La mise à l’honneur du principe de subsidiarité en matière de réparation des dommages découlant de situations de conflit non résolu
En jugeant qu’il est de la responsabilité de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan de trouver un règlement politique au conflit du Haut-Karabakh, de même qu’en exigeant de ces deux États de mettre en place des mesures générales au niveau interne afin de remédier à la situation des requérants et d’autres personnes se trouvant dans la même situation que ces derniers, la Grande chambre souligne l’importance du principe de subsidiarité dans les affaires découlant de situations de conflit non résolu. En outre, l’indication précise par la Cour des mesures générales à mettre en place au niveau national suggère une mutation du principe de subsidiarité dans le sens d’une plus grande responsabilisation des États.
Par Françoise Améyo Délali Kouassi, Docteur en droit public, Chercheur associée au Centre d’étude sur la coopération juridique internationale — Université de Poitiers (CECOJI-UP — EA 7353), Enseignante contractuelle à l’Université de La Rochelle
Le principe de subsidiarité n’a jamais été aussi d’actualité. Le récent engouement pour ce principe a eu pour résultat l’adoption d’un nouveau protocole d’amendement 1 prévoyant, pour la première fois, de l’inscrire expressément dans le préambule de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après la Convention). La Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la Cour) rappelle l’importance de ce principe à l’occasion des arrêts rendus sur la satisfaction équitable dans deux affaires, Chiragov et autres c/ Arménie et Sargsyan c/ Azerbaïdjan. Celles-ci trouvent leur origine commune dans le conflit du Haut-Karabakh qui met aux prises l’Azerbaïdjan et l’Arménie depuis la fin des années quatre-vingt.
À l’époque de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), l’Oblast autonome du Haut-Karabakh (l’OAHK) était une province autonome de la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan (la RSS d’Azerbaïdjan). Après la désintégration de l’URSS, le contrôle de la province, peuplée majoritairement d’arméniens (77%) cohabitant avec une forte minorité azérie (22%), passa entre les mains des arméniens du Karabakh. Entre temps, des manifestations sur fond de revendications territoriales et ethniques en faveur du rattachement de l’OAKH à l’Arménie ont abouti à la création de la « République du Haut-Karabakh » (RHK), dont les autorités ont proclamé l’indépendance à l’égard du gouvernement azéri. Au début de l’année 1992, le conflit territorial et ethnique va dégénérer en véritable guerre. Celle-ci a donné lieu à des allégations de nettoyage ethnique par les deux parties. Le camp arménien conquiert rapidement plusieurs districts voisins de la RHK, dont celui de Lachtin. Le conflit a fait des centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées des deux côtés. C’est précisément dans ce contexte que les requêtes dans les deux affaires analysées ont été introduites devant la Cour.
Dans l’affaire Chiragov et autres c/ Arménie, les six requérants de nationalité azerbaïdjanaise, allèguent avoir été contraints de fuir leur domicile situé dans le district de Lachtin, non-loin du Haut-Karabakh, et être depuis dans l’impossibilité d’y retourner et de reprendre possession de leurs biens. Ils s’estiment victimes d’une violation de leur droit de propriété, garanti par l’article 1 du Protocole 1, ainsi que d’une atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la Convention. La requête formulée dans l’affaire Sargsyan c/ Azerbaïdjan repose sur les mêmes griefs. Le requérant, cette fois arménien, reproche aux autorités azerbaïdjanaises de l’avoir contraint à fuir avec sa famille le village azéri de Golestan où il disposait d’une maison et des dépendances. Il se plaint en outre de l’impossibilité d’y retourner, d’accéder à ses biens, ou de percevoir une indemnisation pour leur perte.
Dans les arrêts au principal, la Cour, réunie en Grande chambre, a conclu dans les deux affaires qu’il y avait violation continue de l’article 1 du Protocole 1 et des articles 8 et 13 de la Convention. Elle a considéré que l’Arménie n’avait invoqué aucun but « qui eût été susceptible de justifier l’impossibilité faite aux requérants d’accéder à leurs biens et l’absence d’indemnisation pour cette ingérence » 2. Quant à la République d’Azerbaïdjan, « même si l’impossibilité pour le requérant d’accéder à ses biens à Golestan avait été justifiée par des considérations de sécurité, le fait [qu’elle] n’ait pas pris la moindre mesure pour rétablir les droits de l’intéressé sur ses biens ou l’indemniser pour la perte de leur jouissance avait fait peser sur celui-ci une charge excessive » 3.
La question de la satisfaction équitable ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité les parties à lui soumettre par écrit leurs observations sur la question, et à la tenir informée de tout accord auquel elles auraient pu aboutir. Les parties n’étant pas parvenues à un accord, les requérants, dans l’affaire Chiragov et autres c/ Arménie, ont sollicité au titre de l’article 41 une satisfaction équitable s’élevant à plusieurs millions d’euros pour dommage et pour frais et dépens. En ce qui concerne la victime dans l’affaire Sargsyan c/ Azerbaïdjan, elle réclamait plusieurs dizaines de milliers d’euros au titre de la satisfaction équitable pour les dommages matériel et moral qu’elle estimait être résulté des violations constatées ainsi que pour les frais et dépens exposés devant la Cour.
Dans la première affaire, la Grande chambre a, à l’unanimité, retenu le principe de la satisfaction équitable, mais n’a alloué aux requérants qu’un montant de 5 000 euros chacun. Dans la seconde, elle a, suivant les mêmes modalités, accordé le même montant à la victime, au titre des dommages matériel et moral. En outre, l’Arménie et l’Azerbaïdjan doivent verser aux requérants respectivement environ 32 000 euros et 30 000 euros pour frais et dépens.
En plus de ce que ces décisions de principe serviront de référence à de nombreuses autres affaires semblables 4, l’apport des arrêts Chiragov et autres c/ Arménie et Sargsyan c/ Azerbaïdjan réside dans le fait que le principe de subsidiarité y occupe une place de choix. L’importance accordée à ce principe dans le raisonnement de la Cour se justifie en effet par la nature exceptionnelle des affaires en cause, lesquelles portent sur un conflit en cours.
Principe directeur du droit de la Convention européenne des droits de l’homme, le principe de subsidiarité énonce qu’il incombe en priorité aux États parties d’assurer le respect des droits garantis. Ce principe trouve sa matérialisation dans les articles 1er (lu avec l’article 19) 5 et 35, § 1 (lu avec l’article 13) 6 de la Convention. Dans le cas particulier du contentieux indemnitaire, c’est l’article 41 de la Convention qui indique que la Cour joue un rôle subsidiaire par rapport à celui des États parties. Il en ressort, en effet, que la Cour n’accorde à la partie lésée une satisfaction équitable, après un constat de violation, que « si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation ».
Dans les cas d’espèce, la valorisation par la Grande chambre du principe de subsidiarité est fondée. Car dans les situations de violations de droits individuels découlant de conflits politiques non résolus, il reviendra aux parties concernées d’y remédier en trouvant une solution au niveau politique, indispensable au rétablissement des droits violés. Ainsi, étant incompétente pour résoudre les différends politiques entre États, la Cour rappelle dans ses arrêts sur la satisfaction équitable qu’il est de la responsabilité de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan de résoudre de manière rationnelle le conflit du Haut Karabakh, compte tenu de l’obligation première pour l’État défendeur de réparer les conséquences d’une violation de la Convention 7. C’est également la logique subsidiaire du système européen de protection des droits de l’homme qui a guidé la Grande chambre lorsqu’elle prend le soin de rappeler la nécessité pour les États responsables de prendre des mesures générales appropriées au niveau interne pour rétablir les droits des requérants ainsi que ceux des autres personnes se trouvant dans les mêmes situations qu’eux 8.
