Vulnérabilité, handicap et vieillissement
CHAPITRE 3 – Vulnérabilité, handicap et vieillissement
Les politiques publiques mises en œuvre en matière de handicap et de vieillissement ont en commun de promouvoir la notion de société inclusive. Une société inclusive est une société dans laquelle tout est fait pour limiter les obstacles à la participation sociale des individus, une société suffisamment ouverte pour que chacun puisse y trouver sa place, quelles que soient ses faiblesses ou l’étendue de sa vulnérabilité. Une telle approche interroge les dispositifs actuels souvent structurés autour des institutions d’accueil. Penser la diversité des causes et des intensités de vulnérabilités invite à promouvoir la désinstitutionnalisation pour apporter aux personnes vulnérables un accompagnement parfaitement adapté, pour leur permettre d’évoluer en milieu ordinaire, « hors les murs », afin qu’elles puissent utilement avancer, lorsque cela est possible, vers une moindre vulnérabilité.
CONTRIBUTIONS :
Vulnérabilité, handicap et vieillissement.
Par François CAFARELLI, Maître de conférences en droit public à l’Université de La Réunion.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous faut expliquer pourquoi le choix a été fait d’associer la thématique du handicap et celle du vieillissement.
On peut observer aujourd’hui que le droit des personnes en situation de handicap et le droit qui s’applique aux personnes âgées sont des droits convergents. Les politiques publiques qui sont mises en œuvre, que ce soit en matière de handicap ou en matière de vieillissement, sont des politiques publiques qui convergent au fil des ans et on finit ainsi par adopter les mêmes paradigmes, les mêmes grilles de lecture, les mêmes outils pour accompagner ces publics qui peuvent parfois apparaître comme des publics vulnérables. L’autre élément qui explique cette convergence, c’est qu’il y a aujourd’hui un nombre important de personnes en situation de handicap qui vieillissent. L’amélioration des soins, des accompagnements fait qu’aujourd’hui on se retrouve face à des personnes en situation de handicap âgées. Nous avons également des personnes qui vieillissent et vieillir c’est rencontrer parfois des déficiences et c’est se retrouver dans des situations de handicap que l’on avait pas nécessairement envisagées.
Pour illustrer ce propos, on peut prendre en exemple, aujourd’hui, un jeune couple construisant une maison. Ce couple va penser à réaliser en rez-de-chaussée, une suite parentale avec une douche à l’italienne car sur les « vieux jours » du couple, s’il ne peut plus se déplacer, il aura toujours la possibilité de rester dans la maison sans avoir à la réaménager totalement. Il y a quelques années encore, on construisait une maison avec toutes les commodités à l’étage sans se soucier de la présence d’une chambre au rez-de-chaussée. On ne se projetait pas forcément et surtout on ne pensait pas aux désagréments liés au vieillissement qui pourraient survenir.
Pour revenir au vif du sujet, il s’agit bien ici de parler de vulnérabilité. Au cours des tables-rondes précédentes, on a déjà abordé cette notion en rappelant son origine latine « vulnerabilis ». On a rappelé également qu’une personne vulnérable est une personne qui peut être blessée ou qui risque de l’être. Il y a donc une double dimension à la notion de vulnérabilité qui peut être un état, une difficulté immédiate ou une simple potentialité. Cette double définition permet d’avoir une conception très universelle de la vulnérabilité c’est-à-dire qu’au fond tout le monde peut être vulnérable à un moment ou à un autre. Être vulnérable n’est donc pas une question liée à l’essence mais plutôt, dans la majorité des hypothèses, une conséquence de notre environnement. Finalement on retrouve, dans cette définition, deux sources à la vulnérabilité : des éléments liés à l’environnement mais aussi des éléments liés à l’individu.
La vulnérabilité, envisagée en droit, est une notion qui permet de transcender les frontières des catégories juridiques. Tout juriste sait que pour organiser le fonctionnement d’une société, il est important de définir des catégories délimitées. Cela facilite le travail de l’Administration et des juristes. En effet, si on place un individu dans une catégorie, on lui applique un régime et les choses sont extrêmement simples. Le problème est que la nature humaine est beaucoup plus complexe que cela et ne se réduit pas à quelques catégories, à quelques identités. On a dès lors besoin d’une notion qui peut transcender ces clivages pour adopter des réponses qui correspondent parfaitement à la situation des individus dans le but que le droit puisse apporter de façon plus systématique, une réponse circonstanciée face à une difficulté donnée. Tel est l’enjeu de la notion de vulnérabilité.
En matière de handicap et de vieillissement c’est assez net. S’agissant de handicap, il y a toujours eu la question de la majorité, de l’âge qui permet ou non d’être maintenu dans une institution. En matière de vieillissement, il y a la question de l’âge de la retraite, l’âge qui ouvre des droits et selon le vécu de chacun. Nous ne sommes pas tous égaux face à l’avancée en âge. Certaines personnes, arrivées à l’âge de la retraite, peuvent encore travailler ; d’autres, bien avant l’âge de la retraite, ne le peuvent plus. Ainsi, vouloir traiter ces questions avec une règle qui définit des catégories rigides, ce n’est pas apporter la meilleure des réponses aux difficultés rencontrées par les uns et les autres.
La vulnérabilité finalement permet d’aller au-delà de ces difficultés et rejoint une autre notion qui s’est développée en droit du handicap : la notion d’« inclusion », de « société inclusive ». L’idée est qu’un individu est en situation de handicap non pas parce qu’il a une déficience mais parce qu’il rencontre un environnement qui fait de sa déficience, un élément problématique. Prenons un exemple pour illustrer cela : si l’on éteint la lumière, une personne aveugle ne sera pas en situation de handicap. Ainsi, dans cet exemple, être non voyant n’est pas un handicap et peut même parfois être un avantage concurrentiel sur les autres dans certaines circonstances.
Cette notion de société inclusive est très importante car elle permet de déplacer l’analyse sur le terrain du contexte. Ce n’est donc pas la situation des personnes en tant que telle qui importe mais la façon dont la société va faire une place ou non à ces personnes, ou encore la façon dont la société va accompagner ces personnes ou non. En droit, il existe de nombreux textes qui permettent de dire que la notion de vulnérabilité commence à être traduite sur le terrain juridique, bien que cela reste très diffus et indirect puisqu’il n’y a pas de texte qui consacre expressément cette notion. De plus, les faits sont bien plus complexes que ce que le droit pourrait laisser penser. Ainsi, même si des textes permettent d’envisager les choses différemment, très souvent la réalité est bien plus triste et difficile.
Il s’agit de se concentrer sur les textes qui permettent de constater l’émergence d’une notion, d’un concept de vulnérabilité. Si l’on s’intéresse au handicap et au vieillissement, on peut prendre en exemple, s’agissant du handicap, l’hypothèse de l’accès à l’éducation. Pendant longtemps, on a considéré en France que les enfants en situation de handicap, et notamment ceux atteints de handicap psychique, n’avaient pas leur place à l’école et qu’il fallait les intégrer à des institutions spécialisées. Aujourd’hui, depuis la loi n°2005-102 du 11 février 2005 notamment, le paradigme a changé et on considère que le principe est l’accueil des enfants en situation de handicap dans les milieux ordinaires. La conséquence est que l’institution scolaire est obligée de tout mettre en œuvre pour définir pour cet enfant, un parcours adapté, des accompagnements adéquats afin que son handicap soit totalement compensé et qu’il puisse évoluer le plus « normalement » possible dans le milieu scolaire. En matière de vieillissement, on retrouve le même type d’exemples et depuis la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015. On constate que la notion d’inclusion, ainsi que tous les concepts jusque-là étaient propres au handicap, sont appliquées au vieillissement. L’âge devient un critère de discrimination prohibé, au même titre que le handicap. On constate que les « personnes âgées » peuvent parfois désigner une personne de confiance, qu’il existe des mesures pour empêcher la captation d’héritage, qu’il y a des principes pour lutter contre la maltraitance dans les institutions. La loi s’efforce véritablement à protéger les personnes âgées. Mais se développe également l’idée de maintien des personnes âgées dans la « vie ordinaire ». Bien souvent, on pensait que les personnes âgées devaient être envoyées dans des institutions mais aujourd’hui la règle est plutôt le maintien au domicile car lorsque l’on vieillit chez soi, on vieillit beaucoup plus sereinement, dans un milieu plus favorable. De la même façon, en matière d’aménagement des quartiers, de la ville, on oblige les communes à prendre en compte le vieillissement dans les transports. Cette question est cruciale à La Réunion où il existe une vraie difficulté d’établir un transport public performant qui permet les déplacements des personnes en situation de handicap et des personnes âgées. Des textes consacrent en outre des droits au profit des aidants familiaux pour qu’ils puissent véritablement accompagner les personnes qui resteraient à domicile. Des règles d’urbanisme permettent d’améliorer, d’aménager les logements à destination de ces personnes. Toutes ces mesures, par le passé, étaient réservées au handicap et depuis 2015, elles s’appliquent aussi aux personnes âgées. Il existe donc une véritable convergence et parler d’inclusion c’est parler de la nécessité de changer l’organisation sociale, l’organisation de la ville pour que le fait d’avoir des failles ne place pas la personne en situation de vulnérabilité.
