Les accommodements au bénéfice des personnes handicapées en droit québécois
Depuis l’adoption en 1975 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, la jurisprudence québécoise est de plus en plus sensibilisée à l’obligation quasi constitutionnelle de garantir un droit à l’égalité réelle à des catégories de personnes ayant été historiquement désavantagées du fait de certaines caractéristiques inhérentes à leur personne. Ainsi, l’un des motifs de discrimination illicites, tels que reconnus dans la Charte québécoise, est le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap, y compris la déficience intellectuelle. Il serait intéressant de voir dans quelle mesure la jurisprudence québécoise a circonscrit l’obligation d’accommoder les personnes présentant une déficience intellectuelle ou un handicap dans divers domaines du quotidien, notamment en matière d’emploi, de l’éducation et de l’accès aux services généralement offerts au public.
Since the adoption of the Quebec Charter of human rights and freedoms in 1975, Quebec courts have become increasingly sensitive to the quasi-constitutional obligation to guarantee substantive equality to categories of individuals who had suffered historical disadvantages due to their personal characteristics. One of those prohibited grounds of discrimination, as recognized in the Quebec Charter, is the handicap or the use of any means to palliate a handicap, including intellectual disability. It would be interesting to see to what extent Quebec jurisprudence has shaped hitherto the duty to accommodate such people with intellectual disability in various areas of daily life, in particular with regard to employment, education, and access to services usually offered to the public.
Par Carole Sénéchal, Professeure – Faculté d’éducation, Université d’Ottawa (Carole.senechal@uottawa.ca) et Jacques Langevin, Professeur – Faculté des Sciences de l’éducation, Université de Montréal
Introduction : les contours évanescents d’un « handicap » protégé par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne
Depuis l’adoption en 1975 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap est énuméré comme un des motifs de discrimination interdits lorsqu’une « distinction, exclusion ou préférence » a pour effet de détruire ou de compromettre un droit ou liberté fondamental protégé par la Charte[1]. Il en est de même pour la Charte canadienne des droits et libertés[2] qui interdit toute discrimination fondée sur un ensemble de motifs incluant, entre autres, les déficiences mentales ou physiques. La Loi canadienne sur les droits de la personne[3]interdit, tel qu’inscrit aux articles 3 et 7, toute discrimination fondée notamment sur la déficience, particulièrement dans la relation d’emploi. C’est en 2010 que le Canada a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU afin de faire appliquer sur son territoire les droits et les obligations qui sont énoncés dans la Convention tels que le droit à l’éducation et le droit à l’emploi[4]. Même si au Québec la convention n’est pas encore généralement connue et reconnue, elle demeure tout de même un instrument précieux et pertinent puisqu’elle aide à valider et à interpréter les droits fondamentaux des personnes handicapées.
Le mot « handicap » n’est pas défini dans la loi. Étant donné l’objet remédiateur des lois protectrices des droits de la personne militant pour une interprétation large et libérale[5], la Cour suprême du Canada est d’avis qu’il faut aller au-delà des fondements strictement biomédicaux pour tenir compte des facteurs sociaux et technologiques[6]. D’où l’opportunité d’une approche multidimensionnelle[7].
Ainsi, un « handicap » peut résulter aussi bien d’une limitation physique que d’une affection, d’une construction sociale, d’une perception de limitation ou d’une combinaison de tous ces facteurs. C’est l’effet de l’ensemble de ces circonstances qui détermine si l’individu est ou non affecté d’un « handicap » pour les fins de la Charte.[8]
Qui plus est, l’existence d’un fondement biomédical n’est pas une condition sine qua non à la reconnaissance d’un handicap pour les fins de la Charte, le « handicap » peut être réel ou perçu et partant, sa cause ou l’origine est sans importance lorsque « l’accent est mis sur les effets de la distinction, exclusion ou préférence plutôt que sur la nature précise du handicap »[9].
Ces effets dont la Cour fait référence ont trait aux « obstacles à la pleine participation dans la société »[10], y compris « une distinction fondée sur la possibilité réelle ou perçue que l’individu puisse développer un handicap dans l’avenir »[11]. Enfin, une telle approche doit aussi être évolutive, sachant que « ce qui aujourd’hui constitue un handicap peut l’être ou ne pas l’être demain »[12].
Les principes une fois posés, les enseignements de la Cour suprême ont été appliqués dans un éventail de contextes, que ce soit dans les domaines de l’emploi (1), de l’éducation (2), de l’accès aux services publics (3) ainsi que dans le cadre de discriminations d’ordre systémique (4).
1. L’obligation d’accommodement en matière d’emploi
Dans le domaine de l’emploi, la preuve d’un handicap, voire d’un traitement différentiel fondé sur le handicap en question, n’est pas ipso facto jugée discriminatoire. Lorsque les plaignants auront établi l’existence d’un lien causal entre leur condition et la mesure prise par l’employeur, ce dernier peut encore justifier qu’une telle mesure était fondée sur des aptitudes ou qualités requises par un emploi, conformément à la clause justificative de l’article 20 de la Charte[13].
Jusqu’à l’aube des années 1990, la jurisprudence reconnaissait trois (3) formes de discrimination – directe, indirecte ou systémique – avec des moyens de défense distincts. Dans les sections qui suivent, nous allons aborder les discriminations directe et indirecte en matière d’emploi. La discrimination systémique, quant à elle, fera l’objet d’un développement à part.
Une discrimination directe est explicitement fondée sur un motif prohibé, lorsque l’employeur affiche clairement son intention de n’embaucher aucune personne faisant partie de l’une ou l’autre des catégories discriminées (p.ex. aucun catholique, aucune femme ni aucun Noir). S’agissant d’une discrimination directe, le test justificatif s’opère en deux étapes. L’employeur doit démontrer, à la satisfaction de la cour :
- que l’exigence a priori discriminatoire a été imposée honnêtement, de bonne foi (critère subjectif);
- et que l’exigence se rapporte objectivement à l’exercice de l’emploi en question, en ce sens qu’elle est raisonnablement nécessaire pour assurer l’exécution efficace et économique du travail (critère objectif), et non pour des motifs inavoués ou étrangers susceptibles d’aller à l’encontre des lois sur la protection des droits de la personne.[14]
En l’absence d’une exigence professionnelle normale ou justifiée, la mesure reprochée doit être annulée même à l’égard des travailleurs pour lesquels elle n’emporte aucun effet discriminatoire[15].
1.2 La discrimination indirecte
Une discrimination indirecte met l’accent sur les effets préjudiciables découlant d’une mesure a priori non discriminatoire sur l’une ou l’autre catégorie de personnes protégées[16]. C’est par exemple, l’obligation pour tous les électriciens de porter un casque de sécurité, laquelle emporte un effet discriminatoire préjudiciable à un employé dont la religion (sikhe) lui interdit de porter sur la tête autre chose qu’un turban[17]. Ou encore, lorsqu’un horaire de travail entre en conflit avec certaines prescriptions religieuses en matière de sabbat[18].
En présence d’une discrimination indirecte, il ne suffit pas que l’exigence ou la différence de traitement soit professionnellement justifiable au regard du test bipartite comme pour une discrimination directe, intentionnelle. En effet, il est de l’essence même d’une discrimination indirecte qu’ « [u]ne condition d’emploi adoptée honnêtement pour de bonnes raisons économiques ou d’affaires, également applicable à tous ceux qu’elle vise, peut quand même être discriminatoire si elle touche une personne ou un groupe de personnes d’une manière différente par rapport à d’autres personnes auxquelles elle peut s’appliquer »[19].
Le cas échéant, la Cour suprême du Canada impose à l’employeur une obligation d’accommoder, dans la mesure du possible, les employés ainsi préjudiciés. Cette obligation se décline en deux volets :
- La règle avait-elle un lien rationnel avec l’exercice de l’emploi ;
- Et, dans l’affirmative, l’employeur a-t-il composé avec l’employé tant qu’il n’en a pas résulté pour lui une contrainte excessive ?[20]
Le premier volet s’assimile au test bipartite dans les cas de discrimination directe[21]. Il s’agit de déterminer si la condition d’emploi avait été adoptée honnêtement (critère subjectif) pour de bonnes raisons économiques ou d’affaires (critère objectif). Dans l’affirmative, la règle est maintenue, sous réserve de l’obligation pour l’employeur d’accommoder les travailleurs lésés. À cette seconde étape, quant à savoir ce qui constitue une contrainte excessive restreignant la possibilité d’accommoder, la Cour suprême du Canada, sans la définir exhaustivement, a néanmoins énuméré certains facteurs à apprécier au cas par cas, comme le coût financier de l’accommodement; l’atteinte à la convention collective; le moral du personnel; l’interchangeabilité des effectifs et des installations; l’importance de l’exploitation de l’employeur et lorsque la sécurité est en jeu, l’ampleur du risque et l’identité des personnes qui le supportent.[22]
En tout état de cause, le qualificatif « excessive » suppose qu’une certaine contrainte est acceptable. Il faut plus que « de simples efforts négligeables » pour qu’un employeur remplisse son obligation d’accommoder[23]
1.3 Le cadre d’analyse unifié de l’arrêt Meiorin (1999)
Cette distinction – capitale – entre discrimination directe et indirecte a persisté jusqu’en 1999, l’année où la Cour suprême du Canada simplifie le cadre d’analyse en dénonçant le caractère artificiel de la dichotomie directe / indirecte pour y substituer une méthode unifiée exigeant de l’employeur une obligation d’accommoder dans tous les cas, à moins de contraintes excessives. Tout employeur peut désormais justifier une mesure a priori discriminatoire au terme d’une analyse en trois étapes, en établissant selon la prépondérance des probabilités :
- qu’il a adopté sa norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;
- qu’il a adopté cette norme en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;
- que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Pour prouver qu’une norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer l’impossibilité de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.[24]
Dans l’affirmative, la mesure a priori discriminatoire sera une exigence professionnelle justifiée qui ne constituerait pas une discrimination prohibée par la Charte. Dans le cas contraire, elle sera annulée en totalité.
