Raphael Lemkin, son devoir accompli au service du monde et le devoir du monde contemporain face à son héritage
Par Etienne Ruvebana, Professeur associé de droit international public à l’Université du Rwanda
Introduction
Les concepts de prévention et celui de répression du crime de génocide ont fait (et continuent à faire) l’objet de discussion comme un sujet fondamental depuis plus d’un siècle. Raphael Lemkin a été une icône importante dans le développement de ces concepts. La présente contribution vise deux objectifs primordiaux. Le premier est de montrer le service que Raphael Lemkin a rendu au monde en développant les concepts de prévention et de répression du crime de génocide. Le second et d’évaluer à quel point le monde contemporain a pu ou pas sauvegarder son héritage en mettant en application ce que la Convention a prescrit. Les buts ultimes de cette contribution incluent donc (1) le désir de rendre hommage à Raphael Lemkin pour son travail exceptionnel à une époque particulièrement difficile et (2) de montrer ce que le monde lui doit pour s’inscrire dans son héritage. Pour arriver à ces objectifs et buts, cette contribution commence par montrer l’impact de l’enfance de Lemkin sur ses efforts ultérieurs. Elle continue en revenant sur le développement des concepts de prévention et de la répression du crime de génocide pendant l’entre-deux guerres et la période qui a suivi la Seconde guerre mondiale et la Shoah. Enfin, cette contribution évalue ce que le monde contemporain a fait ou non pour sauvegarder ou même développer davantage les concepts de prévention et répression du crime de génocide.
2. Parcours de Raphael Lemkin vers l’adoption de la Convention sur le génocide
Cette section vise à donner une brève description du parcours de Raphael Lemkin dans son combat sur la criminalisation du crime de génocide et son éradication. Ainsi, elle montre d’abord à quel point son enfance a influencé son parcours ultérieur (2.1), sa jeunesse pleine des questionnements sur les atrocités commises pendant la 1ère guerre mondiale (2.2) ; le début du parcours vers la proposition de règles internationales sur la prévention et la répression de ces atrocités (2.3) et le devoir qu’il a accompli au service du monde (2.4).
2.1 : L’enfance idyllique et éclairée de Raphael Lemkin vers l’amour de la justice et la paix
Dans cette section, l’intention n’est pas d’élaborer ou répéter ce qui peut avoir été écrit sur la vie de Raphael Lemkin. Elle est plutôt de donner une très brève description de son enfance dans la perspective de montrer comment cette dernière a contribué à la lutte qu’il a menée par la suite pour la prévention et répression du génocide.
Raphael Lemkin est né en Pologne en 1900 dans une famille de fermiers. Comme le rappelle Philippe Sands à partir des mémoires de Lemkin, ce dernier a vécu les dix premières années de sa vie dans une ferme située dans un lieu appelé Ozerisko, à environ 22 kilomètres de la ville de Wolkowysk[1] : « Lemkin se souvient d’une enfance idyllique passée au milieu de coqs et d’autres animaux, d’un gros chien répondant au nom de Riabczyk, d’un grand cheval blanc, et du chuchotement métallique des faux que l’on agitait pour couper le trèfle et le seigle dans les champs. La nourriture était abondante : pain noir et oignons crus, flan aux pommes de terre. Lemkin apportait son aide dans la ferme située non loin d’un vaste étang bordé de bouleaux blancs sur lequel ses frères et lui naviguaient dans des barques qu’ils fabriquaient eux-mêmes, jouant aux pirates et aux Vikings »[2].
Très tôt, sa mère lui a appris à lire et à aimer la justice. À 6 ans déjà il commença à s’intéresser à des sujets relatifs à la justice. La Bible compta parmi ses premières lectures et le fit déjà réfléchir à la justice et à la paix parmi les nations[3].
2.2 : De l’enfance idyllique de Raphael Lemkin à sa jeunesse pleine de questionnements sur les atrocités commises lors de la 1ère guerre mondiale
Pendant et après la première guerre mondiale, Raphael Lemkin a été particulierement marqué par les crimes commis contre les arméniens. Comment de telles atrocités pouvaient-elles se commettre sans que personne ne les arrête ? Pourquoi de tels actes demeuraient-ils impunis ? À 21 ans, Lemkin a lu l’histoire de l’assassinat de Talat Pacha en 1921 à Berlin par Soghomon Tehlirian. Pourquoi, s’est-il demandé, cet auteur principal du génocide des arméniens n’avait pas été jugé par l’ Allemagne? Il posa la question au professeur Juliusz Makarewicz. À sa plus grande surprise, ce dernier lui répondit que la doctrine de la souveraineté de l’État donnait aux gouvernements le droit de conduire leurs affaires intérieures comme ils l’entendaient. Et d’illustrer son propos de la manière suivante : « Considérez le cas d’un fermier qui possède un troupeau de poules. S’il les tue, c’est son affaire. Si vous intervenez, c’est vous qui êtes en infraction ». « Mais les Arméniens ne sont pas des poules », répondit Lemkin[4] Pour lui, « la souveraineté ne peut pas être conçue comme le droit de tuer des millions de personnes innocentes ».[5]
2.3 : De la phase des questionnements sur les atrocités commises lors de la 1ère guerre mondiale à la proposition de règles internationales pour leur prévention et répression
Plus tard, Lemkin a commencé à travailler sur la préparation d’un projet de règle internationale qui obligerait les États à mettre fin aux massacres ou destruction de groupes ethniques, nationaux, raciaux ou religieux. Ainsi, dans son combat acharné, il a développé les concepts de Barbarie et de Vandalisme. Il craignait que, si des meurtres avaient lieu une fois, ils se reproduiraient à nouveau et n’importe où si la communauté internationale ne les empêchait pas[6].
L’article 1 de son projet de loi visant à prévenir et à punir de tels massacres se lit comme suit : « Quiconque, par haine envers une collectivité raciale, religieuse ou sociale ou en vue de son extermination, entreprend un acte punissable contre la vie, l’intégrité physique, la liberté, la dignité ou l’existence économique d’une personne appartenant à une telle collectivité est responsable du crime de barbarie… ».[7] Avec cette définition, Lemkin visait donc la prévention et la répression de la destruction préméditée d’une collectivité nationale, raciale, religieuse ou sociale. Et l’article 2 de ce projet se lit comme suit : « Quiconque, soit par haine envers une collectivité raciale, religieuse ou sociale, soit dans le but de son extermination, détruit ses œuvres culturelles ou artistiques, sera passible du délit de vandalisme… ».[8] Il visait donc la prévention et la répression des actes de destruction d’œuvres d’art et de culture, conçues comme l’expression du génie des collectivités visées.
