Le rejet de l’accord d’adhésion de l’Union européenne à la CEDH par la Cour de justice : un peu de bon droit, beaucoup de mauvaise foi ?
Par son retentissant et déjà abondamment commenté avis 2/13 du 18 décembre 2014, l’assemblée plénière a mis un coup d’arrêt brutal au processus d’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme. D’un strict point de vue juridique, les arguments invoqués par la Cour sont très variablement convaincants. Il n’est pas rare, par exemple, que la Cour de justice semble exiger de l’accord qu’il contienne des éléments dont on pourrait légitimement estimer qu’ils relèvent exclusivement de la discipline interne de l’Union. Parfois encore, la Cour semble attendre de l’accord qu’il règle des problèmes se posant en tout état de cause, adhésion ou pas, en raison exclusivement de l’appartenance des États membres au système de la Convention. Enfin, certains arguments sont juridiquement raisonnables, même s’il aurait peut-être suffi d’une réserve d’interprétation pour parvenir à conclure à la compatibilité de l’accord, comme l’avait fait l’avocat général Kokott. Le présent commentaire, en proposant un examen linéaire de l’analyse de la Cour de justice, se veut complémentaire de l’analyse très approfondie réalisée par Édouard Dubout dans cette même Revue, et qui met à jour quant à elle le cadre théorique et systémique dans lequel s’inscrit la position de la Cour.
Sébastien Platon est professeur de droit public à l’université de Bordeaux
Dire que l’avis 2/13 de l’assemblée plénière de la Cour de justice de l’Union européenne du 18 décembre 2014 a causé un séisme juridique serait un doux euphémisme. En estimant que l’accord d’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, auquel ont abouti les négociateurs le 5 avril 2013, n’était pas compatible avec le droit originaire de l’Union européenne, la Cour de justice a mis un coup d’arrêt brutal à un processus rendu possible – et même obligatoire – par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Ce dernier, en insérant dans le traité sur l’Union européenne un article 6§2 stipulant que « l’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales », avait levé l’hypothèque de l’avis 2/94 de la Cour de justice du 28 mars 1996 dont il découlait que la Communauté (à l’époque) n’avait pas compétence pour adhérer à la CEDH.
La réaction de la Cour européenne des droits de l’homme ne s’est pas fait attendre. Dans l’édition provisoire de son rapport annuel 2014, elle affirme ainsi sa « grande déception » causée par le rejet d’un « projet (…) en chantier depuis plus de trente ans, (…) voulu par le Traité de Lisbonne » et relève que « l’ensemble des États membres et des institutions européennes s’étaient déjà exprimés en faveur de la compatibilité de l’accord avec les traités sur l’Union européenne et sur le fonctionnement de l’Union européenne ». La conclusion sonne comme une condamnation morale assez cinglante : « n’oublions pas cependant que les premières victimes de l’avis 2/13, ce sont les citoyens qui se voient ainsi privés du droit de soumettre les actes de l’Union européenne au même contrôle externe du respect des droits de l’homme que celui qui s’applique à tous les États membres » 1. Les juges de Luxembourg apprécieront…
Ce coup d’arrêt était d’autant moins prévisible que, d’une part, la Cour de justice a été étroitement associée à l’élaboration des conditions de l’adhésion 2 et que, d’autre part, l’avocat général J. Kokott, dans sa prise de position (publiée le même jour que l’avis), avait conclu à la compatibilité de l’accord avec le droit originaire, moyennant il est vrai un certain nombre de réserves d’interprétation.
Comment dès lors expliquer cette solution ? Il est inévitable que des explications d’ordre extra-juridique, relevant davantage de la science administrative, viennent à l’esprit. Une institution aussi jalouse de son autonomie que l’est la Cour de justice pourrait ainsi, par exemple, vouloir non seulement repousser autant que possible le moment où une autre juridiction regardera par-dessus son épaule, mais encore imposer les termes auxquels cette surveillance s’opérera. L’on s’en tiendra cependant ici à une analyse juridique, en se posant exclusivement la question suivante : les arguments invoqués par la Cour sont-ils juridiquement pertinents ? Or, le moins que l’on puisse dire est que, à l’observation, cette question appelle une réponse mitigée.
Pour en rester, pour l’instant, à un niveau général, ce qui frappe à la lecture de l’avis, c’est que la Cour a résolument placé son analyse sous l’angle des caractéristiques essentielles, voire existentielles, de l’Union européenne : c’est en effet, excusez du peu, ces caractéristiques existentielles qui sont menacées par l’accord d’adhésion. Elle se livre par conséquent à une mise en exergue de la spécificité de la construction européenne comme on n’en avait plus guère lu depuis les jurisprudences fondatrices des années 60. Les munitions argumentaires choisies sont d’un calibre élevé, probablement pour être à la hauteur de la cible.
C’est ainsi, en particulier, que l’analyse de la compatibilité de l’accord avec le droit primaire est précédée de longues « considérations liminaires ».
La Cour y rappelle tout d’abord le fait que l’Union est la première entité non étatique à envisager d’adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme. C’est là un truisme qui n’avait pas échappé aux négociateurs de l’adhésion, puisque c’est ce caractère non étatique qui a justifié que l’adhésion à la CEDH prenne la forme non pas d’une simple conclusion directe de celle-ci par l’Union mais d’un accord d’adhésion, impliquant un certain nombre de modifications et d’adaptations.
La Cour affirme également, avec une grandiloquence quelque peu lénifiante, que « l’Union est dotée d’un ordre juridique d’un genre nouveau, ayant une nature qui lui est spécifique, un cadre constitutionnel et des principes fondateurs qui lui sont propres, une structure institutionnelle particulièrement élaborée ainsi qu’un ensemble complet de règles juridiques qui en assurent le fonctionnement, [ce qui] entraîne des conséquences en ce qui concerne la procédure et les conditions d’une adhésion à la CEDH ». Là encore, ces considérations n’ont pu être ignorées lors de la négociation de l’accord d’adhésion puisque, comme la Cour le rappelle, en vertu de la deuxième phrase de l’article 6§2 TUE, l’adhésion « ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités » et en vertu du Protocole n° 8 3, l’accord d’adhésion doit refléter la nécessité de préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union et garantir que l’adhésion n’affecte ni les compétences de l’Union, ni les attributions de ses institutions, ni la situation particulière des États membres à l’égard de la CEDH, non plus que l’article 344 TFUE (« Les États membres s’engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci »).
