L’accès à des conditions de vie dignes : des garanties juridiques suffisantes pour les femmes étrangères ?
Par Pierre Saint Amans et Souleïma Yamani, Chargé.es de projets régionaux à La Cimade
Introduction
La question de l’accès à des conditions de vie dignes pour les femmes étrangères engage une réflexion sur l’effectivité des droits fondamentaux dans un contexte de durcissement des politiques migratoires. L’accès au logement, à la santé, à la protection contre les violences et aux titres de séjour constitue un faisceau de droits interdépendants, trop souvent inopérants pour les femmes en situation d’irrégularité ou de grande vulnérabilité.
Nous assistons à une dégradation continue de la situation des personnes exilées en France depuis plusieurs décennies, entre lois de plus en plus restrictives pour les libertés fondamentales, pratiques administratives qui multiplient les obstacles et discours politiques et médiatiques majoritairement hostiles : les personnes étrangères sont présentées dans ce cadre comme un problème à résoudre et la France tente d’apparaitre comme inhospitalière pour éviter un prétendu appel d’air, lequel ne repose sur aucune réalité scientifique. Ce raisonnement est indigne et erroné (le pourcentage de personnes étrangères présentes en France reste faible, autour de 8%)[1]. Un soupçon pèse sur la parole des personnes migrantes, fréquemment disqualifiée dans les champs administratifs et judiciaires, notamment lorsqu’elle porte sur des violences subies ou des problématiques de santé.
Les femmes étrangères subissent une » double violence », prises dans un enchevêtrement de discriminations : en tant que femmes, en tant qu’étrangères et en tant que femmes étrangères. Cependant, leur grande vulnérabilité impose pourtant des conditions d’accueil, d’écoute et de sécurité spécifique.
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme [2] précise que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires.
En l’absence d’une définition juridique stricte, la vie digne repose sur la reconnaissance de la valeur intrinsèque de chaque être humain, indépendamment de son origine, sa condition sociale ou son parcours de vie. Elle implique l’accès à des conditions fondamentales telles que la sécurité, l’égalité, l’accès aux droits, la reconnaissance et le respect de l’humanité de chacun. Les conditions de vie dignes garantissent à chaque individu les moyens nécessaires pour vivre en liberté, en sécurité, et dans le respect de ses droits fondamentaux[3].
A contrario, les conditions de vie indignes sont marquées par des traitements inhumains ou dégradants et des privations systématiques, qui nient la valeur intrinsèque de l’être humain.
Elles peuvent inclure : la précarité extrême (absence d’accès à un logement décent, à la nourriture ou aux soins de santé), les situations de violence physique, morale ou institutionnelle, l’absence de reconnaissance ou de respect des droits fondamentaux, conduisant à une survie plutôt qu’à une vie digne.
La dignité humaine est bafouée lorsque les individus sont réduits à des objets ou moyens pour atteindre une fin, quand leurs besoins essentiels sont ignorés ou lorsqu’ils subissent des formes de domination qui les empêchent d’exister librement.
L’approche retenue dans cette contribution vise à interroger, au travers d’exemples concrets, les décalages entre le droit positif et sa mise en œuvre effective pour les femmes étrangères. L’examen portera sur deux thématiques majeures : les violences subies (I) et l’accès à l’hébergement (II), comme prismes de la précarité juridique.
I. La protection juridique des femmes étrangères victimes de violences : entre principes et obstacles systémiques
Cette contribution s’attache à mettre en lumière plusieurs dimensions de la précarité juridique spécifique aux femmes étrangères. Elle soulignera d’abord la double violence à laquelle elles sont confrontées, en tant que victimes de violences de genre mais aussi administrative. (A). Elle abordera ensuite les violences invisibles et silencieuses, notamment les situations de traite et d’exploitation, où les mécanismes de protection existants se révèlent largement insuffisants dans la pratique (B). L’analyse portera également sur l’instrumentalisation des violences faites aux femmes, utilisées dans le discours politique pour justifier des politiques migratoires de plus en plus sécuritaires, au détriment des droits fondamentaux des personnes concernées (C). Enfin, cette réflexion s’achèvera par des propositions concrètes visant un accès effectif à des conditions de vie dignes, en réaffirmant la nécessité d’un droit réellement protecteur, fondé sur la dignité et non sur le statut administratif (D).