Au Québec, l’exigence de bonne foi a été abolie par le législateur dès 1982, en substituant, dans le libellé de l’article 20 de la Charte, aux aptitudes et qualités « exigées de bonne foi pour » un emploi les aptitudes ou qualités « requises par » un emploi afin de renforcer le caractère objectif de l’analyse[25].
1.4 Les mesures d’accommodement consenties aux personnes ayant une déficience intellectuelle
Quid alors des mesures d’accommodement consenties aux personnes ayant une déficience intellectuelle ?
Dans le domaine de l’emploi, quoiqu’il existe quelques décisions condamnant les employeurs pour une discrimination fondée sur un handicap d’ordre intellectuel, il s’agit, dans la plupart des cas, des dépressions situationnelles temporaires nécessitant un retour au travail progressif[26]. Par exemple, dans CDP c Société de portefeuille du groupe Desjardins, TDPQ QUÉBEC (1997)[27], la Commission des droits de la personne réclame d’Assurances générales des Caisses Desjardins une somme compensatoire de 30 000 $ en raison d’une discrimination exercée à l’encontre de Madame Grenier, agente d’assurances, dans le cadre de son emploi, au printemps 1992. À la suite de la naissance prématurée de son deuxième enfant, Madame Grenier souffre d’une dépression situationnelle pour laquelle un arrêt de travail a été prescrit, suivi d’un retour au travail progressif à temps partiel s’étalant sur deux mois. L’employeur refuse les modalités de retour progressif et propose à Madame Grenier soit de reprendre son travail à temps plein, soit de donner sa démission. La seule mesure d’accommodement offerte par Desjardins consiste en un retour au travail progressif sur deux semaines. À l’expiration de ces deux semaines, Madame Grenier démissionne et porte plainte à la Commission des droits de la personne.
À la lumière des expertises concordantes mises en preuve, le Tribunal des droits de la personne conclut sans peine qu’au printemps 1992, Madame Grenier était atteinte d’un handicap prenant la forme « d’un syndrome anxio-dépressif entraînant chez elle un trouble d’adaptation avec humeur mixte (anxio-dépressif) et une inaptitude caractérisée par une détérioration du fonctionnement au travail, du fonctionnement dans ses activités sociales et dans les capacités de relations avec autrui »[28]. De plus, l’accommodement recherché aurait exigé « très peu d’efforts » de la part de Desjardins, à qui il suffisait de prolonger de deux mois au lieu de deux semaines le contrat de travail de la remplaçante de Madame Grenier. Cette attitude de l’employeur s’avère donc discriminatoire à l’endroit de Madame Grenier.
Dans la décision Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (2001)[29], il s’agit pour l’arbitre de griefs de déterminer si l’employeur avait manqué à son obligation d’accommoder un employé en le suspendant pour une durée indéterminée puis en le congédiant sur commission d’une faute grave (ici, agression physique et menace verbale proférée contre ses contremaîtres), alors que l’employé souffre d’une maladie chronique de type schizophrénique qui altère son jugement à la suite d’un accident d’automobile. Compte tenu d’un pronostic peu optimiste (maladie chronique grave avec risques de rechute d’actes agressifs), de la non-collaboration de l’employé (refus de suivre les traitements prescrits et de prendre ses médications) et de son incapacité psychologique pour exercer son emploi (non seulement certaines des tâches qui seraient contre-indiquées), l’arbitre de griefs est d’avis, à l’issue d’une analyse très étoffée de la preuve et de la jurisprudence, que la réintégration du plaignant constitue, en l’espèce, une contrainte excessive dégageant l’employeur de son obligation d’accommodement raisonnable.
L’obligation pour l’employeur d’accommoder un salarié souffrant précisément d’une déficience intellectuelle (légère) a été discutée dans l’affaire Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-CANADA) et Prévost Car inc. (2007)[30]. Le syndicat dépose au nom de M. Laurent Groleau un grief contestant sa rétrogradation du poste de soudeur-monteur à un autre qui l’amène à travailler au nettoyage par jet (sand blast) tout en conservant son taux salarial de soudeur. Le salarié impliqué, âgé de cinquante-neuf (59) ans, est un soudeur d’expérience avec une ancienneté de vingt-trois (23) ans chez son employeur. En raison de sa déficience intellectuelle légère, il a été dispensé de certaines tâches dès le début, en raison de ses difficultés à lire des plans et à apprendre à fabriquer différentes pièces. « Contrairement à ses six (6) autres collègues, [M. Groleau] demeurait toujours à son poste où il fabriquait les mêmes pièces au quotidien. »[31]
À la suite des ajustements significatifs au processus de qualification, M. Groleau a été le seul des cent sept (107) soudeurs-monteurs à ne pas réussir les tests théorique et pratique, avec des notes respectives de seize pour cent (16%) et de cinquante-cinq pour cent (55%). Vu les résultats obtenus par M. Groleau, le formateur externe lui prescrit une formation d’appoint d’au moins quatre cent cinquante-cinq (455) heures.
Le processus de qualification est-il discriminatoire au sens de la Charte ? Compte tenu des difficultés reconnues de M. Groleau à apprendre dans le cadre d’un modèle formel et à lire des plans, son neuropsychologue a établi catégoriquement qu’une évaluation équitable devrait passer par une appréciation de « la qualité de son travail à son poste habituel », plutôt que par des instruments à connotation plus académique[32]. A priori, il s’agit d’une situation de discrimination tout à fait analogue à celle reprochée dans l’arrêt Meiorin (1999), où les tests d’évaluation pour accéder au poste de pompiers forestiers ne tiennent pas compte des différences physiologiques inhérentes aux femmes.
Or, dans la mesure où les nouveaux tests ont été élaborés afin de vérifier l’aptitude des soudeurs à évaluer la qualité des soudures et à y remédier le cas échéant, il s’agit d’une exigence professionnelle justifiée, tandis que l’incapacité pour M. Groleau de les réussir malgré trente (30) ans d’expérience montre qu’il ne « dispose pas des qualités voulues pour détecter quand il pourra donner un mauvais rendement et pour déterminer le remède approprié »[33]. Que faut-il faire dans les circonstances ? « Le surveiller très étroitement pour lui monter un dossier d’erreurs suffisamment étoffé pour éventuellement justifier son congédiement? Attendre qu’il commette une ou quelques erreurs plus graves pour le limoger? Prévenir et l’assigner à d’autres tâches qui l’exposeraient moins? »[34]
Certes, comme le prévoit la convention collective, l’employeur a l’obligation d’assurer aux salariés la formation qui pouvait leur être nécessaire pour améliorer leurs compétences et la qualité du produit. Toutefois, en l’espèce, la formation requise par M. Groleau constitue une contrainte excessive, d’une part en ce que la convention collective prévoit la possibilité de suivre un entraînement d’un maximum de soixante (60) heures au salarié mis à pied ou rétrogradé qui doit être recyclé et, d’autre part qu’à la suite des nouveaux tests de qualification, les cent six (106) autres soudeurs-monteurs à l’emploi demandaient au total presque un nombre équivalent d’heures de formation que ce qui serait nécessaire pour M. Groleau à lui seul, sans garantie de résultat[35]. Sa rétrogradation était donc justifiée et partant, réputée non discriminatoire.
Dans l’affaire Union des Employés et Employées de Service, Section locale 800 c Groupe Compass (Québec) ltée (2015)[36], l’arbitre de griefs a été appelé à statuer sur le congédiement injustifié d’un employé de cafétéria, M. Marino, présentant une déficience intellectuelle modérée. Ce dernier a été embauché en vertu d’un programme d’aide à l’emploi du gouvernement du Québec, où l’employeur obtient une partie du salaire de la personne embauchée à titre de subvention pour compenser une productivité moindre de la personne handicapée.
L’employeur allègue que M. Marino avait des limites importantes à accomplir ses fonctions, d’autant plus qu’en période d’essai, l’employeur jouit d’une grande latitude pour évaluer le potentiel et le rendement de ses salariés. Encore faut-il que l’employeur ne fasse pas preuve d’arbitraire, de discrimination ou de mauvaise foi. Or, en l’espèce, l’employeur n’avait jamais rencontré M. Marino au cours de la période d’essai pour le sensibiliser à son rendement au travail[37], non plus que le responsable du salarié subventionné d’Emploi-Québec pour lui faire part des problèmes rencontrés au regard de sa performance au travail, et ce, malgré une clause expresse à cet effet dans le contrat d’intégration au travail pour M. Marino, conclu entre l’employeur et Emploi-Québec. Certes, rien n’oblige une entreprise à conclure une entente avec Emploi-Québec pour intégrer dans sa main-d’œuvre des employés subventionnés. Toutefois, lorsqu’elle accepte de le faire, elle doit par ailleurs accepter les contraintes qui peuvent se présenter, comme l’obligation de demander l’intervention du responsable du salarié subventionné pour résoudre certaines difficultés, laquelle faisait partie des conditions de travail de M. Marino[38].
