Les critiques ataviques à l’encontre de la Cour européenne des droits de l’homme
Par Yannick Lécuyer, Maître de conférences HDR, Collaborateur de la Fondation René Cassin
Bien qu’il n’ait jamais fait l’unanimité et qu’il ne saurait échapper à un examen critique, le système conventionnel de protection des droits de l’homme essuie actuellement un certain nombre d’attaques aussi violentes que systématiques. C’est presque devenu une mode qui coïncide malheureusement avec la remise en cause des droits de l’homme en Europe et au delà. Extension anarchique de la compétence de la Cour au détriment de la souveraineté des Etats, dévoiement des obligations juridiques, dynamisme jurisprudentiel exacerbé, on retrouve toujours les mêmes arguments à tel point qu’il sont devenus des automatismes souvent très éloignés de la réalité jurisprudentielle. Pourtant, la plupart résiste difficilement à une analyse scientifique consciencieuse. A vrai dire, qu’il s’agisse de la presse, des milieux politiques et même d’une partie de la doctrine, les critiques ataviques à l’encontre de la Cour européenne des droits de l’homme sont devenus l’étendard des antilumières et des partisans d’idéologies apparentées.
A l’évidence, le système conventionnel de sauvegarde des droits de l’homme n’a jamais fait l’unanimité. Les débats et les réticences qui ont émaillés sa ratification tardive en 1974 en attestent[1]. Certains promoteurs objectifs des droits de l’homme ont parfois émis des réserves sérieuses sur leur protection européenne[2]. C’est toutefois sans commune mesure avec le déferlement d’attaques et le dénigrement systématique que la Cour essuie actuellement. Comme l’observe Laurence Burgorgue-Larsen, les critiques idéologiques et techniques se mêlent aujourd’hui afin de distiller un procès d’une violence inouïe en déligitimation de la Cour[3]. L’aversion à son encontre s’est banalisée au point qu’elle est devenue une tendance, presqu’une mode[4].
L’assaut est multilatéral. Il est mené sur la blogosphère, particulièrement celle des milieux identitaires[5]. Il sévit ensuite dans la presse. Sensibles au sensationnalisme des quelques condamnations essuyées par la France, quotidiens et hebdomadaires offrent de nombreuses tribunes bienveillantes aux contempteurs du système européen. On se souviendra ici de l’appel à s’opposer à la Cour européenne des droits de l’homme publié dans les pages du Figaro [6]. Depuis une dizaine d’année, la remise en cause du système européen s’est également installée dans le cénacle politique. De nombreuses personnalités politiques de premier plan suggèrent désormais ouvertement une renégociation voire une dénonciation de la Convention[7]. Plusieurs propositions ont été déposées en ce sens comme la résolution du 18 février 2015 invitant le Gouvernement à renégocier les conditions de saisine et les compétences de la Cour sur les questions touchant notamment à la sécurité nationale et à la lutte contre le terrorisme ou encore la proposition d’amendement au futur projet de révision constitutionnelle afin, notamment, que les dispositions législatives déclarées contraires à un traité par une juridiction européenne soit maintenue en vigueur si, dans les six mois suivant la décision, elle est confirmée par une loi adoptée dans les mêmes termes.
Les critiques ataviques se sont aussi invitées dans les revues juridiques ce qui est beaucoup plus problématique car c’est généralement au détriment de la neutralité axiologique. A vrai dire, c’est même au sein de la communauté des juristes que le mouvement a commencé. Ainsi, dans la douzième édition de son manuel de Droit civil, Gérard Cornu évoquait déjà les « forces majoritaires de l’illusion, de l’utopie, de l’aveuglement et de la présomption (…) un « corps étrangers », un droit venu d’ailleurs qui n’a ni pays ni histoire » qui entraine « la dégénérescence » du droit français[8].
Les mots utilisés sont lourds de sens : « logorrhée » et falsification, « inappétence et fadeur », « schizophrénie » du juge européen qui rend des diktats plutôt que des arrêts[9]. Marchant dans les pas de Victor Haïm, lequel s’interrogeait sur l’opportunité de supprimer la Cour européenne des droits de l’homme, Bernard Edelman évoque un « ennemi à abattre »[10]. La Cour européenne est présentée comme une juridiction à l’usage des terroristes, des criminels, des clandestins, des transsexuels, squatteurs et autres marginaux[11]. A lire certaines proses, elle est mère de tous les maux qui accablent la société française. C’est pourtant oublier que, en 2018, la France a fait l’objet de quinze arrêts dont sept condamnations uniquement. Ramenée à ces statistiques, l’obsession sur Strasbourg semble bien dérisoire.
L’opposition quasi-viscérale à la Cour européenne des droits de l’homme possède néanmoins un bénéfice secondaire. En devenant le fanal des antimodernes de tous bords, elle est désormais un des critères de leur identification. Tout semble fonctionner comme si la jurisprudence de la Cour est devenue le catalyseur des anti-lumières et des mouvements apparentés, réactionnaires, nationalistes, identitaires, traditionnalistes et autres conservateurs[12]… En effet, la Cour cumule à elle seule deux handicaps majeurs. Premièrement, elle protège les droits de l’homme jugés obsolètes. Deuxièmement, elle est européenne c’est-à-dire supranationale. Dans les deux cas, le désamour qui frappe le système conventionnel est révélateur de maux plus profonds, le recul de l’Etat de droit d’une part, celui de l’ouverture et du cosmopolitisme d’autre part.
La dichotomie entre les commentateurs qui seraient intrinsèquement hostiles au mécanisme de protection ou simplement circonspects face au dynamisme discutable du juge européen n’est pas pertinente. Premièrement, ce dynamisme est essentiellement fantasmé. Que ce soit au niveau de la procédure comme sous l’angle matériel, le droit de la Convention est plutôt favorable aux Etats et si la Cour se permet parfois quelques audaces, c’est fréquemment pour décerner in fine aux autorités étatiques un brevet de conventionnalité. Deuxièmement, le discrédit méthodique de la jurisprudence confine souvent à une désapprobation générale des droits et libertés énoncés dans la Convention et ses protocoles. La plupart des auteurs sont donc les héritiers plus ou moins directs des anti-lumières. L’étendue et la dispersion de l’archipel formé par ce courant de pensée permet à chacun d’y trouver sa place[13].
Des précurseurs français – Antoine de Rivarol, Louis de Bonald, Joseph de Maistre… – aux successeurs – tels Charles Péguy, Charles Maurras, Louis-Ferdinand Céline, Emmanuel Levinas, Pierre Drieu La Rochelle… – les racines de cette idéologie sont très anciennes[14]. L’étendard de cette idéologie éclatée est aujourd’hui porté par quelques personnalités médiatisées comme François Xavier Bellamy, Eugénie Bastié, Alexandre Devecchhio, Jacques de Guillebon, Latetita Strauch-Bonart, Mathieu Bock-Coté, Etienne Chouard, Régis Debray… Malgré l’hétérogénéité des doctrines, la cohérence de la catégorie se trouve depuis l’origine dans l’opposition aux droits de l’homme, droits humains et libertés fondamentales et, dans la contestation de l’universalisme[15]. Les anti-lumières récusent l’idée d’une humanité universelle et les régimes articulés sur les principes du libéralisme démocratique au profit d’ordres fondés sur la tradition ou quelques déraisons médiévales. C’est une pensée figée, réductrice, une pensée de réaction qui peine à comprendre le monde et ses évolutions. Etroitement liée, la critique postmoderne ou communautariste insiste « sur le caractère fallacieux de l’universalisme du langage des droits de l’homme, universalisme qui renvoie à une anthropologie qui vaudrait pour tous les hommes, alors que les communautés humaines sont irréductibles les unes aux autres ». L’universalisme prit en tant qu’identité serait « un mensonge, voire même une tentation totalitaire pour une pensée qui insiste sur l’altérité radicale de chaque être et surtout de chaque collectif historiquement et culturellement fondé, en particulier la Nation »[16]. Certains auteurs estiment qu’une démocratie ne doit pas être exclusivement fondée sur la protection des droits individuels et des droits humains[17].
Une des ramifications est d’inspiration religieuse et remet en cause la sacralisation des droits de l’homme qui concurrence mécaniquement le dogme chrétien[18]. Ainsi, pour Jean-Louis Harouel, inventeur du concept d’immigration colonisatrice à propos de l’islam, « les racines chrétiennes de l’Occident doivent être privilégiées par rapport à la religion des droits de l’homme qui règne aujourd’hui, laquelle ne relève pas des « fondamentaux de l’Occident ». Ils sont contraires à la démocratie qui « repose sur l’idée de discrimination »[19]. On retrouve la même logique dans les théories de Marcel Gauchet[20].
Ce sont les arrêts relatifs aux mœurs et à la famille qui heurtent immanquablement cette partie de la doctrine : gestation pour autrui, homosexualité, fin de vie, avortement… Les droits conventionnels sont accusés de dissoudre les liens sociaux, nationaux et surtout familiaux. Le rejet du libéralisme consubstantiel à la Convention possède également une version laïque très puissante. C’est dans cette veine que s’inscrit par exemple les membres de la doctrine qui regrettent l’inspiration libérale de la jurisprudence de la Cour, inspiration « que l’on trouve dans le cadre globalisé du libéralisme à l’anglo-saxonne »[21]. Toutefois, là aussi, l’analyse manque souvent cruellement de rigueur scientifique[22].
La nébuleuse hétérogène des détracteurs de la Cour européenne des droits de l’homme bénéficie d’une audience que ne possèdent pas les conventionnalistes, c’est-à-dire les universitaires qui décryptent les arrêts sans les exagérer, les dénaturer ou les caviarder. Or, si la Cour n’est pas exempte de critiques et ne saurait faire, à l’inverse, l’objet d’une « idolâtrie »[23], les protestations persistantes à son égard sont souvent révélatrices d’une appartenance doctrinale et participent à un mouvement plus large de remise en cause des droits de l’homme et des libertés fondamentales en France et en Europe. Ces protestations se focalisent généralement sur deux axes complémentaires. L’extension anarchique de la compétence de la Cour au détriment de la souveraineté des Etats (I.), le dévoiement des obligations juridiques sous l’effet de méthodes d’interprétation contestables (II.).
