Le « Républicanisme militant », une certaine conception de la démocratie militante française. Réflexions autour du projet de loi confortant le respect des principes républicains
Cet article explore l’hypothèse d’une forme spécifique de démocratie militante, qui serait propre à la France, que l’on a souhaité qualifier de « républicanisme militant ». Cette hypothèse sort renforcée de la lecture du projet de loi visant à conforter les principes républicains, ainsi motivé par les pouvoirs publics : « La République n’a pas suffisamment de moyens d’agir contre ceux qui veulent la déstabiliser ». Ce constat n’est pas sans rappeler le postulat au fondement de la démocratie militante, ainsi résumé par Ernst-Wolfgang Böckenförde : « L’État libéral sécularisé vit sur la base de présupposés qu’il n’est pas lui-même capable de garantir ». Ce « républicanisme militant » aurait permis, à partir de la loi du 10 janvier 1936, de maintenir la légalité républicaine contre les groupes de combat et les milices – en permettant leur dissolution administrative – dont le projet politique était de porter atteinte à la forme républicaine des institutions. L’article fait aussi état d’une étude du dispositif adopté au début des années 2000, ayant introduit dans le Code pénal une pénalisation de l’outrage des emblèmes nationaux républicains, qui symbolisent la civilisation morale que constitue la République – selon les mots de Pierre Nora. Pour finir, il aborde le projet de loi confortant le respect des principes républicains, et plus particulièrement les dispositions qui tentent de prémunir la société française contre le communautarisme et l’entrisme associatif.
Valentin Gazagne-Jammes, Docteur en droit public de l’Université Toulouse 1 Capitole, Qualifié aux fonctions de maître de conférences par la section 02 du CNU, Enseignant-chercheur contractuel à l’Université de Corse.
« Si le clergé n’y prend garde et ne change de vie, on ne croira bientôt plus en France à d’autre trinité qu’à celle du drapeau tricolore ».
Victor Hugo, Choses vues, Paris,Quarto, Gallimard, 2002, p. 68.
La démocratie militante désigne l’ensemble des dispositifs normatifs qui permettent de protéger l’identité constitutionnelle et démocratique d’un État de droit contre ses ennemis intérieurs. Pour ce faire, elle impose un certain nombre de limites aux droits et libertés garantis par le libéralisme politique, afin d’asphyxier la capacité d’action des partis politiques, ou des associations, qui mènent un combat contre la continuité des institutions[1].
Cette notion, que l’on doit au politiste Karl Lowenstein, qui la théorisa dans les années 1930[2] alors qu’il avait fui l’Allemagne nazie pour enseigner aux États-Unis, trouve son origine dans le constat d’impuissance de la République de Weimar face à la montée en force d’un pouvoir totalitaire[3]. Le questionnement que suppose la démocratie militante se résume ainsi : la démocratie libérale doit-elle laisser libre – au nom du pluralisme – ceux qui la vouent aux gémonies et voudraient la voir disparaitre ; ou, au contraire, doit-elle appliquer la formule célèbre – mais tristement funeste – de Saint-Just : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » ? La réponse qu’apporte la démocratie militante à cette question est nuancée : pour préserver son intégrité, la démocratie libérale doit se doter de moyens d’action lui permettant de lutter efficacement contre les groupuscules qui voudraient la renverser afin d’instaurer un régime à tout le moins illibéral, voire autoritaire[4]. Pour autant, elle serait vouée à perdre son identité si elle versait dans une répression de toutes les idées qui lui semblent nuisibles, alors que la liberté d’exprimer et de défendre des opinions est au fondement de la démocratie représentative.
Inévitablement, le principe même de démocratie militante est suspect dans un ordre juridique et politique libéral. Il semble effectivement antithétique avec une certaine conception du politique, qui postule que « la prestation de l’État, en tant qu’unité politique, est précisément de relativiser tout ce qui, à l’intérieur, survient de contradictions, tensions et conflits et de les maintenir dans cette relativisation de telle sorte que, dans le cadre de l’ordre pacifié de l’État, la confrontation fasse l’objet d’une discussion publique selon une procédure organisée, qu’il soit débattu des solutions et que, en fin de compte, une décision puisse être adoptée[5] ». La démocratie militante impose une limite au-delà de laquelle le débat d’idées, qui permet à l’État démocratique de concilier des vues contraires grâce à des procédures prévues à cet effet, ne peut plus advenir. Autrement dit, la démocratie militante pense à la fois les limites de l’État libéral mais aussi celles de la démocratie représentative et du politique comme instance de conciliation. La fonction tribunitienne des institutions représentatives de l’État est partiellement mise de côté : un parti politique pourra être interdit parce qu’il est hypothétiquement un ennemi intérieur du régime démocratique, bien qu’il soit seul apte à représenter publiquement les idées d’une portion de la population – dont on estime alors qu’elles ne doivent pas être représentées et discutées, mais combattues, au nom de la vitalité démocratique. « Protéger la démocratie d’elle-même requiert paradoxalement d’en limiter deux composantes constitutives : le relativisme ou pluralisme politique et le libre choix des citoyens[6] ».
Ces développements sont bien connus de la doctrine juridique française, qui s’interroge, par contre, assez peu sur la nature de la démocratie militante telle qu’elle s’exprime en France. On peut aller jusqu’à affirmer que la doctrine française a tendance à nier l’existence de dispositifs appartenant à la démocratie militante dans le droit positif français : « En comparaison, la dogmatique française ne connait pas de concept générique équivalent embrassant de façon systématique l’ensemble des moyens juridiques visant à protéger l’ordre constitutionnel[7] ». À ce titre, un postulat novateur pourrait être exploré qui confirme cette assertion, tout en la nuançant : la France connaît moins une démocratie militante qu’un « républicanisme militant », ayant permis, au cours de la IIIe République, de maintenir la légalité républicaine contre les groupes de combat et les milices qui en étaient l’ennemi intérieur – et l’on excepte, de manière volontaire, l’épisode de la Commune qui vit triompher « La République d’ordre ». La loi du 10 janvier 1936, aujourd’hui abrogée mais reprise dans le Code de la sécurité intérieure à l’article L. 212-1, a effectivement servi à implanter durablement la République dans le paysage institutionnel français contre ceux qui tentèrent de la renverser ou de l’affaiblir[8]. À ce titre, il est éloquent que le dispositif de 1936 ait servi, pour la première fois, à dissoudre l’Action française et ses démembrements ; association historiquement monarchiste et opposée à la légitimité républicaine[9] ; l’Action française faisait office d’ennemi intérieur idéal type. De nombreuses associations d’extrême droite, d’extrême gauche, ou qui faisaient état d’un nationalisme anticolonial, suivirent dans l’après-guerre, pendant toute la période de décolonisation et au moment des événements de 1968.
Récemment, l’hypothèse d’un « républicanisme militant » a été renforcée par le dépôt d’un projet de loi visant à conforter le respect des principes républicains, ainsi motivé par les pouvoirs publics : « La République n’a pas suffisamment de moyens d’agir contre ceux qui veulent la déstabiliser ». Ce constat n’est pas sans rappeler le postulat au fondement de la démocratie militante, ainsi résumé par Ernst-Wolfgang Böckenförde : « L’État libéral sécularisé vit sur la base de présupposés qu’il n’est pas lui-même capable de garantir »[10]. Le projet de loi français propose alors une série de dispositifs qui visent à lutter contre les vicissitudes qui menacent de l’intérieur la République. L’évolution du titre donné à la loi mérite l’attention car elle permet de comprendre les dangers identifiés par le projet de loi : initialement appelée « loi contre le séparatisme », le dernier terme a finalement disparu du titre soumis à la représentation nationale – précisions toutefois qu’il n’a pas disparu du corps du texte. Cette évolution langagière démontre, en creux, un revirement : pour se prémunir contre le séparatisme, la République doit d’abord se prémunir contre l’entrisme[11] qui frappe les services publics, les lieux de culte, ainsi que les espaces de vie collectifs[12]. Aussi « l’ennemi » ne tend-il pas à faire sécession mais à mener un combat de sape au sein des institutions républicaines, ou de ses relais au sein de la société, contre les valeurs qui en sont le fondement.