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Quoique cette recherche ne soit pas exhaustive, nous sommes portés à croire que l’obligation d’accommoder les personnes présentant une déficience intellectuelle est peu judiciarisée. L’aptitude psychologique constituant une exigence professionnelle facilement justifiable, l’existence d’une déficience intellectuelle sévère constitue en général une limitation difficilement accommodable quand vient le temps d’adapter les exigences d’un poste. Quant aux déficiences légères à modérées, la sélection se fait vraisemblablement dès l’embauche, où l’employeur dispose d’un large pouvoir discrétionnaire.
2. L’obligation d’accommodement dans le domaine de l’éducation
C’est dans le domaine de l’éducation que l’obligation pour les commissions scolaires d’accommoder les élèves présentant un handicap physique ou mental s’impose avec une acuité particulière. En effet, s’il n’existe pas comme tel un droit fondamental à l’emploi, le droit à l’éducation est consacré à la fois dans la Loi sur l’instruction publique[39] que la Charte québécoise[40].
Mais encore une fois, jusqu’où va cette obligation d’accommodement ? Dans quelle mesure les écoles ont-elles l’obligation d’intégrer les élèves en difficulté dans les classes régulières ? Quelles sont les modalités de cette intégration ou, le cas échéant, d’une non-inclusion ? Ces questions méritent d’être posées, puisque le droit à l’éducation, contrairement aux autres droits fondamentaux dont la dérogation se doit d’être explicite en emportant un lourd coût politique[41]. C’est « dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi » que l’instruction publique gratuite est un droit à la portée de toute personne[42]. Or, la Loi sur l’instruction publique prévoit expressément l’existence d’un handicap physique ou mental comme un des motifs autorisant une exemption, par la commission scolaire, de l’obligation de fréquenter l’école[43].
2.1 Les premiers balbutiements avant Eaton (1997)
L’existence d’un droit à l’éducation, posé en des termes généraux, doit dès lors être nuancée. Il s’agit plutôt d’« un droit à des services éducatifs définis par la loi et les règlements, et à certains services complémentaires et particuliers établis dans le cadre des programmes de la commission scolaire »[44]. S’agissant d’offrir des services adaptés aux enfants handicapés, l’impulsion fut donnée au Québec au milieu des années 1960 dans la foulée des recommandations du rapport Parent, voulant que
[l]’éducation des exceptionnels doi[ve], chaque fois que la condition de l’enfant le permet, se rapprocher le plus possible de l’éducation régulière, et ne comporter que les modalités spéciales vraiment indispensables, cela afin de faciliter l’intégration de ces enfants parmi les autres enfants et dans la société.[45]
Ce principe a été repris en 1976 par le Rapport du Comité provincial de l’enfance inadaptée (COPEX) recommandant l’intégration des jeunes en difficulté d’adaptation et d’apprentissage dans les classes ordinaires, en s’appuyant sur les expériences significatives et positives d’intégration au Canada et aux États-Unis, surtout au primaire[46]. À la suite de ce rapport, le ministère de l’Éducation adopte en 1978 une nouvelle politique relative à l’organisation des services aux élèves handicapés et en difficulté afin de leur assurer un cheminement scolaire « dans le cadre le plus normal possible » par l’entremise d’une série de mesures graduées à être planifiées par les commissions scolaires en collaboration avec le personnel des écoles ainsi que les comités d’écoles et de parents[47]. Le « cadre le plus normal possible » s’entend d’un maximum de contacts possible avec des pairs non handicapés, tout en prenant en compte les besoins éducatifs spéciaux des élèves en difficulté. Les modifications législatives corrélatives n’imposent cependant pas aux commissions scolaires l’obligation de considérer la possibilité d’intégrer les élèves handicapés dans des classes régulières, au-delà de l’offre des « services éducatifs spéciaux » et l’accès à des cours reconnus et appropriés pendant la période de fréquentation obligatoire (de 6 à 21 ans)[48].
En 1988, la nouvelle loi sur l’instruction publique, toujours en vigueur, entérine cet état de fait en retirant au gouvernement son pouvoir de réglementer la nature des services éducatifs spéciaux. Cette tâche revient aux commissions scolaires, qui ont désormais l’obligation d’adopter, dans le cadre du régime pédagogique établi par le gouvernement, un règlement précisant les normes d’organisation des services éducatifs aux élèves handicapés de manière à faciliter leurs apprentissages et leur insertion sociale[49]. Ainsi donc, la Loi sur l’instruction publique ne prévoyait pas l’intégration en classe régulière comme « un objectif à réaliser pour tous », au-delà de la nécessité d’adapter les services éducatifs aux besoins de chacun des élèves en fonction de ses apprentissages et de son insertion sociale[50]. Dans cette optique, l’intégration en classe régulière est un moyen plutôt qu’une fin en soi, l’objectif étant l’adaptation dont les modalités vont de l’intégration en classe ordinaire à l’école spécialisée[51].
Cela étant, encore faut-il que les commissions scolaires aient satisfait à leur obligation d’accommoder dans la mesure du possible eu égard aux articles 10 et 40 de la Charte québécoise, en s’inspirant des précédents jurisprudentiels anti-discrimination développés en matière d’emploi. Sur ce point, la Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Marcil (1994), invite les commissions scolaires à privilégier l’intégration en classe ordinaire comme le moyen le plus apte à atteindre le respect effectif du droit à l’égalité dans l’obtention des services éducatifs[52]. Insatisfaite de la décision prise en 1989 classant leur enfant en classe spéciale TSD et lui refusant les services d’une accompagnatrice, les parents portent plainte à la Commission des droits de la personne, alléguant une discrimination fondée sur le handicap privant leur fils de son droit à l’instruction publique gratuite protégé par l’article 40 de la Charte. La Cour d’appel estime que la commission scolaire n’a pas rempli son obligation d’accommodement vu l’effet préjudiciable que sa politique d’adaptation des services éducatifs emporte pour l’exercice du droit de Marcil à l’instruction publique gratuite.
Ces enseignements de la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Marcil ont été repris dans l’affaire Rouette (1994)[53], où la Cour d’appel réitère en ces termes la portée limitée du droit à l’instruction publique gratuite prévu à l’article 40 de la Charte :
L’arrêt 40 de la Charte ne saurait ajouter d’autres droits. Il ne garantit donc pas, à mon avis, le droit à l’intégration des élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage en classe ordinaire. Il garantit toutefois que les règlements et l’organisation des services éducatifs, dans chaque commission scolaire, assurera la possibilité d’offrir à ces élèves, de façon privilégiée et dans la mesure du possible, des modalités d’intégration dans les classes ou groupes ordinaires ainsi que les services d’appui nécessaires à cette intégration, sans qu’une offre exclusive en classe spéciale deviennent pour autant illégale si elle est justifiée.[54].
Comme toute obligation d’accommodement, il s’agit d’une obligation de moyen et non de résultat. Dans le cas de l’enfant Rouette, par exemple, la Cour d’appel entérine l’opinion de l’ensemble des intervenants scolaires voulant qu’une intégration, même partielle, en classe régulière n’était pas souhaitable en raison de son retard pédagogique dû à sa déficience intellectuelle, de ses besoins, de ses habiletés fonctionnelles et de l’orientation générale des programmes de cours au niveau secondaire. Il s’agit d’un enfant qui a été admis en 6e année régulière après les cinq premières années du primaire passées dans une classe spéciale dans deux écoles différentes. Depuis l’âge de 3-4 ans, l’enfant accusait un retard dans l’apprentissage du langage et doit être suivi en orthophonie. Le syndrome de Williams, d’origine congénitale, a également été diagnostiqué, entraînant une déficience intellectuelle et un retard mental.
Après un passage difficile en 6e année régulière, les principaux intervenants scolaires recommandent une admission en 1ère secondaire pratique, un des cheminements particuliers qu’offre la commission scolaire aux élèves en difficultés d’adaptation ou d’apprentissage. Les parents refusent ce classement et demandent à ce que leur fils soit classé en première année secondaire, formation générale. Après un réexamen plus approfondi du dossier de l’enfant Rouette, la Commission scolaire maintient le classement initial en formation pratique. Les parents retirent alors leur fils de l’école pour qu’un enseignement à domicile lui soit donné par sa mère et une orthopédagogue payée par les parents. En même temps, ils portent plainte à la Commission des droits de la personne.
La preuve montre que le cheminement en secondaire pratique fait partie des cheminements particuliers d’adaptation scolaire offerts aux élèves présentant des difficultés marquées en français et en mathématiques et qui n’auraient pas complété avec succès les programmes de la fin du second cycle du primaire. Il s’agit bien souvent des élèves dont le fonctionnement intellectuel est de l’ordre de la déficience mentale légère. En plus d’offrir des apprentissages scolaires adaptés au rythme et aux besoins des élèves, ce cheminement particulier vise à développer l’autonomie personnelle, l’intégration sociale et professionnelle par des stages en milieu de travail, vers la fin des cours. Quoique les parents insistent sur son classement en 1ère secondaire, formation générale, l’enfant n’avait pas le pré-requis nécessaire, à savoir la réussite du programme du second cycle du primaire, et ne pouvait bénéficier d’un rattrapage suffisant à l’aide de simples mesures d’appui pédagogiques.
