Le contrôle de conventionnalité in concreto est-il vraiment « dicté » par la Convention européenne des droits de l’homme ?
Le contrôle de conventionnalité in concreto a souvent été présenté comme une simple transposition du contrôle concret de la Cour européenne des droits de l’homme. La présente étude se propose d’interroger ce constat à la lumière des mutations récentes que connaît le contrôle européen en mettant l’accent sur un paradoxe. Au moment même ou la Cour de cassation et le Conseil d’Etat systématisent le contrôle de conventionnalité in concreto en s’appuyant sur la Convention EDH, l’on assiste au développement d’une logique abstraite et objective dans le cadre du contrôle opéré par la Cour de Strasbourg.
Mustapha Afroukh est Maître de Conférences, Université de Montpellier, IDEDH – EA 3976
La concrétisation du contrôle juridictionnel de la loi est bien un processus sous influence. Ces influences sont tantôt endogènes, tantôt exogènes. Au terme d’une analyse globale des discours du droit et des métadiscours, apparaît une donnée intéressante reposant sur la mise en évidence de l’incidence de la Convention européenne des droits de l’homme sur la mutation du contrôle de conventionnalité. En effet, la nature concrète du contrôle opéré par la Cour européenne des droits de l’homme a souvent été présentée comme l’argument principal tendant à justifier l’exercice du contrôle de conventionnalité in concreto par la Cour de cassation, puis par le Conseil d’Etat 1. Au regard des différents écrits sur le sujet, l’exercice d’un tel contrôle concret des effets de la mise en œuvre de la loi a surtout été appréhendé dans le cadre d’une approche harmonieuse ayant comme point de départ le dialogue des juges et l’appropriation par les juges internes d’une méthode caractéristique de l’office de la Cour de Strasbourg. Cette approche est d’ailleurs clairement assumée par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat qui exercent ce contrôle dans une logique préventive afin d’éviter une éventuelle condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme 2. Ainsi, dans ses conclusions sous la décision Gonzalez Gomez 3, A. Bretonneau, s’y réfère avec force, affirmant à propos du contrôle concret : « Y renonceriez-vous d’ailleurs que la Conv. EDH finirait par l’exercer pour vous. (…) nous trouverions paradoxal, alors que la Convention vous invite, dans le champ des droits fondamentaux qu’elle protège, à ne pas vous voiler la face sur les conséquences concrètes de la législation, que les limites inhérentes à un contrôle abstrait de la norme vous handicapent au point de vous empêcher de vous saisir de conséquences inconventionnelles de l’application de la loi lorsqu’elles se présentent à vous » 4. Le Premier président de la Cour de cassation ne dit pas autre chose : « si rien ne change, la France continuera d’être condamnée à Strasbourg à travers les arrêts de sa Cour de cassation, ce qui traduit le fait que notre Cour, à la fois, n’est pas adaptée au contrôle de type européen et ne remplit pas son rôle de Cour suprême » 5. Pour le dire plus abruptement, s’est imposée l’idée selon laquelle l’évolution du contrôle de conventionnalité répondait à la nécessité de se conformer à la jurisprudence européenne, ou du moins qu’il fallait se rapprocher de l’office concret de la Cour 6, certains estimant même que ce rapprochement peut-être perçu comme « un signe de soumission, suivisme et asservissement » 7, d’autres y voyant une adaptation aux exigences européennes favorisée par le renouveau du principe de subsidiarité 8. Tout se passe comme si les Cours suprêmes 9 approfondissaient (enfin !) la logique « concrète » du contrôle de conventionnalité, alors que les termes de cette concrétisation font partie de la vulgate européenne depuis la célèbre formule de l’arrêt Airey de 1979 10 et que la Cour se réfère au principe de proportionnalité depuis 1968 (Aff. Linguistique Belge). Une telle entreprise implique de bien évaluer les méthodes de contrôle de la Cour européenne, surtout si l’on s’en réclame. Or, le moins que l’on puisse dire est que l’office de la Cour et l’objet du contrôle européen ne se résument pas au règne absolu du contrôle concret, comme il a souvent été écrit. De même, on ne saurait se contenter de présenter les étapes du contrôle in concreto et du contrôle abstracto sans rendre compte des évolutions de chacune de ces deux formes de contrôle et de leur articulation 11.
Il est à relever que la Cour n’est pas indifférente à ces évolutions touchant la nature du contrôle de conventionnalité. Elle s’est récemment fait l’écho des évolutions jurisprudentielles récentes tendant à généraliser le contrôle de conventionnalité in concreto, ainsi qu’en atteste la décision d’irrecevabilité Charron et Merle-Motet c. France 12 relative au refus d’une demande de PMA par insémination avec donneur ou fécondation in vitro opposée à un couple homosexuel. Au cas d’espèce, la Cour ne manque pas de vanter les mérites du contrôle de conventionnalité in concreto en déclarant la requête irrecevable au motif que les requérantes ont délaissé le recours pour excès de pouvoir, voie de recours qui aurait pu conduire à l’exercice d’un contrôle de proportionnalité. Bref, il n’était pas du tout sûr que ce recours était voué à l’échec, surtout depuis la décision Gonzalez Gomez du 31 mai 2016 (invoquée par le gouvernement en l’espèce) dans laquelle le Conseil d’Etat a écarté l’interdiction de l’insémination post mortem sur la base d’un contrôle de proportionnalité in concreto. La motivation de la décision Charron et Merle-Motet suggère en creux que les juges ordinaires sont encouragés « à l’exercer : c’est les avertir que le principe de subsidiarité ne peut s’épanouir que si les juridictions nationales jouent le jeu du contrôle du contrôle de proportionnalité in concreto » 13, même dans les cas où une loi a déjà été déclarée conforme à la Constitution puisque, comme le souligne la Cour, « le contrôle de conformité d’une mesure individuelle à la Convention effectué par le « juge ordinaire » est distinct du contrôle de conformité de la loi à la Constitution effectué par le Conseil constitutionnel : une mesure prise en application d’une loi dont la conformité aux dispositions constitutionnelles protectrices des droits fondamentaux est établie peut être jugée incompatible avec ces mêmes droits tels qu’ils se trouvent garantis par la Convention à raison par exemple de son caractère disproportionné dans les circonstances de la cause » (§ 28). A notre sens cependant, ce serait peut-être aller un peu vite en besogne que d’affirmer que la décision Charron Merle-Motet suggère que le contrôle de conventionnalité in concreto est le seul compatible avec la Convention européenne, d’autant que l’on sait que la Cour, elle-même, déplace de plus en plus son contrôle du concret vers l’abstrait. En un mot, la portée de cette décision d’irrecevabilité focalisée sur le respect de la règle d’épuisement des voies recours internes ne doit pas être exagérée.
A rebours des enseignements de la doctrine dominante qui considèrent que l’exercice d’un tel contrôle concret des effets de la mise en œuvre de la loi est plus ou moins dicté par la Cour européenne des droits de l’homme, l’objet de cette étude est de suggérer une autre hypothèse, sans doute plus provocatrice : et si le Conseil d’Etat et la Cour de cassation avaient surévalué la portée du contrôle concret ? Et si « le contrepoint apporté par la décision Molenat » rendue par le Conseil d’Etat le 28 décembre 2017 (X. Duprè de Boulois, préc.), tant critiquée en doctrine, qui juge qu’aucune « circonstance particulière propre à la situation d’un demandeur ne saurait conduire à regarder la mise en œuvre des dispositions législatives relatives à l’anonymat du don de gamètes, qui ne pouvait conduire qu’au rejet des demandes en litige, comme portant une atteinte excessive aux droits et libertés protégés par [la CEDH] » n’était finalement que l’expression de la logique de « désubjectivisation » 14 à l’œuvre dans le contentieux européen des droits de l’homme ? Il n’est pas sûr que la jurisprudence européenne dictait la solution retenue dans l’affaire Gonzalez Gomez, la Cour n’hésitant plus à relativiser les conséquences concrètes sur le requérant de l’application d’une norme générale sur l’autel d’impératifs objectifs comme la sécurité juridique ou la cohérence du droit 15. Bien que séduisante de prime abord, l’analyse consistant à souligner l’influence « européenne » de la concrétisation du contrôle ne rend cependant que partiellement compte de l’office de la Cour qui est profondément marqué par le « développement d’un contrôle, abstrait et objectif, débordant le cadre strict de la requête individuelle ». Celle-ci fait souvent le choix « de ne plus se focaliser sur une définition casuistique du contrôle de conventionnalité » 16. Ce qui ressort de la jurisprudence récente n’est pas une simple reconnaissance d’un contrôle abstrait qui aurait vocation à rester exceptionnel 17. Il s’agit plus radicalement d’une « évolution structurelle du contentieux européen des droits de l’homme » 18. En dépit de la réitération sacramentelle de l’impossibilité pour les particuliers de se plaindre d’une loi in abstracto, la Cour semble, malgré tout, porter un coup de boutoir à cette règle.
