Les femmes de Barbe-Bleue à Strasbourg – Les violences à l’égard des femmes devant la Cour EDH
Loïc Robert est Maître de conférences en droit public – Université Lyon III et membre de l’Équipe de droit international européen et comparé
Depuis une quinzaine d’années, la Cour européenne des droits de l’homme est confrontée de plus en plus régulièrement aux violences faites aux femmes. Le volume d’affaires traitées lui a progressivement permis d’affiner les contours des obligations positives qui pèsent sur les États parties. La présente contribution vise à revenir sur cette évolution jurisprudentielle pour en souligner l’audace mais aussi en pointer les limites.
Dans sa pièce tirée du conte de Charles Perrault, Lisa Guez met en scène la rencontre de la dernière épouse de Barbe-Bleue avec ses prédécesseuses venues de l’au-delà raconter l’emprise dont elles furent les victimes et encourager celle qui vient d’ouvrir la porte du cabinet à se libérer de la sienne2. L’histoire de ces femmes n’est malheureusement pas inconnue des juges de la Cour européenne des droits de l’homme, qui depuis une quinzaine d’années, sont régulièrement confrontés aux violences faites aux femmes1.
L’identification précise des affaires relatives à ces violences n’est cependant pas chose aisée en raison de considérations terminologiques évidentes. La Cour utilise assez rarement l’expression « violences sexistes » – qui n’apparaît qu’à 21 reprises dans la jurisprudence de la Cour malgré une nette inflation ces dernières années3. Beaucoup plus fréquente est l’expression « violences sexuelles »4 mais celle-ci recouvre des réalités très différentes5 et sans que se dégage une ligne jurisprudentielle cohérente permettant de cerner avec précision la définition que la Cour entend lui donner6. Le service de presse de la Cour distingue pour sa part les « violences à l’égard des femmes » des « violences domestiques »7, reprenant ainsi les catégories de la Convention d’Istanbul8.
Bien que la présente contribution s’inscrive dans un projet relatif aux violences sexistes et sexuelles9, elle se concentrera essentiellement sur ce que la Cour nomme communément les « violences à l’égard des femmes » ou « violences faites aux femmes », dans la droite ligne des instruments de droit international pertinents en la matière10. Sans nier l’importance du débat sémantique – on relèvera par exemple que la Cour EDH n’utilise pas le terme de « féminicide »11 – et si les femmes ne sont pas les seules victimes de violences sexistes et sexuelles12, elles sont statistiquement affectées « de manière disproportionnée » par celles-ci comme le rappelle le préambule de la Convention d’Istanbul, ce que confirme très largement les chiffres français13.
On se focalisera donc sur les affaires relatives à la violence à l’égard des femmes, entendue comme une « violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et [qui] désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique que ce soit dans la vie publique ou privée »14.
Historiquement, ce n’est que depuis une période très récente que la Cour s’est véritablement emparée du sujet des violences à l’égard des femmes ce qui s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs.
En premier lieu, le mécanisme juridictionnel de contrôle mis en place par la Convention constitue un instrument de mise en œuvre de la responsabilité internationale de l’État. Or, si des femmes sont victimes de violences imputables à des agents étatiques15, celles-ci sont le plus souvent le fait de personnes privées, au sein même de la cellule familiale bien souvent16. En conséquence, la Cour n’est amenée à s’intéresser à ces violences que par le truchement des obligations positives de l’État, certes découvertes par la Cour dès 196817 mais qui n’ont connu une véritable expansion qu’au cours des années 199018.
En deuxième lieu, dans la mesure où la Cour n’est amenée à s’emparer d’une question que lorsqu’elle est saisie, son contentieux suit inévitablement les mouvements de la société. Or, ce n’est que très récemment que le sujet des violences faites aux femmes a pris toute son importance dans le débat public. Bien que les féministes aient dénoncé ces violences dès les années 197019, ce n’est véritablement qu’à compter des années 1990 que le sujet s’est imposé20. Ces violences ont longtemps été tolérées, invisibilisées et tues, ce qui s’est traduit par un contentieux limité au niveau national. Il en résulte, par le jeu combiné de la règle de l’épuisement des voies de recours internes et du délai moyen de traitement des affaires par la juridiction européenne21, que ce n’est pour l’essentiel qu’à compter des années 2000 que les premiers arrêts ont pu être rendus.
En troisième lieu, il faut également signaler que les femmes saisissent très peu la Cour22. Pour expliquer cette sous-représentation des femmes parmi les requérants, il a notamment été avancé le poids des structures de domination dans la société qui rejaillit nécessairement dans l’accès des femmes à la justice en général et à la justice internationale en particulier : la pauvreté et le manque de connaissance des voies de droit existantes toucheraient plus les femmes que les hommes expliquant ainsi le peu de requêtes des premières23.
On peut par ailleurs avancer l’hypothèse d’un manque de confiance dans la justice, souvent mentionné parmi les causes du peu de procédures internes en matière de violences sexistes et sexuelles24, et qui peut également expliquer, pour partie, la désaffection des femmes pour la saisine de la Cour. Sans doute également faut-il admettre, avec les auteures s’inscrivant dans le mouvement de la critique féministe du droit international des droits de l’homme25, que le droit de la Convention est encore un droit fait PAR les hommes, ce qui peut jouer un rôle, difficilement mesurable, sur l’attrait des femmes pour le juge de Strasbourg26.
