ils dénoncent. C’est à ce titre qu’ils vont utiliser le droit à leur avantage. En effet, un certain nombre de règles, issues des engagements internationaux de l’État, viennent normalement encadrer ces actions régaliennes à la frontière et entrent en contradiction avec la politique migratoire menée par les États européens. En d’autres termes, ils utilisent « l’arme du droit »[62] en symétrie à l’action de l’État que celui-ci justifie aussi juridiquement en s’appuyant sur les textes et procédures permettant l’accès légal au territoire. À ce titre, deux cas de figure peuvent être distingués quant à l’arsenal juridique invoqué, suivant le lieu où l’aide est apportée.
Dans le cadre maritime, un certain nombre de conventions implique une obligation de secours en mer pour les États côtiers, les États responsables de la zone S.A.R. ou l’État du pavillon, en plus de l’obligation pesant sur les capitaines de navire[63]. En résumé, ces textes intègrent des obligations de prévoir des centres de secours et de recherche en mer, l’obligation de secourir des personnes en détresse et l’obligation de procéder à leur débarquement prompt en lieu sûr[64]. Sur ce fondement, l’Italie, devrait donc prendre en charge les navires se trouvant dans la zone S.A.R. sous sa compétence, n’en déplaise à M. Salvini. Les associations affrétant des navires afin de repérer les embarcations en détresse agissent au motif que les moyens mis en œuvre par les États européens sont insuffisants à des patrouilles régulières, voire constatent un désengagement des pouvoirs publics à ce niveau. Par ailleurs, au-delà du nombre de patrouilles c’est également la qualité de celles-ci – notamment en terme de rapidité, les ONG étant déjà présentes sur site leur action est souvent plus rapide, ou d’actions menées avec des cas de refoulement en dehors des eaux européennes – ainsi que les partenariats conclus –avec les garde-côtes libyens par exemple – qu’elles remettent en cause. Les deux éléments techniques sur lesquels États et acteurs privés s’opposent ici tiennent à la définition de la situation de détresse et à la définition d’un lieu sûr. Dans le premier cas, la définition est laissée aux États faute de précision dans les textes, avec toute la subjectivité que cela suppose – les États n’hésitant pas à considérer que les passeurs et/ou les migrants eux-mêmes sont responsables de cette situation. Bien davantage c’est sur le second point que la tension est la plus forte. En effet, là où les États mettent l’accent sur la nécessité d’un débarquement prompt – en Libye par exemple –, les associations soulignent la nécessité d’un débarquement sûr – ce qui exclut la Libye comme point de débarquement au regard du contexte actuel[65]. En effet, ce dernier élément peut être précisé à l’aide de la résolution MSC.167(78) du Comité sur la sécurité maritime de 2004 impliquant entre autres qu’un lieu sûr soit un endroit où la vie et la sécurité des personnes ne soit plus menacées[66]. On le voit il y a donc des deux côtés la mobilisation de règles juridiques pour justifier les actions.
On retrouve sur terre le même mécanisme où les États s’appuient sur les règles européennes de répartition des demandeurs d’asile avec le Règlement Dublin[67] notamment pour justifier du renvoi systématique des migrants vers l’État européen de provenance et de l’interdiction faite aux acteurs privés de s’immiscer dans ce processus. Face à ce traitement très administratif et biaisé de la question migratoire[68], les associations et les individus intervenant dans la vallée de La Roya par exemple justifient leurs maraudes par des raisons humanitaires, sans contrepartie, et qui se justifient par le danger imminent encouru par ces personnes. Par ailleurs, leur intervention s’appuie également sur la nécessité d’apporter une aide juridique aux migrants afin que soit respecté le droit de chacun au dépôt d’une demande d’asile à la frontière par exemple[69]. Ils s’inscrivent à ce titre dans une démarche de désobéissance civile[70] dans la mesure où ils justifient leur initiative par d’autres règles que celles encadrant l’entrée sur le territoire. En effet, le droit d’asile tel que prévu notamment par la Convention de Genève de 1951 n’implique pas que le demandeur accède de manière régulière au territoire de l’État où il souhaite demander refuge. Ainsi tout comme les acteurs privés opposés à l’entrée des migrants sur le territoire, les acteurs humanitaires s’appuient sur un élément de conscience mais qui, s’il fait naitre l’action, n’est qu’une partie de sa justification. Dès lors, les différentes règles de droit applicables laissant une place à certaines ambigüités, l’action privée conduit à interroger la pertinence de la règle de droit appliquée et/ou détournée par l’État.
Ainsi, quelle que soit l’analyse faite des politiques étatiques menées aux frontières, c’est bien leur mise en œuvre et l’application des règles en découlant par le souverain qui entraine l’action des acteurs privés. Ces deux courants se retrouvaient déjà dans la fin du raisonnement d’É. Balibar relatif à l’évolution des frontières qui « font l’objet d’une revendication et d’une contestation, d’un renforcement acharné, de leur fonction sécuritaire notamment »[71]. Cette place accaparée par les acteurs privés aujourd’hui, concernant la gestion des frontières par l’État, relève de l’application d’autres règles juridiques qui visent à pénaliser ces comportements, comme un prolongement des politiques de fermeture des frontières. Toutefois, leur mise en œuvre interroge le bien-fondé de la règle de droit mobilisée par l’État ou l’Union européenne ainsi que les fondements de la légitimité invoquée par l’autorité publique, certains évoquant même « une sorte de court-circuit récurrent de l’État de droit »[72].
II – Un rôle joué en dépit du droit
Face à ces activités non prévues, l’État, fort de son rôle de garant de l’ordre public, se doit d’agir. En effet, à défaut, c’est l’effectivité de son pouvoir qui pourrait être remise en cause, puisque la frontière est à ce titre une zone test. De ce fait, cette action non désirée des acteurs privés aux frontières est parfois encadrée mais surtout interdite par le droit (A). Toutefois, cela ne veut pas dire que ces actions privées ne jouent pas un rôle pour autant : au-delà du résultat matériel de leurs actes, elles questionnent le bien-fondé de la règle (B). En effet, ce n’est pas tant par leurs actions mais surtout par la répression de celles-ci que le véritable rôle de ces acteurs privés s’exprime aujourd’hui. Au-delà de leur engagement propre et de la mission qu’ils s’assignent, ils viennent ébranler les justifications du droit applicable et interroger la définition de l’État de droit.
