Chronique de droit constitutionnel comparé 2020 – Les exclus du droit de vote ou les nouveaux enjeux de la citoyenneté
Par Jordane Arlettaz, Professeur de droit public, Université de Montpellier, CERCOP, Z. Bremond, Docteur en droit, Enseignant-chercheur contractuel, Université Grenoble Alpes, CRJ, G. Doué, Doctorant vacataire, Université de Montpellier, CERCOP et A. Mauras, Doctorante, Université de Montpellier, CERCOP
En matière de droit de vote, est-il « exclu d’exclure ? » s’interrogeait J.-L. Hérin dans la Revue Pouvoirs en 2007. La question en soutient une autre : dans nos démocraties, existe-t-il encore des combats à mener en faveur de l’égal accès à la citoyenneté ? Si l’histoire témoigne de ce que le droit de vote se conquiert plus qu’il ne s’acquiert, l’actualité constitutionnelle atteste pour sa part de la permanence du combat et démontre que le droit de vote continue de poursuivre un idéal d’universalité qui n’est donc nullement atteint.
En 2018 et en 2019, les législateurs français, danois et espagnol ont ainsi procédé à des réformes importantes conduisant à réduire voire à supprimer les cas de déchéance du droit de vote des personnes affectées d’un handicap ou d’un trouble mental, quand le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe a de son côté constaté, par deux décisions rendues en 2019, l’inconstitutionnalité du dispositif législatif allemand relatif à la perte du droit de vote en raison d’un handicap mental. Ces mutations ont de fait réduit le champ des exclusions dans l’exercice d’un droit fondamental qui conditionne le caractère démocratique d’un régime politique. Parallèlement, la Cour suprême du Canada a prononcé en 2019 l’inconstitutionnalité de la suspension du droit de vote des expatriés qui vivent depuis plus de 5 ans hors du territoire national, mettant fin au critère du maintien d’un lien territorial comme préalable à l’appartenance à une même communauté de citoyens. Au Royaume-Uni en revanche, une résidence à l’intérieur des frontières demeure une condition d’exercice du droit de vote : le contentieux relatif au Brexit qui s’est engagé devant les juridictions internes et jusque devant la Cour de Justice de l’Union en 2019 ainsi que les récents débats parlementaires n’ont pas permis de remettre en cause l’exclusion du corps électoral des britanniques expatriés depuis plus de 15 ans. La mobilité conduit ainsi à une citoyenneté intermittente où le droit de vote s’acquiert, se perd puis s’exerce à nouveau, selon un double critère territorial et temporel au sein d’une Union européenne qui a pourtant fait de la libre circulation, une liberté fondamentale. Le corps électoral, enjeu politique du Brexit donc, fut et demeure également au cœur des négociations relatives aux referenda sur l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, le statut de citoyen étant constitutionnellement dépendant d’un lien ancien avec le territoire ; la singularité néocalédonienne a en effet notamment pris la voie de la définition de citoyennetés plurielles et construites sur mesure. Aux Etats-Unis, la citoyenneté se perd également avec l’exercice de la liberté de circulation ; l’installation des Américains dans le singulier territoire de Porto-Rico prive ainsi du statut de citoyen, comme l’a confirmé une Cour d’appel fédérale en 2018.
Ces divers contentieux et réformes législatives illustrent les nouveaux enjeux de la citoyenneté ; ces dernières décennies ont vu la question du droit de vote des étrangers pénétrer l’arène politique et celle du droit de vote des détenus se présenter devant les juges. Le débat ne semble donc pas éteint, révélant un mouvement qui s’inscrit dans l’histoire de la reconnaissance du droit de vote au plus grand nombre, en incluant désormais les personnes affectées d’un handicap ou trouble mental comme celles exerçant leur liberté de circulation. Sans doute, ces deux thématiques se différencient en ce que la première, relative à la citoyenneté par-delà le handicap, conditionne le droit de vote au discernement quand la seconde, suspendant la citoyenneté pour cause de mobilité, touche aux liens affectif, politique et juridique qui demeurent par-delà les frontières ; la première emporte un enjeu en terme de droits, la seconde se diffuse plus largement au sein de problématiques liées à la souveraineté ; la première vise des personnes affectées d’un handicap le plus souvent subi, la seconde s’adresse à des personnes ayant librement consenti à une vie de mobilité.
Les deux thématiques se rejoignent cependant sur de nombreux points et ce, par-delà l’enjeu démocratique de l’égalité dans l’exercice des droits de citoyenneté. L’une et l’autre bénéficient en effet d’une résonance historique en rappelant d’un côté le vote capacitaire en vigueur au temps où le vote n’était pas encore envisagé comme un droit mais comme une fonction. Le droit de vote conditionné au critère du discernement est indubitablement une réminiscence d’une période qu’on pensait donc révolue. De l’autre, l’histoire du parlementarisme où l’adage « no taxation without representation » associait élections et impôt, alliant donc la figure du citoyen et celle du contribuable ; l’histoire aussi de l’indépendance des Etats-Unis lorsque les colons britanniques rejetaient un impôt issu d’un Parlement métropolitain qui ne les représentait pas. La question actuelle du droit de vote des expatriés ou, plus généralement, de ceux ayant exercé leur liberté de circulation, exprime ainsi une forme de renversement de l’histoire : « no representation without taxation » est-il en quelque sorte défendu au sein des débats législatifs au Royaume-Uni face à une députée prônant une identité britannique ne se résumant pas à un « lopin de terre ». L’une et l’autre de ces thématiques soulèvent de virulents débats où sont identiquement convoqués le nombre de personnes – handicapées ou expatriées – concernées par la déchéance du droit de vote, parce qu’il faut se compter, ainsi que les précédents étrangers ayant mené à des réformes, puisqu’il faut se comparer. Enfin, c’est la marge de manœuvre du législateur dans la mise en œuvre du droit de vote qui est questionnée tant en ce qui concerne le droit de vote des personnes présentant un handicap ou trouble mental qu’en ce qui concerne celui des personnes ayant une résidence faisant déchoir l’exercice de la citoyenneté. La proportionnalité de la mesure au regard de l’universalité du droit de vote majoritairement consacrée dans les Constitutions est donc soit contrôlée soit discutée, les exclusions devant faire exception. Pourtant, si un mouvement s’observe dans le sens d’un refoulement de l’exclusion du statut de citoyen pour cause de capacité (I), les exclusions du droit de vote pour cause de mobilité ont été le plus souvent confirmées (II).
J. Arlettaz
1- Les exclus du droit de vote pour cause de capacité
Le mouvement observable dans de nombreux Etats dans le sens d’une reconnaissance, longtemps refusée, du droit de vote des personnes présentant un handicap ou un trouble mental, témoigne des enjeux de la citoyenneté universelle (A) mais également des défis que doit relever l’appréciation au cas par cas de la faculté pour ces personnes de participer au processus démocratique (B).
A- Les enjeux de la reconnaissance d’une citoyenneté universelle
Au nom de plusieurs droits – La reconnaissance du droit de vote des personnes affectées d’un handicap ou d’un trouble mental est le fruit de combats en défense de l’universalité du droit de vote ; sur cette question, les débats révèlent en outre des enjeux plus profonds, irriguant de nombreuses thématiques relatives aux droits et libertés des personnes handicapées.
Ainsi, le droit de vote se couple d’abord au principe constitutionnel d’égalité pour justifier au sein d’une Assemblée élue, une réforme législative permettant la reconnaissance de la pleine citoyenneté des personnes handicapées ou pour arguer devant un Tribunal, de l’inconstitutionnalité d’une loi refusant le droit de vote en raison d’un handicap mental. Sur ce dernier point, le contentieux constitutionnel témoigne de l’exercice d’un contrôle de constitutionnalité autour du double fondement des principes constitutionnels d’égalité et d’universalité du vote. Plus précisément, le Tribunal constitutionnel espagnol[1] a opéré un contrôle de constitutionnalité de la loi organique portant sur le régime électoral général à l’égard des articles 14 – principe d’égalité – et 23.1 – droit de vote – de la Constitution ; le Tribunal constitutionnel allemand[2] a de même apprécié la législation nationale sur le fondement des articles 3 – principe d’égalité – et 38 – droit de vote – de la Loi fondamentale. Tous deux se référeront par ailleurs au principe de l’universalité du droit de vote consacré respectivement à l’article 68 de la Constitution espagnole et à l’article 38 de la Loi fondamentale allemande. L’égalité et l’universalité dans la citoyenneté sont donc des objectifs constitutionnels à atteindre dans un contexte où l’état du droit est présenté comme emportant une discrimination inconstitutionnelle à l’égard des exclus du droit de vote. Dans l’arène politique, bien loin des prétoires, le principe d’égalité est de même évoqué mais le ton combatif des défenseurs de la reconnaissance du droit de vote des personnes handicapées entend par ailleurs souligner la singularité de la discrimination par l’exclusion ; elle est ainsi pour les députés espagnols « une des discriminations […] les plus profondes et les plus difficiles à combattre » notamment parce qu’elle « ne répond pas à un discours de haine ». De ce fait, les sociétés ont « peu d’espace pour la politiser et beaucoup d’espace pour compatir »[3], le propos suggérant une discrimination fondée sur la pitié là où les faits témoignent plus fréquemment de discriminations par le rejet.
Si la discrimination par l’exclusion des personnes handicapées de la communauté politique des citoyens n’est pas une discrimination comme les autres, c’est aussi parce que, au-delà de la problématique éminemment démocratique, elle vise un groupe vulnérable qu’il convient de protéger sans le stigmatiser. Le cadre juridique à définir se trouve alors soumis à une tension, celle qui interroge un dispositif législatif qui, par l’exclusion, vise en réalité à assurer une protection : le constat selon lequel « la modification de la capacité juridique d’agir est soi-disant une mesure de protection [mais] se transforme automatiquement en une mesure de discrimination »[4], est affirmé au sein du Congrès des députés espagnols. L’urgence à ce que « la protection de leurs intérêts ne [puisse] plus se faire au sacrifice de leurs droits fondamentaux » est défendue dans l’enceinte de l’Assemblée nationale française[5]. La voie à emprunter s’apparente donc à un véritable changement de paradigme comme a pu le réaliser la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, rappelée au cours des débats législatifs en Espagne : il convient de passer désormais « d’une conception paternaliste de la protection des personnes handicapées à une conception fondée sur la reconnaissance de leur pleine capacité à décider »[6]. Plus expressif encore : « Regarder le monde du handicap selon une approche suprématiste [et] paternaliste, c’est la regarder avec des yeux réactionnaires, il ne faut pas avoir peur des mots. Le temps de regarder […] avec condescendance, et infantilisation [ces] citoyens qui ont été expulsés de la Constitution comme s’ils étaient les enfants d’un dieu mineur, est le vieux temps, digne de l’oubli »[7]. L’enjeu n’est donc nullement anecdotique et il conviendra alors de souligner qu’au vote unanime autour de la reconnaissance du droit de vote des personnes handicapées en Espagne s’est opposée une navette parlementaire particulièrement contrariée en France. De son côté, le Tribunal constitutionnel allemand affirma que la législation soumise à son examen, qui repose sur l’hypothèse selon laquelle les personnes handicapées « n’ont aucune idée de la nature et de l’importance des élections […] est incompatible avec le regard qui est actuellement porté sur ces personnes. En conséquence, les personnes ne « seraient » pas « handicapées » dès le départ mais « deviendraient handicapées » [car] ce n’est qu’en restreignant la participation et l’autodétermination qu’un handicap survient »[8]. Parfois donc, le handicap ne précède nullement le droit mais en procède.
A la protection par l’exclusion du droit de vote doit donc succéder une protection par l’inclusion des personnes présentant un handicap ou un trouble mental ; à défaut, la protection serait stigmatisation d’un groupe qui par ailleurs, dans l’histoire, a connu de tragiques discriminations. La Cour européenne des droits de l’Homme a su sur ce thème convoquer le passé, jugeant que « lorsqu’une restriction des droits fondamentaux s’applique à un groupe particulièrement vulnérable de la société, qui a souffert d’une discrimination considérable par le passé, comme c’est le cas des personnes mentalement handicapées, […] l’Etat dispose d’une marge d’appréciation bien plus étroite, et il doit avoir des raisons très puissantes pour imposer les restrictions »[9] à leur droit de vote. Ainsi, le processus de stigmatisation d’un groupe, loin de relever du champ des faits, revêt une traduction en droit par son automaticité. Lorsque le constat d’un handicap emporte ipso facto la perte du droit de vote sans autre évaluation, notamment sur la capacité concrète de discernement de l’individu sur l’enjeu d’une élection, la déchéance devient discrimination.
Si la discrimination par le vote n’est pas une discrimination comme les autres, c’est enfin parce qu’elle affecte la participation à la décision collective et ce faisant le sentiment d’appartenance à une communauté politique. Reconnaître le droit de vote des personnes présentant un handicap mental consiste donc à les reconnaître dans leur dignité. Ainsi, selon les députés français, « la protection du patrimoine sert à protéger les personnes qui, si elles en sont privées, vivront dans la misère […]. La citoyenneté, en revanche, est le moyen de leur donner la dignité »[10]. Il convient donc de « restaurer la dignité et la pleine citoyenneté des majeurs protégés en leur permettant de voter »[11]. En Espagne comme en France, le renvoi au principe de dignité s’accompagne pareillement du constat de « mort civile » qu’emporte la déchéance du droit de vote pour les personnes handicapées : « avoir un droit et ne pas pouvoir l’exercer s’apparente à une mort civile »[12]. Le principe de dignité, étonnement absent de la décision du Tribunal constitutionnel allemand alors même que ce principe indérogeable ouvre le texte de la Loi fondamentale, permet alors d’alerter sur la gravité d’une discrimination qui affecte le cœur même de toute démocratie. Le statut de citoyen n’étant rien sans les droits de citoyenneté, l’exclusion du droit de vote doit se comprendre comme la négation, par le droit, de la digne appartenance à une même société politique.
