L’engendrement des droits fondamentaux en France
Le phénomène de développement des droits fondamentaux perturbe ouvertement les représentations traditionnelles sur lesquelles la discipline juridique a pu se construire. À cet égard, l’élargissement continu du catalogue des droits fondamentaux, qui s’opère bien souvent en marge des canons traditionnels de la production normative, suppose une véritable particularité de l’objet « droit fondamental » qu’il s’agit de mettre en évidence. L’étude entend démontrer que les droits fondamentaux, ou plutôt les normes exprimant des droits fondamentaux, constituent une catégorie spécifique de normes susceptibles d’être identifiées par la spécificité de leurs conditions de validité. L’analyse de leur mode d’engendrement permet alors d’en rendre compte.
Par Jean-Baptiste Jacob, Assistant ingénieur d’études (Post-doctorant) à l’Ecole de droit de la Sorbonne, Docteur en droit public de l’Ecole de droit de la Sorbonne.
Au cours du lent mouvement de maturation de la discipline juridique, il n’est pas une époque où les juristes ont manqué de faire part de leur angoisse face à l’abîme de la Crise du droit[1]. En dépit de nombreuses craintes, celle-ci n’a pas vraiment eu lieu, en France du moins. On ne saurait pour autant affirmer que la discipline juridique n’a pas évolué, que ses objets sont les mêmes qu’il y a un siècle. C’est que le mouvement s’attache à elle comme « sa lueur au phosphore » pour reprendre la belle expression de Gide. Tributaire des phénomènes sociaux sur lesquels il lui faut nécessairement s’arrimer pour exister, la discipline juridique est bel et bien marquée du sceau du changement[2]. Cette caractéristique rejaillit sur la fonction du juriste qui doit être critique[3]. Elle le pousse à l’humilité puisque son œuvre est toujours à recommencer. Il lui appartient d’affiner sans cesse la connaissance de la discipline juridique en fabriquant de nouveaux objets intellectuels : les concepts.
Dans le domaine juridique les concepts revêtent une dimension particulière. Alors qu’on perçoit traditionnellement le concept comme de la pensée pure, hors contexte, précédant la pensée exprimée, en contexte, cela est loin d’être toujours le cas en droit. En droit, le concept constitue « une représentation symbolique, de nature verbale, ayant une signification générale qui convient à toute une série d’objets concrets possédant des propriétés communes[4] ». Autrement dit, les concepts juridiques sont, comme l’explique le Professeur Picard :
« d’abord des mots qui cherchent leurs idées, c’est-à-dire de la pensée en gestation, et avant cela encore, des aspirations, des désirs, des représentations du monde encore un peu floues mais différentes de ce qu’il est en fait, et que l’on voudrait bien transformer »[5].
Dans ces conditions, le développement des concepts juridiques s’entend d’un processus permanent situé au carrefour de la lente maturation des idées juridiques et de la réception intellectuelle de phénomènes sociaux spécifiques. Dans ces conditions, le concept juridique constitue à la fois un outil de connaissance tout en étant réputé posséder un certain degré d’abstraction – de « virtualité »[6] dirait Goblot – vis-à-vis de la réalité sociale qu’il prétend dévoiler. Il entretient ainsi un rapport ambigu avec cette réalité puisque s’il opère nécessairement par un « effort de détachement et d’abstraction »[7], donc d’éloignement, vis-à-vis du réel, il n’en doit pas moins le schématiser et en faciliter la représentation. On comprend alors que cet éloignement du concept juridique de la réalité à laquelle il s’adosse ne saurait s’entendre d’un affranchissement.
En effet, pour prétendre exister en droit, un concept doit présenter un certain degré d’utilité[8]. Tout concept juridique apparaît là où le besoin de lui est si fort que l’on ne pourrait s’en passer que difficilement et se présente dans le trouble de la pensée sur un phénomène spécifique de la réalité juridique. L’apparition d’un nouveau concept suppose ainsi des anciens qu’ils aient été débordés par les phénomènes qu’ils étaient censés canaliser ; la cause de ce débordement résidant toujours dans une transformation des représentations de la discipline. Dans ces conditions, le travail de mise à jour des concepts constitue bel et bien, comme l’écrit M. Régis Ponsard, « un travail de transformation de ce qui était […] impossible à voir, à penser, en quelque chose de possible »[9].
Le phénomène de l’émergence des droits fondamentaux[10], qui s’inscrit dans le sillage du passage de l’État légal à l’État de droit[11] illustre à merveille un tel débordement. Phénomène au long cours[12], il continue d’étonner tant par son ampleur que par sa permanence et perturbe les clés de lecture traditionnelles sur lesquelles la discipline juridique a pu se construire et à travers celles-ci, les représentations mentales qui les sécrètent.
Notion « indéfinissable »[13], « énervante » mais « magique »[14], la notion de droit fondamental échappe aux formes traditionnelles du droit. Son origine doctrinale[15] tout autant que les enjeux qu’elle cristallise – qui dépassent le strict champ juridique[16] – contribuent à son originalité.
En droit positif, l’objet n’est pas d’un maniement facile. En atteste sa mobilisation erratique de la part du jurislateur[17] qui renforce le sentiment qu’il ne saurait constituer une véritable catégorie formelle du droit français. Comme le note Emmanuel Dreyer, le développement de l’objet a pu être d’autant plus favorisé qu’il n’avait, à l’origine, « aucune prétention juridique »[18]. Ce constat ne saurait pour autant suffire à conclure à l’inexistence de cet objet dans l’ordre juridique français, ainsi qu’à lui dénier toute fonction normative. Au contraire, c’est là tout le paradoxe de l’objet qui s’impose dans le creux des catégories juridiques traditionnelles et des représentations qui les informent.
À défaut d’en fournir un concept précis, l’ordre juridique en exprime une certaine conception, sinon deux, révélatrices d’attitudes contraires.
La première attitude s’inscrit dans le sillage de la logique structurelle qu’a majoritairement véhiculé la pensée juridique moderne[19]. Pour ses partisans, qui entendent seulement décrire « le fonctionnement d’une structure identifiable dans des systèmes différents »[20], la définition de l’objet est stipulée[21]. Les droits fondamentaux sont des « normes de permission de degré supérieur »[22]. Il y aurait droit fondamental, « dès que la concrétisation fautive d’une norme supérieure de permission (pour des classes universelles de bénéficiaires) par une norme inférieure entraîne la possibilité d’une sanction juridictionnelle »[23]. D’après cette définition, les droits fondamentaux seraient tout simplement des normes constitutionnelles, c’est-à-dire des normes dont la réalisation est susceptible d’être contrôlée et sanctionnée par un juge habilité.
Cette définition, qui a le mérite de ne pas perdre de vue la dimension constitutionnelle[24] de la protection des droits fondamentaux, souffre tout de même de l’approche strictement stipulative qu’elle revendique. Cette approche tranche, en effet, assez radicalement avec l’idée d’une entreprise de connaissance du droit, qui suppose toujours – en toute logique – qu’il existe quelque chose à connaître, sauf à s’anéantir. En outre, l’association stricte entre les concepts de droits fondamentaux et de normes constitutionnelles suppose la redondance de l’un des deux concepts. Pourquoi posséder deux concepts pour qualifier la même chose ? Pour qu’ils puissent exister simultanément, ces deux concepts doivent alors démontrer leur capacité propre à caractériser chacun, des phénomènes différents à l’œuvre au sein de l’ordre juridique. Autrement dit, ils doivent se distinguer. Or, l’on sait, au moins depuis un célèbre article du Professeur Picard, qu’aucun rang normatif n’épuise à lui seul la fondamentalité[25] et qu’il existe une place pour le concept de « droit fondamental », dans l’ordre juridique français. On sait également que la pyramide des normes, qui revêt certes d’immense mérites pédagogiques, n’est jamais qu’une « fausse idée claire »[26], dont il faut parfois savoir s’émanciper. Ce constat ouvre sur la seconde attitude.
La seconde attitude se nourrit du mouvement de « fondamentalisation »[27] des droits qu’elle assume et reconnaît dans sa particularité. Elle suppose ainsi que le concept de droit fondamental, qui est à construire, présente un véritable intérêt pour la connaissance de l’ordre juridique et son enrichissement. Cette approche considère que le phénomène de développement des droits fondamentaux s’inscrit dans un mouvement plus profond qui pousse notamment à la démultiplication des sources de l’ordre juridique[28]. Elle suppose que la compréhension de l’objet « droits fondamentaux », et donc la possibilité d’en fournir une définition opérante, dépendrait pour l’essentiel de la capacité à construire le concept de fondamentalité – tantôt fonctionnellement[29] pour les uns, tantôt matériellement[30] pour les autres. Elle admet que l’idée des droits fondamentaux, ou, si l’on préfère, de la fondamentalité, agit en amont des catégories juridiques et touche aux représentations même des concepts les plus traditionnels du droit.