A – Des actions entravées par un droit à géométrie variable
Comme un prolongement de leur politique migratoire les États ont une attention particulière pour l’encadrement juridique de l’action des acteurs privés aux frontières. Cet enjeu est perceptible dans le discours politique de plus en plus acerbe à leur encontre. On se souvient notamment des propos du Ministre français de l’Intérieur, Christophe Castaner, dénonçant en avril 2019 le fait que certaines O.N.G. chargées de secourir les migrants « ont pu se faire complices » des passeurs, et dénonçant un certain nombre de collusions entre ces deux groupes. Ces propos n’ont rien de novateurs dans la mesure où Emmanuel Macron avant lui avait déjà accusé en juin 2018, les O.N.G. de faire « le jeu des passeurs » car « au nom de l’humanitaire, il n’y a plus de contrôle » et que leur action réduisait les coûts des voyages organisés par les trafiquants. Le Procureur de Catane en Sicile a quant à lui évoqué détenir des preuves de collusion entre O.N.G. et passeurs, allant même jusqu’à envisager que certaines des premières pourraient être financées par les seconds. Cette position est par ailleurs largement soutenue par Matteo Salvini qui s’est félicité de ne plus être le seul à avoir des « doutes » sur les intentions de ces organisations, à qui il promettait à l’été 2018 de ne voir l’Italie qu’en carte postale mais qu’elles ne pourraient jamais plus en atteindre les ports. Il y a donc un discours politique ferme de criminalisation des actions des acteurs privés venant en aide aux migrants.
A l’inverse, l’action des acteurs privés “anti-migrants” ne rencontre pas la même dénonciation. Si leurs actions sont certes moins nombreuses, lors de leur réalisation peu de voix se sont élevées pour les dénoncer ou pour dénoncer le harcèlement subis par les O.N.G. venant en aide aux migrants. Si aujourd’hui le gouvernement français réfléchit aux possibilités de dissoudre l’association Génération identitaire, ce n’est qu’en raison d’une énième occupation de locaux – ceux de la CAF de Bobigny en mars 2019 – que la réflexion est amorcée. Il ne semble donc pas y avoir la même intensité à condamner dans le second cas que dans le premier. Cette attitude s’explique peut-être en grande partie par le fait que l’action de ces organisations ne va pas à l’encontre de celles de l’État aux frontières mais au-delà de celles-ci, impliquant dès lors une direction commune.
Si le traitement politique des actions des acteurs privés menées aux frontières n’est pas similaire, qu’en est-il de leur traitement juridique ? Les deux comportements sont passibles de poursuites pénales mais pas au même prisme. En effet, de telles poursuites ne s’inscrivent pas dans l’encadrement de faits de même nature. Concernant les actions des associations de lutte contre l’immigration, ce n’est pas tant l’action elle-même que la façon dont elle a été menée qui est en cause. Génération identitaire et certains de ses membres ont été poursuivis au visa de l’article 433-13 du Code pénal énonçant une condamnation allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000€ d’amende pour toute personne ayant exercé « une activité dans des conditions de nature à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique ou d’une activité réservée aux officiers publics et ministériels ». Il s’agit donc de sanctionner le mimétisme de l’intervention de l’association avec des activités réservées aux officiers publics et non une réelle immixtion de celle-ci dans leurs fonctions. En d’autres termes, l’opération menée en 2018 au Col de l’Échelle ne semble être évaluée qu’à l’aune des conditions de sa réalisation mais non du fondement ou de la nature des actions réellement menées. Cette qualification peut surprendre dans la mesure où l’article 433-12 du Code pénal – qui sanctionne pour sa part de trois ans d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende « le fait, par toute personne agissant sans titre, de s’immiscer dans l’exercice d’une fonction publique en accomplissant l’un des actes réservés au titulaire de cette fonction » – aurait permis d’englober en sus le fond des actions menées. En effet, les identitaires se sont notamment vantés, vidéos à l’appui, d’avoir raccompagnés des migrants de l’autre côté de la frontière – indépendamment de leurs droits et des risques encourus –, voire de les avoir remis aux autorités. Ils apparaissent ainsi s’immiscer dans l’exercice d’une fonction publique. Mais la difficulté compréhensible d’obtenir un dépôt de plainte de la part des migrants concernés a empêché de caractériser la possible infraction. Le droit pénal spécial encadrant la protection des fonctions publiques est donc ici peu mobilisable, ou à la marge, la particularité des victimes complexifiant les poursuites et rendant par ailleurs délicate la mobilisation de toute autre règle de droit. Si finalement la condamnation le 29 août 2019 de Génération identitaire à 75 000€ d’amende et de certains de ses cadres à des peines allant jusqu’à six mois de prison ferme se veut symbolique et tend à démontrer une fermeté de la réponse à apporter à ces actions, elles demeurent moins poursuivies que celles des pro-migrants ou noborders et surtout pas au même prisme.
L’action des associations et personnes privées venant en aide aux migrants s’inscrit quant à elle dans une pénalisation de l’action même : il ne s’agit pas d’en condamner la forme mais d’en criminaliser le fond. A ce titre, l’arsenal de lutte contre l’immigration illégale mobilisable apparait dense, spécifique et surtout régulièrement révisé[73]. Les deux articles principaux qu’il convient de mentionner pour l’encadrement de ces actions sont les articles L. 622-1, al. 1e du C.E.S.E.D.A. relatif au délit d’aide à l’entrée, au séjour et à la circulation d’un étranger en situation irrégulière, puni de 5 ans d’emprisonnement de 30 000€ d’amende, et l’article L. 622-4 du C.E.S.E.D.A. qui fixe la liste des exemptions à ce délit. Il n’y a donc pas, de prime abord, dans la construction du texte de distinction entre le trafic d’êtres humains organisé par les passeurs et les missions d’aide diligentées par les acteurs privés. C’est en partie pour s’en démarquer et souligner le paradoxe de la situation qu’il a progressivement pris le nom de « délit de solidarité ». Cet amalgame entre les aidants et les passeurs – que l’on retrouve dans le discours politique évoqué plus avant – a été dénoncé à de multiples reprise par les organisations de défense des droits de l’Homme[74] ou la doctrine[75]. Et si, en 2009, É. Besson – alors Ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale – se voulait rassurant en considérant que « [t]oute personne, particulier, bénévole, association, qui s’est limité à accueillir, accompagner, héberger des clandestins en situation de détresse, n’est donc pas concerné par ce délit. Et [qu’il] observe qu’en 65 années d’application de cette loi, personne en France n’a jamais été condamné pour avoir seulement accueilli, accompagné ou hébergé un étranger en situation irrégulière »[76], force est de constater que les dernières années l’ont inscrit en faux : les procès et les condamnations se sont multipliés en France[77].