Par la grâce d’une pluralité d’acteurs – Dans une grande majorité des cas, la reconnaissance du droit de vote des personnes présentant un handicap ou trouble mental est le résultat de réformes législatives ayant vu s’exprimer la volonté politique de consacrer une citoyenneté inclusive. La France est sur ce point représentative, le Président Emmanuel Macron ayant évoqué la réforme à venir dans la solennité d’un discours devant le Congrès en juillet 2018 : « c’est […] une politique de retour vers la citoyenneté pleine et entière que nous assumerons, […] celle d’un retour au droit de vote », « y compris [pour les personnes] sous tutelle »[13]. En Espagne et au Danemark, s’observe une même volonté politique qui est d’autant plus notable que, contrairement à la France, elle fait suite à une validation, par les plus hautes juridictions du pays, de la déchéance du droit de vote pour cause de trouble ou handicap mental. La réforme législative s’est donc librement initiée et ne correspond nullement à une adaptation contrainte de la loi pour cause de censure juridictionnelle au nom du respect des droits fondamentaux. En 2016, le Tribunal constitutionnel espagnol concluait en effet à la conformité de la loi organique espagnole[14] qui disposait que « sont dépourvus du droit de suffrage les personnes déclarées incapables en vertu d’une sentence judiciaire définitive, dès lors que celle-ci déclare expressément l’incapacité pour l’exercice du droit de suffrage »[15]. Selon les juges constitutionnels, pareille disposition ne violait aucune norme constitutionnelle et s’inscrivait dans l’espace de discrétion dont dispose le législateur en matière de réglementation du droit de suffrage. Surtout, la déchéance étant le résultat d’une décision de justice par définition individualisée, elle ne résulte pas selon le Tribunal du « simple fait du handicap » mais d’une appréciation concrète des dysfonctionnements « qui se projettent sur [la] capacité intellectuelle […] d’exercer le droit de vote »[16]. En ce sens, la constitutionnalité du dispositif législatif doit beaucoup en Espagne à l’absence d’automaticité de la déchéance du droit de vote.
Au Danemark, la Cour suprême a de même validé en janvier 2018 la déchéance du droit de vote pour les personnes affectées d’un handicap mental selon un raisonnement qui se différencie largement de celui emprunté par le Tribunal constitutionnel espagnol. Il est vrai que les Constitutions de chacun de ces Etats diffèrent, la déchéance du droit de vote étant expressément mentionnée jusque dans le texte fondamental danois, selon lequel « tout sujet danois […] a le droit de voter aux élections du Folketing, à condition qu’il n’ait pas été déclaré incapable de diriger ses propres affaires »[17]. En raison de cette contrainte normative et à l’appui d’une interprétation fondée sur l’analyse historique de la Constitution danoise comme sur les travaux préparatoires de la loi relative aux majeurs sous tutelle, la Cour suprême danoise a jugé que la déchéance du droit de vote organisée par la loi découlait directement d’une disposition constitutionnelle et ne pouvait donc faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité. Dès lors et « quand bien même », ajoute la Cour suprême, la législation danoise se trouverait en contrariété avec la Convention européenne des droits de l’Homme ou la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, elle ne pourrait être déclarée invalide en ce qu’elle est une « conséquence » de la Constitution. De manière quelque peu paradoxale toutefois, les juges danois vont s’engager dans un contrôle de conventionnalité de la législation, concluant au caractère proportionné de la déchéance du droit de vote au Danemark[18]. Pour autant, l’affaire ainsi jugée a de fait convaincu les partis politiques danois de s’engager dans une réforme législative, à défaut d’une révision constitutionnelle particulièrement complexe. Celle-ci a abouti en 2018 et est entrée en vigueur en janvier 2019[19], autorisant partiellement le droit de vote des personnes présentant un handicap mental[20]. De même en Espagne, la décision du Tribunal constitutionnel, validant la déchéance du droit de vote, a provoqué de multiples réactions politiques en faveur d’une réforme législative : « si dans un premier temps [la décision du Tribunal] a déconcerté ou indigné les partisans de l’inconstitutionnalité, de manière à le qualifier de dévastateur, immédiatement [cette décision] a eu un “effet boomerang”, puisque la déclaration de constitutionnalité, loin de décourager les critiques, a engendré la chose inverse, c’est-à-dire qu’elle les a incités à agir de toutes leurs forces en empruntant le chemin de la voie législative »[21]. Ainsi, en France, en Espagne comme au Danemark, l’approfondissement de l’universalité du droit de vote doit plus à la volonté politique qu’à l’exécution d’une décision de justice.
L’Allemagne fait donc ici office d’exception puisque la reconnaissance du droit de vote des personnes présentant un handicap mental doit tout à la censure de la législation en la matière par le Tribunal constitutionnel. La loi allemande[22], assez proche de celle que connaissait le Danemark avant la réforme de 2018, prévoyait en effet la déchéance du droit de vote pour les personnes pour lesquelles un tuteur avait été nommé en vue de s’occuper de leurs affaires ainsi que pour celles placées dans un hôpital psychiatrique pour avoir commis une infraction dans un état les exemptant de leur responsabilité pénale[23]. Par deux décisions rendues en janvier et avril 2019, le Tribunal constitutionnel va conclure à la violation tant du principe constitutionnel d’égalité que du principe d’universalité du vote. Le contrôle poussé du Tribunal de Karlsruhe tranche alors avec celui exercé par le Tribunal constitutionnel espagnol : alors que ce dernier a reconnu un large pouvoir d’appréciation du législateur relativement à la mise en œuvre du droit de vote, les juges allemands ont rappelé que la réserve de loi pouvait certes autoriser de possibles restrictions au droit de vote mais à la condition que ces restrictions reposent sur « des motifs qui sont légitimes aux yeux de la Constitution et qui sont par ailleurs aussi importants que le principe d’universalité du vote »[24]. Une telle affirmation s’accompagne de la défense par le Tribunal d’une approche « stricte et formelle » de l’égalité, emportant pour le législateur une latitude « étroite » soumise au « strict contrôle de proportionnalité ». Ce contrôle de proportionnalité, absent de la décision rendue par le Tribunal constitutionnel à Madrid, était pourtant sollicité par certains juges, ce que révèle la lecture de l’opinion dissidente particulièrement féroce rédigée par la juge Adela Asua Batarrita. Selon elle en effet, le droit de vote n’étant pas seulement un droit processuel mais substantiel, le contrôle de proportionnalité aurait permis de savoir si « les bénéfices de la mesure sont supérieurs aux préjudices qu’elle occasionne » ; son absence « disqualifie » donc la décision adoptée[25].
En Allemagne, à l’issue du contrôle de proportionnalité, il apparaît alors que la poursuite de « l’intérêt constitutionnel à protéger l’intégrité des élections contre les manipulations et abus » comme la sauvegarde de « la fonction des élections comme processus de formation de la volonté politique du peuple » constituent autant de motifs légitimes justifiant des restrictions au droit de vote, sans que puisse être invoqué le fait que de telles restrictions sont traditionnelles : « sous l’égide de la Constitution, la tradition n’est pas reconnue comme un fondement légitime »[26]. Mais si la loi poursuit bien un but constitutionnellement légitime, ses effets sont disproportionnés en ce qu’elle repose sur des critères arbitraires. La protection des élections comme « processus démocratique de communication » ne peut en effet être sauvegardée que si sont exclues de ce processus les personnes qui se trouvent dans l’incapacité mentale de participer aux élections. Or, précise le Tribunal constitutionnel, cette capacité mentale « n’est pas évaluée dans la procédure de nomination d’un tuteur »[27].
La concrétisation du mouvement observable en faveur du renforcement de l’universalité du droit de vote et de l’inclusion dans la citoyenneté des personnes présentant un handicap mental s’est donc essentiellement réalisée à la faveur d’une réforme politique, exceptionnellement en raison d’une censure juridictionnelle. Législateurs et juges suprêmes furent donc de précieux acteurs de ce mouvement en permettant la concrétisation d’un appel à plus de droits qui doit cependant beaucoup au militantisme comme à la vigilance d’une pluralité d’acteurs. L’inspiration semble donc venue d’un ailleurs dont il est possible de trouver trace au sein des débats législatifs. Ainsi, les nombreuses recommandations du Comité des Nations-Unis sur les droits des personnes handicapées sont largement convoquées tant en Espagne qu’en France ; il est vrai que celui-ci défend une position qui peut être qualifiée, contrairement à celle de la Cour européenne des droits de l’Homme, de ferme. Ainsi, dans une recommandation de 2011 destinée à l’Espagne, le Comité « demande à l’Etat […] qu’il modifie […] la loi […] qui autorise les juges à dénier le droit de vote […]. La modification doit conduire à ce que toutes les personnes handicapées aient le droit de vote »[28]. Au-delà des différents comités onusiens, les rapports élaborés par le Défenseur des droits en France ou le Défenseur du peuple en Espagne, viennent également en soutien d’une réforme législative que ces institutions appelaient de leurs vœux, auxquels s’ajoutent les nombreuses études menées par les associations ou les ONG[29]. Enfin, ultime argument, les précédents étrangers sont cités et permettent alors de défendre la nécessité pour l’Etat de participer au mouvement global de reconnaissance du droit de vote des personnes handicapées et de répondre ainsi aux nouveaux enjeux de la citoyenneté : « Aujourd’hui, nous faisons ce que le Royaume-Uni, la Suède, la Lettonie, l’Italie, la Hollande, et la Croatie – pour faire référence aux autres pays de l’Union Européenne – ont déjà fait, c’est-à-dire affronter la dignité du droit de vote à tous les citoyens »[30]. Le mouvement consiste de fait à sortir du paradigme du vote capacitaire et du droit de vote comme exercice d’une compétence. Il demeure que le refoulement de la citoyenneté de compétence s’accompagne de nouveaux défis.
J. Arlettaz
B- Les défis de la mise en œuvre d’une citoyenneté universelle
« Le citoyen ce n’est pas l’individu réel avec ses faiblesses, son égoïsme, son aveuglement et ses enthousiasmes. C’est l’homme éclairé par la raison, parlant selon les impératifs de cette raison commune à tous, et, par conséquent, débarrassé des préjugés de classes et des soucis inhérents à sa condition économique, capable d’opiner sur la chose publique sans être dominé par son intérêt personnel, bref c’est une manière de saint laïc qui doit sa qualité de membre du souverain – la Nation – à son désintéressement »[31].
S’il est incontestable de reconnaître à Georges Burdeau son sens de la formule et sa capacité à créer des concepts, il n’en demeure pas moins que la consécration du droit de vote des personnes en situation de handicap invite à repenser le concept de citoyenneté. Si le citoyen de Burdeau n’est autre que l’individu abstrait agrégé à la Nation, capable d’expliquer les raisons de son vote, cette définition de citoyen n’offre qu’un panorama réduit de l’individu-citoyen contemporain[32], en ce que l’attribution de la citoyenneté – chez Burdeau – est conditionnée à la compétence politique du sujet[33]. Autrement dit, la notion moderne de citoyenneté repose sur l’idée selon laquelle « le citoyen n’est pas seulement un élément organique de la communauté, mais un individu doté d’une conscience »[34]. Au contraire, la conception post-moderne de la citoyenneté entend revenir sur ce lien de causalité entre autonomie du sujet et citoyenneté, pour offrir à tous les membres de la communauté politique le statut de citoyen. C’est donc par l’établissement – et non le rétablissement – du seul critère organique que l’individu accède à la citoyenneté. En ce sens, la postmodernité valorise la désubstantialisation de la citoyenneté pour ouvrir la voie, paradoxalement, à la citoyenneté universelle. Or ce concept de citoyenneté universelle, longtemps invoqué[35] mais récemment consacré, vise comme son nom l’indique, à universaliser le droit de vote en rejetant sa limitation pour cause d’incapacité ou d’incompétence. En d’autres termes, cette citoyenneté universelle s’efforce de dépasser la citoyenneté compétence, conçue par les juges et les autorités politiques comme une citoyenneté circonstancielle.
Par citoyenneté circonstancielle, il convient d’entendre que la compétence politique, voire la capacité intellectuelle du sujet, est appréciée au regard des circonstances particulières de chaque affaire. La citoyenneté circonstancielle constitue donc la conception contemporaine de la citoyenneté de compétence, en ce que la compétence du sujet n’est plus présumée comme le laisse entendre Georges Burdeau, mais évaluée par les juges. Cela tient notamment au cadre dans lequel l’individu-citoyen est mobilisé : d’un côté l’individu est envisagé dans sa forme la plus abstraite pour offrir une représentation théorique de la citoyenneté, de l’autre il est considéré dans sa forme la plus concrète puisqu’il constitue le destinataire réel de la décision de justice. Quand bien même l’individu est envisagé de manière concrète, cela n’empêche en rien de le représenter théoriquement. C’est ainsi que la comparaison fournit de précieux outils à la conceptualisation en permettant au chercheur, à partir d’une analyse empirique, de dessiner des tendances et de faire émerger le concept de citoyenneté circonstancielle. En ce sens, la comparaison informe que les juges s’engagent à promouvoir la citoyenneté circonstancielle là où le législateur entreprend de l’exclure du paysage juridique.
La promotion de la citoyenneté circonstancielle par les juges – Si la citoyenneté circonstancielle est fortement revendiquée par les juges, c’est notamment parce que le législateur leur a donné le pouvoir de la confectionner. La loi organique 5/1985 a effectivement octroyé au juge espagnol la possibilité de retirer le droit de suffrage aux personnes déclarées incapables en vertu d’une sentence judiciaire et aux personnes internées en hôpital psychiatrique[36]. Le législateur français a emprunté le même chemin puisque l’article L5 du code électoral prévoit qu’il appartient au juge de statuer sur le maintien ou la suppression du droit de vote lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle[37]. En revanche la loi allemande n’a pas accordé au juge le pouvoir de se prononcer sur la déchéance du droit de vote puisque le législateur a prévu le retrait automatique de ce droit pour les personnes placées sous tutelle[38]. Bien que les dispositions espagnole et allemande se distinguent matériellement, leur constitutionnalité a été contestée devant les tribunaux. A l’inverse de ses homologues européens, le Conseil constitutionnel français n’a pas été saisi pour se prononcer sur la constitutionnalité de l’article L5 du Code électoral. Cela tient probablement au fait que le droit constitutionnel français ne prévoit pas de recours direct en inconstitutionnalité, permettant au justiciable de dénoncer une violation de ses droits fondamentaux sans passer par le filtre exigeant des juridictions ordinaires.