Nous pouvons donc observer l’installation, dans le paysage juridique français, d’une conception particulière de la démocratie militante, chargée de défendre la forme républicaine – voire la « mystique républicaine », pour reprendre l’expression de Charles Péguy – contre ses détracteurs les plus zélés. Alors que la première forme de républicanisme militant, qui s’exprime à travers la loi de 1936, reprise dans le Code de la sécurité intérieure, semble s’expliquer au regard des impératifs de stabilité inhérents à tout régime qui vise à faire rupture avec le passé, on peut s’interroger sur la forme qu’adopte actuellement ce « militantisme républicain ». Cette interrogation prendra appui sur plusieurs dispositifs qui confirment le postulat défendu dans ces lignes : évidemment la loi de 1936 fera office de point d’entrée dans le sujet ; ensuite, le dispositif visant à pénaliser l’outrage aux symboles républicains sera plus amplement étudié. Dès lors, une première définition téléologique du républicanisme militant pourra être établie (I). Par la suite, un effort de modélisation de cette notion, à l’aune du projet de loi visant à conforter le respect des principes républicains, sera développé. Cette proposition s’inscrira dans une démarche criticiste afin de présenter aux lecteurs « la construction d’un modèle abstrait d’explication, sur l’échafaudage d’une hypothèse à laquelle, ensuite il convient de confronter les résultats de l’expérience »[13]. Ainsi, le républicanisme militant fait office d’hypothèse, à partir de laquelle un modèle abstrait sera proposé, qui sera confronté à plusieurs dispositifs qui ont tous pour but, au sein de l’ordre juridique français, de défendre ou de renforcer, les principes et les valeurs républicains (II).
I. Une forme française de démocratie militante : le républicanisme militant
Deux dispositifs doivent être successivement mis à l’étude. D’abord, le texte de 1936, qui fait office de porte d’entrée dans le sujet, puisqu’il a permis à la République française de circonscrire le phénomène des Ligues, qui avaient pour projet de contester la légitimité du régime républicain ainsi que ses institutions – la tentative de coup d’État avortée du 6 février 1934 en atteste. Ce texte est d’autant plus important qu’il a été intégré, par la suite, dans le Code de la sécurité intérieure, et qu’il est en cours de modernisation dans le projet de loi visant à conforter le respect des principes républicains (A). Ensuite, un deuxième dispositif, l’outrage aux emblèmes nationaux – qui sont avant tout les symboles de la République – sera étudié. Parce qu’il démontre une volonté de sanctuariser les emblèmes autour desquels se constitue la « mystique républicaine », ce dispositif s’inscrit parfaitement dans le champ de ce que l’on a souhaité appeler le « républicanisme militant » (B).
A. L’enracinement circonstancié du républicanisme militant dans l’ordre juridique français : la dissolution administrative des associations factieuses
Les débuts de la IIIème République sont marqués par une forte hésitation quant au régime dont la France doit être dotée. Après le césarisme éprouvé sous le Second Empire, la tentation est grande, pour certains, de revenir à la tradition monarchiste avec laquelle la Révolution française a tenté de faire rupture. Cependant, les divisions au sein du camp monarchiste, qui n’arrive pas à se décider en faveur du légitimisme ou de l’orléanisme, profiteront à la République qui incarne, selon les mots de Thiers, « le régime qui divise le moins »[14]. Finalement, « le régime formellement fondé par les lois constitutionnelles de 1875 permet l’implantation juridique définitive de la République en France, concrétisant une “synthèse constitutionnelle” amorcée en 1848 qui fusionne “les traditions révolutionnaire et parlementaire” et “caractérise nos institutions jusqu’en 1958” »[15].
Dans la Constitution de 1958, une disposition fait écho aux lois constitutionnelles de 1875. En effet, la révision constitutionnelle du 14 août 1884 modifie les textes adoptés en 1875 et ajoute, notamment : « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une proposition de révision (…) Les membres des familles ayant régné sur la France sont inéligibles à la présidence de la République ». Ce principe, qui sera repris dans la Constitution de 1946, est désormais inscrit dans l’article 89 de la Constitution de 1958 : « La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ». Alors que la « clause d’éternité » présente dans l’article 79 alinéa 3 de la Loi fondamentale allemande protège « la nature sociale et démocratique de l’État », ainsi que le droit de résistance contre ceux qui tenteraient de renverser cet ordre[16], le droit constitutionnel français empêche, depuis 1884, de porter atteinte à la forme républicaine du gouvernement. Il serait tentant, mais toutefois périlleux, de voir dans ce dispositif un type spécifique, parce qu’exclusivement attaché à la forme républicaine des institutions, de « clause d’éternité » française.
Comme le souligne Romain Rambaud, sans contrôle de constitutionnalité effectif, la consécration de la forme républicaine des institutions au plus haut niveau de la hiérarchie des normes, était vouée à rester lettre morte[17]. C’est pourquoi, l’auteur rappelle que la loi du 1er juillet 1901, sur la liberté d’association, introduit une limite à cette liberté : « Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui auraient pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement est nulle et de nul effet ». La spécificité de ce premier dispositif, par rapport à celui qui sera adopté trente-cinq ans plus tard, tient au fait que la dissolution devra être prononcée par un Tribunal judiciaire. À terme, ce texte s’est montré insuffisant pour faire face au tournant des années 30 et au climat social qu’il engendre. L’époque est marquée par le krach d’octobre 1929, qui aura des répercussions néfastes sur l’économie française à partir de 1932, et renforcera, dans le champ politique, le sentiment d’impuissance de l’exécutif. Les gouvernements successifs, souvent renversés au bout de quelques mois, n’ont pas la capacité de relancer l’économie française et « mènent une politique de déflation particulièrement néfaste aux salariés ». « À ces difficultés intérieures s’ajoute une crise internationale : l’arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne et la radicalisation du fascisme italien servent de contre-modèles face à une démocratie parlementaire discréditée aux yeux de beaucoup »[18]. C’est dans ce contexte que croît le nationalisme français, qui s’organise sous la forme de groupes de combat, marquant ainsi le commencement de ce que l’historiographie moderne a appelé « Le temps des Ligues » : « Les “ligues”, c’est-à-dire des groupes d’action composés d’anciens combattants et de jeunes radicaux visant à renverser le système parlementaire par la force si nécessaire »[19]. À ce titre, le parcours intellectuel et l’engagement politique de Pierre Drieu La Rochelle, qui revendiquera ouvertement son appartenance au fascisme, collaborera activement durant l’occupation et se suicidera à la Libération pour échapper à la justice, est éloquent. Il retrace, dans l’un de ses ouvrages majeurs, Gilles[20]qui se déroule dans les années 30, le passage d’un dandy parisien de la gauche parlementaire de gouvernement à l’engagement fasciste. Ce choix politique, en partie autobiographique, le conduit alors jusqu’à combattre aux côtés des milices franquistes, contre les Républicains, durant la guerre civile qui dévasta l’Espagne entre juillet 1936 et avril 1939. Ce texte, bien qu’il n’ait pas la valeur d’un document historique, est une clé de compréhension importante pour saisir le syncrétisme idéologique qui traverse les mouvements d’extrême droite des années trente, qui avaient tous pour matrice idéologique la condamnation univoque de la IIIe République, du parlementarisme, et plus généralement de la modernité issue de la Révolution française.
En 1934, la Ligue la plus puissante, par son nombre d’adhérents, est celle des Croix-de-Feu, fondée par François de La Rocque. Paradoxalement, en raison de son attachement à l’ordre légal, la Ligue des Croix-de-Feu s’oppose à la prise du Palais Bourbon menée par l’Action française lors des évènements qui ébranlèrent la République le 6 février 1934. Malgré tout, c’est pour faire face au nombre grandissant de ses adhérents, 150 000 en 1934, et environ 450 000 en 1936[21], que la loi sur les groupes de combat et les milices privées sera finalement adoptée.