Les textes sont assurément progressistes mais néanmoins la réalité reste assez froide. Ainsi en matière d’insertion des publics de personnes en situation de handicap dans les écoles ou le monde professionnel, les avancées restent assez limitées. On se rend bien compte que le handicap continue de constituer une situation de vulnérabilité. On constate également de véritables spirales de vulnérabilité : tout commence par une vulnérabilité puis d’autres vulnérabilités s’ajoutent et ainsi de suite. Nous envisagerons ces éléments avec nos différents intervenants.
Handicap mental et droit : une histoire entre intérêt du malade,intérêt des familles et intérêt de la société.
Delphine CONNES, Maître de conférences en histoire du droit, Université de La Réunion.
Pendant l’Antiquité, le handicap est surtout vu comme une malédiction divine. S’ils ne sont pas éliminés à la naissance, ou utilisés par des mendiants qui accentuent le handicap pour mieux attirer la compassion et donc les dons, les handicapés sont le plus souvent ignorés, ou suscitent la fascination d’autrui en raison de leur relation soi-disant privilégiée avec le divin. A Rome, selon Denys d’Halicarnasse, une loi de Romulus interdisait de tuer tout enfant de moins de trois ans, à moins que le nouveau-né ne fut dès sa naissance infirme ou monstrueux. Dans ce cas, les parents pouvaient l’exposer après l’avoir montré à cinq hommes du voisinage et obtenu leur accord[1]. Cette possibilité d’abandonner, d’exposer, d’éliminer l’enfant souffrant de malformation est une des nombreuses prérogatives du paterfamilias. Elle est mentionnée dans la Loi des Douze Tables et persiste sous la République et sous l’Empire[2]. Ce rejet des enfants handicapés est dû à la volonté de la communauté de ne pas conserver de personnes inutiles et coûteuses pour la société. Surtout, ces naissances d’enfants malformés sont considérées comme des prodiges, contraires à la nature. Lorsque les handicapés survivent, ils cherchent tout au long de leur vie à dissimuler leur handicap[3]. Rien n’est prévu pour protéger les handicapés.
C’est au début du Moyen-âge que les « Hôtel-Dieu » et autres hospices sont mis en place pour accueillir les infirmes, les pauvres et les miséreux. Le handicapé est alors assimilé pour longtemps à l’infirme, au miséreux et traité comme tel, avec un mélange de mépris et de pitié.
Cependant, il est une catégorie de handicapés moins visibles et plus difficile à appréhender, ce sont les handicapés mentaux. Dans le Rapport au Roi de 1818 sur la situation des hospices, des enfants trouvés, des aliénés, de la mendicité et des prisons, figure l’affirmation selon laquelle « De toutes les infirmités qui accablent l’homme, l’aliénation mentale est celle qui mérite le plus d’intérêt, puisqu’elle le prive de toutes ses facultés et qu’elle le frappe dans tous les âges, dans tous les rangs, dans toutes les conditions »[4].
Les sociétés ont du mal à se saisir de cette question, qui reste une question privée, une question de famille pendant des siècles. Les soins accordés aux malades, leur protection juridique et surtout l’utilisation de la contrainte dans les soins accordés aux malades mentaux évoluent selon les époques, selon la conception sociétale, morale, philosophique de la maladie mentale[5].
I – L’Antiquité
Dans les sociétés antiques, en Perse, en Égypte, les maladies sont commandées par des démons, le médecin et le prêtre, qui sont parfois la même personne, œuvrent ensemble pour guérir le malade grâce aux plantes, aux formules magiques, parfois au scalpel[6]. En Egypte, les troubles féminins, psychiques ou physiques sont attribués à une migration de l’utérus vers le haut du corps, gênant ainsi la respiration. Ils sont traités par inhalation et fumigation aromatique dans le vagin, c’est la naissance de l’hystérie[7] qui aura de beaux jours devant elle au XIXème siècle.
Dans l’Antiquité grecque, l’origine de la maladie est divine, souvent envoyée par les dieux pour punir les hommes coupables d’hubris, de démesure[8] ; la guérison est possible grâce à un prêtre, notamment dans les sanctuaires dédiés à Asclépios[9]. Il en est de même chez les Hébreux pour lesquels Dieu envoie la maladie pour punir ses créatures[10] ; d’ailleurs folie et péché sont liés[11].
Platon et Aristote, avec leur vision duale qui sépare corps et âme ouvrent une autre vision de la folie, permettant une réflexion sur les maladies de l’âme. La folie peut toujours être d’origine divine voire créatrice, mais elle peut également être une maladie, la manie[12].
Hippocrate sépare la médecine de la philosophie, il propose une médecine qui repose sur la théorie des quatre humeurs (phlegme, sang, atrabile, bile jaune), le dérangement de leur équilibre provoquant la maladie[13]. Pour la folie, maladie du cerveau, il propose des soins reposant sur le régime alimentaire associé aux médicaments (hellébore) et sur le dialogue.
Il n’y a pas de consensus médical sur la matière de traiter la folie. Ainsi, Caelius Aurélien préconise d’enfermer le malade dans sa chambre et de limiter les stimulations sensorielles ; il y a une volonté de protéger le malade contre lui-même avec éventuellement recours à la contention[14]. Il faut distraire et raisonner le malade, sans être trop complaisant. Cependant, il critique les liens, la soif, le jeûne qui imitent le dressage des bêtes sauvages, l’obscurité, le fouet, les saignées excessives, le pavot[15]. En revanche, Celse préconise les corrections et terreurs soudaines dans un but thérapeutique, les réprimandes, la faim, les chaînes, le fouet, ce qu’on ne retrouve pas chez Gallien ni chez Alexandre de Tralles. Dans tous les cas, les enfermements, et la plupart des traitements sont dispensés par les familles, il n’y a pas d’asile et les médecins coûtent chers[16].
Avec Rome, une codification des rapports de l’aliéné avec la société apparaît. Le fou est privé de son libre arbitre, qu’il soit fatuus (idiot), mentecaptus (faible d’esprit), demens (ayant perdu la raison) ou furiosus (agité). C’est à la famille que revient la garde du malade et la gestion de ses biens, sans aucun contrôle public[17]. Dès la loi des Douze Tables, l’incapacité des aliénés et des prodigues est organisée dans le but essentiellement de protéger le patrimoine familial. Ainsi, la curatelle, à la demande de la famille, est confiée par le préteur à un membre de la famille de l’aliéné. Elle a pour but de protéger l’aliéné et surtout de gérer son patrimoine. A la fin de l’Antiquité, le malade mental est dans une situation précaire tant sur le plan médical que judiciaire. Il ne dispose d’aucune protection administrative et est confié à sa famille ; il n’existe aucune structure hospitalière ou médicale adaptée[18].