L’analyse comparée révèle que les Tribunaux constitutionnels espagnol et allemand mobilisent une argumentation fort similaire : l’automaticité du retrait du droit de vote entraîne l’inconstitutionnalité de la loi allemande[39], lorsque l’absence d’automaticité garantit la constitutionnalité de la loi espagnole[40]. C’est en se fondant sur des paramètres de constitutionnalité identiques, à savoir le caractère universel du suffrage[41]et le principe de non-discrimination[42], que les juges espagnols et allemands ont conditionné la privation du droit de vote à l’existence d’une garantie judiciaire. Le Tribunal constitutionnel espagnol admet ainsi que la disposition litigieuse « vise seulement les personnes faisant l’objet d’une décision de justice dans le cadre d’un procès opportun avec les garanties de défense et de preuve, et ce pour des raisons de disfonctionnements concrets qui se projettent sur leur capacité intellectuelle et volitive au moment d’exercer leur droit de vote. Pour cela la restriction doit affecter uniquement les personnes dont la compréhension et la volonté font défaut pour exercer librement leur vote, comme le prévoit l’article 23.1 de la Constitution »[43]. Suivant ce raisonnement, le Tribunal de Karlsruhe déclare l’inconstitutionnalité de la loi au motif que « la capacité mentale à participer à la formation démocratique de la volonté politique n’est pas évaluée dans la procédure de nomination d’un tuteur »[44]. Dans les deux cas les hautes juridictions considèrent que les facultés mentales du sujet doivent être évaluées pour que la négation du droit de vote soit constitutionnelle. L’évaluation constitue donc le cœur du débat. C’est la raison pour laquelle les juges constitutionnels insistent, par la suite, sur les modalités d’évaluation relatives à la suppression du droit de vote.
Partant, les gardiens de la Constitution indiquent que les juges judiciaires doivent réaliser une analyse au cas par cas, en appliquant le strict test de pondération, pour que la déchéance du droit de vote soit conforme aux exigences constitutionnelles[45]. Pour reprendre l’expression employée par les juges espagnols, l’évaluation revient à tailler un « costume sur mesure » à l’intéressé[46] de sorte que le contrôle juridictionnel a vocation à agir comme un « garde-fou » au retrait automatique du droit de vote. Barranco Avilés synthétise ce mécanisme juridique en expliquant que « l’organe judiciaire doit évaluer si la personne peut discerner le sens de vote et s’il se trouve dans une situation libre de toute influence »[47]. Finalement, la citoyenneté devient circonstancielle dans la mesure où le discernement est une condition nécessaire et, évaluée par le juge, à l’exercice du droit de vote.
Pourtant une nuance s’impose. Bien que les juges fassent la promotion de la citoyenneté circonstancielle, en prescrivant le contrôle concret, l’évaluation de la compétence intellectuelle stricto sensu constitue une sorte de sujet « tabou ». Autrement dit la réalisation d’un « test de capacité électorale »[48] n’est pas assumée par les juges. Le Tribunal constitutionnel espagnol signale que les juges judiciaires ne conditionnent pas le droit de vote à la possession de moyens intellectuels mais qu’ils procèdent à un test de connaissance ; la nuance est ténue. Or ce test, n’est – selon le Tribunal constitutionnel – qu’une « donnée associée à d’autres éléments comme la compréhension de la notion d’argent et la valeur des choses pour apprécier l’aptitude à acheter ou à vendre »[49]. Ce raisonnement interroge doublement : d’un côté le juge établit un lien de causalité – fort discutable – entre la compréhension du monde économique et le retrait du droit de vote, de l’autre il refuse d’admettre que son contrôle conduit à un retour au vote capacitaire. La raison tient sûrement au fait que le juge n’est pas outillé pour mesurer le discernement d’un individu, en revanche l’expert l’est. C’est pourquoi les magistrats n’hésitent pas à se référer aux rapports transmis par les experts[50] et cherchent, de ce fait, à masquer le caractère discrétionnaire du jugement. D’une certaine façon, le discours des sachants, « réputé neutre »[51], fait office de bouclier à la critique bien connue d’un gouvernement des juges. Si l’expression est souvent galvaudée, toujours est-il que les conséquences juridiques et politiques du contrôle juridictionnel sont sérieuses : le citoyen est empêché de participer à la chose politique ; sa souveraineté lui est ôtée.
Il en ressort que la rhétorique juridictionnelle, aussi ingénieuse soit-elle, informe plus largement sur la nature du régime politique qui évolue à la faveur de ce que les Anglo-Saxons nomment « épistocratie ». Un terme sibyllin pour une définition cristalline : l’épistocratie « désigne un mode de gouvernement au sein duquel le pouvoir serait confié aux savants »[52]. D’ailleurs, le sénateur De Lara Guerrero ne s’est pas privé de s’appuyer sur ce concept pour signaler les possibles dérives de la mise en œuvre d’une citoyenneté circonstancielle : « quel être humain, quel algorithme peut mesurer la liberté, la volonté, la pensée, la capacité pour interpréter sa vie et celle des autres ? Si ce système existait, et qu’il était décisif et contraignant, nous nous introduirions dans le concept d’épistocratie décrit par Jason Brenan sur le vote des élites dans son livre Contre la démocratie »[53]. C’est dans cette perspective que députés et sénateurs se sont engagés dans le combat démocratique pour défendre la citoyenneté universelle et exclure la citoyenneté circonstancielle.
L’exclusion de la citoyenneté circonstancielle par le législateur – Ce combat visant à la reconnaissance d’une « citoyenneté pour tous » n’est pas apparu fortuitement[54]. Initiée par la grâce d’une pluralité d’acteurs, la bataille pour plus de droits prend forme au travers des recommandations formulées par le Comité des Nations-Unis sur les droits des personnes handicapées. En 2011, le Comité dénonce l’inexistence d’une citoyenneté circonstancielle en révélant les lacunes du contrôle juridictionnel : « la privation du droit de vote semble être la règle et non l’exception. Le Comité déplore le défaut d’information sur la rigueur des normes en matière de preuve, sur les motifs requis et sur les critères appliqués par les juges pour priver les personnes de leur droit de vote. »[55]Si les juges ont pris acte de ces recommandations en construisant la citoyenneté circonstancielle, ces avancées furent insuffisantes pour les autres acteurs – principalement les associations et les ONG – qui ont fortement encouragé le législateur à consacrer l’universalité du droit de vote.
C’est par l’abrogation de l’article L.5 du Code électoral en vertu duquel le juge détient le pouvoir de priver la personne handicapée de son droit de vote, que le législateur français a exclu la citoyenneté circonstancielle. L’étude des débats parlementaires informe que la porteuse du projet de loi, Nicole Belloubet, a défendu la citoyenneté pour tous en constitutionnaliste éclairée : « le droit de vote n’est pas capacitaire ; l’époque où il était lié au degré de capacité des personnes est révolue. Tout le monde peut voter et chaque voix est prise en compte »[56]. Face au projet présenté par la Ministre de la justice, certains membres de l’opposition ont émis des réserves.
A ce titre, le sénateur François Noël Buffet souligne un problème de fond relatif à la capacité d’une personne handicapée à exprimer sa volonté et relève que cette même personne peut être influencée dans son choix. D’autre part, il indique que l’adoption de cette mesure « reviendrait à permettre aux majeurs sous tutelle d’être jurés d’assises (…) puisqu’ils seraient inscrits sur les listes électorales »[57]. Le député Raphaël Schellenberger questionne également l’opportunité d’une telle mesure en signalant qu’« exercer son droit de vote c’est prendre part à une décision collective qui concerne la collectivité. On va donc se retrouver dans le cas où une personne, qui a été considérée par décision de justice incapable de prendre des décisions pour elle-même pourra prendre des décisions pour les autres »[58]. Le député Phillipe Gosselin se joint aux interrogations portant sur l’essence même de la réforme : « La mesure de tutelle est prise lorsqu’une partie du discernement est abolie et que la famille souhaite protéger la personne d’elle-même et des autres. Même si la sincérité de son vote est garantie, le défaut de discernement autorise-t-il à voter ? Vous voyez bien que le raisonnement bloque sur ce point »[59]. A la lecture des débats, il ressort que le contenu de la réforme et plus précisément l’universalisation – réelle – du suffrage n’a pas fait l’unanimité comme ce fut le cas en Espagne. Cependant un constat émerge : ce sont les sénateurs et les députés du groupe Les Républicains qui se sont opposés substantiellement à la réforme. Le débat politique illustre donc une nouvelle fois la discipline des partis en ce que l’opposition résiste à la libéralisation du suffrage. C’est dans ce cadre que la réforme fut discutée et, le conflit idéologique éprouvé, de sorte que la consécration du droit de vote des personnes en situation de handicap illustre à la perfection le pluralisme des idées. N’en déplaise au pluralisme, la décision politique reste unique et, en France, le compromis n’a pas eu lieu : la citoyenneté circonstancielle a tout simplement disparu du paysage législatif. Or cette disparition doit beaucoup à ce que les constitutionnalistes de l’hexagone nomment « fait majoritaire ».
C’est justement l’observation inverse qui se dégage des débats parlementaires espagnols. La représentation proportionnelle n’a pas empêché députés et sénateurs de voter le texte à l’unanimité[60]. Si le système politique espagnol est souvent critiqué pour son ingouvernabilité, le droit de vote pour tous en est l’infirmation. La discussion parlementaire parle d’elle-même en ce qu’elle est l’expression d’une démocratie consensuelle. La démocratie opère par le consensus et le compromis[61], contrairement à la démocratie majoritaire dont le législateur français a su tirer profit. Cependant une mise en garde s’impose : compromis ne signifie pas disparition du débat. Bien au contraire, la comparaison enseigne que le compromis jaillit du conflit. Or conflit politique il y a eu, et à l’instar de la France, c’est l’aile droite du Congrès qui en a été l’instigatrice. Une présentation succincte de la procédure parlementaire espagnole permettra d’en saisir le sens et la portée.
La modification de la loi 5/85 – qui donne au juge le pouvoir de statuer sur le droit de vote des personnes en situation de handicap – est issue d’une proposition de loi émanant de l’Assemblée de Madrid, portée par les députés socialistes. Le texte soumis au Congrès vise, comme en France, à supprimer les alinéas relatifs à la déchéance du droit de vote par le juge[62]. Le Congrès, réuni en Assemblée plénière a, dans un premier temps, approuvé le texte à l’unanimité[63]. Conformément à la procédure parlementaire, le Bureau du Parlement a ouvert un délai de quinze jours durant lequel les députés pouvaient présenter des amendements[64]. Le groupe Parti Populaire a saisi l’occasion pour proposer un amendement au travers duquel il conditionnait le droit de vote à la capacité cognitive et au discernement de la personne[65]. Ce premier amendement a bien évidemment été rejeté par les députés de la Commission parlementaire[66] puisque son adoption revenait à préciser l’ancien régime légal au lieu d’en renouveler le paradigme. Un second amendement fut donc rédigé : « Toute personne pourra exercer son droit de suffrage actif, de manière consciente, libre et volontaire, quelle que soit sa manière de le manifester et en s’appuyant sur les supports nécessaires »[67].
Par cette rédaction plus consensuelle, l’origine du compromis se dessine. Le Parti Populaire renonce à la terminologie controversée telle que « la capacité cognitive » ou encore « la capacité de discernement ». Or compromis et conflit étant étroitement liés, l’origine du compromis devient dans le même temps la source du conflit. Partant, les députés du groupe Podemos critiquent avec virulence la rédaction imprécise de l’amendement proposé : « jusqu’à présent c’était le juge qui établissait des critères pour décider si une personne souffrant de diversité fonctionnelle pouvait exercer ou non ses droits politiques. Et aujourd’hui qui va le faire ? Qui va définir les critères ? Cet amendement ne nous le dit pas (…) sur la base de quels critères la conscience, la liberté, la volonté seront démontrées ? Sur la base de quels concepts ces éléments seront-ils interprétés ? », et de conclure « cependant nous allons admettre cet amendement parce que les collectifs nous l’ont demandé, et parce que cela est mieux que rien et parce qu’il est urgent de donner le droit de vote à cent mille personnes »[68].
En quelques mots, le conflit politique est résumé : l’amendement génère une insécurité juridique en raison de sa formulation vague et indéterminée. De ce conflit s’échappe le compromis, l’amendement est adopté alors que l’abrogation pure et simple de la loi 5/85 – comme ce fut le cas en France – aurait dissipé tout malentendu quant aux possibles dérives interprétatives. En d’autres termes, la réécriture de la loi par le législateur espagnol laisse supposer que la reconnaissance de la citoyenneté universelle n’est pas pleinement assurée. La latitude sémantique du texte encourage la détermination d’un sens réversible. Une interprétation littérale des termes « conscient, libre et volontaire » peut conduire à la mise en œuvre d’une citoyenneté circonstancielle tandis que l’interprétation téléologique du même énoncé favoriserait la réalisation d’une citoyenneté universelle. Par conséquent, il demeure difficile de savoir si l’exclusion de la citoyenneté circonstancielle fera loi en Espagne. En revanche, il n’apparait pas excessif de penser que ce sera le cas pour la France. Tels sont les défis de la mise en œuvre de la citoyenneté universelle.
La reconnaissance de la citoyenneté pour tous informe une fois de plus sur le poids des mots en démocratie : les mots cloisonnent la démocratie en réservant la citoyenneté à quelques-uns, lorsque l’absence de mots en facilite le décloisonnement. Si le décloisonnement du système démocratique est recherché pour les exclus du droit de vote pour cause d’incapacité, il semblerait que le mouvement inverse se dégage pour les exclus du droit de vote pour cause de mobilité. En d’autres termes, la démocratie serait de nouveau cloisonnée puisque contenue dans les frontières.