La Cour entreprend alors de brosser à gros traits lesdites « caractéristiques spécifiques », de façon non seulement sommaire (il ne saurait que difficilement en être autrement, sauf à transformer ces considérations préliminaires en une thèse de doctorat ou un manuel de droit institutionnel) mais également quelque peu décousue. Il serait sans doute fastidieux ici, et probablement peu utile, de rendre compte de cet inventaire à la Prévert, où le principe de coopération loyale et les valeurs communes de l’Union (droits fondamentaux en tête, bien évidemment, mais interprétés dans le contexte et au regard des objectifs du droit de l’Union) côtoient l’autonomie du droit de l’Union et le système juridictionnel de l’Union, avec le renvoi préjudiciel en son centre. On relèvera tout de même l’insistance lourde de la Cour sur le caractère constitutionnel de ces caractéristiques : « cadre constitutionnel » au point 158 ; « charte constitutionnelle de base de l’Union que sont les traités » au point 163, invoquant le célèbre arrêt « Les Verts » 4; « structure constitutionnelle de l’Union » au point 165 ; « cadre constitutionnel », à nouveau, au point 177. Cette insistance fait écho avec l’avis 2/94, lequel, déjà, évoquait « l’envergure constitutionnelle » que revêtirait une éventuelle adhésion à la Convention. Cette insistance sur les caractéristiques « constitutionnelles » de l’Union semble revêtir une fonction essentiellement rhétorique, tendant à justifier par avance un rejet de l’accord au nom de principes ontologiquement supérieurs.
S’ensuivent les griefs opposés à l’accord d’adhésion. Leur pertinence juridique est extrêmement variable. Il n’est pas rare, par exemple, que la Cour de justice semble exiger de l’accord qu’il contienne des éléments dont on pourrait légitimement estimer qu’ils relèvent exclusivement de la discipline interne de l’Union. Parfois encore, la Cour semble attendre de l’accord qu’il règle des problèmes se posant en tout état de cause, adhésion ou pas, en raison exclusivement de l’appartenance des États membres au système de la Convention. Par souci de clarté et en raison de la densité argumentaire déployée, c’est sous la forme d’un examen linéaire, emboîtant pas à pas la démarche de la Cour, que le présent texte sera organisé. Seront donc successivement analysés les griefs successifs de la Cour qui portent, respectivement, sur les caractéristiques spécifiques et l’autonomie du droit de l’Union (1), l’article 344 TFUE (2), le e mécanisme du codéfendeur (3), la procédure de l’implication préalable de la Cour de justice (4) et les caractéristiques spécifiques du droit de l’Union concernant le contrôle juridictionnel en matière de PESC (5). On terminera cette analyse par quelques considérations conclusives.
1- Les caractéristiques spécifiques et l’autonomie du droit de l’Union
La Cour relève, sous cette catégorie fort vague, trois incompatibilités variablement convaincantes.
a) Il est tout d’abord reproché à l’accord de ne pas contenir de mécanisme de coordination entre l’article 53 de la CEDH et l’article 53 de la Charte des droits fondamentaux. En vertu de l’article 53 de la Convention, « Aucune des dispositions de la présente Convention ne sera interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales qui pourraient être reconnus conformément aux lois de toute Partie contractante ou à toute autre Convention à laquelle cette Partie contractante est partie ». L’énoncé de l’article 53 de la Charte est relativement proche : « Aucune disposition de la présente Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit de l’Union, le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties l’Union, ou tous les États membres, et notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ainsi que par les constitutions des États membres ». La Cour a interprété cette disposition, dans l’arrêt Melloni 5, en ce sens que l’application de standards nationaux de protection des droits fondamentaux ne doit pas compromettre le niveau de protection prévu par la Charte ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union. Dans l’avis commenté, la Cour estime que l’accord aurait dû inclure une disposition assurant que « la faculté octroyée par l’article 53 de la CEDH aux États membres demeure limitée, en ce qui concerne les droits reconnus par la Charte correspondant à des droits garantis par ladite convention, à ce qui est nécessaire pour éviter de compromettre le niveau de protection prévu par la Charte ainsi que la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union ».
On peine ici à comprendre l’objection de la Cour. Il n’existe absolument aucun élément indiquant que la faculté laissée par l’article 53 de la CEDH de prévoir des standards nationaux plus protecteurs doive ou puisse être interprétée comme un droit d’opposer lesdits standards aux autres obligations internationales de l’État, y compris celle de respecter le droit de l’Union : il s’agit d’une simple affirmation du caractère minimal de la protection garantie par la Convention. C’est aux institutions de l’Union européenne, et au premier chef à la Cour de justice, qu’il appartient de veiller à ce que les États ne tirent pas prétexte (car cela ne saurait être autre chose) de l’article 53 CEDH pour opposer leurs standards nationaux de protection des droits fondamentaux à une norme de droit de l’Union, au mépris du principe de primauté. Il semble donc – et cette impression, on l’a dit et on le verra, est récurrente à la lecture de l’avis 2/13 – que la Cour de justice exige de l’accord qu’il contienne des dispositions de nature à assurer la discipline interne de l’Union vis-à-vis de ses États membres, ce qui semble inutile et ne saurait, en tout état de cause, fonder un constat d’incompatibilité.
b) La deuxième objection de la Cour au sein de cette partie sur « les caractéristiques spécifiques et l’autonomie du droit de l’Union » est un peu plus convaincante, à défaut de l’être totalement. La Cour relève que les États membres peuvent être tenus, en vertu du droit de l’Union, de présumer le respect des droits fondamentaux par les autres États membres. C’est le cas en particulier dans le domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice : la confiance mutuelle entre États en matière de protection des droits fondamentaux est indéniablement la clé de voûte des différents mécanismes de coopération institués dans ce domaine, comme la Cour de justice l’a affirmé au regard du mandat d’arrêt européen dans l’arrêt Melloni. Or, selon la Cour de justice, « la CEDH, en imposant de considérer l’Union et les États membres comme des Parties contractantes non seulement dans leurs relations avec celles qui ne sont pas des États membres de l’Union, mais également dans leurs relations réciproques, y compris lorsque ces relations sont régies par le droit de l’Union, exigerait d’un État membre la vérification du respect des droits fondamentaux par un autre État membre, alors même que le droit de l’Union impose la confiance mutuelle entre ces États membres », et que, dès lors, « l’adhésion est susceptible de compromettre l’équilibre sur lequel l’Union est fondée ainsi que l’autonomie du droit de l’Union ».