Quoi qu’il en soit, il est certain qu’au cours des quinze dernières années, le contentieux devant la Cour européenne des droits de l’homme a permis de faire émerger une jurisprudence, souvent audacieuse, relative aux violences à l’égard des femmes, alors même que les affaires étaient très rares auparavant27. L’œuvre du juge européen des droits de l’homme s’avère ainsi riche et récente, démontrant qu’il n’est pas resté à la marge du mouvement salutaire en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes. Comment la Cour a-t-elle évolué pour finir par prendre pleinement en compte la spécificité de ces violences ? Quelle est la portée de sa jurisprudence et quelles conséquences l’appropriation du phénomène des violences faites aux femmes par le juge européen a-t-elle sur le droit des États parties à la Convention européenne des droits de l’Homme ?
La présente contribution, qui s’appuiera sur l’analyse de la jurisprudence de la Cour depuis les années 1980 à nos jours, tentera de démontrer que la Cour a progressivement pris la mesure de la spécificité des violences faites aux femmes et inscrit la lutte contre celles-ci au rang des exigences de l’ordre public européen. Elle impose ainsi aux États parties de nommer (I), prévenir (II) et endiguer (III) ces violences.
Acte I : Nommer les violences, réprimer les auteurs
La première affaire dont a eu à connaître la Cour est à la fois sordide et révélatrice d’un état de la société que l’on peut légitiment juger délirant en 2022. Dans l’arrêt X et Y c. Pays Bas rendu en 198528, était en cause le viol d’une adolescente de 16 ans, handicapée mentale, en 1977, par le gendre de la directrice du foyer pour enfants handicapés au sein duquel elle était hébergée. Alors que le père de la victime avait porté plainte, le parquet décida de ne pas poursuivre l’agresseur à condition qu’il ne répétât pas l’infraction dans le délai de deux ans. Les recours du père de la victime contre cette décision furent rejetés, aux motifs que l’infraction n’était pas suffisamment caractérisée et que le père ne pouvait pas agir en lieu et place de sa fille.
Devant la Cour, les débats vont essentiellement concerner la question de savoir si les États ont l’obligation de réprimer pénalement, et pas uniquement civilement, le viol d’une personne handicapée. La défense du Gouvernement néerlandais sur ce point était ahurissante, celui-ci invoquant « la difficulté, pour le législateur, d’édicter des règles pénales cherchant à préserver le mieux possible l’intégrité physique des handicapés mentaux : aller trop loin dans cette direction risquerait de mener à du paternalisme inacceptable et d’entraîner une ingérence inadmissible de l’État dans le droit de l’individu au respect de sa vie sexuelle »29. En définitive, la Cour conclura à la violation du droit au respect de la vie privée de l’adolescente protégée par l’article 8, en mettant à la charge de l’État une obligation de pénaliser le viol30. Cependant, elle refusera d’envisager la question sous l’angle de l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants), pas plus qu’elle n’acceptera de traiter l’affaire sous l’angle de l’interdiction des discriminations, prévue à l’article 14. On le voit, malgré la caractérisation d’une obligation positive des États de prévoir des sanctions pénales pour les infractions sexuelles – ce qui constitue un incontestable progrès à cette époque – la Cour des années 1980 – composée exclusivement d’hommes dans cette affaire, restait encore très en retrait.
Le tournant intervient dans les années 1990, avec l’affaire S.W. c. Royaume-Uni31. Le requérant avait été condamné pour le viol de son épouse et, s’il ne contestait pas les faits, considérait qu’il n’aurait pas dû être condamné pour viol dès lors qu’un principe de common law, prévoyait, que « l’époux ne peut être coupable d’un viol commis par lui-même sur sa femme légitime »32, rendant ainsi sa condamnation contraire au principe de légalité des délits et des peines. La Cour conclura cependant à l’absence de violation de l’article 7 de la Convention (principe de légalité des délits et des peines) au motif que le revirement de jurisprudence ayant mis fin au principe de common law suranné procédait d’une évolution cohérente et prévisible de la jurisprudence si bien qu’un mari violant sa femme en 1990 devait savoir qu’il encourait une sanction pénale. Surtout, la motivation de la Cour témoigne d’une prise de conscience de ce que les droits protégés par la Convention peuvent être interprétés en un sens qui aurait pour conséquence de porter une atteinte intolérable aux droits des femmes. Les juges soulignent en effet que « l’abandon de l’idée inacceptable qu’un mari ne pourrait être poursuivi pour le viol de sa femme [est] conforme non seulement à une notion civilisée du mariage mais encore et surtout aux objectifs fondamentaux de la Convention dont l’essence même est le respect de la dignité et de la liberté humaines »33. Dit autrement, la lutte contre les violences faites aux femmes apparaît dans les années 1990 comme un principe d’interprétation des dispositions conventionnelles34.
Le parachèvement de ce premier acte réside sans nul doute dans l’arrêt M.C. c. Bulgarie rendu en 200335. Après avoir rappelé que les États se doivent d’adopter des dispositions en matière pénale qui sanctionnent effectivement le viol et les appliquer en pratique36, elle construit sa propre définition du viol qu’elle pose en exigence conventionnelle. En se fondant sur la pratique des États européens, sur les travaux du Comité des ministres du Conseil de l’Europe et sur le droit international pénal, elle rejette ainsi l’idée que le viol impliquerait nécessairement la violence de l’auteur ou la résistance la victime37. Enfin, le fondement de l’obligation de pénaliser le viol évolue puisque celle-ci ne relève plus du droit au respect de la vie privée comme dans X et Y c. Pays Bas mais de l’interdiction des mauvais traitements38.