A. Mauras
2- Les exclus de la citoyenneté pour cause de mobilité
L’exercice de la liberté de circulation peut conduire à une déchéance du droit de vote ; historiquement ancré au sein des « démocraties de Westminster », ce modèle n’est pas celui que connaissent la France et les Etats-Unis, récemment rejoints par le Canada qui, ce faisant, s’est converti à la citoyenneté permanente (A) par opposition à la citoyenneté intermittente encore largement préservée (B).
A- Le modèle de la citoyenneté permanente ou le droit de vote déconnecté de la résidence
A la faveur d’une réforme législative suivie d’un récent et riche arrêt de sa Cour suprême, le Canada a rejoint les modèles français et américain de citoyenneté en mettant fin à une vieille tradition qui conditionnait la qualité de citoyen au rattachement de ce dernier avec le territoire national. Optant donc pour une citoyenneté permanente, le Canada rappelait alors que « la citoyenneté est l’exigence déterminante du droit de vote », droit qui devait bénéficier d’une interprétation large qui, seule, « accroît la qualité de [la] démocratie et renforce les valeurs sur lesquelles repose [un] Etat libre et démocratique »[69]. Ce tournant, qui bénéficie principalement aux expatriés canadiens, témoigne d’enjeux plus fondamentaux sur la nature du droit de vote et la figure du citoyen.
Aux États-Unis, la citoyenneté apparaît comme un statut singulier et essentiel de la personne, assimilable à la nationalité puisqu’elle s’acquiert par la naissance ou la naturalisation. En France, la citoyenneté s’est un temps présentée comme un droit civique[70] dont le bénéfice était conditionné à certaines exigences. C’est d’ailleurs cette distinction nationalité/citoyenneté qui a justifié au sein de la Constitution française de 1791 la différence entre la citoyenneté active et la citoyenneté passive. La fin de cette dichotomie puis le recul des restrictions d’accès à la citoyenneté ont conduit à une confusion de plus en plus affirmée des notions de nationalité et de citoyenneté. Cette confusion des notions en France et aux Etats-Unis témoigne donc d’une « permanence de la citoyenneté » comme conséquence de la « permanence de la nationalité ». Ces mêmes Etats ont cependant conditionné pendant longtemps le droit de vote à un lien avec le territoire national, excluant ainsi les expatriés du champ de la citoyenneté. Ce cadre juridique, qui emportait une exclusion de la communauté des citoyens qui passent la frontière, a cependant évolué. En France, la loi organique du 31 janvier 1976 donne en effet désormais la possibilité aux Français résidant à l’étranger de voter aussi bien aux élections européennes qu’aux élections nationales. La condition fondamentale est d’être inscrit sur les listes électorales consulaires[71]. Le droit de vote des expatriés français, dès son origine, ne souffre d’aucune limitation dans le temps, ce qui différencie ce modèle de celui en vigueur au Royaume-Uni ou au Canada avant la réforme de 2018. Il s’agit par ailleurs d’un droit étendu car il permet aux expatriés français de participer à toutes les élections nationales françaises qu’elles soient présidentielles[72], législatives[73], européennes[74] et référendaires[75]. Une telle reconnaissance de larges droits électoraux aux citoyens résidant à l’étranger a alors favorisé l’émergence d’un « espace politique français à l’étranger »[76] qui a un impact parfois déterminant dans le cadre de certaines élections[77]. Aux Etats-Unis, la problématique du droit de vote des militaires expatriés hors du territoire américain a nécessité l’adoption d’un dispositif juridique semblable à celui de la France, étendu en 1986 aux civils avec le « Uniformed and Overseas Citizens Absentee Voting Act »[78]. Ce droit est également illimité dans le temps. Les droits électoraux des expatriés français et américains peuvent ainsi être considérés comme des droits larges, importants et accessibles[79]. Si toutefois, la France et les États-Unis témoignent d’une véritable stabilité dans l’accès aux droits de vote des expatriés, le Canada a pendant longtemps et à l’image du Royaume-Uni, limité l’accès à ce droit fondamental. Le changement n’est survenu qu’après une réforme législative en 2018.
Le Canada fait partie des démocraties dites de type Westminster. Il partage ainsi plus de similitudes, en matière d’accès aux droits de vote et de citoyenneté, avec des États tels que l’Angleterre, la Nouvelle-Zélande ou l’Afrique du Sud. Pour autant, avant l’adoption du Citizen Act[80] en 1947, il n’existait pas de citoyenneté canadienne. Le droit de vote était donc rattaché à la résidence qui « était jusque‑là l’unique moyen par lequel les électeurs démontraient l’existence de liens les rattachant au Canada et, de ce fait, leur habileté à voter »[81]. C’est ce contexte historique qui plaçait l’obligation de résidence au cœur des lois électorales canadiennes et en faisait donc un élément important pour l’exercice du droit de vote.
Si les juges des différentes Cours canadiennes ont montré leur antagonisme sur certaines questions, il convient de relever qu’ils reconnaissent de façon unanime l’importance du droit de vote dans le système démocratique. Cela remonte à des jurisprudences relativement anciennes comme l’arrêt Haig[82] ou très récentes comme l’arrêt Frank[83] par lequel les juges affirment dès le premier paragraphe que « le vote est un droit politique fondamental, et le droit de voter est un principe de base de notre démocratie »[84]. Cet arrêt s’inscrit dans une tradition constitutionnelle faisant du droit de vote un droit fondamental important garanti désormais explicitement par la Charte canadienne des droits et libertés[85]. Le droit de vote se trouve, comme l’a rappelé à plusieurs reprises la Cour suprême, « au cœur de la démocratie canadienne »[86].
En outre, fort de cet attachement singulier au droit de vote, la Cour suprême canadienne a entamé depuis une dizaine d’années un mouvement audacieux de libéralisation du droit de vote. En effet, plusieurs décisions ont été rendues ouvrant de plus en plus le droit de vote à des catégories qui pendant des décennies étaient privées de ce droit fondamental. Cette libéralisation permet au Canada d’entrer dans le cercle des États, parmi lesquels se trouvent la France et les États-Unis, prônant un accès inconditionnel à une citoyenneté permanente.
L’arrêt Frank constitue dès lors l’achèvement d’un long processus entamé par la Cour dont des arrêts tels que Sauvé n°2[87] et Figueroa[88] traduisent cette optique d’ouverture du droit de vote. Il convient cependant de noter que l’arrêt Frank est survenu à la suite d’une réforme législative. Il revêt donc un caractère plus symbolique que pratique. Les premières recommandations concernant le droit de vote des expatriés canadiens sont issues du Livre blanc sur la réforme de la loi électorale en 1986[89] puis de la Commission Lortie[90]. Toutes les deux appelaient une reconnaissance totale et permanente du droit de vote aux expatriés. Cependant, le comité spécial de la Chambre des communes sur la réforme électorale n’a pas suivi ces recommandations et a proposé en 1992 plusieurs limitations parmi lesquelles la « Règle des 5 ans ». Cette règle était prévue à l’article 11d de la loi électorale qui dispose que : « peuvent voter […] les électeurs qui sont absents du Canada depuis moins de cinq années consécutives et qui ont l’intention de revenir résider au Canada »[91].
Messieurs Frank et Duong résidant aux États-Unis depuis plus de cinq ans tombent sous le coup de cette loi et se voient donc interdits de participer à l’élection fédérale canadienne de mai 2011. Ils introduisent un recours contre ledit article 11d afin de déclarer cette disposition inconstitutionnelle. Ils obtinrent gain de cause auprès de la juridiction de première instance[92] qui constata que l’objectif de la limitation prévue par l’article 11d ne satisfaisait à aucun critère prévu par la jurisprudence Oakes[93].
Alors qu’en première instance le procureur faisait valoir que l’objectif de la limitation était fondamentalement de garantir « l’équité aux électeurs résidents et à maintenir le bon fonctionnement et l’intégrité du système électoral canadien », il va ajouter à ce critère un second en précisant que « la condition de résidence permet de réaliser l’objectif urgent et réel de préservation du contrat social au cœur du système canadien de démocratie constitutionnelle »[94]. La Cour suprême va cependant, de façon unanime, rejeter l’objectif réel et urgent de « préservation du contrat social ». Les juges majoritaires jugent en effet que le recours au contrat social est « sélectif » voire inadapté car la Cour dans l’affaire Sauvé n°2 a utilisé l’argument du contrat social, non dans l’optique d’écarter des citoyens du droit de vote mais dans « une perspective fondamentalement inclusive des droits de vote au Canada »[95]. Les juges dissidents quant à eux notent « une importance exagérée » accordée par les juges majoritaires à la thèse du contrat social. En effet, même s’ils reconnaissent que cet objectif est « inutile et imprécis », ils ne manquent pas de relever que cet argument n’est pas incompatible avec l’objectif principal de l’article 11d qui est celui du « maintien d’un lien actuel entre les électeurs et leurs collectivités »[96] et est donc un objectif urgent et réel.
Par ailleurs, la Cour rappelle que la résidence n’a jamais été un élément fondamental de la détention du droit de vote. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les rédacteurs de la Charte ont volontairement décider d’omettre une condition de résidence qui n’est qu’un « mécanisme d’organisation aux fins de l’exercice du droit de vote » visant à déterminer « par la géographie et les circonscriptions »[97] la représentation électorale. La Charte ne rattache le droit de vote qu’à la citoyenneté et « seulement à la citoyenneté »[98]. Les juges majoritaires ont une approche jugée « absolutiste » par leurs collègues dissidents car ils mettent un terme définitif à la notion de résidence dans la possession du droit de vote. L’opinion majoritaire s’inscrit toutefois dans la « perspective fondamentalement inclusive des droits de vote au Canada » car « l’objectif principal de l’article 3 [de la Charte]est d’accorder à tous les citoyens le droit de jouer un rôle significatif dans le processus électoral »[99].
Le droit de vote au Canada s’inscrit aussi dans l’environnement particulier des démocraties du type Westminster qui, comme le notent à juste titre les juges dissidents, ont fondé leur système électoral sur « la notion de la représentation territoriale »[100]. Le juge en chef Wagner n’a pas manqué de noter, en réponse à l’argument sur le modèle des démocraties de type Westminster, la spécificité démocratique canadienne se targuant de faire « figure de chef de file »[101] notamment dans l’ouverture du droit de vote aux catégories souvent exclues[102]. Si toutefois, il pourrait être reproché au patriotisme du juge Wagner de « sombrer dans l’exceptionnalisme »[103] ou plutôt « de rompre le lien organique qui existe entre le lieu de résidence et l’exercice du droit de vote »[104], les exemples pris par les juges dissidents desservent bien plus leur argumentation qu’ils ne la servent. Les démocraties de type Westminster citées ont une politique du droit de vote des expatriés, certes plus rudes que la France et les États-Unis, mais aussi plus souples que le Canada avant la réforme de 2018. En Australie, le citoyen expatrié peut demander de façon indéfinie la prolongation. Quant au Royaume-Uni, la règle est peut-être très similaire à celle du Canada mais le délai est trois fois supérieur à celui du Canada. En outre, l’élan d’ouverture du droit fondamental qu’est le droit de vote est indéniable au Canada, après les personnes handicapées, les détenus, ce sont les expatriés qui ont depuis 2018 un droit de vote tout aussi large qu’accessible que celui des américains ou des français. Cet élan reste toutefois minoritaire même si le débat subsiste dans certains pays dont le Royaume-Uni qui au travers du Brexit a vu la question du droit de vote des expatriés se poser à nouveau.
G. Doué
B- Le modèle de la citoyenneté intermittente ou le droit de vote conditionné par la résidence
Si l’arrêt Frank a contribué à « fondamentaliser » le droit de vote au Canada en en faisant un attribut du citoyen dénué de lien avec sa résidence sur le territoire national, il s’agit pour l’heure d’une inflexion limitée des « démocraties de type Westminster » en faveur du droit de vote des non-résidents. Ainsi, le Royaume-Uni, qui est par définition la référence de ce type de régime liant électorat et résidence, conserve encore aujourd’hui une limite de temps au-delà de laquelle les expatriés perdent leur droit de vote, problématique particulièrement mise en lumière des suites du Brexit (1). Mais la conditionnalité du vote par le lien de l’électeur au territoire n’a rien de spécifique au modèle britannique puisque, la France et les États-Unis – deux systèmes pourtant favorables au vote des expatriés, entretiennent certaines restrictions au droit de suffrage en deçà de leurs frontières (2).
- Les limites du droit de vote hors des frontières du Royaume-Uni
Comme en France, la conception contemporaine de la citoyenneté britannique est le fruit d’un long héritage colonial. Néanmoins, là où l’approche française a conduit à admettre largement le droit de vote des expatriés, l’approche britannique fut bien plus stricte sur ce point. Contrairement au voisin d’outre-Manche, il n’existait pas formellement de nationalité britannique jusqu’au milieu de XXe siècle. De fait, seul le statut de « sujet britannique » comptait et était ainsi conféré de manière équivalente à toute personne née sur un territoire dépendant de la souveraineté britannique ce qui inclut donc non seulement le Royaume-Uni, mais également l’ensemble des dominions[105]. Par voie de conséquence, le bénéfice des droits civiques, en particulier le droit de voter aux élections, dépendait essentiellement de la résidence en Grande-Bretagne ou en Irlande du Nord. Si le British Nationality Act adopté en 1948 a contribué à clarifier les choses en distinguant la citoyenneté du Royaume-Uni et des colonies, de la citoyenneté des États indépendants du Commonwealth, le bénéfice de l’une ou l’autre de ces citoyennetés offre potentiellement le droit de voter aux élections, à condition néanmoins d’être autorisé à immigrer au Royaume-Uni[106]. Le nombre relativement important d’électeurs potentiels résidant en dehors du territoire justifiera durablement la non reconnaissance du droit de vote des expatriés.