De quoi s’agit-il ici, exactement ? Vraisemblablement pas des recours entre États devant la Cour européenne des droits de l’homme, dont l’extrême rareté ne saurait menacer la « confiance mutuelle » entre États membres en matière de droits fondamentaux. Comme l’a relevé H. Labayle dans ses « libres propos » relatifs à l’avis 2/13, cette analyse fait probablement écho à l’arrêt Tarakhel c. Suisse de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme du 4 novembre 2014, dans lequel la Cour de Strasbourg condamnait la Suisse pour le renvoi, en application du règlement Dublin II (rendu applicable à la Suisse par l’effet d’un accord du 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Suisse) d’un demandeur d’asile en Italie malgré l’insuffisance des conditions d’accueil dans cet État. Par cet arrêt, la Cour précise le caractère élevé du standard qu’elle avait posé en 2011 dans l’arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce. Dans cette affaire, la Cour avait estimé que la Belgique ne pouvait transférer un demandeur d’asile vers la Grèce, en application du système Dublin, si ce demandeur d’asile risquait d’être soumis dans ce pays à un traitement contraire à la Convention. Ce raisonnement a été « importé » par la Cour de justice dans l’arrêt N.S. et autres, mais avec une inflexion notable. Dans ces deux affaires étaient en cause les défaillances systémiques de l’accueil des demandeurs d’asile en Grèce. Mais alors que ce caractère systémique n’était pas utilisé en tant que tel par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt M.S.S comme justification de l’obligation pour la Belgique de ne pas transférer de demandeurs d’asile en Grèce, la Cour de justice, dans son arrêt N.S., a quant à elle fortement insisté sur le fait que seule une telle défaillance systémique pouvait conduire à lever la présomption selon laquelle chaque État membre respecte les droits fondamentaux des demandeurs d’asile. Par la suite, lors de la refonte en 2013 du système Dublin par le règlement « Dublin III », cette exigence d’une défaillance systématique a été codifiée à l’article 3§2, al. 2, dudit règlement. Or, dans l’arrêt Tarakhel, la Cour européenne des droits de l’homme semble rejeter une telle exigence de défaillance systémique dans l’État de destination, en énonçant que « l’origine du risque encouru ne modifie en rien le niveau de protection garanti par la Convention et les obligations que celle-ci impose à l’État auteur de la mesure de renvoi. Elle ne dispense pas cet État d’examiner de manière approfondie et individualisée la situation de la personne objet de la mesure et de surseoir au renvoi au cas où le risque de traitements inhumains ou dégradants serait avéré » (point 104).
L’argument est juridiquement sérieux. Il n’est cependant pas certain qu’il y ait ici une réelle incompatibilité entre le droit de l’Union européenne et la Convention européenne des droits de l’homme. Rappelons que, en vertu de la clause dite « de souveraineté » 6, tout État membre de l’Union peut décider de ne pas renvoyer le demandeur d’asile vers l’État de première entrée (ou tout autre État désigné par le droit de l’Union) et d’examiner lui-même la demande d’asile. La clause de souveraineté suffit dès lors à concilier la position des deux Cours européennes, ou plus précisément à permettre aux États membres de respecter à la fois la CEDH et le droit de l’Union européenne. En l’absence de défaillance systémique dans l’État de première entrée, l’État dans lequel se trouve le demandeur d’asile ne pourrait certes pas invoquer l’article 3§2 al. 2 du Règlement Dublin III, codifiant la jurisprudence N.S., pour pouvoir poursuivre l’examen des critères de détermination de l’État responsable afin de vérifier si l’un des critères ultérieurs permet d’identifier un État membre, autre que celui dans lequel existe le risque de violation, comme responsable de l’examen de la demande d’asile. Il serait cependant alors tenu par la Convention de faire jouer la clause de souveraineté et d’examiner lui-même la demande d’asile lorsqu’il existe malgré tout un risque réel de violation individuelle des droits fondamentaux du demandeur d’asile dans l’État responsable au sens du système Dublin. Dans la mesure où la clause de souveraineté est prévue par le règlement et où son utilisation est ouverte sans conditions, l’État membre pourra donc dans ce cas respecter ses obligations au titre de la Convention sans violer celles qui résultent du système Dublin.
Admettons cependant qu’il y ait incompatibilité. Il est possible de s’interroger sur les termes de cette incompatibilité : qu’est-ce qui est incompatible avec quoi ? D’une part, on pourra faire remarquer que cette incompatibilité concerne non pas le droit primaire mais un simple règlement, que la Cour fait donc prévaloir sur une convention dont la conclusion est envisagée. Cela manifeste soit une curieuse conception tant de la hiérarchie des normes que de son office au titre de la procédure consultative 7, soit une élévation au rang de principe constitutionnel de l’Union européenne (et peut-être même supraconstitutionnel, la Cour estimant que l’accord méconnaît ici « la nature intrinsèque de l’Union » – point 193) non seulement du principe de confiance mutuelle entre États membres en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux – pourquoi pas – mais plus précisément du standard élevé de renversement de la présomption de respect des droits fondamentaux posé par l’arrêt N.S. D’autre part, on ajoutera que l’accord d’adhésion n’est aucunement la cause du problème, puisque les États membres sont déjà et continueront à être confrontés, le cas échéant, au dilemme de devoir choisir entre violer le droit de l’Union (le règlement Dublin) et violer la Convention européenne des droits de l’homme. Il est donc reproché à l’accord non pas de créer une incompatibilité mais de ne pas résoudre une incompatibilité existante (si tant est, comme on l’a dit précédemment, qu’elle existe). Le mieux, en somme, est l’ennemi du bien, pour reprendre la formule de F. Picod 8.
c) La troisième objection de la Cour dans le cadre de ces critiques liées aux caractéristiques spécifiques et à l’autonomie du droit de l’Union est fondée sur la procédure permettant aux juridictions suprêmes d’un État partie à la CEDH de demander un avis consultatif à la Cour EDH, prévue par le Protocole n° 16 à la CEDH (non encore entré en vigueur). La Cour estime que la mise en œuvre de cette procédure pourrait déboucher sur une mise en œuvre, par la Cour EDH, du mécanisme d’implication préalable de la Cour de justice, prévu par l’accord d’adhésion. L’implication préalable est un mécanisme qui permet à la Cour EDH de solliciter la Cour de justice lorsque la Cour EDH est saisie d’une question portant sur la compatibilité du droit de l’Union avec la CEDH sans que la Cour de justice ait été mise en état, préalablement à la saisine de la Cour de Strasbourg, de se prononcer sur cette question. Or, selon la Cour, la combinaison de ce mécanisme avec la procédure consultative prévue par le Protocole n° 16 pourrait conduire à un contournement de la procédure de renvoi préjudiciel.
Cet argument confine à l’absurde.
Tout d’abord, on peine à voir, en toute hypothèse, en quoi la procédure de demande d’avis résultant du Protocole n° 16 pourrait engendrer un « contournement » de la procédure préjudicielle. La faculté offerte par ce Protocole est sans préjudice d’autres procédures éventuelles (par exemple une procédure préjudicielle prévue par le droit interne, comme la QPC ou le renvoi entre ordres juridictionnels en droit français), de sorte que, juridiquement, il n’y a aucune raison qu’elle détourne les juridictions nationales de leur devoir de coopération avec la Cour de justice. Tout au plus peut-on craindre une réticence des juridictions nationales à multiplier les renvois à une juridiction supranationale en cours d’instance. Mais ce serait manifester bien peu de confiance aux juridictions nationales que de croire qu’elles en négligeraient pour autant leurs obligations juridiques.