Si la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2018 est enfin venue consacrer un principe constitutionnel de fraternité, impliquant l’existence d’une « liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire français » et prohibant la pénalisation de tout acte de solidarité à but humanitaire sans contrepartie financière, celui-ci ne s’applique qu’au délit d’hébergement et de circulation mais s’arrête au délit d’entrée sur le territoire[78]. C’est indéniablement la victoire d’une certaine vision éthique du droit axée sur l’hospitalité[79]. Cela apparaît d’ailleurs d’autant plus clairement après la loi asile-immigration entrée en vigueur en 2019 qui n’avait pas supprimé cette infraction en dépit de l’avis de la C.N.C.D.H. appelant à sa suppression ainsi que de l’inutilisation d’autres procédures annexes à l’encontre des associations venant en aide aux migrants[80]. Mais c’est une victoire en demi-teinte, presque une victoire à la Pyrrhus. Une nouvelle fois, le droit bute sur ce lieu particulier. : le principe de fraternité semble toujours s’arrêter à la frontière… À l’inverse, le délit de solidarité, lui, ne se limite pas aux frontières de la France et connaît également quelques imitations dans d’autres États européens comme en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Grèce, en Espagne, en Italie[81], en Serbie ou encore en Suisse et où les peines encourues peuvent parfois être beaucoup plus importantes[82]. Ne serait-ce que concernant les interventions maritimes, la European Union Agency for Fundamental Rights a recensé pas moins de treize O.N.G. ou personnes physiques faisant l’objet de procédures pénales en Italie, en Grèce et/ou à Malte pour leur intervention humanitaire en zones SAR européennes en Mer Méditerranée[83]. La solidarité est donc pénalisée au nom de la lutte contre l’immigration illégale en Europe, opérant ainsi une forme de hiérarchisation entre certains éléments de l’État de droit et conduisant à ce qu’un droit à la sécurité instrumentalisé prenne le pas sur toute autre considération.
B – Des actions interrogeant la légitimité de la norme
Ces dernières constatations interrogent à plus d’un titre alors que les frontières paraissent toujours davantage relatives selon que l’on se place sous l’angle de la globalisation économique – où les biens, les capitaux, les informations traversent aisément le frontières – ou de la mobilité professionnelle[84]. Que ce soit quant à la légitimité de ces poursuites ou de celle de la politique migratoire menée, c’est le fondement de la règle juridique mobilisée qui est discuté : le cadre juridique sur lequel s’appuie l’État pour agir qui est remis en cause.
La légitimité des poursuites à l’encontre des acteurs privés venant en aide aux migrants est contestée et contestable. Certes, l’article 27 de la Convention Schengen de 1990 impose aux États de sanctionner tout personne aidant ou tentant d’aider un étranger en situation irrégulière à entrer ou à séjourner sur le territoire d’un autre État européen. Cependant la directive 2002/90/CE du Conseil de l’Union européenne visant à lutter contre l’immigration clandestine est venue le préciser : elle ouvre des possibilités d’exceptions pour motif humanitaire, y compris pour l’aide à l’entrée sur le territoire[85]. Dès lors, l’exclusion du principe de solidarité aux cas d’entrée sur le territoire relève d’un choix des États fondé non sur le droit européen mais sur leurs priorités politiques alors même que le texte permet pourtant d’assurer une distinction nette entre les réseaux de passeurs et les actions humanitaires.
Plusieurs organisations internationales ont souligné le manque de compatibilité entre ces pratiques d’une part et les droits de l’Homme et les principes de l’État de droit d’autre part. À titre d’exemple, au niveau régional, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a notamment dénoncé en 2015 la politique de plus en plus restrictive des États membres face à l’immigration irrégulière, allant parfois jusqu’à criminaliser l’aide humanitaire. Elle rappelle à ce sujet « la nécessité de mettre fin à la menace de poursuite pour complicité à la migration irrégulière, engagée à l’encontre de personnes qui portent secours »[86], cette approche étant contraire aux principes de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ainsi qu’à la Convention européenne de 1950. En parallèle, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe a dénoncé le phénomène en 2016, en recommandant aux États de « s’assurer que l’aide sociale et humanitaire apportée aux migrants en situation irrégulière dans tous les domaines relevant des services publics et privés ne soit pas érigée en infraction pénale »[87]. Au niveau international, le Protocole contre le trafic de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, opère nettement la différence en son article 3 entre l’aide humanitaire et le trafic, en conditionnant la qualification du second à une contrepartie financière ou matérielle. Le droit international établit donc bien une distinction entre les deux situations, sans qu’aucune assimilation ne soit possible. Cette distinction est de plus appelée de ses vœux par l’Organisation des Nations Unies dans le récent Pacte de Marrakech dont l’Objectif 8 relatif au fait de « sauver des vies et mettre en place une action internationale coordonnées pour retrouver des migrants disparus », implique notamment d’ « élaborer des procédures et des accords relatifs à la recherche et au sauvetage des migrants dont l’objectif premier soit de protéger le droit à la vie et qui fassent respecter l’interdiction des expulsions collectives, assurent une procédure régulière et des évaluations individuelles, améliorent les capacités d’accueil et d’assistance, et garantissent que la fourniture d’une aide de nature exclusivement humanitaire ne puisse être considérée comme illégale »[88]. Autant d’éléments de droit international qui viennent étayer l’argumentation de l’exclusion d’une pénalisation des actions humanitaires des acteurs privés quel que soit l’endroit où elles se déroulent, y compris à la frontière.