L’idée générale que l’on voudrait donc explorer est que, contrairement à ce que certaines solutions jurisprudentielles auraient pu laisser accroire, l’exercice d’un contrôle concret des effets de la mise en œuvre de la loi n’est pas dicté ipso facto par la Convention européenne des droits de l’homme. Tout bien considéré, en forçant le trait, on pourrait affirmer que la Cour de cassation et le Conseil d’Etat se sont montrés plus « royalistes » que le Roi (ici la Cour EDH). On a beau chercher, on peine à trouver dans la jurisprudence de la Cour européenne un principe qui imposerait aux juges nationaux d’exercer en toutes circonstances et dans tous les domaines un contrôle de conventionnalité in concreto. De surcroît, il est piquant de constater qu’au moment même où le contrôle de conventionnalité interne se concrétise, la tendance à l’objectivisation du contrôle s’accentue dans le cadre de la Convention européenne. Au fil de sa jurisprudence, la Cour a même systématisé le contrôle abstrait. D’où un certain paradoxe, « quand la base juridique de l’ingérence réside dans l’application de mesures générales, la Cour européenne transforme peu à peu son office en déplaçant le curseur de son contrôle (d’un contrôle concret vers un contrôle abstrait), en dénaturant du coup ce qui faisait jusqu’alors le sel de son contrôle de proportionnalité et qui a (justement) poussé la Cour de cassation à lancer une petite révolution… » 19. L’argument selon lequel le respect de la Convention justifie de faire du contrôle concret le centre névralgique du contrôle de conventionnalité paraît essentiellement rhétorique.
Il est, dès lors, possible d’avancer l’hypothèse de la conventionnalité du contrôle juridictionnel interne in abstracto (I) avant de mettre en évidence l’approfondissement du contrôle abstrait au niveau européen, par opposition à la systématisation dont il fait l’objet le contrôle concret au niveau interne (II).
I – La conventionnalité du contrôle abstrait exercé par les juges internes
A priori, il n’y a aucun sens à s’étonner de ce que la démarche de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat soit influencée par la Cour européenne. Nul besoin d’insister sur que le fait que celle-ci statue in concreto pour déterminer si une mesure appliquée in casu au requérant est compatible ou non avec les droits garantis par la Convention : dès 1962 à l’occasion de l’affaire De Becker c. Belgique, la Cour a ainsi affirmé qu’elle ne peut statuer que « sur le cas concret de l’application d’une [norme nationale] à l’égard du requérant et dans la mesure où celui-ci se trouverait, de ce fait, lésé dans l’exercice des droits garantis par la Convention » 20. Elle ne cesse de marteler depuis lors qu’il ne lui appartient pas de se livrer à un contrôle in abstracto. « C’est là le domaine du contrôle de constitutionnalité » 21. Ce rappel en forme d’évidence est nécessaire pour comprendre les interactions entre l’objet du contrôle européen et l’office du juge national dans le cadre du contrôle de conventionnalité (A). Soucieuse d’adapter son contrôle aux situations qui lui sont soumises, la Cour n’est pas arc-boutée sur une défense absolue du contrôle concret, ce qui l’a conduit d’ailleurs à souligner les avantages du contrôle de conventionnalité in abstracto opéré par les juges nationaux (B).
A- Objet du contrôle européen et office du juge national
La nature du recours individuel explique en grande partie l’office concret de la Cour. À partir du moment où l’article 34 de la Convention européenne précise que la Cour peut être saisie par toute personne s’estimant victime d’une violation de la Convention en droit interne, la dimension concrète du contentieux européen des droits de l’homme s’impose avec la force de l’évidence. Contrairement au requérant étatique, l’individu doit se prétendre effectivement lésé par la violation qu’il allègue. Il doit établir l’existence d’un intérêt personnel à agir. Sans que l’on puisse évidemment parler d’un désintérêt de la Cour vis-à-vis de la conventionnalité du droit national 22, c’est sous l’angle de la mesure individuelle d’application d’une loi que la Cour européenne envisage son contrôle. Par conséquent, compte tenu de cette concrétisation du caractère subsidiaire du contrôle européen, la Cour reconnaît que « si sa décision produira (…) fatalement des effets débordant les limites du cas d’espèce, (…) elle ne saurait annuler ou abroger par elle-même les dispositions litigieuses » 23.
Aussi, ce positionnement de la Cour européenne doit être apprécié à la lumière du principe de subsidiarité, principe directeur commun à l’ensemble des traités en matière de protection des droits de l’homme. En ce sens, la règle de l’épuisement des voies de recours internes révèle bien que c’est d’abord le juge interne qui doit se prononcer sur un grief tiré d’une violation de la Convention et éventuellement retenir un constat de violation. Qu’impose alors le principe de subsidiarité s’agissant de l’office du juge national dans le cadre de ce contrôle de conventionnalité ? Le juge conventionnel de droit commun doit-il nécessairement se livrer au même contrôle concret que la Cour ?
Il y a ici deux approches qui peuvent être retenues :
– L’une considérant que « la logique du principe de subsidiarité conduit le juge national à pratiquer un contrôle similaire et à adjoindre au contrôle abstrait de la conventionalité de la règle un contrôle de conventionalité de l’application de cette règle dans un cas particulier » 24.
– L’autre estimant qu’il suffit que le juge national soit en mesure de « de sanctionner si besoin la mesure interne contraire aux droits individuels sur le fondement de la Convention », avec la difficulté que « la fonction du juge [interne] sera (…) tributaire des compétences que lui attribue le droit interne (comme de « sa sensibilité » conventionnelle) » 25.
L’examen de la jurisprudence, si elle ne permet pas de vider cette controverse, révèle que s’il existe bien des arguments en faveur d’un contrôle juridictionnel interne similaire à celui de la Cour, on ne peut pas en déduire une superposition exacte entre l’objet du contrôle européen et l’office du juge national. Ou, pour dire les choses autrement, la logique du principe de subsidiarité n’implique pas toujours que le juge interne exerce un contrôle concret.