Le texte voté le 10 janvier 1936 crée une dissolution administrative, et non judiciaire, contrairement au texte de 1901, des associations qui constituent un danger pour la continuité des institutions républicaines : « Seront dissoutes, par décret rendu par le Président de la République en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoqueraient à des manifestations armées dans la rue ; 2° Ou qui, en dehors des sociétés de préparation au service militaire agréées par le Gouvernement, des sociétés d’éducation physique et de sport, présenteraient, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ; 3° Ou qui auraient pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ». La première association à avoir fait l’objet d’une telle dissolution est l’Action française, suivie par les Camelots du Roi, et la Fédération nationale des étudiants d’Action française. Le décret de dissolution est alors attaqué devant la Haute juridiction administrative, qui tire les conséquences du texte nouvellement adopté et propose une interprétation extensive du dispositif. En effet, le Conseil d’État « estima qu’il n’était pas nécessaire que le dessein d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement soit suivi d’actes d’exécution pour justifier une dissolution. Puisqu’il ressortait du dossier que “la doctrine constante de l’Action française tend au rétablissement de la monarchie par tous les moyens, notamment par l’emploi de la force, et que les trois groupements dissous concourent par leur activité à la réalisation de cet objet” »[22]. Cette précision a son importance car elle démontre que le dispositif adopté en 1936 vise à défendre la doctrine républicaine contre toute autre forme de doctrine politique qui lui serait historiquement hostile, y compris en l’absence d’actes d’exécution. Après l’Action française, c’est la Ligue des Croix-de-Feu et l’ensemble de ses avatars qui seront dissous : d’abord le Mouvement Social français des Croix-de-Feu, ensuite les Croix-de-Feu et Briscards, et les Fils de Croix-de-Feu ainsi que les Volontaires Nationaux. Ces dissolutions entrainèrent, par ricochet, celles du Parti National Populaire, ainsi que du Parti Franciste et du Parti National Corporatif Républicain[23]. Dans la plupart des cas, les décrets de dissolution se fondent sur l’organisation paramilitaire de ces partis politiques, qui prennent alors la forme de milices ou de groupes de combat ; ainsi que sur leur programme politique, qui consiste en une conquête du pouvoir afin de renverser la République au profit d’un chef providentiel ou d’un monarque. Aussi les premiers pas de ce dispositif démontrent-ils qu’il est avant tout un moyen d’auto-défense face à une pléiade d’ennemis intérieurs qui puisent leurs traditions respectives dans la contre-révolution et l’anti-modernité[24], le boulangisme, ou encore le fascisme italien, mais qui partagent une condamnation ferme de l’acquis républicain : « La République fut dépréciée, vilipendée, dilacérée, méprisée, flétrie, jour après jour, sans désemparer, par des hommes qui remettaient toujours aux calendes grecques le fameux “coup” mais qui sapaient de leur acharnement les institutions démocratiques »[25].
Dans une étude du dispositif de 1936 Romain Rambaud démontre que la volonté de défendre la légalité républicaine va rapidement laisser place à un utilisation dévoyée, car politique, du texte. Il note, notamment, que dès 1937 des associations algériennes nationalistes vont être dissoutes, car elles militent pour une Algérie libérée du joug français. Évidemment, il est possible de postuler qu’une telle dissolution intervient pour maintenir l’unité du territoire républicain face à ceux qui voudraient la dévoyer ; pourtant le texte tel qu’il a été adopté en 1936 ne semble pas faire état d’une telle possibilité. Rapidement, donc, la défense de la « mystique républicaine » cède le pas devant une politique de défense de la République. Ce constat fait écho à cette phrase prémonitoire de Charles Péguy, qui mettait en garde, dans Notre jeunesse, tous les républicains : « Tout commence en mystique et finit en politique ».
Quoi qu’il en soit, le texte de 1936 est aujourd’hui abrogé, mais a été repris dans le Code de la sécurité intérieure ; la suite de cette étude permettra de revenir sur l’actualisation de ce dispositif telle que proposée par le projet de loi visant à conforter le respect des principes républicains. Pour l’heure, il convient de revenir sur un autre dispositif qui semble pouvoir s’inscrire sous l’égide du républicanisme militant : la pénalisation de l’outrage aux emblèmes républicains.
B. L’outrages aux emblèmes républicains : la réaffirmation contemporaine du républicanisme militant
Le délit d’outrage aux emblèmes républicains a été créé par la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 et a été codifié dans l’article L. 433-5-1 du code pénal. Il punit de 7500 euros d’amende le fait d’outrager publiquement l’hymne national, ou le drapeau tricolore, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques. On notera que le législateur ne s’est pas aventuré à situer l’infraction dans l’espace : ici nulle mention n’est faite de la voie publique ou des lieux publics, il suffira de commettre l’acte répréhensible devant un public et ce au cours d’une manifestation publique encadrée par des autorités de l’État – les manifestations sportives peuvent être prises en exemple. Ajoutons que le décret n°2010-835 du 21 juillet 2010, codifié dans l’article R. 645-15 du code pénal, est venu compléter l’outrage au drapeau en pénalisant plus spécifiquement le fait de le détruire, de le détériorer ou de l’utiliser de manière dégradante dans un lieu public ou ouvert au public. Cette fois, le décret précise que l’acte doit être commis dans des conditions à troubler l’ordre public. Enfin, le décret prévoit de punir les outrages au drapeau commis dans le cadre de la sphère privée, si leur auteur diffuse ou fait diffuser les images de leur commission.
Avant tout, il convient de préciser que les deux textes, autant la loi que le décret, ont fait l’objet d’un contrôle par le juge compétent. La loi pour la sécurité intérieure a été déférée au Conseil constitutionnel qui, dans une décision en date du 13 mars 2003[26], l’a déclarée conforme à la Constitution sous réserve d’interprétation de certaines de ses dispositions ; cette réserve s’applique notamment à l’outrage aux emblèmes nationaux.
Pour rendre une décision de conformité, le Conseil s’est appuyé sur plusieurs éléments : tout d’abord il fait valoir le fait que l’incrimination est relativement circonstanciée et ne pénalise que les outrages commis dans le cadre de manifestations organisées ou réglementées par les pouvoirs publics. Cela lui permet d’interpréter le texte de manière restrictive, en précisant que l’expression renvoie aux seules manifestations sportives, culturelles ou récréatives. Cette précision exclut de facto tous les outrages commis dans la sphère privée, ou, en dehors de manifestations organisées ou réglementées par les autorités publiques, ainsi que les œuvres de l’esprit. Ensuite, le Conseil rappelle que la peine prévue par le dispositif n’est pas manifestement disproportionnée par rapport à la gravité des faits qui sont pénalisés. Le Conseil se satisfait du fait que la peine prévue est une amende – d’un montant de 7500 euros – et de surcroit qu’aucune privation de liberté n’est envisagée par la loi. Enfin, le Conseil rappelle qu’en vertu de l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de l’ordre public, le législateur doit concilier les libertés protégées par la Constitution et le maintien de l’ordre public. En l’occurrence, il juge que la représentation nationale a respecté l’objectif qui lui est imposé en pénalisant un comportement qu’elle a jugé offensant pour l’ordre public sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté de conscience et d’expression.
Quant au décret, il a fait l’objet d’un recours contentieux devant le Conseil d’État[27], qui l’a déclaré légal en raison des circonstances restrictives qui ont été prévues par le pouvoir réglementaire. En effet, l’incrimination ne vaut que dans le cas où les faits incriminés sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public, plus particulièrement lorsqu’ils risquent de troubler la tranquillité publique. La haute juridiction postule que cet interdit ne vise en aucun cas la création artistique, l’expression d’une opinion ou d’une philosophie. Cette précision est censée désamorcer la portée liberticide du dispositif, puisqu’elle oblige l’autorité compétente à qualifier les faits de manière à en déterminer le caractère répréhensible. Toutefois, la nuance reste ténue car il est difficile de saisir la distinction entre un individu qui brûle le drapeau français, commettant ainsi un acte pénalisé, et celui qui le fait pour exprimer une opinion ou à des fins artistiques, cette fois-ci protégées par la loi et la Constitution. Enfin, le Conseil d’État ne s’arrête pas sur le fait que l’incrimination inclut les actes commis dans la sphère privée, pour peu qu’ils soient diffusés auprès de tierces personnes. Là encore, l’exigence d’un trouble avéré à l’ordre public suffit à justifier l’interdit, puisque ce n’est pas la commission de l’acte qui est poursuivie mais la diffusion des images de la commission en dehors de la sphère privée. Pour terminer, les deux juridictions rappellent que l’article 2 de la Constitution élève le drapeau tricolore et l’hymne national au rang d’emblèmes de la République. Ces deux symboles bénéficient donc d’une consécration par la Constitution de 1958 : ainsi, les outrager reviendrait à porter indirectement atteinte au texte qui fonde l’ordre juridique étatique.