Cette première offre de services fut suivie de trois autres tout autant axées sur la formation pratique et la récupération des matières de base. Pour la Cour d’appel du Québec, il s’agit des mesures raisonnables pour assurer à l’enfant Rouette l’exercice, en pleine égalité, de son droit à des services éducatifs gratuits et adaptés.
2.2 De l’adaptation à l’intégration
C’est dans l’arrêt Eaton (1997)[55] que la Cour suprême du Canada a eu l’occasion de poser les balises dans le domaine de l’adaptation scolaire pour permettre aux élèves en difficulté d’accéder à l’égalité. Jusqu’au début des années 1980, la politique éducative en vigueur en Ontario était fondée sur une présomption d’exclusion, voulant que les personnes handicapées ne puissent pas fonctionner dans un système conçu pour la population en général, alors qu’aucun effort n’était requis pour composer avec les caractéristiques véritables de ces personnes. En effet, contrairement aux autres motifs de discrimination illicites (p.ex. la race et le sexe), la discrimination fondée sur une déficience physique ou mentale ne consiste pas dans l’attribution de caractéristiques fausses et stéréotypées. Il n’est pas faux d’affirmer qu’une personne aveugle ne serait pas capable de réussir un examen écrit ou qu’une personne incapable de marcher aurait besoin d’une rampe pour avoir accès à la bibliothèque. Dans les deux cas de figure, « [c]’est plutôt l’omission de fournir des moyens raisonnables et d’apporter à la société les modifications qui feront en sorte que ses structures et les actions prises n’entraînent pas la relégation et la non-participation des personnes handicapées qui engendre une discrimination à leur égard »[56]. En ce qui concerne la déficience, le droit à l’égalité enchâssé à l’article 15(1) de la Charte canadienne appelle la reconnaissance des caractéristiques réelles des personnes handicapées et l’adaptation raisonnable à celles-ci[57].
Compte tenu du caractère éminemment variable du degré et de la nature des déficiences affectant un individu parmi d’autres du groupe des personnes handicapées, il n’est pas possible d’entériner une présomption pour ou à l’encontre de l’inclusion scolaire, si ce n’est l’obligation de considérer, comme principal facteur déterminant, les meilleurs intérêts de l’élève handicapé[58].
En l’espèce, la décision du Tribunal de l’enfance en difficulté de l’Ontario de placer une enfant de 12 ans atteinte de paralysie cérébrale dans une classe spéciale à l’intérieur d’une école régulière est jugée raisonnable au terme d’une analyse de ses besoins et intérêts en matière d’éducation, sur les plans intellectuel et scolaire, de communication et de sécurité. D’une part, le Tribunal est d’avis qu’il n’était pas possible de répondre aux besoins de l’enfant sur les plans intellectuel et scolaire dans la classe ordinaire sans « l’isoler à son détriment, et ce, d’une manière qui peut être insidieuse »[59]. D’autre part, quoique certaines adaptations puissent être apportées à la salle de classe (telles qu’un pupitre spécial, l’aide sur le plan physique et la surveillance supplémentaire d’éducatrices adjointes), l’on ne pourrait raisonnablement répondre aux besoins spéciaux de l’enfant handicapée sur le plan de la sécurité sans une modification radicale de la salle ou un niveau très isolateur de surveillance par un adulte[60]. Enfin, le Tribunal de l’enfance en difficulté a fait référence à la nécessité d’évaluer de façon continue l’intérêt de l’enfant, afin que le placement puisse refléter tout changement dans ses besoins[61].
Quoique la Cour suprême du Canada ait refusé dans Eaton de consacrer une présomption en faveur de l’intégration, le législateur québécois n’a pas tardé à réviser la Loi sur l’instruction publique[62] dès 1997, en assujettissant les commissions scolaires à l’obligation d’adopter une politique relative à l’organisation des services éducatives qui assure aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage « l’intégration harmonieuse dans une classe ou un groupe ordinaire et aux autres activités de l’école de chacun de ces élèves », dans la mesure où « l’évaluation de ses capacités et de ses besoins démontre que cette intégration est de nature à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale et qu’elle ne constitue pas une contrainte excessive ou ne porte pas atteinte de façon importante aux droits des autres élèves »[63].
Plusieurs décisions reflètent depuis les enseignements de l’arrêt Eaton, considérant à la fois les meilleurs intérêts de l’élève handicapé et l’obligation pour les commissions scolaires de les accommoder en classe ordinaire, dans la mesure du possible. En effet, de l’avis de la Cour d’appel du Québec, les principes énoncés dans les affaires Marcil et Rouette trouvent toujours application, si ce n’est d’une manière encore plus renforcée. Le critère du meilleur intérêt de l’enfant handicapé demeure la pierre angulaire de l’analyse. Il ne s’agit pas de se demander comment intégrer l’enfant handicapé dans une classe ordinaire, mais de déterminer si une pareille intégration rejoint son meilleur intérêt. Ainsi, dans l’arrêt Potvin (2006), la Cour d’appel du Québec[64] va jusqu’à prescrire la démarche à suivre par une commission scolaire quand vient le temps de prendre une décision qui respecte à la fois la Charte québécoise, les nouvelles dispositions de la Loi sur l’instruction publique et les enseignements de l’arrêt Eaton (1997). Cette démarche s’opère en trois temps :
1. Tout d’abord, l’enfant doit subir une évaluation dont le but est de déterminer ses besoins et l’étendue de ses capacités. Cette évaluation doit être subjective, c’est-à-dire adaptée au handicap et à la personne même de l’enfant pour qu’il en découle un véritable portrait dépeignant ses forces, mais également ses faiblesses. Cette évaluation personnalisée doit porter autant sur les capacités scolaires que sociales de l’élève.
2. Une fois ce portrait de l’enfant établi, la commission scolaire doit se demander, dans la mesure des forces et des limites de l’enfant, si ses apprentissages ou encore son insertion sociale seraient facilités dans une classe ordinaire. À cette étape, elle doit élaborer un plan d’intervention envisageant toutes les adaptations raisonnables pouvant permettre une intégration de l’enfant en classe ordinaire, toujours dans le but que l’intégration profite à son intérêt. Ainsi, la règle générale d’intégration est respectée, l’intégration étant recherchée dans les limites de l’intérêt de l’enfant.
3. Au terme de cette analyse, la commission scolaire peut en venir à l’une ou l’autre des deux conclusions suivantes :
a. Soit que malgré les adaptations nécessaires, l’évaluation n’a pas démontré qu’il était dans l’intérêt de l’enfant de l’intégrer en classe ordinaire. Dans ce cas, l’enfant sera orienté vers une classe spécialisée. Il devra joindre un groupe ordinaire pour certaines activités, s’il y va de son intérêt;
b. Soit que les apprentissages et le développement social de l’enfant seront facilités, en classe ordinaire, grâce aux adaptations envisagées. Dans ce cas, la commission scolaire aura l’obligation d’intégrer l’enfant en classe ordinaire soit à plein temps, soit à temps partiel, en lui fournissant les adaptations dont il a besoin, sous réserve de ce qui suit.
Si la commission scolaire démontre que les adaptations nécessaires à l’intégration de l’élève dans une classe ordinaire lui causent une contrainte déraisonnable ou encore portent atteinte de façon importante à l’intérêt des autres enfants, elle pourra alors placer l’enfant en classe spécialisée à plein temps.[65]
Bref, l’intégration ne s’impose que si elle va dans le meilleur intérêt de l’enfant, sans constituer une contrainte excessive pour la commission scolaire ou porter atteinte de façon importante à l’intérêt des autres enfants.
L’affaire Potvin (2006) découle en fait d’une plainte portée par les parents d’un enfant atteint de trisomie 21 à la suite du refus du Comité d’aide pédagogique de l’école du quartier d’intégrer leur fils dans une classe ordinaire, avec le support d’une accompagnatrice spécialisée. L’enfant présente une déficience intellectuelle légère à moyenne ainsi qu’un retard au niveau du développement du langage. Il appert de la preuve que le problème se situe cette fois au niveau de l’évaluation préalable au classement de l’enfant. La Cour d’appel, comme le Tribunal des droits de la personne, est d’avis que l’enfant Potvin n’a pas pu bénéficier d’une évaluation personnalisée dans la mesure où la commission scolaire s’était servie d’une grille synthèse des compétences acquises qui n’était pas conçue pour les enfants souffrant d’une déficience intellectuelle[66]. Dans ce contexte, une évaluation personnalisée s’entend « d’une évaluation centrée sur [l’enfant], déterminant ses acquis et ses capacités, dressant des objectifs adaptés à ses besoins permettant d’élaborer un programme scolaire personnalisé et indépendant des objectifs scolaires communs aux enfants non-handicapés »[67]. Par conséquent, le dossier est renvoyé à la commission scolaire pour qu’elle procède à une évaluation personnalisée de Potvin et élabore un plan d’intervention en conséquence.
