Kafala et adoption vues par la CEDH
Le refus de métamorphoser une Kafala en adoption n’est pas contraire aux droits fondamentaux
Par Caroline Siffrein-Blanc
Caroline Siffrein-Blanc est maître de conférences à l’Université d’Aix Marseille et membre du Laboratoire de droit privé et de sciences criminelles
Pour la première fois, la Cour de Strasbourg s’est positionnée sur la délicate problématique des enfants accueillis par kafala et dont la loi personnelle interdit d’être adoptés en France. Selon la Cour, le refus manifesté par la France de prononcer l’adoption d’un enfant accueilli en kafala est compatible avec les dispositions de l’article 8 de la CEDH. Elle affirme ainsi que « l’Etat défendeur, qui entend favoriser l’intégration d’enfants d’origine étrangère sans les couper immédiatement des règles de leur pays d’origine, respecte le pluralisme culturel et ménage un juste équilibre entre l’intérêt public et celui de la requérante ».
Instituée par le droit musulman, la kafala se distingue de l’adoption, prohibée dans de nombreux pays de tradition musulmane, en ce qu’elle ne crée pas de lien de filiation. Les familles françaises ou binationales qui accueillent les enfants en kafala se heurtent systématiquement, en France, à un refus réitéré de la transformer en une adoption. La Cour de cassation, saisie à de nombreuses reprises de la question, applique systématiquement l’article 370-3 du code civil (Article 370-3, alinéa 2 du Code civil : « l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ») qu’elle considère comme conforme aux droits fondamentaux (Civ. 1er, 25 févr. 2009, Bull. civ. I, n° 41 ; D. 2009. 730, obs. V. Egéa, et 1918, obs. A. Gouttenoire et P. Bonfils ; AJF. 2009. 170, obs. A. Boiché ; RTD civ. 2009. 308, obs. J. Hauser ; Gaz. Pal 2009, n° 120, note F. Guerchoun ; Dr. fam., 2009, com. 82, obs. M. Farge ; JCP G, 2009, II, 10072, note A. Gouttenoire ; Civ. 1re , 15 déc. 2010, n° 09-10.439; Juris-Data n° 2010-023881, Dr. fam., avril 2011, com. 62, obs. M. Farge ; Dalloz actualité, 11 janvier 2011, obs. C. Siffrein-Blanc). Une grande partie de la doctrine hostile à cette interprétation espérait une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme (V. A. Gouttenoire, note ss Civ. 1re, 25 févr. 2009 ; M. Farge, obs. ss Civ. 1re, 15 déc. 2010 ; V. Egéa, obs. ss. Civ. 1re 25 fév. 2009, p. 730 ; C. Siffrein-blanc obs. ss Civ. 1re 15 déc. 2010). C’est certainement à un sentiment de déception qu’il faudra s’attendre car la Cour vient d’affirmer dans une décision en date du 4 octobre 2012 que le refus d’adoption d’une enfant recueillie au titre de la kafala n’est pas contraire au respect de la vie familiale (CEDH Harroudj contre France , 4 octobre 2012, n°43631/09 ; D. 2012 p. 2392 ; JCP G., 2012, 1945, obs. G. Gonzalez ; Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 8 octobre 2012, obs. N. Hervieu ; Dalloz actualité, 17 octobre 2012 obs. M. Kebir ; AJF 2012, p. 546, obs. A. Boiché).
L’espèce est somme toute banale. Née le 3 novembre 2003 en Algérie, Zina Hind fut abandonnée à sa naissance par sa mère biologique qui accoucha sous X, de père inconnu. L’enfant devint alors pupille de l’Etat algérien. Par un acte de recueil légal du 13 janvier 2004, le tribunal algérien accorda à la requérante française, alors âgée de quarante‑deux ans et célibataire, le droit de recueil légal, dit kafala, sur l’enfant. La requérante obtint également de la justice algérienne le changement de nom de l’enfant et une autorisation de sortie du territoire algérien pour s’établir en France. Entrée en France le 1re février 2004, l’enfant réside depuis lors avec la requérante. En 2006, la requérante déposa une requête en adoption plénière. A l’appui de cette demande, elle fit valoir que permettre à l’enfant d’être adoptée était la solution la plus conforme à « l’intérêt supérieur de l’enfant » au sens des articles 3§1 de la Convention sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 et 1er de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.