En effet, Lemkin voulait avant tout trouver des noms pour qualifier ces actes de cruauté inimaginables et ensuite les ériger en crimes punissables, ce qui conduirait à mettre en place des règles internationale obligeant les pays à les prévenir et à les punir. Et comme les crimes en question étaient ceux qui se commettaient ou se commettraient à grande échelle et généralement par les gouvernements contre leurs peuples, il est apparent que Lemkin avait l’envie de montrer que la souveraineté ne devrait pas aller si loin qu’un gouvernement pourrait détruire son propre peuple. C’est ainsi qu’il avait en tête l’idée de mettre en place une loi qui permettrait et obligerait la communauté internationale à prévenir ou arrêter les massacres.
Lemkin avait l’intention de saisir l’opportunité de la cinquième conférence internationale pour l’unification du Code pénal qui allait se tenir à Madrid en 1933. Mais le gouvernement polonais refusa sa participation.[9] Ce projet de loi a été, toutefois, présenté par le ministre polonais des Affaires étrangères mais n’a pas été adopté.[10] Son projet a échoué, mais pas son idée.
2.4: De la Barbarie au Génocide : le devoir accompli par Raphael Lemkin au service du monde[11]
Au début de la Seconde Guerre mondiale, la Pologne a été envahie par l’Allemagne nazie et l’endroit où a grandi Raphael Lemkin est devenu une zone de massacre. En tant que juif, Raphael Lemkin a été contraint de fuir, se rendant d’abord en Suède[12], puis aux États-Unis où il est devenu conseiller juridique au ministère américain de la Guerre[13]. Dans cette situation, il a continué à chercher la manière d’introduire une justice internationale qui permettrait de prévenir et réprimer de semblables actes. Pendant la guerre, Winston Churchill, alors Premier ministre britannique, affirmait dans une émission de radio que les nazis et leurs partenaires fascistes infligeaient au continent européen de sauvages atrocités. « Nous sommes en présence d’un crime sans nom », déclara-t-il[14]. Cette émission a été entendue par Raphael Lemkin, et n’ayant pas lâché son combat, il a continué à réfléchir aux moyens par lesquels il pourrait mettre à profit ses connaissances en droit international dans le but de prévenir de telles atrocités[15]. À plusieurs reprises en juin 1942, Lemkin a profité de l’occasion de travailler au ministère de la Guerre pour rencontrer Wallace, le vice-président américain, afin de présenter sa proposition visant à interdire la destruction de personnes. Plus tard, il écrivit : « J’espérais une réaction, il n’y en eut pas »[16]. Même après cette rencontre décevante avec le vice-président américain, Lemkin n’a pas abandonné son combat. Il a continué à insister sur la nécessité d’une loi pour arrêter la destruction des Juifs et les futures exterminations. Il a ensuite tenté d’approcher Roosevelt, alors président américain. Mais plus tard, Roosevelt lui écrivit qu’il reconnaissait le danger pour les groupes, mais qu’il voyait des difficultés à adopter une telle loi à l’époque. Il l’a exhorté à la patience, mais Lemkin en fut consterné et a déclaré que: « La patience est un bon mot quand on attend un rendez-vous, une allocation budgétaire ou la construction d’une route, mais quand la corde est déjà autour du cou de la victime et que l’étranglement est imminent, la patience n’est-elle pas une insulte à la raison et nature ? »[17]. Parallèlement, la même année, Raphael Lemkin se décida à écrire ‘Axis Rule in Occupied Europe’, une étude publiée en 1944[18]. Dans ce livre, il a abandonné sa terminologie initiale de Barbarie et de vandalisme qui lui avaient fait défaut lors de la Cinquième Conférence de Madrid en 1933[19], et a introduit une nouvelle conception du « génocide » comme le meurtre massif de groupes nationaux, raciaux et religieux et proposait de poursuivre les nazis après la guerre pour génocide comme crime au regard du droit international[20].
Raphael Lemkin était convaincu qu’un double meurtre était en train d’être commis : le premier par les nazis, en vertu du plan qu’ils avaient élaboré pour détruire les groupes visés, le second par les Alliés, en ne dénonçant pas et en n’arrêtant pas la campagne d’extermination d’Hitler[21].
C’est dans son ouvrage qu’il élabore et propose le mot « génocide », c’est-à-dire le meurtre d’un peuple, à partir du mot grec « genos » (clan, famille ou peuple) et le mot latin « occidio » (extinction ou extermination totale[22]), et il écrit :
« Le crime de génocide implique un large éventail d’actions, comprenant non seulement la privation de la vie mais aussi des dispositifs mettant considérablement en danger la vie et la santé : toutes ces actions sont subordonnées à l’intention criminelle de détruire ou de paralyser définitivement un groupe humain. Les victimes sont sélectionnées pour être détruites uniquement parce qu’elles appartiennent à ces groupes… ».[23]
Après avoir trouvé le nom de « génocide » et sa définition et après avoir constaté que le système de protection des minorités créé après la Première Guerre mondiale s’était révélé inadéquat, Lemkin a proposé qu’il y ait un traité multilatéral obligeant les États à inclure, dans leurs constitutions mais aussi dans leurs codes pénaux nationaux, des normes protégeant les groupes minoritaires nationaux, religieux ou raciaux de l’oppression et des pratiques génocidaires[24]. Il espérait que trouver un nom et une définition du crime était un premier pas vers la criminalisation de telles destructions[25]. Par la suite, lors de la session de l’Assemblée générale du 30 septembre et du 1er octobre 1946, la question fut discutée sur demande de Cuba, l’Inde et le Panama. Cette discussion mena à l’adoption d’une Résolution 96(I) de l’Assemblée générale de l’ONU du 11 décembre 1946 à l’unanimité et sans débat, qui a affirmé que le génocide est un crime de droit international que le monde doit prévenir et punir et a précisé que pour que cela réussisse, une coopération internationale était nécessaire[26]. Dans cette résolution également, l’Assemblée générale a demandé au Conseil économique et social (ECOSOC) d’entreprendre les études nécessaires en vue d’élaborer un projet de convention sur le crime de génocide qui sera soumis à la prochaine session ordinaire de l’Assemblée générale[27]. Un projet final fut adopté lors de la troisième session de l’Assemblée Générale dans sa résolution 260 du 9 décembre 1948, un jour avant l’adoption de la Déclaration Universelle des droits de l’homme[28]. Chose impressionnante, tous les délégués ont voté oui pour la Convention sur le génocide, aucun n’a voté non. C’était la première fois que les Nations Unies adoptaient un traité sur les droits de l’homme[29]. Dans la résolution qui a adopté cette convention, l’Assemblée Générale a encore une fois reconnu « qu’à toutes les périodes de l’histoire, le génocide a infligé de grandes pertes à l’humanité » et a réaffirmé que « pour libérer l’humanité d’un fléau aussi odieux, la coopération internationale est nécessaire »[30]. L’article I de cette convention sur la prévention et répression du génocide énonce que « Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime de droit international qu’elles s’engagent à prévenir et à punir ». Trois mots sont clés dans cette disposition : crime du droit international, prévention et répression. Pour Lemkin, aboutir à ce stade était un pas très avancé. Et sa contribution est immense à travers son long parcours qui a abouti à l’adoption de cette convention. La question est de savoir ce qu’a fait le monde pour parvenir à l’objectif poursuivi par la convention, « libérer l’humanité d’un fléau aussi odieux ».