L’idée de la fondamentalité touche avant tout aux représentations même de la norme et de la normativité. En effet, si les droits fondamentaux sont réputés exister dans l’ordre juridique et y présenter une certaine effectivité, sans que le concept de norme constitutionnelle suffise à les épuiser, alors on peut supposer d’eux qu’ils expriment un autre type de norme ou a minima une nouvelle façon d’appréhender celle-ci[31]. Par une sorte d’effet d’entraînement – ou de dépassement dirait Etienne Picard[32] – l’idée des droits fondamentaux agit alors sur les représentations connexes des concepts de système et de validité juridique. Ce ricochet n’étonne pas, qui, en plus de confirmer l’interconnexion générale des concepts juridiques[33], confirme en particulier l’interdépendance entre les concepts juridiques de norme, de système et de validité qu’avait contribué à mettre en lumière l’œuvre magistrale de Kelsen[34].
Dans le sillage de cette seconde approche, il est possible de considérer que c’est sous l’angle de l’engendrement des droits fondamentaux que la perturbation conceptuelle est la plus forte. En effet, bien souvent, l’engendrement des droits fondamentaux dans l’ordre juridique français, se fait en dehors de toute habilitation normative[35] expresse du jurislateur. Cette seule raison interroge et invite à circonscrire le phénomène. À cette fin, l’on s’attachera d’une part, à mettre en évidence les modalités de l’engendrement normatif des droits fondamentaux (I), puis à en apprécier les déclinaisons dans le cadre spécifique de l’ordre constitutionnel français (II).
I. – Les modalités de l’engendrement des droits fondamentaux : L’hypothèse d’une statique juridique
La question de l’engendrement des droits fondamentaux suppose de revenir sur le problème, essentiel pour toute théorie des libertés fondamentales, de la création et de l’apparition des normes, ainsi que sur celui de la vitalité des systèmes normatifs. En la matière, on distingue, dans le sillage de l’œuvre kelsenienne, deux grands processus d’engendrement normatif déterminant deux grands types particuliers de norme : un processus dit statique et un processus dit dynamique[36]. De façon très sommaire, on retient que le premier de ces processus part de l’idée que « c’est en vertu de leur fond ou contenu que des normes sont valables »[37] là où le second de ces processus fait dépendre la question de la validité normative de la structure de l’ordre juridique et, au sein de cette structure, du rang hiérarchique d’appartenance de la norme. Alors que la représentation dynamique de l’engendrement normatif tend logiquement à nier l’idée même de fondamentalité que véhicule l’expression « droits fondamentaux » (A), la représentation statique, semble au contraire, s’en accommoder (B).
A. Engendrement dynamique des normes et négation de l’idée de « fondamentalité »
La particularité d’un système normatif dynamique réside, pour l’essentiel, dans le fait que la validité des normes qui le constituent ne tient pas tant à leur contenu, relativement indifférent, mais bien davantage à leurs conditions procédurales de création. Ce qui caractérise un tel système, explique Kelsen, « c’est le fait que la norme fondamentale présupposée ne contient rien d’autre que l’institution d’un fait créateur de normes, c’est-à-dire une règle qui détermine comment doivent être créées les normes générales de l’ordre qui repose sur cette norme fondamentale »[38]. Un système normatif est alors dynamique dès qu’une norme prévoit les conditions procédurales de création d’une norme inférieure.
Dans ce schéma, la validité des normes est condition de leur capacité à respecter la procédure prévue pour leur élaboration. D’après ce modèle, le processus d’engendrement normatif est bien indirect. Une norme n’est jamais engendrée directement par une autre norme, mais bien, indirectement, à travers les conditions procédurales d’élaboration de la norme secondaire posées par la norme primaire. La question de la validité n’est donc pas distinguée de la question du rang structurel de la norme.
Ce schéma trouve à s’illustrer, chez Kelsen, dans l’exemple de l’ordre qu’un père donne à son fils en lui intimant d’aller à l’école[39]. Dans cet exemple, l’ordre du père, qui constitue une norme (« tu dois aller à l’école ! ») ne vaut pas – donc n’est pas valide – à raison de son contenu (« tous les enfants doivent en général aller à l’école ») mais bien plus à raison de ce que l’autorité du père n’est pas contestable par l’enfant. L’interrogation de l’enfant portant sur les raisons d’obéir à l’ordre du père, qui n’est rien d’autre que la question de la validité de la norme qu’a émis le père, ne saurait aboutir qu’à une régression sans fin. En effet, ici, la norme d’après laquelle on doit obéir à son père ne vaut – n’est valide – que grâce à une seconde norme – nécessairement supposée – selon laquelle on doit, par exemple, obéir aux ordres de Dieu qui a ordonné que l’on obéisse à son père. La caractéristique de ce schéma réside dans le fait que le contenu de la norme paternelle « tu dois aller à l’école », ne peut se déduire logiquement de la norme fondamentale « tu dois obéir aux ordres de Dieu ». Cette dernière norme ne fait que déléguer le pouvoir de prendre des normes à « une autorité créatrice de normes »[40], à savoir le père. La norme supérieure, ici, la norme issue de l’autorité divine, pose simplement les conditions aptes à fonder la validité d’un second niveau normatif, inférieur, et qui peut à son tour, fonder la validité un troisième niveau normatif – on imagine les ordres du grand frère par exemple – pour procéder de la même façon, et ainsi de suite. Il s’agit là de la logique d’engendrement normatif la plus traditionnelle pour un système juridique, que l’on trouve par ailleurs au fondement de la logique que véhicule l’image de la pyramide des normes.
Cet exemple fait écho à celui que l’on trouve dans la première édition traduite de la Théorie Pure du Droit. Kelsen se demande pourquoi la contrainte exercée sur un individu que l’on envoie en prison est un acte juridique appartenant à un ordre juridique déterminé ? Et l’auteur de répondre « parce qu’il a été prescrit par une norme individuelle établie par un tribunal […] elle-même valable parce qu’elle a été créée conformément au code pénal. À son tour, la validité du code pénal résulte de la Constitution de l’État qui fixe la procédure pour l’édiction des lois et désigne l’organe compétent »[41].
En somme, dans le processus dynamique, une norme du système normatif puise toujours sa validité dans le simple fait d’avoir été prise conformément à la procédure mise en place par la norme de laquelle elle découle. La théorie dynamique du système normatif se résout ainsi en une théorie de la formation du droit par degrés. La norme fondamentale, n’y exprime rien d’autre que « l’habilitation d’une autorité créatrice de normes » c’est-à-dire « une règle qui détermine comment doivent être créées les normes générales et les normes individuelles de l’ordre qui repose sur cette norme fondamentale »[42]. La validité des normes, qui conditionne leur existence, c’est-à-dire leur présence dans l’ordre juridique, est alors systématiquement rattachée au rang particulier qu’elles occupent dans la structure hiérarchique du système juridique. L’identité des normes dépend de leur rang normatif d’appartenance et on pourra simplement dire d’elles, qu’elles sont réglementaires ou administratives, législatives ou encore constitutionnelles. Ce faisant, le contenu des normes en question est indifférent. Le concept de norme, défini structurellement, est appréhendé comme concept ultime au-delà duquel il n’y a pas lieu pour le juriste de s’aventurer et il est acquis, pour cette théorie, que le droit possède une certaine « plasticité substantielle »[43]. Ce que confirme Kelsen, pour qui « la catégorie du sollen doit être pensée sans référence à un contenu particulier »[44].
Partant de l’idée que les normes « sont seulement valables ou non-valables »[45], les tenants de la conception dynamique du droit font de la question de la validité normative une simple question de procédure leur donnant les moyens d’accomplir ce qu’ils estiment être leur office, à tout le moins l’office du juriste, à savoir, se prononcer en toute objectivité sur le caractère valable, ou non, de telle ou telle norme spécifique au regard de tel ou tel système juridique particulier. Comme l’écrit Kelsen, « une norme juridique est valable si elle a été créée d’une manière particulière, à savoir selon des règles déterminées et une méthode spécifique »[46]. Force est de constater que le cadre catégorial d’analyse[47] de cette théorie ne laisse aucune place à l’idée de fondamentalité qui suppose d’une norme – exprimant un droit – qu’elle revête matériellement une certaine importance, un caractère essentiel du point de vue du jurislateur[48].
B. Engendrement statique des normes et reconnaissance de l’idée de « fondamentalité »
À l’inverse de la précédente hypothèse, le processus statique suppose de l’engendrement des normes, qu’il soit direct et presque immédiat. L’engendrement statique suppose d’une norme qu’elle vaille, à raison de ce que son contenu répond directement du contenu d’une autre norme, supérieure, dont il permet d’assurer la réalisation. Cette logique suppose que le contenu du système normatif se déduise intégralement du contenu de quelques normes premières, posées ou pensées comme fondamentales. Dans ce schéma, la validité d’une norme tient avant tout à son contenu et à la valeur de celui-ci. La question de la validité normative devient ainsi une question de valeur. Pour schématiser, telle norme vaudra à raison de ce que son contenu est bon, de ce qu’il est important, de ce qu’il est approprié pour réaliser le contenu de la norme qui lui est immédiatement supérieure.