I. La confiscation de la souveraineté par la Cour européenne des droits de l’homme
Les amoureux de la souveraineté sont rarement tendres avec la Cour européenne des droits de l’homme. Impardonnable, elle est suspectée de vouloir dresser face à la souveraineté des Etats celle de l’humain[24]. Par conséquent, à leurs yeux, cette juridiction internationale se rend coupable d’un double viol : celui de la souveraineté externe, celle de l’Etat (A.) et celui de souveraineté interne, celle du peuple (B.).
A. La perte de souveraineté des Hautes parties contractantes
Objectivisme contre volontarisme, la nostalgie du temps où le droit international était essentiellement fondé sur la volonté des Etats fait cortège à la remise en cause du système conventionnel. Poussée à l’extrême, ce désaveu porte en lui la réintégration des droits et libertés fondamentales dans le domaine réservé de l’Etat et refuse, au nom de la souveraineté externe, qu’un juge international puisse participer à l’indispensable évolution de cette branche du droit. A l’inverse du transnationalisme qui vise à tenir compte de la complexité des relations sociales et des interconnexions par delà les espaces étatiques, le point commun de ces approches est « d’envisager la protection des droits et des libertés de façon figée, c’est-à-dire en pensant le sujet des droits comme membre d’une collectivité nationale bien définie, incarnée par l’Etat »[25].
La protection des droits de l’homme par le juge européen se serait mutée en politique normative concurrentielle voire antagoniste à celle des Etats. Preuve en sont les arrêts qui ont bouleversé les schémas institutionnels des Etats membres. Pour la France, l’accent est mis sur les arrêts qui, au nom du respect du droit à un procès équitable de l’article 6 § 1, ont marqué d’opprobre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation[26]. Les turbulences doctrinales souverainistes ont aussi frappée l’arrêt Matelly c / France du 20 octobre 2014 en ce qu’il contraint la France à octroyer aux membres de ses forces armées, dont la gendarmerie nationale, la liberté de fonder et de s’affilier à des syndicats. L’arrêt reconnait pourtant préalablement le droit de préserver l’ordre et la discipline nécessaires aux forces armées[27]. L’arrêt Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c/ France qui a contraint le Conseil constitutionnel à renforcer les critères de contrôle des validations législatives a été longtemps ressenti comme un mitage de la souveraineté française[28]. Enfin, au cœur des grandes fonctions souveraines de l’Etat, il y a l’épée de Damoclès qui pèse sur la tête du droit fiscal français depuis l’arrêt Grande Stevens et autres contre Italie du 4 mars 2014. En effet, la réserve française à l’article 4 du protocole n°7 qui énonce le principe non bis in idem est très semblable à la réserve italienne neutralisée dans cet arrêt. Dès lors, malgré l’arrêt du 15 novembre 2016, A. et B. c/ Norvège, qui valide le cumul des actions administratives et pénales et la décision du Conseil constitutionnel M. John L. et autres du 18 mars 2015 qui restreint les possibilités de cumul, la conventionnalité du système français reste discutable[29].
La banalisation des assauts contre la Cour européenne des droits de l’homme fait écho aux défiances gouvernementales et étatiques croissantes et la crise de légitimité traversée par la Cour[30]. Les propositions de résistance à l’ordre public européen se multiplient[31]. Outre Manche, David Cameron et Theresa May se sont successivement prononcés en faveur d’une sortie du Royaume-Uni du système conventionnel[32]. Suite à une poignée de condamnations mal digérées – Mustafa (Abu Hamza) c/ Royaume-Uni du 18 janvier 2011 et Othman (Abu Qatada) c/ Royaume-Uni du 17 janvier 2012 en matière de terrorisme, Al-Skeini et autres c/ Royaume-Uni et Al-Jedda c/ Royaume-Uni du 7 juillet 2011 relatifs à des violations des droits de l’homme imputables aux force britanniques en Irak, l’ex Première ministre estime que la Convention européenne des droits de l’homme propage des accusations « vexatoires », lie les mains du parlement et affecte la sécurité du Royaume-Uni[33]. De l’autre côté de l’Oural, les tensions entre la Cour européenne des droits de l’homme et la Fédération de Russie se sont multipliées. Après avoir bloqué pendant plusieurs années la ratification du protocole n°14 et mis l’office du juge européen au bord l’asphyxie, la Douma Russe a voté la loi n°7-KFZ du 4 décembre 2015 qui affirmant la suprématie de la Constitution sur la Convention et dispense les autorités d’exécuter les arrêts rendus par la Cour européenne en cas de conflit[34]. Les exemples d’attaques ne manquent pas : votation suisse du 25 novembre 2018 portée par le parti politique populiste UDC afin de faire primer la Constitution sur la Convention ; proposition française de résolution présentée devant l’Assemblée nationale le 18 février 2015 et invitant le Gouvernement à renégocier les conditions de saisine et les compétences de la Cour européenne des droits de l’homme sur les questions touchant notamment à la sécurité nationale et à la lutte contre le terrorisme[35]…
Emanation de la même pensée statique, le groupe Plessis, association créée par quelques hauts fonctionnaires en réaction au mariage pour tous et ainsi nommé en hommage au Cardinal de Richelieu, a fait de la Cour une de ses cibles préférées. Très actif dans la blogosphère, il accuse la Cour d’avoir « vampirisé la souveraineté de la France, dépouillé le parlement de ses prérogatives et contraint notre pays à faire des choix que le peuple réprouverait ». La Cour européenne est la « pierre d’achoppement » pour ceux qui espèrent que la France recouvre la « maîtrise de ses lois et de son destin »[36]. L’idée même qu’un juge étranger au sein d’une instance internationale – sont cités au hasard les juges azerbaidjanais, albanais, moldave, géorgien et turc – puisse exercer une influence sur le droit interne est inacceptable. Par conséquent, il prône la dénonciation de la Convention pour permettre à la France de retrouver sa souveraineté. Au premier regard, les arguments de ce groupe peuvent sembler anecdotiques. Ils procèdent d’une analyse statocentrique grossière venue d’un autre millénaire. Ils possèdent néanmoins une origine académique inquiétante.
Bien avant que Bertrand Mathieu n’appelle à la redéfinition du « périmètre des compétences de la Cour », Philippe Malaurie s’interrogeait déjà : d’où cette juridiction tire-t-elle son pouvoir « si ce n’est d’elle-même ? » [37]. Moins polémique, Guillaume Drago se concentre sur les rapports de systèmes entre le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme. L’auteur met en garde contre une protection des droits de l’homme exclusivement soumise au respect des standards européens qui déboucherait inévitablement sur une perte d’influence concomitante du contrôle de constitutionnalité d’une part et des droits fondamentaux tels qu’exprimés dans le bloc de constitutionnalité d’autre part : « C’est en perte de souveraineté, juridique et juridictionnelle, qu’il faudrait compter cette soumission. Il faut donc y regarder à deux fois avant de plaider l’alignement du Conseil constitutionnel sur le modèle juridictionnel issu de la CEDH et de la Cour de Strasbourg »[38].
En premier lieu, l’examen repose sur une vision très particulière des rapports de systèmes juridictionnels qui privilégie la conflictualité à la complémentarité. Or, l’articulation entre les contentieux constitutionnel et conventionnel est essentiellement harmonieuse grâce à la une application décentralisée de la Convention d’une part et l’interprétation conforme d’autre part. Premièrement, l’édifice conventionnel repose sur le principe de subsidiarité, principe éminemment protecteur de la souveraineté des hautes parties contractantes que l’on retrouve à tous les étages, au niveau de la recevabilité à travers l’épuisement des voies de recours, le règlement amiable ou la tierce intervention comme au niveau du contrôle avec la marge d’appréciation. Tandis que la subsidiarité a été inscrite en toutes lettres dans le protocole n°15, le protocole n°16, entré en vigueur le 1er août 2018, a institutionnalisé le dialogue des juges en autorisant les plus hautes juridictions des Etats à adresser des demandes d’avis consultatifs à la Cour[39]. En réalité, la garantie des droits repose sur deux niveaux qui se complètent et une répartition des compétences équilibrée entre le niveau national et le niveau européen[40]. Deuxièmement, même si la Cour s’est émancipée de certains des canons et carcans du contentieux international – clause de réciprocité[41], invalidation rétrospective des réserves étatiques[42], mesures d’exécution individuelles ou générales[43] – la tendance est principalement au ménagement de la souveraineté et des susceptibilités étatiques. De fait la Cour est entrée dans un « âge d’or de la subsidiarité » avec une amplification multilatérale et constante de la marge d’appréciation des Etats[44]. Le contrôle tend également à une « procéduralisation » des droits reconnus dans la Convention, c’est-à-dire se concentrer sur la manière dont ils ont été appliqués plutôt que sur leur substance[45]. Enfin, le moyen tiré de la clause de l’article 15, dérogations en cas d’urgence, abondamment utilisée par les Etats ces dernières années, fait l’objet d’une jurisprudence de plus en plus favorable[46].
En second lieu, le droit conventionnel est immédiatement plus opérationnel. C’est la raison pour laquelle, de l’aveu même de Jean-Marc Sauvé, le Conseil d’Etat fait application de la Convention européenne des droits de l’homme dans près d’un quart de ses décisions[47]. Face à cette efficacité du droit de la Convention, la protection interne est longtemps restée et demeure encore, en dépit de la question prioritaire de constitutionnalité, désespérément insuffisante. Fonctionnellement, elle relevait de la loi grâce au jeu de l’article 34 de la Constitution mais s’incarnait essentiellement dans le recours pour excès de pouvoir grâce à aux audaces « créatrices » du juge administratif, les principes généraux du droit. Matériellement, de nombreux droits et libertés fondamentales étaient tout simplement ignorés. Le bloc de constitutionnalité souffre toujours de carences notables comparé à la Convention européenne telle qu’interprétée par son juge naturel. Quid du droit à la vie, de la liberté de manifestation pacifique ? Quid encore du droit à un procès équitable et de l’ensemble de ses corolaires malgré sa « découverte » dans la décision acrobatique n°2010-10 du 2 juillet 2010 laquelle adosse ce droit au principe de séparation des pouvoirs énoncé dans l’article 16 de la Déclaration de 1789…
B. Le déni de démocratie
Gouvernement des juges européens, pouvoir arbitraire de la Cour, derrière l’imputation de violation de la souveraineté étatique vient généralement celle de mise à mal de la souveraineté démocratique[48]. Cette problématique de la légitimité démocratique des décisions juridictionnelles est aggravée par la qualité de juridiction internationale de la Cour européenne des droits de l’homme[49].