Au début des années 2000, la Cour semble ainsi avoir cerné les enjeux de la lutte contre les violences faites aux femmes en mobilisant la technique des obligations positives, en interprétant la Convention à la lumière de la nécessité de lutter contre ces violences et en réduisant la marge d’appréciation des États quant à la définition juridique de certaines de ces violences39. Les violences deviennent visibles, les auteurs sujets à sanction. Il fallait cependant aller plus loin en agissant en amont des violences, ce qui passe par la reconnaissance de leur caractère systémique dans les États européens.
Acte II – Prévenir les violences, « genrer » les victimes
Si la Cour imposait aux États de rechercher et réprimer les auteurs de violences, elle restait cependant muette sur leurs obligations de prévention, en particulier lorsque celles-ci s’exercent au sein du foyer familial. Par ailleurs, elle se refusait encore à prendre en compte la spécificité des violences fondées sur le genre, qui non seulement portent atteinte à l’intégrité physique et/ou morale des femmes, mais qui constitue de surcroit une discrimination à leur égard du fait de leur caractère systémique.
Pour franchir ce cap, il fallait donc de l’« audace »40 : non seulement il fallait mettre à la charge des États des obligations positives lourdes auxquelles les États ne sont guère favorables41, mais il fallait par ailleurs reconnaître le caractère systémique des violences pour aller sur le terrain de la discrimination. Or, si les discriminations dites systémiques sont largement reconnues outre Atlantique42, la notion reste marginale voire absente en Europe43.
L’audace viendra ainsi de l’arrêt Opuz c. Turquie rendu en 200944 dans lequel était en cause un conjoint, qui après avoir agressé plusieurs fois son épouse et sa belle-mère et les avoir percutées avec sa voiture finira par assassiner la seconde d’une balle dans la tête. La Cour affirmera ici que les autorités turques ne pouvaient ignorer que la vie de la belle-mère – article 2 – et l’intégrité physique de l’épouse – article 3, étaient menacées. Elle fera ainsi application du critère Osman45 au sein même du foyer familial pour mettre à la charge de l’État une obligation positive de prévention et de protection dès lors que les autorités savaient ou devaient savoir qu’il existait un risque mortel ou de mauvais traitements. Or, si la Cour avait déjà conclu à la violation d’obligations positives de protection dans le cadre familial46, elle formalise cette fois avec pédagogie le caractère inopérant du moyen, trop souvent soulevé par les autorités étatiques, selon lequel, faute de plainte, tout intervention de leur part porterait atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de la victime.
Plus encore, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Commission interaméricaine des droits de l’homme47 ou encore du Comité des Nations Unies pour l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes48, elle va admettre pour la première fois que dans la mesure où les violences domestiques touchent essentiellement les femmes, la passivité généralisée des autorités à lutter contre celles-ci constitue en soi une discrimination fondée sur le genre49, devançant ainsi de deux ans la Convention d’Istanbul. Ce faisant, la Cour reconnaît la spécificité des violences domestiques, leur caractère sexo-spécifique, en tant qu’elles traduisent un rapport de domination inhérent aux systèmes patriarcaux. Dit autrement, les victimes des violences sont enfin reconnues pour ce qu’elles sont, à savoir des femmes visées en tant que telles.
Depuis lors, la jurisprudence de la Cour est – malheureusement – pléthorique sur les violences au sein de la cellule familiale et elle n’a eu de cesse de mettre en exergue leur caractère discriminatoire50, ce qui semble, dans certains cas du moins, avoir provoqué une évolution positive51. Malgré tout, face au niveau insupportable des violences domestiques dont les femmes sont, de loin, les principales victimes, la Cour est allée plus loin en formalisant concrètement ses exigences vis-à-vis des États à travers son arrêt Tunikova c. Russie52. Après avoir conclu, dans la lignée de sa jurisprudence désormais bien établie, à la violation des articles 3 et 14 du fait de la passivité des autorités face aux violences subies par les quatre requérantes, la Cour relèvera le caractère systémique des violations constatées et indiquera, sur le fondement de l’article 46 de la Convention, les mesures générales à prendre par la Russie afin de prévenir de nouvelles violations. Pour la Cour, les États, et pas seulement la Russie, sont notamment tenus d’adopter d’une définition légale des violences domestiques, de les ériger en infractions pénales, de prévoir des peines dissuasives à l’encontre des auteurs ou encore de mettre en place des ordonnances d’éloignement et de protection53.
La Cour se veut ainsi prescriptive, ne se contentant pas du constat de violations de la Convention dans le chef des requérantes. Il ne s’agit ainsi pas seulement pour la Cour de rendre la justice mais de poser les jalons d’un ordre public européen susceptible d’endiguer les violences faites aux femmes. Pour cela néanmoins, il faut aller plus loin et transformer la société.
Acte III – Endiguer les violences, transformer la société
Les violences sexistes et sexuelles, dont les femmes sont les principales victimes, sont d’abord le fruit des représentations sociales archaïques qui en constituent le terreau54. Lutter contre ces violences implique donc non seulement de réprimer les auteurs et de prévenir les passages à l’acte mais, plus encore, de combattre les stéréotypes de genre. Ce travail n’est assurément pas la mission principale des juridictions, mais celle des politiques, des associations, du monde de la culture ou encore des universitaires. Le juge peut cependant aussi y prendre une part, certes modeste, mais néanmoins salutaire.