En prenant en compte le caractère obligatoire des décisions de la Cour, l’on peut raisonnablement avancer que les arrêts rendus sur la satisfaction équitable (et au principal), dans les affaires Chiragov et autres c/ Arménie et Sargsyan c/ Azerbaïdjan, auront un impact sur les parties prenantes au conflit du Haut-Karabakh. En effet, ces deux arrêts pourront servir d’éléments de référence dans le cadre des négociations orchestrées par le groupe dit de Minsk (États-Unis, France, Russie) sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). D’autant que cette mise en l’honneur du principe de subsidiarité, qui au demeurant est tout à fait appropriée (I), s’inscrit dans une logique de responsabilisation des États en cause, comme en attestent les modalités de réparation du dommage qui sont retenues par la Cour (II).
I- La subsidiarité, un principe idoine dans les affaires liées aux situations de conflit non résolu
Étant saisie de violations des droits de l’homme découlant de situations de conflit non résolu, la Grande chambre souligne l’importance du principe de subsidiarité, qui, en plus de sa portée juridique classique, s’enrichit d’une dimension politique en raison des circonstances de la cause (A). Dans ce contexte, il est donc exceptionnel que la Cour exerce les fonctions d’une juridiction de première instance (B).
A. Le dédoublement du contenu du principe de subsidiarité
Dès les premières lignes de son raisonnement, la Grande chambre a mis en évidence la nature exceptionnelle des affaires en cause. Cette particularité réside dans le fait qu’elles portent sur « une situation continue qui trouve son origine dans le conflit non résolu du Haut-Karabakh et les territoires environnants et qui touche toujours un grand nombre d’individus » 9. À cet égard, la Cour a souligné l’importance du principe de subsidiarité qui, au vu des circonstances de l’espèce, revêt une double dimension, à la fois politique et juridique.
Ainsi, sur le plan politique, la Cour a rappelé qu’il était de la responsabilité de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan de trouver un règlement pacifique au conflit du Haut-Karabakh dans lequel ils sont impliqués 10). Cette solution est entièrement concevable puisque avant leur adhésion au Conseil de l’Europe, les deux États s’étaient engagés à régler ce conflit par des moyens pacifiques 11. Or il s’est désormais écoulé une quinzaine d’années depuis que l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont ratifié la Convention 12, sans qu’une solution politique ne soit encore en vue. La situation semble donc s’enliser : malgré la conclusion d’un cessez-le- feu en mai 1996 et les négociations en vue d’un règlement pacifique du conflit dans le cadre du Groupe de Minsk de l’OSCE, les parties ne sont toujours pas parvenues à un accord de paix 13. De surcroît, des violations du cessez-le-feu sont fréquentes comme le montre l’accroissement des violences le long de la ligne de contact au cours des affrontements militaires qui ont eu lieu début avril 2016.
Il est indéniable que la protection effective des droits des requérants, ainsi que ceux des autres personnes se trouvant dans les mêmes situations que ces derniers, passera par la signature d’un accord de paix entre les belligérants. De ce point de vue, la Cour – organe judiciaire et non politique – semble disposer d’une marge de manœuvre limitée et ne peut s’en remettre qu’à la responsabilité des États concernés. Il en est précisément ainsi lorsqu’elle « se trouve […] confrontée à des affaires lourdes d’une complexité politique, historique et factuelle tenant à un problème qui aurait dû être résolu par toutes les parties ayant la pleine responsabilité de trouver une solution au niveau politique » 14. De même, étant invitée dans l’affaire Kovačić et autres c/ Slovénie à se pencher sur un certain nombre de questions portant sur les circonstances de la dissolution de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (RSFY), sur le système bancaire de celle-ci et celui des États qui lui ont succédé, ainsi que sur la répartition entre les États continuateurs de la charge de la garantie à laquelle la RSFY était tenue, la Cour n’a eu d’autre choix que de souscrire à la position de l’Assemblée parlementaire, selon laquelle « la question du dédommagement de tant de milliers de personnes doit être résolue par un accord entre États successeurs » 15. En l’espèce, étaient en cause les dispositions de la législation slovène empêchant les requérants de retirer les fonds en devises qu’ils avaient déposés auprès de la « Banque de Ljubljana – Agence principale de Zagreb » avant la dissolution de la RSFY.
Il est en outre intéressant de rappeler que la Cour n’a pas toujours fait appel à la dimension politique de la subsidiarité, lorsque les circonstances de la cause l’exigeaient. Ainsi, dans les affaires Loizidou 16 et Chypre c/ Turquie 17, qui trouvent leur origine dans l’invasion de la partie Nord de Chypre par la Turquie en 1974, la Cour a conclu à la violation de plusieurs dispositions de la Convention 18, sans prendre en compte la situation politique qui régnait dans la région. Cette approche lui a d’ailleurs valu des critiques de la part des juges de la minorité qui préconisaient qu’avant toute décision, que le juge international s’emploie à établir si l’affaire en cause n’est pas trop controversée ou politique. Une telle vérification préalable est nécessaire dans la mesure où il se peut – pour ce qui est des affaires précitées – qu’« un arrêt de la Cour nuise aux efforts entrepris actuellement par l’ONU, les Communautés européennes et d’autres organisations internationales pour parvenir à un règlement pacifique du problème cypriote » 19). C’est pourquoi, les circonstances politiques entourant certaines affaires complexes devraient amener la Cour à garder une réserve pour laisser le champ libre à la diplomatie.
Pourtant, malgré le caractère controversé et politique de l’affaire Géorgie c/ Russie (I) – mettant en cause l’arrestation, la détention et l’expulsion collective de ressortissants géorgiens de la Fédération de Russie – la Grande chambre conclut sans réserve à la violation de l’article 4 du Protocole 4, des articles 3, 5, et 13 de la Convention 20. De même, la Cour affiche la « marque d’une politique jurisprudentielle offensive » 21 en déclarant, contrairement à la Cour internationale de Justice 22, recevable la requête de la Géorgie introduite le 12 août 2008 contre la Fédération de Russie 23. Or les requêtes formulées devant la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour internationale de Justice concernent essentiellement le même litige, notamment la mise en cause des attaques indiscriminées et disproportionnées commises contre des civils et leurs biens dans les deux régions autonomes de Géorgie, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, par l’armée russe et/ou les forces séparatistes placées sous son contrôle.
Dans la perspective où la réserve judiciaire devrait être de mise en présence d’affaires à forte connotation politique, les arrêts Chiragov et autres c/ Arménie et Sargsyan c/ Azerbaïdjan (satisfaction équitable), qui substantialisent la subsidiarité politique dans le cas particulier du conflit du Haut-Karabakh, arrivent donc à point nommé.
La déclinaison du principe de subsidiarité selon une dimension politique enrichit ainsi considérablement son contenu ; ce principe ayant été jusqu’ici principalement appréhendé sur le plan juridique. À ce dernier égard, la Grande chambre rappelle que le principe de subsidiarité est à la base du système de la Convention 24, et ce sous trois aspects.