Dans le même registre, François Chénedé évoque « l’hybris aristocratique » et les « excès d’une juridiction qui semble convaincue, tels le clergé et la noblesse d’antan, que l’opinion de quelques-uns vaut mieux que celle de tout un peuple »[50]. Entre tous, l’article d’Anne-Marie Le Pourhiet « La Cour européenne des droits de l’homme et la démocratie », offre sans conteste le florilège le plus abouti d’arguments relatifs au caractère antidémocratique de l’office du juge européen et, partant, de ses décisions[51]. Selon elle, la Cour confisque la démocratie et détourne « le sens de ses racines antiques et étymologiques en l’affublant d’adjectifs destinés à faire passer pour démocratique des procédés, au contraire parfaitement aristocratiques » et « ayant pour objet et pour effet de contrarier ou confisquer la volonté majoritaire »[52].
La vision retenue de la démocratie est sans relief, formaliste et arithmétique. Le régime démocratique est ramené au règne « du plus grand nombre » évidemment incompatible avec la conception libérale et moderne de société démocratique en vigueur au Conseil de l’Europe[53]. A Strasbourg, la démocratie n’est pas dépouillée de sa dimension matérielle. Et si le droit à des élections libres reconnu à l’article 3 du protocole n°1 – axe conventionnel central de la démocratie élective – permet d’identifier une majorité politique et de protéger les mandats électoraux, la démocratie passe également par le respect de valeurs essentielles, notamment assurer « un juste traitement aux minorités afin d’éviter tout abus d’une position dominante »[54]. L’opinion est aberrante à l’aune de l’histoire du XXème siècle et de l’entre-deux-guerres. Convoquer Thucydide n’y change rien. Le règne de la majorité dépouillé de toute valeur est susceptible d’accoucher d’un absolutisme démocratique.
Anne-Marie Le Pourhiet souligne ensuite l’ambiguïté de la place et de la définition de la démocratie dans les textes fondateurs du Conseil de l’Europe. Cette place et cette définition ne sont pas davantage détaillées dans les Constitutions nationales, à commencer par celle du 4 octobre 1958. Le mot « démocratie » et l’adjectif « démocratique » ne font l’objet que de quatre occurrences sans aucune définition particulière (préambule, art. 1er, art. 4). A l’instar de toutes les constitutions, la convention regorge de notions vagues et de concept indéterminés[55]. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a pallié cette carence grâce à de multiples arrêts concernant les droits politiques et les droits de nature politique, c’est-à-dire ceux qui permettent l’animation de la vie politique et démocratique d’un pays. De l’arrêt Handyside c/ Royaume-Uni du 7 décembre 1976 qui éclaire sur les valeurs de la société démocratique – pluralisme, tolérance, esprit d’ouverture – à l’arrêt Parti communiste unifié c/ Turquie du 30 janvier 1998 qui définit le rôle démocratique des partis politiques en passant par l’arrêt Refah Partisi c/ Turquie du 13 février 2003, véritable catalogue des exigences démocratiques, ou Mathieu-Mohin et Clerfayt c/ Belgique du 2 mars 1987 relatif à l’existence d’un droit subjectif de participation aux élections du corps législatif, la Cour a dessiné les contours d’un ordre démocratique européen et établit le lien indispensable entre démocratie et droits de l’homme[56].
En marge du paradoxe qui consiste à taxer d’antidémocratique un système ordonné autour de la démocratie et de ses valeurs, il convient de souligner le fonctionnement démocratique de ce système. Après tout, le Conseil de l’Europe est un regroupement d’Etats souverains, libres et démocratiques ayant démocratiquement signé puis ratifié le Statut de Londres puis la Convention et ses protocoles additionnels. De plus, chose qui n’a probablement pas échappé à la candidate monégasque malheureuse de 2015, les juges à la Cour sont élus par l’Assemblée parlementaire sur une liste fournie par les Etats eux-mêmes (art. 22 de la Convention). Dans ces conditions, le déni de démocratie est plus difficile à déceler que l’incapacité à penser la démocratie au-delà de l’Etat.
Non seulement la Cour a reçu mission d’assurer la sauvegarde et le développement des droits de l’homme au titre du préambule de la Convention mais l’article 32 § 1 lui donne mandat pour faire évoluer cette dernière : « La compétence de la Cour s’étend à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses protocoles qui lui seront soumises dans les conditions prévues par les articles 33 (requêtes interétatiques), 34 (requêtes individuelles) et 47 (avis consultatifs) ». Le paragraphe 2 lui octroie même la compétence de trancher les litiges relatifs à sa propre compétence. Ce sont les Hautes parties contractantes qui ont fait d’elle le « ministre du sens de la Convention »[57].
Partant de ce constat, la remise en cause du caractère démocratique de la Cour européenne des droits de l’homme peut se déconstruire en deux temps.
Premièrement, les détracteurs de la Convention confondent les phénoménologies juridique et politique. Le peuple qui contourne une décision juridique trop éloignée du consensus national grâce à une révision constitutionnelle, le « lit de justice » constitutionnel proposé par Anne-Marie Le Pourhiet[58], agit en tant que corps constitué puisque cette possibilité est prévue et encadrée par la Constitution. Son existence juridique découle de la Constitution. Dès lors, il n’échappe pas au respect d’un certain nombre de principes cardinaux dont ceux énoncés dans la Convention. Il est même le récipiendaire privilégié puisque, à côté de la « démocratie véritable » mentionnée dans le préambule du Statut du Conseil de l’Europe et du « régime véritablement démocratique » inscrit dans celui de la Convention, c’est la notion de « société démocratique » qui est au cœur du contentieux européen des droits de l’homme[59]. La démocratisation de la société et la diffusion des valeurs démocratique en son sein permet de verrouiller le caractère démocratique de l’Etat.
Deuxièmement, le contentieux conventionnel des droits de l’homme questionne le pouvoir normatif du juge et valide incidemment la théorie réaliste de l’interprétation, théorie la plus propice à en discerner la mécanique. Néanmoins, elle agrège ce faisant les opposants à cette dernière. Comme l’a démontré Michel Troper, le pouvoir de l’interprète va au-delà du contenu de la norme, il détermine également la nature de la norme et sa place dans la hiérarchie des normes[60]. Droit fondamentalement jurisprudentiel, le seul sens du droit de la Convention est celui qui se dégage de l’interprétation de celle-ci. Force est de constater avec Frédéric Sudre que les Etats ont été singulièrement défaillants dans l’exercice de leur fonction d’amendement de la Convention. Dès lors les lacunes de celle-ci ont été comblées par un « développement qualitatif » jurisprudentiel : « La Convention a fait place au droit de la Convention, c’est-à-dire à la Convention telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme »[61]. C’est le juge européen qui a déterminé la signification à donner à la Convention parmi toutes les options possibles. C’est encore lui, toujours sur le fondement de l’article 32 de la Convention qui fait évoluer sa consistance afin qu’il conserve sa compatibilité et son utilité sociale. Par conséquent, il est le véritable auteur de la norme conventionnelle, de son contenu comme de sa portée. C’est la Cour qui assigne la valeur de ses arrêts en contraignant éventuellement les Etats condamnés à rendre leurs normes internes compatibles, y compris les normes constitutionnelles. Qu’elle dérange ou qu’elle agréé, cette liberté de l’interprétation est un constat objectif qui plaide en faveur de l’interprétation réaliste. Il n’existe aucune règle préalable qui oblige la Cour à retenir telle ou telle autre interprétation des dispositions de la Convention. Quant aux travaux préparatoires, ils ne sont dotés d’aucune valeur contraignante et la Cour a montré à maintes reprises sa capacité à les dépasser grâce à son interprétation dynamique.
II. Le dévoiement des obligations juridiques
La remise en cause de la compétence et de la légitimité de la Cour européenne des droits de l’homme s’est traduite par ce que Sébastien Touzé appelle un « désaveu normatif » [62]. Les arrêts rendus ne sont plus acceptées tant du point de vue des méthodes (A.) que des solutions (B.). A l’inverse chaque arrêt concluant à une violation de la Convention par la France devient un insidieusement un levier supplémentaire pour fragiliser la crédibilité l’office du juge européen.
A. Le dynamisme des méthodes
Plusieurs procès sont faits à la méthodologie interprétative employée par la Cour depuis l’arrêt Golder c/ Royaume-Uni du 21 février 1975. Les détracteurs du système de protection conventionnel mettent l’accent sur une interprétation de la Convention européenne, voire une surinterprétation, qu’ils estiment « extrêmement constructive », « voire franchement abusives »[63]. En effet, si la Cour se réfère à la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, notamment ses articles 31 et 33 qui fixent les « règles de droit international communément admises », elle entend nonobstant conserver la maitrise des méthodes d’interprétation de la Convention européenne. Ainsi, alors que la Convention de Vienne impose une interprétation « de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but » (article 31 § 1), la Cour opte pour une interprétation dite dynamique, c’est-à-dire à la fois finaliste et évolutive : finaliste car elle se fait à l’aune des finalités de la Convention européenne – création d’une union plus étroite entre les membres du Conseil de l’Europe, sauvegarde et développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales, maintien d’un régime véritablement démocratique, respect de la prééminence du droit ; évolutive car la Convention de 1950 doit être interprétée « à la lumière des conditions de vie actuelles »[64]. Pour la Cour, l’interprétation de la Convention n’est pas figée mais doit tenir compte des évolutions sociales au sein des différents pays membres du Conseil de l’Europe.