Dès son arrêt Konstantin Markin c. Russie rendu en 2012, la Cour s’est emparée de la lutte contre les stéréotypes de genre, s’agissant de l’impossibilité pour les militaires hommes de prendre un congé parental, contrairement aux femmes. La Cour affirme ainsi que « les stéréotypes liés au sexe – telle l’idée que ce sont plutôt les femmes qui s’occupent des enfants et plutôt les hommes qui travaillent pour gagner de l’argent – ne peuvent en soi passer pour constituer une justification suffisante de la différence de traitement en cause »55.
C’est dans cette lignée que l’on peut resituer l’arrêt J. L. c. Italie rendu le 27 mai 202156. La requérante avait porté plainte contre sept hommes qu’elle accusait de l’avoir violée à la sortie d’un bar. Si les accusés ne contestaient pas les rapports sexuels, ils affirmaient cependant que les rapports avaient été consentis. D’abord condamnés en première instance, ils furent cependant acquittés en appel. La Cour conclura dans cette affaire à la violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée), non pas en raison de la décision de relaxe du juge italien, la Cour ne pouvant se substituer aux autorités internes dans l’appréciation des faits de la cause, mais en raison de la motivation de la Cour d’appel. Cette dernière s’était en effet fondée sur la vie sexuelle passée de la requérante, son orientation sexuelle, ou encore sur sa tenue vestimentaire le jour des faits pour considérer que son témoignage manquait de crédibilité57. La réponse de la Cour mérite d’être saluée. Celle-ci dénonce en effet le fait « que le langage et les arguments utilisés par la cour d’appel véhiculent les préjugés sur le rôle de la femme qui existent dans la société italienne et qui sont susceptibles de faire obstacle à une protection effective des droits des victimes de violences de genre en dépit d’un cadre législatif satisfaisant »58, ajoutant qu’il est « essentiel que les autorités judiciaires évitent de reproduire des stéréotypes sexistes dans les décisions de justice, de minimiser les violences contre le genre et d’exposer les femmes à une victimisation secondaire en utilisant des propos culpabilisants et moralisateurs propres à décourager la confiance des victimes dans la justice »59. Là encore, au-delà du droit applicable, c’est bien sur les mentalités que la Cour tente d’influer, y compris sur celles des juges.
Dans l’affaire Carvalho Pinto de Sousa Morais c. Portugal, elle n’a ainsi pas hésité à dénoncer les « préjugés » et le « sexisme ambiant »60 au sein des institutions judiciaires portugaises. Victime d’une erreur médicale lors d’une intervention gynécologique, la requérante souffrait depuis de douleurs intenses au niveau du vagin et ne pouvait plus avoir de relations sexuelles. La Cour administrative suprême portugaise avait cru pouvoir réduire le montant de l’indemnité versée à la requérante au motif qu’elle « était mère de deux enfants et déjà âgée de 50 ans et que, à cet âge-là, le sexe ne revêt plus autant d’importance que lorsqu’on est jeune, l’intérêt pour la chose diminuant avec l’âge »61.
La Cour avalise ainsi l’idée que la lutte contre les violences faites aux femmes passe nécessairement par la déconstruction des stéréotypes de genre en tant qu’ils constituent bien souvent le premier échelon du continuum de violences mis en exergue par Liz Kelly dès 198762. Il s’agit donc de s’attaquer aux racines de la violence à l’égard des femmes, ce qui la Cour peut faire en condamnant les stéréotypes liés au sexe63 ou en prescrivant des mesures ciblées dans le cadre de l’article 46 de la Convention64.
Épilogue : Universaliser la protection
Ce panorama de la jurisprudence de la Cour montre que celle-ci a progressivement pris la mesure du défi pour les droits humains que posent les violences sexistes et sexuelles dirigées contre les femmes. Si le droit de la Convention reste à bien des égards fait par les hommes, il faut se féliciter qu’il soit aujourd’hui mis au service des droits des femmes. L’attitude audacieuse et dynamique de la Cour dans ce domaine tranche d’ailleurs avec une orientation générale tendant à une stagnation voire à une régression des standards de protection65.
Pour autant, l’œuvre des juges strasbourgeois n’est évidemment pas exempte de critiques. La Cour pourrait en effet aller plus loin s’agissant des obligations de protection et de prévention dans le domaine des violences domestiques66. Certaines décisions apparaissent par ailleurs préoccupantes, à l’instar de l’arrêt Ruokanen qui pourrait être utilisé par ceux qui entendent réduire les femmes victimes au silence67.
La principale critique réside cependant surtout dans la manière dont les requérantes migrantes ont jusqu’à présent été oubliées de ce mouvement salutaire en faveur des droits des femmes. Si la Cour a heureusement rendu quelques décisions favorables68, l’immense majorité des décisions rendues par la Cour conclut à l’absence de violation voire à une décision d’irrecevabilité pour défaut manifeste de fondement, alors que les requérantes soutiennent craindre des crimes d’honneur69, des mutilations génitales féminines70 ou encore d’être exposées à la traite d’êtres humains71. La charge de la preuve du risque de violence se révèle souvent bien trop lourde pour que les requérantes puissent avoir le moindre espoir d’obtenir un constat de violation de la Convention et éviter l’expulsion. Sans doute faudrait-il alors adapter les principes généraux relatifs au risque de violation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants) en cas d’éloignement72 afin de prendre en compte la spécificité, notamment en termes probatoires, des violences risquant d’être subies par les femmes migrantes. Une telle démarche prétorienne pourrait d’ailleurs valablement s’appuyer sur les dispositions de la Convention d’Istanbul73, déjà largement utilisée74 par la Cour dans le cadre de son interprétation globalisante de la Convention75 ou encore sur la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne76.