Tel serait par exemple le cas de normes interdisant le mensonge ou la trahison, et dont on peut légitimement considérer qu’elles permettent de réaliser une norme plus générale de fidélité. Tel serait encore le cas si l’on parvient à déduire directement, d’une norme spécifique « on doit aimer son prochain », tout un ensemble d’autres normes qui y répondent et permettent de réaliser cet impératif, comme par exemple, « on ne doit infliger aucun mal à son prochain », « on doit assister son prochain ». Ici, le contenu de la norme supérieure irrigue le contenu des normes inférieures et contribue à le conditionner. En effet, dans l’exemple précédent, les normes d’assistance ou de bienveillance, répondent directement, chacune à leur façon, à une norme d’amour qu’elles permettent de réaliser. Si l’on doit aimer son prochain, il est bon d’être sincère avec lui, ou il est bon de l’aider dans ses entreprises. Le processus d’engendrement normatif statique, à l’inverse du processus dynamique, suppose ainsi qu’il soit possible, au sein d’un système normatif donné de « déduire de la norme fondamentale le contenu de la norme qui forme le point de départ de la chaîne »[49] normative. Dans un système d’engendrement normatif statique, la norme fondamentale fournit le contenu des normes qui forment ce système[50]. Une norme donnée appartiendra à ce système normatif avant tout à raison de ce qu’elle possède un contenu déterminé[51] directement conditionné par la norme fondamentale du système.
Cette logique n’est réputée valoir que pour un système normatif moral. Kelsen écrivait à ce titre, dans la première édition de la Théorie pure du droit, que la plupart « des normes d’une morale quelconque sont déjà contenues dans une norme fondamentale à la manière dont le particulier est contenu dans le général »[52]. Autrement dit, « les normes du droit naturel et celles de la morale sont déduites d’une norme fondamentale qui, en raison de son contenu, est censée apparaître de façon immédiatement évidente »[53].
Cette division du travail entre système juridique, qui suppose une approche structurelle ou dynamique, et système moral, qui suppose une approche matérielle ou statique, s’est érigée en véritable summa diviso à l’ombre de laquelle le droit moderne a pu prospérer. Cette représentation, aujourd’hui datée, est en voie de dépassement sous l’effet du phénomène de développement des droits fondamentaux. Celui-ci contredit l’hypothèse de la dynamique juridique et l’engendrement strictement structurel ou procédural qu’elle suppose, tout autant que l’idée subséquente de plasticité substantielle du droit. En somme, le développement des droits fondamentaux invite l’analyse juridique à renouer avec l’approche matérielle que la doctrine avait pourtant érigé – à tort – en relique de l’ordre normatif moral.
À bien des égards, l’engendrement des droits fondamentaux répond d’un processus statique de création de la norme où « les normes sont valides en vertu de leur contenu », c’est-à-dire en « raison de l’attrait qu’elles exercent d’elles-mêmes »[54] – sur le jurislateur notamment. Les normes qu’on appelle « droits fondamentaux » se caractérisent avant tout par le fait qu’elles peuvent être rapportées à une norme « sous le fond de laquelle leur propre fond se laisse subsumer, comme le particulier sous le général »[55] et indépendamment de tout raisonnement sur la structure de celle-ci. Simplement, les actes que prescrivent ces normes doivent être considérés comme « devant se produire », et apparaissent alors au jurislateur comme « immédiatement évidents »[56]. Cette logique statique, parfois appelée matricielle[57], suppose des normes exprimant des droits fondamentaux qu’elles soient directement déduites de normes plus générales, valables dans le système juridique concerné et qu’elles permettent de réaliser. Cette logique spécifique a permis l’avènement de cet « âge des droits »[58], remarquablement mis en lumière par Norberto Bobbio, caractérisé notamment par la « multiplication » et l’« universalisation » des droits, c’est-à-dire, par leur expansion continue et leur généralisation sociale.
Cette représentation statique ou matricielle des normes que véhicule le discours sur les droits fondamentaux est très répandue dans la doctrine. Elle explique la persistance d’une représentation hiérarchique des normes exprimant des droits fondamentaux en dépit des difficultés à pouvoir en établir une théorie. À titre d’exemple, nombre d’auteurs s’accordent généralement pour faire figurer au sommet de cet ordre matriciel le droit à la dignité humaine[59]. Certains n’hésitent pas à lui associer, la fraternité[60], l’égalité[61], la sécurité juridique[62], la liberté contractuelle[63], la liberté individuelle[64], le droit au juge[65], le droit à la revendication salariale[66] ou encore l’État de droit[67].
Comme l’a très justement noté le Pr. Truchet, la plupart du temps, « la logique matricielle n’est pas explicite »[68]. Cette caractéristique complique sa mise en évidence. Celle-ci suppose d’accumuler, au sein d’un ordre juridique déterminé, et à l’issue d’une démarche lexicologique, certains indices récurrents permettant d’attester d’un engendrement normatif gigogne.
II. – Les déclinaisons de l’engendrement des droits fondamentaux : Le constat d’une statique constitutionnelle
L’apport essentiel du juge constitutionnel à la circonscription du concept de droit fondamental[69] érige logiquement sa jurisprudence en terrain privilégié de leur expression. En France, ce phénomène est renforcé par « l’image de protecteur des droits et libertés »[70] que construit patiemment le Conseil constitutionnel, gardien du « trésor des droits de l’homme »[71] pour reprendre la célèbre expression de Georges Vedel. Cette exaltation[72] française du rôle du juge en la matière est pourtant paradoxale puisque le Conseil constitutionnel ne semble pas avoir assigné aux « droits fondamentaux » le rôle de catégorie langagière de référence. En effet, s’il s’y réfère, c’est bien souvent dans l’ordre de l’implicite, ou à tout le moins de façon discrète, à l’occasion de telle ou telle manifestation spécifique de l’objet, sporadiquement incarnée dans tel ou tel droit concret sur lequel il est amené à se prononcer.
À ce titre, il est arrivé à plusieurs reprises au Conseil constitutionnel d’apprécier l’atteinte d’une disposition législative à certains droits, les droits de la défense par exemple, en s’y référant médiatement, à travers certaines normes, dont le contenu permettait – supposément – de réaliser ce droit. Le Conseil constitutionnel a ainsi pu apprécier une atteinte aux droits de la défense à travers le contrôle du respect du double degré de juridiction, qu’il a pu évoquer au soutien de son contrôle de constitutionnalité, « sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur son éventuelle valeur constitutionnelle »[73] ; autrement dit, en sortant ouvertement et de façon revendiquée du cadre formaliste censé commander à son contrôle. Dans cet exemple, la validité normative du double degré de juridiction, qui n’est assurément pas formelle – puisque la norme n’est pas consacrée par le texte de la Constitution ou la jurisprudence antérieure du juge[74] – ne peut être que matérielle et tenir à sa propre force, c’est-à-dire à sa capacité à s’imposer dans le raisonnement du juge, à raison de l’importance matérielle qu’elle revêt pour la réalisation d’une protection satisfaisante des droits de la défense.
Cet exemple illustre à merveille l’idée ancienne et chère à Luchaire qu’il existerait, dans le creux de la constitutionnalité formelle, une véritable « paraconstitutionnalité »[75]. Force est de constater, tout de même, l’étrangeté de cette thèse de la « paraconstitutionnalité », du strict point de vue d’une logique structurelle – ou dynamique – du système normatif qui n’apprécie l’existence des normes qui le composent qu’à travers leur rang hiérarchique d’appartenance. Il faut voir dans le décalage entre cette hypothèse et les représentations dominantes de la discipline juridique une explication plausible de la raison pour laquelle elle n’a pas rencontré, au sein de la doctrine, le succès qu’elle était pourtant en droit d’attendre. La référence avérée du juge constitutionnel à la « paraconstitutionnalité » constitue l’un des exemples les plus parlants de la construction, par celui-ci, à travers sa jurisprudence, d’une véritable statique du droit. Elle confirme l’évolution profonde qui s’est opérée dans les représentations de la légalité que le contrôle de constitutionnalité véhicule.