Ici encore, il faut rappeler que la Cour n’est pas tenue au respect de la Convention de Vienne. Le renvoi opéré par l’arrêt Golder c/ Royaume-Uni procède du souci de s’inscrire dans un ensemble plus vaste et de participer à l’harmonisation du contentieux international des droits de l’homme. Par conséquent, on ne peut reprocher l’écart opérée par la Cour qui, conformément à l’article 32 de la Convention reste maîtresse de son office.
Interprétation figée contre interprétation évolutive, outre le pouvoir normatif du juge incarné par la Cour européenne, l’hostilité face aux méthodes de la Cour trahit souvent une idéologie de la peur, peur des changements, peur des évolutions sociales et morales. La modernité comme l’antimodernité est une forme de rapport au présent et à soi-même. Etre moderne s’est s’inscrire dans le flux du temps qui passe tandis que l’antimoderne tente vainement de retenir ce mouvement et figer son environnement, culturel politique et social. Sa conception de l’identité est, à cette image, monolithique simpliste et surtout immuable[65].
Triomphe posthume de Georges Scelle, le contentieux conventionnel préfère suivre les évolutions sociales et les accompagner. Le droit de la Convention n’est pas uniquement le résultat de la volonté des Etats mais celui des nécessités sociales européennes et de la vie en société en Europe. Cette approche est totalement compatible avec l’architecture mise en place par le protocole n°11 en 1998 qui érige de facto l’individu victime d’une violation des droits reconnus par la Convention en sujet de droit international.
L’interprétation évolutive doit être conjuguée aux enseignements de l’arrêt Young, James et Webster c/ Royaume-Uni du 13 août 1981 : « Bien qu’il faille parfois subordonner les intérêts d’individus à ceux d’un groupe, la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité; elle commande un équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante ». L’état des sociétés européennes n’est pas réductible à la manière de vivre et de penser majoritaire. Au-delà de son unité, la société doit être appréhendée dans toute sa diversité, toutes ses composantes afin d’éviter la dictature de la dite-majorité et l’imposition des standards de cette dernière à l’ensemble de la population. L’équilibre entre fait social majoritaire et nécessités sociales minoritaires est assuré par le va et vient entre interprétation consensuelle et marge d’appréciation d’une part et interprétation évolutive d’autre part. Toutefois, la Cour s’inscrit davantage dans le respect du fait social majoritaire même si elle a parfois montré sa capacité à contourner ou à dépasser l’absence de consensus et à réduire subséquemment la marge d’appréciation concédée aux Etats[66].
Une autre critique récurrente à propos des méthodes employées par la Cour concerne l’utilisation de concepts et d’outils exogènes. Si Philippe Malaurie n’aime pas la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme c’est « à cause de ses bavardages interminables, de ses concepts qui viennent d’ailleurs ou de nulle part »[67]. Il est avéré que le degré de motivation et de discussion sont inhabituels à Strasbourg par rapport aux décisions juridictionnelles françaises. La Cour préfère l’argument de raison, le « bavardage » ou la « logorrhée », à l’autorité pour elle-même et les motivations lapidaires. Elle ne craint pas les dissidences. Au contraire, en vertu de l’article 45 § 2 de la Convention, elle les publie ce qui l’oblige à renforcer les étaies de ses arrêts. Le droit international pertinent figure en bonne place dans le verbiage reproché au juge européen. Pourtant, dans la plupart des hypothèses, il ne fait que mettre les Etats défendeurs face à leurs autres obligations internationales en interprétant ou en conjuguant les dispositions de la Convention à l’aune de ces dernières. Certes, il est arrivé que la Cour interprète certains articles de la Convention au regard de textes que l’Etat défendeur n’avait ni signé ni ratifié[68]. De prime abord, la pratique peut être choquante. Que faire également de la convocation régulière des travaux du Conseil de l’Europe et de la soft law, résolutions et recommandations aux Etats de l’Assemblée parlementaire ou du Comité des ministres[69] ? Toutefois, si on mobilise la théorie réaliste de l’interprétation comme le droit conventionnel positif, la Cour conserve la maitrise de ses outils d’interprétation. Dès lors, l’invocation du droit international pertinent en tant qu’instrument d’interprétation ne saurait être assujettie à l’adhésion préalable des Etats défendeurs aux textes utilisés.
Dernier point mais non des moindres, les méthodes en vigueur à Strasbourg seraient génératrices d’une insoutenable insécurité juridique[70]. Enigmatique, la Cour européenne exalterait « une jurisprudence incontrôlable qui prospère au mépris du génie du droit français »[71], une « jurisprudence chaotique et contradictoire »[72]. Les arrêtistes s’interrogent : faut-il être doté de pouvoir de précognition pour savoir ce que les juges européens feront dire à la Convention dans quelques années[73]? La Cour est suspectée de juger en opportunité plus qu’en droit ce qui en rend la lisibilité et l’anticipation de sa jurisprudence impossible[74].
Et pourtant, la jurisprudence de la Cour européenne n’est pas aussi erratique qu’il y paraît puisque, récemment, une équipe de chercheurs en informatique, en psychologie positive, en science de l’information et en droit a élaboré un algorithme capable de prévoir et d’anticiper ses décisions[75]. Confronté à près de 600 affaires l’algorithme a retenu huit fois sur dix la même solution que les magistrats. Que le lecteur se rassure, il n’est pas indispensable de posséder un disque dur intégré pour modéliser la jurisprudence ou identifier ses grandes tendances[76]. Cela reste encore à la portée des êtres humains. Etrangement ce sont les membres de la doctrine qui considèrent que la souveraineté des Etats est violée par la Cour qui vilipendent par ailleurs le manque de prévisibilité de sa jurisprudence en omettant que la fragmentation de l’ordre public européen et les éventuelles difficultés d’appréhension procèdent précisément des mécanismes susceptibles de ménager cette souveraineté.
B. Le progressisme et l’individualisme des solutions
Les arrêts rendus par la Cour alimentent de nombreuses résistances de la part des antimodernes mais aussi de multiples fantasmes et d’attitudes irrationnelles[77]. La montée en puissance de l’ordre public européen s’est accompagnée de réactions parfois très vives au point par exemple que Jean-Pierre Gridel ressuscite un adage capétien forgé pour justifier la concentration du pouvoir entre les mains du monarque : « Rex Franciae imperator in regno suo » (Le roi de France est empereur en son royaume). « Charbonnier est maître chez lui » convient très bien aussi. « Non », écrit-il, « non aux interprétations dévastatrices de la Convention délivrées par la Cour… » [78]. Et chacun d’illustrer la nécessité de résister à la Cour européenne, de la réformer voire de la supprimer, en fonction des arrêts qui lui déplaisent[79]. A titre de comparaison, il ne viendrait à personne l’idée de supprimer le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation au prétexte que ces juridictions rendent des décisions déplaisantes. Pour Bertrand Mathieu, s’il faut s’opposer à la Cour européenne des droits de l’homme, c’est notamment parce qu’elle est devenue « prescriptive de sa propre conception des droits fondamentaux »[80]. Son rôle et ses missions l’imposent sauf à aligner, en dépit de l’esprit du traité, la protection des droits sur les standards minimums de chaque Etat plutôt que de forger un standard commun. La frontière entre harmonisation et uniformisation est parfois étroite mais elle est inévitable dès lors qu’il s’agit, au sens du préambule de la Convention, de créer une union plus étroite entre les membres du Conseil de l’Europe. Techniquement, l’harmonisation des solutions et la convergence des ordonnancements juridiques résultent de l’autorité de la chose interprétée dont sont revêtus les arrêts[81]. Tous les Etats doivent tirer les enseignements des arrêts rendus par la Cour qu’ils soient parties au litige ou non[82]. En France, la Cour de cassation a ainsi jugé que les Hautes parties contractantes sont « tenues de respecter les décisions de la Cour européenne sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation » [83].
Les thématiques sont à peu près toujours les mêmes : lutte contre le terrorisme, famille, mœurs, contours de l’existence, islam et le voile… La proposition de résolution du 18 février 2015 dresse à son insu un catalogue des principaux arrêts urticants pour les antimodernes. Selon Anne-Marie Le Pourhiet, toutes ces questions relèvent de l’identité constitutionnelle bien qu’aucune ne figurent dans la Constitution[84]. Quant à l’identité nationale, l’imprécision de la tautologie la rend plus utile aux mouvements identitaires qu’aux juristes.
S’agissant du droit de la famille, Jean-Pierre Marguénaud invite à relativiser les bouleversements générés par la jurisprudence européenne : « Les opposants les plus déterminés à l’actualisation du droit des personnes et des droits de la famille sont tellement prompts à diaboliser la Cour européenne des droits de l’homme, coupable de faire vaciller parfois leurs belles certitudes, qu’ils en oublient de tenir compte de ses arrêts drainant pourtant une eau vive et fraîche capable de faire tourner encore la roue de leur vieux moulin. Pour les aider, en toute confraternité, à être de meilleurs meuniers, on peut les inviter à visiter l’arrêt de grande chambre du 16 juillet 2014, Hämäläinen c/ Finlande, qui, s’ils acceptent, en toute loyauté, de jeter leurs préjugés à la rivière, devrait leur permettre de se faire une idée plus réaliste, d’aucuns diraient moins délirante, de l’influence de la Cour de Strasbourg sur l’évolution des structures familiales »[85]. Dans ce domaine, le contentieux relatif à la gestation pour autrui est probablement celui qui suscite le plus de réactions disproportionnées au sein de la doctrine alors même que la Cour laisse totalement libre les Etats de légaliser ou non celle-ci[86]. Les arrêts Mennesson et Labassée c/ France du 26 juin 2014 ont ouvert le champ à une clameur de protestations diverses, considérant par exemple que le droit national ne doit pas se laisser forcer la main par la Cour européenne des droits de l’homme et accepter de donner plein effet à des montages effectués en fraude de la loi[87]. Plus éloignés des débats académiques, le mouvement « La manif pour tous » et ses partisans universitaires espère la dénonciation de la Convention (proposition n°10) qu’ils considèrent comme le « fer de lance de la gestation pour autrui »[88].