Les mêmes parties se retrouvent à la Cour d’appel six ans plus tard[68]. Cette fois, la plainte à la Commission des droits a été déposée à l’instigation de l’Association de la déficience intellectuelle, reprochant à la commission scolaire d’avoir attribué un classement discriminatoire à l’enfant Potvin en le dirigeant en classe spécialisée avec une participation minimale en classe ordinaire (environ 25%). La Cour d’appel conclut, à l’issue d’une analyse exhaustive des faits et de la démarche entreprise par la commission scolaire depuis 2006 pour procéder à l’évaluation individualisée de l’enfant et l’élaboration d’un plan d’intervention adapté, que le droit à l’égalité de l’enfant Potvin n’a pas été violé. À la même occasion, la Cour d’appel précise que les deux étapes préconisées dans l’arrêt Potvin (2006) ne doivent pas constituer un carcan : « Les processus d’évaluation et de classement ne comportent pas des étapes étanches l’une de l’autre. Le processus décisionnel de chaque étape pouvait être fusionné à la réflexion entreprise plus largement, selon les circonstances et le sujet évalué. »[69]
Alors que l’affaire Potvin battait son plein, une autre plainte portée par la Commission des droits de la personne à l’encontre d’une commission scolaire aboutira devant la Cour d’appel en 2017. L’affaire Commission scolaire de Montréal (2017)[70] concerne un enfant atteint de trisomie 21 et présentant une déficience intellectuelle moyenne, qui a été redirigé par la Commission scolaire en classe spéciale à la fin de sa deuxième année du secondaire. L’enfant avait d’abord été inscrit en garderie ordinaire pour stimuler sa socialisation, pour être dirigé en pré-maternelle et en maternelle dans une école spécialisée. Il fréquentera l’école primaire dans une classe ordinaire pendant 7 ans, ainsi qu’en première et deuxième année du secondaire.
La commission scolaire, de son côté, soutient avoir fait tout ce qui lui était possible en première et deuxième années du secondaire pour accompagner l’enfant dans son parcours scolaire, tant par la sensibilisation de son personnel enseignant que l’ajout du personnel spécialisé. Quant au classement pour la troisième année du secondaire, toutes les adaptations possibles auront été envisagées, mais auraient exigé la présence constante d’un pédagogue uniquement assigné à l’enfant, ce qui représentait une contrainte excessive sans être dans son intérêt[71].
Ce pourvoi aura permis à la Cour d’appel de réitérer les principes énoncés dans les deux arrêts Potvin, à savoir :
- l’intégration en classe régulière des élèves handicapés est une norme d’application générale, mais non une norme impérative, car elle peut, selon le cas, constituer un avantage ou un fardeau pour ceux-ci;
- la recherche du meilleur intérêt de l’enfant prime donc sur cette norme d’application générale et elle prime aussi sur la volonté des parents de l’enfant;
- le processus par lequel une commission scolaire décide du classement d’un élève handicapé comporte plusieurs étapes et comprend une évaluation personnalisée des forces et des faiblesses de l’élève, ainsi qu’une évaluation des bénéfices qu’il pourrait retirer de l’intégration en classe régulière;
- lorsque la commission scolaire conclut que l’intégration en classe régulière serait bénéfique pour l’élève handicapé, elle doit l’intégrer, sous réserve d’une contrainte excessive ou d’une atteinte importante aux intérêts des autres élèves, en lui fournissant les adaptations requises par ses besoins;
- il incombe à la Commission des droits de la personne, c’est-à-dire aux plaignants, de faire la démonstration, par prépondérance des probabilités, de l’existence d’une discrimination lors du classement de l’élève handicapé.[72]
Au reste, il n’existe « aucune présomption en faveur ou en défaveur du bien-fondé d’une décision d’une commission scolaire », tout comme il n’existe « aucune présomption [voulant] que l’orientation en classe spéciale ne respecte pas l’intérêt de l’élève handicapé »[73].
En l’occurrence, ce qui ressort de la preuve est le trop grand écart sur le plan scolaire entre l’enfant handicapé et les autres élèves, au point que sa présence en classe ne pouvait être une intégration véritable. Si la commission scolaire n’avait pas élaboré un plan d’intervention formel envisageant toutes les adaptations raisonnables pouvant permettre une intégration en classe ordinaire, des ressources beaucoup plus importantes que la présence constante d’une préposée aux élèves handicapés auraient été nécessaires pour combler les besoins de l’enfant handicapé de façon quotidienne. Ses besoins très spécifiques, compte tenu des ressources disponibles, seraient mieux comblés en classe particulière qu’en classe ordinaire. Dans ce contexte, le classement de la commission scolaire est jugé raisonnable[74]
2.3 Les limites de l’intégration
Parallèlement à la jurisprudence de type Eaton (1999) où les débats tournent autour de l’opportunité d’intégration en classe régulière, d’autres contestations judiciarisées ont trait à l’omission par les commissions scolaires de fournir les services requis d’élèves handicapés, indépendamment de la possibilité de les intégrer ou non en classe ordinaire.
Dans l’affaire Moore (2012)[75], par exemple, la Cour suprême du Canada est amenée à statuer sur une annulation prétendument discriminatoire d’un programme d’éducation spécialisée qui a pour effet d’obliger l’élève à s’inscrire dans une école privée spécialisée. Il s’agit d’un enfant atteint de dyslexie grave nécessitant la fréquentation d’un centre de diagnostic local pour y bénéficier des mesures de remédiation nécessaires. Lorsque son district scolaire (de la Colombie-Britannique) a fermé le centre de diagnostic, l’enfant a été transféré dans une école privée, et le père dépose une plainte pour discrimination à l’encontre du district scolaire lui reprochant d’avoir privé, de façon discriminatoire et injustifiée, son enfant d’un service destiné au public.
La question centrale consiste pour la Cour suprême du Canada à décider si la fermeture du centre de diagnostic local était justifiée. Le district scolaire invoque la crise financière qu’il traversait à l’époque pertinente qui a nécessité d’autres compressions budgétaires[76]. Or, force est de constater que les compressions avaient visé de manière disproportionnée les programmes destinés aux élèves ayant des besoins spéciaux, alors que d’autres programmes facultatifs, comme l’école en plein air, avaient été maintenus malgré un coût financier équivalent[77]. De plus, le district scolaire n’aurait procédé à aucune évaluation, financière ou autre, de solutions de rechange disponibles ou qui auraient pu être raisonnablement trouvées pour répondre aux besoins des élèves ayant des besoins spéciaux[78]. Pour la Cour suprême du Canada, cette omission « d’envisager d’autres réaménagements financiers invalide complètement l’argument essentiel du district, à savoir qu’il était justifié de ne pas fournir à Jeffrey d’accès concret à l’éducation, parce que, financièrement, il n’avait pas le choix d’agir comme il l’a fait. Pour décider qu’il ne disposait d’aucune autre solution, le district devait à tout le moins se demander quelles auraient pu être ces autres solutions. »[79]
Cet arrêt originaire de la province de Colombie-Britannique fait écho au recours collectif institué au Québec par les parents d’enfants dyslexiques alléguant une discrimination dans la prestation des services adaptés aux enfants dyslexiques ayant fréquenté une école relevant de l’une ou l’autre des cinq commissions scolaires défenderesses. Dans l’affaire Desgagné (2010)[80], la Cour supérieure du Québec est amenée à statuer sur l’omission prétendument discriminatoire des commissions scolaires défenderesse (1) de mettre en place une procédure de dépistage de la dyslexie chez les élèves de la maternelle, du primaire et du secondaire, et (2) d’utiliser des méthodes d’enseignement adaptées à leur situation particulière. Le recours entrepris a été rejeté sur preuve (1) qu’il n’existe pas au Québec, (1) ni d’outil d’identification de la dyslexie dans le contexte scolaire qui présente un haut degré de fiabilité, (2) ni de programmes d’intervention spécifiques, validés scientifiquement et adaptés aux élèves présentant une dyslexie[81].
En général, le droit à l’obtention de certains services déterminés est plus circonscrit en ce que le droit fondamental à l’égalité n’emporte pas un droit – positif – de revendiquer des services particuliers, mais seule une prestation non discriminatoire des services disponibles[82]. Comme le relève la Cour supérieure du Québec dans Desgagné (2010), « [l]e défaut de dispenser certains services profitables ne suffit pas à démontrer la discrimination en l’absence d’une preuve d’une différence de traitement. Il faut faire la démonstration que les services réclamés correspondent aux avantages que la loi vise à accorder et que des groupes comparables ont droit à ce type de services en vertu du régime législatif »[83]. Une commission scolaire engage aussi sa responsabilité lorsqu’elle a fait défaut d’honorer son engagement, par exemple celui d’offrir à un enfant en difficulté des services d’orthopédagogie conformément à une entente cosignée par sa mère, son enseignante, l’orthopédagogue de l’école ainsi que la directrice de l’école[84]. Dans le cas contraire, à moins d’une discrétion exercée de mauvaise foi, on peut difficilement contester le refus, par une commission scolaire, de conclure un contrat de service qui aurait pour objet de faciliter la fréquentation scolaire d’enfants autiste par exemple[85].
3. L’obligation d’accommodement dans le domaine des services publics
À la différence du droit à l’éducation aux contours minutieusement sculptés par le législateur, l’accès aux services publics est un droit fondamental garanti à l’article 15 de la Charte québécoise. Ces dispositions doivent se lire en conjonction avec les articles 12 à 14 de la Charte, prohibant la discrimination pour motifs interdits, dont le handicap, dans la conclusion d’actes juridiques ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public. D’emblée, ces dispositions laissent entrevoir un éventail beaucoup plus large et diversifié de situations qu’en matière d’emploi ou de services éducatifs. Deux situations, en particulier, ont retenu l’attention de la jurisprudence. Il s’agit des refus d’inscription à un programme de loisirs (3.1) et d’accommoder les personnes souffrant de déficience cognitive qui nécessite l’accompagnement d’un chien d’assistance de type MIRA (3.2).