a) Arguments en faveur d’un contrôle similaire (essentiellement concret) :
A première vue, la cause semble entendue. La mise en balance des (ou entre) droits conventionnels et des impératifs d’intérêt général, étant inhérente à la Convention européenne, elle ne peut que rejaillir sur l’office du juge national. « Technique avérée de conciliation des droits et libertés » 26, la proportionnalité ne s’exprime pleinement que dans un cas concret et compte tenu de circonstances précises. Or, une parenté intime unit la proportionnalité à la casuistique. En effet, « le contexte de l’espèce offre un cadre adapté afin d’estimer si, dans la situation particulière, une mesure moins contraignante aurait ou non suffi. […] Un contrôle abstrait (…) rend [le test de nécessité] plus difficile à réaliser » 27. La condition « nécessaire dans une société démocratique » énoncée dans la clause d’ordre public exprime d’ailleurs bien la nécessité « de mettre en balance les éléments du cas individuel dont il s’agit » 28. Aussi, la Cour considère-t-elle que, dans le cadre du contrôle de conventionnalité que le juge national est amené à exercer au niveau interne, cet exercice de mise en balance circonstancié ne saurait être éludé et que le contrôle doit prendre en considération les faits de l’espèce, ce qui revient de fait à souligner l’intérêt du contrôle concret. A titre illustratif, il est possible de se référer à l’arrêt Palau-Martinez c. France (16 déc. 2003) dans lequel la Cour juge très sévèrement la décision du juge interne de fonder la fixation de la résidence de l’enfant sur l’orientation religieuse de la mère « en fonction de considérations de caractère général, sans établir de lien entre les conditions de vie des enfants auprès de leur mère et leur intérêt réel ». De même, dans le domaine des conflits de droits, elle sanctionne toute démarche consistant à privilégier systématiquement un droit sur un autre. En témoigne l’arrêt Novaya Gazeta et Milashina c. Russie (3 oct. 2017, n° 45083/06) relatif à une condamnation pour diffamation d’une maison d’édition et d’une journaliste à la suite de la publication de deux articles relatifs au naufrage du sous-marin nucléaire lanceur d’engins russe Koursk. En l’espèce, il fut reproché aux autorités nationales de raisonner comme si « les intérêts relatifs à la protection de « l’honneur et la dignité d’autrui » l’emport(aient) sur la liberté d’expression en toutes circonstances » (§ 69). En somme, il résulterait de la jurisprudence européenne « une sorte d’obligation positive de mettre en œuvre une nouvelle figure du contrôle de proportionnalité, que l’on pourrait nommer le contrôle de proportionnalité privatisée » 29.
Pour autant, il serait naïf de croire que cette obligation s’impose dans tous les domaines. Elle connaît un cantonnement de son champ d’application. La jurisprudence dont il est ici question se rapporte bien souvent à des conflits entre intérêts privés pour lesquels le droit interne ne prévoit déjà nulle hiérarchie. L’obligation de mise en balance vient donc en soutien d’un devoir de conciliation qui est déjà prévu par les droits nationaux.
b) Arguments en faveur d’un contrôle effectif (qu’il soit abstrait ou concret) :
Au regard d’autres arrêts, il nous semble plus risqué d’avancer que l’office du juge national est « identique » à celui de la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, ce qui importe pour la Cour, c’est que le juge national dispose de pouvoirs pour remédier aux violations des droits. Par exemple, la logique du principe de subsidiarité peut conduire à reconnaître aux juges nationaux « la possibilité de trancher les questions de compatibilité du droit interne avec la Convention (Gde. Ch., 29 avr. 2008, Burden c. Royaume-Uni, n°13378/05). Plus encore, dans certains domaines, la Cour n’exige pas des autorités nationales qu’elles procèdent à une mise en balance des intérêts en présence. Ainsi, « en ce qui concerne les requêtes relatives à l’immigration, telles que celle du requérant, [la Cour] se consacre et se limite, dans le respect du principe de subsidiarité, à évaluer l’effectivité des procédures nationales et à s’assurer que ces procédures fonctionnent dans le respect des droits de l’homme » 30. La Cour ne dit mot ici du contrôle de proportionnalité. Que dire enfin de la jurisprudence relative aux droits politiques issus de l’article 3 du protocole n°1. Depuis l’arrêt Zdanoka c. Lettonie, la Cour juge que « l’exigence d’“individualisation“, c’est-à-dire la nécessité d’un contrôle par les autorités judiciaires internes de la proportionnalité de la restriction légale litigieuse à la lumière des particularités de chaque espèce, ne constitue pas une condition préalable à la conformité de cette restriction à la Convention ». On le sait bien, le contrôle de proportionnalité réalisé par le juge est casuistique en ce qu’il porte sur l’application d’une mesure restrictive à un cas individuel. Seules les circonstances de l’espèce vont permettre de dire si la limitation d’un droit est proportionnée ou non. A partir de là, on attend, d’une part, d’une norme limitative d’un droit qu’elle soit individualisée et, d’autre part, que le contrôle du juge porte sur cette exigence d’individualisation. Or, avec cette jurisprudence, la Cour permet aux juges nationaux de ne pas exercer un contrôle de conventionnalité in concreto 31, notamment lorsqu’ils ne peuvent pas user de leur pouvoir d’appréciation. Leur analyse in abstracto de la législation est reprise par la Cour. Alors certes, l’on pourrait nous objecter qu’il ne s’agit ici que de solutions d’espèce ne remettant nullement en cause le principe selon lequel la Convention européenne dicte bien l’exercice d’un contrôle concret pour garantir l’effectivité des droits. L’un des traits caractéristiques de cette jurisprudence est le pragmatisme de la Cour. Mais, d’un autre côté, les arrêts validant l’exercice d’un contrôle abstrait se multiplient.
Dans ces conditions, il nous paraît difficile de soutenir que la Cour européenne impose au juge national de pratiquer systématiquement un contrôle de conventionnalité de l’application de la norme au regard des circonstances de l’espèce. Cette analyse est corroborée par le fait que l’article 13 de la Convention ne va pas jusqu’à exiger une forme particulière de recours et que l’organisation des voies de recours internes relève de la marge d’appréciation des Etats, formule faisant écho au principe de l’autonomie institutionnelle et procédurale des Etats en droit de l’Union européenne 32. S’il est des domaines où seule une voie de recours permettant un contrôle concret constitue un recours effectif, il n’en va pas toujours ainsi. Pour preuve, la Cour n’hésite pas à souligner les vertus d’un contrôle in abstracto.
B- Les avantages du contrôle de conventionnalité in abstracto
Disons-le clairement : l’exercice par les juges nationaux d’un contrôle de conventionnalité abstrait, de norme à norme, n’est pas jugé contraire en soi à la Convention européenne 33. Lorsque la Cour est confrontée à des affaires dans lesquelles les juges nationaux se sont contentés d’exercer un contrôle abstrait sur la disposition législative litigieuse, elle ne cherche pas à discréditer un tel contrôle, loin s’en faut. C’est ce dont témoigne l’hypothèse où la disposition législative litigieuse place les autorités d’application (voire même les juges) dans une situation de compétence liée. L’un des exemples emblématiques est sans conteste l’arrêt Evans c. Royaume–Uni qui juge, à propos d’une loi britannique autorisant sans exception les participants à un traitement par FIV à revenir sur leur consentement à l’utilisation des gamètes prélevés, qu’elle « vise à promouvoir la sécurité juridique et à éviter les problèmes d’arbitraire et d’incohérence inhérents à la mise en balance, au cas par cas, de ce que la Cour d’appel a décrit comme étant des intérêts “parfaitement incommensurables“ » 34. Or, la requérante dénonçait en l’espèce les dispositions de la loi britannique ayant permis à son compagnon de rétracter son consentement. A ses yeux en effet, le problème central était de savoir si, au regard des circonstances concrètes de l’affaire, le refus de l’Etat de la laisser se faire implanter les embryons conçus à partir de ses ovules et du sperme de son compagnon est nécessaire et proportionné. La Cour, comme les juges nationaux, n’entre pas dans une analyse in concreto. Il lui suffit de relever les avantages du cadre juridique reposant sur des règles claires et intangibles, à savoir la sécurité juridique et la cohérence du droit. Procédant à une théorie du bilan, elle donne même l’impression de stigmatiser les dangers d’une proportionnalité concrète qui déboucherait sur un risque d’arbitraire. Le contrôle abstrait exercé par les juges nationaux est donc pleinement compatible avec la Convention. En l’espèce, la Cour va conclure à une non-violation de l’article 8 de la Convention en suivant une argumentation très vivement critiquée par les juges dissidents : « si les effets de la législation sont tels que d’une part ils donnent à une femme le droit de décider d’avoir un enfant de son sang mais que d’autre part ils la privent de toute possibilité de se retrouver en position de faire ce choix, ils font supporter à l’intéressée une charge morale et physique d’après nous disproportionnée qui ne peut guère être compatible avec l’article 8 et avec les buts mêmes de la Convention, qui sont de protéger la dignité et l’autonomie humaines ».