L’hypothèse d’une statique du droit heurte profondément les représentations traditionnelles du contentieux constitutionnel français. Alors que l’on s’accorde pour dire de la création du Conseil constitutionnel qu’elle a parachevé le passage de l’État légal à l’État de droit, on manque bien souvent de rappeler qu’elle s’est paradoxalement inscrite dans la droite ligne des représentations légalistes du xxe siècle, particulièrement vives en France à l’aube de la Ve République. Ces représentations néo-légalistes qui portaient les germes de la future « démocratie exécutive »[76] – qui caractériserait plus tard la Ve République – supposaient du contrôle de constitutionnalité qu’il ne fût « qu’une des multiples techniques destinées à rétablir vis-à-vis du Parlement l’autorité du Gouvernement »[77]. Il s’agissait simplement, à l’origine, d’imposer un certain nombre de limites – formelles ou procédurales – aux actes du Parlement afin de le cantonner dans ses fonctions. Cette représentation spécifique de la fonction du contrôle de constitutionnalité se réalisait dans l’idée, novatrice du point de vue d’un contentieux constitutionnel naissant, mais traditionnelle du point de vue des représentations du droit de l’époque, que le recours en inconstitutionnalité, en tant que recours objectif, n’était un simple « procès fait à un acte, la loi »[78], dont il s’agissait, en somme, d’apprécier la validité formelle ou procédurale. La vigueur de l’usage des mécanismes de contrôle de la constitutionnalité procédurale à l’instar de ceux du déclassement[79], ou des fins de non-recevoir[80], qui ont constitué la majeure partie des premières décisions rendues par le Conseil constitutionnel, en atteste.
L’hypothèse d’une statique du droit tranche avec les représentations les plus traditionnelles de la jurisprudence du Conseil constitutionnel puisqu’elle suppose la capacité d’un agencement normatif à fonctionner par résonnance. Dans un tel schéma « chacune des normes tire sa validité de la conformité de son contenu à une norme supérieure de contenu plus général »[81]. Identifier la statique du droit constitutionnel suppose d’assumer l’idée que certaines normes mobilisées par le juge constitutionnel trouvent la justification de leur validité non pas tant dans la position qu’elles occupent au sein de la hiérarchie des normes mais dans leur capacité à réaliser le contenu d’autres normes qui leur sont supérieures et dont elles sont logiquement déduites. Ce sont ces normes qu’on peut alors qualifier de « droits fondamentaux ». La mise en évidence de la statique du droit à l’œuvre dans les décisions du juge constitutionnel fournit ainsi le critère permettant de circonscrire la notion de droit fondamental, qui n’est jamais, en dernière analyse, qu’une norme produite au terme d’un processus d’engendrement de type statique.
Dans l’ordre constitutionnel français, et plus précisément dans les décisions du Conseil constitutionnel, les indices de la construction d’une statique juridique tiennent d’une part à la référence, par le juge, à des catégories normatives spécifiques (A), d’autre part, dans le creux de celle-ci, à l’emploi récurrent de termes particulièrement évocateurs de cette « résonnance normative » (B).
A. Les catégories de l’engendrement normatif
Dans le creux de la logique dynamique qui commande à son office, il n’est pas rare que le juge constitutionnel décide d’asseoir directement, par voie de déduction, le contenu normatif d’une norme sur le contenu normatif d’une autre norme dont elle est censée découler. C’est là une caractéristique du processus statique d’engendrement des normes. Deux catégories langagières de référence ressortent ainsi de la jurisprudence du Conseil constitutionnel : les normes qu’il qualifie de « composantes » et les normes qu’il qualifie de « conditions ».
Comme leurs noms l’indiquent, les hypothèses de la « norme-composante » et de la « norme-condition » supposent que la validité d’une norme particulière exprimant un droit fondamental résulte, pour l’essentiel, de sa capacité à réaliser une seconde norme plus générale exprimant un autre droit fondamental. La validité de la norme particulière est ainsi consacrée médiatement, à travers la norme générale dont elle ne constitue, in fine, qu’un élément. Cela signifie que pour le juge constitutionnel, la réalisation du contenu particulier de la « norme-élément » apparaît nécessaire pour permettre la réalisation du contenu général de la norme supérieure.
Dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’emploi du terme de « composante » est réservé aux normes découlant avant tout de la liberté personnelle (1) tandis que l’emploi du terme de « condition », moins assuré, est réservé à des normes découlant avant tout, semble-t-il, du principe de démocratie (2).
1 – Les « composantes » normatives de la liberté personnelle
L’analyse de la jurisprudence du Conseil constitutionnel laisse apparaître au moins trois normes constitutives de la liberté personnelle ; chacune d’entre elles étant qualifiée par le juge de « composante » de la liberté personnelle. Il s’agit de la liberté d’aller et venir (a), de la liberté du mariage (b) et enfin de la liberté d’entreprendre (c).
a. La liberté d’aller et venir, « composante » de la liberté personnelle
Tout d’abord, on ne compte plus les décisions dans lesquelles le juge constitutionnel évoque, dans une sorte d’obiter dictum, le caractère de « composante de la liberté personnelle » de la liberté d’aller et venir[82]. Autrement dit, et à rebours des représentations traditionnelles du droit, la liberté d’aller et venir ne semble pas valoir à raison de sa place dans la hiérarchie des normes – qui n’est que médiatement constitutionnelle – mais bien plus à raison de ce que la réalisation de son contenu doit permettre la réalisation de la liberté personnelle.
En outre, le juge constitutionnel a eu l’occasion de préciser ouvertement le contenu de la liberté d’aller et venir, qui « n’est pas limitée au territoire national » et comprend « le droit de le quitter »[83]. On retrouve là l’idée de composante et la logique d’engendrement normatif statique, sous-jacente. Suivant cette logique, le juge constitutionnel fait désormais dépendre la validité d’une disposition législative de la capacité de son contenu à assurer le contenu de la liberté de quitter le territoire ; celle-ci ne valant que parce ce qu’elle assure le contenu de la liberté d’aller et venir, ordonnée à son tour, en dernier ressort, à la réalisation de la liberté personnelle.
b. La liberté du mariage, « composante » de la liberté personnelle
Le Conseil constitutionnel réserve un traitement identique à la liberté du mariage. De jurisprudence constante, le juge constitutionnel qualifie la liberté du mariage de « composante de la liberté personnelle »[84]. Dans une première version de sa jurisprudence, le juge constitutionnel évoquait même « le principe de la liberté du mariage » comme composante de la liberté individuelle.
Plus récemment, le Conseil constitutionnel a même affirmé que cette liberté du mariage se doublait « d’une liberté de mettre fin aux liens du mariage »[85] sans que l’on sache précisément s’il faut entendre cette dernière comme composante de la liberté du mariage ou comme composante, à part entière, à l’instar de la liberté du mariage, de la liberté personnelle.
c. La liberté d’entreprendre, « composante » de la liberté personnelle
Entrée au « pays des droits fondamentaux »[86] à peu près à la même époque que les libertés d’aller et venir et la liberté du mariage, la liberté d’entreprendre obéit également à la même logique. D’une part, elle découle de l’exigence de liberté que vient formaliser l’article 4 de la Déclaration, d’autre part, elle se résout matériellement dans l’exigence de libre exercice de cette activité[87]. Répondent de cette seconde exigence : la liberté de choix dans l’embauche, expressément entendue par le juge constitutionnel comme une « conséquence » de la liberté d’entreprendre[88] ou encore la liberté de se « désengager d’une activité » implicitement évoquée par le juge constitutionnel mais explicitement reconnue dans ses « commentaires autorisés »[89]. Il y a là un véritable processus d’engendrement normatif statique. En effet, la liberté laissée à un individu de se désengager de l’activité qu’il exerce tout comme celle permettant de choisir ses collaborateurs à l’embauche, ne valent pas tant à raison de leur position dans la hiérarchie des normes, qu’on ne saurait exactement situer, sauf à les rattacher de très loin à l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme, mais bien plus à raison de ce que leur contenu réalise le contenu que le jurislateur assigne à la liberté d’entreprendre.
2 – Les « conditions » normatives de la démocratie
La jurisprudence du Conseil constitutionnel fonctionne de façon similaire à propos de l’idéal démocratique. Elle laisse apparaître au moins deux normes distinctes contribuant à son effectivité. Chacune d’entre elles est alors présentée, par le juge, comme une « condition » de la démocratie. Il s’agit à la fois de la liberté d’expression et de communication (a) mais également du pluralisme des idées et des opinions (b).
a. La liberté d’expression et de communication, « condition » de la démocratie
La liberté d’expression et de communication fait l’objet d’un traitement spécifique dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui l’érige en véritable condition de la démocratie. Le considérant de principe du juge constitutionnel est bien connu[90] et autorise à penser que la validité de cette norme déborde largement le strict cadre formel de son rattachement textuel. La lecture des décisions du Conseil constitutionnel laisse apparaître que la validité normative de la liberté d’expression est bien matérielle. Suivant l’argumentation du juge, cette dernière vaut, avant tout, à raison de ce que son contenu particularise le contenu, largement indéterminé au demeurant, de l’idée de démocratie. En d’autres termes, la jurisprudence du Conseil constitutionnel autorise à penser que le contenu de la liberté d’expression s’inscrit bien dans une chaîne normative dont le point de départ réside dans la reconnaissance, par le jurislateur, d’une norme démocratique.