II – Le Moyen-âge
Au Moyen-âge, la folie est signe de possession démoniaque soignée à l’aide de pèlerinages avec, éventuellement, de la contrainte en cas d’agitation[19]. Comme pour les autres handicaps ou infirmités, le recours à la médecine divine est souvent le dernier recours pour les malades. D’ailleurs, la littérature médiévale abonde d’exemple de guérison miraculeuse de handicapés[20].
La charité et l’assistance sont deux valeurs centrales de l’Occident médiéval. C’est dans cet esprit que naît l’hôpital ; le premier hôpital chrétien décrit est celui de Césarée en Cappadoce en 374. Au XIème siècle, l’école de Salerne permet un éveil de la médecine par la révélation d’auteurs anciens n’ayant pas été directement transmis à l’occident médiéval et par l’utilisation d’une fine nosographie[21], ainsi que par l’apparition d’établissements destinés à accueillir les malades mentaux. A partir des XII-XIIIème siècles, les fondations hospitalières, les hospices se développent et dans le courant du XIVème siècle apparaissent des établissements consacrés aux fous ou au moins des salles réservées dans des institutions existantes, et des ordres religieux, tels les Innocents de Séville, se consacrent exclusivement aux aliénés[22]. Ce rassemblement des fous va dans le sens d’une plus grande exclusion sociale.
C’est à la famille malgré tout qu’incombe la garde du fou, tenu pour possédé et que les coutumiers recommandent de tenir enchaînés car en cas de méfait ou de dommage, c’est la famille et même éventuellement les voisins qui seront responsables juridiquement pour « mauvaise garde »[23]. En même temps qu’est affirmé le principe de la garde familiale, se développe celui de l’incapacité du fou : tout acte passé par une personne atteinte de démence est nul. La curatelle réapparaît sous l’influence du droit romain. Pour mettre en œuvre cette incapacité juridique, il faut prouver l’état de démence de la personne au moment de l’acte. C’est assez aisé pour la folie manifeste, cela l’est moins pour la faiblesse d’esprit ou la folie intermittente et notamment la prodigalité, assimilée souvent à la folie toujours dans l’intérêt des familles et de protection du patrimoine (il faut être fou, pense-t-on, pour dilapider ses biens)[24]. La procédure d’interdiction qui se met en place est prononcée par un juge, à la demande des parents, donne lieu à la nomination d’un curateur qui gère le patrimoine de l’interdit, sans pouvoir accomplir d’acte important sans l’accord de la famille. Plus légère est la procédure du conseil qui consiste à limiter la capacité juridique sans l’interdire totalement.
En Occident, le fou est donc sous la garde de sa famille, fouetté et expulsé de la ville s’il est étranger[25]. Il est rarement enfermé, sauf en cas de crise ou de danger ; à la fin du Moyen-âge, les malades internés ne sont que quelques dizaines par Généralité[26]. La médecine pour eux, écrit Barthélémy l’Anglais, vulgarisateur du XIIIème siècle, est qu’ils soient liés pour éviter qu’ils se blessent eux et les autres[27] ; les autres soins, hérités de l’Antiquité sont les calmants, les toniques, les antispasmodiques, les évacuants mais aussi l’hydrothérapie, les coups voire les trépanations[28]. Si les fous sont enfermés, ce n’est pas au titre de la punition mais de la précaution.
Johan Weyer, au XVIème siècle, va rompre le lien entre possession, sacré, et folie. Le fou va alors peu à peu quitter les mains de l’Église pour celles de l’État.
III – L’Ancien Régime
Cette conception change sous l’Ancien Régime notamment avec la création de l’Hôpital Général de Paris en 1656 spécialement dédié aux pauvres (dans le cadre d’un durcissement de la législation sur la mendicité et de l’enfermement des errants qui s’étend à toute l’Europe[29]) et aux infirmes (dont les fous) dont ils seront séparés. Les aliénés sont victimes de mauvais traitements et ne bénéficient pas d’une présence médicale[30].
Les procédures issues de l’époque médiévale se développent. La responsabilité de la famille en cas de mauvaise garde perdure.[31] L’enfermement se répand, dû aux familles, à l’Etat, au juge. Les droits de l’interné sont garantis par un certain nombre de mesures comme les inspections semestrielles. La sortie se fait selon la même procédure que l’entrée[32]. Pour traiter ces fous, diverses pratiques sont testées (transfusion de sang de veau, trémoussoir, application d’un pigeon vivant coupé en deux sur la tête…). Toute une série de recettes est alors inventée en fonction de la pathologie[33]. Cependant il faut garder à l’esprit le faible taux de fous enfermés, ils sont 2000 en 1700[34].
La Salpêtrière et Bicêtre sont les deux établissements les plus importants de l’Hôpital général. Le public peut venir visiter les fous comme des bêtes curieuses ; trois étudiants de Nancy visitent la Salpêtrière et les Loges, réservées aux femmes folles : les plus dangereuses sont enchaînées et couchent sur la paille, on leur passe leur nourriture à travers une grille, les loges sont nettoyées avec un râteau par crainte que leur mal soit contagieux, elles sont nues ou enroulées dans des couvertures. Les directeurs peuvent administrer des châtiments[35]. Les sorties sont tellement rares qu’elles font figure de curiosité[36].
Sur le plan juridique, la procédure de l’interdiction s’installe. Les parents adressent au juge une supplique, le juge les réunit, prend leur avis, enquête sur la vie et les mœurs de celui que l »on souhaite interdire. Il doit entendre l’intéressé (mais pas obligatoirement un médecin) ; une curatelle est mise en place ou un conseil selon la gravité de l’état de l’intéressé, il y a une possibilité d’appel. Cependant, cette procédure n’est pas toujours suivie. Au XVIIIème siècle se multiplient les lettres de cachets, ainsi que les dépôts de mendicité, les maisons de force : c’est l’époque du grand renfermement. Les familles, souvent dans l’urgence, sollicitent une lettre de cachet pour placer leur indésirable, moyennant une pension. Une enquête est diligentée, mais sans présence médicale. Le placement peut également être décidé par la justice. La sortie peut s’opérer, surtout si les familles sont aptes à prendre le malade en charge[37]. Au niveau médical, dans la lignée de Descartes, les nosographies et les études cliniques se multiplient et les élites s’intéressent à ces recherches[38]. Les remèdes alors proposés sont la saignée, la transfusion (de sang d’animal, en particulier de veaux), les évacuants, les électrochocs, les humectants, les sédatifs et les narcotiques, les toniques et stimulants…Si le malade ne montre pas de signe de guérison passé six ou huit mois, il est dit « incurable » et n’est plus soigné[39]. Chemine également l’idée d’un remède moral, déjà conseillé par Caelus Aurelianus. L’école psychologique gagne du terrain, avec Daquin par exemple et William Battie qui en Angleterre crée un asile d’un nouveau genre, fondé sur le traitement moral[40].
Sous le règne de Louis XV, ce sont les dépôts de mendicités qui accueilleront les vagabonds et parallèlement, dans chaque Généralité, un lieu sera prévu pour l’accueil des infirmes[41].
Les Lumières s’émeuvent de cette situation et de grandes enquêtes sont alors réalisées. Par exemple, le rapport Tenon de 1788 sur les hôpitaux de Paris souligne que les insensés sont « mal nourris, couverts de haillons, chargés de chaînes et de colliers de fer, confinés dans d’infects cabanons, couchés sur de la paille pourrie (…) ils traînent une vie misérable, exposés à la vue du public »[42]. A la fin du XVIIIème siècle, le gouvernement s’émeut du nombre d’insensés placé dans les maisons de force sans lettre de cachet ni décision de justice, par accord de gré à gré entre la famille et une maison de force, donc sans contrôle aucun[43].