Dans une affaire Hristozov et autres c. Bulgarie (13 nov. 2012, n° 47039/11) qui concernait des patients en phase terminale se plaignant du refus des autorités de les laisser accéder à un produit anticancéreux expérimental mis à leur disposition par une entreprise canadienne, la Cour va même plus loin en énonçant, dans une formule qui a été, à notre sens, trop peu remarquée, que la critique selon laquelle la réglementation en vigueur (qui énonçait une interdiction générale) n’aurait pas suffisamment permis de tenir compte des circonstances individuelles « n’est pas nécessairement incompatible avec l’article 8 ». Quid alors de la mise en balance des intérêts concurrents ? L’exigence d’individualisation de la norme est jugée nocive par la Cour. Dans le même ordre d’idées, confrontée à la question de savoir si l’impossibilité faite à un ressortissant britannique, résidant en Italie depuis 1982 de voter aux élections législatives est contraire au droit de vote garanti à l’article 3 du Protocole 1, elle prête une importance particulière aux lourdes charges qui pourraient peser sur les autorités si elles devaient contrôler, dans chaque cas, que l’intéressé a des liens suffisamment étroits avec le pays. Soulignant les vertus d’une règle générale et intangible plus respectueuse de la sécurité juridique, le juge européen conclut logiquement à la non-violation de l’article 3 du Protocole 1. A contrario, le contrôle concret est source de difficultés, comment « savoir quand l’interdiction s’applique et quand elle ne s’applique pas » 35.
Une autre illustration est fournie par l’arrêt Almeida Ferreira et Melo Ferreira c. Portugal, où était en en cause l’application automatique de l’exception au droit du propriétaire de résilier le bail prévue par la loi portugaise. Là encore, la solution retenue n’a pas débouché sur une solution heureuse pour le requérant. La Cour y juge en termes très clairs qu’il « est vrai que la limitation en cause est appliquée de manière automatique, les juridictions saisies ne pouvant pas peser les intérêts respectifs du propriétaire et du locataire. La Cour estime cependant que le caractère absolu d’une loi n’est pas, en soi, incompatible avec la Convention, même si des situations assimilables à une présomption irréfragable doivent demeurer exceptionnelles. De telles règles absolues visent d’abord, de toute évidence, à promouvoir la sécurité juridique et à éviter les incohérences dans un domaine sensible comme celui du logement » 36. Si un contrôle de proportionnalité n’a pas été mené, c’est qu’il est considéré comme problématique et même dangereux.
De fait, il semble qu’au-delà de la situation factuelle de l’espèce, la Cour prête une considération croissante à l’origine de l’ingérence. Lorsque la norme nationale laisse une faible marge d’appréciation aux autorités d’application, il lui est difficile de ne pas faire sienne l’approche abstraite et objective des autorités nationales. C’est ainsi qu’il faut comprendre la Cour lorsqu’elle énonce dans l’arrêt Animal Defenders c. Royaume-Uni « que plus les justifications d’ordre général invoquées à l’appui de la mesure générale sont convaincantes, moins la Cour attache de l’importance à l’impact de cette mesure dans le cas particulier soumis à son examen » 37. Par cet énoncé de principe, le juge reconnaît sans ambiguïtés que le contrôle abstrait s’opère au détriment d’une appréciation individuelle et concrète de la situation soumise à la Cour.
Dans ces conditions, on peine à comprendre l’argument du risque de condamnation par la Cour afin de justifier la nouvelle méthodologie empruntée par le Conseil d’Etat dans l’affaire Gonzalez Gomez. En ayant à l’esprit cette jurisprudence européenne, il n’était pas du tout acquis que la Cour aurait condamné le principe d’une interdiction de l’insémination post-mortem. Le Conseil d’Etat a-t-il fait preuve d’un zèle excessif ? A l’évidence, la Convention européenne n’en demandait pas tant, en ce qu’elle n’imposait pas dans le cas d’espèce l’exercice d’un contrôle in concreto des effets de l’application de la loi sur la situation individuelle de la requérante. Mais à l’heure où le principe de subsidiarité connaît un succès grandissant, il n’est pas sans importance de rappeler que la Convention européenne ne constituant qu’un standard minimum de protection des droits et libertés, les Etats peuvent la dépasser. Reste que le Conseil d’Etat semble avoir été effrayé par sa propre audace, en jugeant dans l’affaire Molenat qu’aucune « circonstance particulière propre à la situation d’un demandeur ne saurait conduire à regarder la mise en œuvre des dispositions législatives relatives à l’anonymat du don de gamètes, qui ne pouvait conduire qu’au rejet des demandes en litige, comme portant une atteinte excessive aux droits et libertés protégés par [la CEDH] ». Le juge semble écarter ici tout contrôle in concreto sur cette question. D’aucuns ont émis des doutes sur la conventionnalité de cette solution en misant sur une condamnation de la France dans une affaire mettant en cause le refus opposé à une personne née d’une insémination de transmettre des informations sur le donneur de gamètes dont il est issu, en raison de l’absence de prise en considération de la situation concrète du requérant qui l’aurait saisie 38. Pour ce faire, a été mise en exergue la solution de l’arrêt Godelli c. Italie (25 sept. 2012, n° 33783/09), dans laquelle la Cour européenne a condamné l’Italie pour violation de l’article 8, en raison du caractère absolu du principe de l’anonymat. La législation française sur l’anonymat du don de gamètes, par son caractère absolu, connaîtra-t-elle le même sort ? Rien n’est moins sûr. La question jugée dans l’affaire Godelli, relative à l’accouchement anonyme, était différente. Surtout, depuis 2012, la Cour se montre plus respectueuse du principe de subsidiarité et le contrôle abstrait qui n’était qu’un épiphénomène s’est banalisé dans sa jurisprudence. La prise en compte des finalités poursuivies par le législateur français sera un élément important du contrôle de la Cour.
Au bout du compte, l’objet concret du contentieux européen des droits de l’homme ne discrédite pas le contrôle de conventionnalité abstrait exercé par les juges internes. D’autant que ce contrôle connaît un regain d’intérêt dans la jurisprudence européenne, au moment même où les jurisprudences de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat valorisent le contrôle de conventionnalité in concreto…
II – L’approfondissement du contrôle abstrait au niveau européen
Il faut en convenir, le contrôle in abstracto n’est plus une exception dans la jurisprudence européenne. On assiste à sa banalisation. Et à y regarder de plus près, il est même possible de relever une systématisation du contrôle abstrait (A). Se pose dès lors la question de son articulation avec le contrôle concret (B). Sur ces deux points, les différences avec le contrôle de conventionnalité interne sont aisément perceptibles.
A- La systématisation du contrôle abstrait
Force est de constater que, dans le système européen, l’exercice d’un contrôle in abstracto de la norme nationale a longtemps été rattaché à l’élargissement de la notion de victime, en particulier à la notion de victime potentielle. L’originalité de ce type de situations est qu’elle permet « à un individu d’agir contre une règle de droit qui ne lui a pas été appliquée » 39 et dont il risque de subir les effets. C’est ainsi que dans l’arrêt Klass c. Allemagne, « la Cour accepte (…) qu’un individu puisse, sous certaines conditions, se prétendre victime d’une violation entraînée par la simple existence de mesures secrètes ou d’une législation en permettant, sans avoir besoin d’avancer qu’on les lui a réellement appliquées » 40. Le récent arrêt Roman Zakharov c. Russie relatif à la législation russe autorisant l’interception secrète de communication de téléphonie mobile précise d’ailleurs les conditions « dans lesquelles un requérant peut se prétendre victime d’une violation de l’article 8 sans avoir à démontrer que des mesures de surveillance secrète lui ont bien été appliquées, de manière à permettre l’adoption d’une approche uniforme et prévisible ». Il lui faut rechercher si le requérant peut éventuellement être touché par la législation litigieuse et si le droit national comporte des recours effectifs. Mais dans ce type d’hypothèses, le contrôle abstrait est envisagé comme une exception : « un contrôle accru par la Cour s’avère donc nécessaire et il se justifie de déroger à la règle selon laquelle les particuliers n’ont pas le droit de se plaindre d’une loi in abstracto ».