Les crispations sont très vives en matière de mœurs. En tête de liste des arrêts honnis, KA et AD c/ Belgique du 17 février 2005 symbolise la saisie du corps par le libéralisme et la victoire du consentement individuel poussée à l’extrême, « un fondamentalisme occidental »[89]. L’examen scrupuleux de la solution dit tout autre chose. Tout en reconnaissant l’existence de la liberté sexuelle sur le fondement de l’article 8 § 1 de la Convention, la Cour estime que cette liberté se heurte à celle du partenaire qui doit lui aussi pouvoir de choisir librement sa sexualité. En l’occurrence, la Cour relève que les requérants avaient fait bien peu de cas du consentement de leur victime puisqu’ils n’ont pas respecté leur engagement d’arrêter leur pratiques et se sont laissés entrainés dans une escalade sadique avec un risque réel de dommages corporels. Par conséquent, la Cour considère que les condamnations infligées aux requérants n’étaient pas disproportionnées et ne retient pas la violation de l’article 8 § 1 de la Convention.
Quelquefois, la lecture des arrêts est tronquée pour ne pas dire malhonnête, l’analyse idéologiquement orientée. L’arrêt Gross c/ Suisse instituerait un « droit au suicide assisté pour tous »[90]. Ici encore la formulation n’est pas neutre et renvoie au « mariage pour tous », autre sujet sensible qualifié dans la même « revue » de « mariage anormal »[91]. L’arrêt Molla Sali c/ Grèce du 19 décembre 2019 tolèrerait l’application de la charia en Europe alors que, tout au contraire, la Cour s’y est prononcé contre l’application des lois religieuses[92]… L’arrêt Eon c/ France devient le support d’un droit à injurier le Président de la République en faisant fi de l’approche circonstanciée retenue par la Cour – le requérant était un membre de l’opposition politique et employait une expression lancée dans le débat public par le Président de la République lui-même[93].
Pour beaucoup, c’est le contentieux anti-discrimination qui pose le plus de difficultés : « Le droit européen a rajouté à la liste des discriminations prohibées par la Constitution française, une liste hétéroclite de catégories bariolées, qui, accompagnée de son adverbe « notamment », parait appelé à s’allonger sous l’assaut de nouveaux lobbies »[94]. De manière générale, la cour se voit reprocher un penchant trop prononcé pour la protection des minorités et « l’accumulation des droits individuels et catégoriels », singulièrement lorsqu’il s’agit des minorités sexuelles[95].
Indépendamment de son progressisme effréné, la Cour se voit imputer la destruction du droit objectif par les droits subjectifs. En valorisant à outrance la satisfaction des désirs individuels sous couvert de l’épanouissement personnel, de l’autonomie personnelle et du développement personnel qui irriguent le contentieux du droit à la vie privée et familiale[96], elle contribuerait à décomposer le bien commun et la société[97]. Les antimodernes postulent un antagonisme irréductible entre l’épanouissement, l’autonomie, le développement personnels et le cadre qui les rend possibles. Le « culte des droits de l’homme » conduit à mettre l’accent sur un homme « en soi » en faisant abstraction « des particularités que lui imprime son appartenance à telle ou telle collectivité national » et de telle sorte que, inacceptable, « la condition des étrangers se rapproche de celle des nationaux »[98].
L’autodétermination et la libre disposition du corps sont présentées en perversion des droits de l’homme[99]. L’autonomie personnelle selon laquelle chacun peut mener sa vie comme il l’entend suscite guère plus d’enthousiasme dans cette branche doctrinale : « la toute puissance conférée au consentement au nom de la liberté individuelle sert plus souvent à justifier la mise à disposition des faibles au service des forts »[100]. On retrouve la même rhétorique d’exposition des faibles aux forts à propos de l’épanouissement personnel : « La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a dit que le sadomasochisme est un droit de l’homme puisque chacun peut s’épanouir comme il veut (…). Quel est le critère dans cette jurisprudence ? C’est le critère de la volonté (…). Or la personne étant faible, donc le droit de disposer de soi n’est pas bon pour les personnes faibles. Ce droit vaut pour les personnes faibles. Ce droit vaut pour les personnes puissantes, pas pour les personnes faibles (…). Le droit a un devoir moral de protéger le faible »[101]. La volonté personnelle est regardée avec scepticisme ou comme un danger tantôt pour la dignité humaine tantôt pour les règles nationales d’ordre public lorsque les deux ne fusionnent pas pour accoucher d’une vision immatérielle et liberticide de l’ordre public.
En premier lieu, les études laissent entendre que ces trois notions directrices sont absolues et ne connaissent pas de limites. C’est faux. Le droit au développement personnel et le droit à l’autonomie personnelle n’autorise pas les personnes à exercer toutes les activités qu’elles souhaitent[102]. De plus, toutes les relations ne relève pas du champ d’application de l’article 8 § 1 de la Convention[103].
En second lieu, la Cour opère un arbitrage permanent entre l’intérêt général et les intérêts particuliers, c’est-à-dire le respect des droits et libertés reconnus par la Convention. Quel que soit le contentieux, elle recherche le juste équilibre à ménager entre l’intérêt général et les intérêts antagoniques de l’individu concerné[104]. Conformément au principe de subsidiarité, c’est aux autorités étatiques, mieux placées qu’un juge international, qu’il appartient de préciser où se situe, à un moment donné, le juste équilibre à ménager entre les divers intérêts en jeu[105]. A ceci, il faut ajouter le recours de plus en plus fréquent à l’article 17 de la Convention qui prohibe l’abus de droit conventionnel par les requérants et qui survalorise l’intérêt général au nom d’une démocratie combattante ou la validation de la notion de vivre ensemble qui privilégie à l’évidence le collectif sur le particulier[106].
***
« Déconsolidation démocratique »[107], fièvre identitaire et nationaliste qui balaye l’Europe, non seulement le discours des antimodernes et des adversaires de la Cour européenne bénéficie d’une conjoncture singulièrement favorable mais il profite du manque de visibilité des apports de la Cour européenne à la démocratie et à l’Etat de droit en France – encadrement des validations législatives, présence d’un avocat dès la première heure de la garde à vue, dépénalisation de l’homosexualité, disparition de la distinction entre enfants naturels et légitimes, alignement de l’allocation d’adulte handicapé entre nationaux et résidents étrangers, abrogation du délit d’offense envers les chefs d’Etat étrangers, établissement de la filiation des enfants conçu dans le cadre d’une gestation pour autrui, renforcement des garanties procédurales devant le juge administratif comme le juge judiciaire, pour ne citer que les principaux… La plupart des progrès provoqués par l’aiguillon de la Cour européenne des droits de l’homme sont restés confidentiels ou ont été masqués par une révision constitutionnelle, une loi, une jurisprudence nationale qui s’en est accaparée les mérites. Dans ces conditions les partisans d’une démocratie illibérale dépouillée des droits de l’homme et des libertés fondamentales ont beau jeu de crier haro sur la Cour à chaque condamnation de la France.
Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue, le massacre justifié d’idoles, aux cadavres jeté ce manteau de paroles, le bâillon pour la bouche et pour la main le clou, les chemins suggérés par les antimodernes sont connus. Ils conduisent à coup sûr vers les violations structurelles et massives des droits de l’homme qui ont justifié la création du système conventionnel. Pourtant, malgré la contribution indubitable de la Cour européenne à la paix en Europe et au maintien de la démocratie libérale, il est malheureusement peu probable que le système conventionnel verrait le jour aujourd’hui[108]. Ce contexte peu propice explique peut-être aussi la sortie de route ahurissante d’un magistrat de la Chambre 2-11 de la Cour d’appel de Paris, celle en charge du droit d’asile, dans une ordonnance B18/00560 du 9 février 2018 : « les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne relève pas (…) de la compétence du juge judiciaire ». Et les antimodernes d’applaudir. Au pays des lumières, tous les auteurs ne sont décidément pas éclairés…
[1] Pellet Alain, « La ratification par la France de la Convention européenne des droits de l’homme », RDP, 1974, pp. 1319-1377.
[2] Ils sont nombreux ceux qui regrettent l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme sur le droit national : Carbonnier Jean, « L’avenir d’un passé », in L’avenir du droit – Mélanges François Terré, Paris, Dalloz, 1999, p. 5. : « Mon troisième tremblement de terre (…) s’appelle Europe. C’est un drame, bien qu’il ne soit pas sanglant » ; Vedel Georges, « Neuf ans au Conseil constitutionnel », Le Débat, 1989, n°55, p. 50 : « La Cour européenne des droits de l’homme tape avec désinvolture sur les doigts des législateurs nationaux ». Foyer Jean, Allocation d’ouverture, La jurisprudence créatrice du droit ? (dir. J. Foyer, F. Terré), Institut de France, 25 et 26 janvier 2006 (https://www.canalacademie.com/emissions/col014.mp3).
[3] Burgorgue-Larsen Laurence, « Actualité de la Convention européenne des droits de l’homme », AJDA, 2017, p. 157
[4] Rousseau Dominique, « La CEDH, stop ? Non, encore ! », Dalloz actualités, 2016 (https://www.dalloz-actualite.fr/chronique/cedh-stop-non-encore#.XQIsxBYzaM8) : « Dans certains milieux politiques et, malheureusement universitaires, il est très tendance de critiquer les droits fondamentaux tels qu’ils sont exprimés dans la Déclaration de 1789 et la Convention européenne des droits de l’homme. Ils seraient la cause de tous les maux : l’économie de marché qu’ils légitimeraient, la dissolution des liens sociaux qu’ils provoqueraient et l’individualisme qu’ils sacraliseraient. Ils seraient même responsables de la crise des démocraties. Les sociétés seraient devenues ingouvernables parce que les hommes auraient trop de droits (…). Et par conséquent, l’urgence serait de remettre en cause les textes qui les énoncent et organisent leur protection juridictionnelle, en particulier la Cour européenne des droits de l’homme ».
