Au confluent du droit des personnes et du droit de la protection des données personnelles – De la coordination entre le changement de sexe à l’état civil et le droit de rectification –
Situés au confluent du droit des personnes et du droit de la protection des données à caractère personnel, le changement de sexe à l’état civil et le droit de rectification peinent à trouver une coordination pérenne. En effet, le cadre juridique actuel ne permet pas de déterminer si une personne ayant changé de sexe à l’état civil, peut obtenir du responsable de traitement la rectification de ses données à caractère personnel collectées antérieurement à cette procédure. L’objectif de cette contribution est d’évaluer le dialogue existant entre le droit des personnes et le droit de la protection des données à caractère personnel. Il s’agira plus particulièrement de proposer des solutions visant à assurer cette coordination pérenne entre le changement de sexe à l’état civil et le droit de rectification.
Par Tony LUYE Docteur en droit et ATER à l’Université Paris Cité

- La procédure de changement de sexe à l’état civil ne cesse de faire émerger des problématiques nouvelles, qui, en plus d’éprouver la sagacité des juristes qui y sont confrontés, peinent à trouver des solutions consensuelles. À cet égard, il est difficile de ne pas évoquer l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 septembre 2020[1] portant sur la transcription d’une reconnaissance prénatale de maternité. L’espèce est originale en ce que cette reconnaissance avait été souscrite par un homme devenu femme à l’état civil, mais qui avait conservé la fonctionnalité de ses organes sexuels masculins, permettant alors la conception de l’enfant avec son épouse.
- La transcription ayant été refusée par l’officier d’état civil et le Tribunal de grande instance de Montpellier[2], il revenait à la Cour d’appel de cette même ville de se prononcer. La décision rendue avait alors suscité de nombreux commentaires en ce qu’elle confirmait le refus de transcription de la reconnaissance de maternité, mais ordonnait la transcription de la mention « parent biologique»[3] sur l’acte de naissance de l’enfant[4]. Le silence du législateur quant à la filiation des enfants nés après le changement de sexe à l’état civil compliquait grandement la prise de décision[5]. En effet, si les filiations établies antérieurement au changement de sexe à l’état civil restent inchangées[6], aucun texte n’a été prévu quant à la filiation des enfants nés après cette procédure[7]. En plus de refuser la transcription de la reconnaissance maternelle, la Cour de cassation privilégia l’application des règles relatives à l’établissement de la filiation paternelle[8], préconisant ainsi une reconnaissance de paternité[9]. Néanmoins, au moyen d’un raisonnement surprenant[10], la Cour d’appel de renvoi refusa cette solution en consacrant l’établissement de la filiation maternelle biologique entre l’enfant et la femme transgenre[11].
- La divergence entre le sexe biologique et le sexe juridique du parent transgenre alimente l’opposition entre la Cour de cassation et les juges du fond : faut-il faire primer le sexe biologique du parent transgenre comme le suggère la première ou, à l’inverse, faut-il prendre en compte son sexe juridique comme l’affirment les seconds[12]? Les problématiques liées à cette divergence peuvent dépasser les frontières du droit de la famille et s’immiscer dans d’autres matières, comme celle de la protection des données personnelles. L’interconnexion entre le changement de sexe à l’état civil et la protection des données personnelles est certaine lorsque l’on prend en considération les droits de la personne concernée et tout particulièrement le droit de rectification.
- En effet, ce droit, présent au sein du « Règlement général sur la protection des données »[13] (ci-après « RGPD») permet à la personne concernée d’obtenir du responsable de traitement la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes[14]. Elle peut également obtenir que ses données à caractère personnel incomplètes soient complétées[15]. Or, justement, les termes « inexactes » et « incomplètes » intéressent tout particulièrement le changement d’état civil et plus spécifiquement le changement de sexe[16]. Au regard de la discordance opérée par le changement de sexe à l’état civil sur les données traitées, il convient de s’interroger sur la portée du droit de rectification de la personne concernée. En effet, une personne ayant réalisé un changement de sexe à l’état civil peut-elle obtenir auprès du responsable de traitement la rectification des données à caractère personnel collectées antérieurement à cette procédure ? Autrement dit, le droit de rectification permet-il à la personne concernée d’obtenir la rectification des données concernant son sexe d’origine afin qu’il soit en adéquation avec son sexe juridique ?
- Cette problématique présente un intérêt certain car la réponse pertinente est loin d’être évidente. Les normes applicables demeurent silencieuses et, à notre connaissance, aucune réponse jurisprudentielle n’a été apportée à ce jour. Cette problématique présente également un intérêt doctrinal, car elle interroge l’articulation entre le droit des personnes et le droit de la protection des données personnelles. Dans l’intérêt de notre étude, le droit des personnes sera défini comme « la branche du droit qui regroupe l’ensemble des dispositions issues des diverses sources du droit tendant à assurer la détermination, l’identification et la protection des personnes»[17]. Ainsi, l’identification de la personne par le biais de son état civil fera l’objet d’une attention particulière.
- Enfin, cette problématique met en exergue les difficultés pratiques auxquelles peuvent être sujettes les personnes concernées. On évoquera, à titre d’exemple, les obstacles relatifs à la preuve de leur identité ou encore à l’absence de concordance entre les documents nécessaires aux différentes démarches administratives ou professionnelles, certains mentionnant le sexe d’origine et d’autres le sexe à l’état civil. La facilitation de la procédure de changement de sexe à l’état civil[18], cumulée à l’augmentation de la collecte de données ne fait qu’accroître l’intérêt de cette problématique, qui ne tardera pas à investir les procédures contentieuses.
- Il convient par conséquent d’évaluer le dialogue existant entre les deux matières que sont le droit des personnes et le droit de la protection des données et tout particulièrement entre le changement de sexe à l’état civil et le droit de rectification. Cette évaluation fait apparaître que la coordination entre le droit de rectification et le changement de sexe à l’état civil est incertaine au regard du droit applicable (I). Cette incertitude met en exergue la nécessité d’assurer une coordination pérenne entre le droit de rectification et le changement de sexe à l’état civil, notamment par une interprétation uniforme du droit de rectification. Cette interprétation permettrait de délimiter les obligations du responsable de traitement afin d’assurer la continuité de la situation de la personne concernée et la concordance des données qui sont traitées, qu’elles soient antérieures ou postérieures au changement de sexe à l’état civil. Surtout, elle permettrait d’assurer la protection des droits fondamentaux de la personne concernée et tout particulièrement le droit au respect de la vie privée. (II).
I- Une coordination incertaine entre le droit de rectification et le changement de sexe à l’état civil
- L’interaction entre le changement de sexe à l’état civil et le droit de rectification, qui pourrait connaître un accroissement important (A), est marquée par un certain antagonisme (B).
A- L’interaction grandissante entre le changement de sexe à l’état civil et le droit de rectification
- La loi du 18 novembre 2016[19] a entraîné une « libéralisation »[20] du changement de sexe à l’état civil (1), laissant suggérer une implication croissante du droit de rectification des personnes concernées (2.).
1- La libéralisation progressive du changement de sexe à l’état civil
- Avant l’adoption de la loi du 18 novembre 2016[21], les conditions relatives au changement de sexe à l’état civil disposaient seulement d’une assise jurisprudentielle. Après avoir longuement refusé de procéder à la rectification de l’état civil des personnes transsexuelles[22], la Cour de cassation acquiesçait à cette demande lorsque la personne : présentait le syndrome du transsexualisme, avait subi un traitement médico-chirurgical dans un but thérapeutique, n’avait plus tous les caractères de son sexe d’origine, avait pris l’apparence physique proche de l’autre sexe et avait adopté le comportement social correspondant à ce dernier[23]. Ces conditions ont relativement peu évolué au fil de la jurisprudence[24] et c’est le législateur qui a procédé à la « démédicalisation»[25] du changement de sexe à l’état civil.