Si les violences faites aux femmes sont avant tout une violation des droits de l’homme et si ces derniers sont universels, alors les juges de Strasbourg s’honoreraient à faire progresser la cause de toutes les femmes de Barbe-Bleue, même celles venues d’ailleurs.
1 Cette étude s’inscrit dans le cadre du projet (…) Afin de rendre hommage au caractère interdisciplinaire du projet, et notamment à la pièce Notre procès (https://pointdujourtheatre.fr/notre-proces_1), écrite et mise en scène par ses deux directrices, on s’autorisera quelques références théâtrales.
2 Les femmes de Barbe-Bleue, Mise en scène de Lisa Guez, Production Juste avant la Compagnie, 2019.
3 Ce nombre exclut les occurrences présentes dans les arguments des requérants, les références à des sources nationales ou internationales ainsi que les opinions séparées des juges. Il inclut à la fois l’expression française de « violences sexistes » et l’expression anglaise « gender-based violence », parfois traduite littéralement (« violences fondées sur le genre » ou « sur le sexe ») en langue française. Cour EDH, 13 février 2024, X c. Grèce, req. n° 38588/21, § 42 ; 12 décembre 2023, Vučković c. Croatie, req. n° 15798/20, § 57 ; 17 octobre 2023, Luca c. République de Moldova, req. n° 55351/17, §§72-73 ; 15 juin 2023, Gaidukevich c. Géorgie, req. n° 38650/18, §§ 64-66 ; 22 novembre 2022, G. M. et autres c. République de Moldova, req n° 44394/15, § 88 ; 8 septembre 2022, J. I. c. Croatie , req. n° 35898/16, § 88 ; 10 février 2022, A et B c. Géorgie, req. n° 73975/16, § 44, 45 et 49 ; 14 décembre 2021, Tunikova et autres c. Russie, req. n° 55974/16, § 158 ; 8 juillet 2021, Tkhelidze c. Géorgie, req. n° 33056/17, §§ 57 et 60 ; GC, 15 juin 2021, Kurt c. Autriche, req. n° 62903/15, §§ 161 et 191 ; 27 mai 2021, J. L. c. Italie, req. n°5671/16, §139 ; 4 aout 2020, Tërshana c. Albanie, req. n° 48756/14, §§ 157 et 160 ; GC, 25 juin 2020, S. M. c. Croatie, req. n° 60561/14, §220 ; 3 octobre 2017, Alexandru Enache c. Italie, req. n° 16986/12, § 71 ; 9 juillet 2019, Volodina c. Russie, req. n° 41261/17, §§ 98, 110 et 117 ; 23 mai 2017, Bălșan c. Roumanie, req. n° 49645/09, § 88 ; 27 janvier 2017, Khamtokhu et Aksenchik c. Russie, req. n° 60367/08 et 961/11, §82 ; 10 septembre 2015, R. H. c. Suède, req. n° 4601/14, § 70 27 mars 2014, W. H. c. Suède, req. n° 49341/10, § 71 ; 14 octobre 2010, A c. Croatie, req. n° 55164/08, § 95 ; 9 juin 2009, Opuz c. Turquie, req. n° 33401/02, § 164.
4 On compte ainsi 71 arrêts pour la seule occurrence française.
5 Voir Y. Lécuyer et D. Tharaud, « D’un corps à l’autre : la maltraitance du féminin dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », in C. Duparc et J. Charruau (dir.), Le droit face aux violences sexuelles et/ou sexistes, Dalloz, 2021, pp. 187-203, spec. p. 190.
6 Ibid.
7 Une fiche thématique est consacrée à chacune de ces deux expressions. Voir : https://www.echr.coe.int/fr/factsheets.
8 Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, STCE n° 210.
9 Cf. supra, note 1.
10 Pour s’en tenir aux conventions spécifiques : Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (dite Convention de Belém do Pará) 9 juin 1994 et Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite Convention d’Istanbul), 11 mai 2011, STCE n°210.
11 Contrairement à la Cour interaméricaine. Voir Cour IADH, 16 novembre 2009, Gonzalez et autres c. Mexique (Champ de coton), Série C n°205, §143.
12 La jurisprudence de la Cour en témoigne, comme le montrent, pour ne citer qu’eux, les arrêts Konstantin Markin c. Russie (GC, 22 mars 2012, req. n° 30078/06), sur le refus d’un congé parental aux militaires hommes et Selmouni c. France (28 juillet 1999, req. n° 25803/94), s’agissant du viol d’un gardé à vue à l’aide d’une matraque.
13 La Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains relève qu’en 2020, 87% des victimes de violences sexuelles étaient des femmes et que 99% des personnes condamnées pour de telles violences étaient des hommes. Voir la Lettre de l’observatoire national des violences faites aux femmes, novembre 2021 [En ligne sur https://arretonslesviolences.gouv.fr].
14 Article 3 a) de la Convention d’Istanbul.
15 Voir, s’agissant du viol d’une détenue dans une gendarmerie, Cour EDH, 25 septembre 1997, Aydin c. Turquie, req. 23178/94.