L’intégration du Royaume-Uni dans la communauté économique européenne (CEE) en 1973 relança le débat sur l’exercice des droits politiques par les citoyens britanniques non-résidents afin qu’ils puissent notamment participer à la désignation de leurs représentants à la Chambre des communes. Ainsi, le comité restreint des affaires intérieures de la Chambre des communes publia en 1982 un rapport dans lequel il préconisait de permettre aux citoyens britanniques résidant dans l’un des États de la CEE de pouvoir voter aux élections parlementaires sans limite de durée[107]. Le Representation of the People Act adopté en 1985 intègre cette proposition pour l’ensemble des citoyens britanniques expatriés (dans ou hors de la CEE), mais introduisit néanmoins une limite de 5 années de résidence hors du territoire à l’issue de laquelle les overseas electors ne peuvent plus exercer leur droit de vote à moins de revenir habiter au Royaume-Uni[108]. Cette limite fut par la suite étendue à vingt ans[109] avant d’être ramenée à quinze ans[110]. Si ces réformes ont donc permis dans une certaine mesure une « exportation » de la citoyenneté au-delà des frontières, le maintien d’une durée maximale de résidence au-delà de laquelle le droit est suspendu témoigne d’une subsistance de la tradition impliquant que l’électeur doit habiter la circonscription dans laquelle il vote. Ce particularisme britannique est d’autant plus prégnant qu’il s’agit aujourd’hui, de l’un des derniers États européens à limiter le droit de vote des citoyens non-résidents[111].
Compte tenu du caractère minoritaire du Royaume-Uni sur ce point, un expatrié britannique résidant en Italie depuis plus de quinze ans – Harry Shindler – intenta en 2010 un recours contre le Royaume-Uni devant la CEDH. Il alléguait que la suspension du droit de vote des non-résidents de longue durée violerait l’article 3 du protocole additionnel n° 1 de la CEDH relatif au droit à des élections libres. Selon lui, les arguments avancés par le gouvernement pour justifier cette règle sont aujourd’hui dépassés du fait que « la mondialisation, la technologie moderne et les agences de voyages à bas prix » permettent « aux citoyens résidant à l’étranger de maintenir plus facilement le contact avec leur pays d’origine »[112]. Cet argumentaire n’est alors pas sans rappeler celui qui sera repris plus tard dans l’arrêt Frank c. Canada, les juges majoritaires ayant considéré qu’en dépit d’une vie hors du Canada, les expatriés peuvent conserver aujourd’hui « des racines politiques, familiales ou culturelles profondes au Canada »[113]. De manière analogue, la CEDH, dans sa décision du 7 mai 2013, a admis que les migrations ont pu aujourd’hui changer de nature et qu’une majorité significative d’États membres du Conseil de l’Europe reconnaît un droit de vote sans limite de durée pour les expatriés (35 sur 47). Il n’y a cependant pour elle, pas lieu d’en tirer l’existence d’un consensus au sein du Conseil en faveur d’un tel droit, « la marge d’appréciation dont jouit l’État dans ce domaine » restant large[114]. La Cour rejeta donc le recours, jugeant de surcroît que la limite des 15 ans apparaît proportionnée à l’objectif poursuivi et ce, d’autant plus que le Parlement a régulièrement débattu sur le bienfondé de cette règle. Dès lors, si le raisonnement conduit par la Cour suprême du Canada semble trouver un écho sur le vieux continent, la solution rendue par la CEDH dénote de la grande sensibilité de cette question, le débat sur la reconnaissance du vote au-delà des frontières dépendant en premier lieu des institutions nationales.
Ainsi, les arguments d’Harry Shindler ne manquèrent pas de relais au Parlement britannique, une proposition de loi visant la suppression de la règle des 15 ans ayant été déposée en 2018 par le député conservateur Glyn Davies. Les arguments échangés par les opposants et partisans du vote sans limites des expatriés apparaissent sensiblement les mêmes que ceux discutés devant la Cour suprême du Canada. D’un côté, les députés favorables au maintien de la « Règle des 15 ans » firent notamment valoir le lien devant subsister entre le droit d’être représenté et l’assujettissement à l’impôt, la députée travailliste Sandy Martin ayant suggéré en ce sens d’inverser l’adage « No taxation without representation »[115] de manière à proclamer qu’il ne peut y avoir de représentation sans taxation[116]. À l’inverse, les députés soutenant la proposition de loi estiment que l’exercice du droit de vote n’est pas seulement une question d’assujettissement, mais constitue également une affirmation par l’électeur de son identité britannique et de son attachement au Royaume-Uni. La députée libérale-démocrate Layla Moran, fort de sa propre identité d’expatriée, considérait comme « datée » l’idée selon laquelle « nous avons besoin d’être assis sur un lopin de terre pour l’aimer »[117]. D’une certaine manière, cette opposition n’est pas sans rappeler l’ancienne distinction entre électorat droit et électorat fonction. Pour les opposants à la citoyenneté des expatriés, le droit de vote serait de fait un attribut que la nation peut octroyer à ceux qui en sont dignes. A l’inverse, les défenseurs de la proposition de loi tendent à présenter le vote comme un droit fondamental de l’individu qu’il peut décider librement d’exercer en fonction de son attachement à son pays. La théorie de l’électorat-fonction reste néanmoins présente dans l’argumentaire favorable au droit de vote des expatriés, le député conservateur Clifton-Brown ayant pu déclarer ainsi que les expatriés « sont le soft power de ce pays, ses ambassadeurs dans le monde »[118], cela rappelant l’argumentaire proposé par les juges majoritaires dans l’arrêt Frank c. Canada[119]. En dépit d’une majorité a priori favorable à ce texte, il n’a pour l’heure pas abouti, cela pouvant s’expliquer notamment par le fait que bien qu’émanant d’un député conservateur, il ne s’agit pas pour autant de la position officielle du parti conservateur, qui est majoritaire à la chambre depuis 2010.
La courte majorité ayant conduit à la victoire du « leave » lors du référendum du 23 juin 2016 sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne – le Brexit – n’apparaît pas sans lien avec cette réticence du parti conservateur à relancer le débat sur le vote des citoyens non-résidents de longue durée. De fait, la règle des 15 ans a conduit à exclure un certain nombre d’électeurs potentiellement favorables au « remain » puisque sur les 5 millions de citoyens britanniques expatriés, 1.4 million seulement peuvent exercer leur droit de vote du fait de cette règle[120]. Sachant que le référendum s’est joué à environ 1.3 million de voix de majorité, l’exclusion d’environ 3.6 millions d’électeurs expatriés potentiellement défavorables au Brexit pose question. Harry Shindler incarna une nouvelle fois cette revendication des expatriés de longue durée à faire valoir leur voix de citoyen britannique au même titre que les citoyens résidents. À l’abord du référendum, il contesta la règle des 15 ans devant les juridictions britanniques, en se fondant notamment sur le droit de l’Union européenne, en particulier le droit à la libre circulation garanti aux citoyens européens. Les différents recours intentés avant le référendum échouèrent. La Cour suprême britannique refusa en dernier ressort d’entendre l’affaire, estimant notamment discutable le fait que le droit de l’Union européenne puisse remettre en cause une disposition issue de la loi du Parlement[121]. Ayant été privé de son droit de voter au référendum, le requérant se tourna vers la juridiction européenne afin de contester incidemment l’application par le Royaume-Uni de la règle des 15 ans. Notons néanmoins que conformément aux traités (articles 258 et suivants du TFUE), un individu ne peut attaquer directement les manquements de son Etat à une règle européenne devant la Cour de justice de l’Union européenne. C’est donc par la voie du recours en annulation (article 263 du TFUE) que le requérant – en lien avec douze autres expatriés – put porter le contentieux de l’exclusion des expatriés britanniques de longue durée devant les juges européens. Ce n’est néanmoins pas tant la loi britannique instituant la règle des 15 ans qui était contestée, mais la décision du Conseil en date du 22 mai 2017 « autorisant l’ouverture des négociations avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue de la conclusion d’un accord fixant les modalités de retrait de celui-ci de l’Union européenne ». Compte tenu de l’objet du recours, le Tribunal rejeta la requête en raison de son irrecevabilité, constatant l’absence d’effet direct de la décision contestée sur la situation des requérants[122], décision qui fut confirmée par la Cour dans une ordonnance du 19 mars 2019[123]. Si la position des juridictions européennes sur cette affaire s’explique du fait que « les conditions strictes de recevabilité des recours individuels constituent le majeur obstacle en la matière »[124], elle apparaît en revanche critiquable en ce que ni la Cour ni le Tribunal ne tiennent compte de la perte par les citoyens britanniques de leur qualité de citoyen européen des suites du processus de retrait[125]. Ce faisant, les juges européens semblent avoir fait peu de cas du principe de démocratie et du droit de vote reconnu aux citoyens européens par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Mais la Cour de justice aurait-elle pu faire ce qu’a fait la Cour suprême des États-Unis en proclamant que la conséquence de la libre circulation doit être l’égalité stricte des droits de citoyenneté entre citoyens européens et ce, y compris dans l’ordre juridique interne des États membres ? À l’évidence, les traités ne sont pas la Constitution américaine et le libéralisme de la Cour suprême en matière de reconnaissance des droits des citoyens semble lui aussi limité par le cadre strict des textes qui s’imposent à elle, en témoigne la problématique insoluble de la citoyenneté à Porto-Rico.
2- Les limitations du droit de vote en deçà des frontières aux États-Unis et en France
Plus que jamais, le droit de vote semble tributaire de la conception que chaque État se fait de la citoyenneté, la thèse de l’électorat fonction n’étant jamais bien loin en dépit du triomphe apparent de la théorie de l’électorat-droit avec l’avènement du suffrage universel. Ainsi, malgré une conception très favorable au droit de vote des citoyens expatriés, le droit français et le droit américain entretiennent aujourd’hui encore des « enclaves » sur leur territoire où l’accès aux élections n’est pas reconnu à l’ensemble de leurs citoyens. C’est le cas aux États-Unis pour les citoyens américains résidant dans les territoires non incorporés, au premier rang desquels se trouvent Porto-Rico, leur droit de voter aux élections fédérales étant suspendu tant qu’ils demeurent dans ces territoires (a). C’est ce qu’il se produit également en France pour les citoyens français résidant en Nouvelle-Calédonie, la privation du droit de vote se traduisant ici par une scission de la citoyenneté dans l’Archipel pour ce qui concerne la participation aux élections locales (b).
a. La suspension du droit de vote des citoyens américains aux élections fédérales à Porto-Rico
Si le droit de vote des « overseas voters » est largement reconnu aux États-Unis, une exception notable doit être relevée en ce qui concerne les citoyens américains résidant dans les territoires non incorporés, en particulier à Porto-Rico. Ces territoires se situent de fait dans une position transitoire vis-à-vis des Etats-Unis car, sans être des États fédérés, il ne s’agit pas non plus d’États indépendants[126]. Une diversité de statut juridique caractérise ces territoires, Porto Rico apparaissant comme étant l’un de ceux qui est le plus proche de ce que serait un État indépendant étant donné qu’il s’agit d’un État libre associé[127]. Les citoyens portoricains disposent pourtant de la citoyenneté des États-Unis ce qui a pour conséquence de leur faire bénéficier des « privilèges ou immunités » reconnus par la Constitution fédérale. De plus, les Portoricains ont le droit de se déplacer à l’intérieur des États-Unis et peuvent prétendre à la citoyenneté de l’État dans lequel ils résident, conformément aux dispositions du XIVe amendement de la Constitution américaine. Ils peuvent donc voter aux élections locales et fédérales organisées dans chacun des 50 États, la communauté portoricaine étant de fait, une cible électorale privilégiée par les candidats à la présidence des États-Unis dans la mesure où il y a presque autant de Portoricains aux États-Unis que sur l’île de Porto Rico[128]. Mais c’est bien auprès des Portoricains vivant aux États-Unis que ces différentes campagnes ont vocation à produire des effets dans la mesure où, compte tenu de son statut actuel, il n’y a pas d’élection fédérale à Porto Rico. De fait, la Constitution fédérale ne prévoit la désignation de représentants, de sénateur et par voie de conséquence de grands électeurs pour l’élection du président que dans les seuls États membres de l’Union, la seule exception étant le District de Columbia qui dispose pour l’élection présidentielle de trois grands électeurs, conformément au XXIIIe amendement. Les citoyens des États-Unis résidant dans l’île ne peuvent donc pas voter aux élections fédérales[129] ce qui a pu faire l’objet d’une contestation récurrente devant les juges américains par un citoyen portoricain, Grégorio Igartúa.
La Cour d’appel fédérale du premier circuit l’a alors débouté à six reprises[130], les opinions rendues par les juges de la Cour d’appel dénotant néanmoins de la grande sensibilité de cette question. Le requérant se prévalait en premier lieu de l’égalité des droits garantie par le XIVe amendement et plus généralement du droit constitutionnel de voter reconnu en faveur des citoyens américains. En second lieu, il fit valoir les différents traités et textes internationaux garantissant le droit de vote, notamment le PIDCP et la DUDH. Les juges majoritaires de la Cour rejetèrent systématiquement ces moyens, rappelant d’une part, le fondement constitutionnel du régime juridique des élections fédérales aux États-Unis – ce sont les États fédérés qui désignent formellement les représentants et non les citoyens – et s’opposant d’autre part, à ce qu’un droit issu d’un traité international puisse avoir pour conséquence de remettre en cause l’organisation constitutionnelle des États-Unis. En somme, les juges de la Cour fédérale d’appel estiment que « la voie pour changer la Constitution ne passe pas par les tribunaux » (Igartúa III) et qu’aucun texte constitutionnel ne confère « aux juridictions fédérales le pouvoir de créer un nouvel État » (Igartúa IV). L’argument fondé sur la primauté des traités internationaux est rejeté de la même manière, la Cour se prévalant en ce sens du précédent contestable de l’arrêt Medellin v. Texas dans lequel la Cour suprême relativisa l’autorité du droit international[131]. Le juge Juan Torruella s’est à l’inverse montré constamment dissident dans les différentes affaires Igartúa. En dépit de l’argument constitutionnel des juges majoritaires, le juge Torruella déplorait ainsi « l’absence d’influence politique nationale d’une communauté de 3.5 millions de citoyens américains qui résident à Porto Rico » ce qui constitue un « important problème au cœur de ce que signifie être une démocratie » (Igartúa VI). Il estimait ainsi, dans Igartúa III qu’aucun droit « n’est plus précieux dans un pays libre que d’avoir une voix dans l’élection de ceux qui font les lois sous lesquelles, comme bons citoyens, nous devons vivre ». En conséquence, le juge dissident préconisait l’adoption d’un jugement déclaratoire afin que les États-Unis prennent des mesures afin « de garantir l’égal accès au droit de vote de tous les citoyens dans l’élection du Président et du Vice-Président des États-Unis ». L’opposition entre la majorité et la dissidence démontre là encore la différence de conception sur ce qu’est le droit de vote. Pour les juges majoritaires, il s’agit d’un privilège découlant de l’organisation constitutionnelle, donc une fonction attribuée par le constituant aux individus. Pour le juge dissident, c’est en revanche un droit fondamental auquel on ne peut opposer la spécificité constitutionnelle des élections fédérales pour refuser aux citoyens américains de Porto-Rico d’y participer.