A. La double violence : victime et accusée
En cas de violences conjugales, la loi prévoit que la femme étrangère peut conserver ou renouveler son titre de séjour, même en cas de rupture de la vie commune, à condition qu’elle prouve que cette rupture est directement liée aux violences subies. Pour une femme étrangère victime de violences conjugales, accéder à un droit au séjour est un parcours du combattant. L’accès à un titre de séjour en cas de rupture de la vie commune est prévu par l’article L. 423-2 du CESEDA. Ce dispositif concerne principalement les femmes qui ont obtenu un titre de séjour par regroupement familial ou sont conjointes de Français ou de titulaires d’un titre de séjour en France.
Les administrations demandent des preuves irréfutables : condamnation pénale, certificat médical, divorce pour faute. Ces preuves qui supposent que la victime ait eu la force de porter plainte, d’aller jusqu’au bout d’une procédure difficile. En pratique, la reconnaissance du statut de victime ne dépend pas uniquement de la réalité des faits subis, mais de la capacité à les démontrer conformément aux exigences procédurales. Ainsi, il arrive que certaines femmes, bien qu’objectivement victimes, se retrouvent dans une situation où la seule expérience de la violence ne suffit pas à fonder une protection juridique effective.
Ces exigences ignorent les réalités vécues par ces femmes : la peur, la honte, le risque de représailles, le silence imposé par l’isolement, la barrière de la langue, et la méconnaissance des procédures.
Cette exigence de preuves crée une arme supplémentaire entre les mains du bourreau, notamment lorsque ce dernier est de nationalité française ou en situation régulière. La dépendance administrative de la femme étrangère vis-à-vis de son conjoint devient un outil de contrôle et d’emprise : le bourreau menace la victime d’une dénonciation à la préfecture, lui rappelant constamment que sa situation administrative dépend de lui.
Un des récents progrès dans la lutte contre les violences conjugales est la création d’une aide universelle permettant aux personnes victimes de quitter le domicile conjugal. Pourtant, cette universalité, en théorie louable, montre vite ses limites pour les personnes étrangères[4]. Toutefois, l’accès à cette aide est conditionné à une résidence régulière sur le territoire français.
Une véritable protection ne peut être conditionnelle ni exclure celles qui en ont le plus besoin. Il est donc urgent de repenser ce dispositif pour y inclure toutes les victimes, indépendamment de leur statut administratif.
Rester avec le conjoint devient alors un moindre mal pour ces femmes qui se retrouvent piégées, réduites au silence, et contraintes de subir les violences pour conserver un semblant de sécurité administrative. La peur de la préfecture et du système judiciaire français devient une extension de la violence que ces femmes subissent. Leur statut d’étrangère est instrumentalisé pour les maintenir dans une position de soumission.
« Elle ment pour avoir des papiers », « Elles ont l’habitude d’être violées », « Vous n’avez pas le droit de porter plainte parce que vous êtes en situation irrégulière » , florilège de réponses apportées par les forces de l’ordre à des femmes migrantes, lorsqu’elles osent porter plainte pour des faits de violences. Lorsque ses femmes poussent la porte d’un commissariat pour déposer plainte en France elles peuvent être confrontés à un refus d’enregistrement, une absence de traduction, négation des faits et suspicion devant les témoignages rapportés, risque d’enfermement en centre de rétention voire d’expulsion du territoire…
En 2023, le Centre de Rétention Administrative (CRA) du Mesnil-Amelot a vu une multiplication des cas d’enfermement de personnes étrangères victimes de violences, notamment de femmes victimes de violences conjugales. Ces personnes, souvent vulnérables, se rendent dans les commissariats pour porter plainte ou chercher de l’aide, un droit fondamental garanti par la loi française, indépendamment de la situation administrative ou de la nationalité des victimes. Pourtant, au lieu de recevoir la protection à laquelle elles ont droit, elles se voient opposer leur statut administratif irrégulier et se retrouvent notifiées d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), suivie d’un placement en centre de rétention administrative. Ce traitement bafoue les principes de la protection des victimes et entre en contradiction avec les engagements du Président de la République, qui a fait de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles une priorité nationale. Ces pratiques renforcent la précarité des victimes et les dissuadent de signaler des violences, ce qui constitue une atteinte grave à leurs droits et à leur dignité.
Ainsi, accéder à ses droits (droit au séjour notamment) demeure difficile pour les femmes étrangères sur le territoire français.