La jurisprudence récente tend néanmoins à montrer que le contrôle abstrait du droit national a été déconnecté de ces hypothèses particulières mettant en cause des victimes potentielles. S’il convient d’admettre que chaque arrêt doit être contextualisé, il appert de la jurisprudence que le contrôle abstrait est surtout privilégié lorsque l’atteinte alléguée aux droits garantis est directement imputable à une norme générale. Dans ce cas, le juge va se désintéresser de l’application de la norme au cas individuel du requérant. Les illustrations sont multiples 41 et permettent de mesurer la logique tentaculaire de ce contrôle. Le contrôle abstrait va même jusqu’à porter sur une disposition constitutionnelle 42. Autre exemple significatif, le contrôle abstrait peut porter sur une pratique administrative. L’arrêt Dickson c. Royaume-Uni, dans lequel était en cause la pratique administrative ministérielle de l’accès à l’insémination artificielle au profit des détenus condamnés, en constitue une bonne illustration 43. Surtout, ce qui est remarquable, c’est que ce contrôle s’étend même aux discussions législatives qui ont précédé l’adoption d’un texte. Au point même qu’on a pu évoquer « une obligation de « bonne tenue » du débat législatif » 44. Qu’on en juge. Ayant eu à se prononcer dans l’arrêt Animal Defender c. Royaume-Uni (préc.) sur la conventionnalité de l’interdiction générale posée par la législation britannique, de toute publicité politique payante à la télévision et à la radio, le juge européen relève ainsi qu’à « tous les stades ultérieurs de l’examen pré-législatif, l’impact de [cette interdiction] sur la compatibilité de l’interdiction avec la Convention a été examiné de manière approfondie » et que cette interdiction est « l’aboutissement d’un examen exceptionnel, effectué par les organes parlementaires, de tous les aspects culturels, politiques et juridiques de cette mesure ». Révélatrice d’un enrichissement du contrôle abstrait qui porte sur les modalités d’élaboration de la loi 45, la jurisprudence européenne démontre que ce contrôle intervient souvent pour conforter la marge nationale des Etats sur des questions sensibles. L’idée étant que si la Cour juge aux termes de ce contrôle que la loi a pris en compte les différents intérêts en présence, elle ne s’engagera pas ou peu sur le terrain de la proportionnalité concrète. Aussi, même en présence d’un droit interdisant de manière absolue le don d’embryons à des fins de recherche scientifique, le juge européen se contente d’affirmer que « lors du processus d’élaboration de la loi litigieuse, le législateur avait déjà tenu compte des différents intérêts ici en cause, notamment celui de l’État à protéger l’embryon et celui des personnes concernées à exercer leur droit à l’autodétermination individuelle sous la forme d’un don de leurs embryons à la recherche » 47Gde ch., 27 juin 2017, n° 931/13" id="return-note-7072-46" href="#note-7072-46">46. L’appréhension de ces éléments relatifs aux choix adoptés par le législateur et aux arguments pris en considération par le législateur devient systématique 48. Or, semblable posture appelle inévitablement la question de la légitimité de la Cour pour évaluer directement la qualité du débat démocratique à l’origine d’une législation nationale. Il est vrai qu’elle n’est pas la mieux placée pour réaliser un contrôle dont l’objet est d’évaluer et de « corriger l’inaccomplissement démocratique » 49.
Du reste, la motivation de l’arrêt Animal Defenders International témoigne d’une systématisation du contrôle de proportionnalité en fonction de l’origine de l’ingérence. Le caractère abstrait du contrôle est alors porté à son acmé. En ce sens, pour la première fois, la Cour affirme « que plus les justifications d’ordre général invoquées à l’appui de la mesure générale sont convaincantes, moins la Cour attache de l’importance à l’impact de cette mesure dans le cas particulier soumis à son examen ». Ce faisant, elle donne l’impression de faire preuve de davantage de « tolérance » à l’égard des atteintes résultant d’une mesure générale. La contextualisation ici laisse place à la généralité de la norme et à un contrôle restreint de proportionnalité. L’arrêt a déclenché une salve de critiques des juges dissidents dénonçant une dérive problématique du contrôle européen : « il ne peut y avoir deux poids et deux mesures, en matière de protection des droits de l’homme, selon l’« origine » de l’ingérence. Pour un droit fondamental, et de ce fait pour la Cour, peu importe que l’atteinte au droit tire son origine de la législation ou d’un acte ou d’une omission judiciaire ou administratif ». Tournant résolument le dos au contrôle concret, cette approche implique, que sur les questions les plus sensibles, la Cour reste en retrait en contrôlant uniquement les garanties procédurales offertes par le droit interne. Avec cette tendance à la procéduralisation des droits, la question posée n’est plus de savoir si les droits subjectifs du requérant ont été méconnus mais si « la décision [litigieuse] a été adoptée selon un processus décisionnel de qualité » 50.
Ces exemples conduisent à se demander si le contrôle abstrait s’opère toujours au détriment des droits subjectifs. On peut certes observer que l’exercice de contrôle abstrait va de pair avec une valorisation de la subsidiarité mais il n’en va pas toujours ainsi. L’utilisation du contrôle in abstracto dans une fonction de renforcement de l’effectivité des droits ne doit pas être écartée, comme l’illustre le contentieux sur le terrain du droit à la vie 51 et du principe de non-discrimination 52. Relativement à cette fonction du contrôle abstrait, l’on peut également mentionner la question de l’exécution des arrêts avec la procédure de l’arrêt pilote.
Cette systématisation du contrôle abstrait interroge quant à son articulation avec le contrôle concret. Il faut, en effet, déterminer si les relations qu’entretiennent ces deux formes de contrôle s’envisagent dans une logique de concurrence ou de complémentarité 53.
B- Quelle articulation des contrôles ?
Dans sa décision Gonzalez Gomez, le Conseil envisage l’articulation entre les deux étages du contrôle de conventionnalité de la manière suivante : saisi d’un moyen d’inconventionnalité, le juge du référé-liberté ne doit pas s’en tenir à un contrôle abstrait des dispositions législatives au regard des engagements internationaux, étant précisé qu’il n’est pas fait référence ici au critère de la « méconnaissance manifeste » qui commande normalement le contrôle du juge du référé-liberté. Il doit également s’assurer que l’atteinte à une liberté fondamentale ne résulte pas de la mise en œuvre de ces dispositions. Bref, il lui appartient « d’apprécier concrètement si, au regard des finalités des dispositions législatives en cause, l’atteinte aux droits et libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en œuvre de dispositions, par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n’est pas excessive ». Autant dire que l’inconventionnalité d’une disposition législative peut procéder soit d’une démarche abstraite, soit d’une démarche concrète prenant en considération les circonstances particulières de l’espèce. Le contrôle concret n’intervient dès lors que si la disposition législative a été déclarée conventionnelle in abstracto. De même, dans la jurisprudence de la Cour de cassation, on constate que le contrôle concret intervient après qu’une disposition législative ait été jugée conventionnelle dans l’abstrait. Se dévoilent alors les trois figures principales du contrôle de conventionnalité : « Certains arrêts (…) procèdent exclusivement à un contrôle de conventionnalité d’un texte interne au regard du droit conventionnel (contrôle in abstracto), les autres (…) exclusivement à un contrôle de l’application qui a été faite d’un texte au cas d’espèce (contrôle in concreto). Trois arrêts rendus par la première chambre civile (…), non inclus dans les calculs précités, effectuent les deux types de contrôle » 54. En revanche, il ressort des décisions Gonzalez Gomez et Molenat que le contrôle in concreto suit nécessairement le contrôle in abstracto. En réalité, comme le soulignait N. Boulouis dans ses conclusions sous l’arrêt Commune de Palavas, tout est fonction des situations examinées 55.