La privation du droit de vote des Portoricains aux élections fédérales américaines apparaît donc comme étant plus le fait du statut politique hybride de Porto Rico que de la seule condition de résidence. Cette situation va néanmoins avoir un effet pervers en ce que, bien que le droit américain reconnaisse largement et de longue date le droit de vote des citoyens non-résidents, une exception de taille existe pour les citoyens ayant opté pour une résidence dans l’un des territoires non incorporés. En définissant les électeurs d’outre-mer par leur résidence en dehors des États-Unis, le droit américain exclut de cette catégorie les électeurs résidents dans ces territoires[132] comme l’est Porto Rico. Ainsi, un citoyen américain, ressortissant de l’un des 50 États fédérés qui viendrait s’installer dans l’île se verrait par là même privé de son droit de voter aux élections, à moins que son État d’origine n’accepte qu’il puisse durablement voter par correspondance. La Cour d’appel fédérale du 7e circuit eut ainsi à se prononcer sur cette problématique dans l’affaire Segovia v. United States rendue le 18 janvier 2018[133]. En l’espèce, les requérants sont des résidents de l’Illinois partis vivre à Porto Rico, dans l’île Guam et aux Îles Vierges et qui, pour ce motif, se sont vus refuser l’accès au vote par correspondance dans l’Illinois en raison des réglementations fédérales et fédérées sur ce point. Ils faisaient alors valoir une atteinte à la clause d’égale protection du XIVe amendement ainsi qu’à leur droit de voyager. La Cour rejeta ces arguments estimant d’une part, que l’octroi au niveau fédéral du droit de vote à l’ensemble des résidents des territoires nécessiterait l’adoption d’un amendement constitutionnel comme cela fut le cas pour le District de Columbia avec la ratification en 1961 du XXIIIe amendement. D’autre part, elle considère qu’admettre le droit de vote par correspondance pour les citoyens des territoires ayant eu une résidence antérieure dans l’un des 50 États reviendrait à instituer dans ces territoires des « super-citoyens » avec l’établissement d’un droit différencié entre les résidents de ces territoires. L’allégation fondée sur l’atteinte au droit de voyager est également rejetée, celle-ci étant qualifiée de « borderline frivolous », ce droit ne pouvant s’interpréter que de manière à conférer à tout citoyen se déplaçant aux États-Unis les mêmes droits que ceux accordés aux résidents de l’État ou territoire dans lequel il élit domicile. La Cour suprême des États-Unis a alors été saisie de cette décision mais refusa d’entendre l’affaire, usant ainsi de son pouvoir discrétionnaire pour accueillir ou non les recours[134]. La problématique du droit de vote à Porto Rico démontre au final les limites de la citoyenneté américaine qui, bien qu’étant un droit constitutionnellement garanti, n’en est pas moins tributaire du contenu qui lui est reconnu par la Constitution et par le Congrès. Ainsi, le droit de vote des non-résidents n’existe qu’en vertu de la volonté du Congrès et ne jouit donc pas de la même valeur fondamentale qui lui a été conféré par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Frank ou par le constituant français. Comme au Royaume-Uni, la citoyenneté peut ainsi disparaître par intermittence, la résidence étant un critère susceptible de faire fluctuer le droit de voter aux élections. Elle peut néanmoins devenir un critère fondamental lorsque la citoyenneté a vocation à se transformer en nationalité, comme cela est le cas en Nouvelle-Calédonie.
b. La scission de la citoyenneté française pour les élections relatives à la Nouvelle-Calédonie
Bien que la Nouvelle-Calédonie soit pour l’heure un territoire français, les conditions d’exercice du droit de vote dans l’Archipel sont nettement plus drastiques que celles existant dans les autres circonscriptions électorales françaises. Si la résidence apparaît généralement comme une simple modalité permettant de déterminer la liste électorale sur laquelle peuvent être inscrits les nationaux français, elle est en revanche une condition substantielle pour pouvoir voter aux élections spécifiques au territoire néocalédonien. Ainsi, trois listes électorales coexistent en Nouvelle-Calédonie :
- La liste électorale générale (LEG) qui comprend toutes les personnes disposant de la nationalité française résidant sur le territoire et qui sert à déterminer les électeurs appelés à voter aux élections nationales (présidentielle, législative, européenne) et municipales. Si la résidence conditionne l’inscription sur cette liste, elle peut néanmoins être dépassée pour les Français de l’étranger qui, ayant un lien avec une commune de l’Archipel, peuvent demander leur inscription sur la LEG.
- La liste électorale spéciale pour les élections provinciales (LESP) est en revanche nettement plus sélective car constituée des personnes ayant la citoyenneté néocalédonienne[135] qui seules, peuvent être habilitées à élire les institutions représentatives du territoire en l’occurrence, les trois assemblées de provinces et le Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
- La liste électorale spéciale pour la consultation d’autodétermination (LESC) intègre les personnes inscrites sur la LESP auxquelles peuvent s’ajouter certaines catégories d’individus[136]. Elle a pour objet de définir les électeurs appelés à se prononcer par référendum sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie[137].
Les conditions d’inscription sur chacune de ces deux listes apparaissent par bien des côtés assimilables aux éléments pouvant conditionner l’accès à la nationalité française puisqu’entrent en jeu à la fois des éléments liés à l’ascendance et au lieu de naissance auxquels peut s’ajouter une condition de durée de résidence. En résulte un corps électoral essentiellement gelé dans la mesure où il ne peut aujourd’hui s’enrichir que par l’ajout de jeunes électeurs nés en Nouvelle-Calédonie où ayant un parent lui-même lié à l’Archipel, que ce soit par naissance ou du fait qu’il ait pu voter à l’occasion de la consultation du 8 novembre 1998 ayant conduit à l’adoption de l’Accord de Nouméa. La situation des électeurs par rapport à cette consultation constitue alors une condition indépassable pour être inscrit sur la LESP, la révision constitutionnelle du 19 février 2007 ayant modifié l’article 77 de la Constitution de manière à figer le corps électoral en fonction du tableau annexe des électeurs n’ayant pu voter pour le référendum de 1998. Ainsi, la résidence ne constitue plus une condition suffisante pour pouvoir bénéficier de la citoyenneté quand bien même celle-ci serait prolongée dans le temps : une personne arrivée en Nouvelle-Calédonie le 9 novembre 1998 et qui y réside de manière continue depuis lors ne pourra jamais intégrer l’une ou l’autre de ces listes électorales.
Ce système, qui conduit de fait à l’exclusion d’une partie de la population – qu’elle dispose ou non de la nationalité française – du droit de vote pour les scrutins propres à la Nouvelle-Calédonie, a pu être contesté dans sa constitutionnalité et dans sa conventionnalité. Le problème de l’éventuelle inconstitutionnalité du dispositif, en particulier à la lumière du principe d’égalité, fut en pratique levé par la constitutionnalisation de l’Accord de Nouméa qui acte ce régime dérogatoire[138]. En revanche, la reconnaissance du droit de vote dans diverses conventions internationales ratifiées par la France – notamment le Pacte international des droits civils et politiques et la Convention européenne des droits de l’Homme – a pu conduire à interroger la conventionnalité de ce dispositif. Après avoir été saisi de cette question, le Comité des droits de l’homme des Nations unies, dans sa décision du 15 juillet 2002[139], reconnut la conformité à l’article 25 du PIDCP – consacrant le droit de tout citoyen de voter – de la différenciation fondée sur la durée de résidence pour pouvoir voter aux scrutins locaux de la Nouvelle-Calédonie. Le Comité décrivait alors cette distinction comme résultant de la « situation relationnelle au territoire » des électeurs admis à voter. Il n’y aurait donc là pas de discrimination fondée sur l’ethnie ou la nationalité. La différentiation serait d’autant plus acceptable qu’elle est la conséquence « d’un processus de décolonisation impliquant la participation des résidents qui, au-delà de leur appartenance ethnique et politique, ont contribué et contribuent à l’édification de la Nouvelle-Calédonie » (§ 14.7 de la décision). Sur cette base, la CEDH, qui fut saisie par la suite dans le cadre de l’arrêt Py c. France, rejoignit les conclusions du Comité en prononçant la conformité à l’article 3 du protocole additionnel de la Convention – relatif au droit à des élections libres – de l’exclusion des résidents de courte durée de la LESP. La Cour faisait notamment valoir l’existence de « nécessités locales » liées à « l’histoire et au statut de la Nouvelle-Calédonie »[140] et justifiant la mise en place d’un « système inachevé et transitoire » selon les mots employés par le gouvernement français[141]. Comme à Porto-Rico, les spécificités territoriales de la Nouvelle-Calédonie conduisent à minorer la portée du vote comme droit fondamental de l’individu. La problématique semble cependant ici aller au-delà d’une stricte question de libertés fondamentales puisque l’enjeu réside dans l’appartenance ou non des électeurs à la communauté politique néocalédonienne, dimension qui résulte alors du processus de décolonisation dont fait l’objet la Nouvelle-Calédonie.
En effet, le gel du corps électoral a pour objet d’éviter une dépossession totale du peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie de son droit à l’autodétermination du fait des vagues de migration successives[142]. En retenant néanmoins une condition de résidence prolongée, l’idée des signataires de l’Accord de Nouméa, et avant eux de ceux des Accords de Matignon/Oudinot, était de permettre une certaine dynamique de la citoyenneté néocalédonienne, ouverte préférentiellement aux Kanak, mais aussi « pour des raisons historiques à d’autres ethnies dont la légitimité est reconnue par les représentants du peuple kanak » selon les termes de la déclaration finale de Nainville lès Roches de 1983. La résidence est donc ici synonyme d’attachement au territoire, en témoigne la notion de « centre de leurs intérêts matériels et moraux » usitée dans la loi organique pour conditionner l’inscription sur la LESC des natifs de la Nouvelle-Calédonie. Or, cette condition a pu être présumée remplie dès lors que la personne réside de manière continue depuis au moins trois ans avant la consultation qui s’est tenue le 4 novembre 2018[143]. La résidence apparaît ainsi non plus comme une simple modalité d’inscription sur les listes électorales, mais comme une condition substantielle pour accéder à la citoyenneté. Ne plus résider dans l’Archipel s’oppose donc par définition à ce que le droit de vote puisse être exercé, nonobstant le recours au vote par procuration. Notons néanmoins que même dans cette hypothèse, le vote par procuration n’est pas de droit, l’électeur souhaitant y recourir devant apporter des justificatifs de son absence[144]. À bien des égards, la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie repose sur des bases nettement plus contraignantes que celles caractérisant l’accès à la citoyenneté française. Bien qu’étant essentiellement définie par le droit de voter, cette citoyenneté a vocation, à terme, à se fonder dans une nationalité néocalédonienne qui serait acquise de plein droit pour tous les citoyens en cas d’indépendance[145]. Cet élément explique certainement que, durant cette période transitoire résultant de l’Accord de Nouméa, la citoyenneté demeure essentiellement fondée sur le lien entretenu par les individus avec le territoire. La situation apparaît d’une certaine manière assimilable à ce qu’elle était au Canada avant l’institution en 1949 de la citoyenneté canadienne : la résidence était essentielle car il s’agissait alors du seul lien susceptible de rattacher les électeurs avec le Canada. Mais dans le contexte néocalédonien, la limitation du droit de vote semble également résulter d’une confrontation de celui-ci avec un autre droit fondamental : celui des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Par bien des aspects, la permanence d’une condition de résidence trouve dans chacun des cas étudiés une justification objective que le caractère fondamental du droit de vote ne saurait venir contrebalancer. Pragmatique au Royaume-Uni, la résidence fut pendant longtemps la seule manière de différencier les sujets britanniques du Royaume-Uni de ceux des dominions. Elle est aujourd’hui un moyen de limiter toute dénaturation du corps électoral en raison de l’importante diaspora britannique qui pourrait contribuer à faire basculer une élection disputée comme le fut le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Politique à Porto-Rico et dans les territoires non incorporés des États-Unis, la privation du droit de vote aux élections fédérales s’explique par le fait que ces territoires n’ont, conformément à la Constitution américaine, pas de représentation au sein du gouvernement fédéral. La contrepartie en est qu’ils demeurent essentiellement souverains et que contrairement aux États membres de l’Union[146], leur droit à la sécession n’apparaît a priori pas discutable, en particulier lorsque comme Porto Rico, ils ont le statut d’Etat libre associé. Historique en Nouvelle-Calédonie, l’importance de la condition de résidence se justifiant par un processus de décolonisation qui repose précisément sur une opposition à l’afflux de « non-résidents » susceptibles de devenir majoritaires dans l’Archipel. L’enjeu se situe néanmoins plus ici dans la différenciation entre nationalité et citoyenneté puisqu’outre l’exclusion potentielle des citoyens non-résidents, les conditions d’inscription sur les listes électorales spéciales conduisent également à l’exclusion des non-citoyens résidents.