Ensuite, il est loin d’être assuré que le mécanisme d’implication préalable soit applicable à la procédure consultative prévue par le protocole n° 16 puisque ce mécanisme est rattaché au mécanisme dit de « codéfendeur », qui permet soit à l’Union européenne de devenir « codéfenderesse » dans une affaire dirigée contre un ou plusieurs États membres et mettant en réalité en cause le droit de l’Union soit, à l’inverse, aux États membres de devenir codéfendeurs dans une affaire contre l’Union lorsque sont en cause, en réalité, des dispositions des traités fondateurs. Or, on pourrait considérer que la procédure prévue par le protocole n° 16 étant consultative n’inclut pas de véritables « parties », même si « le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et la Haute Partie contractante dont relève la juridiction qui a procédé à la demande ont le droit de présenter des observations écrites et de prendre part aux audiences » (article 3). S’il n’y a pas de défendeur dans une telle procédure, l’Union ne saurait devenir « codéfenderesse », et donc le mécanisme d’implication préalable ne saurait être mis en œuvre.
En outre, quand bien même ce serait le cas, l’implication préalable de la Cour de justice ne serait par définition possible que si les juridictions de l’État en question avaient négligé de poser une question préjudicielle à la Cour, et permettrait alors de pallier la carence desdites juridictions. L’on voit difficilement ce que la Cour de justice peut trouver à y redire. Et pourtant…
Enfin, ajoutons que l’entrée en vigueur du mécanisme prévu par le Protocole n° 16 vis-à-vis des États membres est indépendante de l’adhésion – ou de l’absence d’adhésion – de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, puisqu’elle n’est tributaire que de l’entrée en vigueur dudit Protocole ainsi que de sa ratification par les États membres. Par conséquent, quand bien même ce mécanisme serait susceptible d’amener les juridictions nationales à se détourner de la procédure de renvoi préjudiciel – et, répétons-le, il n’y a aucune raison juridique qu’il en soit ainsi – l’absence d’adhésion n’y changera rien. A nouveau donc, la Cour semble reprocher à l’accord d’adhésion de ne pas régler un problème qui n’est pas lié à l’adhésion. Faut-il dès lors voir, in petto, dans l’avis 2/13 l’affirmation subreptice que la ratification par les États membres du Protocole n° 16 serait constitutive d’un manquement ? L’on n’ose retenir cette conclusion qui impliquerait – fait sans précédent – que le droit de l’Union s’opposerait à la ratification par les États membres d’un protocole à la Convention européenne des droits de l’homme…
2- L’article 344 TFUE
Le cœur du problème ici est que, si l’Union européenne adhère à la Convention, celle-ci devient alors partie intégrante du droit de l’Union. Or, en vertu de l’article 344 TFUE, « les États membres s’engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l’interprétation ou à l’application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci ». Dès lors, l’article 344 TFUE – mentionné expressément par le Protocole n° 8 comme ne devant pas être affecté par l’adhésion à la Convention – est-il compatible avec l’article 33 CEDH, qui permet quant à lui à « toute Haute Partie contractante » – y compris donc un État membre de l’Union, voire l’Union elle-même – de « saisir la Cour [EDH] de tout manquement aux dispositions de la Convention et de ses Protocoles qu’elle croira pouvoir être imputé à une autre Haute Partie contractante » – y compris donc un (autre) État membre de l’Union, voire là encore l’Union elle-même ?
Cette objection est juridiquement sérieuse. Il a cependant été prévu à l’article 5 de l’accord d’adhésion que « les procédures devant la Cour de justice de l’Union européenne ne doivent pas être interprétées comme constituant des (…) modes de règlement des différends au sens de l’article 55 de la Convention ». Ce dernier dispose que « Les Hautes Parties contractantes renoncent réciproquement, sauf compromis spécial, à se prévaloir des traités, conventions ou déclarations existant entre elles, en vue de soumettre, par voie de requête, un différend né de l’interprétation ou de l’application de la présente Convention à un mode de règlement autre que ceux prévus par ladite Convention implique nécessairement que les États ne peuvent pas ».
Certes, comme le relève la Cour, cette disposition n’interdit absolument pas aux États membres de l’Union de former des recours interétatiques entre eux, ce qui peut conduire à méconnaître l’article 344 TFUE. Elle a en revanche pour effet de lever l’obligation qui pèserait autrement sur eux de régler les différends relatifs à la Convention par la voie du recours étatique. Dès lors que cette obligation a disparu, il nous semble que l’incompatibilité a elle aussi disparu : la simple faculté d’exercer le recours étatique prévu à l’article 33 n’entre pas en elle-même en conflit avec l’obligation de respecter les voies et procédures de règlement des différends prévues par le droit de l’Union européenne puisqu’il suffit de ne pas utiliser la première pour respecter la seconde.
Il est vrai, comme l’ont remarqué certains observateurs 9, que si un État membre venait à former un recours contre un autre État membre dans le champ d’application du droit de l’Union, voire contre l’Union elle-même, il résulterait de la compétence obligatoire de la Cour que le défendeur ainsi attrait ne pourrait pas se dérober. Et faute pour un tel recours d’être irrecevable, la violation du droit de l’Union européenne ainsi commise par l’État membre demandeur devrait être consommée jusqu’à la lie. C’est ainsi qu’il faudrait interpréter l’affirmation de la Cour selon laquelle « si l’Union ou les États membres devaient effectivement porter un litige entre eux devant la Cour EDH, celle-ci se trouverait, en application de l’article 33 de la CEDH, saisie d’un tel litige » (point 209). Pour autant, on peut tout aussi bien estimer que l’Union européenne dispose de moyens de coercition suffisants pour forcer dans ce cas-là l’État membre à se désister de sa requête. Il suffirait à la Commission, par exemple, d’adresser dans les plus brefs délais un avis motivé à l’État membre en question, dans le cadre de la procédure en manquement, le manquement étant alors constitué par la violation de l’article 344 TFUE. Le problème principal est donc en réalité un problème de discipline interne de l’Union, en laquelle, encore une fois 10, la Cour de justice semble n’avoir finalement guère confiance – ce qui est assez paradoxal compte tenu de ce qu’elle en est le principal garant.
3- Le mécanisme du codéfendeur
Le mécanisme dit du « codéfendeur » a été créé pour prendre acte de la nature spécifique de l’Union européenne, qui a la particularité de se « superposer » institutionnellement à ces autres Hautes Parties contractantes que sont les États membres. Ce mécanisme permet à l’Union européenne de devenir « codéfenderesse » dans une affaire dirigée contre un ou plusieurs États membres et mettant en cause le droit de l’Union – par exemple lorsque la violation alléguée résulte d’une mise en œuvre du droit de l’Union par l’État défendeur. Il permet également, à l’inverse, aux États membres de devenir codéfendeurs dans une affaire contre l’Union lorsque la violation de la convention dont celle-ci est accusée résulte de la mise en œuvre, par les institutions, de dispositions de droit primaire de l’Union, puisque ce sont les États membres qui sont les auteurs de ce dernier.
Ce mécanisme, créé pour débrouiller les épineux problèmes d’imputabilité qui peuvent découler de l’adhésion de l’Union européenne à la CEDH, soulève selon la Cour de justice trois incompatibilités, dont on peut estimer qu’elles ne sont effectivement pas dépourvues de sérieux.