- En effet, l’article 61-6 du Code civil dispose que « le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande ». Ainsi, pour obtenir le changement de sexe à l’état civil, la personne majeure ou le mineur émancipé doivent démontrer que « la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue»[26]. Cette démonstration est réalisée par une « réunion suffisante de faits »[27] comme le fait de se présenter publiquement comme appartenant au sexe revendiqué[28]. Étant donné que ces faits concernent essentiellement « l’apparence sociale choisie par la personne », il a pu être avancé que le changement de sexe était fondé sur une « possession d’état sexuel »[29].
- La mise en œuvre du contrôle de proportionnalité[30] pourrait accroître cette libéralisation du changement de sexe à l’état civil. Nous en voulons pour preuve une jurisprudence récente faisant droit à la demande de changement de sexe à l’état civil d’un mineur transgenre pourtant non émancipé[31]. Après avoir constaté l’irrecevabilité de la demande, au regard des dispositions de l’article 61-5 du Code civil[32], les magistrats ont considéré que ces mêmes dispositions portaient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée posé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Si la particularité des faits d’espèce[33] vient limiter la portée de cette décision, il n’est pas exclu qu’elle ouvre la voie à une nouvelle tendance jurisprudentielle. Cette libéralisation du changement de sexe à l’état civil ne peut rester sans incidence sur le droit de rectification, laissant présager une implication croissante de ce dernier.
2- L’implication croissante du droit de rectification
- Comme nous l’avons déjà évoqué, le droit de rectification est posé à l’article 16 du RGPD et rédigé en ces termes : « La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes. Compte tenu des finalités du traitement, la personne concernée a le droit d’obtenir que les données à caractère personnel incomplètes soient complétées, y compris en fournissant une déclaration complémentaire ». Ce droit de rectification était déjà présent à l’article 12 b)[34] de la directive 95/46/CE[35] et à l’article 36[36] de la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (ci-après : « Loi informatique et libertés»)[37]. Cette loi a connu de profondes modifications suite à l’entrée en application du RGPD, notamment par le biais de l’ordonnance 2018-1125[38] prise en application de la loi du 20 juin 2018[39].
- S’agissant du droit de rectification prévu par la loi informatique et libertés, la formulation particulièrement exhaustive de l’article 40 alinéa 1[40] a laissé place à un article 50 rédigé en ces termes : « le droit de rectification s’exerce dans les conditions prévues à l’article 16 [du RGPD] »[41]. Cet article 16 doit être interprété à la lumière de l’article 5.1 d) du RGPD selon lequel : « Les données à caractère personnel doivent être : […] exactes et, si nécessaire, tenues à jour ; toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données à caractère personnel qui sont inexactes, eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, soient effacées ou rectifiées sans tarder »[42].
- Il ne fait guère de doute que la donnée relative au sexe de la personne concernée rentre dans le champ d’application du droit de rectification, à l’instar d’autres données de l’état civil comme la date ou le lieu de naissance[43]. Cependant, la notion d’« inexactitude» présente davantage de difficultés. En effet, elle questionne le caractère « inexact » de la donnée relative au sexe de la personne concernée, lorsque cette dernière a réalisé un changement de sexe à l’état civil. La jurisprudence, qu’elle soit nationale ou européenne, apporte peu de précisions quant à la teneur exacte de la notion « d’inexactitude »[44]. De plus, peu d’auteurs se risquent à la définir, soulignant néanmoins que cette notion ne peut concerner les informations subjectives, comme les avis ou les opinions[45]. Selon certains, la « notion d’inexactitude renvoie à celle d’une “erreur” qui se serait glissée dans les données »[46].
- Dans l’intérêt de notre étude, nous utiliserons le sens général du terme « inexact », c’est-à-dire ce « qui n’est pas conforme à la réalité»[47]. Ainsi, nous pouvons considérer comme « inexacte » la donnée relative au sexe de la personne concernée en cas de changement de sexe à l’état civil. En effet, la donnée ne correspond plus à la réalité de l’état civil de la personne concernée, ce qui implique irrémédiablement que cette donnée est devenue « inexacte », au sens strict du terme.
- Partant de cette constatation, l’interaction entre le changement de sexe à l’état civil et le droit de rectification ne peut que s’intensifier. Néanmoins, cette interaction n’est pas sans poser de nombreuses difficultés et peut même devenir antagonique.
B- L’interaction antagonique entre le changement de sexe à l’état civil et le droit de rectification
- L’antagonisme entre le droit de rectification et le changement de sexe à l’état civil se cristallise autour de la question de l’effet dans le temps de ce changement de sexe (1.). L’effet pour l’avenir du changement de sexe à l’état civil est source d’incertitudes et d’imprécisions quant aux obligations du responsable de traitement (2.).
1- L’effet pour l’avenir du changement de sexe à l’état civil
- La solution tendant à conférer un effet non rétroactif au jugement ordonnant le changement de sexe à l’état civil est bien établie. Elle était déjà perceptible dans les arrêts rendus par l’assemblée plénière le 11 décembre 1992[48] qui ouvrirent la voie à la modification de cet état civil. En rendant ces décisions au visa de l’article 57 du code civil, et non de l’article 99 de ce même code, la Cour indiquait clairement que la modification du sexe à l’état civil ne peut être assimilée à une simple rectification de cet acte[49]. En effet, l’acte ayant été correctement établi à l’origine, sa modification ne peut être réalisée qu’au moyen d’une action d’état[50]. Cette action d’état aboutit à un jugement constitutif d’un nouvel état[51], ce dernier n’ayant d’effet que pour l’avenir, à l’inverse d’un jugement déclaratif[52]. Conférer un effet déclaratif, et donc rétroactif, à ce jugement contredirait l’acte de naissance, car cela aboutirait à reconnaitre la préexistence de la situation dont la personne se prévaut, à savoir son appartenance à l’autre sexe sur le plan juridique.
- Cette solution n’est pas démentie par la loi du 18 novembre 2016[53] qui conserve la distinction entre la « modification» du sexe à l’état civil et une simple « rectification » de l’état civil en cas « [d’] erreurs ou omissions purement matérielles »[54]. On notera à cet égard que l’article 100 du Code civil dispose que : « Toute rectification ou annulation judiciaire ou administrative d’un acte est opposable à tous à compter de sa publicité sur les registres de l’état civil ». La distinction des effets temporels de la « rectification » et de la « modification » de l’acte d’état civil est essentielle. À l’inverse de la « rectification », la « modification » ne peut avoir qu’un effet pour l’avenir[55], l’acte ayant été correctement établi et cette modification ne pouvant venir faire disparaitre les mentions préexistantes. L’arrêt rendu le 11 novembre 2006[56] par la Cour de cassation en offre une belle illustration.
- Dans cette affaire, une femme ayant changé de sexe à l’état civil désirait faire disparaitre toute référence à son ancien état au sein de son acte de naissance. Le dispositif du jugement ordonnant ce changement de sexe était inscrit en marge de l’acte de naissance. Pour ce faire, la femme avait assigné la ville de Nancy pour obtenir « l’effacement, par un procédé physique ou chimique, de l’ancienne mention du sexe et de ses anciens prénoms dans son acte de naissance»[57] ainsi que la « réinscription dans le même acte de son état civil actuel »[58]. On notera que la demanderesse avait utilisé le terme « rectification » alors que la Cour régulatrice utilisa le terme « modification ». La Cour de cassation rejeta le pourvoi, soulignant ainsi l’effet non rétroactif du jugement ordonnant le changement de sexe à l’état civil.
- L’absence de rétroactivité du changement de sexe à l’état civil complique la détermination de la portée exacte du droit de rectification de la personne concernée. En effet, quelles sont les obligations du responsable de traitement lorsque la personne concernée ayant changé de sexe à l’état civil désire obtenir la « rectification» de la donnée relative au sexe ?
2- La portée imprécise du droit de rectification
- En cas de demande de rectification des données auprès du responsable de traitement, nous savons que la personne concernée peut demander la rectification des données qui sont « inexactes» et/ou à ce qu’elles soient complétées. Si nous avons établi que la donnée relative au sexe était devenue inexacte à la suite du changement de sexe à l’état civil, il reste à déterminer la portée du droit de rectification de la personne concernée. L’article 16 du RGPD apporte quelques précisions sur la portée du droit de rectification et sur les obligations exactes du responsable de traitement. En effet, le texte prévoit que le responsable de traitement doit rectifier les données « dans les meilleurs délais »[59]. Comme nous l’avons déjà évoqué, l’article 5.1 d) prévoit que le responsable de traitement doit prendre « toutes les mesures raisonnables […] » pour procéder à cette rectification[60]. Le considérant n° 39 confirme cette solution : « Il y’a lieu de prendre toutes les mesures raisonnables afin de garantir que les données à caractère personnel qui sont inexactes sont rectifiées ou supprimées »[61].