En miroir, les sanctions des actions menées par les associations identitaires à l’encontre des migrants ou des O.N.G. qui leur viennent en aide paraissent paradoxalement limitées, peu discutées, et les pouvoirs publics peu enclins à les faire évoluer. Cela cristallise l’affrontement entre deux visions de ce que doit ou devrait être la politique migratoire. En effet, cette pénalisation exacerbée des actions humanitaires à la frontière – qui s’inscrit dans ce que le Conseil de l’Europe appelle « un crime sans victime »[89] – mise en parallèle avec une pénalisation mineure des actions anti-migrants semble refléter la réponse faite à la question migratoire dans son ensemble. Elle symbolise la tendance politique actuelle au niveau européen d’utiliser le droit dans un but d’exclusion ou à tout le moins d’éloignement de la frontière. Elle caractérise une sorte de fracture entre les valeurs de l’intérieur – celles que les États européens revendiquent défendre comme les droits de l’Homme ou la démocratie – et les valeurs de l’extérieur – celles qui sont appliquées aux portes du territoire européen. Ce contraste détonne dans un monde où la protection des droits se veut toujours plus approfondie et n’arrive pas à une solution satisfaisante puisque les États n’ont de cesse de modifier leurs lois relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière[90]. Cette frontière, Janus à deux faces car à la fois symbole du passage et de la limite[91], impose dès lors une réflexion sur les valeurs qui doivent être défendues et sur ce que l’Europe veut représenter. La volonté de tenir toujours davantage à l’écart les migrants, en s’appuyant sur des partenaires où le niveau de protection des droits de l’Homme est bien en-deçà du standard minimum européen (la Libye par exemple), ou dont les moyens pour assurer la surveillance de leur zone S.A.R. sont trop faibles (la Tunisie par exemple), conduit nécessairement à une augmentation des situations désespérées et à l’intervention d’acteurs privés dans un but humanitaire, intentionnellement ou par la force des circonstances[92]. Cela revient donc à faire peser sur d’autres acteurs la responsabilité de la gestion des migrants aux frontières, tout en criminalisant l’action de ces suppléants d’opportunité. Davantage qu’un problème de droit c’est surtout un problème d’éthique qui se pose aux frontières de l’Europe. A tout le moins c’est un problème de définition de ce que l’Europe partage et a à partager.
Car au-delà de cette situation se pose en effet les questions de savoir : sur quelles valeurs communes la communauté humaine européenne est-elle fondée ? Quel type de relations tend-t-elle à tisser avec l’étranger[93] ? Et jusqu’où est-elle prête à écorner ses principes pour maintenir cette tendance à la fermeture[94] ? Si la disparition des frontières est un mythe entretenu, la concrétisation d’une forteresse-Europe imprenable l’est tout autant. La migration humaine restera une réalité : laisser couler les embarcations de fortune ou disparaître les corps sous la neige ne fera pas disparaître un phénomène qui a toujours existé. C’est donc une voie médiane qu’il convient de trouver, un équilibre afin d’endiguer les conséquences létales de la situation actuelle même si elles ne peuvent disparaître complètement. Pour ce faire, une réflexion autour de la révision des voies légales semble nécessaire. L’affaire M. N. et autres c. Belgique actuellement pendante devant la Cour européenne des droits de l’Homme va dans ce sens[95]. En l’espèce, une famille syrienne a sollicité en 2016 à l’ambassade belge de Beyrouth l’obtention de visas humanitaires court séjour afin de pouvoir solliciter l’asile en Belgique. Un refus leur ayant été opposé et les différents recours étant demeurés infructueux, ils saisissent la Cour sur le fait de savoir si l’État belge a une obligation positive de délivrance de visa en vue d’empêcher que les requérants soient soumis à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants en violation de l’article 3 de la Convention. Ils s’appuient à cette fin sur des jurisprudences antérieures de la Cour ayant relevé la possibilité d’engager « la responsabilité de l’État […] lorsque les autorités n’ont pas pris de mesures raisonnables pour empêcher la matérialisation d’un risque de mauvais traitement dont elles avaient ou auraient dû avoir connaissance »[96]. L’objectif est ici affiché : obliger les États européens à accorder des visas aux étrangers souhaitant déposer une demande d’asile. Cela permettrait aux personnes déplacées par les conflits par exemple de venir par voie légale et non par des moyens détournés et a fortiori dangereux[97]. L’analyse de la Cour de Strasbourg est d’autant plus attendue, que la Cour de Luxembourg, au détour d’une question préjudicielle sur les mêmes faits, a considéré qu’il s’agissait d’une situation relevant du seul droit national – et donc à discrétion de l’État – et non du code européen des visas[98].
Ces affaires sont le symptôme d’une réelle interrogation face à la position politique des États membres de l’Union européenne actuellement justifiée par un droit restrictif à l’immigration[99]. Elles viennent réaffirmer l’importance de la mobilisation des règles juridiques face à des présupposés politiques qui lient questions migratoires et questions sécuritaires. Cette démarche est importante et nécessaire dans la mesure où le débat actuel se jouant aux frontières n’est pas seulement une question de rapports de l’Europe vis-à-vis de l’extérieur mais également, voire prioritairement, un problème interne qui pourrait tendre à sa destruction, aussi bien gardées que les frontières puissent être.