Les juges du fond (TGI Lyon, 21 mars 2007 ; CA Lyon, 23 octobre 2007) comme la Cour de cassation la déboutèrent de sa demande (Civ. 1er, 25 févr. 2009, op cit.). Dans sa décision, du 25 février 2009, la Cour de cassation rejeta le pourvoi en affirmant que : « après avoir relevé que la règle de conflit de l’article 370-3, alinéa 2, du code civil, renvoyant à la loi personnelle de l’adopté, était conforme à la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, celle-ci n’ayant vocation à s’appliquer qu’aux seuls enfants adoptables, excluant ceux dont le pays d’origine interdit l’adoption, c’est sans établir de différence de traitement au regard de la vie familiale de l’enfant et sans méconnaître le droit au respect de celle-ci, que la cour d’appel, constatant que l’article 46 du code de la famille algérien prohibe l’adoption mais autorise la kafala, a rejeté la requête en adoption, dès lors que la kafala est expressément reconnue par l’article 20, alinéa 3, de la Convention de New York du 26 janvier 1990 [adoptée le 20 novembre 1989] relative aux droits de l’enfant, comme préservant, au même titre que l’adoption, l’intérêt supérieur de celui-ci ; (…) ».
La requérante porta alors l’affaire devant la Cour européenne. Selon elle, l’Etat français l’interdisant d’adopter l’enfant recueillie au titre de la kafala empêche tout lien de filiation et porte ainsi une atteinte disproportionnée à sa vie familiale. Saisie d’une question inédite, la conventionnalité de l’interdiction d’adoption, la Cour européenne a refusé de condamner la France.
Après avoir admis sans difficulté l’application de l’article 8 de la Convention, la Cour réoriente les termes du débat. En effet, elle considère que la requérante ne rencontre aucune entrave à l’exercice de sa vie familiale, de sorte que le refus de prononcer l’adoption ne saurait constituer une ingérence dans sa vie familiale. Dans ces conditions, elle juge plus approprié d’examiner le grief sous l’angle des obligations positives incombant aux États d’assurer une protection juridique favorisant l’intégration de l’enfant dans sa famille (CEDH 28 juin 2007, Wagner et J.M.W.L. c. Luxembourg, n° 76240/01, AJDA 2007. 1918, chron. J.-F. Flauss ; D. 2007. 2700, note F. Marchadier ; ibid. 2008. 1507, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2007. 807, note P. Kinsch ; RTD civ. 2007. 738, obs. J.-P. Marguénaud). Ce choix n’est pas anodin, comme l’exprime très clairement M. Hervieu. Certes, « les principes applicables [à ces deux angles] sont assez voisins » (§ 43) et il est souvent difficile de les distinguer (§ 40). Mais en estimant que « l’impossibilité d’adopter l’enfant [ne] constitue [pas] une “ingérence“ dans la vie familiale de la requérante » (§ 47), la Cour expose d’emblée une idée qui sera l’un des pivots de sa solution : l’intéressée « ne se plaint pas d’obstacle majeur dans le déroulement de sa vie familiale » mais avance que « le respect de [cette vie] impliquerait une assimilation de la kafala à une adoption plénière » (§ 47) (N. Hervieu, « L’adoption internationale aux prises avec la kafala sous le regard européen », Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 8 octobre 2012, obs. ss CEDH, aff. Harroudj c. France , 4 octobre 2012, n°43631/09). Or partant de ce raisonnement, la Cour poursuit en affirmant que le terme de respect « au sens de l’article 8, manque de netteté, surtout en ce qui concerne les obligations positives inhérentes à cette notion » (§47) et que « la marge d’appréciation laissée aux autorités peut être plus large en cette matière » en raison de la diversité des pratiques suivies. En somme, l’existence d’une obligation positive dépend d’un juste équilibre à ménager entre l’intérêt général et les intérêts des individus.