Si l’on esquisse un parallèle avec la jurisprudence de la Cour européenne, on peut constater que l’articulation entre les deux formes de contrôle ne répond pas toujours au même mode d’emploi. Le contrôle in concreto semble « secondaire » dans la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat. Pour la Cour européenne, la démarche suivie est la suivante : soit la Cour en vient directement au contrôle in concreto, soit elle examine le cadre législatif en tant que tel, puis elle se penche sur son application au cas d’espèce. Mais, de plus en plus, les deux contrôles se chevauchent, voire même se neutralisent.
i) Contrôle abstrait puis éventuellement concret :
Dans le cadre de l’article 2 de la Convention, la Cour ne se prononce classiquement que sur des cas précis d’utilisation de la violence publique meurtrière. Le contrôle porte notamment sur la manière dont a été préparé et organisé le recours à la force. A quoi s’ajoute, depuis l’arrêt Makaratzis 56, un contrôle abstrait du « cadre juridique et administratif » interne. Coexistent dès lors dans le cadre d’une même disposition deux logiques distinctes mais dont l’articulation est finalement révélatrice d’une certaine complémentarité.
En bonne logique, le juge européen se polarise d’abord sur le contrôle abstrait. De deux choses l’une : soit la législation applicable est jugée suffisamment claire et précise pour éviter tout abus de la force et la Cour poursuit son contrôle sur le terrain de la proportionnalité concrète ; soit la législation est jugée défaillante et le constat de violation devient quasi inévitable. La première hypothèse peut être illustrée par l’arrêt Guerdner c. France 57. Etait en cause, dans cette affaire, la mort d’un gardé à vue, tué par un gendarme lors de sa tentative d’évasion. Dans un premier temps, la Cour se livre à un contrôle in abstracto pour vérifier si l’article L. 2338-3 du Code de la défense, qui énumère les situations dans lesquelles les gendarmes peuvent faire usage des armes à feu, offre « un système de garanties adéquates et effectives contre l’arbitraire et l’abus de la force ». A cette fin, elle prend en considération d’autres textes, des circulaires principalement, visant expressément l’article 2 de la Convention, le critère de l’absolue nécessité ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation énonçant que « le recours à la force pour effectuer une arrestation régulière n’est possible qu’à condition qu’il est absolument nécessaire » 58. Elle considère in fine que le droit français répond aux exigences conventionnelles. C’est dire, en d’autres termes, que la norme nationale est appréciée à l’aune de son interprétation par le juge. Poursuivant, dans un second temps, son contrôle sur le terrain de la proportionnalité concrète, la Cour parvient à une solution différente. Au regard des circonstances de l’espèce, la force utilisée contre M. Guerdner est jugée manifestement excessive.
S’agissant de la seconde hypothèse, à savoir l’inadéquation de la législation qui emporte en soi un constat de violation, il est possible d’évoquer l’arrêt Saoud c. France 59 dans lequel le constat de violation de l’article 2 s’appuie sur la défaillance de la réglementation interne relative à l’emploi de la technique de « decubitus ventral » (qui consiste à menotter les bras de la personne arrêtée en la maintenant plaqué au sol sur le ventre). Dans plusieurs arrêts rendus contre la Turquie, la Cour a également stigmatisé l’absence de « disposition spécifique réglementant l’utilisation [des grenades lacrymogènes] pendant les manifestations et [de] directive concernant leur mode d’emploi » 60.
ii) Chevauchement contrôle abstrait et concret :
Il advient que le contrôle abstrait de la législation nationale soit regardé comme un élément du contrôle de proportionnalité concret. Le comportement « inconsidéré » des agents de l’Etat s’explique souvent par l’absence de règles claires relatives à l’utilisation des armes à feu. D’ailleurs, par souci de pédagogie, la Cour peut juger utile de poursuivre son raisonnement sur le terrain du contrôle concret après avoir pointé du doigt un cadre normatif insuffisant 61.
iii) Contrôle abstrait sans contrôle concret :
L’examen du seul droit national en cause sans appréciation individualisée de la violation alléguée est courante (CEDH, 3 juin 2010, Dimitras et autres c/ Grèce, no 42837/06). L’exercice du seul contrôle abstrait est même assumé par la Cour. De nombreuses solutions peuvent être rattachées à cette hypothèse. Ainsi, la Cour affirme-t-elle dans l’affaire Carson et autres c. Royaume-Uni (CEDH 16 mars 2010, n° 42184/05), qu’elle « est appelée à se prononcer sur une question de principe, celle de savoir si, en tant que telle, la législation incriminée opère une discrimination illicite entre les personnes se trouvant dans une situation analogue ». Une telle démarche se retrouve dans les arrêts Konstantin Markin c. Russie et Vallianatos c. Grèce (préc.), également rendus sur le terrain de l’article 14.
Dans ce cas de figure, le contrôle abstrait se substitue au contrôle concret. Se prononçant dans l’affaire Garib c. Pays-Bas 62 sur une loi conditionnant l’emménagement dans un nouveau logement à l’obtention d’une autorisation de résidence, la Grande chambre estime que « la question centrale s’agissant de telles mesures n’est pas de savoir s’il aurait fallu adopter des règles moins restrictives, ni même de savoir si l’Etat peut prouver que sans l’interdiction, l’objectif légitime visé ne pourrait être atteint. Il s’agit plutôt de déterminer si, lorsqu’il a adopté la mesure générale litigieuse et arbitré entre les intérêts en présence, le législateur a agi dans le cadre de sa marge d’appréciation ». De cette façon, le juge évite de se prononcer sur l’application concrète de cette législation à la situation spécifique de la requérante. Ainsi que l’écrit le Professeur Burgorgue-Larsen, « il ressort très clairement que le contrôle in abstracto de la loi l’emporta sur l’approche in concreto relative aux effets de celle-ci » 63. Ce qui conduit in fine à mettre en évidence un « phénomène paradoxal » : la promotion du contrôle abstrait se manifeste dans une période où la Cour de cassation, et à un degré moindre, le Conseil d’Etat valorisent au contraire le contrôle concret.
Cette tendance de la Cour à s’en tenir à une appréciation générale et abstraite de la situation encourt la critique car elle revient à dénaturer la lettre et l’esprit même de son office. Bien qu’à la mode, cette pratique n’en suscite donc pas moins beaucoup d’interrogations et de critiques au sein même de la Cour. On ne compte les opinions dissidentes dénonçant la marginalisation du contrôle concret. L’opinion du juge Villiger sous l’arrêt Vinter e.a. c. Royaume-Uni (9 juill. 2013, sur les peines de perpétuité réelle) nous en offre une éclatante illustration : « l’arrêt se livre à une appréciation abstraite et ne procède à aucun examen concret de la situation de chaque requérant à la date où elle connaît des faits » ; « cette application générale et abstraite de l’article 3 en l’espèce ne cadre guère, à mes yeux, avec le principe de subsidiarité qui est à la base de la Convention, surtout lorsque, comme l’arrêt le reconnaît lui-même, les questions relatives au caractère juste et proportionné de la peine donnent matière à des débats rationnels et à des désaccords courtois » 64.