16 En 2020 en France, 9 femmes victimes de viol ou de tentatives de viol sur 10 connaissaient leur agresseur et, dans 45 % des cas, le conjoint ou l’ex-conjoint était l’auteur des faits. Voir Lettre de l’observatoire national des violences faites aux femmes, préc., p. 17.
17 Cour EDH, Plén., 23 juillet 1968, Affaire « relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique » c. Belgique, Série A vol. 6.
18 C. Madelaine, La technique des obligations positives en droit de la Convention européenne des droits de l’homme, Dalloz, 2014, p. 23.
19 Voir notamment les ouvrages de Leïla Sebbar : On tue les petites filles, Stock, 1978 ; Le pédophile et la maman, Stock, 1980.
20 Voir A. Lochon, « Trente ans de médiatisation des violences sexistes et sexuelles. L’exemple de deux journaux français », Émulations, Varia, 2021 [En ligne].
21 À la fin des années 1990, le délai moyen de traitement des affaires par la Cour était de 3 ans. Voir M.‑L. Layus et F. Simonetti, « Procédure juridictionnelle : points communs et différences », Pouvoirs, 2001, n°1, p. 85.
22 Françoise Tulkens avait ainsi recensé qu’entre 1998 et 2006, seulement 16% des requêtes adressées à la Cour l’avaient été par des femmes. Voir F. Tulkens, « Droits de l’homme, droits des femmes. Les requérantes devant la Cour européenne des droits de l’homme », in Liber Amicorum Luzius Wildhaber. Human Rights – Strasbourg Views. Droits de l’homme – Regards de Strasbourg, N.P. Engel, 2007, p. 432.
23 L. Veyretout et S. Pinar, « La défense des femmes requérantes devant la CEDH », in E. Lambert (dir.), Défense des requérants devant la CEDH, Anthemis, 2012, p. 267.
24 Garantir aux femmes l’égalité d’accès à la justice – Stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes, 2018.
25 Voir notamment les travaux d’Hilary Charlesworth, en particulier, « What Are Women’s Human Rights ? » in R. Cook (dir.), Women’s Rights in International Law, University of Pennsylvania Press, 1994, pp. 58-84.
26 Pour donner quelques exemples : sur les 18 présidents qui se sont succédés à la tête de la Cour, Sofia O’Leary est la seule femme ; sur les 222 juges qui ont siégé à la Cour depuis sa création, seules 48 étaient des femmes soit 21% ; sur les cinq sections que comprend la Cour, une seule est dirigée par une femme, ce qui n’est pas sans importance au regard des règles de composition de la grande chambre ; 16 États, dont la France, le Royaume-Uni ou encore l’Italie n’ont jamais nommé de femmes ; sur les 45 juges actuels (le siège d’Andorre étant vacant), on ne compte que 16 femmes, soit 35%, ce qui constitue, malgré tout, la proportion la plus importante dans l’histoire de la Cour. Sur la place des femmes parmi les juges de la Cour, voir notamment S. Hennette-Vauchez, « Le juge est une femme. Regard sur la question de la parité à la Cour européenne des droits de l’homme », in Mélanges en l’honneur du Professeur Frédéric Sudre, Lexis Nexis, 2018, pp. 335-346 ; H. Surrel, « La composition de la Cour européenne : la recherche d’équilibre entre différentes exigences », in L. Robert et H. Surrel (dir.), Quel avenir pour le système européen de protection des droits de l’homme ?, Anthemis, 2020, pp. 57-60.
27 Pour donner un ordre de grandeur, sur la centaine d’affaires recensées par le service de presse de la Cour en matière de violence faites aux femmes et violences domestiques, seules trois sont antérieures à 2007.
28 Cour EDH, 26 mars 1985, X et Y c. Pays-Bas, req. n°8978/80.
29 Ibid., § 25.
30 Ibid., § 27.
31 Cour EDH, 22 novembre 1995, S. W. c. Royaume-Uni, req. n° 20166/92, AJDA 1996 p.445 note J.-P. Costa.
32 Ibid., § 10. Rappelons que le droit français a lui aussi tardé à évoluer puisqu’il faudra attendre 1990 pour que la Cour de cassation reconnaisse l’existence d’un viol conjugal, 1992 pour qu’elle considère que la présomption de consentement ne vaut que jusqu’à preuve du contraire, et il faudra même attendre 2010 pour que la référence à cette présomption disparaisse de l’article 222-22 du Code pénal. Sur la question, voir la contribution de Juliette Zanetta dans le présent ouvrage.
33 Ibid., § 44.
34 C’est ainsi par exemple que la Cour a pour la première fois utilisé le qualificatif de torture dans l’affaire Aydin au motif que « le viol laisse chez la victime des blessures psychologiques profondes qui ne s’effacent pas aussi rapidement que pour d’autres formes de violence physique et mentale ». Voir Cour EDH, 25 septembre 1997, Aydin c. Turquie, préc., § 83.
35 Cour EDH, 4 décembre 2003, M. C. c. Bulgarie, req. n° 39272/98, RTD civ. 2004, p. 364, note J.-P. Marguenaud ; Europe n° 5, Mai 2004, comm. 165, obs. N. Deffain.