Par ailleurs, le juge constitutionnel a précisé les maillons de cette chaîne dont la liberté d’expression et de communication ne constitue assurément pas le point d’arrivée mais bien une simple étape dans un processus plus général d’engendrement normatif statique. Le juge a ainsi affirmé, à plusieurs reprises, que le droit d’expression collective des idées et des opinions découlait à son tour directement de la liberté d’expression et de communication[91]. En un mot le contenu particulier du droit d’expression collective des idées et des opinions est réputé réaliser le contenu plus général de la liberté d’expression et de communication. Ce « droit inédit »[92] , pour reprendre l’expression de Guy Carcassonne, d’expression collective des idées et des opinions, puise, à son tour, sa validité, dans le contenu d’un autre droit, la liberté de se réunir[93]. En somme, cette norme est bien, sous une appellation plus générale, « le vecteur d’intégration de la liberté de réunion au sein des droits et libertés constitutionnellement garantis »[94].
b. Le respect des courants d’idées et d’opinions, « condition » de la démocratie
À côté de la liberté d’expression et de communication, le Conseil constitutionnel a fait du respect des courants d’idées et d’opinions une « condition » de la démocratie[95]. Il semblerait pour autant que la terminologie employée par le juge ne soit pas tout à fait arrêtée. Outre le fait que le juge emploie tantôt le terme d’objectif à valeur constitutionnelle[96], tantôt celui de principe[97] pour caractériser le pluralisme, il substitue bien souvent, également, au terme de « condition »[98] de la démocratie, le terme de « fondement »[99].
Cette hésitation terminologique perturbe pourtant la statique du droit à l’œuvre en la matière. En effet, tantôt, le pluralisme des idées et des opinions apparaît comme la norme générale située en amont du principe démocratique, dans l’hypothèse où il en constitue le « fondement », tantôt, au contraire, il se présente bel et bien comme un élément d’un tout permettant de le constituer, de le réaliser, dans l’hypothèse où il en constitue la « condition ».
B. Les logiques de l’engendrement normatif
L’irruption des droits fondamentaux dans un ordre juridique donné tend à subvertir le processus d’engendrement normatif à l’œuvre en son sein. En se multipliant, les normes exprimant des droits fondamentaux débordent inévitablement les cadres traditionnels de la production normative et contribuent à troubler la hiérarchie structurelle fixe de l’ordre juridique dans lequel elles apparaissent. Ce trouble peut se caractériser, on l’a vu, par l’apparition de nouvelles catégories langagières de référence et la consécration de nouvelles normes qui n’obéissent plus totalement aux canons des représentations traditionnelles.
En droit constitutionnel français, le processus d’engendrement statique des normes, qui entérine le phénomène de développement des droits fondamentaux, se nourrit de deux logiques étroitement liées qui alimentent alors le raisonnement des juges constitutionnels : une logique d’implication (1) et une logique d’incidence (2). L’analyse des décisions du Conseil constitutionnel laisse apparaître la porosité de cette distinction.
1 – Une logique générale d’implication normative
Du point de vue de leur engendrement normatif, les normes exprimant des droits fondamentaux impliquent statiquement d’autres normes exprimant elles aussi des droits fondamentaux. Dans la jurisprudence constitutionnelle, la logique d’implication normative, c’est-à-dire d’engendrement direct, est à l’œuvre s’agissant du droit au respect de la vie privée (a), du droit à l’individualisation des peines (b), de la liberté de communication (c) ou encore du droit d’asile (d).
a. Les implications normatives du droit au respect de la vie privée
Le Conseil constitutionnel rattache formellement le droit au respect de la vie privée à l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Toutefois, à plusieurs reprises, le juge constitutionnel a directement déduit de ce droit, un second droit, celui de « l’inviolabilité du domicile »[100]. La déduction se fait bien sur le mode statique du particulier sous le général, comme en atteste l’usage, par le juge, de l’expression « en particulier » pour la consécration de ce droit.
La statique du droit est plus trouble s’agissant du droit au secret des correspondances, ouvertement reconnu par le Conseil constitutionnel[101], dont on ne sait s’il est impliqué par le droit au respect de la vie privée ou s’il coexiste simplement avec lui, au même plan normatif.
b. Les implications normatives du droit à l’individualisation des peines
Le Conseil constitutionnel mobilise un raisonnement similaire à propos du droit à l’individualisation des peines qu’il rattache formellement à l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Celui-ci implique qu’une sanction administrative « ne puisse être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce »[102]. La logique d’implication à l’œuvre fait apparaître deux normes exprimant un droit fondamental : un droit au juge dans le prononcé de la peine ainsi qu’un droit à la « circonstanciation » de la peine à l’espèce en question. Là encore, on peine à situer avec exactitude ces deux normes dans la hiérarchie formelle des normes.
c. Les implications normatives de la liberté d’expression et de communication
De nombreuses décisions confortent la position spécifique – entrevue précédemment – de la liberté d’expression et de communication dans le processus d’engendrement normatif. Celle-ci possède un véritable potentiel « matriciel ». Pour preuve, le juge constitutionnel estime, depuis plus de vingt ans, que la liberté d’expression et de communication « implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée »[103]. Il s’agit bien là d’un processus d’engendrement normatif statique qui, comme le note André Roux, vient bien « enrichir le contenu »[104] de cette liberté d’expression et de communication en le particularisant.
Procédant à l’identique, le juge a considéré, dans un « considérant de principe », que la liberté d’expression et de communication implique également la liberté d’accéder aux services de communication au public en ligne[105].
d. Les implications normatives du droit d’asile
La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit d’asile illustre également la mobilisation d’un raisonnement de type statique. Si le juge rattache bien le droit d’asile à l’alinéa 4 du Préambule de la Constitution de 1946, il ne l’érige pas moins en norme matricielle dont peuvent directement se déduire certaines normes exprimant à leur tour des droits fondamentaux. Ainsi, le juge a pu estimer que le droit d’asile faisait naître une forme de droit à l’équité en énonçant, à deux reprises au moins, qu’il « implique que les demandeurs du statut de réfugié bénéficient d’une protection particulière »[106].
De la même façon, le juge a précisé dans la décision 93-325 DC que le droit d’asile implique un droit, pour l’étranger, à demeurer temporairement sur le territoire d’arrivée[107], le temps de l’examen de la demande[108].
2 – Une logique accessoire d’incidence normative
À l’usage expresse du terme « implique », le juge substitue parfois, l’usage d’un autre terme, tel que « comporte » ou « comprend ». Cette substitution ne change, toutefois, pas grand-chose à la logique statique qui commande aux normes concernées. On en trouve traces s’agissant du droit de mener une vie familiale normale (a) mais également du droit à un recours juridictionnel effectif (b).
a. Les incidences normatives du droit de mener une vie familiale normale
Dans la décision 93-325 DC, le juge estime que le droit de mener une vie familiale normale pour les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière, « comporte en particulier la faculté pour ces étrangers de faire venir auprès d’eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs ». En somme, le droit de mener une vie familiale normale inclut en quelque sorte, un droit au regroupement familial. Cet exemple confirme le caractère matriciel de cette norme et sa capacité à engendrer statiquement un certain nombre d’autres normes. La lecture en négatif du droit de mener une vie familiale normale, à propos de la question du mariage entre personnes de même sexe le confirme ; le juge ayant affirmé, à l’époque, que « le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe »[109]. Ce dernier exemple illustre par ailleurs l’emploi indifférent des termes « implique » ou « comporte ».
b. Les incidences normatives du droit à un recours juridictionnel effectif
L’interchangeabilité des termes s’illustre également à travers le droit à un recours juridictionnel effectif qui « comprend », d’après le juge constitutionnel le droit d’obtenir l’exécution des décisions juridictionnelles[110]. Ce faisant, celui-ci s’entend d’une véritable « composante »[111], pour reprendre le terme d’Hélène Surrel, du droit à un recours juridictionnel effectif.
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Tous ces exemples montrent que le juge constitutionnel français organise, dans le creux de la hiérarchie formelle des normes juridiques, une véritable hiérarchie matérielle. Celle-ci se caractérise par l’idée que certains contenus normatifs spécifiques, protégés par l’ordre juridique pour ce qu’ils sont, ou plutôt pour ce qu’ils valent, sont susceptibles d’irriguer l’ensemble du droit positif et commandent en partie à sa production normative.
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de la mise en lumière de cette statique des normes constitutionnelles, en cours de construction. D’une part, sa mise en évidence donne une certaine consistance, en droit positif, au concept de droits fondamentaux. Elle rappelle que les droits fondamentaux ne peuvent accéder au droit positif avant d’avoir accédé au statut de norme juridique. Dans ces conditions toute connaissance du concept de droit fondamental suppose un effort préalable de délimitation du concept de norme, qui peut – et doit – encore être affiné par la dogmatique juridique. D’autre part, la mise en lumière de la statique du droit constitutionnel français montre avant tout les limites du concept de « norme constitutionnelle » réputé épuiser à lui seul celui de droit fondamental et son incapacité, faute d’une extension satisfaisante, de canaliser le phénomène si particulier du développement des droits fondamentaux. Par-là, elle illustre la richesse du concept même de « norme » et témoigne ouvertement de l’existence d’une normativité substantielle à l’œuvre dans l’ordre juridique français, tout autant que de sa vigueur à soutenir – en partie – la normativité structurelle autour de laquelle l’ordre juridique s’agence.