En guise de conclusion, que dire si ce n’est que les enjeux liés aux évolutions du contrôle de conventionnalité ne se posent pas dans les mêmes termes en France et au niveau européen. En France, la concrétisation du contrôle de conventionnalité déclencha une déferlante doctrinale impressionnante plutôt critique (insécurité juridique, jugement en équité, gouvernement des juges …) alors que, dans le même temps, les critiques se focalisent au niveau européen sur la marginalisation du contrôle concret au profit d’un contrôle abstrait qui ne cesse de prendre de l’importance. Sans doute, un tel constat doit-il être replacé dans un contexte marqué (depuis 2013) par une valorisation du principe de subsidiarité synonyme de retenue judiciaire. Un tel décalage nous conforte dans l’idée que la concrétisation du contrôle de conventionnalité procède plutôt d’une démarche volontariste des juges français alimentée par des enjeux de pouvoirs très marqués dans le domaine des droits et libertés. Bref, il s’agit surtout de reprendre la main sur le contrôle a posteriori de la loi au regard des droits et libertés. En 2014, le Professeur Wachsmann écrivait que l’intérêt du contrôle concret était de « permettre [aux juges nationaux] d’intégrer aussitôt, pour les appliquer à l’espèce, les éventuelles évolutions jurisprudentielles de la Cour européenne des droits de l’homme » 65. Pour ce qui est des évolutions récentes que connaît le contrôle de conventionnalité, on préférera plutôt dire qu’elle leur permet également d’aller au-delà du standard conventionnel. N’est-ce pas là finalement l’expression de la logique subsidiaire de la Convention… Il n’en demeure pas moins que ces quelques lignes auront montré que la question de l’objet du contrôle européen est loin d’être épuisée. La systématisation du contrôle autour du principe du contrôle concret et de l’exception le contrôle abstrait, qui a d’ailleurs servi de modèle de référence aux juges nationaux, ne nous semble plus correspondre à la réalité du prétoire. Il convient de déconstruire ce schéma et de proposer d’autres grilles de lecture prenant en considération la logique tentaculaire du contrôle abstrait…
Notes:
- Déjà en 1991, cet argument était mis en exergue par R. Abraham dans ses conclusions sous les arrêts Babas et Belgacem : « D’un point de vue général, nous dirons que, si rien ne vous oblige en droit à adhérer aux constructions jurisprudentielles de la Cour européenne, il importe, dès lors que la France a reconnu le droit de recours individuel devant les organes de Strasbourg, que le juge national que vous êtes ne s’en tienne pas à l’exercice d’un contrôle moindre que celui du juge européen, sur des questions analogues », RFDA, 1991, p. 497 ↩
- voy. notamment l’analyse développée par J. Bonnet et A. Roblot-Troizier, « La concrétisation des contrôles de la loi », RFDA, 2018, p. 821 ↩
- Ass., 31 mai 2016 n° 396848 ↩
- RFDA 2016 p.740 ; Adde L. Louis Dutheillet de Lamothe, G. Odinet, « Contrôle de conventionnalité : in concreto veritas ? », AJDA, 2016, p. 1399 : « la Cour européenne des droits de l’homme, dont la jurisprudence est en grande partie à l’origine de la solution » ↩
- B. Louvel, « Pour exercer pleinement son office de Cour suprême, la Cour de cassation doit adapter ses modes de contrôle », JCP G 2015, n° 43, 1122 ↩
- X. Duprè de Boulois, « Contrôle de conventionnalité in concreto : à quoi joue le Conseil d’Etat ? », RDLF, 2018, chron. n° 4 ↩
- P. Deumier, « Contrôle concret de conventionnalité : l’esprit et la méthode », RTD Civ. 2016 p. 579 ↩
- P. Chauvin, « La question de la proportionnalité dans la pratique jurisprudentielle – L’exemple français », intervention lors du séminaire France-Israël, 7/9 novembre 2016 ↩
- Avec ses arrêts Babas et Belgacem du 19 avril 1991, le Conseil d’Etat s’était engagé dans la voie du contrôle de conventionnalité in concreto de la loi, en opérant une distinction contrôle abstrait/concret en matière de contrôle de mesures d’éloignement des étrangers. Le juge administratif pouvait juger qu’une mesure d’éloignement, prise en application d’une loi conventionnelle, porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention. Dans le sens d’un double contrôle, il est possible de se référer également au contentieux des lois de validation législative CE, 10 novembre 2010, Commune de Palavas Les Flots et de Lattes, n° 314449 et 314580. C’est la raison pour laquelle la thèse du changement doit être nuancée (voir M. Guyomar, « Contrôle in concreto : beaucoup de bruit pour rien de nouveau », Mélanges en l’honneur du Professeur Frédéric Sudre. Les droits de l’homme à la croisée des droits, Lexisnexis, 2018, p. 323). La Cour de cassation était peut-être moins familière de ce contrôle, quoique certains contentieux – on songe aux conflits de droits – lui permettaient de donner une coloration concrète à son contrôle de conventionnalité : Cass. 1re civ., 9 juill. 2003, n° 00-20.289, SA Figaro et al. c/ V ↩
- « la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs » ↩
- voir en ce sens les obs. critiques du Professeur Ducoulombier sur le rapport de la Commission de réflexion sur la réforme de la Cour de cassation (2017) « Contrôle de conventionnalité et Cour de cassation : de la méthode avant toute chose », Rec. Dalloz 2017 p. 1778 ↩
- 16 janvier 2018, n° 22612/15, obs. T. Larrouturou, Constitutions, 2018, p. 74 ; H. Fulchrion, Dalloz, 2018, p. 649 ↩
- J.-P. Marguénaud, « Le refus de la procréation médicalement assistée à un couple d’homosexuelles mariées ou la subsidiarité otage de la proportionnalité », RTD Civ. 2018 p. 349. ↩
- F. Krenc, « “Dire le droit“ “Rendre la justice“. Quelle Cour européenne des droits de l’homme ? », RTDH, 2018, p. 338 : terme qui désigne ici « la mise en retrait du cas individuel au profit d’un contrôle plus abstrait et, en même temps, plus large du droit interne » ↩
- Voir nos deux études « L’identification d’une tendance récente à l’objectivisation du contentieux dans le contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme », RDP, 2015/5, p. 1355 ; « L’objectivisation du contrôle », in. S. Touzé, J. Andriantsimbazovina, L. Burgorgue-Larsen (dir.), La protection des droits de l’homme par les Cours supranationales, Pedone, 2016, p. 100 ↩
- S. Touzé, « Intérêt de la victime et ordre public européen », in J. Arlettaz et J. Bonnet (dir.), L’objectivisation du contentieux des droits et libertés – Du juge des droits au juge du droit ?, Pedone, 2015, p. 67 ↩
- Contra., L. Louis Dutheillet de Lamothe, G. Odinet, préc. ↩
- Ce constat était déjà formulé en 2010 par le Professeur J.-F. Flauss, « Actualité de la CEDH », AJDA 2010 p.2362 ↩
- L. Burgorgue-Larsen, « Actualité de la CEDH », AJDA, 2018, p. 160 ↩
- 27 mars 1962, De Becker c. Belgique, § 14, A/4 ; également, 21 février 1975, Golder c. Royaume-Uni, § 39, A/18 ↩
- Opinion dissidente commune aux juges Sajo, Kuris et Vucinic sous l’arrêt Biao c. Danemark du 25 mars 2014. Adde Gde, ch., 15 oct. 2015, Perinçek c. Suisse, n° 27510/08, § 225 : « À l’inverse des juridictions constitutionnelles [qui doivent] examiner dans l’abstrait les dispositions législative (…), la Cour, dans une affaire qui tire son origine d’une requête individuelle, est tenue par les faits de la cause » ↩