Ces interdits ont suscité d’assez vives réactions dans la communauté scientifique et plusieurs historiens[28] y ont vu une résurgence du blasphème, désormais attaché aux symboles républicains. Les emblèmes nationaux et les valeurs de la République se fondraient désormais dans une « religion laïque » qu’il ne serait plus possible d’outrager. Cela s’explique assez mal dans un pays qui a dépénalisé le blasphème depuis 1791, et l’outrage à la morale religieuse depuis 1881[29]. En toute logique, s’il est possible de moquer les croyances religieuses de chacun, il devrait en être autant des emblèmes de la République. Cette assertion peut toutefois être désamorcée par l’argument suivant : les croyances religieuses ne permettent pas, dans une République laïque, de créer du commun – soit une communauté politique – puisqu’elles sont renvoyées à la sphère de l’intime. En revanche, les emblèmes nationaux et les valeurs républicaines font partie de l’identité collective française, et participent à unifier le corps social autour de symboles communs. Les révolutionnaires ne s’y étaient pas trompés, eux qui avaient dépénalisé le blasphème pour aussitôt placer le crime de lèse-nation dans le giron du droit pénal[30].
Pierre Nora écrit que « la conquête républicaine de l’État se double d’une conquête de la société qui a fait de la République plus qu’un régime, plus qu’une doctrine ou une philosophie, un système, une culture et presque une civilisation morale »[31]. Cette civilisation morale dont parle l’auteur s’attache à des emblèmes : c’est d’ailleurs l’objet de la monographie qu’il dirigea sur les « lieux de mémoires ». La première entrée de cet ouvrage, qui porte donc sur les lieux, les objets, et les symboles qui sont habités par la mémoire collective, est consacrée aux « trois couleurs » ; quelques pages plus loin, c’est La Marseillaise qui est étudiée en tant que symbole Républicain de première ordre[32]. Au regard de l’importance que revêtent ce drapeau et cet hymne dans l’histoire française récente, et au vu de la manière dont l’identité collective les a érigés en symboles, on comprend pourquoi l’outrage qu’ils peuvent subir constitue une nuisance sociale. En effet, cet outrage est une manière de refuser tout à la fois l’appartenance à la communauté politique, l’identité et la mémoire collectives qui en découlent, ainsi que les valeurs républicaines qui leur sont attachées. Au-delà de tout nationalisme exacerbé, la question se pose effectivement de savoir comment continuer à se sentir concitoyen avec un individu qui montre tout son mépris pour ce qui constitue la civilisation morale française. Aussi, lorsque ces outrages sont commis en public ils ne se contentent pas de créer un malaise dans les relations interpersonnelles, ils surajoutent, surtout lorsqu’ils se multiplient, ou se banalisent, un climat délétère au sein de la société, qui perd de surcroit un symbole autour duquel se rassembler : « Les devoirs des citoyens les uns envers les autres ne se limitent pas à des obligations juridiques. Ils reposent aussi sur une dimension morale : il s’agit de faire preuve de civisme et de civilité pour rendre supportable la vie en société (…) C’est finalement la même chose que ce que disait Pierre Rosanvallon lorsqu’il indiquait que la citoyenneté c’est un statut, c’est un pouvoir, mais c’est aussi un mode de relation entre les personnes et un apprentissage de la civilité »[33] – de la civilité républicaine, pourrait-on ajouter.
Ainsi, le républicanisme militant conduit à mettre en place des dispositifs qui visent à renforcer ou à conforter la « mystique républicaine », soit la civilisation morale que constitue la République, qui s’agrège autour d’un certain nombre de principes et de valeurs autant que de symboles. C’est pourquoi les dispositifs normatifs étudiés peuvent aussi bien s’attacher à interdire ou dissoudre les milices et groupes armés, y compris lorsqu’ils n’ont pas encore commis d’actes matériels répréhensibles, en raison, simplement, de leur adhésion à une doctrine antirépublicaine ; ou encore à interdire des comportements qui s’en prennent aux symboles républicains. Il convient désormais d’étudier plus en détails le projet de loi confortant le respect des principes républicains, qui peut jouer le rôle d’exemple paradigmatique de ce que constitue le républicanisme militant ; permettant ainsi à la République de se doter d’outils juridiques idoines pour combattre une forme de séparatisme religieux qui s’appuie sur un entrisme institutionnel : « Un entrisme communautariste insidieux mais puissant gangrène lentement les fondements de notre société dans certains territoires »[34].
Le projet républicain ne saurait se réduire à une forme d’organisation des pouvoirs, inscrite dans la Constitution, il est aussi et avant tout une conquête morale et intellectuelle à mettre au crédit de la société française. L’affect, voire l’adhésion, placé par cette dernière dans la forme républicaine et les valeurs qu’elle véhicule, est central pour la vitalité de la « mystique républicaine ». Le rejet grandissant de ce qui constitue l’idéal républicain par des mouvements sociaux, comme par des revendications communautaires, interroge inévitablement le consensus social qui existait jusqu’alors. Le juriste n’a pas les moyens d’en déceler les causes, ni d’en penser les conséquences, il peut en revanche se borner à étudier les réponses, lorsqu’elles prennent une forme légale, réglementaire, voire constitutionnelle, qui sont apportées par les pouvoirs publics pour endiguer le mal social.
II. Un durcissement du républicanisme militant : le projet de loi confortant le respect des principes républicains[35]
Au sein du projet de loi confortant le respect des principes républicains, il est possible d’identifier un premier ensemble de dispositifs visant à lutter contre le communautarisme, qui constitue un danger pour l’unité républicaine fondée sur l’universalisme. Cependant, le communautarisme, s’il conduit à un risque de séparatisme au sein de la communauté nationale, ne mène pas nécessairement à une dérive fondamentaliste. C’est pourquoi il est possible d’affirmer que le projet de loi défend, avant toute chose, un idéal républicain et non un ordre légal (A). La deuxième partie du texte dote la République de moyens supplémentaires pour lutter contre le fondamentalisme religieux et les risques de dérives qui en sont le corolaire. La présente étude se concentrera sur l’ensemble des dispositifs qui visent à lutter contre l’entrisme associatif ; pour ce faire le projet de loi entend faire peser un certain nombre de contraintes supplémentaires sur les associations. Cette entrée dans le texte est choisie à dessein, car elle n’est pas sans rappeler l’un des dispositifs emblématiques de la démocratie militante allemande, qui impose une limite stricte aux associations dès l’alinéa 2 de l’article 9 de la Loi fondamentale : « Les associations dont les buts ou l’activité sont contraires aux lois pénales, ou qui sont dirigées contre l’ordre constitutionnel ou l’idée d’entente entre les peuples, sont prohibées ». Évidemment, le dispositif étudié dans les lignes qui suivront est adapté aux contingences de l’histoire française (B).