3.1 L’inscription aux loisirs
Dans l’affaire Sharifi (2013)[86], le Tribunal des droits de la personne est saisi d’une plainte portée par les parents d’un enfant autiste qui se voit refuser l’inscription à un programme d’activités estivales offert par la Ville de Québec. Le programme en question, intitulé Programme de soutien à la participation de l’enfant présentant une incapacité ou un trouble du comportement, était spécifiquement conçu pour « fournir une aide directe et souvent exclusive à des enfants dont l’intégration aux activités régulières du Programme Vacances-État et/ou au Camp de jour serait impossible autrement »[87]. En même temps, ce programme exige, comme condition d’admissibilité, que l’enfant présente « une réelle capacité à intégrer les activités régulières des programmes d’animation estivaux », en excluant « les limitations physiques ou intellectuelles d’une grande sévérité (incapacité de communiquer, troubles importants du comportement tel (sic) l’agression physique, etc.) »[88].
En refusant l’inscription de l’enfant Mahdi au programme de soutien, la Ville de Québec faisait valoir que le programme de soutien n’était pas « un programme spécialisé pour les personnes présentant une ou des incapacités physiques et intellectuelles sévères », alors que Mahdi présente un diagnostic d’autiste de bas niveau, est incapable de communiquer et ne manifeste pas un potentiel d’intégration suffisant aux groupes et aux activités[89]. Malgré une demande de révision et des précisions additionnelles apportées par les parents, et malgré le soutien du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle (CRDI) qui s’engageait à trouver, à ses frais, une personne accompagnatrice pendant une période d’essai de deux semaines, la Ville maintient la décision initiale après avoir vu Mahdi interagir en situation ludique par une intervenante d’un Centre de la petite enfance (CPE)[90].
L’été suivant, la demande d’inscription pour Mahdi a été derechef refusée. Cette fois-ci, la décision a été motivée par le fait qu’il ne lui a pas été possible d’obtenir la confirmation, par un expert reconnu, de l’amélioration de la capacité d’intégration de Mahdi au programme de soutien[91]. Les parents avaient annexé à leur demande une lettre en anglais et signée par Mme Ramzani, la directrice de l’école iranienne que fréquentait Mahdi, faisant état de ses progrès. La Ville a toutefois estimé que les informations fournies étaient insuffisantes et exigé une évaluation faite par un intervenant québécois, ce qui était matériellement impossible puisque tous les intervenants qui avaient l’occasion de travailler avec Mahdi par le passé ne l’avaient pas revu depuis son départ pour l’Iran.
Reprenant la notion du meilleur intérêt de l’enfant développée dans la jurisprudence post-Eaton en matière d’offre de services éducatifs, la Commission des droits de la personne reproche à la Ville de ne pas avoir évalué s’il était dans le meilleur intérêt de l’enfant Mahdi de fréquenter son camp de jour pour les années 2008 et 2009. Ici, la Ville ne conteste pas qu’il était dans l’intérêt de Mahdi de fréquenter son camp de jour, notamment pour lui donner l’occasion d’interagir avec des enfants réguliers et d’observer la société réelle, mais plutôt que l’admission de Mahdi au camp aurait constitué pour elle une contrainte excessive.
À l’instar de l’obligation d’accommodement en matière d’emploi, sur la preuve d’une discrimination prima facie, le Tribunal doit déterminer si le critère d’admission au programme de soutien :
- est rationnellement lié à la poursuite d’objectifs légitimes;
- est raisonnablement nécessaire à l’atteinte de ces objectifs en ce qu’il est impossible pour la Ville de composer avec les personnes ayant les mêmes caractéristiques que Mahdi sans subir de contrainte excessive.[92]
Ici, la particularité du programme de soutien en cause réside dans le fait qu’il constitue en lui-même une mesure d’accommodement pour permettre l’intégration au camp de jour régulier des enfants présentant un handicap. Cela étant, rien ne dispense la Ville de son obligation d’accommoder jusqu’à la limite de la « contrainte excessive »[93]. Si, en 2008, la Ville a envisagé autant de mesures d’accommodement qu’il lui était possible de le faire compte tenu des informations dont elle disposait, il n’en va de même en 2009 lorsque la Ville a appliqué de façon rigide sa politique exigeant que les informations concernant les besoins et les capacités d’un enfant soient corroborées par deux intervenants, alors qu’aucune démarche sérieuse n’a été menée pour obtenir des précisions additionnelles auprès de Madame Ramzani.
3.2 Le chien MIRA
Un autre exemple de demandes d’accommodement émane des personnes qui se voient refuser l’accès aux lieux publics en présence d’un chien d’assistance. Dans l’affaire Destination Dollar Plus inc. (2014)[94], le Tribunal des droits de la personne est saisi d’un recours introduit par la Commission des droits de la personne alléguant un refus discriminatoire de permettre l’accès au magasin à une mère et son enfant en présence d’un chien d’assistance. L’enfant en question, âgée de dix-neuf (19) ans, est atteinte d’un trouble envahissant de développement emportant une incapacité de s’exprimer verbalement, une déficience intellectuelle et l’absence d’autonomie. Pour pallier son handicap, elle utilise un chien d’assistance appartenant à la fondation MIRA, dont la présence l’aide principalement à diminuer son anxiété ainsi qu’à améliorer sa communication avec les autres et son sommeil[95].
Un après-midi, Madame Acoca se rend au magasin Destination Dollar Plus inc. avec sa fille accompagnée du chien d’assistance. Dès son entrée, une caissière refuse catégoriquement que le chien pénètre dans le magasin, en s’appuyant sur la politique en vigueur qui autorise l’accès au magasin uniquement aux chiens-guides accompagnant des personnes handicapées de la vue. Devant ce refus, Madame Acoca demande à parler au gérant du magasin, qui l’invite à sortir du magasin avec le chien. Tout comme dans l’affaire Sharifi (2013)[96], l’existence d’une politique d’accommodement (en faveur des chiens-guides) ne constitue pas une défense valable lorsque le droit pour toute personne handicapée de ne pas être discriminée en raison d’un moyen pour pallier son handicap a une portée plus large[97]. S’il est aujourd’hui bien établi le droit pour une personne malvoyante d’avoir recours à un chien-guide comme moyen de pallier sa déficience[98], ce droit s’étend aussi aux personnes souffrant d’une autre déficience physique ou cognitive nécessitant un chien d’assistance[99].
Qui plus est, compte tenu de l’impératif d’interpréter les droits fondamentaux reconnus par la Charte québécoise d’une façon large et libérale, la Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Côté (2015)[100], étend la protection contre la discrimination fondée sur un moyen pour pallier le handicap à la famille d’un enfant autiste avec déficience intellectuelle, même lorsque cet enfant n’était pas présent au moment des événements. Il s’agit en l’occurrence d’un refus injustifié d’honorer une réservation à une chambre au gîte pour la période de fin d’année, alors que les parents souhaitaient prendre quelques jours de repos pendant un séjour de leur fils dans un centre pour enfants autistes.
4. La discrimination systémique : de l’égalité des chances à une égalité de résultats
Enfin, une discrimination jugée systémique nécessite des mesures – législatives – d’envergure plutôt que des contestations judiciaires au cas par cas. Devant le constat d’échec des politiques d’égalité des chances adoptées durant les années 1970 en faveur des femmes, des Autochtones, des personnes handicapées et des minorités visibles[101], une commission d’enquête fédérale avait été instituée afin d’enquêter sur les moyens d’y remédier, y compris l’opportunité d’élaborer des programmes obligatoires d’action positive, à l’image des programmes d’affirmative action mis en œuvre aux États-Unis.
La conclusion de la commission d’enquête, après consultation des groupes minoritaires visés, est sans équivoque : les lois antidiscriminatoires adoptées jusqu’ici pour régler les cas individuels de discrimination intentionnelle ne sont pas suffisants pour endiguer l’ampleur de la discrimination systémique. Qu’il s’agisse d’enseignement ou de formation, de pratiques restrictives des employeurs en matière de recrutement, d’embauche et d’avancement ou encore des systèmes d’information inadéquats sur les possibilités de formation et d’emploi, la levée des obstacles systémiques en matière d’emploi nécessite l’adoption de mesures interventionnistes, dont la réussite se mesure à leurs résultats notamment dans les domaines principaux ayant trait aux méthodes de recrutement et d’embauche, aux pratiques en matière d’avancement, au salaire égal pour un travail de valeur égale, aux régimes de pension et d’avantages, aux aptitudes et exigences professionnelles, à la salubrité des locaux et l’accès au lieu de travail, aux examens et évaluations professionnels, aux dispositions relatives aux congés parentaux ainsi qu’aux possibilités de congés d’études et de formation[102].
En ce qui concerne plus particulièrement les personnes handicapées, les impératifs suivants ont été mentionnés, à savoir :
- la mise en œuvre des services de soutien technique et personnel;
- l’impératif d’assurer l’accessibilité physique des lieux de travail et des services de transport adaptés pour s’y rendre;
- l’aménagement d’horaires de travail plus souples pour les personnes qui ne peuvent travailler de longues heures (d’affilée);
- la disponibilité d’équipements spéciaux pour les employés qui en ont besoin;
- les rajustements d’impôt nécessaires au bénéfice des employeurs et des employés handicapés; ainsi que
- la modification des régimes de pension et d’avantage pour inciter les personnes handicapées à se joindre à la population active[103].