- Il est parfois inévitable que la Cour contrôle la conventionnalité du droit national. Tel est le cas lorsque la norme nationale litigieuse laisse une faible marge d’appréciation aux autorités d’application, voir l’opinion individuelle du juge Bratza sous l’arrêt Animal Defenders International c. Royaume-Uni du 22 avril 2013, n° 48876/08 : « La réponse à la question de la compatibilité ne peut alors être donnée en fonction de la situation particulière du requérant visé par la disposition de loi en cause » ↩
- 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, § 58, GACEDH, n° 51 ↩
- F. Sudre, « Le contrôle de proportionnalité de la Cour européenne des droits de l’homme. De quoi est-il question ? », JCP G, 2017, doctr. 289 ↩
- S. Touzé, « La complémentarité procédurale de la garantie conventionnelle », in F. Sudre (dir.), Le principe de subsidiarité au sens du droit de la Convention européenne des droits de l’homme, Anthemis, 2014, p. 66 ; « Pour une lecture « anzilottienne » de la Convention européenne des droits de l’homme. A travers la subsidiarité, un dualisme oublié ? », Droits, 2012, p. 255 ↩
- D. Symczak, « Le principe de proportionnalité comme technique de conciliation des droits et libertés en droit européen », in L. Potvin-Solis (dir.), La conciliation des droits et libertés dans les ordres juridiques européens, Bruylant, 2012, p. 445 ↩
- E. Dubout, L’efficacité structurelle de la question prioritaire de constitutionnalité en question, RDP, 2013/1, p. 130 ↩
- Opinion concordante du juge Martens sous l’arrêt Manoussakis c. Grèce du 26 sept. 1996 ↩
- Ph. Jestaz, J.-P. Marguénaud, Chr. Jamin, « Révolution tranquille à la Cour de cassation », 2014, p. 2061 ↩
- Gde Ch., 13 déc. 2012, De Souza Ribeiro c. France, n° 22689/07- § 84 ; voir également Gde ch., 21 janv. 2011, M.S.S. c. Grèce et Belgique, n° 30696/09, § 298 ↩
- Gde. Ch., 16 mars 2006, Zdanoka c. Lettonie, GACEDH, n° 65 ↩
- De manière plus générale, « aucun texte ni aucun principe de droit national n’exige l’établissement d’un moyen spécifique pour protéger les droits fondamentaux garantis par le droit international et le droit européen », J. Andriantsimbazovina, « L’enrichissement mutuel de la protection des droits fondamentaux au niveau européen et au niveau national. Vers un contrôle de fondamentalité ? », RFDA 2002. p. 133 ↩
- On doit rappeler qu’en France le contrôle de conventionnalité a d’abord été un contrôle abstrait de validité de loi (CE, 21 déc. 1990, n° 105743, Confédération nationale des associations familiales catholiques, Rec. 368 ↩
- Gde. Ch., 10 avr. 2007, Evans c. Royaume-Uni, n° 6339/05 ↩
- L. Louis Dutheillet de Lamothe, Guillaume Odinet, préc. ↩
- Adde CEDH, 21 déc. 2010, Almeida Ferreira et Melo Ferreira c. Portugal, § 33, n° 41696/07 ↩
- gde. Ch, 22 avr. 2013, Animal Defenders International c. Royaume-Uni, n° 48876/08 ↩
- X. Duprè de Boulois, « Contrôle de conventionnalité in concreto : a quoi joue le Conseil d’Etat ? », préc. ; N. Le Bonniec, « L’anonymat du don de gamètes en France : un possible terrain d’inconventionnalité ? », RDSS 2017 p. 281 ↩
- H. Raspail, Le conflit entre droit interne et obligations internationales de l’Etat, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2013, vol. 129, p. 498 ↩
- CEDH, 6 septembre 1978, Klass et autres c. Allemagne, A/28 ↩
- voir les exemples cités dans nos études précitées ↩
- Pour un exemple récent, voir CEDH, 4 juillet 2013, Anchugov et Gladkov c. Russie, n°11157/04 et 15162/05 : disposition de la Constitution russe privant du droit de vote tous les détenus. La Cour a logiquement rejeté l’argument du gouvernement défendeur selon lequel la présente espèce se distinguerait des affaires déjà examinées eu égard au fait que l’interdiction de vote imposée aux détenus en Russie est prévue dans la Constitution ↩
- Gde. Ch., 4 déc. 2007, Dickson c. Royaume-Uni, n° 44362/04 ↩
- S. Touzé, « Intérêt de la victime et ordre public européen », préc. ↩
- Déjà à l’œuvre dans l’arrêt Hisrt c. Royaume-Uni, 6 octobre 2005, n° 74025/01 ↩
- Gde. Ch., 27 août 2015, Parrillo c. Italie, n° 46470/11). Pareillement, dans une affaire Satakunnan Markkinapörssi Oy et a. c. Finlande, où était en cause la publication par les sociétés requérantes de données fiscales relatives aux revenus imposables de personnes physiques dans un magazine et par un système de transmission de ces données à un service de SMS, la Cour reprenant la ligne développée dans l’arrêt Animal Defender c. Royaume-Uni, met en exergue la qualité du contrôle parlementaire de la législation finlandaise et l’équilibre entre les intérêts en présence auquel est parvenu le législateur en adoptant l’article 2 § 5 de la loi sur les données à caractère personnel (qui énonce la dérogation à des fins de journalisme) pour mieux souligner la large marge d’appréciation des autorités nationales, y compris des juges nationaux 66Gde ch., 27 juin 2017, n° 931/13 ↩
- voir parmi d’autres, Gde. Ch., 6 nov. 2017, Garib c. Pays-Bas, n° 43494/09 ; Gde. Ch., 4 avr. 2018, Correia de Matos c. Portugal, n° 56402/12 ; Gde. Ch., 11 déc. 2018, Lekić c. Slovénie, n° 36480/07 ↩
- P. Rosanvallon, La légitimité démocratique, Seuil, 2008, p. 195 ↩
- E. Dubout, « La procéduralisation des droits », in F. Sudre (dir.), Le principe de subsidiarité au sens du droit de la convention européenne des droits de l’homme, Némésis-Anthémis, coll. « Droit&Justice », n° 108, 2014, p. 300 ↩
- voy. les exemples dans notre étude précitée « L’identification d’une tendance récente à l’objectivisation du contentieux dans le contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme » ↩
- Gde ch., 22 mars 2012, Konstantin Markin c. Russie, n° 30078/06 ; Gde. Ch., 7 nov. 2013, Vallianatos c. Grèce, n° 29381/09 et 32684/09 ↩
- Pour faire notamment écho à la contribution du Professeur L. Coutron ↩
- Voir le rapport de la Commission de réflexion sur la réforme de la Cour de cassation, 2017, p. 163 ↩
- Concl. s/ CE, 10 novembre 2010, Commune de Palavas Les Flots et de Lattes, n° 314449 et 314580, RFDA 2011 p.124 ↩
- Gde Ch., 20 déc. 2004, Makaratzis c. Grèce, Rec. 2004-XI ↩
- CEDH, 17 avr. 2014, Guerdner c. France, n° 68780/10 ↩
- Cass. crim., 18 févr. 2003, n° 02-80.095 : JurisData n° 2003-017922 ↩
- CEDH, 9 oct. 2007, Saoud c. France, n° 9375/02 ↩
- Voir, parmi d’autres, CEDH, 22 juill. 2014, Ataykaya c. Turquie, n° 50275/08 ↩
- En ce sens, voir spécialement Grde. Ch., 6 juill. 2005, Natchova et autres c. Bulgarie, n° 43577/98 et 43579/98 ↩
- Gde. Ch., 6 novembre 2017, Garib c. Pays-Bas, n° 43494/09 ↩
- AJDA 2018 p.158 ↩
- Adde l’opinion séparée de la juge Nussberger sous l’arrêt Delecolle c. France du 25 octobre 2018 concernant le droit pour une personne âgée placée en curatelle renforcée de se marier sans l’autorisation de son curateur ou du juge des tutelles ↩
- P. Wachsmann, « Question prioritaire de constitutionnalité et convention européenne des droits de l’homme », in L’homme et le droit, en hommage au Professeur Jean-François Flauss, Pedone, 2014, p. 816 ↩