Cette contribution n’a pas pour ambition d’apporter des réponses à la question posée par son titre mais plutôt de tenter de cerner la difficulté que pose cette action des personnes privées aux frontières de l’Europe. Elle interroge indéniablement les valeurs sous-tendues par le droit applicable et la définition que les gouvernements retiennent de l’État de droit. Le schisme existant entre les principes et les droits défendus et protégés à l’intérieur des frontières et ceux opposés à l’extérieur de celles-ci paraît intenable voire indéfendable même si le paradoxe de la situation est assimilable. Grotius considérait que « l’État vraiment heureux serait celui qui aurait la justice pour bornes »[100] : si la notion de frontière est immanquablement une question juridique et si son passage relève d’une conformité à une norme posée celle-ci repose sur des considérations étrangères à la notion de justice entendue au sens de l’équité. Ainsi les frontières du territoire de l’État ne n’apparaissent pas aux yeux de beaucoup d’acteurs privés comme un espace de justice. Le dilemme reste toujours le même, ancestral : mobilité contre sécurité (au sens strict ou non). Les contradictions apparaissent trop importantes et les déséquilibres trop grands pour que la situation soit viable à long terme, sauf à imaginer que la source migratoire puisse se tarir. Il y a donc nécessairement une solution de compromis à trouver et encore davantage à chercher non seulement pour enfin apporter des réponses concrètes mais surtout pour éviter que l’idée fondatrice européenne ne disparaisse.
La question des frontières est au cœur des difficultés géopolitiques actuelles. S. Sur disait à l’occasion d’une interview que les questions politiques n’étaient pas totalement solubles dans le droit[101], impliquant dès lors que le droit international demeure impuissant à bien des égards. M.-L. Basilien-Gainche quant à elle a animé un séminaire s’interrogeant sur le fait de savoir si les principes juridiques étaient solubles dans l’eau salée[102] au regard de la teneur des politiques européennes face à cette « crise migratoire » fantasmée. Au regard de ce qui précède, et en englobant ces deux dernières positions, il semblerait surtout nécessaire de s’interroger sur le fait de savoir si l’État de droit ne serait pas tout simplement aujourd’hui soluble dans la souveraineté et si la question migratoire ne serait que la partie émergée de l’iceberg sur lequel la forteresse Europe risquerait de se fracasser et de sombrer à l’instar du Titanic en attendant peut-être, elle aussi, que quelqu’un prenne l’initiative de la sauver.
[1] Propos de Pia Klemp, capitaine du navire Sea-Watch 3, recueilli en décembre 2017, https://sea-watch.org/fr/capitaine-pia-nous-sommes-des-europeen-nes-privilegie-es/.
[2] Cette appellation fait référence aux trois procédures distinctes visant cumulativement 9 maraudeurs pour aide à l’immigration illégale à la frontière franco-italienne de Briançon entre 2018 et 2019.
[3] Voir le communiqué de l’association sur https://generationidentitaire.org/2019/06/11/defend-europe-dans-les-alpes-generation-identitaire-doit-faire-face-a-un-nouveau-proces/].
[4] Les derniers discours de Matteo Salvini fin mai 2019 indiquent notamment une volonté de renforcer les peines encourues par les O.N.G. portant assistance aux migrants en mer.
[5] B. Boudou, Le dilemme des frontières – Éthique et politique de l’immigration, Paris, Éditions EHESS, Collection Cas de figure, 2018, 263p.
[6] En octobre 2018, face au refoulement de migrants à la frontière franco-italienne par la police française Matteo Salvini a décidé l’envoi de policiers italiens afin de les en empêcher et a demandé des explications au Ministère de l’Intérieur français.
[7] J. Chevallier, L’État de droit, Paris, Monchrestien, 2003, 4e édition, p. 115.
[8] C. Husson-Rochcongar, « La redéfinition permanente de l’État de droit par la Cour européenne des droits de l’Homme », Civitas Europa, 2016/2, n°37, p. 214.
[9] M.-L. Basilien-Gainche, « Les frontières européennes. Quand le migrant incarne la limite », Revue de l’Union européenne, juin 2017, n°609, pp. 1-7.
[10] G. Perec, Espèces d’espaces, Paris, Galilée, 1974, pp. 122-123.
[11] S.A., Frontière maritime entre la Guinée-Bissau et le Sénégal, 31 juillet 1989, § 63, Recueil des sentences arbitrales, t. 20, p. 144 ; R.G.D.I.P. 1990, p. 253.
[12] S. Barbou des Places, « Résurgence de la frontière et réaffirmation du rôle des États dans la gestion des migrations », in M. Benlolo Carabot (dir.), L’Union européenne et les migrations, Bruxelles, Larcier-Bruylant, 2019, à paraître.
[13] J.-M. Sorel, « Frontière », Répertoire de droit international Dalloz, juillet 2017, §1.
[14] M. Foucher, L’obsession des frontières, Paris, Éditions Perrin, p. 19.
[15] Ibid., p. 20.
[16] A. Dowty, Closed Borders : The Contempory Assault on Freedom of Movement, Yale University Press, 1987, 270p.
[17] D. Miller, “Immigration : The Case for Limits” in A. I. Cohen & C. Heath Wellman, Contemporary Debates in Applied Ethics, Oxford, Blackwell Publishing, 2005, pp. 193-206.
[18] M. Walzer, Sphères de justice – Une défense du pluralisme et de l’égalité, Paris, Seuil, Collection « La Couleur des idées », 1997, 465p.
[19] Voir par exemple : K. Ômae, De l’État-nation aux États-régions, Paris, Dunod, 1996, 213p. Le titre anglais est d’ailleurs plus explicite : The End of the Nation State.
[20] M. Agier, La condition cosmopolite aujourd’hui – L’anthropologie à l’épreuve du piège identitaire, Paris, La Découverte, 2013, p. 79.
[21] M. Foucher, L’obsession des frontières, op. cit., en particulier p. 181.
[22] Voir notamment sur les dernières réformes du Code Schengen : M. Benlolo-Carabot, « La transformation de la notion de frontière dans l’Union européenne », Pouvoirs, n°165, 2018/2, p. 66.
[23] W. Brown, Murs. Les murs de séparation et le déclin de la souveraineté étatique, Paris, Les prairies ordinaires, 2009, 224p. ; J.-M. Sorel (dir.), Les murs et le droit international, Paris, Pedone, 2010, 202p. ; C. Quétel, Histoire des murs, Paris, Tempus, 2014, 318p. ; et A.-L., Amilhat-Szary, « Que montrent les murs ? Des frontières contemporaines de plus en plus visibles », Études internationales, vol. 43, n°1, mars 2012, pp. 67-87.