IV – L’époque révolutionnaire
Les décrets d’abolition des lettres de cachets de 1790 comportent un article 9 précisant que « les personnes détenues pour cause de démence seront, pendant l’espace de trois mois, interrogées par les juges, les médecins qui s’expliqueront sur la situation des malades afin qu’ils soient élargis ou soignés dans les hôpitaux ». Ces inspections auront lieu, mais en petit nombre, en raison du contexte politique troublé[44]. Un comité de mendicité est créé pour améliorer hôpitaux, maisons de force et prisons ; il préconise de ne plus uniquement penser à la sécurité publique mais aussi de chercher à guérir les fous, principalement à domicile, sinon dans des hôpitaux destinés à la guérison de la folie. Désormais il y a un vide juridique, seule existe une (lourde) procédure de séquestration administrative temporaire au titre de la police générale[45] . Au fond, dans tout le pays, la situation des fous est critique et incontrôlée.
Des réformes sont proposées pour une prise en charge plus humaine des fous. Pinel (1745-1826) est le père de la psychiatrie moderne (la folie n’est pas une perte de la raison, mais un simple dérangement), il est réputé avoir aboli les méthodes inhumaines et brutales en privilégiant la contention psychique et avoir « libéré les fous de leurs chaînes » (qu’il remplace par la camisole de force), même si, évidemment, il s’agit plus d’un mythe qu’autre chose et que les bains forcés continuent à être la base du traitement[46]. Esquirol s’insurge du retour des chaînes (qui n’ont pas disparu) considère que l’isolement prescrit par un praticien peut être bénéfique[47]. L’asile doit devenir en lui-même un instrument de guérison. Au XIXème siècle apparaissent les premiers asiles malheureusement surpeuplés et violents[48], coincés dans un dilemme : empêcher les fous de nuire et réussir à les soigner.
Le Code civil réserve désormais l’interdiction aux majeurs qui sont « dans un état habituel d’imbécillité, de démence ou de fureur », même s’il y a des intervalles de lucidité. La famille peut la demander, le ministère public ne peut le faire qu’en cas de fureur ou en l’absence de parents. Ceux qui auront demandé l’interdiction ne pourront siéger au conseil. Tout est fait, cette fois, pour protéger l’aliéné : avis du conseil de famille, interrogatoire de l’intéressé en présence du procureur, audience publique… La procédure est très lourde et sera de ce fait très peu utilisée.
V – La loi de 1838
La loi du 30 juin 1838 est la première loi sur l’enfermement des aliénés dans les asiles et elle reste en vigueur jusqu’en 1990. L’idée est d’empêcher les aliénés de nuire et de les soigner, au sein d’un même établissement ; la loi concerne donc tous les aliénés et pas seulement les dangereux. Les débats durent 18 mois et tentent de concilier les impératifs d’humanité et d’ordre social. Chaque département doit avoir un asile ou traiter avec un autre établissement ; l’asile est dirigé par l’autorité publique pour les asiles publics et elle surveille les établissements privés.
Le placement peut être « volontaire », pour les aliénés inoffensifs, à la demande de la famille, avec un certificat médical, le médecin de l’asile doit alors en confirmer la nécessité ; il peut être d’office ordonné par le préfet, pour les aliénés dangereux, en cas de risque pour l’ordre public ou la sécurité des personnes, au vu d’un certificat médical attestant de la nécessité. Les maires peuvent également prendre des mesures provisoires d’internement. C’est l’autorité administrative, le préfet, qui est au centre de ce dispositif. L’aliéné est enfermé pour être soigné et pour prévenir la menace qu’il représente pour l’ordre public[49]. En cas de placement volontaire, la sortie peut être décidée par le placeur, même sans guérison.
De nombreuses personnes (le Préfet, ses délégués, le Ministre de l’Intérieur, le Président du tribunal, le Procureur, le Juge de paix, le Maire) sont chargées de visiter ces établissements. Ces visites n’ont que rarement lieu et ce sont les médecins qui désormais ont le rôle principal car leur avis est déterminant pour le maintien comme pour la sortie du malade.
A l’intérieur des asiles, le principe est celui de la vie en communauté et de la division par quartier en fonction des maladies. Il faut attendre 1852 pour que décolle la construction des asiles[50], mais de toute façon, leur nombre reste en deçà des besoins[51]. De 1690 à 1931, la proportion des internements est multipliée par 30. Pour nombre de Préfets ce n’est pas la folie qui progresse mais la facilité et l’empressement à interner. On prend les asiles pour des hospices et préfets et maires tentent de contrôler et de filtrer les demandes d’internement[52].
Des critiques fusent, notamment en raison de l’affaire Sandon[53]. Le rapport de l’Inspection Générale de 1874 dénonce l’encombrement des asiles, le manque de qualification du personnel et la quasi inexistence de soins[54]. On dénonce également à partir des années 1860 certains placements d’office pour raison d’état, la facilité avec laquelle sont obtenus certains certificats médicaux, l’insuffisante motivation de l’arrêté préfectoral de placement. Les asiles sont critiqués, notamment par le courant non-restreint qui dénonce tous les moyens de contentions et considère l’asile comme une camisole de pierre[55]. On veut passer de l’asile camisole à l’asile campagne[56], mais il ne s’agit que de théorie. Les asiles, leur vie réglée, se maintiennent. Les visites, le courrier sont contrôles strictement et ne sont en aucun cas de droit[57]. Les punitions les plus communes sont la camisole, la douche ou le bain, la cellule, puis l’alitement forcé. Les bains, les électrochocs, les trépanations et opérations en tout genre, les calmants, toniques, évacuants servent de traitement… Finit alors pas être posée la conclusion selon laquelle l’asile ne guérit pas[58] et c’est souvent de guerre lasse que les familles se résolvent à y placer les leurs.
Malgré tout, la psychiatrie évolue et les psychiatres effectuent des recherches pour soigner leurs patients et parfois des expériences sont conduites sur les malades. Ainsi, par exemple, Henry Cotton, psychiatre américain du début du XXème siècle, pratique des opérations chirurgicales sur des patients atteints de troubles mentaux, dans un but thérapeutique. Ces opérations reposent sur la chirurgie bactériologique, la croyance que les troubles mentaux sont des manifestations de maladies physiques et que l’ablation de certains organes permet la guérison. Lui et son équipe ont donc pratiqué des ablations de sinus, d’ovaires, de côlons, de partie de l’estomac, des testicules…et surtout des dents[59].
Au fond, pendant des siècles, la seule protection dont a bénéficié l’aliéné est une incapacité juridique. Depuis l’époque romaine, avec l’incapacité totale des furieux et partielle des prodigues, avec l’irresponsabilité pénale annoncée au IIème siècle, en passant par le Moyen-âge qui déclare le fou civilement incapable et pénalement irresponsable, l’Ancien Régime avec sa procédure d’interdiction à effet rétroactif sans intervention d’un médecin, ce que l’on cherche à protéger ce ne sont pas tant les droits du malade mais, évidemment, les intérêts de sa famille et de la société, de la norme. A ce sujet, la Révolution Française n’introduit pas une rupture[60]. Il faut attendre l’essor de la psychiatrie pour mettre un terme à cette tradition juridique bimillénaire.
Pour conclure, deux exemples célèbres d’internement psychiatrique sans consentement.
Le premier est le marquis de Sade. La vie de Sade est une vie volage et libertine, émaillée de déboires judiciaires, d’évasions et de scandales (liaison avec sa belle-sœur, mauvais traitements sur des filles, accusation de sodomie, libertinage, orgies…). Emprisonné par lettre de cachet pendant 11 ans, il se tourne vers l’écriture et compense son enfermement par des phantasmes. Libéré par la Révolution, il poursuit son œuvre littéraire mais sera interné en 1801 sur ordre du préfet de Police à Bicêtre puis à Charenton, pour démence libertine, sur demande de sa famille avec l’accord du préfet. Il y mourra en 1814, non sans y avoir organisé des représentations théâtrales qui finirent par être interdites. Deux motifs ont justifié son internement, le prétexte de sa folie et les demandes réitérées de sa famille, soucieuse d’éviter le scandale qui entache son nom, et qui payait d’ailleurs une pension à Charenton[61]. A chaque demande de remise en liberté ou de jugement, les autorités notent que le marquis de Sade est l’auteur d’ouvrages exécrables, qu’il se propose d’en publier d’autres et qu’il y a lieu de le laisser à Charenton, où sa famille paie pension et où, pour son honneur, elle désire qu’il reste. L’apercevoir dehors serait un scandale public[62].