D’une part, il « sous-tend l’obligation pour les requérants d’épuiser les voies de recours interne conformément à l’article 35, § 1 ainsi que l’obligation correspondante pour les États contractants d’ouvrir conformément à l’article 13 des voies de recours effectives contre les violations de la Convention ». D’autre part, il « guide aussi la démarche de la Cour lorsque celle-ci, saisie de cas de violations systémiques de la Convention, applique la procédure d’arrêt pilote élaborée sur le fondement de l’article 46 » 25. Par ailleurs, selon une approche substantielle, le principe de subsidiarité découle également de la lecture combinée des articles 1er et 19 de la Convention 26.
En effet, aux termes de l’article 1er, les États reconnaissent les droits et libertés garantis par la Convention à toute personne relevant de leur juridiction. Plus précisément, cette disposition impose aux États une obligation positive et négative de respect des droits et libertés garantis par la Convention 27 et leur confère, de ce fait, la responsabilité première dans le rôle de la protection des droits de l’homme. L’organe de contrôle de la Convention souligne aussi bien le lien entre l’article 1er et le principe de subsidiarité dans la décision Uzun c/ Turquie en ces termes : « en vertu de l’article 1, […] la mise en œuvre et la sanction des droits et libertés garantis par la Convention revient en premier chef aux autorités nationales. Le mécanisme de plainte devant la Cour revêt donc un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux » 28. De plus, lu à la lumière de l’article 1er, l’article 19 confirme la conception selon laquelle la Cour n’est instituée que dans le but d’assurer le respect des engagements des États, auxquels il revient donc, en priorité, d’assurer la mise en œuvre des droits garantis.
Sur un plan rétrospectif, les arrêts Loizidou et Chypre c/ Turquie précités, éclairent le contenu de la subsidiarité juridique telle qu’il découle de la lecture combinée des article 1er et 19 de la Convention, à travers le concept de l’ordre public européen 29. En effet, dans l’arrêt sur les exceptions préliminaires en l’affaire Loizidou c/ Turquie, la Cour conclut à l’invalidité des restrictions territoriales dont sont assorties les déclarations turques relatives aux anciens articles 25 (reconnaissance du droit de recours individuel) et 46 (reconnaissance de la compétence de l’ancienne Cour) de la Convention 30, en raison de la nature particulière de la Convention, instrument de l’ordre public européen pour la protection des êtres humains 31. Au regard de la solution retenue, l’article 1er de la Convention exige des États parties d’assurer la jouissance des droits de l’homme à tous les individus relevant de leur juridiction, qu’ils soient sur le territoire national ou sur un territoire étranger soumis à leur contrôle. Une telle lecture de la disposition précitée s’avère nécessaire au risque d’amoindrir « l’efficacité de la Convention en tant qu’instrument constitutionnel de l’ordre public européen » et d’affaiblir « gravement le rôle de la Cour dans l’exercice de ses fonctions » 32.
En tant que gardienne de la Convention – en vertu de la mission qui lui est conférée par l’article 19 – la Cour doit ainsi, afin d’éviter « les lacunes regrettables dans le système de protection des droits de l’homme » 33, œuvrer pour que la protection des droits de l’homme s’étende au maximum. Cette mission peut au demeurant la conduire à jouer exceptionnellement un rôle de premier plan dans la protection des droits individuels.
B. L’exercice exceptionnel par la Cour des fonctions de juridiction de première instance
Si l’on retient la définition selon laquelle les violations systémiques ont trait aux affaires mettant en cause un problème structurel qui touche un si grand nombre de victimes qu’une multitude d’affaires répétitives risquent d’engorger la Cour 34, il semble aisé de les rapprocher, comme l’a fait la Grande chambre, des affaires découlant de situations de conflit non résolu, pour justifier l’action prioritaire des juridictions internes. En effet, l’une des données caractéristiques de la jurisprudence de la Cour sur les violations systémiques et qui pourrait être en lien avec des cas résultant de situations de conflit en cours est que les premières sont des violations touchant ou susceptibles de toucher non seulement le demandeur, mais aussi une pluralité d’individus ou une catégorie de personnes. Or les juridictions internationales ne disposent pas de moyens (matériels, humains et financiers) nécessaires pour traiter les contentieux à grande échelle, comme les cas des personnes déplacées et des réfugiés en masse dans les conflits armés 35. Aussi, la Cour a-t-elle souvent souligné dans des affaires révélant des violations systémiques ou découlant de situations de conflit non résolu qu’« elle n’est pas une juridiction de première instance » et qu’« elle n’a pas la capacité, [étant donné qu’] il ne sied pas à sa fonction de juridiction internationale, de se prononcer sur un grand nombre d’affaires » 36. La raison en est que l’examen des affaires à grande échelle « suppose d’établir des faits précis […], tâche, qui, par principe et dans un souci d’effectivité, incombe aux juridictions internes » 37. Cette mission devient encore plus laborieuse pour le juge international lorsqu’il s’agit de se prononcer sur « une situation […] qui touche toujours un grand nombre d’individus » 38. La Grande chambre a ainsi relevé dans les espèces Chiragov c/ Arménie et Sargsyan c/ Azerbaïdjan que « plus d’un millier de requêtes individuelles introduites par des personnes déplacées pendant le conflit sont pendantes devant elle […]. Les requérants dans ces affaires ne représentent qu’une petite partie des personnes, dont le nombre est estimé à plus d’un million, qui ont dû fuir le conflit et qui n’ont pas pu depuis lors reprendre possession de leurs biens » 39.
Dans la réalité, l’établissement des faits nécessite des ressources considérables. De plus, il prolonge la durée de la procédure dans les affaires à grande échelle en raison de la complexité des enquêtes y afférentes. De telles situations peuvent au demeurant être amplifiées par un certain nombre de facteurs, comme le temps écoulé depuis les faits allégués. De ce point de vue, il est à observer avec E. Lambert-Abdelgawad qu’« à la lumière des développements liés aux victimes de crimes internationaux », la Cour de Strasbourg, et plus généralement les tribunaux internationaux, n’ont pas les moyens appropriés pour juger un contentieux de masse 40. L’auteur ajoute également que « historiquement les actions collectives ont d’ailleurs été mieux réglées […] au niveau inter-étatique » 41.
Ce dernier constat suggère que les autorités nationales, parce qu’elles sont proches des questions en jeu, seraient mieux placées pour traiter les affaires touchant un grand nombre de personnes. En ce sens, la Cour, qui par ailleurs justifie la nature subsidiaire de son contrôle, en raison de son éloignement avec les conditions d’application de la Convention 42, n’a de cesse de rappeler que « grâce à leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays, les autorités de l’État se trouvent en principe mieux placées que le juge international » 43 pour « apprécier les difficultés particulières qu’implique la sauvegarde de l’ordre démocratique de leur État » 44 ou pour « déterminer ce qui est d’utilité publique » 45. Il en résulte que les autorités nationales bénéficient d’une meilleure position que le juge international du fait de leur contact direct avec les réalités locales impliquant une meilleure connaissance des besoins qui s’y rapportent. De la sorte, un lien direct peut être établi entre l’idée de proximité des autorités étatiques et celle de l’efficacité de leur action car, cette proximité suppose une « plus grande justesse d’analyse » et leur offre un pouvoir de contrainte plus efficace que « l’intervention simplement déclaratoire du juge européen » 46. Le principe de subsidiarité trouverait donc une explication logique dans le fonctionnement du couple proximité/efficacité.