- Néanmoins, le texte et la jurisprudence demeurent silencieux quant à la prise en compte des effets temporels des procédures provoquant l’inexactitude des données, comme par exemple le changement de sexe à l’état civil. Ainsi, face à la mise en œuvre du droit de rectification, et or l’hypothèse du refus, le responsable de traitement peut donner différentes réponses auprès de la personne concernée. Nous pouvons mettre en perspective ces réponses en proposant différentes interprétations de la portée du droit de rectification.
- Selon une première interprétation (a minima), le responsable de traitement accepte de rectifier la donnée relative au sexe de la personne concernée, mais seulement à partir de la date du changement de sexe à l’état civil. Cette interprétation se fonde sur le caractère non rétroactif du jugement portant modification du sexe à l’état civil. Ainsi, le responsable de traitement opère une translation de la limite temporelle fixée par le changement de sexe à l’état civil sur la portée du droit de rectification de la personne concernée. Le droit de rectification serait donc interdépendant du changement de sexe à l’état civil. Cette interprétation, qui tient d’une certaine orthodoxie juridique, permet de souligner que la donnée relative au sexe est bien devenue « inexacte ».
- Selon une autre interprétation (a maxima)[62], le responsable de traitement accepte de rectifier la donnée relative au sexe de la personne concernée, mais sans prendre en considération le caractère non rétroactif du changement de sexe à l’état civil. Ainsi, la portée de ce droit ne pourrait être prédéterminée par les effets temporels du jugement portant modification du sexe à l’état civil. Le changement de sexe à l’état civil et le droit de rectification seraient donc indépendants l’un de l’autre. L’adoption de cette interprétation pourrait se fonder tout particulièrement sur l’article 5.1 d) du RGPD selon lequel le responsable de traitement doit prendre toutes les mesures raisonnables pour rectifier la donnée relative au sexe.
- Cette divergence d’interprétation fait apparaitre la nécessité d’une coordination pérenne entre le droit de rectification et le changement de sexe à l’état civil.
II- La nécessité d’une coordination pérenne entre le droit de rectification et le changement de sexe à l’état civil
- Parmi les solutions permettant d’assurer une coordination entre le droit de rectification et le changement de sexe à l’état civil, il convient de fournir une interprétation uniforme du droit de rectification (A). Il peut être considéré qu’une rectification «totale « (ou rétroactive) de la donnée relative au sexe de la personne concernée permettrait une protection efficace des droits fondamentaux (B).
A- Une coordination assurée par l’uniformisation de la portée du droit de rectification
- La mise en place d’une interprétation a maxima de la portée du droit de rectification permettrait la rectification totale de la donnée relative au sexe (1) et viendrait délimiter efficacement les obligations du responsable de traitement (2.).
1- Pour une rectification totale de la donnée relative au sexe
- L’interprétation a maxima évoquée précédemment semble difficile à privilégier, mais elle est loin d’être totalement vouée à l’échec. Plusieurs arguments, tant juridiques que pratiques, viennent à son soutien.
- Premièrement, et encore faut-il préciser ce point, l’un des objectifs affichés du RGPD est d’assurer une « application cohérente et homogène des règles de protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel dans l’ensemble de l’Union»[63]. Ainsi, ce règlement a été jugé nécessaire pour « garantir la sécurité juridique »[64]. Par conséquent, l’interprétation a maxima empêche de moduler la portée du droit de rectification en fonction des législations nationales applicables au changement de sexe à l’état civil. La prise en compte des règles nationales relatives aux effets dans le temps des jugements ordonnant la modification de la mention du sexe viendrait compromettre la fonction uniformisatrice du RGPD et serait source d’insécurité juridique.
- Deuxièmement, et en accord avec l’argument précédent, cette interprétation permet d’éviter les problématiques liées à l’implication de différents facteurs d’extranéité. La seule application du RGPD permettrait de délimiter la portée du droit de rectification et d’accorder à la personne concernée le droit d’obtenir la rectification de ses données. Cette application se veut particulièrement étendue lorsque l’on sait que le RGPD bénéficie d’un caractère extraterritorial[65]. À l’inverse de la directive 95/46/CE[66], qui avait recours à la méthode du conflit de lois[67], le RGPD détermine son champ d’application territorial et son article 3[68] permet d’étendre la protection des données personnelles aux États tiers[69]. Il ne faut pas oublier que ce caractère extraterritorial est pleinement assumé par le législateur européen, ce dernier désirant « apporter aux ressortissants de l’Union européenne le même niveau de protection, quel que soit le pays dans lequel leurs données sont traitées»[70].
- Troisièmement, l’interprétation a minima privilégiant l’interdépendance du changement de sexe à l’état civil avec le droit de rectification pourrait être discutée. L’effet constitutif du jugement ordonnant la modification de la mention du sexe à l’état civil s’explique notamment par la nécessité de ne pas impacter les droits et les situations des tiers, comme par exemple les filiations déjà établies[71]. Or, la mise en œuvre du droit de rectification et la rectification totale de la donnée relative au sexe n’engendrent pas les mêmes problématiques.
- En effet, cette rectification totale a surtout une incidence sur la relation juridique établie avec le responsable de traitement. Ce dernier pourrait, par exemple, se prévaloir de l’état civil inscrit dans le contrat établi avec la personne concernée et refuser de procéder à sa rectification rétroactive. Cependant, cette difficulté n’est pas insurmontable, ne serait-ce qu’en raison de la possibilité d’effectuer un avenant au contrat[72]. D’autre part, si la rectification totale a un impact sur les tiers, elle présente un intérêt considérable pour la personne concernée. Au-delà de la facilitation des démarches administratives, on pense par exemple à l’intérêt économique ou professionnel de pouvoir présenter des documents concordants, que ce soit auprès des administrations ou auprès d’un employeur potentiel. Ainsi, il convient de nuancer l’impact que pourrait avoir la rectification totale de la donnée sur les tiers au regard de l’intérêt de cette démarche pour les personnes concernées.
- Par conséquent, la rectification totale de la donnée relative au sexe de la personne concernée peut être soutenue. En réalité, c’est la détermination du caractère « raisonnable» des mesures devant être prises par le responsable de traitement qui est décisive. Ainsi, il convient de délimiter clairement les obligations du responsable de traitement confronté à une demande de rectification de la donnée relative au sexe.
2- Une délimitation claire des obligations du responsable de traitement
- La jurisprudence offre peu de précisions quant à l’interprétation du terme « raisonnable». Cependant, il est possible de déterminer le sens de ce terme à la lecture du considérant n° 66 du RGPD, bien qu’il concerne le « droit à l’oubli » et non le droit de rectification[73]. Ce considérant précise que le responsable de traitement « [doit] prendre des mesures raisonnables, compte tenu des technologies disponibles et des moyens dont il dispose […] »[74]. Le texte évoque deux facteurs : l’un est objectif en ce qu’il fait référence aux technologies disponibles, et l’autre, davantage subjectif, renvoie aux moyens qui sont à la disposition du responsable de traitement.
- On trouvera les traces de ce premier facteur dans un litige impliquant la Banque postale et qui concernait l’application de l’article 40 de la loi informatique et libertés[75]. Dans cette affaire, un client avait demandé à la banque, en vain, que la dernière lettre de son nom patronymique soit orthographiée avec un accent aigu sur les documents qu’elle émettait. La Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le client, car la Banque postale justifiait de « l’impossibilité technique de porter les signes diacritiques sur les noms patronymiques mentionnés en majuscules dans les documents automatisés générés informatiquement»[76]. Selon l’avocat général, la justification apportée par la Banque postale ne peut que provoquer l’étonnement, car les systèmes informatiques disponibles à cette période permettaient bien de prendre en compte les signes diacritiques[77]. Ainsi, au regard des moyens technologiques disponibles et d’autres facteurs, l’avocat général avait préconisé la cassation de l’arrêt rendu par les juges du fond[78].