D’une part, une Haute Partie contractante peut devenir codéfenderesse soit sur invitation de la Cour soit à sa propre demande. Dans ce second cas, la Haute Partie contractante ne peut devenir codéfenderesse que si la Cour européenne des droits de l’homme estime, à la lumière des arguments présentés par la Haute Partie contractante concernée, qu’« il est plausible que les conditions prévues [pour devenir codéfendeur] soient remplies ». C’est là, pour la Cour de justice, que le bât blesse. Selon la Cour, les conditions en question « tiennent, en substance, aux règles du droit de l’Union concernant la répartition des compétences entre cette dernière et ses États membres ainsi que les critères d’imputabilité d’un acte ou d’une omission pouvant constituer une violation de la CEDH ». Dès lors, « par ce contrôle, la Cour EDH serait conduite à apprécier les règles du droit de l’Union qui régissent la répartition des compétences entre cette dernière et ses États membres ainsi que les critères d’imputation des actes ou des omissions de ceux-ci, afin d’adopter une décision définitive à cet égard qui s’imposerait tant aux États membres qu’à l’Union », ce qui « serait susceptible d’interférer avec la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres ». Or, comme on le sait depuis l’avis 1/91 relatif à l’Espace Économique Européen, la Cour de justice considère que l’autonomie du système juridictionnel de l’Union s’oppose à ce que l’Union adhère à un accord créant une juridiction qui pourrait être amenée à statuer sur les compétences respectives de l’Union et des États membres 11.
D’autre part, l’article 3§7 du projet d’accord prévoit que, si la violation au titre de laquelle une Partie contractante est codéfenderesse dans une procédure est constatée, le défendeur et le codéfendeur sont conjointement responsables de cette violation. Selon la Cour de justice, cette disposition « n’exclut pas qu’un État membre puisse être tenu pour responsable, conjointement avec l’Union, de la violation d’une disposition de la CEDH au regard de laquelle ce même État membre aurait formulé une réserve conformément à l’article 57 de cette convention » ce qui « se heurte à l’article 2 du protocole n° 8 UE, selon lequel l’accord d’adhésion doit garantir qu’aucune de ses dispositions n’affecte la situation particulière des États membres à l’égard de la CEDH et, notamment, des réserves à celle-ci ». Cet argument donne à réfléchir. Il ne condamne pas le mécanisme de codéfendeur en tant que tel, mais il en exige nettement un aménagement : dans une hypothèse telle que celle soulevée par la Cour de justice, et si la réserve de l’État est bien légale (ce qu’il appartient à la Cour EDH de contrôler 12 ), la Cour EDH devrait en réalité conclure à une sorte de « décision à choix multiples » : violation éventuelle de la Convention dans la mesure où l’action ou inaction reprochée est imputable à l’Union, non-violation dans la mesure où elle est imputable à l’État réservataire et couverte par la réserve. Le choix entre ces décisions dépendrait de l’imputabilité de la violation, laquelle devrait être établie subséquemment par le biais des procédures internes de l’Union européenne. Tant que ces procédures n’auront pas été suivies, le constat de la Cour européenne des droits de l’homme serait dans un état « quantique », à la fois violation et non-violation, de même que le chat de Schrödinger est à la fois mort et vivant tant qu’il n’a pas été observé.
Enfin, la Cour de justice relève que « l’article 3, paragraphe 7, du projet d’accord prévoit, in fine, une exception à la règle générale selon laquelle le défendeur et le codéfendeur sont conjointement responsables d’une violation constatée. En effet, la Cour EDH, sur la base des arguments présentés par le défendeur et le codéfendeur, et ayant entendu la position du requérant, peut décider que seul l’un d’entre eux est tenu pour responsable de cette violation ». Elle estime, et cela était prévisible, que « permettre à la Cour EDH d’adopter une telle décision risquerait (…) de porter préjudice à la répartition des compétences entre l’Union et ses États membres » et que « la question de la répartition de la responsabilité doit être résolue uniquement en application des règles du droit de l’Union pertinentes, sous le contrôle, le cas échéant, de la Cour ». Cette objection reflète, pour ainsi dire à l’autre extrémité de la procédure, celle que la Cour de justice avait émise à propos du pouvoir de la Cour européenne des droits de l’homme d’examiner la plausibilité que soient réunies les conditions d’exercice du mécanisme de codéfendeur. Encore une fois, c’est le monopole de la Cour de justice en ce qui concerne l’attribution de compétences entre Union et États membres qui est en jeu, mais cette fois-ci sous l’angle de l’imputabilité. C’est là faire l’éloge, pour reprendre la formule de D. Halberstam 13, de l’art de l’ambiguïté : le mécanisme du codéfendeur ne peut être compatible avec le droit de l’Union qu’à condition de conduire à une déclaration « impersonnelle » de violation, laissant le soin aux mécanismes internes de l’Union européenne – et ultimement à la Cour de justice – de répartir les responsabilités entre Union et État(s). Pour le dire autrement, et en empruntant une terminologie civiliste, le mécanisme de codéfendeur n’est compatible avec le droit de l’Union que si les codéfendeurs forment une « indivision codéfenderesse », à qui seule la Cour européenne des droits de l’homme peut imputer une violation de la Convention, et dont le partage, en terme d’attribution des responsabilités, ne peut être opéré qu’au moyen des mécanismes prévus par le droit de l’Union.
4- La procédure de l’implication préalable de la Cour
Le mécanisme d’implication préalable, prévu par l’accord d’adhésion dans les hypothèses où l’Union est codéfendresse, permet à la Cour EDH de solliciter la Cour de justice lorsque la Cour EDH est saisie d’une question portant sur la compatibilité du droit de l’Union avec la CEDH sans que la Cour de justice ait été mise en état, préalablement à la saisine de la Cour de Strasbourg, de se prononcer sur cette question.
Ce mécanisme soulève, selon la Cour de justice, deux problèmes.
D’une part, la question de savoir si la Cour s’est déjà prononcée sur la même question de droit que celle faisant l’objet de la procédure devant la Cour EDH ne doit pouvoir être résolue que par l’institution compétente de l’Union, dont la décision devrait lier la Cour EDH. Si la Cour de Strasbourg avait le pouvoir de décider elle-même si une question de compatibilité a déjà été réglée par la Cour de justice, elle s’érigerait en interprète de la jurisprudence de la Cour. Par conséquent, selon la Cour de justice, « la procédure de l’implication préalable devrait être aménagée de telle manière que, dans toute affaire pendante devant la Cour EDH, une information complète et systématique soit adressée à l’Union, afin que l’institution compétente de cette dernière soit mise en mesure d’apprécier si la Cour s’est déjà prononcée sur la question faisant l’objet d’une telle affaire et, si tel ne devait pas être le cas, d’obtenir la mise en œuvre de cette procédure ».