La « subsidiarité-proximité » exige de la Cour de faire preuve de retenue quant au moment de son intervention 47, des modalités d’exercice et de l’étendue de son contrôle. Dans tous les cas, elle ne devra intervenir qu’en cas de carence ou de défaillance des autorités nationales. À cet égard, il est remarquable que la Cour adopte une attitude de self-restraint, tout particulièrement à l’égard des investigations nationales relatives à l’établissement des faits. Elle a ainsi affirmé dans l’arrêt Kemmache c/ France qu’il ne lui appartient pas « d’apprécier elle-même les éléments de faits ayant conduit une juridiction nationale à adopter telle décision plutôt que telle autre » 48. De même, la Cour a à moult reprises martelé qu’« elle n’a point pour tâche de se substituer aux juridictions internes dans l’établissement des faits » 49. Dès lors, il n’est pas surprenant que la Grande chambre ait mis en avant l’établissement des faits – incombant par principe aux tribunaux internes – pour soutenir, en l’espèce, qu’elle n’est pas une juridiction de première instance 50.
Toutefois, même si la Cour n’est pas nécessairement mieux qualifiée pour établir les faits dans les situations de violations massives des droits de l’homme, elle est néanmoins amenée à le faire dans les affaires dont l’importance politique, sociétale et juridique est souvent exceptionnelle. Tel est le cas dans les espèces Chiragov et Sargsyan, où la Cour s’estime obligée « d’agir comme une juridiction de première instance en établissant les faits (…), en appréciant les éléments de preuve (…) » du fait que « la présente affaire constituera l’affaire de principe appelée à servir de modèle pour des centaines d’autres affaires semblables dirigées contre l’Arménie/l’Azerbaïdjan et toujours pendantes devant [elle] » 51. Autrement dit, dans les affaires revêtant un grand intérêt et pourvues d’une portée juridique considérable, la Cour de Strasbourg doit exercer pleinement sa fonction de juridiction et ainsi connaître de toutes les questions de fait nécessaires au bon examen des questions en cause 52. C’est ainsi que dans l’affaire Géorgie c/ Russie (I) 53, faisant suite à l’expulsion de la Fédération de Russie de plus de 4 500 ressortissants géorgiens à la fin des années 2006/début de l’année 2007, elle a mené des missions d’enquête et a tenu une audition visant à établir les faits. De même, l’ex-commission européenne des droits de l’homme a parfois mené des enquêtes en vue d’établir les faits dans les affaires interétatiques mettant en cause des violations des droits de l’homme à grande échelle 54).
Il est d’ailleurs intéressant de faire le rapprochement avec le système interaméricain plus habitué aux contentieux de masse. En effet, en raison de la spécificité des infractions qui sont traitées 55, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a enquêté, conformément à l’article 48, §1, d) de la Convention américaine relative aux droits de l’homme 56, sur de nombreux cas spécifiques de violations massives des droits de l’homme. Il en est ainsi dans les affaires Massacre Plan de Sánchez c/ Guatemala 57, Caracazo c/ Venezuela 58 et González et autres c/ Mexique 59.
Ajoutons en dernière analyse qu’outre l’importance de l’affaire en cause, et ce conformément au principe de subsidiarité, le comportement défaillant de l’État responsable peut conduire la Cour à agir comme une juridiction de première instance. À ce propos, la Cour a tenu à préciser dans les affaires Chiragov et Sargsyan que si elle en est arrivée à établir les faits de la cause ou apprécier les éléments de preuve relatifs au droit de propriété, c’est parce que le gouvernement (arménien/azerbaïdjanais) a manqué « tant aux engagements qu’il a pris lors de son adhésion qu’aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention » 60. Cette solution appelle quelques observations.
En effet, elle indique que la proximité des autorités nationales avec les réalités locales n’est pas forcément gage d’efficacité de leurs actions en termes de protection effective des droits de l’homme. Ce critère peut donc, au regard des circonstances de l’espèce, être relégué au second plan au profit de celui de l’efficacité et de l’effectivité des droits, pour justifier l’intervention du juge européen. Par conséquent, le principe selon lequel les autorités de l’État se trouvent mieux placées que le juge international reste une simple présomption pouvant être renversée lorsque le couple proximité/efficacité ne fonctionne plus 61.
Il ne fait aucun doute que la Cour, à travers son raisonnement dans les affaires Chiragov et Sargsyan, veuille restaurer au maximum la logique subsidiaire du système de la Convention en matière de violations à grande échelle. Ce constat se confirme par ailleurs avec les mesures retenues au titre de la réparation du dommage.
II. L’influence du principe de subsidiarité sur les modalités de réparation du dommage
Dans les espèces Chiragov et Sargsyan, la Grande chambre marque du sceau de la subsidiarité les obligations mises à la charge des États responsables en rappelant, d’une part, le caractère subsidiaire de la satisfaction équitable (A) et, d’autre part, la nécessité pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan de prendre des mesures générales au niveau interne (B).
A. Le caractère subsidiaire de la satisfaction équitable octroyée au niveau européen
La mise en œuvre de la responsabilité internationale engendre pour l’État concerné une triple obligation de résultat : faire cesser la violation lorsqu’elle perdure, réparer ses conséquences dommageables et prévenir sa répétition à l’avenir. Ces obligations, codifiées dans le Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite 62 et également rappelées par la Grande chambre dans les arrêts Chiragov et Sargsyan, doivent en effet permettre de « rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à une [violation] » 63. Pour ce faire, les États, conformément au principe de subsidiarité tel qu’il ressort de l’obligation primordiale des parties contractantes d’assurer le respect des droits et libertés conventionnels, disposent en principe 64) d’une liberté dans le choix des moyens de mise en conformité avec l’arrêt de la Cour. Dans la pratique, si la nature de la violation permet une restitutio in integrum, il incombe à l’État responsable de la réaliser par l’édiction de mesures individuelles, ce d’autant que la Cour n’a ni la compétence ni la possibilité pratique de l’accomplir elle-même.
En revanche, l’organe de contrôle européen peut, au titre de l’article 41 de la Convention, accorder une satisfaction équitable à la partie lésée. Cependant, cette réparation ne reste pas moins subsidiaire puisqu’elle n’est décidée que lorsque le droit interne « ne permet pas ou ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de la violation » 65. Autrement dit, ce n’est qu’en cas d’impossibilité de la restitutio in integrum que l’article 41 de la Convention permet à la Cour d’accorder une satisfaction équitable 66. Dans les faits, la Cour a plusieurs façons de procéder pour souligner le caractère subsidiaire de la satisfaction équitable. À cet effet, elle a tendance à favoriser les réparations pécuniaires attribuées au niveau national lorsque la nature de la violation ne permet pas la restitutio in integrum. Ainsi, la Cour considère dans l’arrêt Scordino c/ Italie que lorsque le droit interne offre une voie de recours permettant d’obtenir une réparation adaptée de la violation, celle-ci doit être prioritaire étant donné qu’elle est « plus proche et accessible que le recours devant la Cour », mais également « plus rapide et se déroule dans la langue de la partie requérante » 67. En l’espèce, les requérants alléguaient une violation de leur droit tiré de l’article 1 du Protocole n° 1 pour avoir supporté une charge disproportionnée à raison du montant inadéquat de l’indemnité d’expropriation. De même, si le requérant a la possibilité d’entamer « une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir un dédommagement, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’attribuer une somme à titre de dommage matériel » 68. Cette propension du juge de Strasbourg à privilégier l’« attribution de la satisfaction équitable par les autorités nationales » 69 est portée à son plus haut niveau dans les affaires révélant des violations systémiques ou découlant de situations de conflit non résolu, comme en l’espèce, où la Grande Chambre martèle qu’il ne sied pas à sa fonction de juridiction internationale de calculer une compensation financière ; cette fonction revenant, par principe, aux juridictions internes 70. En ce sens, il est par ailleurs important de relever que, dans son rapport de novembre 2006, le Groupe des Sages 71 a proposé que la fixation du montant de la compensation « soit renvoyée à l’État concerné » 72 dans un délai imparti et conformément aux critères établis par la jurisprudence européenne.