3. Le devoir du monde contemporain face à l’héritage de Lemkin
Cette section vise à montrer à quel point le monde contemporain a pu (ou pas) sauvegarder l’héritage de Lemkin en mettant en application (ou pas) ce que la convention a prescrit. Étant donné que ce travail s’inscrit dans le contexte du Colloque international sur le génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda, il peut paraître comme une évidence que l’accent soit mis sur ce cas du génocide perpétré contre les Tutsi. Toutefois, le cadre juridique dont il est question ne se limite pas au cas du Rwanda. Ainsi, étant donné que la convention sur le génocide se concentre sur deux points essentiels, la prévention et la répression, cette section examine chacun de ces deux points, afin d’établir la façon dont le monde s’est comporté depuis l’adoption de la convention sur le génocide.
3.1. Le monde contemporain face à l’obligation de prévenir le génocide Après les années 1940, les réalisations de Lemkin ont été ignorées pendant des décennies. Plus précisément, la convention sur la prévention et répression du génocide est restée dormante. La réponse du monde à ce sujet a été absente. Tout simplement, le contenu de l’obligation de prévenir le génocide a été largement négligé. Certains affirment que cela était dû au fait que Lemkin était mort -il décède en 1959- avant que nombre de ses textes (près de 20 000 pages) n’aient été publiés[31]. D’autres observateurs affirment que c’était en raison du contexte de la guerre froide qui n’accordait pas de valeur au droit humanitaire. D’autres ajoutent que c’était lié au fait que la convention sur le génocide ne disait pas grand-chose sur la portée de l’obligation de prévenir le génocide (parfois confondue avec l’obligation de punir ou même absorbée par cette dernière)[32]. Mais il y a lieu de penser que si le contenu de l’obligation de prévenir le génocide a été largement négligé après l’adoption de la convention, cela pourrait être lié au fait que les pays n’ont simplement fourni aucun effort pour prévenir les atrocités et se sont camouflé derrière des excuses variées.
Pendant toutes ces années où le monde a été silencieux face aux atrocités de caractère génocidaire, ces actes n’ont pas cessé de se multiplier. Pour le cas du Rwanda, les crimes de caractère génocidaire se sont commis à partir de l’année même de la mort de Lemkin, c’est-à-dire en 1959 et se sont succédé dans les années qui ont suivi : 1961,1962,1963, 1964, 1973, 1990, 1991, 1992, 1993 jusqu’au génocide perpétré contre les tutsi en 1994. Il est l’un des plus graves génocides qui aient été commis dans l’histoire de l’humanité.
Au début des atrocités au Rwanda en avril 1994, le gouvernement français a décidé d’envoyer une force armée de parachutistes bien équipée, l’opération Amaryllis, dans le but d’évacuer les ressortissants français et autres occidentaux, ainsi que les membres de la famille du président Habyarimana. L’évacuation a été effectuée par des Français, ainsi que par des soldats italiens et belges[33]. A cette époque, l’effectif de la force de maintien de la paix de l’ONU était de 2548 soldats. Le Général Roméo Dallaire qui commandait cette mission a demandé au Conseil de Sécurité de renforcer sa mission à travers l’augmentation du nombre de soldats de la MINUAR et de donner le mandat à cette dernière de mettre fin à ce génocide (qui venait de commencer) en vertu du Chapitre VII de la Charte[34]. Entre-temps, le contingent belge (un bataillon) de la MINUAR a reçu un message vers le 9 avril 1994 lui ordonnant de se retirer du Rwanda[35]. Près de 3,000 personnes avaient fui leurs maisons depuis le 8 Avril 1994 pour obtenir la protection des soldats belges à l’École Technique Officielle de Kicukiro à Kigali,[36] et au Centre des Pères Salésiens de Kimihurura. Le 11 avril 1994, les soldats belges se sont retirés du Rwanda. Ils ont abandonnés à leur sort les victimes, qui ont été tuées par des extrémistes hutu.[37]
Il faut noter aussi que pendant toutes ces années qui ont précédé le génocide perpétré contre les Tutsi en 1994, certains actes au Rwanda montraient déjà les risques d’un génocide. Ces actes comprennent notamment les catégorisations sociales accélérées (par origine ethnique), suivi d’une discrimination dans laquelle certains groupes ont obtenu un statut défavorisé par rapport aux autres. Cela a été suivi d’une idéologie déshumanisante dans laquelle les victimes potentielles du génocide ont cessé d’être considérées comme appartenant à la même race humaine que les autres. Comme cette idéologie s’est propagée avec succès, il a été plus facile pour les planificateurs de préparer des tests au moyen de massacres ciblés (actes impunis)[38]. Ces massacres ont atteint une intensité élevée jusqu’à la destruction de l’ensemble du groupe. Comme aucune mesure n’a été prise pour l’arrêter, les auteurs du génocide se sont assuré qu’il n’y aurait pas de répercussions sur eux, et cela a constitué une grande motivation pour l’exécution de leur plan. Tous ces facteurs ne sont pas nécessairement des causes directes du génocide, mais ils constituent des risques qui contribuent à conduire à sa perpétration. Chaque facteur à chaque phase du processus est crucial dans le parcours vers la commission du génocide[39].