La seconde est Camille Claudel, sœur de Paul Claudel, académicien et diplomate. Muse et maîtresse de Rodin, sculptrice de talent, elle atteint le sommet de son art en 1902. Son comportement se dégrade ensuite. Sa rupture avec Rodin, ses ennuis financiers et professionnels, ses mauvaises relations avec sa famille, entraînent un sentiment d’abandon et de persécution. Elle vit enfermée, dans des conditions d’hygiène déplorables et se nourrit mal[63]. En 1913, à la mort de son père, son seul soutien, sa famille se réunit en urgence et décide de son internement volontaire, tel que prévu par la loi de 1838. Ce placement volontaire nécessite un certificat médical datant de moins de quinze jours, puis un second certificat doit être rédigé par le médecin de l’asile après 15 jours d’observation. Le médecin confirme l’internement et diagnostique un « délire systématique de persécution » et la famille demande à ce qu’elle soit isolée et ne reçoive pas de visite, ni de courrier. Malgré une campagne de presse en sa faveur, dénonçant l’internement arbitraire et abusif, la famille maintient sa détention et Camille est transférée, en raison de la guerre, à Montdevergues près d’Avignon, où elle restera jusqu’à sa mort en 1943. Elle ne travaillera plus jamais la terre et essaiera en vain d’obtenir sa libération ou au moins son transfert près de Paris, de sa famille. Elle sera inhumée dans un caveau collectif, disparu après que le terrain a changé d’affectation, ses restes n’ont pas été retrouvés.
ÉCHANGES :
État des lieux de l’accompagnement des personnes en situation de handicap à La Réunion.
Par Christian BONNEAU, Délégué Régional, Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP) Océan Indien.
Il convient de présenter rapidement la FEHAP qui est la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne à but non lucratif. Elle représente, au niveau national, 2,5 millions de personnes accompagnées par 1 600 associations et 4 200 établissements et services et 230 professionnels. A La Réunion, ce sont 26 associations, 180 établissements pour 6 552 places avec 11 000 personnes accompagnées par an, par quelques 4 200 salariés. Les adhérents de la FEHAP interviennent pour tous les types de vulnérabilités : la vulnérabilité physique liée au handicap, à l’âge ; la vulnérabilité morale du fait de l’isolement, de la dépendance sociale, la vulnérabilité des patients médico-chirurgicaux et ceux concernés par les pathologies psychiatriques. Il est essentiel que ces problématiques soient exposées devant des étudiants, car ils représentent l’avenir, ils sont eux-mêmes potentiellement vulnérables, mais aussi surtout pour qu’ils puissent intervenir, dans leurs compétences respectives, pour traiter les problèmes liés au vieillissement qui nous concernent tous dans les années à venir. Il faut aujourd’hui trouver des dispositifs, car depuis plusieurs d’années peu de choses ont évolué : la prévention reste insuffisante et toutes les solutions qui auraient dû être déployées ne le sont pas.
La Réunion n’est pas en retard bien que des personnes âgées soient en attente pour être placées en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ou qu’environ 300 enfants diagnostiqués comme atteints d’autisme attendent un accompagnement. Il est important non pas d’imaginer systématiquement la construction d’établissements coûteux mais plutôt de travailler sur d’autres axes. Il est nécessaire d’avoir des établissements mais on peut surtout travailler pour le maintien en milieu ordinaire devenir une société inclusive. Certaines communes, à La Réunion, œuvrent en ce sens comme par exemple à Saint-Pierre où l’on construit des résidences pour personnes âgées, où il y a des restaurants animés par des travailleurs d’ESAT (Etablissement et Services d’Aide par le Travail). Il existe aussi les accueils de jour en EHPAD qui permettent au conjoint, qui accepte de prendre soin de sa femme ou de son époux de pouvoir se reposer certains jours. En termes humains, ces solutions sont positives puisque qu’elles maintiennent les personnes dans leur environnement, en milieu ordinaire. Ces solutions sont également intéressantes en termes économiques puisqu’elles permettent de retarder l’admission en établissement (environ 2 600 euros par mois en EHPAD à La Réunion).
La Réunion c’est également l’écriture, le 16 Juin 2014, de la « Charte Romain JACOB » qui est signée France entière, elle le nom du fils de Pascal JACOB, qui est un grand militant de l’accès à la santé pour les personnes en situation de handicap. Cette charte a été rédigée par des associations réunionnaises, la filière hospitalière privée, bien-sûr la FEHAP et l’agence d’aide régionale de santé. Un groupe travaille sur la mise œuvre de la charte. C’est par exemple l’accès aux urgences pour les personnes en situation de handicap ou les personnes âgées où il y a un vrai problème car souvent les médecins n’ont pas suivi, pendant leurs études, le module d’enseignement, consacré au handicap (module qui n’est pas obligatoire). La FEHAP travaille aussi sur les soins dentaires car il peut être difficile d’accéder à ces soins pour certains types de handicap (comme par exemple pour une personne atteinte d’autisme). Ainsi au Port, un cabinet dentaire spécialisé est en projet. Il s’agit donc de mettre en place une réponse d’accompagnement pour tous les citoyens, de la naissance jusqu’à la disparition.
La France n’est pas une société inclusive contrairement à d’autres pays car il y a trop de recours aux d’institutions spécialisées avec hébergement permanent. Il faut notamment, que les enfants en situation de handicap intègrent d’avantage les établissements scolaires. Le mouvement est initié mais il est long car il faut former les personnels de l’Education Nationale, il faut trouver les locaux, développer les équipes mobiles qui se déplacent hors des établissements spécialisés. L’avantage lié à l’intégration en milieu scolaire ordinaire est que les enfants dit « normaux » vont connaître le handicap depuis leur plus jeune âge, apprendre le « vivre ensemble », et il n’y aura pas de « découverte » plus tardive du handicap avec toutes les conséquences négatives, qui peuvent en découler. On peut aussi citer l’ONU qui a déclaré en octobre 2017 via sa rapporteuse spéciale sur les droits des personnes en situation de handicap : « Nous déplorons que les personnes en situation de handicap en France soit trop souvent perçues comme des objets de soins et non de droit. Pourtant, rappelons que la convention relative au droit des personnes en situation de handicap, ratifiée par la France en 2006, doit primer sur le droit français. Malgré l’existence d’un cadre juridique, l’inquiétude est présente car une partie de législation française n’est pas en accord avec cette convention comme par exemple nombre très élevé d’enfants adultes résidant dans des institutions où ils se retrouvent isolés de la société ».
Un axe de travail important apparaît : il s’agit de garantir l’autonomie des personnes en situation de handicap, et cela quel que soit le handicap. Or, selon Pascal JACOB, la vraie dignité d’une personne est d’être capable de décider pour elle-même. Jusqu’à récemment, les personnes en situation de handicap avaient une espérance de vie assez limitée mais depuis 20 ans, cette espérance de vie a considérablement augmenté, notamment à La Réunion ce qui prouve l’amélioration des accompagnements. Cependant, les personnes en situation de handicap qui dépassent 60 ans seront vraisemblablement placées en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Or, au sein des EHPAD, le taux d’encadrement est de 0,47%. Ceci signifie que la personne en situation de handicap qui a vieilli et qui a vu son handicap s’aggraver en général, va voir son accompagnement réduit de moitié. Néanmoins, il existe aujourd’hui, à La Réunion, des unités pour personnes vieillissantes en situation de handicap et cela au sein même des établissements où elles ont vécu. Elles bénéficient dès lors du même taux d’encadrement (1 pour 1), mais rejoignent une unité particulière pour ne pas pénaliser une personne plus jeune qui a recours à cet établissement et qui n’a pas le même projet de vie. On travaille aussi sur les projets « EHPAD hors des murs » c’est-à-dire qu’au lieu de prendre les personnes en institution, les personnels se déplacent à domicile pour que ces personnes restent en milieu ordinaire avec toutes les commodités qu’elles ont toujours connu (avoir ses propres meubles, ses photos…). Il s’agit bien de travailler à la désinstitutionalisation pour, à l’instar des pays nordiques et anglo-saxon accueillir davantage en milieu ordinaire les personnes âgées et en situation de handicap.