Cet argument illustre bien l’importance que la Cour de justice accorde à son propre office, et au monopole d’attribution dont elle estime disposer. Concevrait-on, par exemple, une juridiction suprême nationale reprocher à la Cour EDH d’interpréter sa jurisprudence afin de déterminer si un moyen tiré de la violation de la CEDH a été invoqué en substance devant elle, au sens de la règle de l’épuisement des voies de recours internes ? Certes, l’Union n’est pas un État, et la Cour de justice n’est pas une juridiction nationale. Néanmoins, sur ce point précis, c’est plus la conception jalouse de son propre office par la Cour de justice que la spécificité de l’Union européenne qui semble expliquer cette solution. Se pose alors la question des limites de ce monopole. Que l’on nous pardonne la mise en abîme suivante, qui ne constitue finalement qu’une reductio ad absurdum du raisonnement de la Cour, mais si la Cour européenne des droits de l’homme ne peut pas interpréter la jurisprudence de la Cour de justice, pourra-t-elle interpréter les arrêts de la Cour de justice interprétant sa propre jurisprudence?
D’autre part, la Cour de justice estime que la procédure d’implication préalable ne concerne que la question de compatibilité entre le droit dérivé et la Convention, et pas l’interprétation du droit dérivé. Or, selon elle, « l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, y compris du droit dérivé, exige, en principe, une décision de la Cour lorsque cette disposition se prête à plusieurs interprétations plausibles ».
Il est vrai, comme l’avaient déjà remarqué certains commentateurs avant même l’avis de la Cour, que l’interprétation conforme aux droits fondamentaux est une technique utilisée plus couramment par la Cour que l’annulation ou l’invalidation pour assurer le respect des droits en question, de sorte que limiter l’implication préalable à la seule question de validité pouvait sembler une amputation de l’office du juge de l’Union comme juge des droits fondamentaux 14.
On ne peut cependant ici, en premier lieu, qu’être étonné de cette nouvelle exigence de la Cour de justice, alors que la procédure d’implication préalable a été introduite à l’initiative de la Cour de justice elle-même qui, dans son document de réflexion du 5 mai 2010, n’exigeait qu’un « mécanisme susceptible de garantir que la Cour de justice puisse être saisie, de manière effective, de la question de la validité d’un acte de l’Union avant que la Cour européenne des droits de l’homme ne statue sur la conformité de cet acte avec la Convention » 15. On remarquera, en deuxième lieu, que la Cour de justice semble là encore beaucoup plus jalouse de ses prérogatives que les juridictions nationales ne le sont des leurs. En effet, ces dernières ne bénéficient pas, elles, d’un tel privilège lorsque la Cour EDH est amenée à interpréter un texte national qu’elles n’ont pas eu l’occasion d’interpréter – par exemple, en cas d’absence de voie de recours interne « utile » satisfaisant à la condition d’épuisement des voies de recours internes posée par l’article 35 de la Convention. En troisième lieu, on peut encore observer que la Cour de justice exige beaucoup de la part d’un mécanisme qui, essentiellement, n’est supposé fonctionner qu’en cas de dysfonctionnement des voies de recours « internes » de l’Union européenne, et en particulier en cas de carence des juridictions nationales à leur obligation de lui renvoyer une question préjudicielle. Le mécanisme d’implication préalable s’assimile fondamentalement à une « courtoisie » faite à la Cour de justice et permettant de l’impliquer, d’une part, dans une hypothèse où les juridictions nationales auraient négligé leur devoir de coopération avec elle ou bien, d’autre part, dans une hypothèse où un angle mort dans la systématique des voies de recours aurait rendu impossible l’examen préalable de la disposition litigieuse par la Cour de justice. Est-ce alors à la Cour de Strasbourg de pallier l’ensemble des manquements des juridictions nationales en matière de renvoi préjudiciel et des carences des voies de droit prévues par le droit de l’Union ? Le problème ici semble davantage résulter, encore une fois 16, de la discipline interne de l’Union, à laquelle s’ajoute ici la question de la complétude de ses voies de droit. Se dégage donc, à nouveau, l’impression que la Cour de justice exige de l’adhésion qu’elle règle des problèmes internes au droit de l’Union.
5- Les caractéristiques spécifiques du droit de l’Union concernant le contrôle juridictionnel en matière de PESC
Par cet argument, la Cour de justice pousse très loin la conception qu’elle se fait de son monopole de compétence puisqu’elle va jusqu’à y inclure… son monopole d’absence de compétence !
On le sait, la politique étrangère et de sécurité commune est un domaine d’action très dérogatoire de l’Union, au sein duquel les compétences des institutions et les procédures de décision sont drastiquement différentes de ce qu’elles sont ailleurs. Ces différences concernent aussi la compétence de la Cour de justice. Pendant longtemps, la Cour de justice n’a eu aucun chef de compétence en matière de PESC. Le traité de Lisbonne lui a accordé une compétence très limitée en la matière, puisqu’en vertu de l’article 24§1 TUE elle peut non seulement veiller à l’étanchéité entre la PESC et les autres politiques (article 40 TUE) mais également contrôler la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales adoptées par le Conseil sur la base du titre V, chapitre 2, TUE. Pour le reste, son incompétence demeure. Il est certes vrai, comme le plaidait la Commission européenne, que la compétence de la Cour pour contrôler la légalité des décisions prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales est probablement de nature à englober la majeure partie du contentieux dont pourrait être saisie la Cour EDH en matière de PESC. Toutefois, comme elle le rappelle elle-même, la Cour de justice « n’a pas encore eu l’opportunité de préciser la portée des limitations de sa compétence résultant, en matière de PESC, desdites dispositions ». Par conséquent, « afin de prendre position sur la présente demande d’avis, il suffit de constater que, en l’état actuel du droit de l’Union, certains actes adoptés dans le cadre de la PESC échappent au contrôle juridictionnel de la Cour ».
Dès lors, il est possible que la Cour EDH soit saisi d’un acte adopté dans le cadre de la PESC qui n’aurait pu, faute de voie de recours disponible en droit de l’Union, être soumise à la Cour de justice. Or, pour la Cour, « une telle situation reviendrait à confier le contrôle juridictionnel desdits actes, actions ou omissions de l’Union, fût-ce un contrôle limité au respect des seuls droits garantis par la CEDH, exclusivement à un organe externe à l’Union ». En d’autres termes, ce que la Cour de justice ne peut pas faire, personne d’autre ne le peut !
Pour appuyer son propos, la Cour renvoie à son avis 1/09. Mais comme le remarque J.-P. Jacqué dans son commentaire de l’avis, « le précédent n’est guère convaincant. Dans cet avis rendu à propos de la juridiction des brevets, la Cour estimait que dans la mesure où l’accord privait les juridictions nationales de se prononcer dans ce domaine, la conséquence était d’empêcher celles-ci d’utiliser le renvoi préjudiciel. Les affaires étaient donc entièrement jugées par une instance externe. Mais ici les juridictions nationales, dans la mesure où elles seraient saisies d’affaires en relation avec la PESC ne se voient pas interdire de les traiter et la question d’un obstacle au renvoi préjudiciel ne se pose pas en raison de l’absence de compétence de la Cour ».