C’est en effet, comme nous le rappelle la Cour d’appel fédérale, une forme de discrimination des plus subtiles, fondée sur « la reconnaissance du fait que les mœurs sociales et culturelles de longue date transmettent des présomptions de valeur qui contribuent à créer de la discrimination sous des formes totalement ou presque entièrement voilées et inconscientes »[104]. D’où l’importance d’implanter des programmes d’accès à l’égalité à grande échelle et ciblant plus particulièrement les besoins spécifiques aux groupes minoritaires qui ont été historiquement discriminé.
4.1 Les programmes d’accès à l’égalité
Conformément aux recommandations de la Commission Abella, rendues publiques en octobre 1984, la Charte québécoise prévoit dès 1985 l’implantation des programmes d’accès à l’égalité dans le but de « corriger la situation de personnes faisant partie de groupes victimes de discrimination dans l’emploi, ainsi que dans les secteurs de l’éducation ou de la santé et dans tout autre service ordinairement offert au public »[105]. Lorsque la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse constate, après enquête, une situation discriminatoire en emploi prévue par l’article 86, la loi l’habilite à proposer l’implantation d’un programme d’accès à l’égalité. Typiquement, une telle enquête est amorcée à la suite d’une plainte dénonçant l’existence d’une discrimination systémique à l’endroit, par exemple, d’un groupe de femmes[106]. Si la proposition de la Commission est rejetée, elle peut s’adresser au tribunal pour obtenir de l’entreprise visée l’élaboration d’un tel programme et une ordonnance qui en force l’introduction[107].
Au Québec, les femmes, les minorités visibles et les Autochtones sont les trois groupes faisant généralement l’objet de tels programmes d’accès à l’égalité[108]. Il peut s’agir, notamment, des processus de recrutement et d’embauche qui seraient porteurs de discrimination systémique en ayant pour effet d’exclure de manière disproportionnée les femmes de certains emplois traditionnellement réservés aux hommes[109].
Dans tous les cas, dans la foulée des recommandations de la Commission Abella, les programmes d’accès à l’égalité vont au-delà de l’égalité des chances pour viser « l’atteinte d’une égalité de résultats entre les groupes victimes de discrimination dans l’emploi, ou groupes cibles, et le groupe de référence, généralement représenté par les hommes de race blanche »[110].
Cela étant, la clause justificative de l’article 20 de la charte québécoise s’applique même en présence d’une preuve prima facie de discrimination systémique. En d’autres termes, il est possible pour un employeur de justifier l’existence d’une telle discrimination au sein de son entreprise en établissant, à la satisfaction de la Cour :
- qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause; et
- que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail, c’est-à-dire qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive[111].
Le gouvernement, de son côté, doit exiger de ses ministères et organismes dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) l’implantation de programmes d’accès à l’égalité dans le délai qu’il fixe. Quoique la Commission des droits de la personne ne puisse pas surveiller l’application de ces programmes ni en forcer l’exécution, ceux-ci doivent faire l’objet d’une consultation auprès de cette commission avant d’être implantés[112]. Au fait, la Loi sur l’accès à l’égalité dans les organismes publics (2000) prévoit un cadre particulier d’accès à l’égalité en emploi dans les organismes publics pour les personnes faisant partie de certains groupes victimes de discrimination historique, à savoir les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones ainsi que les membres d’une minorité visible ou ethnique[113].
S’agissant plus particulièrement des inégalités d’ordre salarial, la Loi sur l’équité salariale de 1996 s’applique à tout employeur comptant 10 salariés ou plus[114] et vise à corriger les injustices causées par la discrimination systémique à l’égard des emplois traditionnellement ou majoritairement féminins[115]. Pour ce faire, elle impose aux employeurs qui y sont assujettis une obligation positive d’établir, au sein de son entreprise, un programme d’équité salariale ou des ajustements salariaux nécessaires afin d’accorder, pour un travail équivalent, la même rémunération aux salariés occupant des emplois à prédominance féminine que celle accordée pour les travailleurs dans le cadre d’emplois à prédominance masculine. Cette démarche est surveillée par la Commission sur l’Équité salariale (CES) puis, à partir du 1er janvier 2016, par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) à l’issue d’une réorganisation institutionnelle[116].
4.3 La Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale (2004)
Enfin, l’adoption de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale (2004)[117] constitue l’initiative législative la plus remarquable pour promouvoir le droit à l’égalité réelle des personnes handicapées, définies comme « toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujette à rencontrer des obstacles dans l’accomplissement d’activités courantes »[118].
Tout d’abord est institué l’Office des personnes handicapées du Québec qui a pour mission de soutenir les personnes handicapées en jouant notamment un rôle facilitateur auprès de divers organismes publics et ministères gouvernementaux. La Loi oblige désormais les municipalités à élaborer un plan d’action identifiant les obstacles à l’intégration des personnes handicapées dans leur secteur d’activité, ainsi que les mesures prises au cours de l’année qui se termine et les mesures envisagées pour l’année qui débute pour réduire ces obstacles à l’intégration[119]. De son côté, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale doit favoriser « l’intégration au marché du travail des personnes handicapées par l’élaboration, la coordination, le suivi et l’évaluation d’une stratégie visant l’intégration et le maintien en emploi de ces personnes et par la mise en place d’objectifs de résultats »[120]. La subvention accordée à un employeur pour compenser une moindre productivité au travail des personnes handicapées, mise en cause dans l’affaire Union des Employés et Employées de Service, Section locale 800 c Groupe Compass (Québec) ltée (2015)[121], découle de cette initiative.
Conclusion
Au total, l’obligation d’accommoder les personnes souffrant d’un handicap physique ou mental, dont la déficience intellectuelle, a connu des avancées louables depuis les années 1970 et plus particulièrement depuis l’avènement des lois protectrices des droits de la personne au courant des années 1980. Compte tenu du caractère éminemment variable et particularisé d’un handicap susceptible d’affecter l’intégration des personnes qui en sont atteints, les tribunaux ont été amenés à privilégier un cadre d’analyse spécifique à l’obligation pour les commissions scolaires d’offrir des services éducatifs adaptés dans le meilleur intérêt de l’élève handicapé dans les limites de contraintes excessives. À la différence des autres motifs de discrimination prohibés, comme la race ou le sexe, aucune présomption en faveur de l’intégration en classe régulière n’est reconnue par la jurisprudence. Le droit à une égalité réelle, dans un pareil contexte, consiste à offrir les services adaptés pour permettre aux élèves handicapés de faire comme les autres, plutôt que de les obliger à faire comme les autres en passant outre aux stéréotypes et aux caractéristiques handicapantes.
En dehors de l’environnement scolaire, l’obligation d’accommoder les personnes atteintes de déficience intellectuelle s’évalue à l’intérieur du cadre général imposant un devoir positif d’accommoder sous réserve de contraintes excessives à apprécier au cas par cas, qu’il s’agisse d’une discrimination directe, indirecte ou systémique.
[1] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art 10 [Charte québécoise].
[2] Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.U.), 1982, c.11.
[3] Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, c. H-6, art. 3 et 7.
[4] Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’Organisation des Nations Unies (ONU)
[5] Voir entre autres Daniel Gardner, « L’interprétation de la portée de la Loi sur l’assurance automobile : un éternel recommencement » (2011) 52:2 C de D 167.
[6] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Boisbriand (Ville), [2000] 1 RCS 665 au para 77 [Mercier].
[7] Ibid, citant Jerome E Bickenbach, Physical Disability and Social Policy, Toronto, University of Toronto Press, 1993.
[8] Mercier, supra note 3 au para 79.
[9] Ibid au para 81.
[10] Ibid au para 82.
[11] Ibid au para 81.
[12] Ibid au para 77.
[13] Ibid au para 84.
[14] Brossard (Ville) c Québec (Comm. des droits de la personne), [1988] 2 RCS 279 au para 67. Voir aussi Bhinder c Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1985] 2 RCS 561 [Bhinder]; Commission ontarienne des droits de la personne c Municipalité d’Etobicoke, [1982] 1 RCS 202 [Etobicoke].
[15] À titre d’exemples, une clause de la convention collective des pompiers de la municipalité d’Etobicoke (Ontario) prévoyant la retraite obligatoire à 60 ans a été annulée à défaut pour l’employeur d’établir l’existence d’une exigence professionnelle justifiée : Etobicoke, supra note 12. En l’espèce, les plaignants avaient fait valoir qu’ils possédaient, même après l’âge de 60 ans, les aptitudes physiques et mentales nécessaires à l’exécution de leurs tâches. La règle de mise à la retraite obligatoire a été annulée même à l’endroit des personnes qui ne seraient pas en mesure d’accomplir leurs tâches à 60 ans.
[16] Commission ontarienne des droits de la personne c Simpsons-Sears, [1985] 2 RCS 536 au para 18 [Simpsons-Sears].
[17] Bhinder, supra note 12.
[18] Simpsons-Sears, supra note 14 [l’obligation de travailler les fins de semaine dans un magasin de vente au détail qui est incompatible avec l’observance stricte du sabbat s’étendant du coucher du soleil le vendredi au coucher du soleil le samedi, telle que prescrite par l’Église adventiste du septième jour]; Central Alberta Dairy Pool c Alberta (Commission des droits de la personne), [1990] 2 RCS 489 [l’obligation – impérieuse – de travailler un lundi de Pâques entrant en conflit avec l’observance des jours saints prescrite par la World Wide Church of God] [Central Alberta Dairy Pool]; Central Okanagan School District No. 23 c Renaud, [1992] 2 RCS 970 [refus pour un Adventiste de septième jour de se présenter à son quart de soirée le vendredi pendant le sabbat de l’Église].