36 Ibid. § 153.
37 Ibid., §§ 154-166.
38 Ibid., § 187.
39 Concernant l’infraction de harcèlement sexuel au travail, voir Cour EDH, 30 août 2022, C. c. Roumanie, req. n° 47358/20, Droit social 2023 p. 330, chron. J.-P. Marguenaud et J. Mouly. Concernant la méconnaissance par l’État de ses obligations positives en raison d’une interprétation restrictive des éléments constitutifs de l’infraction de viol, voir Cour EDH, 20 juin 2024, Z. c. République tchèque, req. n° 37782/21, JCP G 2024 act. 896, note B. Pastre-Belda.
40 Voir J.-P. Marguénaud, « La prolifération des obligations positives de pénaliser : honte aux époux violents et haro sur les juges laxistes ! », RSC 2010, n°1, p. 222.
41 La remise en cause des obligations positives était notamment au cœur du Bill of Rights Bill déposé à la Chambre des communes en juin 2022 par le Gouvernement britannique avant d’être finalement abandonné par la nouvelle première ministre. Voir M. Dathan et S. Swinford, « Dominic Raab’s bill of rights left ‘dead in the water’ », The Times, 8 septembre 2022.
42 Sur les discriminations systémiques au Canada, voir notamment C. Sheppard, « Contester la discrimination systémique au Canada : Droit et changement organisationnel », La Revue des droits de l’homme, 2018 n° 14 [En ligne].
43 Voir M. Mercat-Bruns, « La discrimination systémique : peut-on repenser les outils de la non-discrimination en Europe ? », La Revue des droits de l’homme, 2018 n° 14 [En ligne].
44 Cour EDH, 9 juin 2009, Opuz c. Turquie, req. n° 33401/02, RSC 2010, p. 219, obs. J.-P. Marguénaud.
45 Dans l’arrêt Osman (Cour EDH, GC, 28 octobre 1998, Osman c. Royaume-Uni, req. n° 23452/94, § 116), la Cour a précisé le contenu de l’obligation positive de prendre les mesures nécessaires à la protection des personnes dont la vie est menacée (article 2 de la Convention). Pour qu’une telle obligation positive puisse jouer, il doit être établi que les autorités savaient ou auraient dû savoir sur le moment qu’il existait un risque réel et immédiat pour la vie d’un individu donné du fait des actes criminels d’un tiers et qu’elles n’ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour parer ce risque.
46 Voir notamment Cour EDH, GC, 10 mai 2001, Z et autres c. Royaume-Uni, req. n° 29392/95, JCP G 2001, I, 342 , obs. F. Sudre ; Cour EDH, 26 novembre 2001, E. et autres c. Royaume-Uni, req. n° 33218/96, RTDH 2003. 1355, obs. A. Gouttenoire ; Cour EDH, 31 mai 2007, Kontrova c. Slovaquie, req. n°7510/04.
47 Comm. IADH, 16 avril 2001, Maria da Penha c. Brésil, aff. 12.051
48 Comité CEDAW, Recommandation générale n° 19 sur la violence à l’égard des femmes, 1992, CEDAW/C/1992/L.1/Add.15
49 Cour EDH, 9 juin 2009, Opuz c. Turquie, préc., § 198.
50 Voir notamment Cour EDH, 27 mai 2014, Rumor c. Italie, req. n° 72964/10 ; 22 mars 2016, M. G. c. Turquie, req. n° 646/20 ; 2 mars 2017, Talpis c. Italie, req. n° 41237/14 ; 8 juillet 2021, Tkhelidze c. Géorgie, préc. ; 14 décembre 2021, Tunikova et autres c. Russie, préc. ; 10 février 2022, A. et B. c. Géorgie, préc ; 22 mars 2022, Y. et autres c. Bulgarie, req. n° 9077/18.
51 Ainsi, dans l’affaire M. S. c. Italie, la Cour a relevé que l’Italie avait adopté des mesures afin de mettre en œuvre la Convention d’Istanbul depuis les arrêts Rumor et Talpis, si bien que la passivité – avérée en l’espèce – des autorités à protéger la requérante ne pouvait passer pour discriminatoire. Voir Cour EDH, 7 juillet 2022, M. S. c. Italie, req. n° 32715/19.
52 Cour EDH, 14 décembre 2021, Tunikova et autres c. Russie, préc.
53 Ibid. §§ 153-157.
54 S. le Laurain, D. Fonte, P. Graziani et G. Lo Monaco, « Les représentations sociales associées à la violence conjugale : de la psychologisation à la légitimation des violences », Les cahiers internationaux de la psychologie sociale, 2018, n°3, pp. 211-233.
55 Cour EDH, GC, 22 mars 2012, Konstantin Markin c. Russie, préc., § 143.
56 Cour EDH, 27 mai 2021, J. L. c. Italie, préc.
57 Ibid., §§ 38-47.
58 Ibid., §140.
59 Ibid., § 141.
60 Cour EDH, 25 juillet 2017, Carvalho Pinto de Sousa Morais c. Portugal, req. n° 17484/15, § 54, AJDA 2017. 1768, chron. L. Burgorgue-Larsen.
61 Ibid. § 16.
62 L. Kelly, « The Continuum of Sexual Violence », in J. Hanmer et M. Maynard (dir.), Women, Violence and Social Control. Explorations in Sociology, Palgrave Macmillan, 1987, pp. 46-60.
63 Voir par exemple : Cour EDH, 4 février 2021, Jurcic c. Croatie, req. n° 54711 /15, D. 2022. 872, L. Isidro ; Cour EDH, 27 juin 2023, Nurcan Bayractar c. Turquie, req. n° n° 27094/20, AJ fam. 2023, p. 467, obs. M. Saulier ; RTD civ. 2023, p. 836, obs. J.-P. Marguénaud.