Là encore, on peut s’étonner que la Cour de justice retienne une conception aussi exigeante de son office, qui consiste à considérer que l’incompétence de la Cour à connaître d’un acte vaut interdiction pour tout autre organe d’en connaître, et vaut donc immunité totale. On conçoit certes que l’exigence d’uniformité d’application du droit de l’Union puisse empêcher les juridictions nationales de connaître de tels actes. Mais si c’est la Cour européenne des droits de l’homme qui en connaît, cette objection ne tient plus.
Par ailleurs, et comme le relève encore J.-P. Jacqué, « exclure la PESC du champ de l’accord conduit à renvoyer le problème aux États membres. Ce sont eux qui seront attaqués et la jurisprudence Bosphorus ne jouera pas puisqu’en l’absence de contrôle de la Cour de justice, la présomption de protection équivalente sera écartée. Comme la Cour européenne des droits de l’homme estime que le transfert de compétences à une organisation internationale n’exempte pas les États de leurs responsabilités, ceux-ci devront faire face aux actions même si celles-ci sont accomplies sur mandat et sous contrôle de l’Union, car il est douteux que la Cour fasse jouer dans une telle hypothèse la jurisprudence Behrami au profit de l’Union ». La conséquence en est que « la Cour n’obtiendra pas le but recherché puisque la PESC fera de toute manière l’objet d’un contrôle exclusivement externe, mais sans que l’Union puisse participer à la procédure » puisque, faute d’adhésion, « l’Union ne pourra se porter codéfendeur ».
Conclusion
Pour conclure cette note, on se permettra deux observations.
La première observation tient aux arguments utilisés par la Cour. Du strict point de vue juridique, ils sont très variablement convaincants. Certains semblent dépourvus de fondement juridique. C’est le cas de la plupart des arguments utilisés au titre des caractéristiques spécifiques et de l’autonomie du droit de l’Union, qui semblent manifester un syndrome obsidional davantage qu’une véritable analyse juridique. D’autres peuvent être interprétés comme des extrapolations plus ou moins excessives par rapport à des questions juridiques réelles mais qui n’ont peut-être pas la portée qui leur est donnée. C’est le cas des arguments tirés de l’article 344 TFUE. Dans une certaine mesure, c’est également le cas des arguments liés à la conception très exigeante de la Cour quant à son propre monopole de juridiction, notamment ceux en lien avec le mécanisme d’implication préalable ou encore les arguments tirés des spécificités du contrôle juridictionnel en matière de PESC. Enfin, certains arguments sont juridiquement raisonnables, même s’il aurait peut-être suffi d’une réserve d’interprétation pour parvenir à conclure à la compatibilité de l’accord, comme l’avait fait l’avocat général Kokott. C’est dans cette catégorie que l’on rangera les arguments liés au mécanisme du codéfendeur. On peut se demander, cependant, si ces arguments-là auraient eu, à eux seuls, un poids suffisant pour rejeter l’accord. D’où l’impression, désagréable et on l’espère infondée, que la Cour de justice a gonflé ou même construit d’autres problèmes afin d’apporter un surcroît de justification à une décision qu’elle avait de toute façon prise ex ante.
La deuxième observation tient aux conséquences de cet avis. Un avis positif n’aurait certes pas garanti une adhésion prochaine de l’Union, ni même que l’adhésion aurait lieu, tant les étapes suivantes sont également incertaines – on pense notamment à la nécessité d’une ratification de l’accord d’adhésion par l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe, y compris par la Russie qui n’a jamais fait mystère de ses réticences en la matière 17. Il est en revanche certain que l’avis négatif rendu par la Cour, au minimum, retardera la procédure.
La première option serait de réviser les traités fondateurs. C’est la solution techniquement la plus simple puisqu’il suffirait d’inscrire dans les traités la compétence de l’Union pour conclure l’accord d’adhésion en l’état, à la manière des « révisions-adjonctions » dont le constituant français est coutumier. Ce n’est cependant pas nécessairement la plus praticable puisqu’elle nécessitera de recourir à la procédure (nécessairement assez longue) de révision, avec nécessité d’une ratification par l’ensemble des États membres, avant même que de lancer le processus de ratification de l’accord, qui nécessitera, à nouveau, la ratification des mêmes et des autres États parties à la Convention. Sans compter le risque que l’enclenchement d’une procédure de révision entraîne un appel d’air qui pourrait aiguiser les appétits de certains États membres souhaitant monnayer cette révision contre d’autres modifications des traités allant dans le sens de leurs intérêts.
L’alternative est que les négociateurs se remettent à l’ouvrage pour s’entendre sur les modifications rendues nécessaires par cet avis. Or, toutes ne coulent pas de source.
Ainsi faudrait-il aménager le mécanisme de codéfense pour que, d’une part, la Cour EDH ne puisse pas s’opposer à l’irruption de l’Union en codéfense et pour que, d’autre part, il lui soit impossible de « désolidariser » un constat de violation par l’Union et un ou plusieurs États membres. La question des réserves éventuellement soulevées par un État membre est plus délicate, et appellera certainement des solutions techniques complexes, comme il a été mentionné plus haut. Pour ce qui est de l’implication préalable, le mode d’emploi est quasiment fourni par la Cour de justice. Il en va de même pour l’article 344 TFUE, la Cour énonçant avec force (mais pas, on l’a vu, sans quelque faiblesse juridique) que « seule une exclusion expresse de la compétence de la Cour EDH découlant de l’article 33 de la CEDH pour des litiges entre les États membres ou entre ces derniers et l’Union, relatifs à l’application de la CEDH dans le champ d’application matériel du droit de l’Union, serait compatible avec l’article 344 TFUE » 18.
Parfois encore, il suffira peut-être de dire… ce qui va sans dire. Dire, par exemple, que l’article 53 de la Convention ne permet pas aux États d’opposer leurs standards nationaux en matière de droits fondamentaux à l’application du droit de l’Union européenne.