Selon la Cour, cet équilibre a été savamment sauvegardé par la France, les autorités cherchant, dans le respect du pluralisme culturel, à favoriser l’intégration des enfants recueillis en vertu de la kafala, sans les couper immédiatement des règles de leur pays d’origine (I). Cette conventionnalité affirmée n’est pourtant pas exempte de critiques si on la confronte à une notion fondamentale qu’est « l’intérêt supérieur » de l’enfant, protégée à l’article 3§1 de la Convention sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (II).
I. Respect de la vie familial et du pluralisme culturel : un juste équilibre trouvé
Les termes de la controverse posés, les juges européens ont laissé place dans un premier temps à une étude comparatiste. Si aucun Etat n’assimile la kafala à une adoption, en revanche la Cour souligne qu’il n’y a pas, de manière claire, communauté de vue entre les Etats membres afin de savoir si la prohibition par la loi nationale de l’enfant mineur constitue un obstacle à l’adoption (§48). La Cour conclut, comme elle a coutume de le faire, à l’absence de consensus en la matière et donc à une large marge d’appréciation des Etats. Toutefois, cette appréciation lapidaire du droit comparé semble contestable. En effet, certains auteurs ont mis en avant la position minoritaire de la France qui prohibe ab initio l’adoption de l’enfant recueilli en kafala (N. Hervieu, note ss CEDH, 4 oct. 2012, op. cit.), d’autres s’appuyant sur l’émergence de législations européennes favorables au prononcé d’une adoption pour justifier une éventuelle condamnation de la France (M. Farge, obs. ss Civ. 1re, 15 déc. 2010, op. cit.). Aussi pourrait-on regretter une lecture quelque peu orientée du droit comparé.
Par la suite, et dans un deuxième temps, elle considère que « la reconnaissance de la kafala par le droit international est un élément déterminant pour apprécier la manière dont les Etats la réceptionnent dans leurs droits nationaux et envisagent les conflits de lois qui se présentent » (§50). Or, le refus opposé à la requérante se fondait sur le code civil français, mais aussi en grande partie sur le respect des conventions internationales, notamment la Convention de New York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant, qui reconnaît expressément la kafala de droit islamique comme « protection de remplacement », au même titre que l’adoption. Or, il s’agit là pour la Cour d’une marque de respect de l’esprit et de l’objectif des conventions internationales. En préservant l’institution étrangère, l’Etat français préserverait la sécurité juridique des conventions et relations internationales, et par là-même le pluralisme culturel.
Enfin et en troisième lieu, la Cour s’interroge sur le point de savoir si l’adoption heurte le bon développement des liens familiaux entre l’enfant et la personne l’ayant recueillie. En effet, on sait que si aucun droit à l’adoption ne découle de l’article 8 de la Convention (CEDH E.B. c. France, 22 janv. 2008, n° 43546/02, D. 2008. 2038, obs. E. Royer ; AJ fam. 2008. 118, obs. F. Chénedé ; RDSS 2008. 380, obs. C. Neirinck ; RTD civ. 2008. 249, obs. J.-P. Marguénaud; RTD civ. 2008. 287, obs. J. Hauser), il résulte de ce texte une obligation pour les Etats d’assurer la formation et le développement des liens familiaux (CEDH Gas et Dubois c. France, 15 mars 2012, n° 25951/07, AJDA 2012. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen; D. 2012. 1241, obs. I. Gallmeister, note A. Dionisi-Peyrusse ; AJ fam. 2012. 220, obs. C. Siffrein-Blanc ; AJF, 2012, 163, point de vue F. Chénedé ; RTD civ. 2012. 275, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD civ. 2012, 306, obs. J. Hauser). Or, si la Cour reconnait que la kafala n’est pas constitutive d’un lien de filiation, qu’elle est dépourvue d’effets successoraux et ne suffit pas pour permettre à l’enfant d’acquérir la nationalité du recueillant, cela étant, elle relève d’une part que la kafala est reconnue de plein droit par la France et qu’elle produit des effets comparables à une tutelle, permettant de prendre toute décision dans l’intérêt de l’enfant, et retient d’autre part qu’il peut être remédié aux restrictions qu’engendre l’impossibilité d’adopter l’enfant. Ainsi, selon la Cour, il est possible d’établir un testament pour faire entrer l’enfant dans la succession, choisir un tuteur légal en cas de décès et obtenir, dans un délai réduit, la nationalité française pour ensuite être adopté (§51). En définitive, la Cour estime « qu’en effaçant ainsi progressivement la prohibition de l’adoption, l’Etat défendeur, qui entend favoriser l’intégration d’enfants d’origine étrangère sans les couper immédiatement des règles de leur pays d’origine, respecte le pluralisme culturel et ménage un juste équilibre entre l’intérêt public et celui de la requérante » (§52). Dans ces conditions la Cour conclut à une non-violation de l’article 8.