[5] On notera par exemple le blog de la revue faussement scientifique Liberté politique tenue par Grégor Puppinck, les multiples posts d’Aude Mirkovic sur différents sites d’information, ceux de Gilles Lebreton sur le site de l’hebdomadaire Valeurs actuelles.
[6] Mathieu Bertrand, « S’opposer à la Cour européenne des droits de l’homme ? C’est possible et justifié », Le Figaro, 18 novembre 2016.
[7] Parmi les candidats aux élections présidentielles de 2017, primaires comprises, plusieurs candidats ont exprimés leur circonspection vis-à-vis du système conventionnel. Parmi eux, on recensera le Président de la République sortant Nicolas Sarkozy (Les Républicains), François Fillon (Les Républicains), Nicolas Dupont Aignant (Debout la France), François Asselineau (UPR) et bien évidemment Marine Lepen (FN) qui multiplie les appels à recouvrer la « souveraineté juridique » et sortir de la « camisole des droits de l’homme », soit 46,93 % des suffrages exprimés.
[8] Cornu Gérard, Droit civil, Paris, Montchrestien, 2005, 12ème éd., n°262 et 263.
[9] Voir respectivement : Le Pourhiet Anne-Marie, « La Cour européenne des droits de l’homme et la démocratie », Constitutions, 2018, n°2, p. 206 et 208 ; Lombois Claude, « La position française sur le transsexualisme devant la Cour européenne des droits de l’homme », Dalloz, 1992, p. 323 ; Frison-Roche Marie-Anne, « La Cour européenne des droits de l’homme tangue-t-elle en matière de contrats de maternité pour autrui, 2014 (http://mafr.fr/fr/article/la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme-cedh-tangu/) ; De Charrette Laurence, « Les juges européens de la CEDH sous le feu des critiques », Le Figaro, 29 janvier 2012.
[10] Voir respectivement Haïm Victor, « Faut-il supprimer la Cour européenne des droits de l’homme », Dalloz, 2001, n°37, pp. 2988 et suiv. ; Edelman Bernard, « La Cour européenne des droits de l’homme : une juridiction tyrannique ? », Dalloz, 2008, p. 1946.
[11] Piazzon Thomas, « Chronique de droit privé », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2015, n°49, p. 183-149 : « … à l’instar de la Cour européenne des droits de l’homme (laquelle protège aussi, il est vrai, les espérances légitimes des squatteurs ».
[12] Le terme « anti-lumière » semble avoir été inventé par Nietzsche afin d’évoquer Schopenhauer. Il sera développé par le philosophe Isaiah Berlin pour désigner les auteurs défendant une conception autoritaire de la liberté.
[13] Lacroix Justine, Pranchère Jean-Yves, « Plaidoyer pour les droits de l’homme : la pensée politique à l’épreuve des critiques contemporaines des droits de l’homme », in Refonder les droits de l’homme : des critiques aux pratiques (dir. E. Dubout, S. Touzé), Paris, Pédone, 2019, p. 26 : « D’abord, une critique qu’on pourrait dire « antimoderne ». Ce courant radical est très hétérogène puisqu’il va d’un tenant d’une pensée chrétienne radicale comme celle de John Milbank à une pensée païenne comme d’Alain de Benoist. La critique antimoderne, héritière de la pensée contre-révolutionnaire (continuée au XXème siècle par le « chrétien » Carl Schmitt aussi bien que par le « païen » Heidegger), se signale par son refus de l’idée même d’un droit subjectif qui n’est, pour ces auteurs, qu’une perversion du concept même de droit. Le droit est ici conçu comme indissociable d’un ordre juste, il suppose un rapport – en bonne proportion – entre les membres d’un groupe politique et ne peut pas être déduit de la réclamation d’un seul ».
[14] La France n’a pas le monopole des anti-lumières et des anti-rationnalistes. Le courant a essaimé partout en Europe : Johann Gottfried Herder, Johann Georg Hamann et Friedrich Meinecke en Allemagne ; Edmond Burke David Hume et Thomas Carlyle au Royaume-Uni ; Giambattista Vico en Italie
[15] Zeev Sternhell, Les anti-lumières : du XVIIIème siècle à la guerre froide, Paris, Fayard, 2006, 944 p. ; Masseau Didier, « Qu’est-ce que les anti-lumières », Dix-huitième siècle, 2014, n°46, pp. 107-123.
[16] De Frouville Olivier, « L’état des critiques dans le champ juridique : un déni ? », in Refonder les droits de l’homme : des critiques aux pratiques (dir. E. Dubout, S. Touzé), Paris, Pédone, 2019, p. 87.
[17] Mathieu Bertrand, « Une démocratie ne peut être exclusivement fondée sur la promotion des droits individuels », in Les droits de l’homme à la croisée des chemins, Mélanges en l’honneur de Frédéric Sudre, Paris, LexisNexis, 2018, p. 453. Desmons Eric, « Peut-on encore critiquer la politique des droits de l’homme », RDLF, 2019, chron. n°26 : « On ne saurait toutefois passer sous silence l’accueil réservé aujourd’hui à toute forme de pensée critique des droits de l’homme, singulièrement à l’université. Qu’elle soit inspirée par Burke ou par Marx (pour ne rien dire de Nietzsche), par M. Gauchet, P. Manent, M. Villey ou J.-Cl. Michéa, qu’elle vienne donc de la gauche d’inspiration marxiste, de la droite conservatrice ou réactionnaire, du républicanisme, qu’elle concerne non tant le principe de la prééminence des droits de l’homme que tout simplement la manière dont ceux-ci sont entendus et parfois instrumentalisés, cette critique fait l’objet d’un procès en anti-progressisme jusqu’à être parfois suspectée de nourrir de sombres intentions antidémocratiques, au point d’être tenue pour véritablement blasphématoire par ceux qui font des droits de l’homme la seule politique qui vaille ».
[18] Lacroix Justine, Pranchère Jean-Yves, Le procès des droits de l’homme : généalogie du scepticisme démocratique, Paris, Ed. du Seuil, 2016, p. 9 : « Atomisation des relations sociales, éclipse simultanée de l’autorité et la tradition, abolition des limites anthropologiques. L’usage des droits de l’homme dans nos démocraties contemporaines suscite désormais de sérieuses résistances. On dénonce fréquemment les effets pervers d’une « religion des droits de l’homme » dans laquelle l’Europe aurait inconsidérément mis son cœur et sa raison ».
[19] Harouel Jean-Louis, « Les droits de l’homme érigés en religion détruisent les nations », entretien Figarovox, 17 juin 2016 (http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2016/06/17/31003-20160617ARTFIG00364-les-droits-de-l-homme-eriges-en-religion-detruisent-les-nations.php). Voir également du même auteur, Les droits de l’homme contre le peuple, Paris, Desclée De Brouwer, 2016, 146 p.
[20] Gauchet Marcel, « Les droits de l’homme ne sont pas une politique », Le Débat, 1980, n°3, pp. 3-21. Voir également du même auteur, Le Désenchantement du monde, Paris, Gallimard, 1985, 336 p.
[21] Bouvet Laurent, La nouvelle question laïque, choisir la République, Paris, Flammarion, 2019, p. 173.
[22] Dupré de Boulois Xavier, « Les misères du droit : au sujet de l’ouvrage de Lauren Bouvet, « La nouvelle question laïque, choisir la République », (Flammarion, 2019) », RDLF, 2019, chron. n°09.
[23] Andriantsimbaovina Joël, « Ni idolâtrie, ni exécration – A propos de l’opposition de la Cour européenne des droits de l’homme à la démocratie », Constitutions, 2018, n°4, p. 523.
[24] Teitgen Pierre-Henri, Aux sources de la Convention européenne des droits de l’homme, Paris, Ed. Confluences, 2000, p. 39 : « Il s’agit de limiter la souveraineté des Etats du côté du droite et, de ce côté-là, toutes les limites sont permises ».
[25] Dubout Edouard, « Les limites du contrôle européen des droits fondamentaux et la justification transnationale », in La cour européenne des droits de l’homme : une confiance nécessaire pour une autorité renforcée (dir. Sébastien Touzé), Paris, A. Pedone, 2016, p. 85.
[26] Voir respectivement pour le Conseil d’Etat, H. (1989), Geouffre de la Pradelle (1992), Beaumartin (1994), Kress (2001), Chevrol-Benkeddach (2003), Martinie (2006), Sacilor-Lormines (2006), Asmar () et pour la Cour de cassation, Reinhardt et Slimane Kaïd (1998), Voisine (2000), M. B. (2005), Fourchon (2005), Clinique des acacias (2005).
[27] CEDH, 20 octobre 2014, Matelly c/ France, § 67.
[28] Cons. Const., déc. n°2013-366 QPC, 14 février 2014, SELARL PJA ès qualités de liquidateur de la société Maflow France : Après avoir infléchi sa jurisprudence afin d’assurer un contrôle plus approfondi des validations législatives en substituant le critère de « d’intérêt général suffisant » à celui de initialement utilisé, le Conseil constitutionnel opte finalement pour le critère « d’impérieux motif d’intérêt général » dégagé par la Cour européenne des droits de l’homme.
[29] Cons. const., déc. n°2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC, 18 mars 2015, M. John L. et a.
[30] Lawson Bryan, « Never waste a good crisis – The legitimacy of the European court of human rights – some preliminary observations », in in La cour européenne des droits de l’homme : une confiance nécessaire pour une autorité renforcée (dir. Sébastien Touzé), Paris, A. Pedone, 2016, pp. 33-44. Voir également Burgorgue-Larsen Laurence, La Convention européenne des droits de l’homme, Paris, LGDJ, 2015, 2ème éd. p. 26 et Touzé Sébastien, « La remise en cause de l’autorité des cours supranationales », in La protection des droits de l’homme par les cours supranationales (dir. J. Andriantsimbazovina, L. Burgorgue-Larsen, S. Touzé), Paris, Pédone, 2016, pp. 195-210.