Si ces différentes manifestations contemporaines de la citoyenneté de résidence sont le fait de « nécessités locales », pour reprendre la terminologie de la CEDH, nous pouvons nous interroger sur leur survivance durable au regard des évolutions constatées par ailleurs en France, aux États-Unis et au Canada. Les arguments présentés par Harry Shindler devant la CEDH en 2013 sont plus que jamais d’actualité aujourd’hui, en témoigne l’opinion rendue par le juge en chef Wagner dans l’arrêt Frank c. Canada : les communications modernes, la mondialisation, les agences de voyage à bas prix facilitent la circulation internationale des citoyens. Malgré leurs différences, les enjeux contemporains de la citoyenneté se posent dans chacun de ces États ou territoires, la résidence, qui a pu hier être constitutive de l’identité profonde des électeurs, constitue aujourd’hui une simple expression de leur condition les autorisant ou non à exercer leur droit de vote. Peut-être ne sera-t-elle demain qu’un simple choix de vie sans lien avec la capacité de chacun à exercer son droit fondamental de voter.
Z. Brémond
[1] Tribunal constitutionnel espagnol, Auto 196/2016 du 28 novembre 2016.
[2] Tribunal constitutionnel allemand, 2 BvC 62/14, 29 janvier 2019.
[3] Mme Gimeno Reinoso, Représentante de l’Assemblée de Madrid, Débats parlementaires, Session plénière, Congrès des députés, DSCD-12-PL-87, 07/11/17.
[4] Mme Arévalo Caraballo, Débats parlementaires, Session plénière, Congrès des députés, DSCD-12-PL-87, 07/11/17.
[5] Mme Caroline Abadie, Assemblée nationale, Deuxième séance de discussion, 19/11/2018.
[6] M. Campuzano I Canadés, Débats parlementaires, Session plénière, Congrès des députés, DSCD-12-PL-87, 07/11/17.
[7] M. De Lara Guerrerro, Débats parlementaires, session plénière, Sénat, DS-P-12-90, 21/11/18.
[8] Tribunal constitutionnel allemand, 2 BvC 62/14, 29 janvier 2019, § 14.
[9] Cour européenne des droits de l’Homme, Alajos Kiss c. Hongrie, 20 mai 2010, 38832/06.
[10] Mme Cécile Untermaier, Compte rendu des travaux de la Commission, Tome 2, p. 163 et s., 1ère lecture devant l’Assemblée nationale, dépôt 24.10.18.
[11] Mme Laëtitia Avia, Discussion en séances publiques, Assemblée nationale, 18/02/2019.
[12] M. Alli Martínez, Débats parlementaires, Session plénière, Congrès des députés, DSCD-12-PL-87, 07/11/17.
[13] Discours du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, publié le 12 juillet
2018, Élysée, p.11.
[14] Tribunal constitutionnel espagnol, Auto 196/2016 du 28 novembre 2016.
[15] Ley Orgánica 5/1985, de 19 de junio, de Régimen Electoral, articulo 3§1, alinéa b.
[16] Tribunal constitutionnel espagnol, Auto 196/2016 du 28 novembre 2016, point II 3.
[17] Article 29 de la Constitution du Danemark.
[18] Cour supreme du Danemark, Case no. 159/2017, 18 Janvier 2018, A, B, C and D vs. The Danish Ministry for Economic Affairs and the Interior. Cf : https://domstol.dk/hoejesteret/decided-cases-human-rights/2018/1/right-to-vote-for-danish-parliament/
[19] Voir pour la présentation de cette législation et de ses modifications, la tierce intervention de ENNHRI près la Cour européenne des droits de l’Homme : http://ennhri.org/wp-content/uploads/2019/10/ennhri_submission_to_ecthr_on_strobye_v._denmark_and_rosenlind_v._denmark.pdf
[20] Deux affaires demeurent cependant pendantes devant la Cour européenne des droits de l’Homme : https://hudoc.echr.coe.int/eng#{%22appno%22:[%2225802/18%22],%22itemid%22:[%22001-192581%22]}
[21] Gálvez Muños L. A., « Los pilares de la reforma electoral de 2018 para garantizar el derecho de sufragio de todas las personas con discapacidad », Cortes Valencianas, Anuario de derecho parlamentario n°32, 2019, p. 104.
[22] Cette loi avait précédemment fait l’objet d’une étude contestant sa conventionnalité : K. BRAUN, « “Nothing About Us Without Us”: The Legal Disenfranchisement of Voters With Disabilities in Germany and its Compliance with International Human Rights Standards on Disabilities », American University International Law Review 2015, Vol. 30 no. 2, p. 315 et s..
[23] Plus précisément, la déchéance du droit de vote est prévue aux §13 no. 2 [dans sa version du 12 septembre 1990] et no. 3 [dans sa version du 8 mars 1985] de la Loi fédérale relative aux élections.
[24] Tribunal constitutionnel allemand, 2 BvC 62/14, 29 janvier 2019, §41.
[25] Opinion dissidente sous Tribunal constitutionnel espagnol, Auto 196/2016 du 28 novembre 2016.
[26] Tribunal constitutionnel allemand, 2 BvC 62/14, 29 janvier 2019, §93.
[27] Tribunal constitutionnel allemand, 2 BvC 62/14, 29 janvier 2019, § 95.
[28] Cité dans l’exposé des motifs de la proposition de loi organique modifiant la loi organique 5/1985.
[29] Cf. Notamment « Can persons deprived of legal capacity vote ? Indicators on political participation of persons with disabilities 2014 » ou encore « Who will (not) get to vote in the 2019 European Parliament elections? Developments in the right to vote of people deprived of legal capacity in EU Member States » ((European Union Agency for Fundamental Rights); « A Comparative Study on the Right to Vote for Convicted Prisoners,
Disabled Persons,Foreigners and Citizens Living Abroad » (Tom Theuns, ETHOS, Funded by the Horizon 2020
Framework Programme of the European Union, Mai 2020); « Access to Electoral Rights. Germany » (Luicy Pedroza, juin 2013, Robert Schuman Centre for Advanced Studie) ; « La réalité du droit de vote aux élections européennes pour les personnes handicapées. Rapport d’information, » (Rapporteur: Krzysztof Pater, Comité économique et social européen, mars 2020) ; « Persons with disabilities’right to autonomy and their right to vote. Australia, Austria, Canada, France, Germany, Italy, The Netherlands, New Zealand, Norway, Spain, Sweden, United Kingdom, United States » (Institut Suisse de droit compare, E-Avis ISDC 2019-18, novembre 2019).
[30] M. Xuclà I Costa, Débats parlementaires, session plénière, Congrès des députés, DSCD – 12 – PL – 157, 18 octobre 2018.
[31] Burdeau G., Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1976, p.190.
[32] Par individu-citoyen contemporain, il est fait référence à l’individu-citoyen tel qu’envisagé dans les jurisprudences allemande et espagnole et les débats parlementaires français et espagnols, matériaux à partir desquels la comparaison a été menée.
[33] Ce constat tire son fondement dans l’expression de G. Burdeau « l’homme éclairé par la raison, parlant selon les impératifs de cette raison commune à tous ».
[34] Pitseys J., « Démocratie et citoyenneté », Dossier du Crisp, 2017/1 n°88, p. 14.
[35] Le terme « suffrage universel » est un faux-ami puisqu’historiquement il est d’abord réservé aux hommes. En 1848, le suffrage universel masculin est rétabli pour tous les hommes de nationalité française âgés de 21 ans et jouissant de leurs droits civils et politiques. Il faut attendre 1944 pour que le suffrage universel féminin soit instauré.
[36] Le législateur espagnol est intervenu en 1985 pour réglementer le droit de suffrage des citoyens espagnols en adoptant la loi organique 5/1985 du 19 juin, du régime électoral général. L’article 3§1 alinéas b) et c) dispose : « sont dépourvus du droit de suffrage : b) Les personnes déclarées incapables en vertu d’une sentence judiciaire définitive, dès lors que celle-ci déclare expressément l’incapacité pour l’exercice du droit de suffrage. c) Les personnes internées dans un hôpital psychiatrique moyennant une autorisation judiciaire, durant la période d’internement, à condition que l’autorisation du juge déclare expressément l’incapacité pour l’exercice du droit de suffrage. »
[37] C’est en ces termes que l’article L5 du Code électoral est rédigé « lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ».
[38] La déchéance du droit de vote est prévue aux §13 no. 2 [dans sa version du 12 septembre 1990] et no. 3 [dans sa version du 8 mars 1985] de la Loi fédérale relative aux élections : le §13 no. 2 prévoit l’exclusion du droit de vote aux élections législatives pour les personnes pour lesquelles un « tuteur » a été nommé en vue de s’occuper de l’ensemble de leurs affaires. Cette disposition a fait l’objet d’une étude en anglais, contestant sa conventionnalité : K. BRAUN, « “Nothing About Us Without Us”: The Legal Disenfranchisement of Voters With Disabilities in Germany and its Compliance with International Human Rights Standards on Disabilities », American University International Law Review 2015, Vol. 30 no. 2, p. 315 et s.. Le §13 no. 3 prévoit l’exclusion du droit de vote pour les personnes placées dans un hôpital psychiatrique en application du § 63 du Code pénal pour avoir commis une infraction dans un état les exemptant de leur responsabilité criminelle.
[39] Tribunal constitutionnel allemand, 2 BvC 62/14, 29 janvier 2019.
[40] Tribunal constitutionnel espagnol, Auto 196/2016 du 28 novembre 2016
[41] Le Tribunal constitutionnel espagnol a mobilisé l’article 23.1 de la Constitution qui dispose : « Les citoyens ont le droit de participer aux affaires publiques, directement ou par l’intermédiaire de représentants librement élus à des élections périodiques au suffrage universel » ; Tribunal constitutionnel espagnol, Auto 196/2016 du 28 novembre 2016, point II. 2 et 3. Le Tribunal constitutionnel allemand se fonde sur l’article 38.1 de la Loi fondamentale qui établit que « les députés du Bundestag allemand sont élus au suffrage universel, libre, égal et secret » ; Tribunal constitutionnel allemand, 2 BvC 62/14, 29 janvier 2019, §95.
[42] Le principe de non-discrimination sur lequel se fonde le Tribunal constitutionnel est prévu à l’article 14 de la Constitution : « Les Espagnols sont égaux devant la loi ; ils ne peuvent faire l’objet d’aucune discrimination pour des raisons de naissance, de race, de sexe, de religion, d’opinion ou pour n’importe quelle autre condition ou circonstance personnelle ou sociale » ; Tribunal constitutionnel espagnol, Auto 196/2016 du 28 novembre 2016, point II. 2 et 3. Le principe de non-discrimination est prévu à l’article 3 (3) de la Loi fondamentale : « Nul ne doit être discriminé en raison de son handicap ». Tribunal constitutionnel allemand, 2 BvC 62/14, 29 janvier 2019, § 107 et s. de la décision.
[43] Tribunal constitutionnel espagnol, Auto 196/2016 du 28 novembre 2016, point II. 3.
[44] Tribunal constitutionnel allemand, 2 BvC 62/14, 29 janvier 2019, §95.
[45] Tribunal constitutionnel allemand, 2 BvC 62/14, 29 janvier 2019, §58 et 59 ; Tribunal constitutionnel espagnol, Auto 196/2016 du 28 novembre 2016, point II. 4.
[46]STS 421/2013, 24 juin ; STS 341/2014, 1er juin
[47] Barranco Avilés, C., « Democraia, sufragio universal y discapacidad », IgualdadES, 1, 2019, p. 199.
[48] V. not. La sentence de l’Audiencia Provincial de Barcelona prononcée le 27 mai 2016 qui prévoit que « le juge ne peut pas établir un standard d’exigibilité des capacités cognitives ou intellectuelles pour empêcher l’exercice du droit de vote » ; la sentence de l’audience Provincial de Rioja, rendue le 5 février 2018, emprunte la voie de son homologue barcelonais puisque le juge soutient qu’« il n’est pas possible d’opter en faveur d’une analyse portant sur le degré de compréhension ou d’une analyse portant sur la connaissance de la vie politique qu’une personne peut détenir, pour obéir à des critères très subjectifs. Ce qui est possible de pondérer c’est le lien entre l’affectation et la volonté de la personne pour émettre son vote. Le fait de ne pas s’intéresser à la politique ou de ne pas vouloir voter, n’implique pas de ne pas avoir le droit de le faire, ni de se voir limiter un droit politique ». Alberto Anguita Susi explique que les juges se refusent à défendre l’exigence d’un « test de capacité électorale » pour « justifier la privation du droit de vote aux personnes en situation de handicap intellectuel et pour le restreindre au-delà du raisonnable au travers la mise en œuvre de critères additionnels non appliqués aux personnes ne souffrant pas de handicap », Anguita Susi A., « Realidad y perspectiva del derecho de sufragio activo de las personas con discapacidad intelectual », UNED, Teoría y Realidad Constitucional, n°44, 2019, pp. 426-427.
[49] Tribunal constitutionnel espagnol, Auto 196/2016 du 28 novembre 2016, point II. 4.
[50] Idem.
[51] L’expression est empruntée au Professeur Alexandre Viala ; Viala A. « La science doit servir le pouvoir sans que celui-ci ne succombe à la tentation de s’en servir », Le Monde, 31 mars 2020.
[52] Viala A. « Le macronisme ou le spectre de l’épistocratie », Le Monde, 18 octobre 2017 ; A paraitre : Viala A. Demain l’épistocratie, Mare & Martin, 02/2021.
[53] M. De Lara Guerrerro, Débats parlementaires, session plénière, Sénat, DS-P-12-90, 21/11/18.
[54] V. not. Pascual, V. C., “El derecho de voto de las personas con discapacidad y, en especial, de las personas con discapacidad psíquica o intelectual en derecho internacional. Su recepción en España”. Revista Española de Discapacidad, 2016.
[55] Propos du Comité cité dans la proposition de loi pour la modification de la loi organique 5/85, présentée par l’Assemblée de Madrid au Congrès des députés, BOCG, série B, n°150-1, 08.09.17.
[56] Mme Nicole Belloubet, Compte rendu des travaux de la Commission, Tome 2, p. 163 et s., 1ère lecture devant l’Assemblée nationale, dépôt 24.10.18.