[24] M. Foucher, L’obsession des frontières, op. cit., p. 23.
[25] Voir notamment C. Wihtol de Wenden, Les nouvelles migrations – Lieux, hommes, politiques, Paris, Ellipses, 2013, 256p.
[26] R. Debray, Éloge des frontières, Paris, Folio, 2016, p. 40.
[27] Voir par exemple la conférence au Collège de France de C. Schmoll, « Des nouvelles formes migratoires aux nouvelles formes de frontières. Le tournant critique des études migratoires [1990-2018], du 29 mai 2019, https://www.college-de-france.fr/site/francois-heran/seminar-2019-05-29-10h00__1.htm.
[28] M. Foucher, L’obsession des frontières, op. cit., p. 19.
[29] É. Balibar, « Les frontières de l’Europe » in É. Balibar (dir.), La crainte des masses. Politique et philosophie avant et après Marx, Paris, Galilée, 1996.
[30] P. Cuttitta, « La “frontiérisation” de Lampedusa, comment se construit une frontière », L’Espace politique, vol. 25, 2015-1, 17p., http:// journals.openedition.org/espacepolitique/3336, [consulté le 11 juin 2019].
[31] Voir notamment C. Schmoll & N. Bernardie-Tahir (dir.), Méditerranée : des frontières à la dérive, Lyon, Le Passager clandestin, 2018, 143p.
[32] Voir notamment O. Clochard, « Le contrôle des flux migratoires aux frontières de l’Union européenne s’oriente vers une disposition de plus en plus réticulaire », Carnets de géographes, n°1, octobre 2010,18p., http://www.carnetsdegeographes.org/PDF/rech_01_03_Clochard.pdf.
[33] É. Balibar, « L’Europe-Frontière et le “défi migratoire” », Vacarme, n°73, 2015/4, p. 138.
[34] Commission européenne, Gestion des migrations : la Commission développe les concepts de débarquement et de centre contrôlés, Communiqué de presse, Bruxelles, 24 juillet 2018.
[35] L’absence d’encadrement juridique de l’externalisation des frontières est notamment extrêmement critiquée. Voir par exemple : O. Corten et M. Dony, « Accord politique ou juridique : Quelle est la nature du “machin” conclu entre l’UE et la Turquie en matière d’asile ? », EU Migration Law Blog, 10 juin 2016.
[36] D. Bigo, « Frontières, territoire, sécurité, souveraineté », CERISCOPE Frontières, 2011, p. 3, disponible sur http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part1/frontieres-territoire-securite-souverainete.
[37] En écho au documentaire de D. Fedele, The Land Between (2014).
[38] M. Agier, Gérer les indésirables – Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire, Paris, Flammarion, 2008, 352p.
[39] Voir notamment le numéro spécial « Corps migrants aux frontières méditerranéennes de l’Europe », Critique internationale, 2019/2, n°83, 226p. ; le Programme Deaths at the Borders of Southern Europe dirigé par le Professeur T. Spijkerboer, http://www.borderdeaths.org/ ; et P. Cuttita & T. Last (eds.), Border Deaths – Causes, Dynamics and Consequences of Migration-related Mortality, Amsterdam, Amsterdam University Press, à paraître.
[40] Voir par exemple M. Poinsot & S. Weber (dir.), Migrations et mutations de la société française – L’état des savoirs, Paris, La Découverte, 2014, 352p.
[41] Loi sur la police intérieure des communes de la République, 10 Vendémiaire An IV (2 octobre 1795), Titre III, article 1e. Pour une analyse plus vaste voir notamment, G. Noiriel, « Surveiller les déplacements ou identifier les personnes ? Contribution à l’histoire du passeport en France de la Ie à la IIIe République », Genèses – Sciences sociales et histoire, vol. 30, 1998, pp. 77-100.
[42] C. Wihtol de Wenden, Faut-il ouvrir les frontières ?, Paris, Presses de Sciences Po, Collection Nouveaux Débats, 2017, 3e édition, pp. 15-16.
[43] Par exemple, à partir de 1924, la Société générale d’immigration – composée d’associations patronales, agricoles et industrielles – va se charger de choisir les candidats à l’immigration par le travail au profit de ses adhérents.
[44] Elle n’a cependant pas disparue mais est devenue illégale bien que certaines enquêtes tendent à démontrer que certaines administrations ne le sanctionnent pas. Voir notamment : A. Albertini, Les invisibles – Une enquête en Corse, Paris, J.C. Lattès, 2018, 200p. sur la main d’œuvre agricole, principalement algérienne, venue illégalement pour travailler dans les champs de la plaine corse. Les passeurs semblent organiser leur venue en collaboration avec certains agriculteurs et les autorités administratives semblent quant à elles en faire peu de cas.
[45] Cette formule ne doit pas faire oublier qu’en Europe l’émigration importante de personnes en provenance notamment des Balkans pose des difficultés depuis les années 2000 conduisant les membres de l’Union européenne à inciter ces États à contenir leur population de gré ou de force sous peine de rendre la procédure d’obtention de visa Schengen plus difficile . Voir notamment sur ce point : Conseil de l’Europe, Le droit de quitter un pays, 2013, pp. 45-57.
[46] M. Chemillier-Gendreau, « L’introuvable statut de réfugié, révélateur de la crise de l’État moderne », Hommes & Migrations, n°1240, 2002, p. 101.
[47] CE, 28 décembre 2017, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers et autres, n°415291.
[48] CJUE, Grande Chambre, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, C-188/10 et C-189/10, §§ 63-75.
[49] Sur cette corrélation, voir notamment la conférence au Collège de France d’A. Pécoud, « Ouverture des frontières et liberté de circulation : droit utopie ou horizon politique ? », du 29 mai 2019, https://www.college-de-france.fr/site/francois-heran/seminar-2019-05-29-11h00.htm
[50] M. Bassi & F. Souiah, « La violence du régime des frontières et conséquences létales : Récits et pratiques autour des morts et disparus par migration », Critique internationale, 2019/2, n°83, pp. 9-19.
[51] Voir notamment H.C.R., Voyages du désespoir. Réfugiés et migrants qui arrivent en Europe et aux frontières de l’Europe, Janvier-décembre 2018, 35p.