[31] Szymczak David, « L’exceptionnalisme comme argument de résistance : l’exemple européen », in Libertés et exceptionnalismes nationaux (dir. M. Fatin-Rouge Stéfanini, G. Scoffoni), Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 111.
[32] Cameron David, Discours de clôture du congrès du parti conservateur, 1er octobre 2014 : « Nous n’avons pas besoin de recevoir d’instructions de juges à Strasbourg ». Cameron David, Discours de Brigthon : « La Cour ne devrait pas mettre à mal sa propre réputation en contrôlant des décisions nationales qui ne nécessitent pas de l’être ».
[33] On se souviendra également du blocage au sujet des droits de vote des détenus suscité par l’arrêt Hirst c/ Royaume-Uni (n°2) du 6 octobre 2005 heureusement surmonté (cf. résolution du Comité de ministres CM/ResDH(2018)467 du 6 décembre 1918) ou de la levée de bouclier suite à l’arrêt Hassan c/ Royaume-Uni du 16 septembre 2014 qui étend l’application de la Convention aux phases d’hostilité active des conflits internationaux.
[34] Touzé Sébastien, « Regard critique sur l’exécution conditionnelle des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme », in Mélanges en l’hommage d’Emmanuel Decaux, Paris, Pédone, 2017, p. 7p61.
[35] Ce texte a été présenté par Mmes et MM. Pierre Lellouche, Bernard Accoyer, Julien Aubert, Jacques Alain Bénisti, Sylvain Berrios, Valérie Boyer, Éric Ciotti, Jean-Michel Couve, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Rémi Delatte, Nicolas Dhuicq, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Daniel Fasquelle, Sauveur Gandolfi-scheit, Annie Genevard, Guy Géoffroy, Alain Gest, Charles-Ange Ginesy, Claude Goasguen, Jean-Pierre Gorges, Philippe Gosselin, Claude Greff, Anne Grommerch, Arlette Grosskost, Jean-Claude Guibal, Jean-Jacques Guillet, Michel Heinrich, Patrick Hetzel, Guillaume Larrivé, Céleste Lett, Geneviève Levy, Lionnel Luca, Olivier Marleix, Patrice Martin-Lalande, Alain Marty, Philippe Meunier, Pierre Morange, Alain Moyne-Bressand, Jacques Myard, Bérengère Poletti, Axel Poniatowski, Didier Quentin, Laure de La Raudière, Jean-Luc Reitzer, Paul Salen, Fernand Siré, Éric Straumann, Guy Teissier, Patrice Verchère, Jean-Sébastien Vialatte, Philippe Vitel, Michel Voisin et Laurent Wauquiez.
[36] Mathieu Bertrand, « S’opposer à la Cour européenne des droits de l’homme ? C’est possible et justifié », Le Figaro, 18 novembre 2016.
[37] Malaurie Philippe, « Grands arrêts, petits arrêts et mauvais arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme », Defrénois, 15 mars 2007, p. 348.
[38] Drago Guillaume, « Réformer le Conseil constitutionnel », Pouvoirs, 2003/2, n°105, p. 84.
[39] CEDH, 10 avril 2019, Avis consultatif relatif à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention, n°P16-2018-001.
[40] De Salvia Michel, « Contrôle européen et principe de subsidiarité : faut-il encore (et toujours) émarger à la marge d’appréciation ? », in Protection des droits de l’homme : la perspective européenne – Mélanges à la mémoire de Rolv Ryssdal, Carl Heymanns Verlag KG, 2000, p. 373 « Contrôle européen et principe de subsidiarité« La garantie commune des droits et libertés repose en Europe sur une répartition de compétences entre deux niveaux de souveraineté : le niveau national – où réside la souveraineté originaire des États groupes au sein du Conseil de l’Europe – et le niveau supranational constitué par le système de contrôle mis sur pied par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et où s’est enracinée, pour reprendre l’expression de P. H. Teitgen, la souveraineté de la morale et du droit. Loin d’être indépendants l’un de l’autre, ces deux niveaux se complètent ».
[41] CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c/ Royaume-Uni, § 239 : « A la différence des traités internationaux de type classique, la Convention déborde le cadre de la simple réciprocité entre États contractants. En sus d’un réseau d’engagements synallagmatiques bilatéraux, elle crée des obligations objectives qui, aux termes de son préambule, bénéficient d’une garantie collective ».
[42] CEDH, 29 avril 1988, Belilos c/ Suisse, § 49.
[43] CEDH, 31 octobre 1995, Papamichalopoulos c/ Grèce, § 34.
[44] Spano Robert, « Universality or diversity of human rights ? Strasbourg in the age of subsidiarity », Human rights law review, 2014, vol. 14, n°3, p. 487.
[45] Le Bonniec Nina, La procéduralisation des droits substantiels par la Cour européenne des droits de l’homme. Réflexion sur le contrôle juridictionnel du respect des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme, Paris, Larcier, 2017, 682 p.
[46] CEDH, 20 mars 2018, Şahin Alpay c/ Turquie ; CEDH, 20 mars 2018, Mehmet Hasan Altan c/ Turquie.
[47] Sauvé Jean-Marc, « Le système européen des droits est notre bien commun », entretien Le Monde, 27 février 2012.
[48] Murat Pierre, « L’accouchement sous X n’est pas contraire à la Convention européenne des droits de l’homme », Droit de la famille, n°5, 2003, comm. 58.
[49] Dubout Edouard, Touzé Sébastien, « Les critiques des droits de l’homme et le droit », in Refonder les droits de l’homme : des critiques aux pratiques (dir. E. Dubout, S. Touzé), Paris, Pédone, 2019, p. 13 : « La critique des droits de l’homme selon laquelle ces derniers priveraient les citoyens de la maitrise de la décision politique, ne prend pas le même sens si le droit en question consiste en une norme régionale protégée par un juge éloigné de la société en cause, ou s’il s’agit d’une norme nationale dont les limites sont fixées par un organe législatif particulièrement représentatif ». Voir également, Touzé Sébastien, « « Le droit européen des droits de l’homme sera international ou ne sera pas – Pour une approche autopoïétique du droit international », RGDIP, 2018, p. 5.
[50] Chénedé François, « L’adoption de l’enfant de son partenaire homosexuel : pas de côté ou volte-face de la Cour européenne », AJ Famille, 2013, p. 227.
[51] Le Pourhiet Anne-Marie, op. cit., p. 205.
[52] La charge contre la démocratie continue de Dominique Rousseau est à peine voilée. (Voir D. Rousseau Dominique, « De la démocratie continue », in La démocratie continue (dir. D. Rousseau), Paris, LGDJ, 1995, pp. 17 et suiv.).
[53] Le Pourhiet Anne-Marie, op. cit., p. 209 : « la démocratie ne saurait être autre chose que la souveraineté collective s’exprimant par le droit de vote des citoyens et le principe de majorité ».
[54] CEDH, 13 août 1981, Young, James et Webster c/ Royaume-Uni, § 63.
[55] Melchior Michel, « Notions « vagues » ou « indéterminées » et « lacunes » dans la Convention européenne des droits de l’homme », in Protection des droits de l’homme : la dimension européenne, Mélanges en l’honneur de Gérard Wiarda, 2ème éd., Cologne, Carl Heymanns, 1990, p. 411.
[56] Lécuyer Yannick, Les droits politiques dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Paris, Dalloz, 2009, p. 277 et suiv.
[57] Rigaux François, La loi des juges, Paris, Ed. Odile Jacob, 1997, p. 233.
[58] Le Pourhiet Anne-Marie, op. cit., p. 209.
[59] Jacquemot Florence, Le standard de société démocratique, Université de Montpellier, 2006, 713 p.
[60] Troper Michel, « La liberté de l’interprète », in L’office du juge, 2006, p. 38. Voir également Troper Michel, « Une théorie réaliste de l’interprétation » in La théorie du droit, le droit, l’Etat, PUF, 2001, p. 74.
[61] Sudre Frédéric, « L’interprétation dynamique de la Cour européenne des droits de l’homme », in L’office du juge, 2006, p. 226.
[62] Touzé Sébastien, « Rapport introductif », in La cour européenne des droits de l’homme : une confiance nécessaire pour une autorité renforcée (dir. Sébastien Touzé), Paris, A. Pedone, 2016, p. 20 et suiv.
[63] Le Pourhiet Anne-Marie, op. cit., p. 211.
[64] CEDH, 25 avril 1978, Tyrer c/ Royaume-Uni, § 31.
[65] Memmi Albert, « Les fluctuations de l’identité culturelle », Esprit, 1997, n°1, pp. 98-99.
[66] CEDH, 11 juillet 2002, Christine Goodwin c. Royaume-Uni, § 85 : « Aussi la Cour attache-t-elle moins d’importance à l’absence d’éléments indiquant un consensus européen relativement à la manière de résoudre les problèmes juridiques et pratiques qu’à l’existence d’éléments clairs et incontestés montrant une tendance internationale continue non seulement vers une acceptation sociale accrue des transsexuels mais aussi vers la reconnaissance juridique de la nouvelle identité sexuelle des transsexuels opérés ».
[67] Malaurie Philippe, « Grands arrêts, petits arrêts et mauvais arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme », Defrénois, 15 mars 2007, p. 348.
[68] CEDH, 12 novembre 2008, Demir et Baykara c/ Turquie, § 85 : « La Cour, quand elle définit le sens des termes et des notions figurant dans le texte de la Convention, peut et doit tenir compte des éléments de droit international autres que la Convention, des interprétations faites de ces éléments par les organes compétents et de la pratique des États européens reflétant leurs valeurs communes. Le consensus émergeant des instruments internationaux spécialisés et de la pratique des États contractants peut constituer un élément pertinent lorsque la Cour interprète les dispositions de la Convention ».
[69] Larché Marion, Les fonctions du droit international dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, thèse soutenue à Paris I sous la direction de L. Burgorgue-Larsen, 25 juin 2019. L’autrice postule un renouvellement des sources du droit international par la Cour européenne des droits de l’homme par rapport à l’article 38 du statut de la Cour internationale de justice.