- En application du RGPD, l’interprétation du terme « raisonnable» peut donc être réalisée par la prise d’un facteur objectif et d’un facteur subjectif. Nous pouvons considérer qu’une mesure est « raisonnable » lorsqu’elle correspond à ce qui peut être attendu par le responsable de traitement, au regard des technologies disponibles et des moyens qui sont à sa disposition. Cette interprétation du terme raisonnable doit également tenir compte du délai maximal de trois mois qui est laissé au responsable de traitement pour procéder à cette rectification, en application de l’article 12 du RGPD[79]. À cet égard, il est utile de rappeler qu’à la différence de la loi informatique et libertés, le RGPD ne met pas en place une obligation de résultat[80]. Ainsi, selon une partie de la doctrine, l’obligation qui pèse sur le responsable de traitement concernant la rectification des données inexactes est seulement une obligation de moyens[81].
- Il est nécessaire de déterminer l’application concrète des facteurs objectifs et subjectifs. S’agissant du facteur objectif, il fait peu de doutes que les technologies existantes permettent de rectifier totalement la donnée relative au sexe, du moins lorsque le traitement est informatisé. De toute évidence, la réponse se veut plus nuancer s’agissant du traitement papier. Ainsi, cette rectification peut faire émerger des difficultés voire des impossibilités techniques pour le responsable de traitement. C’est ici qu’il convient de tenir compte du facteur subjectif, à savoir les moyens qui sont à la disposition de ce dernier. La faisabilité de cette rectification porte en elle-même une part de casuistique qui rend difficile la prédétermination du caractère « raisonnable» de la mesure.
- On pourrait tout d’abord évoquer la distinction existante entre les différentes phases du « cycle de vie» de la donnée[82]. La première phase renvoie à la « base active », c’est-à-dire « l’utilisation courante des données personnelles par les services chargés de la mise en œuvre de leur traitement »[83]. La seconde phase concerne l’archivage intermédiaire : les données ont été utilisées pour atteindre l’objectif fixé mais elles sont conservées soit en raison de leur intérêt administratif soit pour répondre à une obligation légale[84]. Ainsi, s’agissant de la rectification de la donnée relative au sexe de la personne concernée, il convient de distinguer selon le fait qu’il s’agit d’une utilisation courante ou d’un archivage intermédiaire. On pourrait également s’interroger sur la matérialité de cette rectification : le responsable de traitement peut-il se contenter de rajouter la mention du nouveau sexe à côté de l’ancienne ou doit-il, au contraire, remplacer l’ancienne mention par la nouvelle ? Chacune de ces solutions est envisageable, cependant, la seconde est plus avantageuse pour la personne concernée, car elle lui permet d’avoir des données qui correspondent totalement à son état civil et donc à son identité.
- La rectification totale de la donnée relative au sexe de la personne concernée peut être difficile à réaliser, mais elle et nécessaire au regard de la protection des droits fondamentaux de la personne transgenre.
B- Une coordination salvatrice pour la préservation des droits fondamentaux
- Le caractère consubstantiel du droit au respect de la vie privée et du droit de la protection des données à caractère personnel implique de prendre en compte la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte») (1). La Convention européenne des droits de l’homme a également son rôle à jouer dans la protection des droits de la personne concernée ayant changé de sexe à l’état civil (2).
1- Le respect de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
- Selon le tout premier considérant du RGPD, la protection des données à caractère personnel aurait atteint le stade de droit fondamental : « La protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel est un droit fondamental». Ce considérant fait directement référence à la Charte qui prévoit en son article 8 paragraphe 1 : « Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant »[85]. Si la Charte est devenue un des outils majeurs de la protection des données à caractère personnel, la fondamentalisation de ce droit, au travers de son article 8 a pu être relativisée. Selon R. TINIÈRE, cette fondamentalisation n’a conduit qu’à l’émancipation superficielle de ce droit vis-à-vis du droit au respect de la vie privée, dont il est l’émanation[86]. Ainsi, l’existence d’un droit distinct[87] de celui du droit au respect de la vie privée et son inscription au sein de l’article 8, « n’emporte pas de conséquence déterminante sur le plan du standard de protection »[88]. L’apport principal de la Charte serait d’accroitre la visibilité du droit de la protection des données à caractère personnel, permettant ainsi sa protection effective[89].
- À cet égard, les droits afférents à la protection des données à caractère personnel ne jouissent pas tous de la même visibilité. Il convient de souligner que seuls quelques-uns sont explicitement visés par la Charte. Parmi ces derniers figurent le droit d’accès et le droit de rectification qui sont prévus à l’article 8 paragraphe 2 : « Toute personne a le droit d’accéder aux données collectées la concernant et d’en obtenir la rectification»[90]. Ainsi, il est possible de considérer que la Charte « attache […] une importance toute particulière » au droit de rectification[91]. D’aucuns pourraient souligner le contraste existant entre l’importance conférée à ce droit par la Charte et le choix opéré par le législateur européen, privilégiant l’expression « mesures raisonnables » à celle de « mesures nécessaires ». Néanmoins, le terme « raisonnable » induit, comme nous l’avons vu précédemment, la nécessité de tenir compte des moyens qui sont à la disposition du responsable de traitement. La place spécifique accordée au droit de rectification n’est pas neutre, laissant alors suggérer que ce droit pourrait jouir d’une protection accrue au moyen d’une large interprétation.
- La Cour de justice de l’Union européenne n’hésite pas à interpréter la directive 95/46/CE[92] et le RGPD à la lumière de la Charte[93]. Si les décisions portant sur la portée du droit de rectification sont peu nombreuses, nous savons que la Cour se révèle intransigeante quant à la possibilité d’obtenir la rectification des données à caractère personnel. En accord avec sa jurisprudence antérieure[94], la Cour a rappelé, dans l’arrêt Schrems II[95]: [qu’] une réglementation ne prévoyant aucune possibilité pour le justiciable d’exercer des voies de droit afin […] d’obtenir la rectification de telles données, ne respecte pas le contenu essentiel du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective tel que consacré par l’article 47 de la Charte»[96]. Il reste à la Cour de déterminer la portée de ce droit de rectification une fois qu’il est mis en œuvre par la personne concernée.
- La question demeure la suivante : la Cour peut-elle interpréter le droit de rectification comme imposant au responsable de traitement l’obligation d’opérer la rectification totale de la donnée relative au sexe de la personne ? Il est difficile d’obtenir une réponse définitive, mais il ne serait pas étonnant que la Cour de justice adopte cette interprétation au regard de la place particulière du droit de rectification et de la nécessité de protéger les droits fondamentaux de la personne concernée. Elle pourrait adopter une voie médiane en imposant au responsable de traitement d’opérer cette rectification totale, mais en laissant à ce dernier une marge de manœuvre suffisante pour y parvenir. Cette interprétation permettrait de concilier le caractère fondamental du droit de rectification avec l’amplitude conférée par l’interprétation du terme « raisonnable ».
- La rectification totale de la donnée relative au sexe peut également être analysée à la lumière des exigences posées par la Convention européenne des droits de l’homme.
2- Le respect des obligations posées par la Convention européenne des droits de l’homme
- Il a déjà été observé que la Cour européenne des droits de l’homme accordait une importance particulière à la reconnaissance juridique du changement d’identité sexuelle des personnes transgenres. Dans un arrêt récent[97], la Cour a confirmé sa jurisprudence, reprochant ainsi aux autorités roumaines d’exiger une intervention chirurgicale de conversion sexuelle pour effectuer la modification de l’état civil[98]. Néanmoins, à notre connaissance, il n’existe pas de décision permettant de déterminer l’interaction entre le RGPD et la Convention européenne des droits de l’homme portant sur la rectification de la donnée relative au sexe à la suite d’un changement de sexe à l’état civil.