64 Sur le fondement de l’article 46, la Cour a ainsi engagé les autorités russes à mettre en place un plan d’action pour modifier la perception du public à l’égard des violences de genre ainsi qu’à dispenser des formations obligatoires aux juges, aux policiers, aux procureurs, aux professionnels de santé, aux travailleurs sociaux et aux autres professionnels susceptibles d’entrer en contact avec des victimes. Voir Cour EDH, 14 décembre 2021, Tunikova et autres c. Russie, préc, § 158.
65 Voir notamment F. Sudre, « Du Protocole n°11 au Protocole n°16 : un système en quête de sens, in L. Robert et H. Surrel (dir.), Quel avenir pour le système européen de protection des droits de l’homme ?, préc., pp. 29‑32.
66 Dans l’arrêt Kurt c. Autriche, dans lequel l’ex-conjoint de la requérante avait tué leur fils, la Cour a utilement précisé la manière dont il convient d’apprécier les critères « Osman » en matière de violences domestiques. Elle a cependant conclu à l’absence de violation de l’article 2 ce qui a été critiqué à bon droit tant par les sept juges dissidents que par certains auteurs. Voir Cour EDH, GC, 15 juin 2021, Kurt c. Autriche, préc., ainsi que l’opinion dissidente commune des juges Turković, Lemmens, Harutyunyan, Elósegui, Felici, Pavli et Yüksel. Voir également J.-P. Marguénaud, « La clarification du « critère Osman » face aux violences domestiques », RSC 2021, p. 698.
67 Cour EDH 6 avril 2010, Ruokanen et autres c. Finlande, n°45130/06, D. 2010, p. 2409, note L. François. Dans cette affaire, la Cour conclut à l’absence de violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) alors même que des journalistes avaient été condamnés pour diffamation à de très lourds dommages et intérêts suite à la publication d’un article dans lequel ils s’étaient pourtant bornés à relater qu’une étudiante avait signalé avoir été violée par une équipe de baseball sans même citer les noms des joueurs concernés. Pour une décision plus encourageante, voir Cour EDH, 18 janvier 2024, Allée c. France, req. n° 20725/20, Droit social 2024, p. 305, note P. Adam.
68 S’agissant par exemple d’une Afghane divorcée craignant de ce fait de subir de mauvais traitement en cas d’expulsion (Cour EDH, 20 juillet 2010, N. c. Suède, req. n° 23505/09) ou encore d’une Guinéenne issue d’une famille musulmane ne tolérant pas son mariage avec un chrétien (Cour EDH, 16 juin 2016, R.D. c. France, req. n° 23505/09).
69 Pour avoir fui le Yémen et demandé le divorce dans l’arrêt Cour EDH, 28 juin 2012, A.A. et autres c. Suède, req. n° 14499/09 ; pour avoir refusé un mariage forcé en Somalie dans l’arrêt Cour EDH, 10 septembre 2015, R. H. c. Suède, req. n° 4601/14.
70 Cour EDH, déc., 8 mars 2007, Collins et Akaziebie c. Suède, req. n° 23944/05 ; déc., 17 mai 2011, Izevbekhai et autres c. Irlande, req. n°43408/08 ; déc., 20 septembre 2011, Omeredo c. Autriche, req. n° 8969/10 ; 19 janvier 2016, Sow. c. Belgique, req. n° 27091/13.
71 Cour EDH, déc. 29 novembre 2011, V. F. c. France, req. n° 7196/10 ; déc., 27 mai 2014, J. A. c. France, req. n° 45310/11 ; déc., 26 mai 2015, L. O. c. France, req. n° 4455/14déc., 27 mars 2012, Idemugia c. France, req. n° 4125/11.
72 Voir les arrêts Cour EDH, GC, 23 mars 2016, F. G. c. Suède, req. n° 43611/11, §§ 111-127 et Cour EDH, GC, 29 avril 2022, Khasanov et Rakhmanov c. Russie, req. n° 28492/15 et 49975/15, §§ 93-116.
73 Les articles 60 et 61 de la Convention d’Istanbul font notamment obligation aux États de faire de la violence à l’égard des femmes une forme de persécution au sens de la Convention de Genève (art. 60 al. 1) et les engagent à ne jamais refouler les femmes victimes de violences (art. 61 al. 2).
74 La Convention d’Istanbul est mentionnée dans pas moins de 44 arrêts de la Cour depuis 2016. Signe de l’importance conférée par le juge de Strasbourg à cette Convention, le refus de la ratifier est considérée comme un indice du peu d’engagement de l’État pour lutter efficacement contre les violences à l’égard des femmes. Voir Cour EDH, 23 mai 2023, A.E. c. Bulgarie, req. n° 53891/20, § 121.
75 P. Wachsmann, « Réflexions sur l’interprétation « globalisante » de la Convention européenne des droits de l’homme », in La conscience des droits. Mélanges en l’honneur de Jean-Paul Costa, Dalloz, 2011, pp. 667‑676.
76 Voir notamment CJUE, GC, 16 janvier 2024, WS, aff. C-621/21, RTD eur. 2024 p.205, note S. Barbou des Places ; CJUE, GC, 11 juin 2024, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, aff. C-646/21, JCP G 2024, act. 814 obs. D. Berlin.