Mais que faire pour lever la prétendue 19 incompatibilité entre les jurisprudences N.S. de la Cour de justice et Tarakhel de la Cour EDH, si c’est bien elle qui est, de façon non dite, à l’origine de l’incompatibilité tirée de la nécessaire « confiance mutuelle » entre États membres en matière de droits fondamentaux ? Faudra-t-il briser la jurisprudence Tarakhel par une disposition de l’accord d’adhésion bis ? Peut-être faudrait-il envisager une réserve, conformément à l’article 57 CEDH 20, la « loi alors en vigueur » étant le règlement Dublin ? Mais dans ce cas, quelle disposition ferait l’objet d’une réserve, sachant que les réserves générales sont interdites ? Une réserve à une disposition aussi fondamentale que l’article 3 de la Convention prohibant la torture et les traitements inhumains ou dégradants – puisque c’est lui qui était en jeu dans l’affaire Tarakhel comme dans l’affaire M.S.S., combiné en outre avec l’article 13 dans cette dernière affaire – enverrait un signal à l’évidence exécrable, si tant est qu’elle soit envisageable. Et il n’est pas sûr qu’une telle réserve serait en outre suffisante pour éviter tout problème, dans la mesure où, en théorie, n’importe quelle disposition de la Convention pourrait interdire un transfert de type « Dublin ». En toute hypothèse, ce serait fort mal engager la soumission de l’Union à la CEDH que de permettre à la Cour de justice d’ainsi s’autoriser à renverser une jurisprudence de la Cour EDH. Il pourrait alors être envisagé de passer la balle au législateur européen, qui pourrait réviser le Règlement Dublin III 21 pour le rendre compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme telle qu’interprétée par la Cour, et donc désamorcer le conflit, si tant est qu’il existe 22. Il faudrait, pour cela, aligner le système Dublin sur les standards imposés par la Cour européenne des droits de l’homme. Cela nécessiterait une révision de l’article 3§2, al. 2, pour permettre à un État membre de ne pas renvoyer un demandeur d’asile vers l’État normalement responsable dans l’hypothèse où l’examen individuel de la situation du demandeur révélerait qu’il serait exposé à un risque de violation de ses droits dans cet État, même s’il n’existe dans cet État aucune défaillance systémique dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs. Sauf à considérer – puisque la Cour, dans son avis, est censée se fonder sur le droit primaire uniquement – que, comme on l’a évoqué 23, l’impossibilité de renverser la présomption de respect des droits fondamentaux des demandeurs d’asile par tout État membre autrement que par la preuve d’une défaillance systémique soit une exigence ayant la même valeur que les traités. Si tel est le cas, l’alignement du système Dublin sur les standards imposés par la Cour européenne des droits de l’homme serait tout bonnement illégal. La situation, on le voit, n’est pas simple.
Quid par ailleurs de l’incompatibilité tirée du Protocole n° 16 ? Faut-il empêcher que l’implication préalable soit possible suite à une demande d’avis (ce qui, selon nous, est peut-être d’ailleurs déjà le cas) ? Faut-il interdire aux États membres de ratifier ledit Protocole ? A moins qu’il ne suffise – mais on en revient finalement à la verbalisation de l’implicite, comme pour l’article 53 – d’ajouter une disposition selon laquelle le recours éventuel par les juridictions nationales à la procédure de demande d’avis prévue par le Protocole n° 16 doit être effectué sans préjudice de leur faculté et, le cas échéant, de leur obligation de poser une question préjudicielle à la Cour de justice.
Sans compter que toutes les solutions juridiquement concevables ne seront certainement pas acceptables par toutes les parties en présence. Pour remédier à ce qu’il faut bien appeler l’immunité juridictionnelle erga omnes des actes PESC posée par la Cour dans l’avis 2/13, la solution juridiquement la plus simple est d’exclure ces actes du champ de compétence de la Cour EDH – peut-être d’ailleurs, dans une version minimale, simplement dans la mesure où la Cour de justice n’était pas elle-même compétente pour en connaître. Mais un tel privilège accordé à l’Union serait-il acceptable par toutes les parties en présence, notamment des pays comme la Russie dont la politique étrangère n’a jamais été épargnée par la Cour 24 ?
Dans l’hypothèse où les parties en présence ne parviendraient pas à un accord d’adhésion rénové, la position de la Cour de justice pourrait donc compromettre durablement, peut-être définitivement, l’adhésion de l’Union à la CEDH. Si tel était le cas, l’Histoire retiendrait que la juridiction chargée du respect du droit de l’Union aurait, l’on n’ose croire intentionnellement, rendu possible l’inexécution de l’obligation d’adhésion contenue dans une disposition des traités fondateurs.
Notes:
- P. 6 du rapport. ↩
- Cf., en particulier, son document de réflexion du 5 mai 2010. ↩
- Protocole n° 8 relatif à l’article 6, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. ↩
- CJCE, 23 avril 1986, Parti écologiste « Les Verts » c. Parlement européen, aff. 294/83, point 23. ↩
- CJUE, grande chambre, 26 février 2013, Stefano Melloni c. Ministerio Fiscal, aff. C-399/11. ↩
- Art. 3§2 du règlement dit « Dublin II », devenu l’art. 17§1 du règlement dit « Dublin III ». ↩
- Rappelons que, selon l’article 218§11 TFUE, « Un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission peut recueillir l’avis de la Cour de justice sur la compatibilité d’un accord envisagé avec les traités » (accent rajouté). ↩
- Picod F., « La Cour de justice a dit non à l’adhésion de l’Union européenne à la Convention EDH. – Le mieux est l’ennemi du bien, selon les sages du plateau du Kirchberg », La Semaine juridique, édition générale, n° 6, février 2015, p. 145. ↩
- Daniel Halberstam, “It’s the Autonomy, Stupid!” A Modest Defense of Opinion 2/13 on EU Accession to the ECHR, and the Way Forward, 16 German Law Journal 105-146 (2015), p. 15. ↩
- Cf. supra 1 a). ↩
- Cf. en particulier les points 34 et 35 de l’avis 1/91. ↩
- Cour EDH, Plén., 29 avril 1988, Belilos c. Suisse, req. n° 10328/83, spéc. points 50-60. ↩
- Daniel Halberstam, “It’s the Autonomy, Stupid!” A Modest Defense of Opinion 2/13 on EU Accession to the ECHR, and the Way Forward, article précité, p. 12. ↩
- Cf. not. Thym D., “A Trojan Horse? Challenges to the Primacy of EU Law in the Draft Agreement on Accession to the ECHR”, VerfBlog, 11 septembre 2013. ↩
- Accent rajouté. ↩
- Cf. supra 1, a) et 2. ↩
- Cf. not. Szymczak D., « Arx Tarpeia Capitoli Proxima… Bref retour sur l’adhésion de l’Union européenne à la convention européenne des droits de l’Homme », Revue de l’Union européenne/Revue du Marché Commun et de l’Union européenne, 2011, p. 636. ↩
- Point 213 de l’avis. ↩
- Cf., pour une mise en doute de l’existence de cette incompatibilité, supra, 1 b). ↩
- « Tout État peut, au moment de la signature de la présente Convention ou du dépôt de son instrument de ratification, formuler une réserve au sujet d’une disposition particulière de la Convention, dans la mesure où une loi alors en vigueur sur son territoire n’est pas conforme à cette disposition. Les réserves de caractère général ne sont pas autorisées aux termes du présent article ». ↩
- En particulier son article 3§2, qui codifie la jurisprudence N.S. ↩
- Cf. supra 1 b). ↩
- Cf. supra 1 b). ↩
- Voir not. Cour EDH, Grande Chambre, 8 juillet 2004, Ilaşcu e. a. c. Moldova et Russie, req. N° 48787/99. ↩