L’admission en EHPAD à La Réunion se fait en moyenne, à l’âge de 84 ans avec une espérance de vie très faible (environ 4 ans). En métropole, on y rentre en moyenne à l’âge de 85 ans avec une espérance de vie d’environ 2 ans. Ainsi, on voit bien que les personnes qui entrent en EHPAD sont fortement concernées par un handicap moteur ou psychique. Il faut, selon le Président de la République, revoir la tarification des EHPAD. Les EHPAD doivent devenir des lieux de vie où l’on soigne et non être des lieux de soins où l’on vit. Il existe cependant des incidents en EHPAD, souvent fortement médiatisés. Cela s’explique notamment par l’insuffisance de moyens, avec un manque de personnels, travailler en EHPAD n’est pas un métier facile. On peut dès lors comprendre le taux d’absentéisme, de maladie important au sein des professionnels œuvrant dans ces structures. La question de la maltraitance se pose et est souvent mise en perspective avec les très faibles effectifs de ces structures (environ 3 personnels et pas d’infirmière pour 80 voire 90 résidents la nuit).
Insertion professionnelle et accueil dans les institutions des personnes en situation de handicap.
Par Anne FOUCAULT, Déléguée régionale Réunion-Mayotte, Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP).
Sur le champ du handicap, le challenge consiste à changer le regard porté sur le handicap. C’est un challenge collectif, qui concerne l’ensemble de notre société. En effet, lorsque l’on parle de handicap, on commence par détourner le regard et puis ça peut dériver vers de la peur car cela renvoie à des choses assez personnelles, d’autant plus que le handicap peut concerner chacun d’entre nous.
Le handicap est très divers. Cela peut être le fauteuil roulant mais aussi le handicap visuel, auditif ou même psychique. Aujourd’hui, on dispose dans notre société de capacités techniques pour compenser de plus en plus le handicap. Cette notion de compensation est très importante pour la FIPHFP. De nos jours, compenser le handicap d’une personne en fauteuil roulant est de plus en plus « simple ». Tel n’est pas le cas pour tous les handicaps.
Il faut en premier lieu valoriser les compétences et les talents des personnes en situation de handicap dans le domaine de l’emploi avant de dire que ces personnes sont vulnérables car derrière le mot « vulnérabilité », il y a l’idée d’« être mis de côté ». Dans un second temps, il faut chercher et apporter la compensation nécessaire pour que cette personne puisse exprimer ses talents et ses compétences. Il existe aujourd’hui, pour ce faire, des moyens techniques, technologiques formidables. Par exemple, une personne aveugle peut utiliser l’outil informatique pour rechercher l’information. Cependant, ce que l’on constate ces dernières années, c’est que des personnes qui avaient accès à la connaissance grâce au numérique, sont confrontées de plus en plus aux barrières du numérique et le challenge est de baisser ce niveau de vulnérabilité dans leur accès au numérique. C’est d’autant plus vrai étant donné que les services publics se numérisent de plus en plus. Par ailleurs, il y a peu, le défenseur des droits au plan national a alerté sur le fait que les services publics risquaient d’être de moins en moins accessibles, non seulement aux personnes en situation de handicap, mais aussi aux personnes dont les fragilités seraient trop importantes pour qu’elles y aient accès. Il faut donc veiller à la compensation.
Deux fonds interviennent en matière d’emploi et de handicap : la GFIP (créé en 1987) dans les entreprises privées et le FIPHFP (créé en 2005 grâce à la loi du 11 février 2005 portant sur l’égalité des droits et des chances pour les personnes handicapées) pour les employeurs publics. La FIPHFP et la GFIP interviennent donc dans le champ de l’emploi pour apporter tous les moyens aux employeurs d’embaucher des personnes en situation de handicap. Mais ces fonds vont au-delà de cela puisqu’ils œuvrent aussi à la sensibilisation et interviennent en outre en initiateurs, en étant parfois porteurs d’innovations. Il y a à La Réunion, le déploiement d’une innovation remarquable qui est partie de la constatation que dans les établissements de service d’aide par le travail (ESAT), il y avait 900 personnes, avec 9 ans d’attente pour y entrer. Hors dès lors qu’un jeune a été dans une classe spécialisée, il est difficile pour lui de s’insérer seul et donc cette personne va rester chez elle et plus le temps passe et plus cette personne va s’éloigner de la vie ordinaire. Parti de ce constat, un établissement de service d’aide par le travail (l’ESAT Edmond Albius à Saint-Paul) a commencé à travailler avec des employeurs de son entourage et a été confronté à une difficulté qui est de prouver que ces personnes placées en ESAT sont en capacité d’apporter quelque chose de positif à ces employeurs. Mais grâce à un collectif incroyable, 4 ans plus tard, 120 personnes en situation de handicap ont réussi à décrocher un contrat d’apprentissage ou un contrat en alternance dans des entreprises classiques ou dans des services de l’État ou des collectivités avec un accompagnement dédié. Ces personnes ont réussi à décrocher un diplôme et dès lors qu’on dispose d’un diplôme et d’une expérience, il est alors plus facile de trouver un travail. Malheureusement, ce que l’on observe aujourd’hui, au plan national, c’est que le taux de chômage des personnes en situation de handicap (18%) est deux fois plus important que celui des personnes valides (9%). C’est moins vrai à La Réunion mais le taux de chômage des personnes en situation de handicap est en train de croître de manière très rapide.
Il y a donc un véritable challenge à offrir plus de pistes d’insertion en emploi pour les travailleurs handicapés. Il s’agit de prouver que ces personnes peuvent ajouter une plus-value à l’entreprise de par leur envie de travailler, leur capacité à travailler dans un milieu ordinaire et l’accompagnement que la FIPHFP leur apporte. La loi du 11 février 2005 demande que les jeunes soient tous intégrés à des milieux scolaires ordinaires. Ainsi, aujourd’hui, ses élèves sont en voie d’arriver sur les bancs de l’université et le challenge est que ces écoles supérieures soient accueillantes pour ce public.
Ainsi, la vulnérabilité n’est pas une donnée définitive et il est possible de sortir de ces situations à condition que, collectivement, nous nous en donnions les moyens. Cela n’a pas toujours été le cas néanmoins.
Vulnérabilité et juge civil. Les régimes de protection des majeurs.
Par Bénédicte GILBERT, Juge des tutelles, Tribunal d’instance de Saint-Paul.
En matière de tutelle, le champ d’intervention est encadré par la loi. Cette intervention va porter majoritairement sur la jeunesse de la loi de 2007 parce qu’il y a eu des débordements et on essaye aujourd’hui de circonscrire l’intervention du juge des tutelles dans un cœur de métier qui est la protection des personnes. Cela peut impliquer la privation de droits et de libertés. En général, un juge des tutelles à temps plein doit traiter environ 3 000 mesures. La réforme juridique des majeurs vulnérables du 5 mars 2007 a recherché à consacrer la protection de la personne vulnérable dans sa dimension humaine et personnelle et non pas uniquement dans sa dimension patrimoniale. Cette réforme a laissé au juge la liberté et la responsabilité de mesurer cette vulnérabilité sans l’enfermer dans une définition juridique. Auparavant, c’était une loi de 1968 qui s’occupait des personnes majeurs vulnérables. Il s’agissait de protéger quelques dizaines de milliers de personnes. Cependant en 2000, ce n’est plus le cas. En effet, les tutelles représentent environ 800 000 personnes protégées.