A. La lutte contre le communautarisme : une volonté de raffermir l’unité républicaine contre le séparatisme
Le projet de loi visant à conforter le respect des principes républicains, et plus largement les débats qui l’entourent, permettent de rappeler que le postulat moderne qui fonde la République laïque est un pari. Effectivement, le modèle républicain français ne fonde sa cohésion sociale sur aucun des liens traditionnels qui structuraient la société d’Ancien régime. La Révolution française – comme acte fondateur de la République – a commencé par abolir la Société d’ordres structurée hiérarchiquement, avec autant de corps intermédiaires qui constituaient des communautés d’appartenance, au profit d’une société horizontale, décloisonnée, dans laquelle les individus sont libres et égaux en droits. Les critiques de la modernité estiment à ce titre que le mouvement de civilisation que constitue la modernité, en abolissant les structures sociales traditionnelles, a « déraciné » les individus au profit d’une conception métaphysique et autonomique de l’Homme, alors tourné vers la seule réalisation de ses besoins personnels[36]. L’Homme moderne est ainsi projeté dans un monde où il ne connait plus de liens d’appartenance, notamment en raison de la disparition des structures intermédiaires – bien que la société moderne se soit organisée politiquement, comme en atteste la notion de société civile. Aussi la modernité porte-t-elle à la fois en son cœur l’émancipation de l’Homme mais aussi le risque que l’unité sociale soit menacée par l’individualisme qui en est la conséquence.
Au nom de la modernité, dont elle est le produit, la République française a donc fait le choix de renvoyer les particularismes individuels et communautaires à la sphère privée, de manière à permettre la fondation d’une communauté politique de citoyens libres et égaux en droits, confraternels. Ce constat justifie à lui seul l’importance que devrait revêtir le principe de fraternité, tel qu’il figure dans la devise républicaine, comme source renouvelée de cohésion sociale. Évidemment, le principe de fraternité, bien qu’il trouve son origine dans le dogme chrétien[37], est désormais sécularisé, c’est-à-dire dégagé de toutes formes d’emprises d’un quelconque pouvoir spirituel. La fraternité désigne alors l’appartenance des citoyens à une entité commune, ici la République, dont ils partagent censément les valeurs qui la transcendent. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de croire en quoi que ce soit pour fonder le lien politique, tel que l’affirme Catherine Kintzler[38], la communauté nationale française repose sur un socle de valeurs commune, laïcisées : « La République est un idéal et un combat. Elle requiert non seulement des lois mais une foi, non seulement des services sociaux mais des institutions distinctes dont la première de toute est l’École, non seulement des usages (…) mais des citoyens unis non sur des objectifs mais des fins transcendantes, comme la liberté et l’égalité »[39].
Justement, voici les termes par lesquels s’ouvre le projet de loi visant à renforcer le respect des principes républicains : « Notre République est notre bien commun. Elle s’est imposée à travers les vicissitudes et les soubresauts de l’histoire nationale parce qu’elle représente bien d’avantage qu’une simple modalité d’organisation des pouvoirs : elle est un projet ». Ce projet, qui se fonde sur un certain nombre de valeurs – la liberté, l’égalité, la fraternité ainsi que la laïcité, et l’universalisme – connait de nouveaux périls auxquels il doit apprendre à faire face : « (…) Face à tous les séparatismes, force est de constater que notre arsenal juridique est insuffisant. Il faut regarder les choses en face : la République n’a pas suffisamment de moyens d’agir contre ceux qui veulent la déstabiliser »[40]. Le constat est donc sans appel, la République française est désormais fondée sur des principes et des valeurs qu’elle n’a plus les moyens de défendre face à de nouvelles formes de contestations qui la frappent en son sein. L’un des principaux dangers identifiés par le texte n’est pas le terrorisme islamiste, mais le communautarisme, qui met à mal l’unité républicaine : « Le phénomène visé ici n’est pas le terrorisme. Le présent projet de loi a vocation à répondre à des velléités séparatistes qui constituent une forme d’antithèse du projet républicain mais qui ne se manifestent pas mécaniquement par des actes terroristes, bien qu’elles puissent en constituer le substrat idéologique ». Ainsi, le projet de loi ne se donne pas pour priorité de lutter contre le terrorisme et, à ce titre, ne renforce pas l’arsenal législatif déjà existant et permettant le recours à un régime d’exception. Le texte vise au contraire à doter la République de moyens de droit commun afin de lui permettre de lutter contre les enclaves qui naissent en son sein et facilitent le repli communautaire, ainsi que le rejet des valeurs républicaines, voire le fondamentalisme et le passage à l’acte dans quelques rares cas néanmoins meurtriers.
C’est pourquoi, le projet de loi visant à conforter le respect des principes républicains entérine, comme postulat, un regain du fait religieux, ainsi qu’une tendance au repli communautaire, deux phénomènes qui, conjugués, risquent d’entrainer une forme de séparatisme au sein de la société française : « En tendant vers une assimilation entre appartenance communautaire et identité, le communautarisme fait de la différence une réalité substantielle et déterminante, dont la valeur normative et le caractère structurant prévalent sur le commun et l’universel. Le communautarisme naît lorsque l’affiliation communautaire, devenant exclusive, est placée au-dessus de toute autre et que la communauté d’appartenance est considérée (…) comme supérieure aux autres communautés, particulières et nationales »[41]. De ce constat, les pouvoirs publics infèrent que « cette supériorité peut s’accompagner d’une volonté de combattre les autres communautés sur le plan idéologique, soit dans un objectif de résistance, soit dans un objectif de conquête »[42]. Ainsi, le communautarisme conduit au séparatisme, car il induit un phénomène psycho-social courant, mais contraire à l’idéal universaliste de la République : les membres d’un groupe restreint sont plus à même d’intégrer et de faire primer les lois émises par leur communauté d’appartenance, en raison d’une identité commune, sur les lois de la communauté nationale. Ce phénomène est identifié par le projet de loi déposé devant la représentation nationale comme étant un « indice de hiérarchisation » qui se « matérialise par des discours ou des pratiques qui expriment une conception hiérarchique de l’appartenance communautaire dans laquelle la communauté et ses normes sont considérées comme supérieures aux autres, notamment à la communauté nationale, à son unité, à ses normes »[43].
Généralement, l’indice de hiérarchisation entraine une demande de différenciation « matérialisée par des discours ou des pratiques ayant pour objectif de revendiquer la reconnaissance de droits spécifiques, de promouvoir une vision différentialiste du rapport à la norme qui va à l’encontre de l’égalité juridique »[44]. Ce phénomène est amplifié lorsque les lois nationales s’opposent à celles, religieuses, que s’impose la communauté d’appartenance : c’est, par exemple, le cas des lois de 2004 et de 2010 qui interdisent respectivement les signes religieux dans l’enceinte des établissements scolaires du premier et du second degrés, et la dissimulation du visage dans l’espace public. Ces deux textes, bien qu’ils ne visent pas explicitement les signes religieux musulmans, ont eu un impact important sur la manière dont la communauté musulmane française vit désormais sa foi en public. Le premier texte, celui de 2004, a conduit les jeunes filles de confession musulmane à cesser de porter le voile dans l’enceinte d’un établissement scolaire ; le second, celui de 2010, a imposé aux femmes de confession musulmane, pratiquant leur foi avec rigorisme, un dévoilement partiel dans l’espace public. C’est pourquoi, les contestations dont ces textes ont fait l’objet sont issues, pour une grande partie, de la communauté musulmane – du moins de sa portion la plus orthodoxe. Paradoxalement, alors que ces textes s’en prennent à des signes religieux traditionnels, et qu’ils sont attaqués par les tenants de la tradition, ils le sont devant des instances qui portent les valeurs de la modernité juridique. Cette contestation interviendra d’abord en droit interne et ensuite devant plusieurs instances internationales, à commencer par la Cour européenne des droits de l’Homme[45], mais n’aboutira pas.
Hiérarchisation et volonté de différenciation sont finalement les maux que souhaite combattre le projet de loi mis à l’étude, dans le but de raffermir l’unité républicaine contre toute tentation de séparatisme. Encore faut-il pouvoir lutter contre cette forme de séparatisme communautaire à l’aide de dispositifs contraignants, c’est-à-dire autrement que par des dispositifs éducatifs. Rappelons une évidence : l’idée de contrat social est fondée sur le consensualisme, c’est-à-dire l’adhésion des membres de la société au projet qu’ils se donnent en commun. Aussi, un dispositif contraignant risque de démontrer son inefficacité à lutter contre le délitement du lien d’appartenance à la communauté nationale.