En somme, la normativité substantielle des droits fondamentaux, la fondamentalité, peut espérer trouver le véritable critère de son concept dans son genre de rattachement, la norme, et dans les conditions propres à son engendrement. L’engendrement de la fondamentalité, ou du moins des normes les plus fondamentales d’un ordre juridique, qui opère essentiellement selon un procédé statique permet alors à la fois de comprendre qu’il est dans la logique des droits que l’on qualifie de fondamentaux d’essaimer mais également de saisir par-là, combien la plus parfaite mécanique du droit est toujours impuissante à canaliser durablement un phénomène juridique sans cesse recommencé.
[1] V. par ex., M. Deslandres, « La crise de la science politique et le problème de la méthode », Revue du droit public, 1900, n°1, p. 5 et s., ; R. Saleilles, « Y-a-t-il vraiment une crise de la science politique ? »[1903], reprod. Dalloz, « Tiré à part », 2012 ; H. Heller, Die Krisis der Staatslehre [1926], reprod. in La Crise de la théorie de l’État, tr. fr. O. Jouanjan, Dalloz, « Tiré à part », 2012 ; S. Trentin, La crise du droit et de l’État, L’Églantine, 1936 ; G. Ripert, Le déclin du droit: études sur la législation contemporaine, LGDJ, 1949 ; G. Burdeau, « Une survivance : la notion de Constitution » in L’évolution du droit public : études offertes à Achille Mestre, Sirey, 1956, p. 53.
Pour des ex. plus récents v. J. Lenoble (dir.), La crise du juge, Story-Scientia, LGDJ, « La pensée juridique moderne », 1990 ; J.-B. Auby, « La bataille de San Romano. Réflexions sur les évolutions récentes du droit administratif », Actualité juridique du droit administratif, 2001, p. 912 et s. ; J.-F. Kervégan (dir.), Crise et pensée de la crise en droit : Weimar, sa république et ses juristes, ENS, « Theoria », 2002 ; V. Forray, « La jurisprudence, entre crise des sources du droit et crise du savoir des juristes », Revue trimestrielle de droit civil, 2009, n°3, p. 463 et s. ; B. Frydman, Le sens des lois: histoire de l’interprétation et de la raison juridique, Bruylant, « Penser le droit », 2011, p. 13 ; P. Pararas, « La culture constitutionnelle européenne en crise », in Humanisme et droit. Offert en hommage au Professeur Jean Dhommeaux, Pedone, 2013, p. 375 et s. ;
[2] Sur la mutabilité du droit, v. J.-L. Bergel, Théorie générale du droit, Dalloz, « Méthodes du droit », 5ème éd, 2012, no 97, p. 124 et s.
[3] O. Jouanjan, « Modèles et représentations de la justice constitutionnelle en France : un bilan critique », Juspoliticum, 2009, n°2 ; X. Magnon, « Pour un moment épistémologique du droit », Annuaire international de justice constitutionnelle, 2015, vol. 31, p. 13 et s. ; R. Ponsard, « La possibilité d’une analyse du droit (constitutionnel) scientifiquement et juridiquement critique », Annuaire international de justice constitutionnelle, 2015, vol. 31, p. 37 et s. ; R. Ponsard Les moyens d’une analyse scientifiquement et juridiquement critique : l’exemple de l’étude des décisions du Conseil constitutionnel », Annuaire international de justice constitutionnelle, 2015, vol. 31, p. 65-90 ; v. égal. N. Irti, Nichilismo giuridico [2004], tr. fr. A.-M. Bertinotti, P. Alvazzi Del Frate et N. Hakim, Le nihilisme juridique, Dalloz, « Les rivages du droit », 2017, p. 99.
[4] L. Rolland, « Sur les notions juridiques indéterminées. Les tiers en droit privé québécois, ces étranges étrangers », Revue générale du droit, 2005, n°35, p. 533-551, notamment p. 535.
[5] É. Picard, « Préface », in. X. Souvignet, La Prééminence du droit dans le droit de la Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, « Droit de la Convention européenne des droits de l’homme », 2012, p. XXI.
[6] E. Goblot, Traité de logique, Armand Colin, 1918, p. 87.
[7] X. Bioy, « Notions et concepts en droit : interrogations sur l’intérêt d’une distinction », in G. Tusseau (dir.), Les notions juridiques, Economica, « Études juridiques », 2009, p. 32.
[8] V. notamment sur ce sujet, T. Fortsakis, Conceptualisme et empirisme en droit administratif français, LGDJ, « Bibliothèque de droit public », p. 300 et s.
[9] R. Ponsard, « La possibilité d’une analyse du droit (constitutionnel) scientifiquement et juridiquement critique », art. cit., p. 60.
[10] Remarquablement mis en lumière par É. Picard, « L’émergence des droits fondamentaux en France », Actualité juridique du Droit administratif, 1998, n°s, p. 6 et s.
[11] À ce propos, v. M.-J. Redor, De l’État légal à l’État de Droit : L’évolution des conceptions de la doctrine publiciste française, 1879-1914, Economica, « Droit public positif », 1992 ; v. égal. L. Favoreu, « Légalité et constitutionnalité », Cahiers du Conseil constitutionnel, 1997, n°3.
[12] M.-L. Pavia, « Éléments de réflexion sur la notion de droit fondamental », Les petites affiches, 6 mai 1994, n°54.
[13] M. Mekki, « La fondamentalisation du droit de la preuve : réflexion sur les dangers d’un ‘’droit à la vérité’’ », Revue de droit d’Assas, 2015, n°11, p. 58.
[14] Y. Madiot, « Universalisme des droits fondamentaux et progrès du droit » in La protection des droits fondamentaux, PUF, « Publications de la Faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers », 1993, p. 58.
[15] Robert Badinter et Bruno Genevois, « Normes de valeur constitutionnelle et degré de protection des droits fondamentaux », Revue française de droit administratif, 1990, n°3.
[16] À ce propos v. L. Hennebel, « Classement et hiérarchisation des droits de l’Homme », Annuaire international de justice constitutionnelle, 2011, n° 26, pp. 423-435, notamment pp. 430-433 ; « D. Roman et S. Hennette-Vauchez, Droits de l’homme et libertés fondamentales, Dalloz, « Hypercours », 2020, p. 10 et s.
[17] À ce propos v. V. Champeil-Desplats, « La notion de droit ’fondamental’ et le droit constitutionnel français », Recueil Dalloz, 1995, n°42, p. 323 et s.
[18] E. Dreyer, « La Fonction des droits fondamentaux », Recueil Dalloz, 2006, n°11, p. 748 et s.,
[19] Sur la généralisation de l’approche structurelle du droit v. G. Peces-Barba, « De la fonction des droits fondamentaux », in Le patrimoine constitutionnel européen, Conseil de l’Europe, « Science et technique de la démocratie », 1997, pp. 210-222 ; v. égal. N. Bobbio, De la structure à la fonction: nouveaux essais de théorie du droit, Tr. fr. D. Soldini, Dalloz, « Rivages du droit », 2012.
[20] V. notamment L. Favoreu et alii, Droit des libertés fondamentales, Dalloz, « Précis », 2015, 7e éd., p. 70.
[21] Ibid., p. 68.
[22] Ibid., p. 83.
[23] Ibid., p. 88.
[24] J.-É. Gicquel, « La dimension constitutionnelle des droits fondamentaux », in R. Cabrillac, Libertés et Droits fondamentaux, Dalloz, « Hors collection », 2020 p. 92.
[25] É. Picard, « L’émergence des droits fondamentaux en France », art. cit.
[26] P. Amselek, « Une fausse idée claire : la hiérarchie des normes juridiques », Revue de la recherche juridique. Droit prospectif, 2007, n° 5, pp. 557 et s.
[27] Par ex., R. Dumas, Essai sur la fondamentalisation du droit des affaires, L’harmattan, « Logiques juridiques », 2008 ; A. Meynier, « le rôle des concepts dans la fondamentalisation du droit de l’environnement », in P. Milon, D. Samson (dir.), Révolution juridique, révolution scientifique. Vers une fondamentalisation du droit de l’environnement, Puam, « droits de l’environnement », 2015, pp. 113-131.
[28] V. Lasserre-Kiesow, « L’ordre des sources ou le renouvellement des sources du droit », Recueil Dalloz, 2006, n°33, p. 2279 et s.
[29] V. Champeil-Desplats, « La notion de droit ’fondamental’ et le droit constitutionnel français », art. cit.
[30] É. Picard, « L’émergence des droits fondamentaux en France », art. cit.
[31] Pour une assimilation du concept de droit fondamental au concept de norme, v. L. Ferrajoli, Théorie des droits fondamentaux, tr. fr. E. Bottini, in D. Chagnollaud, M. Troper (dir.), Traité international de droit constitutionnel, t. 3, Théorie de la Constitution, Dalloz, « Traités », 2012, p. 209-232 notamment p. 217.