Le génocide perpétré contre les Tutsi n’est pas le seul commis depuis l’adoption de la convention sur la prévention du génocide qui a suivi l’intervention de Lemkin. Il y a eu d’autres actes de caractère génocidaire ou même de génocide proprement dit. Par exemple, après que les Khmers rouges ont pris le pouvoir en avril 1975 jusqu’à leur renversement le 7 janvier 1979, au moins 1,7 million de personnes seraient mortes de faim, de torture, d’exécution ou de travaux forcés au cours de cette période de 3 ans, 8 mois et 20 jours[40]. Ce sont les minorités religieuses et ethniques qui ont été particulièrement persécutées. Alors que les groupes chrétiens et bouddhistes ont été visés par la répression, c’est le groupe musulman Cham qui a été le plus touché par le génocide[41].
Aussi, à l’instar de ce qui s’est passé au Rwanda, le génocide à Srebrenica dans l’ex-Yougoslavie s’est produit alors que les soldats de maintien de la paix néerlandais étaient sur place. Les troupes néerlandaises étaient présentes dans les Balkans au sein de la Force de protection des Nations Unies pour protéger les civils pendant les guerres sanglantes qui opposaient les Serbes de Bosnie aux Croates et aux Musulmans de Bosnie. Cette force de maintien de la paix à Srebrenica, composée de près de 400 hommes, était destinée à protéger les réfugiés et les habitants de cette ville bosniaque, désignée refuge par l’ONU en 1993. Les unités de l’ONU étaient stationnées dans les zones de sécurité afin de dissuader une attaque. Mais cela n’a signifié qu’une présence symbolique et ils n’ont offert que peu ou pas de résistance à l’attaque serbe[42]. En raison du manque de volonté des acteurs impliqués dans le conflit, ainsi que d’autres acteurs extérieurs au conflit, pour prendre des mesures préventives, on estime que 8 000 hommes et garçons ont été tués à Srebrenica en juillet 1995[43].
Ce n’est donc que dans les années 1990 que le sujet du génocide a, au fur et en mesure, regagné son importance à cause du déclenchement du génocide dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda. Mais là aussi, la réaction du monde a été à une allure très lente[44]. Comme indiqué plus haut, l’obligation de prévenir le génocide, mentionnée par la convention, n’a pas reçu beaucoup d’attention, ni dans les travaux universitaires en droit international postérieurs à Lemkin, ni dans la pratique par les États et les Nations Unies. Même dans les récents débats universitaires sur ce sujet, l’accent a été mis sur l’intervention aux stades où le génocide est sur le point d’être commis ou est en train d’être commis, ignorant la prévention dès les premiers stades. En d’autres mots, le contenu de cette obligation juridique de prévention n’a jamais été précisé : qui doit faire quoi, quand, où et comment pour se conformer à cette obligation de prévenir le génocide ? Même après la relance des préoccupations sur ce sujet dans les années 1990, le contenu de l’obligation de prévenir est resté moins clair, non seulement parce que le concept de prévention lui-même n’avait pas été élaboré dans la Convention sur le génocide en soi mais aussi parce qu’il n’y avait pas eu beaucoup d’indication sur le contenu en droit international en général. La littérature qui a suivi n’a pas non plus fait grand-chose pour combler cette lacune. En fait, depuis de nombreuses années, aucune recherche juridique n’avait été entreprise sur l’obligation de prévenir le génocide qui est prévue dans la Convention sur le génocide et sur la prévention elle-même. La plupart des recherches universitaires sur la prévention du génocide ont été entreprises par des historiens, des philosophes et des spécialistes des sciences sociales[45].
Même lorsque la Cour Internationale de Justice s’est prononcée pour la première fois sur l’obligation de prévenir le génocide, ce qu’elle a fait est principalement de confirmer l’existence de cette obligation en notant que « Les Parties contractantes ont l’obligation directe de prévenir le génocide »[46], mais elle n’a pas non plus donné le sens de la prévention ni fourni les mécanismes clairs sur ce qu’implique l’obligation de prévenir le génocide.
La récente recherche qui a servi de base à la présente contribution (et particulièrement à cette section)[47] s’est concentré sur l’effort de développer ce domaine en vue de combler le vide démontré plus haut. Ainsi, afin de pouvoir contribuer à l’éclaircissement du concept de prévention et du contenu de l’obligation y relative, il a fallu livrer une analyse approfondie du concept de prévention et du contenu du devoir de prévention du génocide en droit international pour différentes catégories d’acteurs.
En effet, étant un mot utilisé dans différents domaines, la prévention a été analysée dans le contexte comparatif afin d’arriver au consensus sur son sens ordinaire. Ainsi, sa signification et sa structure dans les domaines de la santé publique, la non-prolifération des armes nucléaires, la criminologie, le droit de l’environnement et la torture ont été examinées[48].
Dans tous ces domaines, la prévention signifie éviter que des dommages ne surviennent. Cela nécessite de prendre les mesures préventives appropriées au moment opportun. Il s’est donc avéré que le concept de prévention dans son sens ordinaire exige qu’elle soit menée de manière structurée dans le temps pour donner un sens concret au devoir de prévention et à l’esprit de la Convention sur le génocide. Cette structuration dans le temps peut être explicitée par une distinction en trois phases ou niveaux. Le niveau primaire fait référence à la période qui précède même l’apparition d’un conflit social susceptible de conduire au génocide. Le devoir de prévenir le génocide à ce niveau exige que les États mettent en place des mesures administratives, politiques, éducatives, culturelles, économiques et juridiques générales, y compris l’adoption de lois susceptibles de contribuer à prévenir ou à contrer les tensions sociétales susceptibles de se transformer en conflits concrets pouvant conduire aux phases suivantes qui peuvent mener au génocide[49]. Le niveau secondaire est la période pendant laquelle il y a déjà des symptômes/signes de préjudice tendant vers les risques de génocide. Le niveau tertiaire est celui où le préjudice se produit déjà. Pour que la prévention réussisse, les mesures préventives doivent être adaptées à chaque niveau et phase et doivent s’attaquer aux facteurs apparaissant à chaque niveau dans le but d’éviter que la situation ne s’aggrave.
Ainsi donc, et comme le suggère également la Cour internationale de Justice en 2007 dans l’arrêt Bosnie Herzégovine contre Serbie Monténégro, il apparaît que l’obligation de prévention doit être fondée sur le sens ordinaire du terme prévention pour qu’elle puisse atteindre son objectif. Ces mesures sont dues dès le début du processus menant au génocide et non lorsque le génocide est sur le point d’être commis ou lorsqu’il est en train d’être commis. Raphael Lemkin avait répété à plusieurs reprises par exemple que les nazis avaient prévu d’éliminer les Juifs bien avant que l’élimination proprement dite ne commence et que les mesures auraient dû être prises dès lors[50].