Quoi qu’on pense du bien-fondé du texte, le projet de loi nous informe qu’il va renforcer le principe de neutralité tel qu’il s’applique dans les services publics, en étendant le principe de laïcité aux opérateurs privés qui sont chargés d’une mission de service public. Ces opérateurs seront alors chargés de faire respecter le principe de laïcité à leurs employés pour la réalisation des activités d’intérêt général qui relèvent du service public. On voit à l’œuvre un dispositif censé faire cesser « l’indice de hiérarchisation » par lequel un agent du service public fait primer ses croyances personnelles sur sa mission d’intérêt général. De surcroit, le texte prévoit de parfaire l’application du principe de neutralité dans les services publics locaux, pour ce faire il entend renforcer le contrôle juridictionnel des actes des collectivités territoriales. La compétence de cette procédure reviendra en premier lieu au préfet qui pourra saisir le juge administratif d’une situation de « carence républicaine ». Dans la lignée de ce que connait classiquement la démocratie militante, le texte souhaite aussi encadrer plus largement les activités associatives, surtout lorsqu’elles font l’objet d’un financement public. C’est sur ce point que portera le dernier volet de cette étude.
B. La lutte contre l’entrisme religieux menant au séparatisme : un contrôle renforcé du milieu associatif
Le projet de loi visant à renforcer les principes républicains semble s’inscrire dans les pas de travaux produits par plusieurs chercheurs en sciences sociales spécialistes de l’islam radical[46]. Aussi, le postulat qui fonde le texte peut se résumer ainsi : les vicissitudes qui menacent la République ne sont plus à chercher du côté de l’extrême droite[47], mais de l’islam radical, qui fait montre d’un entrisme touchant tout à la fois le milieu associatif, l’école – en attestent les circonstances tragiques dans lesquelles un enseignant a été assassiné dernièrement –, les lieux de culte et certains services publics. Afin de ne pas être discriminant à l’égard de la seule communauté musulmane française, le texte vise plus explicitement les pratiques qui sont imputables à un islam rigoriste, voire radical, issu du wahhabo-salafisme, qui fait d’ailleurs consensus contre lui au sein des spécialistes occidentaux de l’islam : « Sans confondre le signe clinique et la pathologie, l’islam a toujours été malade du wahhabisme, doctrine sectaire, fanatique et belliqueuse, dissimulée sous les oripeaux de la tradition »[48]. Lorsque ce n’est pas le wahhabo-salafisme qui est visé, c’est la doctrine « frériste », issue des Frères musulmans, qui l’est à son tour, en raison du but politique et prosélyte qu’elle se donne.
Le développement de ces doctrines entraine un risque accru de séparatisme chez une population jeune et influençable, souvent en perte de repères, et ne trouvant pas sa place au sein de la société française. Les études de terrain menées, notamment par Hugo Micheron, confirment cette assertion. L’auteur décrit, dans les lignes qui suivent, le projet de « Kevin », un jeune français converti à un Islam rigoriste, qui a été arrêté alors qu’il s’apprêtait à partir avec son frère en Syrie pour effectuer le djihad : « À défaut d’émigrer hors des terres de mécréances pour “fonder l’État islamique en Syrie”, il envisage d’effectuer une hijra française, forger une bulle de “pureté” au cœur de la société détestée, un environnement hermétique à l’impiété qui l’entoure. Rejoindre une enclave communautaire en cours de “salafisation” dans une autre ville, fonder un phalanstère du même acabit en rase campagne, tels seraient les ersatz européens du “califat” de l’EI désormais inaccessible en Syrie (…) » [49]. Quelques pages plus loin, Hugo Micheron précise que c’est en France que se situe l’une des enclaves islamistes les plus importantes d’Europe : « En France a été établi le phalanstère le plus emblématique d’Europe. Implanté en région occitane au cœur du département de l’Ariège, dans le village d’Artigat, par des anciens de l’Afghanistan »[50].
À partir de ce constat, le projet de loi entend lutter contre les causes du séparatisme, qui sont à chercher du côté de l’entrisme qui frappe le tissu associatif et sévit dans certaines banlieues françaises – plus particulièrement dans celles de Toulouse, Strasbourg, et Paris. À ce titre, les Frères musulmans ont un rôle important à jouer, car ils ne visent pas à faire sécession, mais plutôt à organiser, grâce à des associations de quartier, un lobby communautaire, assurant ainsi la pénétration de leur doctrine au sein de la population musulmane locale : « Le modèle des Frères égyptiens a été dupliqué dans l’ensemble des pays arabes. En Europe, des associations s’en réclamant sont apparues au cours des années 1980, à l’instar de l’Union des Organisations islamiques de France (UOIF), devenue en 2017, “Musulmans de France”. Sur le vieux continent, les Frères se mobilisent à travers de multiples collectifs pour obtenir la reconnaissance institutionnelle d’une “identité musulmane” »[51].
Le milieu associatif est donc tout particulièrement visé par le projet de loi visant à conforter le respect des principes républicains, car il est identifié comme un relai de l’idéologie frériste et, plus rarement, wahhabo-salafiste : « De plus en plus les associations sont utilisées par les acteurs du séparatisme de manière très active, notamment dans les champs sociaux, culturels ou périscolaires. Plusieurs structures agissent telles des “officines”, utilisant les ressources du droit pour bénéficier de moyens d’actions ou d’avantages, notamment fiscaux »[52]. Ce constat peut encore être précisé : « Une diversité d’acteurs associatifs et de “collectifs communautaires” appartiennent, de manière plus ou moins assumée, à la mouvance intellectuelle “frériste”, à l’image du très actif Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), créé en 2000 ». Durant la période entourant la rédaction du projet de loi, le CCIF a d’ailleurs fait l’objet d’une dissolution administrative, en application de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure, qui a été vivement contestée, jusque dans le milieu universitaire.
Pour faire face à cette situation, un premier volet de mesures tente de réintroduire une forme de consensualisme dans le rapport entre l’État et le milieu associatif, afin de refonder le pacte social. Pour ce faire, les associations devront désormais s’engager à respecter une charte républicaine afin de pouvoir bénéficier d’un financement public. Évidemment, le versement de subsides publics est déjà conditionné au strict respect des lois et règlements par l’association, mais rien de tel n’était encore exigé concernant les valeurs républicaines. La charte des engagements réciproques, conclue le 14 février 2014 entre l’État, les associations d’élus territoriaux, et les Mouvements associatifs, exigeait toutefois que les associations respectent un certain nombre de principes a-juridiques pour bénéficier des aides de l’État. Mais la portée juridique de cet engagement est restée incertaine. Localement il y a bien des Collectivités territoriales qui ont mis en place des chartes républicaines mais, de la même manière, ces dernières ne sauraient recouvrir une dimension contraignante tant qu’elles ne sont pas consacrées légalement. La charte républicaine proposée par le projet de loi repose sur les principes fondamentaux de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité ainsi que le respect du principe de dignité de la personne humaine qui est couplé au respect de l’ordre public. C’est pourquoi il est possible de voir dans cette charte une sorte de pacte social. C’est pourquoi, aussi, les subsides publics qui seraient versés à une association qui ne respecterait pas ces principes, car elle servirait des intérêts communautaires contraires à l’ordre public, devraient être restitués. La sanction financière que permet ce dispositif évite d’aller jusqu’à la dissolution judiciaire, voire administrative : « Ce dispositif permet d’appréhender des situations qui ne pourraient être légalement résolues par la dissolution de l’association (…) Le dispositif proposé constitue donc l’un des outils permettant de garantir la proportionnalité de l’ingérence des pouvoirs publics dans la liberté d’association »[53].