[19] Simpsons-Sears, supra note 14.
[20] Central Alberta Dairy Pool, supra note 16 à la p 520.
[21] Supra note 12 et le texte l’accompagnant.
[22] Central Alberta Dairy Pool, supra note 16 à la p 521.
[23] Voir CDP c Société de portefeuille du groupe Desjardins, TDPQ QUÉBEC, [1997] RJQ 2049, CanLII 47 (QC TDP) [Portefeuille Desjardins].
[24] Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c BCGSEU, [1999] 3 RCS 3 au para 54.
[25] Voir Dufour c Centre hospitalier St-Joseph-de-la-Malbaie, T.D.P.Q. CHARLEVOIX, [1992] RJQ 825, CanLII 11 (QC TDP).
[26] Portefeuille Desjardins, supra note 21; Boucher c Les Services correctionnels du Canada, [1988] 9 CHRR D/4910; Chamberlin c 599273 Ontario Ltd (Stirling Honda and Allan Pearson), [1990] 11 CHRR D/110; Zaryski c Loftsgard, [1995] 22 CHRR D/256.
[27] Portefeuille Desjardins, supra note 21.
[28] Ibid.
[29] Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301 (SCFP/FTQ) c Montréal (Ville), 2001 CanLII 21889 (QC SAT) [Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal].
[30] Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-CANADA) et Prévost Car inc, arbitre Me Jean-Guy Ménard, décision rendue le 31 juillet 2007.
[31] Ibid au para 11.
[32] Ibid au para 42.
[33] Ibid au para 46.
[34] Ibid au para 46.
[35] Ibid au para 45.
[36] Union des Employés et Employées de Service, Section locale 800 c Groupe Compass (Québec) ltée, 2015 CanLII 23683 (QC SAT).
[37] Ibid au para 76.
[38] Ibid au para 83.
[39] LRQ c I-13.3, art 1.
[40] Charte québécoise, supra note 1, art 40 : « Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, à l’instruction publique gratuite. »
[41] C’est l’effet des clauses nonobstant consacrées tant dans la Charte canadienne que québécoise :
Art 33 de la Charte canadienne – « (1) Le Parlement ou la législature d’une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d’une disposition donnée de l’article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte. »
Art 52 de la Charte québécoise – « Aucune disposition d’une loi, même postérieure à la Charte, ne peut déroger aux articles 1 à 38, sauf dans la mesure prévue par ces articles, à moins que cette loi n’énonce expressément que cette disposition s’applique malgré la Charte. »
[42] Charte québécoise, supra note 1, art 40.
[43] Loi sur l’instruction publique, supra note 38, art 15(2°).
[44] Patrice Garant, Droit scolaire, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1992 à la p 205.
[45] Québec. Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, Rapport parent, vol 110, Québec, 1965 à la p 339.
[46] Québec. Comité provincial de l’enfance inadaptée (COPEX), L’éducation de l’enfance en difficulté d’adaptation et d’apprentissage au Québec, Ministère de l’Éducation, Québec, 1976.
[47] Québec. Ministère de l’Éducation, L’École québécoise – Énoncé de politique et plan d’action, 1979.
[48] Loi modifiant de nouveau la Loi sur l’instruction publique, LQ 1979, c 80.
[49] Loi sur l’instruction publique, LQ 1988, c 84.
[50] Commission scolaire St-Jean-sur-Richelieu c Québec (Commission des droits de la personne), [1994] RJQ 1227, CanLII 5706 (QC CA) [Marcil].
[51] Ibid. Voir aussi Picard c Conseil des commissaires de la commission scolaire Prince-Daveluy, [1992] RJQ 2369, CanLII 3459 (QC CA) : « … l’appelante estime cette politique non conforme parce qu’elle ne permet pas l’intégration scolaire en déférant à une classe spéciale l’enfant souffrant de troubles graves d’apprentissage. Mais, la Loi ne fait pas l’obligation à la commission scolaire de maintenir tous les élèves dans des écoles et classes régulières. (…) C’est donc un régime souple et personnalisé que le législateur a prévu où l’intégration au milieu normal est favorisée sans cependant être exclusive. » (souligné dans l’original)
[52] Marcil, supra note 50.
[53] Commission scolaire régionale Chauveau c Québec (Commission des droits de la personne), [1994] RJQ 1196, CanLII 5704 (QC CA) [Rouette].
[54] Ibid.
[55] Eaton c Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 RCS 241 [Eaton].
[56] Ibid au para 67.
[57] Ibid.
[58] Ibid au para 69.
[59] Ibid au para 73.
[60] Ibid au para 73.
[61] Ibid au para 76.
[62] Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique et diverses dispositions législatives, LQ 1997, c 96.
[63] Loi sur l’instruction publique, supra note 38, art 235.
[64] Commission scolaire des Phares c Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2006 QCCA 82 [Potvin (2006)].
[65] Ibid au para 56.
[66] Ibid aux paras 85–86.
[67] Ibid au para 87.
[68] Commission scolaire des Phares c Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2012 QCCA 988 [Potvin (2012)].
[69] Ibid au para 131.
[70] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Commission scolaire de Montréal, 2017 QCCA 286 [Commission scolaire de Montréal].
[71] Ibid au para 5.
[72] Ibid au para 16.
[73] Ibid au para 33.
[74] Ibid aux paras 47–49.
[75] Moore c Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, [2012] 3 RCS 360 [Moore].
[76] Ibid au para 50.
[77] Ibid au para 51.
[78] Ibid au para 52.
[79] Ibid au para 52.
[80] Desgagné c Québec (Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport), 2010 QCCS 4838 [Desgagné].
[81] Ibid aux paras 484 et s.
[82] Auton (Tutrice à l’instance de) c Colombie-Britannique (Procureur général), 2004 CSC 78, [2004] 3 RCS 657.
[83] Desgagné, supra note 81.
[84] EL c Commission scolaire des Draveurs, 2017 QCCQ 2611.
[85] Johnson c Commission scolaire Lester B Pearson, [2000] RJQ 1961, CanLII 5769 (QC CA).
[86] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Québec (Ville de), 2013 QCTDP 32 [Sharifi]. Dans un contexte similaire, voir aussi Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Stoneham-et-Tewkesbury (Municipalité des cantons unis) JP 1249, 2011 QCTDP 15.
[87] Sharifi, supra note 87 au para 8.
[88] Ibid.
[89] Ibid au para 11.
[90] Ibid aux paras 13–15.
[91] Ibid au para 24.
[92] Ibid au para 221.
[93] Ibid au para 233.
[94] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Destination Dollar Plus inc., 2014 QCTDP 15 [Destination Dollar Plus inc.].
[95] Ibid au para 11.
[96] Supra note 87.
[97] Destination Dollar Plus inc., supra note 96 au para 93.
[98] Voir notamment Spa Bromont inc. c Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2015 QCCA 627; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Anwar, 2015 QCTDP 6.
[99] Destination Dollar Plus inc., supra note 96 au para 78. Voir aussi Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Coopérative de taxis de Montréal, 2008 QCTDP 10, où le plaignant, souffrant d’un handicap physique (amyotrophie spinale), s’est vu refuser l’accès à un taxi dans le cadre du transport adapté alors qu’il était accompagné d’un chien d’assistance de la Fondation Mira.
[100] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Côté, 2015 QCCA 1544.
[101] Lesquelles politiques n’auraient pas encore entraîné « de changements sensibles dans les méthodes d’emploi qui ont pour effet involontaire d’écarter un nombre démesuré de ces personnes des possibilités d’embauche et d’avancement » : Décret du Conseil privé, 1983-1924 du 24 juin 1983.
[102] Canada. Commission d’enquête sur l’égalité en matière d’emploi. Rapport de la Commission sur l’égalité en matière d’emploi, Approvisionnements et services Canada, Ottawa, 1984 (Commissaire : Rosalie Silberman Abella) [Commission Abella].
[103] Ibid à la p 5.
[104] Alliance de la fonction publique du Canada c Canada (Ministère de la Défense nationale), [1996] ACF 842, CanLII 4067 au para 14.
[105] Charte québécoise, supra note 1, art 86.
[106] Commission scolaire des Samares c Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), [2000] RJQ 2542, CanLII 22315 (QC CA).
[107] Ibid, art 88.
[108] Marie-Thérèse Chicha, « Les politiques d’égalité professionnelle et salariale au Québec : l’ambivalence du rôle de l’État québécois » (2001) 14:1 Recherches féministes 63 aux pp 63 et 64.
[109] Gaz métropolitain inc. c Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2011 QCCA 1201.
[110] Ibid à la p 64.
[111] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c Gaz métropolitain inc., 2008 QCTDP 24 au para 69 [décision infirmée en appel, mais non sur ce point, par 2011 QCCA 1201].
[112] Charte québécoise, supra note 1, art 92.
[113] Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics, LRQ c A-2.01.
[114] Loi sur l’équité salariale, LRQ c E-12.001, art 4.
[115] Ibid, art 1.
[116] Voir la Loi regroupant la Commission de l’équité salariale, la Commission des normes du travail et la Commission de la santé et de la sécurité du travail et instituant le Tribunal administratif du travail, LQ 2015, c 15.
[117] LQ 2004, c 31.
[118] Ibid.
[119] Ibid au para 61.1.
[120] Ibid au para 63.
[121] Supra note 35.