- La problématique de la rectification des données des personnes transgenres intéresse tout particulièrement les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. Alors que le premier pose le droit au respect de la vie privée et familiale, le second interdit les discriminations fondées sur le sexe. La question demeure donc la suivante : l’absence de rectification totale de la donnée relative au sexe de la personne concernée entraine-t-elle une atteinte aux droits posés par la Convention européenne des droits de l’homme ? Une fois encore, il est difficile d’obtenir une réponse définitive. Cependant, plusieurs éléments laisseraient suggérer que l’absence de rectification totale de la donnée relative au sexe pourrait engendrer des atteintes à certains droits posés par cette Convention.
- Ces atteintes pourraient émerger à l’occasion de la mention du sexe ou des civilités sur certains documents. On pense par exemple aux bulletins de salaire et aux modifications qui peuvent y être apportées à la suite d’un changement de sexe à l’état civil. Selon le Défenseur des droits, l’employeur doit tenir compte de ce changement de sexe au risque de créer une discrimination en raison de l’identité de genre et une atteinte au respect de la vie privée[99]. Ainsi, l’employeur doit modifier les mentions présentes sur les bulletins de salaire,[100] mais il est difficile de savoir si cette obligation concerne les bulletins émis antérieurement au changement de sexe à l’état civil[101]. L’absence de rectification de ces bulletins empêche la personne transgenre d’obtenir des documents en accord avec son état civil actuel. Cette impossibilité est lourde de conséquences, car elle contraint la personne à révéler sa transidentité pour expliquer la discordance entre son apparence physique et les documents dont elle dispose. Or, cette obligation peut porter atteinte au respect de la vie privée et être source de rejet ou de discrimination, que ce soit dans le domaine de l’emploi ou dans celui de l’accès aux biens et aux services[102]. Le Défenseur des droits a recommandé de : « Consacrer le droit de ne pas renseigner la mention de son sexe sur les documents de la vie courante»[103] ou encore de « [n]e pas mentionner les informations sur la rectification ou la modification du sexe à l’état civil sur les extraits d’actes de naissance […] »[104].
- Cette dernière recommandation pourrait avoir peu de chance d’aboutir au regard de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, la Cour a considéré que le refus de délivrer un acte de naissance intégral sans mention du changement de sexe n’emportait pas de violation de l’article 8 et de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme[105]. Dans cette affaire, le requérant ayant changé de sexe à l’état civil avait demandé, en vain, la suppression de l’annotation marginale faisant état de ce changement et la délivrance d’un acte de naissance ne mentionnant pas le sexe d’origine. Pour fonder sa décision, la Cour observe que le requérant dispose d’un extrait d’acte de naissance et de nouveaux documents d’identification ne mentionnant que son nouveau nom et son nouveau sexe[106]. Ainsi, dans les démarches de la vie quotidienne, le requérant n’a pas à révéler les détails de sa vie privée[107], d’autant que la copie intégrale de l’acte de naissance est très rarement exigée[108]. La Cour souligne l’importance de conserver la mention marginale du sexe assigné à la naissance[109], et, selon elle, le requérant n’a pas démontré que cette conservation « a eu, pour lui, des répercussions négatives ou engendré des difficultés suffisamment graves »[110]. La Cour reconnait aux États une large marge d’appréciation, tout en se montrant particulièrement attentive aux difficultés que peuvent rencontrer les personnes ayant changé de sexe à l’état civil. Ainsi, la preuve de répercussions négatives ou de graves difficultés pourrait s’avérer déterminante.
- En définitive, la rencontre entre le droit des personnes et le droit de la protection des données à caractère personnel fait apparaitre des problématiques nouvelles, comme celle de la rectification de la donnée relative au sexe de la personne transgenre. Cette problématique fait apparaitre la nécessité d’assurer une coordination entre le droit de rectification et le changement de sexe à l’état civil. Cette coordination est une étape importante dans la préservation des droits fondamentaux de la personne concernée. Cette coordination devrait être réalisée au moyen d’un affinement de la portée du droit de rectification, permettant ainsi la rectification totale de la donnée relative au sexe. Cette rectification totale présente des avantages considérables pour la personne concernée et les risques qu’elle fait émerger pour les tiers peuvent être maitrisés.
[1] Cass. 1ère civ., 16 sept. 2020, n° 18-50.080 et 19-11.251 : D. actu. 22 sept. 2020, obs. L. Gareil-Sutter ; D. 2020, 2096, note S. Paricard ; ibid. 2072, point de vue B. Moron-Puech ; AJF 2020, 534, obs. G. Kessler, obs. E. Viganotti ; ibid. 497, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; JCP G 2020, note 1164, L. Brunet et P. Reigné ; JCP N 2021, 1013, obs. C. Siffrein-Blanc ; Gaz. Pal. 2020, n° 38, jurispr. p. 20 ; RTD. civ. 2020, 866, obs. A.-M. Leroyer.
[2] TGI [Montpellier], 22 juil. 2016, n° RG 15/05019 : D. 2017, 1373, point de vue J.-P Vautier et F. Vialla.
[3] Selon la Cour d’appel, le lien biologique unissant le parent transgenre et l’enfant n’était pas contesté et il « est de l’intérêt de l’enfant […] de voir ce lien biologique retranscrit sur son acte de naissance sous la mention [du parent transgenre] comme “parent biologique de l’enfant” ».
[4] CA [Montpellier], 3è ch. A et B, 14 nov. 2018, n° RG 16/06059 : D. 2019, 110, obs. A. Dionisi-Peyrusse, note S. Paricard ; AJF 2018, 684, obs. G. Kessler, ibid, 641, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; JCP G 2019, 95, note F. Vialla et J.-P. Vautier ; Dr. famille 2019, comm. 6, H. Fulchiron.
[5] La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 avait permis au législateur de trouver une solution pour les filiations établies avant le changement de sexe à l’état civil. L’article 56 de cette loi avait permis la création de l’article 61-8 du Code civil qui dispose : « La modification de la mention du sexe dans les actes de l’état civil est sans effet sur les obligations contractées à l’égard de tiers ni sur les filiations établies avant cette modification ». Cependant, le législateur resta bien silencieux quant à la filiation des enfants nés postérieurement au changement de sexe à l’état civil, suscitant alors de vives critiques de la part de la doctrine spécialisée (sur ce point, par ex., : S. PARICARD, « L’enfant biologique de la personne ayant changé de sexe : quand les magistrats comblent le silence coupable du législateur », D. 2019, p. 110 ; A. MARAIS, « Le sexe si que je veux, quand je veux ! », JCP G 2016, act. 1164, pp. 2010-2011, spé., p. 2011).
[6] Bien avant la création de l’article 61-8 du Code civil, la jurisprudence adoptait déjà cette solution comme l’illustre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 2 juillet 1998. En effet, les magistrats parisiens avaient affirmé que la décision rectifiant la mention du sexe à l’état civil « ne remet[tait] pas en cause les énonciations de l’acte de naissance du fils [du parent transsexuel] » (CA [Paris], 1re ch. C, 2 juil. 1998, JCP G 1999, II 10005, comm. T. Garé ; JCP G 1999 I. 149, n° 2, obs. B. Teyssier ; Dr. famille 1999, comm. 13, P. Murat). Comme le souligne le commentateur de cette décision, cette solution avait déjà été retenue par le Tribunal de grande instance de Paris plusieurs années auparavant (T. GARÉ, « Effet pour l’avenir de la rectification de l’acte de naissance d’un transsexuel » préc., n° 3 ; Cf. TGI [Paris], 24 nov. 1981 : JCP G 1982, II 19792, note J. Penneau ; 16 nov. 1982 : Gaz. Pal. 1983, 2, p. 603, note G. Sutton ; 9 juil. 1985 : D. 1986, inf. rap. p. 69).