La dissolution des associations est par ailleurs envisagée. Elle peut prendre une forme judiciaire, qui sera volontairement laissée de côté pour la suite de cette étude, au profit de sa forme administrative. Le projet de loi rappelle à ce titre le cadre juridique dont procède la dissolution administrative, à savoir l’article L. 212-1 du Code de la sécurité publique, qui prévoit sept motifs de dissolution administrative d’une association, et notamment : « Toutes les associations ou groupements de fait (…) qui ont pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ; Ou dont l’activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine ». Le but du projet de loi est alors de moderniser certaines dispositions, notamment pour mieux appréhender les groupements de fait, qui ne sont pas des associations déclarées comme telles, et pour faire face à de nouvelles formes de risques de troubles à l’ordre public. Encore une fois, le projet de loi fait écho à des résultats produits par des études de terrain : « La clé de voûte dans la construction de l’enclave est la normalisation du prosélytisme dans un cadre “culturel”. Les associations régies par la loi 1901 sont difficile à surveiller pour les services de l’État qui ne disposent d’aucun instrument effectif pour contrôler leurs activités et leur compatibilité »[54]. S’ajoute à cela le fait que l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure semble daté pour faire face aux risques qui menacent désormais la République. Il utilise un vocabulaire « guerrier » qui permettait de faire face aux agissements des groupes de combat et des milices qui menaçaient l’intégrité républicaine dans les années 30. Or, l’islamisme – dans sa forme la plus radicale – peut être armé et meurtrier, mais le projet de loi ne vise pas à renforcer l’arsenal anti-terroriste mais à contrer le processus de radicalisation qui y conduit et qui procède d’un phénomène de prosélytisme. C’est donc un combat d’ordre culturel qui doit être mené, et l’entrisme culturel, imputable au milieu associatif, ne peut pas être efficacement combattu par l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieur, tel qu’il est rédigé. C’est pourquoi le projet de loi propose de supprimer la notion de « provocation à des manifestations armées dans la rue », ou la formule « attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement ». Désormais, « seuls seraient visés les associations et les groupements de fait ayant pour objet officiel de porter atteinte à l’intégrité du territoire national, et non ceux qui poursuivent des activités à cette fin, sous couvert d’un objet distinct ».
De surcroit, le motif 6° de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure, qui envisage la dissolution d’une association qui provoquerait à la discrimination, à la haine, ou à la violence, envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, devrait être renforcé, pour inclure les discriminations dues à l’orientation sexuelle. Ce dispositif, dans sa rédaction actuelle, a été utilisé dernièrement afin de motiver la dissolution administrative de l’association Barakacity. Depuis lors, la dissolution a été confirmée par une ordonnance du Conseil d’État[55]. Cette affaire est intéressante en ce qu’elle permet d’illustrer la problématique que peut soulever l’entrisme idéologique issu du milieu associatif. L’association agissait effectivement sous couvert d’action humanitaire au sein des quartiers défavorisés et ces statuts promouvaient « le développement d’actions permettant de venir en aide aux démunis en France et à l’international, de combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination (…), de défendre ou d’assister l’enfance martyrisée ou les mineurs victimes d’atteintes sexuelles (…) ». Cependant, les paroles du Président de l’association, Idriss Sihamedi, démontraient une adhésion de ce dernier aux thèses de l’islam radical : « C’est ainsi que, durant la seule année 2020, il a glorifié la mort en martyr au moment du procès de l’attentat de Christchurch, a appelé de ses vœux des châtiments sur les victimes de l’attentat dirigé contre Charlie-Hebdo, et a exposé à la vindicte publique des personnes nommément désignées (…) Sont également mentionnés par le juge des référés les commentaires (…) contenant des appels à la discrimination, à la violence et au meurtre, sans oublier des propos ouvertement antisémites »[56]. Ces propos ont été déclarés imputables à l’association, afin de justifier sa dissolution, car la personne de son président, Idriss Sihamedi, était fermement imbriquée à l’image de cette dernière. À ce titre, le projet de loi en cours de discussion entend faciliter pour le futur l’imputation des paroles ou des actes d’un membre de l’association à l’entité concernée.
Enfin, le texte entend faire peser un contrôle renforcé sur les associations sportives, qui peuvent être le lieu d’un repli communautaire, ainsi que sur les associations cultuelles qui dépendant de la loi de 1905 et dont le financement sera plus strictement contrôlé. À cet égard, le texte a entrainé de vifs débats – sur lesquels cet article n’a pas vocation à revenir – devant la représentation nationale, sur l’atteinte qu’il porte au principe de laïcité et à la liberté de culte.
Conclusion : Bien que l’exercice de la conclusion soit peu commun dans la discipline juridique – d’autant plus lorsqu’elle est formalisée – il convient d’inférer quelques conséquences de ce qui vient d’être écrit. Pour commencer, il est évident que le républicanisme militant reste une hypothèse, pour preuve l’expression ne figure dans aucun texte adopté ces dernières décennies dans l’ordre juridique français. Cette hypothèse, donc, désigne des dispositifs qui permettent d’assurer la stabilité des institutions républicaines, en protégeant les valeurs qui leurs sont attachées. Au-delà de cette fonction de principe, le républicanisme militant permet aussi de préserver les symboles républicains autour desquels la communauté nationale trouve à se rassembler : il en va ainsi de l’hymne national et du drapeau tricolore.
L’effort de sécularisation entrepris par l’État français à partir de la Révolution, qui aboutit avec l’adoption de la loi du 9 décembre 1905, interroge sur les conditions du lien social au sein de la République laïque : « De quoi vit l’État ? Où trouve-t-il la force qui le supporte, qui garantit l’homogénéité et les forces intimes de régulation de la liberté dont il a besoin depuis que la force agrégative qui venait de la religion ne lui est plus et ne peut plus lui être essentielle ? (…) l’État peut-il vivre de la satisfaction des attentes eudémonistes de ses citoyens ? »[57]. Si l’unité religieuse est remplacée au XIXe siècle par l’unité de la Nation, cette dernière n’a pas survécu aux deux guerres mondiales de la première moitié du XXe siècle. Aussi, l’idéal républicain, avec tout ce qu’il charrie d’histoire depuis la Révolution, semble démontrer une vitalité que d’autres idées n’auront pas eue. C’est autour de cet idéal que l’État français a souhaité recréer une cohésion sociale un temps perdue, au point de former une liturgie républicaine, avec ses emblèmes, ses fêtes nationales, ses lieux de mémoire, ses institutions – au premier rang desquelles, l’école – et ses valeurs. C’est pourquoi le républicanisme militant ne se contente pas de maintenir la forme républicaine du gouvernement, il permet d’assurer la vitalité de la « mystique républicaine ». Cette idée est encore présente dans le projet de loi confortant le respect des principes républicains, qui assume vouloir défendre le « projet républicain », bâti sur la liberté, l’égalité, la fraternité ainsi que sur l’universalisme, la laïcité et la dignité humaine. Ainsi, ces valeurs fondent la civilisation morale que constitue la République – qui, au-delà d’une forme institutionnelle et juridique, renvoie à un socle de principes intangibles. Mais ces principes font-ils encore suffisamment consensus pour être opposés aux croyances – et aux défiances – communautaires qui naissent au sein de la société française ? Rien n’est moins sûr.
Un dernier avertissement s’impose : si le républicanisme militant entend, au même titre que la démocratie militante, se prémunir contre le libéralisme politique qui est au fondement de son identité et qui peut être utilisé, de manière dévoyée, pour servir des idéologies mortifères, il faut toutefois garder en tête que toute tentation de limitation des principes libéraux porte en son sein un risque de dénaturation du régime existant.
[1] Gaillet (A.), Hochmann (T.), et al., Droits constitutionnels français et allemand. Perspective comparée, Paris, L.G.D.J., 2019, p. 110.
[2] Lowenstein (K.), « Militant democracy and Fundamental rights », in The American Political Science Review, vol. 31, 1937, n°3, p. 417-432.
[3] Simard (A.), « L’échec de la Constitution de Weimar et les origines de la “démocratie militante” en R.F.A. », in Jus Politicum, n°1, [Accessible en ligne].
[4] Hochmann (T.), « Cinquante nuances de démocratures », in Pouvoirs, Le démocratures, n°169, 2019, p. 19-32.
[5] Jouanjan (O.), « L’État de droit démocratique », in Jus Politicum, n°22, [Accessible en ligne].
[6] Gaillet (A.), Hochmann (T.), et al., Droits constitutionnels français et allemand. Perspective comparée, op. cit., p. 113.
[7] Ibid., p. 112.
[8] Rambaud (R.), « La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées (article L. 212-1 du Code la sécurité intérieure) : une arme de dissolution massive », in RDLF, 2015, chron. n°20 [Accessible en ligne].