[32] É. Picard, « L’émergence des droits fondamentaux en France », art. cit.
[33] J. Jeanneney, « La réclamation en droit constitutionnel », in D. Rousseau (dir.), Réclamer en démocratie, Mare et Martin, « Institut des Sciences Juridique et Philosophique de la Sorbonne »,p. 56.
[34] H. Kelsen, Die philosophischen Grundlagen der Naturrechtslehre und des Rechtspositivismus [1928], tr. fr. V. Faure, La doctrine du droit naturel et le positivisme juridique, in Théorie générale du droit et de l’État, tr. B. Laroche, LGDJ, « La pensée juridique », 1997, p. 445.
[35] À ce sujet v. notamment P. Amselek, « Les fonctions normatives ou catégories modales », in L’achitecture du droit. Mélanges en l’honneur de Michel Troper, Economica, 2005, p. 51-77.
[36] H. Kelsen, Reine rechtslehre [1960], tr. fr. C. Eisenmann, Théorie pure du droit [1962], réimp. LGDJ, « La pensée juridique », 1999, p. 195.
[37] Id.
[38] Ibid., p. 196.
[39] Id.
[40] Id.
[41] H. Kelsen, Reine rechtslehre, tr. ad. fr. H. Thévenaz, Théorie pure du droit, suivie de M. Van De Kerchove, L’influence de Kelsen sur les théories du droit dans l’Europe francophone, éd. de la Baconnière, « être et penser », 1988, 2e éd., p. 123.
[42] H. Kelsen, Reine rechtslehre [1960], tr. fr. C. Eisenmann, Théorie pure du droit [1962], op. cit., p. 196.
[43] O. Pfersmann, « Controverse autour de l’ouvrage de Norberto Bobbio, De la structure à la fonction. Nouveaux essais de théorie du droit », Revue du droit public, 2013, n°2, p. 239-259, notamment p. 247.
[44] H. Kelsen, Die philosophischen Grundlagen der Naturrechtslehre und des Rechtspositivismus [1928], tr. fr. V. Faure, La doctrine du droit naturel et le positivisme juridique, in Théorie générale du droit et de l’État, tr. B. Laroche, LGDJ, « La pensée juridique », 1997, p. 440.
[45] H. Kelsen, Reine rechtslehre [1960], tr. fr. C. Eisenmann, Théorie pure du droit [1962], op. cit., p. 27.
[46] H. Kelsen, Reine rechtslehre, tr. ad. fr. H. Thévenaz, Théorie pure du droit, suivie de M. Van De Kerchove, L’influence de Kelsen sur les théories du droit dans l’Europe francophone, op. cit., p. 122.
[47] R. Ponsard, « La possibilité d’une analyse du droit (constitutionnel) scientifiquement et juridiquement critique », art. cit., p. 42.
[48] É. Picard, « L’émergence des droits fondamentaux en France », art. cit.
[49] H. Kelsen, Reine rechtslehre [1960], tr. fr. C. Eisenmann, Théorie pure du droit [1962], op. cit., p. 196.
[50] Id.
[51] Id.
[52] H. Kelsen, Reine rechtslehre, tr. ad. fr. H. Thévenaz, Théorie pure du droit, suivie de M. Van De Kerchove, L’influence de Kelsen sur les théories du droit dans l’Europe francophone, op. cit., p. 122.
[53] Ibid., p. 122-123.
[54] H. Kelsen, General theory of law and state [1945], tr. fr., B. Laroche, Théorie générale du droit et de l’État suivi de La doctrine du droit naturel et le positivisme juridique, Bruylant, LGDJ, « La pensée juridique », 1997, p. 166.
[55] H. Kelsen, Reine rechtslehre [1960], tr. fr. C. Eisenmann, Théorie pure du droit [1962], op. cit., p. 195.
[56] Id.
[57] B. Mathieu, « Pour une reconnaissance des principes matriciels » en matière de protection constitutionnelle des droits de l’homme, Recueil Dalloz, 1995, n°27, p. 211 et s. ; M. Fromont, « La révision de la Constitution et les règles constitutionnelles intangibles en droit allemand », Revue du droit public, 2007, n°1, p. 89 et s.
[58] N. Bobbio, L’Età dei diritti, Einaudi, « Tascabili », 1997.
[59] B. Mathieu, « Pour une reconnaissance des principes matriciels » en matière de protection constitutionnelle des droits de l’homme », art. cit. ; J.-B. Perrier, « Loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2011, n°2, p. 425.
[60] B. De Lamy, « Au-delà de l’immunité humanitaire : la fraternité comme principe constitutionnel », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2018, n°4, p. 1001 et s. ; M. Verpeaux, « Fraternité et Constitution – Constitutionnalisation et Constitution », Revue française de droit administratif, 2018, n°5, p. 966 et s. ; É. Debaets et N. Jacquinot, « Droit constitutionnel », Recueil Dalloz, 2019, n°22, p. 1248 et s. ;
[61] F. Lemaire, « La notion de non-discrimination dans le droit français : un principe constitutionnel qui manque ? », Revue française de droit administratif, 2010, n°2, p. 301 et s.
[62] B. Mathieu, « Rétroactivité des lois fiscales et sécurité juridique : l’application concrète d’un principe implicite », Revue française de droit administratif, 1999, n° 1, p. 89 et s. ; G. Eveillard, « Sécurité juridique et dispositions transitoires », Actualité juridique du droit administratif, 2014, n° 9, p. 492 et s.
[63] P. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, « Action », 2017, 11e éd., p. 1284.
[64] B. Mathieu, « La promotion constitutionnelle de la liberté contractuelle en matière de droit du travail », Recueil Dalloz, 2003, n° 10, p. 638 et s. ; L. D’Avout, « La liberté d’entreprendre au bûcher ? », Recueil Dalloz, 2014, n° 22, p. 1287.
[65] W. Baranès, M.-A. Frison-Roche, « Le souci de l’effectivité du droit », Recueil Dalloz, 1996, n° 35, p. 301 et s.
[66] C. Radé, « La solitude du gréviste », Droit social, 1997, n° 4, p. 368 et s.
[67] D. Kochenov, L. Pech, S. Platon, « Ni panacée, ni gadget : le « nouveau cadre de l’Union européenne pour renforcer l’État de droit », Revue trimestrielle de droit européen, 2015, n° 4, p. 689 et s.
[68] D. Truchet, « La dignité et les autres domaines du droit », Revue française de droit administratif, 2015, n° 6, p. 1094 et s.
[69] À ce propos v. L. Burgorgue-Larsen, « Les Concepts de liberté publique et de droit fondamental », in J.-B. Auby, L’influence du droit européen sur les catégories du droit public, Dalloz, « Études », 2009, pp. 389-407, notamment p. 398. ; v. égal. D. Grimm, « L’interprétation constitutionnelle. L’exemple du développement des droits fondamentaux par la Cour constitutionnelle fédérale », Juspoliticum, 2011, n°6.
[70] V. Champeil-Desplats, « Le Conseil constitutionnel, protecteur des droits et libertés ? », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, 2011, n°9, p. 11-22.
[71] G. Vedel, « Le Conseil constitutionnel, gardien du droit positif ou défenseur de la transcendance des droits de l’homme », Pouvoirs, 1988, n° 45, p. 149 et s.
[72] G. Lebreton, Libertés publiques et droits de l’homme, Sirey, « Université », 2008, 8e éd., p. 36.
[73] C. C., déc. n° 80-127 DC du 20 janvier 1981, cons. 47 : « qu’ainsi la procédure critiquée ne permet aucune atteinte aux droits de la défense et notamment ne modifie en rien les conditions dans lesquelles s’exerce le contrôle de l’instruction en matière criminelle par la règle du double degré applicable aux décisions juridictionnelles ; que, dès lors, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’éventuelle valeur constitutionnelle de ce dernier principe, il convient de déclarer que ladite procédure n’est pas contraire à la Constitution ».
On notera que le juge constitutionnel a fait de même s’agissant du droit de propriété, à travers la référence ouvertement revendiquée à l’inaliénabilité du domaine public, C. C., déc. n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, cons. 88.
[74] La valeur constitutionnelle du double degré de juridiction est même ouvertement niée, et ce, de jurisprudence constante. V. par ex. C. C., déc. n° 2013-338/339 QPC du 13 septembre 2013, cons. 8.
[75] F. Luchaire, « Note sous C. C.13 décembre 1985 », Recueil Dalloz, 1986, n° 27, p. 345-351, notamment p. 351. ; v. égal. F. Luchaire, « Un Janus constitutionnel : l’égalité », Revue du droit public, 1986, n° 1, p. 1229-1274, notamment p. 1253.
[76] N. Rousselier, La force de gouverner, Gallimard, « NRF Essais », 2015, p. 567 et s.