B. Les violences invisibles et silencieuses : exploitation et traite
Certaines femmes subissent l’exploitation la plus brutale : réduites à l’état d’objets par un employeur ou un réseau, esclaves domestiques ou exploitées sexuellement. Pour elles, la loi conditionne leur protection à leur coopération avec les autorités. Cela suppose de dénoncer leurs bourreaux, au risque de représailles, de s’exposer, alors même que beaucoup ont appris à se cacher pour survivre. L’accès à une protection juridique ou à une régularisation administrative reste, dans de nombreux cas, conditionné à une dénonciation formelle des faits de violence subis. Ce lien de conditionnalité entre la reconnaissance du statut de victime et la coopération avec les autorités engendre une insécurité juridique pour les femmes étrangères. Nombre d’entre elles renoncent à signaler les violences par crainte des conséquences administratives, préférant demeurer dans la clandestinité plutôt que de s’exposer à un système qui tend à les appréhender d’abord comme des personnes en situation irrégulière, avant de les reconnaître comme victimes de violences.
Les victimes de traite et de prostitution forcée sont pourtant souvent présentées comme très protégées par le droit au sens où, au fil des années, des dispositifs d’accès au séjour spécifiques ont été construits pour ces personnes. Bien qu’existants, ces derniers restent très mal appliqués en pratique. Selon les chiffres officiels, seulement 360 titres ont été délivrés en 2023 à l’échelle nationale, un nombre extrêmement faible au regard des milliers de victimes accompagnées chaque année par des associations (2800 en 2023 pour la Cimade par exemple)[5].
Cette faiblesse s’explique par des conditions restrictives imposées par les préfectures : la plainte doit contenir explicitement des termes comme « traite » ou « proxénétisme », alors que des mots comme « servitude » ou « asservissement » ne sont pas jugés suffisants. À cela s’ajoute la peur des autorités d’un « appel d’air », qui freine les régularisations pour éviter que d’autres victimes osent engager les mêmes démarches.
En pratique, même lorsqu’une plainte est déposée, les préfectures refusent souvent de délivrer des titres de séjour d’un an et préfèrent accorder des récépissés temporaires ou des Autorisations Provisoires de Séjour (APS), lesquelles peuvent être annulées si l’enquête est classée. Cela place les victimes dans une grande précarité administrative, malgré le respect des conditions légales pour l’octroi d’un titre.
C. L’instrumentalisation des violences faites aux femmes dans les politiques migratoires
La loi Darmanin, entrée en vigueur en début d’année, illustre parfaitement l’instrumentalisation des violences faites aux femmes pour justifier des mesures restrictives en matière de politique migratoire. Bien que les femmes représentent près de la moitié de la population migrante, elles demeurent invisibilisées dans les débats politiques et médiatiques autour de cette loi. Lorsqu’elles sont évoquées, c’est pour servir un discours sécuritaire et stigmatisant visant les hommes étrangers.
En effet, la lutte contre les violences conjugales ou les mariages forcés est mise en avant dans les discours pour renforcer les politiques d’expulsion et justifier une « tolérance zéro » envers les auteurs étrangers de ces violences. Cela stigmatise un public déjà marginalisé et détourne l’attention des responsabilités structurelles et systémiques qui alimentent les violences. Ainsi, le débat sur les violences faites aux femmes est détourné pour créer un amalgame entre migration et insécurité, entre hommes étrangers et violence.
L’accès à des conditions de vie dignes pour les femmes migrantes victimes de violences ne peut passer par une politique qui instrumentalise leurs souffrances pour servir des logiques répressives. Il est impératif de mettre en place des dispositifs protecteurs et inclusifs, qui considèrent ces femmes comme des sujets de droit à part entière, et non comme des outils de discours sécuritaires.
D. Pour un accès effectif à des conditions de vie dignes
Pour que ces femmes puissent vivre dignement, sans avoir à prouver leur humanité, plusieurs solutions s’imposent :
- Un droit au séjour pérenne et inconditionnel pour les victimes de violences, qu’elles soient conjugales, familiales, professionnelles ou institutionnelles.
- L’allègement des exigences de preuve, avec une prise en compte réelle des témoignages et des faisceaux d’indices.
- Une formation obligatoire des autorités pour garantir un accueil digne et bienveillant, sans jugement ni mépris.
- L’interdiction absolue des placements en centre de rétention administrative pour toute personne victime de violences.
- L’accès à une vie digne ne doit pas dépendre d’un document administratif ou d’une procédure judiciaire. Une vie digne, c’est reconnaître ces femmes comme des êtres humains à part entière, et leur offrir la protection qui leur est due, sans conditions.
La précarité administrative ne peut être un obstacle pour protéger des êtres humains. Pourquoi refuser de protéger une personne victime de traite parce qu’elle est en situation irrégulière, ou qu’il y a un doute sur le nom du proxénète ? La Cimade demande que les lois soient appliquées et que les dispositions insuffisantes sur le droit au séjour des personnes victimes de violences soient améliorées. Le droit devrait être un rempart, un outil de protection. Les garanties juridiques censées protéger ces femmes existent, mais elles restent insuffisantes, conditionnelles et mal appliquées. Pour accéder à des conditions de vie dignes, elles doivent prouver l’impensable, traverser des démarches interminables et convaincre des institutions qui doutent de leur parole.