Le raisonnement de la Cour européenne tend ici à démontrer que la kafala permet à la fois d’assurer l’intégration et la protection de l’enfant et de garantir à la requérante la possibilité de mener une vie familiale normale. Toutefois, ce raisonnement très favorable au pluralisme culturel, n’emporte pas pour autant l’adhésion si on le confronte à « l’intérêt supérieur de l’enfant ».
II. Pluralisme culturel et intérêt supérieur de l’enfant : une supériorité non consacrée
Si la solution a le mérite de préserver la prohibition de l’adoption et donc la culture musulmane, elle ne résout pas, loin s’en faut, les nombreux problèmes quotidiens engendrés par ce recueil légal (E. Massalve, « Kafalas transfrontières : la nécessaire adoptabilité, en France, des enfants sans filiation », AJF 2010, p. 227). Il y aurait là la manifestation d’une certaine tolérance, mais d’une tolérance « au nom de l’indifférence » (B. Haftel, obs. ss. Civ. 1re 15 déc. 2010, AJF 2011, p. 101). En effet, à l’aune du seul intérêt de l’enfant, le raisonnement européen ne convainc guère car en définitive, il apparaît surtout motivé par un autre élément, pudiquement dissimulé derrière la notion d’« intérêt public » : la volonté diplomatique de ne pas heurter de plein fouet le droit des États d’origine (N. Hervieu, note ss. CEDH, 4 octobre 2012, op. cit.).
En admettant que la Kafala soit une mesure respectable, la Cour a retenu une interprétation abstraite de l’intérêt de l’enfant niant par là même la réalité de la situation de l’enfant alors qu’au demeurant elle semblait décidée à se pencher désormais sur la notion d’intérêt supérieur de l’enfant (CEDH B. c/ Belgique, 10 juillet 2012, requête n° 4320/11 ; CEDH Maumousseau c/ France, 6 déc. 2007, AJ fam. 2008.83, obs. A. Boiché. Notamment en matière d’adoption internationale : CEDH Wagner c/ Luxembourg, 28 juin 2007, D. 2007. Jur. 2700, note Marchadier ; RTD civ. 2007. 738, obs. J.-P. Marguénaud). Or, l’intérêt concret de l’enfant abonné, recueilli à son plus jeune âge par des français et destiné à vivre en France, n’était-il pas, en l’occurrence, d’être rapidement adopté ? Sans doute la kafala préserve-t-elle l’intérêt de l’enfant dans certains cas, notamment lorsqu’elle correspond à une prise en charge par un membre de sa famille alors que ses parents restent présents dans sa vie (C. Siffrein-blanc, obs. ss. Civ. 1re, 15 déc. 2010). Il est beaucoup plus difficile de l’admettre lorsque l’enfant n’a plus de famille dans son pays d’origine, qu’il est destiné à vivre avec des français en France, puisque cela revient à nier la réalité des effets limités de la kafala en France (A. Gouttenoire, note ss Civ. 1er, 25 février 2009, op. cit.). Les Français auxquels un enfant a été confié en kafala sont réduits à attendre les cinq ans nécessaires pour que l’enfant puisse acquérir la nationalité française sur le fondement de l’article 21-12 alinéa 3, 1° du Code civil (V. en ce sens, Rép. min. Justice, n° 00293, JO Sénat, 5 juill. 2007, p. 1182 ; Cass. Avis, 4 juin 2012, n° 1200004, AJF 2012, p. 400, obs. P. Salvage-Gerest : La Cour de cassation est d’avis qu’un enfant étranger recueilli en France par une personne de nationalité française ne peut acquérir cette nationalité par déclaration que si la personne qui l’a recueilli est française depuis au moins cinq ans au moment de la déclaration.), délai incontestablement trop long pour un enfant dépourvu de tous liens familiaux dans son pays d’origine (Mme Corneloup a opportunément suggéré que l’intéressé puisse, uniquement au regard du droit de la nationalité, être assimilé à un enfant adopté simplement. V. S. Corneloup, note ss Civ. 1re, 14 avr. 2010, JDI 2010, comm. 10, p. 803).