Sur un autre plan, la nature subsidiaire de la satisfaction équitable implique que la Cour prenne en compte les mesures prises (ou à prendre) par les autorités internes au moment de statuer au titre de l’article 41. Plus précisément, elle estime que « la question de l’application de l’article 41 devait être résolue non seulement compte tenu de la possibilité que les parties parviennent à un accord, mais aussi à la lumière de toute mesure à caractère individuel ou général que le gouvernement pourrait prendre en exécution de l’arrêt au principal » 73. C’est ainsi que dans l’affaire Doğan et autres c/ Turquie, relative au préjudice subi par des villageois dans l’impossibilité d’accéder à leurs maisons pendant près de dix ans, la Cour a considéré que, « compte tenu des mesures prises par les autorités de l’État défendeur pour remédier à la situation des requérants et des autres déplacés internes, l’arrêt au principal constituait en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral ayant pu naître des violations [constatées] » 74. En revanche, dans les affaires Chiragov et Sargsyan, la Grande chambre estime que le constat d’une violation ne constitue pas en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi car, « il apparaît qu’à ce jour, le Gouvernement n’a pas mis en place de mécanisme de revendication des biens ni d’autres mesures au bénéfice des personnes se trouvant dans la situation du requérant » 75.
Le fait de prendre en compte les mesures retenues au niveau interne dans l’application de l’article 41 est par ailleurs manifeste, lorsque la Cour, dans l’affaire Xenides-Arestis c/ Turquie 76, alloue au titre de la satisfaction équitable une somme conforme à celle proposée par la Commission d’indemnisation mise en place dans le cadre de l’exécution de l’arrêt pilote rendu dans la même affaire 77. Il en est de même dans l’affaire Tomasi c/ Croatie 78, où elle suspend l’examen de la requête au titre de l’article 41 et prend en compte la somme éventuellement octroyée au niveau interne avant de se prononcer elle-même, ou lorsque la Cour accorde, dans le but de réparer le dommage, une somme modeste au regard des mesures à prendre à l’échelon national par l’État responsable. Ce dernier aspect correspond précisément à l’esprit des arrêts Chiragov et Sargsyan dans la mesure où la Grande chambre octroie une somme dont l’écart est très considérable avec celle réclamée par les requérants, en soulignant l’obligation première des États responsables de réparer les conséquences d’une violation. En l’espèce, l’obligation de réparation exige des deux États concernés de résoudre de manière rationnelle le conflit du Haut Karabakh. En ayant à l’idée ce dernier facteur, il est raisonnable d’avancer que le montant de la satisfaction équitable octroyée par la Cour a été fixé en fonction des mesures générales qu’il y a lieu de prendre au niveau interne 79. La première de ces mesures reste, en tout état de cause, celle devant permettre de trouver une solution au niveau politique. C’est ainsi que peut être comprise la conclusion selon laquelle, « étant donné qu’il n’a pas encore été trouvé de solution au niveau politique, [la Cour] estime qu’il y a lieu d’octroyer une somme globale au titre du dommage matériel et moral. Statuant en équité, elle octroie au requérant 5 000 EUR tous chefs de dommage confondus » 80.
B. L’exigence de mesures générales au niveau national
Il était reproché à la Cour d’avoir, dans l’arrêt sur la satisfaction équitable rendu en l’affaire Loizidou c/ Turquie 81, privilégié, malgré le contexte politique 82, l’intérêt individuel de la requérante au détriment de l’intérêt général. Ainsi, dans son opinion partiellement dissidente, le juge Morenilla regrettait le fait que la majorité ait négligé de manière irréaliste la situation politique générale régnant dans la région où est sise la propriété de l’intéressée, lorsqu’elle a examiné la demande de réparation de la requérante pour préjudice matériel 83). Le juge Gölcüklü, qui, pour sa part, était radicalement opposé à l’octroi de la satisfaction équitable à la requérante ainsi qu’au remboursement des frais et dépens, considérait que la majorité ne devait pas ignorer la complexité et les difficultés politiques liées à l’affaire Loizidou et la renfermer dans une dimension individuelle. Il ajoutait qu’une telle approche ne contribuera sûrement pas à la solution rapide du problème cypriote 84.
Par ces propos, les juges de la minorité mettent en exergue la nécessité de retenir, dans les affaires trouvant leur source dans un conflit politique et touchant un grand nombre de personnes, une approche plus générale dépassant le cas de l’espèce. La Grande chambre semble prendre en compte ces remarques dans les affaires Chiragov et Sargsyan parce que, en plus de souligner la responsabilité des deux États en cause dans le règlement politique du conflit du Haut-Karabakh, elle exige qu’ils mettent en place des mesures générales au niveau interne. Plus exactement, la Cour affirme qu’« indépendamment de toute indemnité pouvant être octroyée au titre de la satisfaction équitable en l’espèce, l’exécution effective et constructive de l’arrêt au principal commande de mettre en place des mesures générales au niveau national » 85. Elle indique d’ailleurs de manière précise le contenu de ces mesures en soulignant, dans la droite ligne des arrêts rendus au principal 86, que :
« […] il paraît particulièrement important de mettre en place un mécanisme de revendication des biens qui soit aisément accessible et qui offre des procédures fonctionnant avec des règles de preuve souples, de manière à permettre au requérant et aux autres personnes qui se trouvent dans la même situation que lui d’obtenir le rétablissement de leurs droits sur leurs biens ainsi qu’une indemnisation pour la perte de jouissance de ces droits » 87.
En exigeant de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan de mettre en place des mesures générales – qui ne sont autre que des garanties de non répétition de l’illicite – à l’échelon national, la Grande chambre confirme l’opinion selon laquelle « un arrêt de la Cour n’est pas une fin en soi : il est la promesse d’un changement pour l’avenir, le début d’un processus qui doit permettre aux droits et libertés d’entrer dans la voie de l’effectivité » 88. Toutefois, la Cour aurait pu dans cette perspective rendre plus contraignantes les mesures exigées en activant l’article 46, §1 de la Convention 89 et en énonçant ces mesures dans son dispositif, comme elle le fait habituellement dans les arrêts pilotes 90. Certes les arrêts Chiragov et Sargsyan ne s’inscrivent pas dans la procédure d’arrêt pilote. Mais à partir du moment où la Grande chambre a semblé faire un rapprochement entre les cas de violations systémiques – dans lesquels la Cour applique la procédure d’arrêt pilote – et les affaires découlant de situations de conflit non résolu 91, elle aurait dû aller au bout de sa logique et appliquer dans les cas d’espèce les deux techniques précitées de la procédure d’arrêt pilote.
Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute qu’en indiquant de manière précise le contenu des mesures générales que l’Arménie et l’Azerbaïdjan doivent prendre au niveau interne, la Grande chambre limite considérablement le principe de la liberté des États dans le choix des moyens de se conformer aux arrêts de la Cour. D’aucuns ont d’ailleurs pu voir dans cette approche directive de la Cour une remise en cause du principe de subsidiarité 92. Pourtant, il n’en est rien. En effet, loin d’être perçue comme un coup porté au principe de subsidiarité, l’indication des mesures d’ordre général par la Cour confirme plutôt une mutation du principe de subsidiarité dans le sens d’une plus grande responsabilisation des États 93. Plus précisément, autrefois invoqué pour justifier une certaine retenue du juge, ou sauvegarder la liberté des États dans l’application de la Convention en droit interne, le principe de subsidiarité devient, avec l’approche directive de la Cour, une source de légitimation de nouvelles obligations positives mises à la charge des États, en l’occurrence l’obligation procédurale de réparation.
Par ailleurs, le fait pour la Cour de retenir dans les affaires Chiragov et Sargsyan une solution allant au-delà du cas de l’espèce, en exigeant la mise en place au niveau interne des mesures générales, traduit une certaine objectivisation du contentieux des droits de l’homme, ce qui n’est pas sans poser de difficultés s’agissant de la mise en balance des intérêts individuels et l’intérêt général dans les affaires de violations systémiques ou celles découlant de situations de conflit non résolu. La pratique de la Cour montre en effet qu’il n’est pas toujours possible de maintenir le juste équilibre entre les exigences de la « justice individuelle » et celles de la « justice collective », qui sont en réalité concurrentes 94. Dans les affaires de violations structurelles notamment, l’intérêt du requérant individuel à obtenir la réparation du préjudice peut entrer en conflit avec l’intérêt général à la résolution du problème systémique concerné. Ainsi, la Cour a-t-elle souvent privilégié l’intérêt collectif, en soulignant que sa fonction principale est d’assurer « le respect des droits de l’homme tels que garantis dans la Convention et ses Protocoles, plutôt que de compenser les préjudices subis par les requérants minutieusement et de manière complète » 95 et en indiquant qu’elle ne s’acquitte pas forcément au mieux de cette fonction « en répétant les mêmes conclusions dans un grand nombre d’affaires » 96.
Néanmoins, dans les cas d’espèce, l’on peut remarquer que la Grande chambre a su maintenir un juste équilibre entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif en allouant une satisfaction équitable– certes modeste – aux personnes lésées et en exigeant de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan de mettre en place des voies de recours internes afin de remédier à la situation des requérants et d’autres personnes se trouvant dans la même situation qu’eux. Cette manœuvre d’« équilibrage » entre intérêts individuels et l’intérêt général est à mettre sans conteste à l’actif de la Cour.
Notes:
- Protocole n° 15 portant amendement à la Convention européenne des droits de l’homme, adopté le 16 mai 2013 ↩
- CrEDH, 16 juin 2015, Chiragov et autres c/ Arménie (Gde Ch.), Req., n° 13216/05, § 201 ↩
- CrEDH, 16 juin 2015, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (Gde Ch.), Req., n° 40167/06, § 241 ↩
- CrEDH, 12 décembre 2017, Chiragov et autres c/ Arménie (Gde Ch.) (SE), Req., n° 13216/05, § 51 ; CrEDH, 12 décembre 2017, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (Gde Ch.) (SE), Req., n° 40167/06, § 33 ↩
- Aux termes de l’article 1er de la Convention, « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention ». L’article 19 de la Convention énonce que « le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties contractantes de la présente Convention et de ses protocoles » est assuré par la Cour européenne des droits de l’homme. ↩
- Il résulte des termes de l’article 35, § 1 de la Convention que « La Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes, tel qu’il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus […] ». Quant à l’article 13 de la Convention, il exige des États parties de mettre en place des recours effectifs au niveau interne. ↩
- CrEDH, 12 décembre 2017, Chiragov et autres c/ Arménie, op. cit., § 80 ; CrEDH, 12 décembre 2017, Sargsyan c/ Azerbaïdjan, op. cit., § 57 ↩
- CrEDH, 12 décembre 2017, Chiragov et autres c/ Arménie, op. cit., § 52. Voir également, CrEDH, 16 juin 2015, Chiragov et autres c/ Arménie (Arrêt au principal), op. cit., § 199 ; CrEDH, 12 décembre 2017, Sargsyan c/ Azerbaïdjan, op. cit., § 34. Voir également, CrEDH, 16 juin 2015, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (Arrêt au principal), op. cit., § 238 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 46 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 28 ↩
- Ibid., § 48 (Chiragov) ; § 30 (Sargsyan ↩
- Voir, l’Avis 221 (2000) de l’Assemblée parlementaire sur la demande d’adhésion de l’Arménie au Conseil de l’Europe, § 13.2a et l’Avis 222 (2000) de l’Assemblée parlementaire sur la demande d’adhésion de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe, § 14.2a ↩
- L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont ratifié la Convention respectivement le 26 avril 2002 et le 15 avril 2002 ↩
- Voir la description détaillée du contexte et de la situation actuelle dans les arrêts au principal : CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (Arrêt au principal), op. cit., § 12‑31 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (Arrêt au principal), op. cit., § 14‑28 ↩
- CrEDH, Décision du 1er mars 2010, Demopoulos et autres c/ Turquie (Gde Ch.), Req., n°S 46113/99 et s., § 85 ↩
- CrEDH, 3 octobre 2008, Kovačić et autres c/ Slovénie (Gde Ch.), Req., n°S 44574/98, 45133/98 et 48316/99, § 256 ↩
- CrEDH, 18 décembre 1996, Loizidou c/ Turquie (arrêt au principal), Req., n° 15318/89, Recueil 1996-VI ↩
- CrEDH, 10 mai 2001, Chypre c/ Turquie (Gde Ch.), Req., n° 25781/94 ↩
- Violation de l’article 1 du Protocole 1 (Loizidou c/ Turquie) ; violation des articles 2, 3, 5, 6, 8, 9, 10, 13 de la Convention et article 1 et 2 du Protocole 1 (Chypre c/ Turquie) ↩
- Voir, l’opinion dissidente du juge Jambrek sous l’arrêt Loizidou c/ Turquie (arrêt a principal). Voir dans le même sens, opinion dissidente du juge Pettiti sous l’arrêt Loizidou c/ Turquie (arrêt au principal ↩
- CrEDH, 3 juillet 2014, Géorgie c/ Russie (I) (Gde Ch.), Req., n° 13255/07 ↩
- Ancelin (Julien), « L’arrêt de la Cour EDH, Géorgie c/ Russie (II) sur les exceptions préliminaires, marque d’une politique jurisprudentielle offensive », in Journal d’Actualité des Droits européens, consulté le 18 avril 2018 ↩
- CIJ, 1er avril 2011, Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c/ Fédération de Russie) (Exceptions préliminaires), Recueil CIJ, 2011, p. 70, § 184 : la Cour fonde son incompétence sur le fait que la Géorgie n’a pas tenté d’avoir recours, avant de la saisir, aux procédures de règlement des différends expressément prévues par la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination, au rang desquelles figurent les négociations ↩