[7] Nombreux sont les auteurs à regretter que le législateur ne profite de la loi bioéthique pour venir combler ce vide juridique (cf. par ex., A. MARAIS, « Sexe, mensonge et quiproquo. À propos de la filiation d’un enfant procréé par un couple de même sexe », JGP G 2019, doctr. 1237, pp. 2145-2152, spé., n° 4). Une modification de l’article 61-8 du Code civil aurait pu être apportée, prévoyant ainsi que « que la personne qui procrée après la modification de la mention de son sexe à l’état civil est rétablie d’office à l’état civil dans son acte de naissance » ou encore que cette personne « soit rétablie à l’état civil dans son sexe d’origine » (I. CORPART, « Les transgenres, grands oubliés de la loi bioéthique », RJPF oct. 2021, pp. 11-14, spé., p. 13).
[8] De manière plus précise, la Cour affirme « qu’en l’état du droit positif, une personne transgenre homme devenu femme qui, après la modification de la mention de son sexe dans les actes de l’état civil, procrée avec son épouse au moyen de ses gamètes mâles, n’est pas privée du droit de faire reconnaître un lien de filiation biologique avec l’enfant, mais ne peut le faire qu’en ayant recours aux modes d’établissement de la filiation réservés au père » (Cass. 1ère civ., 16 sept. 2020, n° 18-50.080 et 19-11.251, préc., §18).
[9] Après avoir souligné l’impossibilité de l’établissement d’une double filiation maternelle de l’enfant, hors adoption, la Cour indique que « la filiation de l’enfant peut, en revanche, être établie par une reconnaissance de paternité lorsque la présomption de paternité est écartée faute de désignation du mari en qualité de père dans l’acte de naissance de l’enfant » (Cass. 1ère civ., 16 sept. 2020, n° 18-50.080 et 19-11.251, préc., §17).
[10] L’étude approfondie de cette décision dépasse le cadre de notre contribution. Néanmoins, le point de départ du raisonnement adopté par les juges du fond mérite une attention particulière. En effet, les magistrats indiquent que : « L’ensemble des parties s’accorde sur l’exclusion de la filiation paternelle ». À en croire cette affirmation, un simple accord des parties suffirait à exclure l’application des règles relatives à la filiation paternelle, qui sont pourtant d’ordre public, et à mettre en échec le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes. Comme nous pouvons le constater, l’affirmation est surprenante, car elle permet aux parties de transmuter des règles impératives en des règles qui seraient à leur libre disposition. Cette affirmation constitue une illustration supplémentaire de la mise à l’écart de l’ordre public au profit de l’établissement de la filiation, traduisant ainsi la prépondérance des intérêts privés sur les intérêts publics (sur ce point, cf. notre thèse : La raréfaction de l’ordre public international, thèse dactyl., Université Paris Cité, 2021).
[11] CA [Toulouse], ch. 6, 9 fév. 2022, n° RG/ 2003128 : D. 2022, 888, obs. S. Paricard ; ibid. 846, obs. M. Thevenot et B. Moron-Puech ; AJF 2022, 222, obs. M. Mesnil ; Dr. famille 2022, comm. 51, C. Siffrein-Blanc ; RJPF avr. 2022, 36, obs. J. Boisson ; ibid. 17, obs. I. Corpart ; JCP G 2022, note 581, L. Brunet et P. Reigné ; JCP N 2022, act. 348, A. Philippot.
[12] Sur cette question, cf. par ex., : H. FULCHIRON, « Homme-mère, femme-père… », Dr. famille 2019, comm. 6, pp. 36-38, n° 2. À l’inverse de la solution retenue par la Cour de cassation, l’avocat général avait préconisé que la demanderesse, femme transgenre, soit inscrite sur l’acte de naissance de sa fille en qualité de « mère », étant donné qu’elle est inscrite à l’état civil comme étant de sexe féminin (Cf. l’avis de l’avocat général Mme Caron-Deglise, p. 28).
[13] PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/679, 27 avr. 2016, [relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données)].
[14] Ibidem, article 16.
[15] Ibid., article 16.
[16] La notion « d’inexactitude » sera abordée ultérieurement dans le cadre de notre étude (Cf. infra, §15).
[17] A. BATTEUR et L. MAUGER-VIELPEAU, Droit des personnes, des familles et des majeurs protégés, LGDJ, 11ème éd., 2021.
[18] Cette « facilitation » sera en abordée en détails ultérieurement (Cf. infra §10 et s).
[19] L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, [de modernisation de la justice du XXIe siècle].
[20] S. PARICARD, « Une libéralisation du changement de sexe qui suscite des interrogations majeures », AJF 2016, pp. 585-587.
[21] L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, préc.
[22] Cass. 1ère civ., 21 mai 1990, n° 88-12.289 : JCP 1991. II. 21588, concl. Flipo, rap. J. Massip ; Gaz. Pal. 16-17 janv. 1991, p. 21, concl. Flipo; D. 1991, 169, rapp. J. Massip ; RTD civ. 1991, 289, obs. J. Hauser. Dans cette décision, la Cour de cassation affirme que : « […] le transsexualisme, même lorsqu’il est médicalement reconnu, ne peut s’analyser en un véritable changement de sexe, le transsexuel, bien qu’ayant perdu certains caractères de son sexe d’origine, n’ayant pas pour autant acquis ceux du sexe opposé ». La Cour de cassation a reproduit cet attendu dans deux autres décisions rendues le même jour (Cf. par ex. : Cass. 1ère civ., 21 mai 1990, n° 88-12.163) et a confirmé cette jurisprudence l’année suivante (Cf. Cass. 1ère civ., 5 fév. 1991, n° 89-18.017).
[23] Cass. ass. plén. 11 déc. 1992, n° 91-11.900 ; n° 91-12.373 : JCP 1993. II. 21991, concl. M. Jéol, note G. Memetteau ; Defrénois 1993, I, 414, note J. Massip ; RTD civ. 1993, 97, obs. J. Hauser ; RTDH 1993, 483, note L.-E. Pettiti. Cette évolution jurisprudentielle était devenue nécessaire, la Cour européenne des droits de l’homme ayant considéré que le refus de modification de l’état civil d’un transsexuel le « [plaçait] dans situation globale incompatible avec le respect dû à sa vie privée » (CEDH, 25 mars 1992, n° 13343/87 [B. c/ France], §63 : JCP G 1992. II. 21955, note T. Garé ; D. 1993, 101, note J.-P. Marguénaud ; RTD civ. 1992, obs. J. Hauser).
[24] Selon la Cour de cassation, la demande de rectification de la mention du sexe figurant sur l’acte de naissance était justifiée si la personne établissait : « […] la réalité du syndrome transsexuel dont elle est atteinte ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence » (Cf. Cass. 1ère civ., 7 juin 2012, n° 11-22.490 ; n° 10-26.947 : D. 2012, 1648, obs. F. Vialla ; Dr. famille 2012, comm. 131, P. Reignée ; RDSS 2012, 880, obs. S. Paricard ; RTD civ. 2012, 502, obs. J. Hauser ; Cf. également ; Cass. 1ère civ., 13 fév. 2013, n° 11-14.515, n° 12-11.949 : D. 2013, 499, obs. I. Gallmeister ; Dr. famille 2013, comm. 48, P. Reigné ; RTD civ. 2013, 344, obs. J. Hauser.
[25] F. VIALLA, « État civil (changement de sexe) : “démédicalisation” de la procédure », D. 2016, p. 1561 ; cf. égal., M. MESNIL, « La démédicalisation du changement de sexe à l’état civil : une conception renouvelée du sexe et du genre », JDSAM 2017, pp. 62-69.
[26] Article 61-5 du code civil.
[27] Ibidem.
[28] De manière plus précise, l’article 61-5 du code civil prévoit trois principaux faits : la personne « se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué » ; elle « est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel » ; ou encore elle « a obtenu le changement de son prénom afin qu’il corresponde au sexe revendiqué ».
[29] S. PARICARD, « Une libéralisation du changement de sexe qui suscite des interrogations majeures », AJF 2016, pp. 585-587, spé., p. 586.