[57] M. François Noël Buffet, Discussion en séances publiques, Sénat, 09/10/2018.
[58] M. Raphaël Schellenberger, Compte rendu des travaux de la Commission, Tome 2, p. 163 et s., 1ère lecture devant l’Assemblée nationale, dépôt 24.10.18.
[59] M. Phillipe Gosselin, Compte rendu des travaux de la Commission, Tome 2, p. 163 et s., 1ère lecture devant l’Assemblée nationale, dépôt 24.10.18.
[60] Débats parlementaires, Session plénière, Sénat, DS-P-12-90, 21/11/18.
[61] Pour une étude détaillée de la démocratie consensuelle, voir Koch C. « La Constitution libanaise de 1926 à Taëf, entre démocratie de concurrence et démocratie consensuelle », CEDEJ, 31.12.2005.
[62] Proposition de loi pour la modification de la loi organique 5/85, présentée par l’Assemblée de Madrid au Congrès des députés, BOCG, série B, n°150-1, 08.09.17.
[63] Débats parlementaires, Session plénière, Congrès des députés, DSCD-12-PL-87, 07/11/17.
[64] Accord subséquent à la prise en considération, Congrès des députés, BOCG, Série B, n°150-3, 17/11/17.
[65] Le 16 mars 2018, le Congrès des députés a publié les amendements proposés par le Groupe du Parti Populaire qui a souhaité modifier la loi de 1985 de la manière suivante : « Un. L’alinéa b du point premier de l’article 3 est modifié de la manière suivante : “sont dépourvus du droit de suffrage :b) Les personnes dont la capacité juridique a été modifiée judiciairement en vertu d’une sentence judiciaire définitive, dès lors que celle-ci le déclare expressément, en raison d’un défaut de conscience ou d’une absence totale de capacité cognitive ou de décision qui les empêche d’exercer le droit de vote”.Deux. L’alinéa c du point premier de l’article 3 est supprimé. Trois. Le point 2 de l’article 3 est modifié de la manière suivante :“2. Au regard des effets escomptés par cet article, les Juges ou Tribunaux qui s’occupent des procès judiciaires portant sur la modification de la capacité juridique ou sur l’internement, devront se prononcer expressément sur le défaut de capacité pour l’exercice du suffrage, et ce de manière motivée, en évaluant au cas par cas le défaut de capacité. La décision devra être communiquée au Registre Civil pour procéder à l’annotation correspondante”.Quatre. Un nouveau point c) est incorporé au point 2 de l’article 6, selon la rédaction suivante :“c) Les personnes dont la capacité a été modifiée judiciairement en vertu d’une sentence judiciaire définitive, dès lors que celle-ci déclare expressément le défaut de capacité pour l’exercice du droit de suffrage passif en raison d’une capacité de discernement de la personne pour exercer les fonctions et charges publiques. Au regard des effets escomptés par cet alinéa, les Juges ou Tribunaux qui s’occupent des procès judiciaires portant sur la modification de la capacité juridique ou sur l’internement, devront se prononcer expressément sur le défaut de capacité pour l’exercice du suffrage passif, et ce de manière motivée, en évaluant au cas par cas le défaut de capacité. La décision devra être communiquée au Registre Civil pour procéder à l’annotation correspondante”. », Amendement déposé par le groupe du Parti Populaire au Congrès des députés, BOCG, Série B, n°150-4, 16/03/18.
[66] Rapport de la Commission parlementaire sur l’amendement, BOCG, Série B, n°150-5, 01/10/18.
[67] Compte rendu des débats en Commission constitutionnelle, DSCD-12-CO-620, 10/10/18.
[68] Mme Arévalo Caraballo, Compte rendu des débats en Commission constitutionnelle, DSCD-12-CO-620, 10/10/18.
[69] Cour suprême du Canada, Frank c. Canada (Procureur général), 2019 CSC 1 (CanLII), [2019] 1 RCS 3, §27.
[70] D. Lochak, « Nationalité et citoyenneté », Raison présente, 1992 n° 103, p. 11-26
[71] Articles 1 et 2 de la Loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République et Article R172 du Code électoral français.
[72] Article 1 de la loi organique n°76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la république.
[73] Pour ce qui est de l’élection législative, les expatriés ne pouvaient jusqu’en 2008 que participer à l’élection de leurs représentants au Sénat. C’est avec la révision constitutionnelle du 25 juillet 2008 sur l’article 24 que ce droit à l’élection de l’Assemblée nationale (Nouvel article 24 alinéa 5 de la Constitution française)
[74] Article 23 de la Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen
[75] Article 20 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République : « La présente loi est applicable au cas de référendum dans des conditions définies par décret »
[76] Idem
[77] Par exemple, lors de l’élection présidentielle de 2017 le candidat Macron avait réussi à obtenir au premier tour 40,4% des suffrages exprimés (soit 16,4 points de plus par rapport à son résultat national) et 89,3 % au deuxième tour (soit plus de 23,2 points). Voir https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/services-aux-francais/voter-a-l-etranger/resultats-des-elections/article/ election-presidentielle-resultats-du-second-tour-pour-les-francais-de-l, (Consulté le 24 septembre 2020)
[78] « An Act to consolidate and improve provisions of law relating to absentee registration and voting in elections for Federal office by members of uniformed services and persons who reside overseas », 100 Stat. 924, codifié aujourd’hui dans titre 52 U.S.C. § 20310.
[79] K. Tudi et C. Pellen, « En Marche Français expatriés ! L’émergence d’un nouvel acteur politique parmi les Français établis à l’étranger », Revue internationale de politique comparée, vol. vol. 26, no. 2, 2019, pp. 159-186.
[80] Canadian Citizenship Act, 1976, R.S.C., 1985, c. C-29
[81] Cour suprême du Canada, Frank c. Canada (Procureur général), 2019 CSC 1, [2019] 1 R.C.S. 3, §88
[82] Cour suprême du Canada, Haig c. Canada; Haig c. Canada (Directeur général des élections), [1993] 2 R.C.S. 995
[83] Cour suprême du Canada, Frank, Op. Cit.;
[84] Cour suprême du Canada, Frank, §1
[85] Charte canadienne des droits et libertés, art. 3
[86] Cour suprême du Canada, Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), 2002 CSC 68 (CanLII), [2002] 3 RCS 519, §1 ou Cour suprême du Canada, Opitz c. Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55 (CanLII), [2012] 3 RCS 76, §10
[87] Cour suprême du Canada, Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), [2002] 3 R.C.S. 519, 2002 CSC 68, arrêt dans lequel la Cour suprême opère un revirement par rapport à une jurisprudence antérieure en ouvrant désormais le droit de vote aux détenus purgeant une peine de plus de deux ans.
[88] Cour suprême du Canada, Figueroa c. Canada (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 912, 2003 CSC 37,
[89] Livre blanc sur la réforme de la loi électorale, Ottawa, 1986.
[90] Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis. Pour une démocratie électorale renouvelée : Rapport final, vol. 1, Ottawa, La Commission, 1991
[91] Article 11d de la loi électorale canadienne (abrogé)
[92] Cour supérieure de justice de l’Ontario, Frank et al. v. AG Canada, 2014 ONSC 907 (CanLII)
[93] Cour suprême du Canada, R. c. Oakes, 1986 CanLII 46 (CSC), [1986] 1 RCS 103. L’arrêt Oakes est celui qui pose le test de proportionnalité ainsi que les critères en vertu desquels une disposition législative pourrait restreindre les droits garantis par la Charte.
[94] Cour d’appel de l’Ontario, Frank v. Canada (Attorney General), 2015 ONCA 536 (CanLII), §51
[95] Cour suprême du Canada, Frank, §51
[96] Cour suprême du Canada, Frank, §151
[97] Cour suprême du Canada, Frank §28
[98] Cour suprême du Canada, Frank, §29
[99] Cour suprême du Canada, Figueroa c. Canada (Procureur général), 2003 CSC 37 (CanLII), [2003] 1 RCS 912, §26
[100] Cour suprême du Canada, Frank, §154
[101] Cour suprême du Canada, Frank, §62
[102] Voir entre autres Cour supérieure de justice de l’Ontario, Frank et al. v. AG Canada, 2014 ONSC 907 (CanLII), §140 pour le droit de vote des handicapés mentaux au Canada ou encore Cour suprême du Canada, Sauvé n°2 pour les détenus
[103] Cour suprême du Canada, Frank §166
[104] Cour suprême du Canada, Frank §90
[105] J. Crowley, « Le Royaume-Uni, le Commonwealth et l’Europe », Politique européenne, 2002/2 n° 6, p. 43.
[106] R. Ashcroft, M. Bevir, Multiculturalism in the British Commonwealth, 2019, University of California Press, p. 27.
[107] Report of the House of Commons Home Affairs Select Committee on the Representation of the People Acts [1982–3] 32.
[108] Representation of the People Act 1985 c. 50.
[109] Representation of the People Act 1989 c. 28.
[110] Political Parties, Elections and Referendums Act 2000 c. 41.
[111] R. Lappin, « The right to vote for non-resident citizens in Europe », International and comparative law quarterly, 2016 vol. 65, p. 859-894.
[112] CEDH, Shindler v. United Kingdom, 7 mai 2013, n° 19840/09, §88.
[113] CSC, Frank c. Canada (Procureur général), id., §69.
[114] Id, §115.
[115] Qualifié de principe constitutionnel fondamental, rappelons que cet adage résulte incidemment de la Magna Carta de 1215 et a pu être l’un des cris de ralliement de la Révolution américaine à l’occasion de la Boston Tea Party.
[116] Overseas Electors Bill, House of Commons Hansard, 23 février 2018, vol. 636.
[117] Ibid : « They have made incredible contributions as Brits across the world, and so many of them have lost their voice because they have lost their vote as a result of this outdated notion that we need to be sitting on a piece of land in order to love it ».
[118] Ibid : « they are soft power for this country—ambassadors for this country around the world ».
[119] CSC, Frank c. Canada (Procureur général), id., §80.
[120] N. Johnston, « Overseas voters », Briefing paper, House of Commons, 2020 n° 5923, p. 21-22.
[121] R (on the application of Shindler and another) (Appellants) v Chancellor of the Duchy of Lancaster and another (Respondents), [2016] UKSC 2016/0105.
[122] Trib. UE, Shindler et autres c. Conseil, 26 novembre 2018, aff. T-458/17.
[123] CJUE, ord. Shindler et autres c. Conseil, 19 mars 2019, aff. C-755/18 P
[124] J. Gerkrath, « Les droits des citoyens européens face au retrait d’un État membre », Revue de l’Union européenne, 2020/7 n° 640, p. 405.
[125] E. Saulnier-Cassia, « Les contentieux du Brexit : « l’après » du droit de retrait d’un État membre de l’Union européenne », 2020/7 n° 640, p. 423.
[126] Sur le statut des territoires non incorporés, voir MVE ELLA Léandre, « Le statut juridique des territoires non incorporés et (non) organisés des États-Unis », RFDC, 2019/2 n° 118, p. 414-420.
[127] Voir en général sur cette notion L. Havard, L’État associé – Recherches sur une nouvelle forme de l’État dans le Pacifique Sud, PU Aix-Marseille, 2018, 485 p.
[128] A. Pallud, « La diaspora portoricaine aux États-Unis », Études caribéennes, 2010 n° 16 [en ligne] : http://journals.openedition.org/etudescaribeennes/4686
[129] Notons que les principaux partis organisent néanmoins une primaire à Porto Rico pour la désignation du candidat pour l’élection présidentielle.
[130] Igartua De La Rosa v. United States, 32 F.3d 8 (1st Cir.1994) (« Igartúa I ») ; Igartua De La Rosa v. United States, 229 F.3d 80 (1st Cir.2000) (« Igartúa II ») ; Igartúa-De La Rosa v. United States, 417 F.3d 145 (1st Cir.2005) (« Igartúa III ») ; Igartúa v. United States, 626 F.3d 592 (1st Cir.2010) (« Igartúa IV ») ; Igartúa v. Obama, 842 F.3d 149 (2016) (« Igartúa V ») et Igartúa v. Trump, 868 F.3d 24 (2017) (« Igartúa VI »).
[131] Medellín v. Texas, 552 US 491 (2008).
[132] 52 USC § 20310 (5).
[133] Segovia et al. v. United States, 880 F.3d 384 (7th Cir. 2018).
[134] Le règlement de la Cour précise ainsi que « l’examen d’un writ of certiorari n’est pas une question de droit mais relève du pouvoir discrétionnaire de la juridiction ».
« Rules of the Supreme Court of the United States », 2019, Rule 10.
[135] Loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, article 188.
[136] Loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, article 218 : outre les personnes inscrites sur la LESP, cette liste intègre notamment les personnes de statut civil coutumier (les Kanak) et les natifs de la Nouvelle-Calédonie qui y ont le centre de leurs intérêts matériels et moraux.
[137] Conformément à l’Accord de Nouméa, ce fut le cas une première fois le 4 novembre 2018, puis une seconde fois le 4 octobre 2020 et cela devrait probablement arriver une troisième fois d’ici le 3 octobre 2022.
[138] Décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, §33.
[139] Citée par la CEDH dans son arrêt Py c. France.
[140] CEDH, 6 juin 2005, Py c. France, n° 66289/01, §64.
[141] Id, §61.
[142] Voir sur ce point N. Clinchamps, « Distorsions et corps électoraux en Nouvelle-Calédonie », Pouvoirs, 2008/4 n° 127, p. 151-165.
[143] Loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, article 218-3 : notons que cette présomption, qui fut intégrée dans la loi organique en 2018, a été précédemment posée par le XVIe comité des signataires de l’Accord de Nouméa.
[144] Décret n° 2018-300 du 25 avril 2018 pris pour l’application de l’article 4 de la loi organique n° 2018-280 du 19 avril 2018 relative à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, Article 1.
[145] E. Cornut, « Citoyenneté, nationalité et accès de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté », Revue du droit public, 2019/6, p. 1485, §30.
[146] Texas v. White, 74 U.S. (7 Wall.) 700 (1869).