[77] J. Rivero, « Fin d’un absolutisme », Pouvoirs, 1980, n° 13.
[78] T. Renoux, « Techniques juridictionnelles et procédurales », Annuaire international de justice constitutionnelle, 1985, n° 1, p. 138.
[79] 57 décisions « L » rendues à la fin des « années soixante » sur les 285 rendues par le Conseil constitution à ce jour.
[80] 8 décisions « FNR » rendues à la fin des « années soixante » sur les 12 rendues par le Conseil constitutionnel à ce jour.
[81] P. Amselek, « Une fausse idée claire : la hiérarchie des normes juridiques », art. cit.
[82] C. C., déc. n° 2019-805 QPC du 27 sept. 2019, § 9 ; C. C., déc. n° 2018-770 DC du 6 sept. 2018, § 87 ; C. C., déc. n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, § 28 ; C. C., déc. n° 2018-762 DC du 15 mars 2018, , § 9 ; C. C., déc. n°2017-691 QPC du 16 fév. 2018, § 12 ; C. C., déc. n° 2017-684 QPC du 11 janv. 2018, § 3 ; C. C., déc. n° 2017-677 QPC du 1er déc. 2017, § 3 ; C. C., déc. n°2017-674 QPC du 1er déc. 2017, § 4 ; C. C., déc. n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017, § 3 ; C. C., déc. n° 2017-624 QPC du 16 mars 2017, § 13 ; C. C., déc. n° 2016-606/607 QPC du 24 janv. 2017, § 19 ; C. C., déc. n° 2015-527 QPC du 22 déc. 2015, cons. 8 ; C. C., déc. n° 2015-468/469/472 QPC du 22 mai 2015, cons. 2 ; C. C., déc. n° 2013-318 QPC du 7 juin 2013, cons. 12 ; C. C., déc. 2012-279 QPC du 5 oct. 2012, cons. 15 ; C. C., déc. n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, cons. 53 ; C. C., déc. n° 2010-13 QPC du 9 juil. 2010, cons. 8.
[83] C. C., déc. n°2015-490 QPC du 14 octobre 2015, cons. 4 ; C. C., déc. n° 97-389 DC du 22 avril 1997, cons. 9 ; C. C., déc. n°93-325 DC du 13 août 1993, cons. 103.
[84] C. C., déc. n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, cons. 23 ; C. C., déc. n° 2012-260 QPC du 29 juin 2012, cons. 4 ; C. C., déc. n° 2012-261 QPC du 22 juin 2012, cons. 5 ; 2010-92 QPC du 28 janv. 2011, cons. 6 ; C. C., déc. n°2006-542 DC du 9 nov. 2006, cons. 4 ; C. C., déc. n°2003-484 DC du 20 nov. 2003, cons. 94 ; C. C., déc. n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons. 107.
[85] C. C., décision n°2016-557 QPC du 29 juil. 2016, § 5.
[86] V. Champeil-Desplats, « La liberté d’entreprendre au pays des droits fondamentaux », Revue de droit du travail, 2007, n° 1, p. 19 et s.
[87] C. C., déc. n° 2012-285 QPC du 30 nov. 2012, cons. 7.
[88] C. C., déc. n° 88-244 DC du 20 juil. 1988, cons. 22.
[89] Commentaire de la déc. n° 2014-692 DC du 27 mars 2014, p. 7 ; Commentaire de la déc. n° 2001-455 DC du 12 janv. 2002, p. 5.
[90] C. C., déc. n°2019-796 DC du 27 déc. 2019, § 82 ; C. C., déc. n°2018-773 DC du 20 déc. 2018, § 15 ; C. C., déc. n° 2018-706 QPC du 18 mai 2018, § 19 ; C. C., déc. n° 2017-693 QPC du 2 mars 2018, § 6 ; C. C., déc. n°2017-682 QPC du 15 déc. 2017, § 4 ; C. C., déc. 2017-747 DC du 16 mars 2017, § 9 ; C. C., déc. n° 2016-611 QPC du 10 fév. 2017, § 5 ; C. C., déc. n°2016-745 DC du 26 janv. 2017, § 192 ; C. C., déc. n° 2016-738 DC du 10 nov. 2016, § 17 ; C. C., déc. n° 2015-512 QPC du 8 janv. 2016, § 5 ; C. C., déc. n° 2013-319 QPC du 7 juin 2013, cons. 3 ; C. C., déc. n° 2013-311 QPC du 17 mai 2013, cons. 4 ; C. C., déc. n° 2012-647 DC du 28 fév. 2012, cons. 5 ; C. C., déc. n° 2011-131 QPC du 20 mai 2011, cons. 3 ; C. C., déc. n° 2010-3 QPC du 28 mai 2010, cons. 6 ; C. C., déc. n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, cons. 15 ; C. C., déc. n° 84-181 DC du 11 oct. 1984, cons. 37.
[91] C. C., déc. n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, § 17 ; C. C., déc. n° 2019-780 DC du 4 avril 2019, § 8 ; C. C., déc. n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, § 43 ; C. C., déc. n° 2°16-535 QPC du 19 fév. 2016, cons. 3 ; C. C., déc. n° 2010-604 DC du 25 fév. 2010, cons. 4 ; C. C., déc. n° 94-352 DC du 18 janv. 1995, cons. 16.
[92] G. Carcassonne, « Les interdits et la liberté d’expression », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, 2012, n° 36.
[93] L. Favoreu et alii, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 2018, 19e éd., pp. 688-689.
[94] J. Bonnet, A. Roblot-Troizier, « Chronique de droits fondamentaux et libertés publiques », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2016, n° 5.
[95] C. C., déc. n° 2007-550 DC du 27 fév. 2007, cons. 15 ; C. C., déc. n° 2004-497 DC du 1 juil. 2004, cons. 23.
[96] C. C., déc. n° 2004-497 DC du 1 juil. 2004, déc. cit.
[97] C. C., déc. n° 2019-811 QPC du 25 oct. 2019, § 7 ; C. C., déc. n° 2°19-1-2 RIP du 15 oct. 2019, § 3.
[98] Par ex., C. C., déc. n° 2007-550 DC du 27 fév. 2007, déc. cit. ; C. C., déc. n° 2004-497 DC du 1 juil. 2004, déc. cit.
[99] Par ex., C. C., déc. n° 2019-811 QPC du 25 oct. 2019, déc. cit. ; C. C., déc. n° 2°19-1-2 RIP du 15 oct. 2019, déc. cit.
[100] C. C., déc. n° 2019-772 QPC du 5 avr. 2019, § 8 ; C. C. déc. n° 2016-541 QPC du 18 mai 2016, § 5 ; C. C., déc. n° 2015-464 QPC du 9 avr. 2015, cons. 3 ; C. C., déc. n° 2013-679 DC du 4 déc. 2013, cons. 38 ; C. C., déc. n° 2013-357 QPC du 29 nov. 2013, cons. 6.
[101] C. C., déc. n° 2016-738 DC du 10 nov. 2016, § 18 ; C. C., déc. n° 2016-590 QPC du 21 oct. 2016, § 3.
[102] C. C., déc. n° 2019-815 QPC du 29 nov. 2019, § 4 ; C. C., déc. n° 2019-770 QPC du 29 mars 2019, § 5 ; C. C., déc. n° 2018-742 QPC du 26 oct. 2018, § 5 ; C. C., déc. n° 2018-731 QPC du 14 sept. 2018, § 5 ; C. C., déc. n° 2018-710 QPC du 1er juin 2018, § 16 ; C. C., déc. n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018, § 8 ; C. C., déc. n° 2011-218 DC du 3 fév. 2012, cons. 6.
[103] C. C., déc. n° 94-345 DC du 29 juil. 1994, cons. 6.
[104] A. Roux, « Contrôle de constitutionnalité de la loi du 4 août 1995 relative à l’emploi de la langue française », Recueil Dalloz, 1995, n° 36, p. 303 et s.
[105] Par ex., C. C., déc. n° 2019-796 DC du 27 déc. 2019§ 81 ; C. C., déc. n° 2017-682 QPC du 15 déc. 2017, § 3 ; C. C., déc. n° 2016-611 QPC du 10 fév. 2017, § 4.
[106] C. C., déc. n° 2003-485 DC du 4 déc. 2003, cons. 43 ; C. C., déc. n° 97-389 DC du 22 avr. 1997, cons. 26.
[107] À ce propos v. notamment P. Dumas, « L’accès des ressortissants des pays tiers au territoire des États membres de l’Union européenne », 2013, p. 491,
[108] C. C., déc. n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons. 84.
[109] C. C., déc. n° 2010-92 QPC du 28 janv. 2011, cons. 8.
[110] Par ex., C. C., déc. n° 2017-672 QPC du 10 nov. 2017, § 6 ; C. C., déc. n° 2014-455 QPC du 6 mars 2015, § 3.
[111] H. Surrel, « Conseil constitutionnel et jurisprudence de la CEDH », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, 2015, n° 48.