Paradoxalement, l’argument invoqué à l’appui de la primauté de la loi nationale de l’enfant serait le souci d’éviter les situations boiteuses (c’est-à-dire le fait que le statut de l’enfant diffère d’un pays à l’autre) ; or, en refusant l’adoption, ne crée-t-on pas en France une situation bancale et précaire ? L’argument du statut boiteux est exagéré et, dans le cas présent, il est même totalement dépourvu de portée (B. Haftel, obs. Ss. Civ. 1re 15 déc. 2010, op. cit.). L’enfant ayant été abandonné, confié à des parents français, et conduit sur le territoire français où, désormais, il réside, n’a plus vocation à entretenir de liens avec l’ordre juridique algérien. Le seul lien subsistant est le lien de nationalité algérien et les liens de proximité n’existeront qu’avec le pays d’accueil, en l’occurrence la France. Précisément, si la justice française admettait l’adoption, l’enfant deviendrait alors français par filiation et bénéficierait ainsi d’une pleine intégration et d’une situation juridique en adéquation avec sa situation factuelle.
Ce raisonnement n’est autre que le jeu de l’exception d’ordre public. Il est vrai que le juge français était sclérosé par la lettre écrite qui ne s’est pas contentée de désigner la loi applicable mais qui a également fixé de façon original le critère de proximité à prendre en considération (la résidence et la nationalité) ( B. Haftel, obs. Ss. Civ. 1re 15 déc. 2010, op. cit). La règle de conflit est écartée explicitement par ce même article 370-3 lorsque « le mineur est né et réside habituellement en France », il faut regretter que la Cour européenne n’ait pas saisi l’opportunité de remettre en cause ces critères. En effet, la solution intermédiaire aurait pu être trouvée en faisant recouvrer au juge une certaine latitude lui permettant de nuancer la règle de conflit. En évinçant les conditions de la mise en œuvre de la proximité, le juge serait alors libre, selon une logique plus proche de l’ordre public atténué, de tenir compte du fait accompli, et de renforcer l’ordre public dès lors que l’enfant est abandonné et se trouve de fait sur le territoire français (V. la Position de la Cour de cassation en matière de filiation naturelle : Civ. 1re, 26 octobre 2011 (n°09-71.369), Civ. 1re, 10 février 1993, RCDIP, p. 620, note J. Foyer ; D. 1994, p. 66, note J. Massip : « il en est autrement lorsque ces lois ont pour effet de priver un enfant français ou résidant habituellement en France, du droit d’établir sa filiation ; dans ce cas, cet ordre public s’oppose à l’application de la loi étrangère normalement compétente »).
Dans ces conditions, pluralisme, flexibilité et adéquation des situations seraient de la sorte préservés.
Pour citer cet article : Caroline Siffrein-Blanc, « Le refus de métamorphoser une Kafala en adoption n’est pas contraire aux droits fondamentaux », RDLF 2012, chron. n°25 (www.revuedlf.com)
Crédits photo : Helene Souza, stock. xchng