Cette obligation de prévenir comprend notamment l’obligation positive et l’obligation négative. Alors que l’obligation positive exige de prendre des mesures visant à empêcher le développement du germe génocidaire ou la commission du génocide en soi, l’obligation négative exige de s’abstenir des actes qui peuvent encourager le développement du germe génocidaire comme soutenir les actes des états qui présentent les risques du génocide. Donc, les parties à qui incombe cette obligation doivent s’abstenir de prendre des mesures qui pourraient conduire à un génocide ou à des actes de génocide.
Évidemment, les mesures préventives concrètes à chaque niveau doivent être prises par les États sur leurs territoires. Mais cette obligation de prévenir le génocide n’est pas limitée territorialement. Cela signifie que diverses mesures préventives sont disponibles pour les États au-delà de leurs limites territoriales, et indépendamment de la volonté ou de la capacité des États territoriaux.
Ces mesures comprennent notamment la législation qui crée un mécanisme susceptible d’empêcher leurs propres organes de s’engager dans des activités susceptibles d’alimenter les tensions entre les populations des autres États. Il s’agit aussi de législation sur les mécanismes qui ne permettent pas d’héberger des personnes se livrant à des activités criminelles liées au génocide au sein d’un autre État. Cette législation est nécessaire au niveau primaire.
Au niveau secondaire, d’autres mesures ont été élaborées et testées pour voir si et dans quelle mesure elles peuvent prévenir le génocide dans les autres États. Certaines de ces mesures dont disposent les États incluent la mise en œuvre de la compétence universelle afin de punir les suspects des actes menant au génocide ou crimes de génocide, où qu’ils soient commis et quelle que soit la nationalité des suspects.
Cependant, pour toutes les mesures à chaque niveau, certains défis peuvent être notés. Il s’agit notamment du fait qu’en ce qui concerne les mesures prises par les États sur leurs propres territoires, il n’existe aucun mécanisme national de prévention du génocide capable de coordonner et de surveiller la mise en œuvre des mesures préventives disponibles à chaque phase.
Un autre défi majeur réside dans le fait que, dans de nombreux cas, les États sur leurs territoires peuvent être soit incapables de prendre des mesures pour prévenir le génocide, soit peu disposés à le faire, soit être eux-mêmes les planificateurs de la commission du génocide, comme ce fut le cas au Rwanda en 1994.
La création d’institutions nationales et internationales pour surveiller activement la prévention du génocide et coordonner les actions des États et de l’ONU est indispensable pour rendre la prévention du génocide à l’avenir plus efficace.
L’héritage de Lemkin semble n’avoir pas été sauvegardé comme il l’aurait fallu. Le monde n’a pas tiré les conséquences de l’obligation de prévenir les génocides. Même si l’obligation de prévenir peut, dans certains cas, emprunter certaines mesures qui peuvent être utiles aussi à l’obligation de punir, cette obligation de prévenir le génocide a son propre statut juridique distinct. Les États n’ont néanmoins guère fourni d’efforts en ce sens. L’obligation de prévenir a été comme absorbée par l’obligation de punir. Mais les États en ont-il fait davantage pour mettre en œuvre l’obligation de punir ?
3.2. Le monde contemporain face à l’obligation de punir les responsables du génocide L’article I de la convention sur le génocide de 1948 a qualifié le génocide de « crime de droit international ». En plus de l’obligation de le prévenir, les parties contractantes ont confirmé qu’elles s’engageaient à le « punir »[51]. L’article VI dispose que les personnes accusées de génocide « seront jugées par un tribunal compétent de l’État sur le territoire duquel l’acte a été commis ou par un tribunal pénal international tribunal compétent . . . »[52]. Ainsi, la convention a noté que les États doivent adopter la législation nécessaire pour lui donner effet et, en particulier, pour prévoir des peines efficaces à l’encontre des personnes coupables de génocide (art. V). Cette convention a également déclaré que les États peuvent demander à l’ONU d’agir en vertu de la Charte (art VIII) pour réprimer le génocide (et le prévenir). Dans la résolution 260 de l’Assemblée Générale qui a mis en place cette convention, l’assemblée générale a également invité la commission du droit international « à étudier l’opportunité et la possibilité de créer un organe judiciaire international pour juger les personnes accusées de génocide… »[53]. Mais, comme indiqué plus haut, ce n’est que dans les années 1990 que le sujet du génocide a, au fur et à mesure, regagné son importance à cause du déclenchement d’autres génocides comme ceux dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda. En abordant ce sujet, et comme c’était une réaction aux génocides qui se commettaient ou venaient de ce commettre, l’accent a été mis sur l’aspect de la répression. Cet accent s’est particulièrement manifesté par la création des tribunaux pénaux internationaux comme le Tribunal Pénal international pour l’Ex-Yougoslavie (1993)[54], et le Tribunal Pénal International sur le Rwanda (1994)[55]. Étant des tribunaux pénaux, tout ce qu’ils ont fait fut de punir les individus impliqués dans le génocide et d’autres crimes internationaux. Par conséquent, le sujet concernant la responsabilité des États pour leur manquement à leur obligation de prévenir le génocide ou leur obligation de le punir n’a pas été abordé. Et bien que le sujet de la responsabilité soit aussi crucial que celui de la répression des individus, l’accent a plutôt été mis ici sur la répression des individus[56]. Aussi, il convient de voir à quel point la répression du crime de génocide et a été faite après les années 1990, et ceci dans la perspective de voir à quel point cela peut donner une leçon pour l’avenir.
En premier lieu, il sied de voir comment les Tribunaux internationaux ont puni les crimes de génocide et les crimes voisins comme l’entente en vue de commettre le génocide, l’incitation directe et publique de commettre le génocide, la tentative de commettre le génocide ainsi que les crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Situé à La Haye, aux Pays-Bas, le TPIY a inculpé plus de 160 personnes parmi lesquelles des chefs d’État, des premiers ministres, des chefs d’état-major de l’armée, des ministres de l’intérieur et de nombreux autres dirigeants politiques, militaires et policiers de haut et de niveau intermédiaire de diverses parties aux conflits yougoslaves[57]. Ceci a été possible parce que son mandat le lui permettait.
Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) est un autre tribunal crée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour poursuivre les auteurs du génocide, de crimes contre l’humanité, crimes de guerre, incitation directe et publique à commettre le génocide, l’entente en vue de commettre le génocide, la tentative de commettre le génocide, la complicité dans le génocide. Ce Tribunal a inculpé 93 personnes (62 condamnés, 14 acquittés, 10 renvoyés devant les juridictions nationales, 3 fugitifs en fuite, 2 décédés avant le procès, 2 actes d’accusation retirés avant le procès). Parmi les personnes inculpées figurent des responsables militaires et gouvernementaux de haut rang, des politiciens, des hommes d’affaires, ainsi que des chefs religieux, des milices et des responsables des médias[58]. Bien que le nombre des personnes poursuivies par ces deux tribunaux ne soit pas très impressionnant comparativement au nombre des personnes impliquées dans ces crimes, le message l’est. En effet, malgré certains défis liés à leur fonctionnement, la contribution de ces deux tribunaux à l’avancement du droit international est remarquable. Ils ont contribué à établir une jurisprudence substantielle sur les crimes les plus graves : génocide et crimes connexes, crimes contre l’humanité, crimes de guerre. Plus particulièrement, le TPIR est le premier tribunal international à rendre des verdicts en matière de génocide et le premier à interpréter la définition du génocide énoncée dans la Convention de 1948 sur le génocide[59]. C’est aussi le premier tribunal international à définir le viol dans le droit pénal international et à reconnaître le viol comme un moyen de perpétrer un génocide[60]. Il faut noter cependant que, malgré certains retards de certains États dans leurs actions, pour que ces tribunaux puissent fonctionner, il a fallu la coopération de certains États à différents niveaux, notamment au stade de l’arrestation, au transfert des accusés jusqu’au stade de l’incarcération après leur condamnation. Cette coopération a été particulièrement rendue possible par le fait que ces deux tribunaux avaient été créés sous l’égide du conseil de sécurité des Nations Unies. Les succès de ces deux tribunaux dans la répression du crime de génocide et autres crimes internationaux ont contribué à l’avancement du processus de l’établissement d’une cour pénale internationale (CPI) en 1998[61], projet qui stagnait depuis des décennies. Cette cour qui était hautement attendue est entrée en vigueur en 2002 avec la compétence de poursuivre les auteurs des crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre pour les États qui ont ratifié le traité de Rome de 1998[62] Depuis son entrée en vigueur en 2002, certaines situations dans lesquelles certains de ces crimes en question ont été commis ont été abordées par la cour pénale internationale. Elles incluent la situation de la République Démocratique du Congo déférée à la CPI par le gouvernement de la RDC en 2004 pour certains crimes contre l’humanité, et celle de l’Ouganda déférée à la CPI par le Gouvernement ougandais en 2004. Elles incluent aussi celle du Darfour, Soudan déférée à la CPI par le Conseil de sécurité des Nations Unies en 2005 pour génocide et autres crimes internationaux, deux en République centrafricaine déférée à la CPI par le gouvernement centrafricain en décembre 2004 et 2014 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, celle du Kenya, enquête ouverte par le procureur de la CPI de sa propre initiative pour crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans le contexte des violences postélectorales au Kenya en 2007 et 2008, et celle de l’Ukraine déferrée à la cour en 2022 par 43 états parties au statut de Rome[63]. Dans 12 situations en cours et 5 closes, la cour a examiné ou examine 31 affaires qui impliquent jusqu’à présent 53 défendants[64]. Bien qu’à présent la CPI soit la seule cour pénale internationale dotée d’un statut permanent et à travers laquelle la répression du crime de génocide et autres crimes internationaux au niveau international peut être faite, un bon nombre d’États n’ont pas rejoint la cour. En effet, jusqu’à la fin 2023, 124 pays sont États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ce qui représente 64,2% des 193 États membres de l’ONU. Parmi eux 33 sont des États africains,19 sont des États d’Asie-Pacifique, 19 viennent d’Europe de l’Est, 28 sont originaires d’États d’Amérique latine et des Caraïbes, et 25 sont originaires d’Europe occidentale et d’autres États. Cela signifie que 69 autres États ne sont pas membres du Statut de Rome (soit 35,7 % des 193 États membres de l’ONU)[65]. Les États Unis d’Amérique et la Chine, qui sont parmi les membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, sont parmi les sept États qui ont voté contre le statut de Rome[66] et n’ont pas ratifié cette convention même après. Cela est une grande entrave au fonctionnement de la cour.
Il serait donc naïf d’accorder une trop grande confiance à un système international qui n’a institué qu’une seule cour, dénuée de portée universelle. Le point encourageant est que la répression des crimes internationaux n’est plus un domaine réservé seulement à la CPI et aux tribunaux pénaux internationaux. L’obligation qui découle de la convention sur le génocide et du droit international coutumier[67] exige des États de punir les auteurs du crime de génocide et autres crimes connexes. Ainsi, certains ont joué et doivent jouer un rôle dans leur répression.