Cette croissance du nombre de personnes protégées s’explique par différentes évolutions de la société qui ont rendu nécessaire l’adaptation du droit de la protection des majeurs vulnérables. Ainsi comme évolution, on a vieillissement de la population (en 1969, l’espérance de vie était de 67 pour les hommes et 75 ans pour les femmes et en 2006 elle était de 77 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes). Une autre évolution est le nouveau regard porter sur le handicap. Les revendications associatives grandissantes on fait pression sur le législateur pour que les personnes en situation de handicap (notamment ceux avec un handicap psychique) aient pleinement leur place dans la société. Les années 70 marquent le début d’évolutions majeures dans l’organisation de la psychiatrie publique. Celles-ci aboutissent dans les années 2000 à deux approches plus ouvertes des maladies mentales, favorisant ainsi le développement de thérapie permettant au malade de vivre dans la société. Ces patients bénéficiant désormais de suivi psychiatrique plus adapté à leur vie que l’on considère « hors les murs ». La modification de la loi de 1968 participe, avec cette réforme de 2007, au vivre ensemble avec la maladie mentale. La pression des phénomènes de précarité d’exclusion s’est développée au cours des trente dernières années et donc la protection judiciaire a progressivement concerné des personnes dont la difficulté d’ordre social et économique ne justifiait pas toujours de la diminution ou suppression de leur capacité juridique.
Les débats parlementaires ont ainsi maintes fois relevé de manière négative, le recours trop systématique au juge des tutelles qui l’entraînait souvent dans l’urgence, à intervenir dans un champ toujours plus vaste relative précarité des ménages. Aussi, le législateur a décidé de recentrer le juge des tutelles sur son cœur de métier par une norme qui pourrait résumer par : « ne plus tout protéger pour protéger mieux ». Le juge des tutelles doit se recentrer sur sa fonction principale qui la protection des droits et libertés de la personne vulnérable. Cela signifie donc que le juge des tutelles est en charge des personnes les plus vulnérables de la société et à la mission prioritaire de vérifier la nécessité d’une restriction des droits fondamentaux de la personne et d’adapter à celle-ci, le contenu et l’entendue de cette restriction. Les auteurs de la loi ont estimé que les juges doivent être moins sollicité dans le champ de la précarité socio-économique et donc une autre mesure a été créé qui est la mesure d’accompagnement social personnalisé qui doit être supervisée par le département. La réforme de 2007 consacre donc ces principes fondamentaux qui sont des principes directeurs c’est-à-dire qu’ils doivent guider le juge lorsqu’il prend une décision. Ces principes sont le principe de nécessité (nécessité de la mesure de protection), le principe de subsidiarité et le principe de proportionnalité. Le principe de subsidiarité fait référence au fait où avant que le juge prononce une mesure de tutelle, il doit vérifier que la personne souffre d’une altération médicalement constatée de ses facultés physique ou mentale mais aussi qu’aucune autre mesure de protection ne soit suffisante. Le principe de proportionnalité est que le juge doit adapter l’étendue et le contenu de la mesure au strict besoin de la personne ce qui l’oblige à vérifier que l’atteinte portée à la restriction de ses droits et libertés envisagés soit une nécessité réelle. Il faut toujours vérifier que la capacité de compréhension de la personne soit toujours gardé à l’esprit au moment de statuer. L’autre ambition de la loi de 2007 est que la personne majeure vulnérable soit au centre de la décision et du déroulement de sa protection et cela grâce à des principes. Tout d’abord le principe de l’audition de la personne qui doit absolument être réalisée par le juge sauf cas exceptionnel qui doit être motivé et sur avis médical. Lors de cette audition, est pris en compte, l’avis de la personne quant à son choix de son protecteur (une priorité est donnée à la famille mais il existe également des associations tutélaires). On informe aussi la personne lors de cette audition de ses droits et des conséquences d’une mesure qui pourrait être prise. Ensuite, on a le principe qui consiste à vérifier que la personne protégée peut prendre seul, un certain nombre de décisions (en général des décisions personnelles).
Pour conclure, le rôle du juge est donc de protéger sans pour autant surprotéger la personne.
Vulnérabilité et juge pénal.
Par Florence BREYSSE, Vice-procureure, Saint-Denis de La Réunion.
Le rôle du procureur est de poursuivre les infractions. Le procureur vérifie, lorsqu’on lui présente les faits, s’il s’agit d’une infraction et si tel est le cas, il décide de poursuivre ou non devant le tribunal et demander l’application d’une peine. Cela constitue le rôle classique du procureur. Mais il existe un champ assez important où le procureur est considéré comme le protecteur de toutes les personnes qui sont état de faiblesse. Concrètement, dans son aspect civil, le procureur peut décider de saisir le juge des tutelles mais cela en ayant un certificat médical de la personne. La vulnérabilité en droit civil et en droit pénal, ce n’est pas la même chose. Pour saisir le juge des tutelles, il faut pouvoir prouver que la personne est dans l’incapacité de se défendre seule en raison d’une altération de ses capacités mentales ou corporelles. En droit pénal, la vulnérabilité n’est pas définie de la même manière. Ainsi, le Code pénal énumère limitativement les causes. La vulnérabilité peut être, selon le Code pénal, le résultant de l’âge, de la maladie, de la déficience mentale …
Cette notion de vulnérabilité dans le Code pénal est assez récente. Elle date des années 90 et c’était une nouvelle prise en compte de la situation des victimes. Cependant, le Code pénal ne limite pas vraiment le juge. Il laisse au juge une certaine marge de manœuvre pour déterminer, in concreto, si la personne est vulnérable ou non. La circonstance de vulnérabilité est compliqué en droit pénal pour deux raisons. D’une part, la loi prévoit qu’il faut une particulière vulnérabilité c’est-à-dire une vulnérabilité importante et d’autre part, il faut cette vulnérabilité soit connue ou apparente de l’auteur.
Ainsi, il faut que lorsqu’une personne commet une infraction sur une personne vulnérable, l’auteur des faits sache que la victime est une personne vulnérable. La vulnérabilité peut être de deux choses. Soit il s’agit d’une circonstance aggravante d’une infraction classique soit c’est un élément constitutif de l’infraction. L’infraction que l’on pense essentiellement en matière de vulnérabilité ce sont les violences sur personne vulnérable. C’est l’infraction la plus courante qui est constatée par un signalement qui se manifeste souvent dans deux situations : lorsqu’une assistante sociale signale la situation (exemple : des personnes âgées maltraitées par leur enfants) ou en cas de pension où l’on peut se demander si les pensionnaires sont mal traités auquel on peut ajouter le caractère habituel qui est une circonstance aggravante. Pour apprécier des violences sur des personnes vulnérables, il faut une action positive (violence) comme par exemple un coup ou un choc émotif, il faut établir le caractère vulnérable de la mesure (en général on fait appel à un médecin et à des témoignages) et enfin il faut démontrer que cette vulnérabilité soit apparente soit connue de l’auteur. Un cas particulier est celui de la grossesse. La circonstance aggravante n’existe que si la personne savait que sa conjointe était enceinte. L’appréciation des infractions nécessite donc une certaine investigation afin d’établir l’infraction pour savoir s’il peut la poursuivre. Une autre infraction est l’abus de faiblesse qui est par définition, l’infraction typique de l’atteinte aux biens. C’est par exemple, le cas d’une personne en situation de handicap qui a subi un accident de la circulation et qui a reversé la somme de l’indemnisation à une personne qui l’avait fait miroiter la possibilité de remarcher. Cette infraction est assez difficile à prouver car il faut réussir à démontrer qu’au moment où l’infraction est commise, la personne était vulnérable. Cette preuve n’est pas toujours facile ce qui explique que les poursuites pour abus de faiblesse sont assez rares. Enfin pour terminer, on peut parler d’une dernière infraction qui sont les conditions de vie indignes c’est-à-dire de soumettre une personne dont la vulnérabilité est apparente ou connue, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatible avec la dignité humaine. Dans ce cas-là, l’infraction peut être constatée assez facilement puisqu’il suffit que la police se déplace sur les lieux, qu’ils prennent des photos et des témoignages.
L’investigation est très importante car le procureur au devoir de ne poursuivre que des faits qui sont avérés.
Débat autour des maisons de retraite et des EHPAD à La Réunion.