II. L’accès à l’hébergement pour les femmes étrangères : un droit fondamental mis en péril
Malgré plusieurs décisions du Conseil d’Etat, et l’existence d’articles protecteurs dans le code de l’action sociale et des familles, l’accès à un hébergement n’est plus considéré par les pouvoirs publics comme un droit fondamental, il devient outil de tri et d’exclusion (A). Les personnes étrangères sont particulièrement visées par cette exclusion, en particulier celles qui sont dans une situation administratives précaires, qu’elles soient ou pas directement menacées par une expulsion (B). Cette politique met particulièrement en péril la sécurité et la santé des femmes étrangères, victimes d’une double discrimination liée à leur genre et à leur nationalité (C).
A. Un droit fondamental devenu outil d’exclusion
Reconnu comme une liberté fondamentale par le Conseil d’État [6], le droit à l’hébergement d’urgence repose sur le principe d’inconditionnalité. Le code de l’action sociale et des familles [7] dispose en ce sens que : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence. ». Ce droit ne saurait être subordonné à la nationalité, à la régularité du séjour ou à la situation administrative de la personne concernée. Le Conseil d’État a, à plusieurs reprises, rappelé que seule l’orientation vers un hébergement stable, de soins, ou vers un logement adapté peut justifier la fin d’une prise en charge au titre de l’urgence sociale.
Pourtant, ces principes sont aujourd’hui largement fragilisés par une double transformation du paysage institutionnel de l’hébergement. D’une part, la tutelle et le financement de la majorité des structures destinées aux demandeurs d’asile et réfugiés relèvent désormais du ministère de l’Intérieur, alors que ces compétences étaient historiquement portées par le ministère des Affaires sociales. D’autre part, le lien entre hébergement et contrôle migratoire s’est accentué, remettant en cause la vocation sociale et protectrice de ces dispositifs.
B. Exclure de l’hébergement pour contraindre les personnes étrangères, en situation administrative précaire, à quitter le territoire
L’hébergement est de plus en plus instrumentalisé comme un levier de surveillance et de gestion des flux migratoires. Cette logique de dissuasion se traduit par un choix imposé aux personnes étrangères en situation irrégulière : survivre dans la rue, dans des campements ou des squats évacués régulièrement, ou accepter une mise à l’abri sous surveillance, avec le risque d’une expulsion. La circulaire du ministre de l’Intérieur du 17 novembre 2022 [8] formalise cette orientation, en appelant les préfets à suspendre les droits sociaux des personnes sous OQTF et à collaborer avec les bailleurs sociaux pour identifier les étrangers en situation irrégulière occupant un logement.
Cette politique de conditionnalité diffuse vise bien au-delà des seules personnes sous OQTF. Elle tend à exclure, de facto, l’ensemble des personnes étrangères en situation administrative précaire des dispositifs d’hébergement d’urgence, les poussant vers l’aide au retour volontaire ou les maintenant dans des conditions de vie indignes. Cette dynamique produit des effets différenciés selon les genres, avec des conséquences particulièrement lourdes pour les femmes.
C. Des formes d’hébergement précaires qui renforcent la vulnérabilité des femmes étrangères
Les formes d’hébergement précaire telles que les hôtels sociaux ou les centres sur-occupés ne garantissent pas la sécurité ni la dignité des femmes migrantes. Une enquête réalisée en 2017 en Île-de-France (étude Dsafhir)[9] a documenté l’exposition de ces femmes à des violences physiques, sexuelles, psychologiques, économiques et institutionnelles dans ces structures. Plus récemment, le rapport 2023 de la Fondation Abbé Pierre [10] a mis en lumière les trajectoires de femmes migrantes contraintes à la prostitution de survie pour accéder à un logement, rembourser des dettes de passage ou subvenir aux besoins élémentaires de leurs enfants. L’absence d’accès à un hébergement stable est ainsi identifiée comme un facteur direct d’entrée dans des logiques d’exploitation, y compris sexuelle.
Par ailleurs, les femmes déboutées de l’asile, exclues des Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), se retrouvent très fréquemment à la rue, sans solution de repli. Cette précarisation extrême concerne également les femmes demandeuses d’asile, qui, bien qu’a priori protégées par le cadre juridique de la Convention de Genève, sont parfois privées d’accès à l’hébergement. À Lyon, une enquête journalistique menée par Disclose[11] en 2023 a révélé que plus de 460 femmes en demande d’asile, souvent enceintes ou accompagnées de jeunes enfants, avaient été laissées à la rue par l’administration, malgré leur vulnérabilité avérée.