[52] P. Cuttitta, « Delocalization, Humanitarianism and Human Rights : The Mediterranean Border Between Exclusion and Inclusion », Antipode, vol. 50, n°3, 2018, pp. 783-803.
[53] Les principales données de l’immigration au 12 juin 2019, https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Statistiques/Essentiel-de-l-immigration/Chiffres-cles.
[54] A. Novosseloff, « Les murs de séparation, une somme de contradictions », Pouvoirs, n°165, 2018/2, pp. 113-121.
[55] Les actions ayant été organisées après la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures.
[56] D. McAdam, S. Tarrow & C. Tilly, « Pour une cartographie de la politique contestataire », Politix, n°41, 2001, p. 5.
[57] A. Lendaro, « Désobéir en faveur des migrants – Répertoires d’action à la frontière franco-italienne », Journal des anthropologues, n°152-153, 2018/1, p. 171-192.
[58] Voir notamment sur ce point : D. Lochak, « Quarante ans de combat pour défendre la cause des étrangers : l’arme du droit à travers le cas du GISTI », Migrations Société, n°170 2017/4, pp. 109-117.
[59] Voir notamment E. Cusumano, « The Sea as Humanitarian Space. Non-Governmental Search and Rescue Dilemmas on the Central Mediterranean Migratory Route », Mediterranean Politics, n°23/3, 2018, pp. 387-394.
[60] B. Boudou, « Au nom de l’hospitalité : les enjeux d’une rhétorique morale en politique », Cités, n°68, 2016/4, pp. 33-48.
[61] Voir notamment : Amnesty International France, Des contrôle aux confins du droit – Synthèse de mission d’observation, février 2017, 10p.
[62] L. Israel, L’arme du droit, Paris, Presses de Sciences Po, Collection Contester, 2009, 138p.
[63] Plusieurs textes inclus ce principe : la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 (article 98), le Règlement européen de l’Union européenne n°656/2014 du 15 mai 2014, la Convention sur la recherche et le sauvetage maritime dite S.A.R. de l’O.M.I. de 1979 (voir notamment les Chapitres 2 et 3), ainsi que la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer dite S.O.L.A.S. également adoptée sous l’égide de l’O.M.I. en 1974 (Article V).
[64] Pour une analyse plus approfondie voir le travail de l’Université d’Angers sur cette question : https://alliance-europa.eu/wordpress/wp-content/uploads/2018/09/LivretA5_ObligationsDesEtats_SecoursEnMer_web-1.pdf.
[65] Le bombardement du centre pour migrants de Tajoura le 3 juillet 2019 par les forces du Général Haftar faisant 53 morts et 130 blessés en a été une illustration violente.
[66] Par ailleurs, le point 6.17 énonce que « la nécessité d’éviter le débarquement dans des territoires où la vie et la liberté des personnes qui affirment avoir des craintes bien fondées de persécution seraient menacées est à prendre en compte dans le cas des demandeurs d’asile et de réfugiés récupérés en mer ».
[67] Règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membre par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, J.O.U.E., n°L180 du 29 juin 2013.
[68] Sur le durcissement de l’accès légal au territoire européen et ses conséquences notamment sur le droit d’asile, voir notamment K. Parrot, L’État contre les étrangers, La Fabrique Éditions, Carte blanche, 2019, pp. 60-71.
[69] Voir notamment le site de l’Association Roya Citoyenne : https://www.roya-citoyenne.fr/.
[70] Voir notamment, A. Lendaro, « Désobéir en faveur des migrants – Répertoires d’action à la frontière franco-italienne », op. cit., pp. 184-185. Sur la notion de désobéissance et ses justifications voir F. Gros, Désobéir, Paris, Champs, Essais, 2019, 268p. et en particulier le chapitre sur la « Désobéissance civique », pp. 177-187.
[71] É. Balibar, « Les frontières de l’Europe » in É. Balibar (dir.), La crainte des masses. Politique et philosophie avant et après Marx, Paris, Galilée, 1996.
[72] A. Lendaro, « Désobéir en faveur des migrants – Répertoires d’action à la frontière franco-italienne », op. cit., p. 176.
[73] Voir pour un historique de cette question M. R. Donnarumma, « Le “délit de solidarité”, un oxymore indéfendable dans un État de droit », Revue française de droit constitutionnel, n°117, 2019/1, pp. 46-49.
[74] Voir notamment V. Geisser, « Délinquance humanitaire ? Du “délit de solidarité” au “devoir de délation” », Migrations Société, n°123-124, 2009/3, pp. 7-18.
[75] Voir pour des exemples récents : D. Lochak, « La solidarité, un délit ? », Après-demain, 2013/3, n°27-28, pp. 7-9 ; M. R. Donnarumma, « Le “délit de solidarité”, un oxymore indéfendable dans un État de droit », op. cit., pp. 45-58 ; et C. Lazerges, « Le délit de solidarité, une atteinte aux valeurs de la République », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, n°1, 2018/1, pp. 267-274.
[76] É. Besson, « Lettre au président du G.I.S.T.I. », 7 avril 2009, https://www.gisti.org/IMG/pdf/lettre_besson_20090407.pdf
[77] Voir notamment la recension des condamnations en France sur le site du G.I.S.T.I. : http://www.gisti.org/spip.php?article1621.
[78] Il est à noter que même sur ces seuls points la décision du Conseil constitutionnel a été vivement critiquée. En réponse le 5 juillet, lors de la discussion du projet de révision constitutionnelle– aujourd’hui avorté – à l’Assemblée nationale, É. Ciotti et G. Larrivé avaient proposé un amendement n°1510 visant à ce « qu’une disposition législative déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel ou jugée contraire à un traité par une juridiction française ou européenne statuant en dernier recours puisse être maintenue en vigueur si, dans les six mois suivants cette décision ou ce jugement, elle était confirmée par une loi adoptée dans les mêmes termes par la majorité des députés et la majorité des sénateurs ». La question migratoire est donc tellement épidermique qu’elle peut conduire à vouloir remettre en cause jusqu’à la hiérarchie des normes.