- CrEDH, décision du 13 décembre 2011, Géorgie c/ Russie (II), Req., n° 38263/08 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 49 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 31 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 49 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 31 ↩
- Idem. Voir également CrEDH, 12 octobre 2017, Burmych et autres c/ Ukraine (Gde Ch.), Req., n°S 46852/13 et s, § 181 et 185 ↩
- L’article 1er de la Convention exige en effet des États parties de s’abstenir de toute ingérence dans les droits individuels et de prendre des mesures positives en vue de prévenir, sanctionner et réparer leur violation ↩
- CrEDH, Décision du 30 avril 2013, Uzun c/ Turquie, Req., n° 10755/13, § 37. Voir dans le même sens, CrEDH, 29 mars 2006, Scordino c/ Italie (n° 1) (Gde Ch.), Req., n° 36813/97, Recueil 2006‑V, § 140 ; CrEDH, 26 octobre 2000, Kudla c/ Pologne (Gde Ch.), Req., n° 30210/96, Recueil 2000-XI, § 152 ↩
- La notion d’ordre public au sens de la Convention européenne des droits de l’homme renvoie à un ensemble de valeurs communes et supérieures qui transcendent la volonté des États parties, voir Picheral (Caroline), L’ordre public européen. Droit communautaire et droit européen des droits de l’homme, La documentation française, 2001, 426 pages, p. 188 ; Sudre (Frédéric), « Existe-t-il un ordre public européen ? », in Tavernier (Paul) (Dir.), Quelle Europe pour les droits de l’homme ? : La Cour de Strasbourg et la réalisation d’une union plus étroite (35 ans de jurisprudence 1959‑1994), Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 39‑80. ↩
- En effet, dans les déclarations d’acceptation du droit de recours individuel et de la juridiction obligatoire de la Cour, la Turquie limitait la compétence des organes de contrôle de la Convention aux seuls faits commis sur le territoire national et visait à exclure, en particulier, toute responsabilité pour les violations commises dans la partie Nord de Chypre dont elle avait le contrôle. ↩
- CrEDH, 23 mars 1995, Loizidou c/ Turquie (Exceptions préliminaires), Req., n° 15318/89, Série A, n° 310, § 75, 89. Voir également, CrEDH, décision du 14 décembre 2011, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (Gde Ch.), Req., n° 40167/06, § 70 ↩
- CrEDH, 23 mars 1995, Loizidou c/ Turquie (Exceptions préliminaires), op. cit., § 75 ↩
- CrEDH, 10 mai 2001, Chypre c/ Turquie, op. cit., § 78 ↩
- Lambert-Abdelgawad (Elisabeth), « La Cour européenne au secours du Comité des ministres pour une meilleure exécution des arrêts « pilote » », RTDH, 61/2005, p. 203‑224, p. 204 ↩
- Casanovas (Oriol), « La protection internationale des réfugiés et des personnes déplacées dans les conflits armés », RCADI, 2003, vol. 306, p. 1‑176, p. 147 ↩
- CrEDH, 12 octobre 2017, Burmych et a. c/ Ukraine, op. cit., § 159 ; CrEDH, Décision du 1er mars 2010, Demopoulos et autres c/ Turquie, op. cit., § 69 ; CrEDH, 16 juillet 2014, Ališić et autres c/ Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Slovénie et « l’ex-République yougoslave de Macédoine » (Gde Ch.), Req., n° 60642/08, § 142‑143 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 50 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 32 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 46 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 28 ↩
- Idem. ↩
- Lambert-Abdelgawad (Elisabeth), « La Cour européenne au secours du Comité des ministres pour une meilleure exécution des arrêts « pilote » », op. cit., p. 223 ↩
- Idem. ↩
- Audouy (Laurèn), La subsidiarité au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, Thèse, Université Montpellier, 2015, 638 p., p. 179 ↩
- CrEDH, 7 décembre 1976, Handyside c/ Royaume-Uni, Req., n° 5493/72, Série A, n° 24, § 48 ↩
- CrEDH, 22 avril 2013, Animal Defenders International c/ Royaume-Uni (Gde Ch.), Req., n° 48876/08, § 111 ↩
- CrEDH, 4 février 2014, Mottola et autres c/ Italie, Req., n° 29932/07, § 47 ↩
- Verdussen (Marc), « La protection des droits fondamentaux en Europe : subsidiarité et circularité », in Delperee (Francis) (Dir.), Le principe de subsidiarité, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 311‑333, p. 318 ↩
- en raison de la règle de l’épuisement des voies de recours internes ↩
- CrEDH, 24 novembre 1994, Kemmache c/ France (n° 3), Req., n° 17621/91, Série A, n° 296-C, § 44 ↩
- CrEDH, 10 février 2011, 3A.CZ S.R.O c/ République tchèque, Req., n° 21835/06, § 47 ; CrEDH, Décision du 14 juin 2011, Ivanov et petroca c/ Bulgarie, Req., n° 15001/04, § 44 ; CrEDH, Décision du 10 mars 2015, Kosiński c/ Pologne, Req., n° 23534/12, § 13 et s. ; CrEDH, 13 octobre 2015, Riza et autres c/ Bulgarie, Req., n° 48555/10, § 143 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 50 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 32 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 51 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 33 ↩
- Voir l’article 38 de la Convention aux termes duquel, « La Cour examine l’affaire de façon contradictoire avec les représentants des parties et, s’il y a lieu, procède à une enquête pour la conduite efficace de laquelle les Hautes Parties contractantes intéressées fourniront toutes facilités nécessaires ». ↩
- CrEDH, 3 juillet 2014, Géorgie c/ Fédération de Russie (I) (Gde Ch.), op. cit. ↩
- Par exemple, dans la première affaire grecque introduite en 1967 par la Danemark, la Norvège, la Suède et les Pays-Bas (Commission européenne des droits de l’homme, Rapport du 5 novembre 1969, Req., n°s 3321/67 à 3323/67 et 3344/67) pour dénoncer les violations massives des droits de l’homme par le régime militaire en Grèce, elle a établi les faits de manière détaillée ; le rapport final comportant plus de 1 000 pages. Il en a été de même dans les affaires Irlande c/ Royaume (CrEDH, Plénière, 18 janvier 1978, Req., n° 5310/71) et Chypre c/ Turquie (CrEDH, Grande Chambre, 10 mai 2001, op. cit ↩
- Il s’agit de pratiques graves et systématiques commises contre des personnes appartenant à certains groupes : violation de l’interdiction de l’esclavage, expulsions massives, exécutions sommaires et disparitions forcées… ↩
- « Si l’affaire n’a pas été classée, dans le but de vérifier les faits, elle procédera, en pleine connaissance des parties, à un examen de la plainte énoncée dans la pétition ou la communication. Si cela s’avère nécessaire et approprié, elle entreprendra une enquête, pour la conduite efficace de laquelle elle sollicitera, et les États intéressés lui fourniront, tout le concours nécessaire ». ↩
- CrIADH, 29 avril 2004, Massacre Plan de Sánchez c/ Guatemala (Fond), Série C, n° 105 : cette affaire trouve son origine dans le massacre qui a eu lieu dans le village Guatémaltèque de Plan de Sánchez le 18 juillet 1982, au cours duquel plus de 250 personnes (principalement des enfants et des femmes de l’ethnie Achi Maya) furent maltraitées et assassinées par les membres des forces armées guatémaltèques et leurs alliés paramilitaires. ↩