A La Réunion, les maisons de retraite et les EHPAD ont très mauvaise presse avec l’idée que les personnes seraient mieux dans une pension de famille que dans une maison de retraite. Est-ce que cette raison explique qu’il y a très peu de maisons de retraite et d’EHPAD à La Réunion ?
L’explication n’est pas là. Personne n’a aujourd’hui, vocation à aller en EHPAD tout simplement parce qu’on rentre très tard avec une espérance de vie très faible. De plus, les EHPAD manquent cruellement de personnel ce qui explique que les soins ne sont pas toujours correctement donné. Ainsi personne n’a vraiment envie d’aller en EHPAD mais malgré cela les EHPAD ont des listes d’attente pour l’admission de personnes (environ 600 personnes en attente). À la décharge du conseil départemental, 90% des personnes en EHPAD relèvent de l’aide sociale ce qui fait que le conseil départemental est asphyxié économiquement. Le comble est que lorsque les départements dépassent un certain seuil de dépense de fonctionnement, ils sont sanctionnés par des amendes ; or, ce sont ces derniers qui financent les EHPAD. Il faut donc trouver des alternatives comme par exemple que les personnes qui ont encore un minimum de capacité cognitive n’aillent pas en EHPAD mais dans des résidences adaptées et que les EHPAD soient réservés pour les cas les plus extrêmes. De plus il est très compliqué de créer un EHPAD (environ 7 ans pour en construire un).
On souligne en ce moment le manque de personnel, de moyen dans les établissements. Comment concilier la protection des personnes vulnérables mais aussi la protection du personnel qui lui-même est surmené du fait du manque d’effectifs ? Comment prendre en compte, par exemple, le consentement d’une personne lorsqu’elle possède encore des capacités mais qu’elle est légèrement vulnérable ?
Aujourd’hui, les EHPAD sont totalement numérisés et équipés. Ainsi, les personnels sont assistés comme par exemple des lits électriques pour régler les hauteurs de lits. Le manque de personnel en EHPAD est une vraie problématique surtout avec un taux d’absentéisme très fort qui fait peser sur le personnel restant encore plus de pression physique et mentale.
En ce qui concerne la seconde question, tout d’abord si la personne est sous tutelle, dans ces cas-là c’est le juge qui doit donner son autorisation et si elle est sous curatelle, il faut l’accord de son curateur. Un autre moyen aussi est de se fixer sur un certificat médical qui est établi par des médecins experts pour déterminer si la personne est en capacité de donner son avis sur une question.
[1] DUCOS M., « Penser et surmonter le handicap : les écrits des juristes romains », in Handicap et société dans l’histoire, sous la direction de F. Collard et E. Samana, Paris, 2010, p. 84.
[2] Ibid., p. 85.
[3] Ibid., pp. 85-86.
[4] QUETEL C., Histoire de la folie, de l’Antiquité à nos jours, Paris, 2009, p. 278.
[5] SUPLON A., Les soins sans consentement et la contrainte en psychiatrie : aspects historiques, éthiques, légaux. Perspectives à partir de quelques situations d’autres pays, Thèse, Strasbourg, 2016, p. 22.
[6] QUETEL C., Histoire de la folie de l’Antiquité à nos jours, op.cit., pp. 21-22.
[7] Ibid., p. 23.
[8] Par exemple Oreste, rendu fou par les Erinyes. Ibid., p.25.
[9] Ibid., p. 23.
[10] SUPLON A., Les soins sans consentement et la contrainte en psychiatrie, op.cit., pp. 22-23.
[11] QUETEL C., Histoire de la folie de l’Antiquité à nos jours, op.cit., p. 26.
[12] Ibid., pp. 32-33.
[13] Ibid., p. 36.
[14] Caelius Aurélien, Maladies aiguës, maladies chroniques, I, 155-158.
[15] QUETEL C., Histoire de la folie, de l’Antiquité à nos jours, op. cit. pp. 44-45.
[16] Ibid., p. 46.
[17] BOTTIN E., Historique de l’internement des malades mentaux, Thèse, Montpellier, 1988, p. 19.
[18] Ibid., p. 20.
[19] SUPLON A., Les soins sans consentement et la contrainte en psychiatrie, op.cit., pp. 29-30.
[20] V. par exemple, A. Russakoff, « Miracles de la Vierge et handicap au XIIIe siècle », in Handicap et société dans l’histoire, op.cit., pp. 129-144.
[21] BOTTIN E., Historique de l’internement des malades mentaux, op.cit., p. 22.
[22] Ibid., p. 30.
[23] Jostice et Plet, I, 21, 5.
[24] LEFEBVRE-TEILLARD A., Introduction historique au droit des personnes et de la famille, Paris 1996, pp. 435-436.
[25] BOTTIN E., Historique de l’internement des malades mentaux, op.cit., p. 27.
[26] Ibid., p. 28.
[27] QUETEL C., Histoire de la folie, de l’Antiquité à nos jours, op.cit., p. 57.
[28] Ibid., p. 59.
[29]. Ibid., p. 113.
[30] SUPLON A., Les soins sans consentement et la contrainte en psychiatrie, op.cit., pp. 33-34.
[31] Ainsi, un arrêt de 1683 condamne une famille à payer des dommages-intérêts à la victime d’un fou qu’elle n’avait pas fait enfermer.
[32] BOTTIN E., Historique de l’internement des malades mentaux, op.cit., p. 49.
[33] Ibid., p. 50.
[34] Ibid., p. 53.
[35] MOLINIER S., « L’hospitalisation sans consentement pendant la Révolution : l’exemple des insensés de Bicêtre et des folles de la Salpêtrière », in Folie et déraison : regards croisés sur l’évolution juridique des soins psychiatrique en France, sous la direction d’A. LUNEL, Bordeaux, 2015, p. 97.
[36] Ibid., p. 99.
[37] QUETEL C., Histoire de la folie, de l’Antiquité à nos jours, op.cit., pp. 160-162.
[38] Ibid., pp. 210-216.
[39] Ibid., p. 223.
[40] Ibid., p. 234.
[41] Ibid., p. 166.
[42] BOTTIN E., Historique de l’internement des malades mentaux, op.cit., p. 59.
[43] QUETEL C., Histoire de la folie, de l’Antiquité à nos jours, op.cit., pp. 186-187.
[44] Ibid., p. 197.
[45] Ibid., pp. 203-205.
[46] Ibid., pp. 257-258.
[47] SUPLON A., Les soins sans consentement et la contrainte en psychiatrie, op.cit., pp. 38-41.
[48] Ibid., pp. 42-43.
[49] LUNEL A., « La loi de 1838 sur les aliénés : ordre public ou offre de soins ? » in Folie et déraison, op.cit., pp. 111-122.
[50] QUETEL C., Histoire de la folie, de l’Antiquité à nos jours, op.cit., p. 307.
[51] Ibid.., p. 312.
[52] Ibid., pp. 312-315.
[53] Avocat célèbre, plusieurs fois interné qui s’est insurgé contre les excès auxquels la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés pouvait conduire. Lui-même et quelques auteurs ont plaidé la détention arbitraire.
[54] BOTTIN E., Historique de l’internement des malades mentaux, op.cit., p. 85.
[55] QUETEL C., Histoire de la folie, de l’Antiquité à nos jours, op.cit., p. 317.
[56] Ibid., p.319.
[57] Ibid., p. 339.
[58] Ibid., p. 433.
[59] V. MINARD M., Le DSM-Roi : La psychiatrie américaine et la fabrique des diagnostics, Paris, 2013, 416 p.
[60] V. LECA A., « Introduction historique à la place du fou sur l’échiquier juridique » in Folie et déraison, op.cit., pp. 15-35.
[61] TULARD J., « Sade et la censure sous le Premier Empire », in Le marquis de Sade, Colloque du Centre Aixois d’études et de recherches sur le dix-huitième siècle, Paris, 1968, p. 215.
[62] LEVER M., Donatien, Alphonse, François de Sade, Paris, 1991, p. 605.
[63] DEVAUX M., Camille Claudel à Montdevergues, Paris, 2012, p. 13.