Pour le génocide perpétré contre les tutsi au Rwanda, certains États ont traduit en justice les auteurs du génocide et d’autres crimes connexes. C’est le cas par exemple de la France pour les procès de Laurent Bucyibaruta pour complicité dans le génocide, de Tito Barahira et Octavien Ngenzi pour génocide et crimes contre l’humanité, du capitaine Pascal Simbikangwa pour génocide et complicité, de Sosthène Munyaneza pour génocide.[68] La Belgique a aussi poursuivi des auteurs des crimes commis au Rwanda. C’est le cas par exemple de quatre rwandais dans le procès dit « de Butare » : Higaniro Alphonse, Sœur Mukangango Consolate, Sœur Mukabutera Julienne (Sœur Kizito), Ntezimana Vincent pour génocide. D’autres cas sont ceux de Nzabonimana Etienne et Ndashyikirwa Samuel pour crimes de guerre, Nkezabera Ephrem pour crime de guerre, Fabien Neretse (génocide), Seraphin Twahirwa (génocide) et Pierre Basabose (génocide). La Suisse a poursuivi Fulgence Niyonteze pour crimes de guerre. Alors que les Pays-Bas ont poursuivi Yvonne Ntacyobatabara Basebya et Joseph Mpambara pour incitation à commettre le génocide et crimes de guerre, et ont extradé Jean-Claude Iyamuremye et Jean-Baptiste Mugimba, l’Allemagne a, à son tour, poursuivi Onesphore Rwabukombe pour complicité dans le génocide et a extradé Twagiramungu Jean. Le Canada a poursuivi Désiré Munyaneza pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, Mungwarere Jacques pour génocide (aquitté) et a extradé vers le Rwanda certains autres comme Jean-Claude Seyoboka et Leon Mugesera. De leur côté, les États-Unis ont par exemple extradé Jean Mary Vianney Mudahinyuka, Leopold Munyakazi, Oswald Rurangirwa, et ont poursuivi Beatrice Munyenyezi pour avoir menti sur son affiliation politique pendant le génocide et l’a ensuite extradé vers le Rwanda pour y être poursuivie pour le crime de génocide (après avoir servi sa peine aux États-Unis). Ensuite, la Suède a poursuivi Claver Berinkindi, Stanislas Mbanenande et Rukeratabaro Theodore pour génocide, et a extradé Sylvère Ahorugeze vers le Rwanda. La Finlande a poursuivi Francois Bazaramba pour génocide, la Norvège a poursuivi Sadi Bugingo et a extradé vers le Rwanda Charles Bandora. Le Danemark a choisi d’extrader Emmanuel Mbarushimana et Wenceslas Twagirayezu vers le Rwanda[69]. Quid, justement, du Rwanda? Le Rwanda a puni un nombre immense d’auteurs du génocide et d’autres crimes voisins à travers les juridictions ordinaires et les juridictions Gacaca. Après le génocide, le Rwanda a mis en place un cadre juridique qui a servi dans la poursuite d’auteurs du génocide et d’autres crimes internationaux commis lors du génocide au Rwanda[70]. Quelques années plus tard, il a été constaté qu’il était impossible de poursuivre tous les auteurs des crimes commis au Rwanda pendant le génocide à travers cette structure judicaire classique. Ainsi, le Rwanda a réinstitué le système Gacaca, et les 11 000 juridictions créées dans tout le pays ont poursuivi un nombre proche de 2 millions d’individus[71]. Dans tous les cas, compte tenu de la complexité et de l’échelle à laquelle le génocide perpétré contre les Tutsi a été commis au Rwanda, il est évident que la répression des auteurs de ce crime et autres crimes internationaux n’est pas encore achevée. C’est un processus qui doit continuer à travers le mécanisme des Nations Unis pour ceux qui font encore l’objet d’une recherche, et par les tribunaux nationaux pour les autres non encore poursuivis. Et s’il a été possible pour certains États de poursuivre les auteurs du génocide perpétré contre les Tutsi en 1994, les autres peuvent en tirer une leçon, que ce soit pour ce génocide ou pour d’autres, commis ou pouvant être commis dans le futur. A présent, il n’y a plus de difficulté au niveau du droit international en ce qui concerne la compétence des États à engager des poursuites contre les auteurs du crime de génocide, car l’article 1er de la convention sur le génocide oblige les États à punir le génocide, ce qui veut dire que les États ont non seulement le droit de punir ce crime, mais aussi l’obligation de le faire. Ceci est possible non seulement sur la base de cette disposition de la convention mais aussi sur base d’une règle du droit international coutumier relative à la compétence universelle qui est un principe juridique permettant ou obligeant un État à engager des poursuites pénales pour certains crimes, indépendamment du lieu du crime et de la nationalité de l’auteur ou de la victime[72]. Les États qui n’appliquent pas cette compétence que ce soit pour les génocides déjà commis ou les autres qui pourraient se commettre dans l’avenir sont ou seraient en violation de l’obligation de punir. Le défi majeur à ce sujet est que certains États ne satisfont pas cette obligation lorsqu’ils n’ont pas prévu dans leurs lois des dispositions qui permettent de poursuivre et d’appliquer les sanctions. Un autre défi qui s’applique tant pour le cas de la poursuite des crimes en question par les juridictions internationales que par les juridictions nationales est lié à la question de l’immunité des chefs d’États et d’autres qui, en circonstances ordinaires, jouissent de l’immunité en droit international. En effet, bien que la convention sur le génocide ait prévu en son article 4 que « les personnes ayant commis le génocide ou l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III seront punies, qu’elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers »[73], son applicabilité en ce qui concerne ceux qui sont encore en fonction est très problématique. Le cas de l’ex-Président Al Bashir du Soudan contre qui un mandat d’arrêt international a été lancé par la CPI[74] est éloquent. En effet, pour ce qui concerne les juridictions internationales, il existe un désaccord persistant sur la question de savoir si l’acte d’accusation de la CPI prévaut sur l’immunité des chefs d’État en exercice et autres qui jouissent de l’immunité diplomatique. Même les 12 États africains qui sont parties de la conférence internationale sur la Région des grands lacs qui ont adopté un protocole sur la prévention du génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres formes de discrimination et autres crimes internationaux dans lequel ils ont affirmé que le statut du ressortissant de l’État requis ne fait pas obstacle aux poursuites (art 24 (2)), n’ont pas été loyaux envers leur engagement. Par exemple, certains de ces pays comme le Kenya et l’Ouganda ont menacé de se retirer du statut de Rome si la cour ne reconnaissait pas l’immunité des chefs d’États et le Burundi s’est retiré[75]. Pour les poursuites par les juridictions nationales aussi, la question de l’immunité reste une entrave. Un exemple éloquent est donné par l’ex-ministre des affaires étrangères de la République Démocratique du Congo contre qui le mandat d’arrêt international a été lancé par la Belgique et a été diffusé auprès de tous les États, la RDC inclue, en vue de son arrestation et extradition. L’arrêt de la cour internationale de justice dans l’affaire qui a opposé la RDC et la Belgique au sujet de ce mandat a aggravé la situation, surtout en ce qui concerne les mandats d’arrêt qui peuvent être lancés par les États contre les dirigeants d’autres pays. En effet, en jugeant que ce mandat était en violation du droit international lié à l’immunité diplomatique, la Cour a compliqué la situation[76]. Compte tenu du fait que la plupart des crimes internationaux sont soit commis directement par les dirigeants des pays ou avec leur complicité, soit commis par des rebelles auxquels l’appareil judiciaire national a un accès limité, l’applicabilité de la répression du crime des génocide risque de continuer à une allure plus ou moins timide. Ceci ne doit pas conduire à sous-estimer le grand développement déjà enregistré dans les efforts du monde en général dans la répression du crime de génocide. Beaucoup a été fait, mais il reste aussi beaucoup à faire pour rendre ce mécanisme plus viable qu’il ne l’est aujourd’hui.