[9] De Saint-Victor (J.) et Branthöme (T.), Histoite de la République en France. Des origines à la Ve République, Paris, Économica, 2018, p. 796-797.
[10] Böckenförde (E.-W.), « La naissance de l’État, processus de sécularisation », in Textes réunis, traduits et présentés par Jouanjan (O.), Le droit, l’État et la constitution démocratique, Paris, L.G.D.J, 2000, p. 117.
[11] Projet de loi confortant le respect des principes de la République, Assemblée nationale, n°3649, p. 3 [Exposé des motifs]. Ndlr : la numérotation des pages recommence à partir de l’exposé des motifs ; il faut donc distinguer l’introduction, qui comprend aussi un résumé de chacun des cinquante articles, et l’exposé des motifs.
[12] Voir notamment : Micheron (H.), Le Jihadisme français. Quartiers, Syrie, Prisons, Paris, Gallimard, 2020, 406 p.
[13] Geslin (A.), « L’importance de l’épistémologie pour la recherche en droit », in La recherche juridique vue par ses propres acteurs, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2015, p. 85.
[14] De Saint-Victor (J.) et Branthöme (T.), Histoite de la République en France. Des origines à la Ve République, op. cit., p. 647.
[15] De Thy (L.), L’écriture des Lois constitutionnelles de 1875. La fondation de l’ordre constitutionnel de la IIIe République, Thèse soutenue le 20 juin 2017 à l’Université de Bourgogne, en cours de publication chez L.G.D.J., [Accessible en ligne].
[16] Gaillet (A.), Hochmann (T.), et al., Droits constitutionnels français et allemand. Perspective comparée, op. cit., p. 112.
[17] Rambaud (R.), « La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées (article L. 212-1 du Code la sécurité intérieure) : une arme de dissolution massive », art. cit.
[18] Winock (M.), « Les ligues des années 1930 », in L’Histoire par l’image. Nouvel éclairage sur l’Histoire, 2016, [Accessible en ligne] ; voir aussi : Winock (M.), Nationalisme, Antisémitisme et Fascisme en France, Paris, Éditions du Seuil, 2014, 512 p.
[19] Rambaud (R.), « La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées (article L. 212-1 du Code la sécurité intérieure) : une arme de dissolution massive », art. cit.
[20] Drieu La Rochelle (P.), Gilles, Collection Folio, Gallimard, 1973, 704 p.
[21] Milza (P.), « L’ultra-droit des années trente », Winock (M.) (dir.), Histoire de l’extrême droit en France, Paris, Éditions du Seuil, 1993, p. 166-167.
[22] Rambaud (R.), « La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées (article L. 212-1 du Code la sécurité intérieure) : une arme de dissolution massive », art. cit.
[23] Ibid.
[24] Compagnon (A.), Les antimodernes. De Joseph de Mestre à Roland Barthes, Paris, Bibliothèque des idées, Gallimard, 2005, 480 p.
[25] Winock (M.), Histoire de l’extrême droit en France, op. cit., p. 9.
[26] Conseil constitutionnel, décision n°2003-467 DC, du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure. Voir notamment : Pech (L.), « Du respect des symboles de la République imposé par la loi », in Communication commerce électronique, mai 2003, n°5, p. 16-22 ; Rousseau (D.), Lazerges (C.), « Commentaire de la décision du Conseil du 13 mars 2003 », RDP, juillet-août 2003, n°4, p. 1147-1162 ; Mathieu (B.), Verpaux (M.), « Loi pour la sécurité intérieure », in Les petites Affiches, 2003, p. 6-13.
[27] CE, 10ème et 9ème sous sections réunies, 19 juillet 2011, mentionné dans les tables du recueil Lebon.
[28] Tribune en date du 5 février 2003 citée par Paveau (M.-A.), « “J’irai cracher sur ta France”. Discours aux emblèmes et symboles de l’État », in Desmons (E.) et Paveau (M.-A.) (dir.), Outrages, insultes, blasphèmes et injures : violences du langage et polices du discours, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 114.
[29] De Saint-Victor (J.), Blasphème. Brève histoire d’un “crime imaginaire”, Paris, L’esprit de la Cité, Gallimard, 2016, 128 p.
[30] Gaven (J.-C.), Le crime de lèse-nation, Presses de Sciences Po, 2016, 560 p.
[31] Nora (P.), « De la République à la Nation », sous la dir. de Nora (P.), Les lieux de mémoire, Tome 1, « La République », Paris, Gallimard, NRF, 1984, p. 652.
[32] Ibid.
[33] Conseil d’État, La citoyenneté. Être (un) citoyen aujourd’hui, Les rapports du Conseil d’État, 2018, p. 15.
[34] Projet de loi confortant le respect des principes de la République, Assemblée nationale, n°3649, p. 3, [Exposé des motifs].
[35] À toute fin utile il convient de rappeler que cette étude n’entend pas produire une analyse exhaustive du projet de loi confortant le respect des principes républicains.
[36] Voir notamment : Compagnon (A.), Les antimodernes. De Joseph de Mestre à Roland Barthes, Paris, Bibliothèque des idées, Gallimard, 2005, 480 p ; Boutin (C.), Rouvillois (F.), Dard (O.), Le dictionnaire du conservatisme, Paris, Collection Idées, 2017, 1072 p.
[37] Borgetto (M.), La notion de fraternité en droit public français, Paris, L.G.D.J., Bibliothèque des Thèses, Tome 170, 1993, 690 p.
[38] Kintzler (C.), Qu’est-ce que la laïcité ?, Paris, Vrin, Chemins philosophiques, 2014, p. 14-17.
[39] Debray (R.), Que vive la République, Paris, Seuil, 1991, p. 20.
[40] Projet de loi confortant le respect des principes de la République, Assemblée nationale, n°3649, p. 4, [Exposé des motifs].
[41] Ibid., p. 7-8, [Introduction générale].
[42] Ibid. p. 4, [Exposé des motifs].
[43] Ibid., p. 9 [Exposé des motifs].
[44] Ibid.
[45] On pense notamment aux arrêts suivants : Cour européenne des droits de l’Homme, Kervanci c. France, 4 mars 2009, req. n°31645/04 ; CEDH, Dogru c. France, 4 mars 2009, req. n°27058/05; CEDH, S.A.S. c. France, 1er septembre 2014, req. n°43835/11.
[46] Voir notamment : Kepel (G.), Sortir du chaos, Paris, Esprit du Monde, Gallimard, 2018, 528 p. ; Micheron (H.), Le Jihadisme français. Quartiers, Syrie, Prisons, Paris, Gallimard, 2020, 406 p. ; Rougier (B.), Les territoires conquis de l’islamisme, Paris, PUF, 2020, 368 p.
[47] Au moment où cet article est rédigé, le ministre de l’Intérieur, Gerald Darmanin, s’interroge toutefois sur l’opportunité de dissoudre le mouvement « Génération Identitaire ».
[48] Redissi (H.), « Le wahhabisme, une maladie de l’Islam ? », Testot (L.) (dir.), La grande histoire de l’Islam, Éditions Sciences Humaines, 2018, p. 145-148.
[49] Micheron (H.), Le Jihadisme français. Quartiers, Syrie, Prisons, Paris, Gallimard, 2020, p. 40.
[50] Ibid. p. 48.
[51] Ibid. p. 28.
[52] Projet de loi confortant les principes républicains/Présentation générale, Note émise le 16 novembre 2020, [Accessible en ligne].
[53] Projet de loi confortant le respect des principes de la République, Assemblée nationale, n°3649, p. 80, [Exposé des motifs].
[54] Micheron (H.), Le Jihadisme français. Quartiers, Syrie, Prisons, Paris, Gallimard, 2020, p. 40.
[55] CE, ord. du 25 novembre 2020, Association Barakacity, req. n° 445774 et 445984.
[56] Letteron (R.), « Barakacity : le Président de l’association », in Liberté, Libertés chéries, publié le 26 novembre 2020, [Accessible en ligne].
[57] Böckenförde (E.-W.), « La naissance de l’État, processus de sécularisation », op. cit., p. 116.