[70] Marais Astrid, « Modulation dans le temps des revirements de jurisprudence. Requiem européen en si(x) bémol(s) », JCP G, 2011, n°26, 742.
[71] Cornu Gérard, op. cit., n°263.
[72] Bernard Edelman, op. cit., p. 1946.
[73] Latina Mathias, « La CEDH en question », Dalloz Etudiant, 13 octobre 2014 (https://actu.dalloz-etudiant.fr/le-billet/article/la-cedh-en-question/h/1fcd9ba4b41baf8a418cd5273a6bc068.html).
[74] Chénedé François, « Des dangers de l’équité au nom des droits de l’homme (à propos de la validation judiciaire d’un mariage illégal) », Dalloz, 2014, p. 179
[75] Aletras Nikolaos, Lampos Vasileios, Tsarapatsanis Dimitrios, Preotiuc-Pietro Daniel, « Predicting Judicial Decisions of the European Court of Human Rights: a Natural Language Processing Perspective », Peer Journal of Computer Science, 24 october 2016 (https://peerj.com/articles/cs-93/#aff-1).
[76] Lucas Katia, « La pratique contemporaine du changement de cap jurisprudentiel par la CEDH », in Le revirement de jurisprudence en droit européen, (dir. Carpano), Bruxelles, Bruylant, pp. 295-318. Voir également de la même autrice Le revirement de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2009, 584 p.
[77] Clapham Andrew, « Myths, Mensonges and Muddied Waters – resistance to the European court of human rights », in La cour européenne des droits de l’homme : une confiance nécessaire pour une autorité renforcée (dir. Sébastien Touzé), Paris, A. Pedone, 2016, pp. 45-55.
[78] Gridel Jean-Pierre, « Déclin des spécificités françaises et éventuel retour d’un droit commun européen », Dalloz, 1999, p. 139.
[79] Malaurie Philippe, op. cit., p. 348 : L’auteur déplore l’acharnement inutile de la Cour contre le parquet général de la Cour de cassation ou feu le commissaire du gouvernement.
[80] Mathieu Bertrand, « S’opposer à la Cour européenne des droits de l’homme ? C’est possible et justifié », Le Figaro, 18 novembre 2016.
[81] Costa Jean-Paul, « La normativité des arrêts rendus par la Cour EDH », in La force normative – Naissance d’un concept, (dir. C. Thibierge et a.), Bruxelles, Bruylant, 2009, pp. 29-32, spéc. p. 31.
[82] CEDH, 23 mai 1991, Vermeire c/ Belgique.
[83] Cass. Ass. Plén., 15 avril 2011, n°10-17049.
[84] Le Pourhiet Anne-Marie, op. cit. pp. 212-213 : L’autrice fustige la Cour au motif qu’elle remet complètement en cause les « traditions » des Etats et ce faisant indique ouvertement son appartenance au mouvement traditionnaliste.
[85] Marguénaud Jean-Pierre., « La négation du droit du transsexuel à rester marié sous sa nouvelle identité », RTD civ., 2014, p. 831.
[86] CEDH, 26 juin 2014, Menneson c/ France, § 79 ; CEDH, 26 juin 2014, Labassée c/ France ; CEDH, 21 juillet 2016, Foulon et Bouvet c/ France ; CEDH, 19 janvier 2017, Laborie c/ France.
[87] Fabre-Magnan Muriel, « Les trois niveaux d’appréciation de l’intérêt de l’enfant », Dalloz, 2015, p. 224. Voir également « Les conséquences vertigineuses de l’arrêt de la CEDH sur la GPA », FigaroVox, 26 juin 2014 (http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/06/26/31003-20140626ARTFIG00356-les-consequences-vertigineuses-de-l-arret-de-la-cedh-sur-la-gpa.php) : Pour l’autrice, les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme obligeront, à terme, « à lever la prohibition de l’inceste, plus précisément à supprimer l’interdiction d’établir une filiation incestueuse »
[88] Le Pourhiet Anne-Marie, « La procréation artificielle face aux droits de l’homme », Université d’été de la Manif pour tous, 2014 (http://www.lamanifpourtous.fr/comprendre/universite-dete-les-interventions/). Voir également Mirkovic Aude, « PMA-GPA : derrière les slogans, la réalité ! », Université d’été de la Manif pour tous, 2014.
[89] Supiot Alain, Homo Juridicus – Essai sur la fonction anthropologique du droit, Paris, Ed. Points, 2005, spé p. 286. Voir également la critique très vive de l’arrêt KA et AD c/ Belgique par Fabre-Magnan Muriel, « Le sadisme n’est pas un droit de l’homme », Dalloz, 2005, p. 2973.
[90] Pumppick Grégor, « CEDH : vers un droit à l’interruption volontaire de vieillesse », Liberté politique, 15 mai 2013 (http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/CEDH-vers-un-droit-a-l-interruption-volontaire-de-vieillesse).
[91] De Saint-Germain Philippe, « Le mariage anormal », Liberté politique, 2013, n°59.
[92] Lebreton Gilles, Valeur actuelles, 28 décembre 2018. Voir également Pumppick Grégor, « Charia ce que révèle la décision de la CEDH », Figaro vox, 26 décembre 2018 (http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2018/12/26/31002-20181226ARTFIG00181-charia-ce-que-revele-la-decision-de-la-cedh.php).
[93] Le Pourhiet Anne-Marie, « La Cour européenne des droits de l’homme et la démocratie », Constitutions, 2018, n°2, p. 212.
[94] Le Pourhiet Anne-Marie, « Egalité et discrimination », in Les discriminations (dir. F. Lemaire, B. Gauriau), Paris, Ed. Cujas, 2012, p. 29 : L’érudition de l’autrice ne laisse aucun doute sur le choix pesé du terme « bariolé » lequel se réfère discrètement mais sûrement à la bannière LGBTI.
[95] Le Pourhiet Anne-Marie, « Le mariage de ma mère et la Constitution de mon père », Constitutions, 2013, n°2, pp. 166-170.
[96] CEDH, 6 février 2001, Bensaïd c / Royaume-Uni ; CEDH, 15 janvier 2009, Reklos et Davourlis c/ Grèce, § 39 ; CEDH, 10 juin 2010, Témoins de Jéhovah de Moscou et a. c/ Russie ; CEDH, 16 décembre 2010, A.B.C c/ Irlande.
[97] Chénedé François, « Les arrêts Mennesson et Labassé ou l’instrumentalisation des droits de l’homme », Dalloz, 2014, p. 197 : « Traduction juridique du droit de résistance à l’oppression, le contrôle des lois au nom des droits de l’homme a été conçu pour assurer la protection des citoyens contre les interventions illégitimes des pouvoirs publics dans leur sphère privée (…) mais certainement pas pour imposer à l’autorité publique la satisfaction de tous nos désirs individuels au mépris d’autrui et du bien commun ». Voir également du même auteur, « Le droit à l’épreuve des droits de l’homme », in Mélanges en l’honneur du professeur Gérard Champenois, Paris, Defrénois, 2013, p.139 où l’on apprend que, en le « fondamentalisant », les droits de l’homme sont une « épreuve » pour le droit. Voir enfin Puppinck Gérgor, Les droits de l’homme dénaturés, Paris, Editions du Cerf, 2018, 304 p.
[98] Lequette Yves, « La nationalité française dévaluée », in L’avenir du droit – Mélanges en hommage à François Terré, Paris, Dalloz, 1999, p. 352.
[99] De Seze Carbon, « Droit, Bonheur », LPA, 2010, n°177, p. 6 : « la tradition des droits de l’homme (…) ne peut que se pervertir et se détruire en se transformant en un droit à l’autodétermination, à une libre disposition du corps, au nom d’un hypothétique et illusoire droit au bonheur »
[100] Fabre-Magnan Muriel, « Le domaine de l’autonomie personnelle : indisponibilité du corps humain et justice sociale », Dalloz, 2008, p. 31.
[101] Frison Roche Marie-Anne, « Droit et Bonheur », in Droit, Bonheur ?, Ed. Parole et Silence, 2010, p. 36.
[102] CEDH, 24 novembre 2009, Friend et a. c/ Royaume-Uni (déc.), §§ 40-43
[103] Com EDH, 18 mai 1976, X. c/ Islande (déc.).
[104] CEDH, 16 juillet 2014, Hämäläinen c/ Finlande, § 65 ; CEDH, 7 juillet 1989, Gaskin c/ Royaume-Uni, § 42 ; CEDH, 16 mars 2000, Özgür Gündem c/ Turquie, § 43.
[105] CEDH, 9 mars 1999, Lindner c/ Allemagne (déc.).
[106] Voir respectivement CEDH, 17 avril 2018, Roj TV A/S c/ Danemark (déc.) ; CEDH, 1er juillet 2014, SAS c/ France, § 121.
[107] Foa Roberto Stefan, Mounk Yascha, « The signs of deconsolidation », Journal of democraty, vol. 28, 2017/1, pp. 5-19.
[108] Costa Jean-Paul, « La CEDH, cet ovni juridique », entretien Le Monde, 3 octobre 2014.
Pour un exemple supplémentaire et aberrant :
https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/politique/en-couverture-comment-george-soros-infiltre-la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme-116191
http://www.lefigaro.fr/le-rn-se-demande-si-la-cedh-est-infiltree-par-les-ong-de-m-soros-20200220
En résumé, critiquer la jurisprudence de cette juridiction reviendrait à s’opposer aux droits de l’homme! Un peu simple pour ne pas dire simpliste. Et les extrêmes longueurs et aridités de ce texte ne plaident pas pour la justesse de la position qu’ils prétendent soutenir.
Il n’aura pas échappé à votre sagacité que j’évoque les critiques systématiques et chroniquesà l’encontre de la Cour. Votre opinion sur mon travail s’applique finalement plus à elle-même qu’à ce dernier. Merci néanmoins d’avoir fait l’effort de le lire jusqu’au bout à défaut de le comprendre.