Alors même que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est tenu par la loi d’évaluer la vulnérabilité des personnes et leur besoin d’hébergement, les manquements sont nombreux. Cela conduit à une situation dans laquelle des femmes venues chercher refuge en France sont maintenues dans des conditions contraires à la dignité humaine, avant même l’examen de leur demande de protection.
Conclusion
L’examen des violences subies par les femmes étrangères et des obstacles qu’elles rencontrent pour accéder à une protection juridique et sociale effective révèle une précarité construite par les politiques publiques. Ces dernières imposent à ces femmes un cumul de vulnérabilités liées à leur genre, à leur situation administrative et aux violences qu’elles ont subies ou continuent de subir.
Si des instruments juridiques existent, leur mise en œuvre reste conditionnée à des exigences de preuve inaccessibles, des procédures dissuasives, ou à une volonté politique insuffisante. Le droit à une vie digne, proclamé par les textes fondamentaux, reste suspendu à la régularité du séjour, alors même que les principes fondateurs du droit international humanitaire imposent une protection inconditionnelle des personnes vulnérables.
L’enjeu est donc moins celui d’une réforme formelle du droit que celui de son effectivité. Repenser les politiques migratoires sous l’angle des droits fondamentaux et de l’égalité réelle constitue un impératif démocratique. À ce titre, la reconnaissance d’un statut protecteur et inconditionnel pour les femmes victimes de violences, ainsi qu’un accès effectif à l’hébergement et à la santé, devraient constituer les piliers d’une politique migratoire respectueuse de la dignité humaine.
[1] INSEE, Tableaux de l’économie française – Édition 2023, [en ligne], disponible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381757#figure1_radio2, consulté le 11 janvier 2025.
[2] Nations Unies, Déclaration universelle des droits de l’homme, article 25, [en ligne], disponible sur : https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/, consulté le 11 juin 2025
[3] Tanella Boni, Qu’est-ce qu’une vie digne ?, in Diogène, n°253, mars 2016
[4] CARAYON Lisa et MATTUISSI Julie, « Violaine Husson : avec La CIMADE, pour un droit féministe des migrations: Entretien réalisé par Lisa Carayon et Julie Mattiussi » [en ligne], Intersections. Revue semestrielle Genre & Droit, mai 2024, [consulté le 30 avril 2025]. https://revue-intersections.parisnanterre.fr/index.php/accueil/article/view/46
[5] CARAYON Lisa et MATTUISSI Julie, « Violaine Husson : avec La CIMADE, pour un droit féministe des migrations: Entretien réalisé par Lisa Carayon et Julie Mattiussi » [en ligne], Intersections. Revue semestrielle Genre & Droit, mai 2024, [consulté le 30 avril 2025]. https://revue-intersections.parisnanterre.fr/index.php/accueil/article/view/46
[6] Conseil d’État, juge des référés, 10 février 2012, n° 356456, [en ligne], disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000026352781/, consulté le 11 janvier 2025.
[7] Article L345-2-2 CASF
[8] Ministère de l’Intérieur, Instruction du 17 novembre 2022 relative à l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et au renforcement des capacités de rétention, [en ligne], disponible au format PDF sur : https://www.gisti.org/IMG/pdf/circ_2022-11-17.pdf,.
[9] Observatoire du Samusocial de Paris, Parcours migratoire, violences déclarées et santé perçue des femmes migrantes hébergées en hôtel en Île-de-France. Enquête Dsafhir, publié le 25 juin 2019, mis à jour le 9 juillet 2019, [en ligne], disponible sur : https://www.samusocial.paris/publications/parcours-migratoire-violences-declarees-et-sante-percue-des-femmes-migrantes-hebergee, consulté le 11 janvier 2025.
[10] Fondation Abbé Pierre, 28e rapport sur l’état du mal-logement en France 2023, publié le 1er février 2023, [en ligne], disponible sur : https://www.fondationpourlelogement.fr/actualites/28e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-en-france-2023, consulté le 11 janvier 2025.
[11] Disclose, À Lyon, l’État refuse d’héberger des femmes exilées enceintes ou avec des bébés, en toute illégalité, [en ligne], disponible sur : https://disclose.ngo/fr/article/a-lyon-letat-refuse-dheberger-des-femmes-exilees-enceintes-ou-avec-des-bebes-en-toute-illegalite, consulté le 15 janvier 2025.