- CrIADH, 11 novembre 1999, Caracazo c/ Venezuela (Fond), Série C, n° 58 : cette affaire est relative à la mort de 300 à 3 000 personnes du fait des forces de l’ordre vénézuéliennes dans le cadre des manifestations et émeutes survenues à Caracas le 27 février 1989. ↩
- CrIADH, 19 novembre 2009, González et autres c/ Mexique, Série C, n° 205 : cette affaire a trait à une série d’assassinats commis depuis 1993 dans la ville frontière de Ciudad Juárez au nord du Mexique. Selon les rapports des organisations non gouvernementales, plus de 1653 cadavres ont été trouvés jusqu’en juin 2008 et plus de 2 000 femmes sont considérées comme disparues. ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 51 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 33 ↩
- Audouy (Laurèn), La subsidiarité au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, op. cit., p. 185 et s. ↩
- Texte adopté par la Commission du droit international (CDI) à sa cinquante-troisième session, en 2001, in Annuaire de la CDI, 2001, vol. II (2), p. 32 et s. Voir spécialement les articles 30 sur la cessation et non-répétition et 31 sur la réparation ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 53 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 35 ↩
- Il arrive toutefois que la Cour propose certaines options aux États responsables, d’une manière parfois assez précise, notamment en cas de violations systémiques ou structurelles (CrEDH, 16 juillet 2014, Ališić et autres c/ Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Slovénie et « l’ex-République yougoslave de Macédoine », op. cit., § 11 du dispositif et § 146 de l’arrêt ; CrEDH, 26 juin 2012, Kurić et autres c/ Slovénie (Gde Ch.), Req., n° 26828/06, § 9 du dispositif et § 415 de l’arrêt), voire très précise, lorsqu’un seul moyen lui paraît adapté au regard de la nature de la violation (CrEDH, 12 mai 2005, Öcalan c/ Turquie (Gde Ch.), Req., n° 46221/99, § 210 ; CrEDH, 25 novembre 2014, Fatma nurerten et adnan erten c/ Turquie, Req., n° 14674/11, § 37 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 53 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 35 ↩
- CrEDH, 31 octobre 1995, Papamichalopoulos et autres c/ Grèce (art. 50), Série A, n° 330‑B, § 38 et 39 ↩
- CrEDH, 29 mars 2006, Scordino c/ Italie (n° 1) (Gde Ch.), Req., n° 36813/97, Recueil 2006‑V, § 268 ↩
- CrEDH, 24 mai 2007, Paudicio c/ Italie, Req., n° 77606/01, § 59 ; CrEDH, 17 juillet 2007, Vitiello c/ Italie, Req., n°6870/03, § 53 ↩
- Lambert-Abdelgawad (Elisabeth), L’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, 2ème édition, Éditions du Conseil de l’Europe, 2008, p. 13 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 50 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 32 ↩
- Composé de onze personnalités issues de domaines universitaire, judiciaire et politique, le Groupe des Sages a été chargé par le Conseil de l’Europe d’examiner la question de l’efficacité à long terme du mécanisme de contrôle de la Convention européenne des droits de l’homme. ↩
- Rapport du Groupe des Sages au Comité des Ministres CM (2006)203, 15 novembre 2006, § 96 ↩
- CrEDH, 12 mars 2014, Kurić et autres c/ Slovénie (Gde Ch.) (SE), Req., n° 26828/06, § 9 ↩
- CrEDH, 16 juillet 2006, Doğan et autres c/ Turquie (SE), Req., n°s 8803-8811/02, 8813/02 et 8815-8819/02, § 61 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 75 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 52 ↩
- CrEDH, 7 décembre 2006, Xenides-Arestis c/ Turquie (SE), Req., n° 46347/99, § 42 ↩
- CrEDH, 22 décembre 2005, Xenides-Arestis c/ Turquie, Req., n° 46347/99 ↩
- CrEDH, 19 octobre 2006, Tomasi c/ Croatie (Au titre de l’article 41, la Cour tient compte de la somme accordée par la Cour constitutionnelle). Voir, Lambert-Abdelgawad (Elisabeth), L’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, op. cit., p. 15 ↩
- D’autant que la Cour a rappelé en amont la nécessité pour les États responsables de prendre des mesures générales appropriées au niveau interne pour rétablir les droits des requérants ainsi que ceux des autres personnes se trouvant dans les mêmes situations qu’eux. ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 80 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 57 ↩
- CrEDH, 28 juillet 1998, Loizidou c/ Turquie (art. 50), Req., n° 40/1993/435/514 ↩
- En effet, l’affaire Loizidou trouve son origine dans l’invasion de la partie nord de Chypre par la Turquie entraînant le déplacement forcé de plusieurs personnes. ↩
- Opinion partiellement dissidente sous l’arrêt Loizidou c/ Turquie (art. 50 ↩
- Opinion dissidente sous l’arrêt Loizidou c/ Turquie (art. 50), § 1‑3 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 52 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 34 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (Arrêt au principal), op. cit., § 199 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (Arrêt au principal), op. cit., § 238 ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 52 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 34 ↩
- Tulkens (Françoise), « L’exécution et les effets des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Le rôle du judiciaire » in Cour européenne des Droits de l’homme, Dialogue entre juges, Éditions du Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2006, p. 9‑18, p. 12 ↩
- Aux termes de cet article (intitulé « force obligatoire et exécution des arrêts »), « Les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ». ↩
- Voir entre autres, CrEDH, 16 juillet 2014, Ališić et autres c/ Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Slovénie et « l’ex-République yougoslave de Macédoine », op. cit., § 139 et s. de l’arrêt et § 11 du dispositif ; CrEDH, 26 juin 2012, Kurić et autres c/ Slovénie, op. cit., § 397 et s. de l’arrêt et § 9 du dispositif. ↩
- CrEDH, Chiragov et autres c/ Arménie (SE), op. cit., § 50 ; CrEDH, Sargsyan c/ Azerbaïdjan (SE), op. cit., § 32. En effet, ce rapprochement se justifie par le fait que dans ces deux types de situations les violations concernent non seulement le requérant, mais aussi une pluralité d’individus ou une catégorie de personnes. ↩
- Kovler (Anatoly), « La Cour européenne des droits de l’homme face à la souveraineté d’État », L’Europe en Formation, 2013/2 (n° 368), p. 209‑222, p. 212 ↩
- Pour plus de précisions sur la mutation du principe de subsidiarité en raison de l’encadrement par la Cour du libre choix des moyens de mise en conformité de l’État, voir Audouy (Laurèn), La subsidiarité au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, Université Montpellier, 2015, op. cit., p. 422 et s. ↩
- Christoffersen (Jonas), « Individual and Constitutional Justice : Can the power balance of adjudication be reversed ? », in Christoffersen (Jonas), Madsen (Mikael R.) (Dir.), The European Court of Human Rights between Law and Politics, Oxford, 2011, p. 181‑203, p. 181 et s. ↩
- CrEDH, 21 décembre 2010, Gaglione et autres c/ Italie, Req., n°S 45867/07 et s., § 67 ↩
- CrEDH, 15 janvier 2009, Bourdov et autres c/ Russie (n° 2), Req., n° 33509/04, § 127 ↩