[30] Il convient de souligner que l’expression « contrôle de conventionnalité in concreto » est parfois privilégiée à celle de « contrôle de proportionnalité ». Cependant, cette distinction n’emporte pas de conséquences importantes, le contrôle de conventionnalité in concreto étant souvent présenté comme le moyen par lequel est réalisé le contrôle de proportionnalité (par exemple : C. ARENS, « Conclusions », Revue Justice Actualités 2020, n° 24, ENM, pp. 138-142, spé., 140 et s. ; Cour de cassation, Rapport du groupe de travail sur le contrôle de conventionnalité, 2020, p. 4 et s. ; cf. égal. F. MARCHADIER, « Le contrôle de proportionnalité in concreto », JCP G 2020, act. 1301, pp. 2086-2089).
[31] CA [Chambéry], 3e ch., 25 janv. 2022, n° 21/01282 : AJF 2022, 286, L. Brunet et M. Mesnil ; Dr. famille 2022, comm. 103, M. Musson ; La Revue des droits de l’homme 2022, note M.-X Catto.
[32] Il convient de préciser que ce sont les parents du mineur, en qualité de représentants légaux, qui ont introduit la demande de changement de sexe à l’état civil.
[33] Les magistrats ont notamment pris en compte : l’âge du mineur (17 ans ½), « sa constance dans la démarche de changement de sexe […], les actions déjà mises en œuvre tant sur le plan juridique (changement de prénom en 2019), que psychologique et médical (suivi dans un service spécialisé, depuis plusieurs années, prise d’un traitement hormonal depuis ses 16 ans) ». Les magistrats soulignent également : « l’accord des deux parents avec la démarche de leur enfant ce qui les a amenés à former ensemble la […] requête en son nom » (CA [Chambéry], 3e ch., 25 janv. 2022, préc., p. 5).
[34] Ainsi, la personne concernée pouvait obtenir de la part du responsable de traitement : « selon les cas, la rectification, l’effacement ou le verrouillage des données dont le traitement n’est pas conforme à la présente directive, notamment en raison du caractère incomplet ou inexact des données ».
[35] Dir. 95/46/CE, 24 oct. 1995, [relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données].
[36] La formulation retenue pour cet article 36 mérite d’être soulignée tant elle se distingue de celle retenue par le droit communautaire : « Le titulaire du droit d’accès peut exiger que soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte ou l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite » (version en vigueur du 1er janvier 1980 au 7 août 2004).
[37] L. n° 78-17, 6 janv. 1978, [relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés].
[38] Ord. n° 2018-1125, 12 déc. 2018 [relative à la protection des données personnelles et portant modification de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et diverses dispositions concernant la protection des données à caractère personnel].
[39] L. n° 2018-493, 20 juin 2018, [relative à la protection des données personnelles].
[40] « Toute personne physique justifiant de son identité peut exiger du responsable d’un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite ». La rédaction de cet alinéa est restée la même depuis sa création en date du 7 août 2004, jusqu’au 1er juin 2019.
[41] L. n° 78-17, 6 janv. 1978, préc., art. 16.
[42] PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/679, préc., art. 5.1 d).
[43] Les données concernées par le droit de rectification peuvent être relatives à l’état civil de la personne concernée, comme par exemple sa date ou son lieu de naissance (sur ce point, cf. C. FÉRAL-SCHUHL, Cyberdroit, le droit à l’épreuve d’internet, Dalloz, 2020, p. 52).
[44] La Cour de justice a fourni peu de détails sur cette notion, mais nous pouvons tout de même évoquer l’arrêt du
20 décembre 2017 (CJUE, 20 déc. 2017, aff. C-434/16, Peter Nowak c/ Data Protection Commissioner: Europe 2018, comm. 42, A. Rigaux ; Comm. com. électr. 2018, comm. 23, N. Metallinos ; Gaz. Pal 2018, n° 8, 25, note J.-L Sauron et A. Grasso). Dans cette décision, la Cour a considéré que « les réponses écrites fournies par un candidat lors d’un examen professionnel et les éventuelles annotations de l’examinateur relatives à ces réponses, constituent des données à caractère personnel ». Néanmoins, selon la Cour, le droit de rectification prévu par la directive 95/46/CE « ne saurait, à l’évidence, permettre à un candidat de “rectifier”, a posteriori, de “fausses” réponses » (§52). Ainsi, les erreurs dans les réponses du candidat « ne constituent nullement une inexactitude » au sens de la directive précitée (§53).
[45] C. DE TERWANGNE et K. ROSIER, Le Règlement général sur la protection des données, Larcier, 2018, p. 112.
[46] M. BOURGEOIS, Droit de la donnée, Lexis Nexis, 2017, p. 225. Cette idée ressort de l’arrêt évoqué précédemment lorsque la Cour fournit plusieurs exemples dans lesquels les réponses du candidat à l’examen et les annotations de l’examinateur peuvent se révéler inexactes au sens de la directive 95/46/CE (Cf. CJUE, 20 déc. 2017, aff. C-434/16, préc., §54). Par exemple « en raison du fait que, par erreur, les copies d’examen ont été échangées de telle sorte que les réponses d’un autre candidat ont été attribuées au candidat concernée » (c’est nous qui soulignons).
[47] Le Grand Robert de la langue française, T. V, 2ème éd., 1996, p. 554.
[48] Cass. ass. plén. 11 déc. 1992, n° 91-11.900 ; n° 91-12.373, préc.
[49] Rep. civ. Dalloz, V° Actes de l’état civil, §257. À la différence de l’article 99 du Code civil qui porte sur la rectification des actes de l’état civil, l’article 57 de ce même code porte sur la modification de l’acte de naissance.
[50] Ibidem.
[51] Ibid.
[52] La distinction entre le jugement déclaratif et le jugement constitutif est bien connue : le premier reconnait un droit préexistant qui est contesté, alors que le second, crée un droit nouveau. Dans un article de référence, L. MAZEAUD fondait cette dichotomie sur les deux éléments du pouvoir du juge, à savoir le jurisdictio et l’imperium (Cf. L. MAZEAUD, « De la distinction des jugements déclaratifs et des jugements constitutifs de droits », RTD civ. 1929, pp. 17-54, spé., p. 18). Pour une présentation globale de cette distinction, de ses limites, et des critiques émises à son égard : cf. C. BOUTY, L’irrévocabilité de la chose jugée en droit privé, P.U.A.M, 2008, n° 587 et s.
[53] L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, préc.
[54] Article 99-1 du code civil.
[55] A. MARAIS, Droit des personnes, Dalloz, 4ème éd., 2021, p. 147, n° 196.
[56] Cass. 1ère civ., 14 nov. 2006, n° 04-10.058 : Defrénois 2007, 779, obs. J. Massip ; RTD civ. 2008, 78, obs. J. Hauser.
[57] Ibidem.
[58] Ibid.
[59] Ce texte doit être mis en lien avec l’article 12 du RGPD car il s’agit d’une demande d’exercice des droits.
[60] PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/679, préc., art. 5.1 d).
[61] PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/679, préc., cons. n° 39.
[62] Nous tenons néanmoins à évoquer la possibilité de rééditer les données en conservant la copie des données faisant état de l’identité antérieure de la personne concernée. Les données sont alors complétées, mais nous privilégions l’étude de la rectification en tant que telle.
[63] PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/679, préc., cons. n° 10.
[64] PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/679, préc., cons. n° 13.
[65] F. JAULT-SESEKE et C. ZOLYNSKI, « Le règlement 2016/679/UE relatif aux données personnelles. Aspects de droit international privé », D. 2016, pp. 1874-1880, spé., 1875.
[66] Dir. 95/46/CE, 24 oct. 1995, préc.
[67] La directive était source de disparité entre les différentes législations de transposition, rendant alors nécessaire la méthode du conflit de loi qui permettait de désigner, parmi ces législations, la loi de l’État membre applicable (F. JAULT-SESEKE, « La portée extraterritoriale ou a-territoriale du RGPD », RAE 2018, pp. 43-51, spé., p. 45).
[68] Cet article 3 n’est pas sans créer de nombreuses interrogations sur le champ d’application spatiale du RGPD, au regard de son manque de précision et de clarté (Cf. L. PAILLER, « L’applicabilité spatiale du Règlement général sur la protection des données. Commentaire de l’article 3 », JDI 2018, doctr. 9, pp. 823-849).