[79] Voir notamment sur le thème de l’hospitalité : J. Derrida & A. Dufourmantelle, De l’hospitalité, Paris, Calmann-Lévy, 1997, 144p. ; B. Boudou, « La durée des frontières », Esprit, 2018/7-8, pp. 113-121 et B. Bourcier, « L’Hospitalité : éthique ou politique ? », Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 143, 2018/2, pp. 219-232.
[80] C.N.C.D.H., Mettre fin au délit de solidarité, avis adopté le 18 mai 2017, 12p.
[81] L’Italie s’illustre particulièrement en la matière avec un durcissement très récent de sa législation en la matière par l’adoption en août 2019 par le Sénat du décret dit « Sécurité bis » qui vise notamment à faire condamner les capitaines de navire refusant de débarquer les migrants en Libye à des peines pouvant aller jusqu’à un million d’amende et dix ans de prison. Le H.C.R. avait pourtant exhorté les autorités italiennes à revoir leur projet. Voir notamment : https://www.unhcr.org/fr/news/press/2019/6/5d022b7da/hcr-exhorte-litalie-reconsiderer-decret-propose-sauvetage-mer-mediterranee.html.
[82] Voir notamment à ce sujet la page de recensement du G.I.S.T.I. : https://www.gisti.org/spip.php?rubrique1060
[83] Voir notamment F.R.A., Fundament Rights Considerations : NGO ships involved in Serach and rescue in the Mediterranean and Criminal Investigations 2018, https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2018-ngos-sar-mediterranean_en.pdf.
[84] S. Sassen, La globalisation. Une sociologie, Paris, Gallimard, Nrf Essais, 2009, pp. 227-228.
[85] L’article 27 se lit aujourd’hui comme suit : « 1. Chaque État membre adopte des sanctions appropriées : a) à l’encontre de quiconque aide sciemment une personne non ressortissante d’un État membre à pénétrer sur le territoire d’un État membre ou à transiter sur le territoire d’un tel État, en violation de la législation de cet État relative à l’entrée ou au transit des étrangers ; b) à l’encontre de quiconque aide sciemment, dans un but lucratif, une personne non ressortissante d’un État membre à séjourner sur le territoire d’un État membre en violation de la législation de cet État relative au séjour des étrangers. 2. Tout État membre peut décider de ne pas imposer de sanction à l’égard du comportement défini au paragraphe 1, point a), en appliquant sa législation et sa pratique nationales, dans les cas où ce comportement a pour but d’apporter une aide humanitaire à la personne concernée » (gras ajouté).
[86] Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, La criminalisation des migrants en situation irrégulière : un crime sans victime, Résolution 2059 (2015), 22 mai 2015, §5.
[87] E.C.R.I., Recommandation de politique générale n°16 sur la protection des migrants en situation irrégulière contre la discrimination, 16 mars 2016, CRI(2016)16, §14.
[88] Nations Unies, Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, A/CONF.231/3,10-11 décembre 2018, §24 (italiques ajoutées).
[89] Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, La criminalisation des migrants en situation irrégulière : un crime sans victime, Résolution 2059 (2015), 22 mai 2015, op. cit.
[90] Plusieurs déclarations récentes d’E. Macron et É. Philippe laisseraient à penser que la dernière loi asile-immigration, entrée en vigueur au 1e janvier 2019 serait déjà « obsolète ». Voir notamment : https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/06/11/nouvelle-offensive-de-l-executif-sur-l-immigration_5474629_823448.html.
[91] R. Debray, Éloge des frontières, op. cit., p. 29.
[92] Voir notamment sur ce point l’enquête du journal Le Monde auprès des pêcheurs tunisiens qui suppléent les actions étatiques faute de mieux : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/17/les-pecheurs-tunisiens-desormais-en-premiere-ligne-pour-sauver-les-migrants-en-mediterranee_5477358_3212.html?fbclid=IwAR1nzqooXlZv3Wzs4H_eutyYVASjvcOZc9w3pjPerdnamWhEF5SbjRuwNOo.
[93] B. Boudou, Le dilemme des frontières, op. cit., pp. 69-73.
[94] Voir notamment : É. Balibar, « Les nouvelles frontières de la démocratie européenne », Critique internationale, n°18, 2003/1, pp. 169-178.
[95] C.E.D.H., Grande Chambre, M. N. et autres c. Belgique, requête n°3599/18, pendante.
[96] Voir notamment sur ce point : C.E.D.H., Grande Chambre, El-Masri c. Ex-République yougoslave de Macédoine, 13 décembre 2012, requête n°39630/09, §198.
[97] Sur cette question voir notamment K. Parrot, L’État contre les étrangers, La Fabrique Éditions, Carte blanche, 2019, pp. 63-66.
[98] C.J.U.E., Grande Chambre, X. et X. c. État belge, 7 mars 2017, affaire n°C-638/16, §52. Voir notamment le commentaire de C. Moreno-Lay, « Asylum Visas as an Obligation under EU Law : Case PPU C-638/16 X,X v. État belge », http://eumigrationlawblog.eu/asylum-visas-as-an-obligation-under-eu-law-case-ppu-c-63816-x-x-v-etat-belge/.
[99] Il faut notamment rappeler que la Cour de justice de l’Union européenne a qualifié de raisons impérieuses d’intérêt général justifiant une restriction par les États à la libre circulation des personnes « la lutte contre l’immigration illégale » (C.J.U.E., Demir c. Staatssecretaris van Justitie, 7 novembre 2013, affaire C-225/12, §42) ainsi que « la gestion efficace du flux migratoire » (C.J.U.E., Furkan Tekdemir c. Kreis Berstraße, 29 mars 2017, affaire n°C-652/15, §53).
[100] Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, 1625.
[101] France culture, « Y a-t-il une judiciarisation des relations internationales ? », Du Grain à moudre, 8 octobre 2018, https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-a-moudre/du-grain-a-moudre-du-lundi-08-octobre-2018.
[102] M.-L. Basilien-Gainche, « Europe et migrants – Les principes juridiques sont-ils solubles dans l’eau salée ? », séminaire de recherche dispensé à l’Université Lyon 3 en 2016.