[69] Sur la portée de l’extraterritorialité du RGPD, cf. E. THELISSON, La portée du caractère extraterritorial du règlement général sur la protection des données », Revue internationale de droit économique, 2019/4, pp. 501-533.
[70] Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris, Rapport sur l’extraterritorialtité du droit de l’Union européenne, mai 2022, p. 55.
[71] Sur ce point, cf. supra, §3.
[72] Nous tenons toutefois à souligner que cette question semble davantage être du domaine du droit des contrats que de celui de la protection des données personnelles.
[73] Ce considérant est rédigé en ces termes : « Afin de renforcer le “droit à l’oubli” numérique, le droit à l’effacement devrait également être étendu de façon à ce que le responsable du traitement qui a rendu les données à caractère personnel publiques soit tenu d’informer les responsables du traitement qui traitent ces données à caractère personnel qu’il convient d’effacer tout lien vers ces données, ou toute copie ou reproduction de celles-ci. Ce faisant, ce responsable du traitement devrait prendre des mesures raisonnables, compte tenu des technologies disponibles et des moyens dont il dispose, y compris des mesures techniques afin d’informer les responsables du traitement qui traitent les données à caractère personnel de la demande formulée par la personne concernée ».
[74] PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 2016/679, préc., cons. n° 66.
[75] Cass. 1ère civ., 4 mai 2012, n° 10-27.208 : Gaz. Pal. 2012, n° 138, 13, avis B. Pagès.
[76] Cass. 1ère civ., 4 mai 2012, n° 10-27.208, préc.
[77] B. PAGÈS, « La guerre des accents », Gaz. Pal 2012, n° 138, jurispr., pp. 13-16, spé., p. 15.
[78] Ibidem.
[79] En application de l’article 12 du RGPD, le responsable du traitement dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de la demande pour fournir à la personne concernée des informations sur les mesures qui sont prises. Cependant, ce délai peut être prolongé de deux mois « compte tenu de la complexité et du nombre de demandes ».
[80] JCl. Communication, Fasc. 940 [, par R. PERRAY], §142. L’auteur cite la délibération de la CNIL dans laquelle cette dernière avait affirmé que l’obligation prévue à l’article 6, 4° de la loi informatique et libertés pose « sans ambigüité une obligation de résultat » (CNIL, délib. n° 2016-053, 1er mars 2016 : Comm. com. électr. 2016, comm. 44, A. Debet).
[81] JCl. Communication, Fasc. 940 [, par R. PERRAY], §142. Cf. égal. C. DE TERWANGNE et K. ROSIER, Le Règlement général sur la protection des données, op. cit., p. 111.
[82] CNIL, Guide pratique. Les durées de conservation, juillet 2020, p. 4.
[83] Ibidem.
[84] Ibid.
[85] Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : JO 202 7.6.2016, pp. 389-405.
[86] R. TINIÈRE, « L’apport de la Charte des droits fondamentaux à la protection des données personnelles dans l’Union européenne », RAE 2018, pp. 29-34, spé., p. 32.
[87] Selon un auteur, le RGPD a quelque peu distendu le lien existant entre le droit à la vie privée et le droit de la protection des données à caractère personnel et la Charte aurait conférer à ce dernier une forme d’autonomie à l’égard du premier (M. CLÉMENT-FONTAINE, « L’union du droit à la protection des données à caractère personnel et du droit à la vie privée », Légicom 2017, pp. 61-68).
[88] R. TINIÈRE, « L’apport de la Charte des droits fondamentaux à la protection des données personnelles dans l’Union européenne », préc., p. 34.
[89] Ibidem.
[90] Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, préc., art. 8§2.
[91] JCl. Communication, Fasc. 940 [, par R. PERRAY], §140.
[92] Dir. 95/46/CE, 24 oct. 1995, préc.
[93] J.-L DA CRUZ VILAÇA, « L’application de la Charte dans l’ère du numérique », Revista de Derecho Comunitario Europeo 2020, 66, pp. 447-469, spé., p. 451.
[94] Cf. le §95 de l’arrêt dit “Schrems I” (CJUE, 6 oct. 2015, aff. C-362/14, Maximillian Schrems c/ Data Protection Commissioner D. 2016, 111, note B. Haftel ; ibid., 88, point de vue C. Castets-Renard ; ibid., 2025, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; Dalloz IP/IT 2016, 26, étude C. Théard-Jallu, J.-M. Job et S. Mintz ; RTDE 2015, 786, obs. M. Benolo Carabot ; Europe 2015, comm. 468, D. Simon ; Comm. com. électr. 2015, étude 21, R. Perray et J. Uzan-Naulin ; ibid., comm. 94, A. Debet).
[95] CJUE, 16 juil. 2020, aff. C-311/18, Data Protection Commissioner c/ Facebook Ireland Ltd, Maximillian Schrems (dit “Schrems II”) : D. 2020, 2432, note C. Castets-Renard ; AJ contrat 2020, 436, obs. T. Douville ; Dalloz IP/IT 2020, 640, obs. B. Bertrand et J. Sirinelli ; Rev. crit. DIP 2020, 874, Eclairages A. d’Ornano ; RTD eur. 2021, 175, obs. B. Bertrand.
[96] CJUE, 16 juil. 2020, aff. C-311/18, préc., §187.
[97] CEDH, 19 janv. 2021, n° 2145/16 et 2060/16 [X. et Y. c. Roumanie] : RJPF mars 2021, 10, obs. I. Corpart.
[98] Selon la Cour : « le refus des autorités internes de reconnaître juridiquement la réassignation sexuelle des requérants faute d’une intervention chirurgicale de conversion sexuelle a porté une atteinte injustifiée au droit des requérants au respect de la vie privée » (CEDH, 19 janv. 2021, n° 2145/16 et 2060/16, préc., §167).
[99] Sur ce point, cf. https://www.ouest-france.fr/partenaires/defenseur-droits/question-de-droit-je-suis-transgenre-et-mon-employeur-refuse-d-en-tenir-compte-6897823.
[100] Ibidem.
[101] La recommandation faîte par le Défenseur des droits dans ce domaine laisse planer le doute sur ce point : « Le Défenseur des droits recommande aux employeurs privés et publics, lorsque la personne transgenre en exprime le souhait, d’utiliser le prénom choisi et de modifier son titre de civilité sur tous les documents administratif, y compris les bulletins de salaire, ou supports (messagerie électroniques, annuaires internes, intraweb etc.) que son prénom et son sexe aient été ou non modifiés à l’état civil, afin de respecter son droit à la vie privée et de ne pas l’exposer à des réactions de rejet et des discriminations fondées sur le décalage entre son apparence et son identification au sein de l’organisation » (Défenseur des droits, Décision-cadre du Défenseur des droits n° 2020-136, 18 juin 2020, p. 27).
[102] Ibidem, p. 12 et p. 15.
[103] Défenseur des droits, Fiche réforme n° 10 : L’intersexualité, 1 juillet 2020, p. 4.
[104] Ibidem.
[105] CEDH, 17 fév. 2022, n° 74131/14 [Y c/ Poland] (disponible uniquement en anglais): AJF 2022, 109, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; JCP N 2022, act. 349, K. Lescure ; RTD civ. 2022, 347, note J.-P. Marguénaud
[106] CEDH, 17 fév. 2022, n° 74131/14, §78.
[107] Ibidem.
[108] Ibid. On soulignera que dans le formulaire de demande, le requérant avait indiqué qu’il souhaitait engager une procédure d’acquisition de la nationalité française et d’adoption de la nièce de son épouse. Pour mener à bien cette procédure, il devait fournir une copie intégrale de son acte de naissance qui indique son sexe d’origine. Il avait exprimé ses craintes quant à l’engagement de cette procédure, qui pouvait l’exposer à une réaction hostile de la société et a des expériences humiliantes (Ibid., §64).
[109] Ibid., § 79.
[110] De manière plus précise : « […] la Cour constate que le requérant n’a pas démontré qu’il avait subi des conséquences négatives ou des difficultés suffisamment graves résultant du fait que le sexe assigné à sa la naissance est encore visible sous la forme d’une annotation sur son acte de naissance complet » (Ibid., §80, c’est nous qui traduisons).