4. Conclusion Trois points sont à noter pour conclure. Le premier est qu’il est indiscutablement vrai que les efforts exceptionnels de Raphael Lemkin ont contribué énormément au développement du droit international en ce qui concerne la prévention et la répression du crime de génocide. Son amour immense de paix et justice, cultivé dès l’enfance, l’a motivé à entamer sa lutte qui a connu un aboutissement remarquable. Ainsi, il mérite un hommage exceptionnel, non seulement à l’occasion du 75eme commémoration de l’adoption de la convention sur le génocide mais de manière continue. Le deuxième point consiste à affirmer que l’héritage de Lemkin en ce qui concerne la prévention du génocide a été largement ignoré principalement par les États parties à la convention sur le génocide. Ce concept mérite d’être mieux compris, mieux développé. Il est aujourd’hui méconnu et l’obligation de protection fait l’objet de nombreuses violations qui ne respectent pas l’héritage de Lemkin. Certaines clarifications données au cours de cette contribution devraient aider à montrer le rôle que doit jouer le monde pour améliorer le processus de prévention du crime de génocide. La prévention du génocide en droit international doit être menée de manière structurée, en distinguant les niveaux primaire, secondaire et tertiaire. Ainsi la prévention ne se limite pas à la phase où le génocide est commis comme cela a été envisagé dans le passé. Cette tendance à se concentrer uniquement sur les phases tardives du processus génocidaire est erronée et explique vraisemblablement l’échec de la prévention du génocide dans un certain nombre d’exemples. Le troisième point consiste à affirmer que la sauvegarde de l’héritage de Lemkin en ce qui concerne l’obligation de punir a eu un résultat mitigé. En effet, il a été montré que la répression du génocide au Rwanda et en ex-Yougoslavie présente un résultat plus ou moins positif tant au niveau international qu’au niveau national. Mais non seulement le nombre reste encore minimal comparativement au nombre des auteurs présumés qui sont encore recherchés, mais il a été aussi démontré que les systèmes judiciaires en place au niveau international et aux niveaux nationaux n’offrent pas encore un paysage propice dans lequel la répression des crimes peut se faire aisément. Dans la plupart des cas, le système judiciaire a été mis en place en réaction à des crimes qui étaient déjà commis. Il est temps d’avoir un système préétabli qui rende possible la poursuite de ces crimes sans pour autant attendre qu’ils soient achevés.
[1] Raphael Lemkin: Une vie de combats pour une vraie justice internationale, article dans le journal “Express”, Publié le 28/08/2017, accessible à https://www.lexpress.fr/monde/raphael-lemkin-une-vie-de-combats-pour-une-vraie-justice-internationale_1937622.html, < consulté le 30/08/2023).
[2] Ibidem
[3] Ibidem
[4] Irvin-Erickson, Douglas, Raphael Lemkin and the Concept of Genocide. University of Pennsylvania Press, (2016), pp. 36–38,
[5] Ibidem
[6] Power, Samantha, ““A Problem from Hell”“: America and the Age of Genocide, Basic Books, New York, 2003, p. 341
[7]Lemkin Raphael, « Genocide as a Crime Under International Law», American Journal of International Law, Vol. 41, n°1, 1947, pages 145-151.
[8] Lemkin Raphael, « Genocide as a Crime Under International Law», American Journal of International Law, Vol. 41, n°1, 1947, pages 145-151.
[9] Power, Samantha, ““A Problem from Hell”“: America and the Age of Genocide, Basic Books, New York, 2003, p. 22.
[10] Ibidem
[11] Cette section est particulierement inspirée par un travail précédent du même auteur qui est redigé en anglais: Ruvebana Etienne, Prevention of Genocide under International Law; An Analysis of the Obligations of States and the United Nations to Prevent Genocide at the Primary, Secondary and Tertiary Levels, Intersentia, Cambridge- Antwerp-Portland, 2014, pp. 1-13.
[12] Schabas, A. William, Genocide in International Law, The Crime of Crimes, Cambridge University Press, Cambridge, 2000, p. 24.
[13] Heidenrich, G. John, How to prevent Genocide: A guide for Policymakers, Scholars, and Concerned Citizen, Westport, Connecticut London: Praeger, 2001, p. 3.
[14] Warren, Freedman, Genocide: A People’s Will to Live, William S. Hein & Co. Inco., Buffalo New York, 1992, p.11.
[15] Power, Samantha, ““A Problem from Hell”“: America and the Age of Genocide, Basic Books, New York, 2003, p. 29
[16] Idem, P.28
[17] Power, Samantha, ““A Problem from Hell”“: America and the Age of Genocide, Basic Books, New York, 2003, p. 28
[18] Cooper, John, Raphael Lemkin and the Struggle for the Genocide Convention, Palgrave MacMillan , 2008, p. 273
[19] Power, Samantha, ““A Problem from Hell”“: America and the Age of Genocide, Basic Books, New York, 2003, p. 40
[20] Cooper, John, Raphael Lemkin and the Struggle for the Genocide Convention, Palgrave MacMillan , 2008, p. 273
[21] Ibidem
[22] Warren, Freedman., Genocide: A people’s Will to Live, William S. Hein & Co.Inco., Buffalo New York, 1992, p. 11
[23] Heidenrich, G. John, How to prevent Genocide: A guide for Policymakers, Scholars, and Concerned Citizen, Westport, Connecticut London: Praeger, 2001, p. 3
[24] Lemkin, Raphael, Axis Rule in Occupied Europe: Laws of Occupation: Analysis of Government: Proposals for Redress, Carnergie Endowment for International Peace, Washington, 1944, p. 93.
[25] Power, Samantha, ““A Problem from Hell”“: America and the Age of Genocide, Basic Books, New York, 2003, p. 48
[26] L’Assemblée générale a noté que : « Le génocide est un déni du droit à l’existence de groupes humains entiers, tout comme l’homicide est un déni du droit à la vie d’êtres humains individuels ; un tel déni du droit à l’existence choque la conscience de l’humanité…. De nombreux cas de tels crimes de génocide se sont produits lorsque des groupes raciaux, religieux, politiques et autres ont été détruits, entièrement ou en partie. La répression du crime de génocide est une question de préoccupation internationale… » et que par conséquent :« le génocide est un crime de droit international que le monde civilisé condamne et dont les auteurs et les complices – qu’il s’agisse de particuliers, d’agents publics ou d’hommes d’État – et que le crime soit commis pour des raisons religieuses, raciales, politiques ou autres d’autres motifs – sont punissables ; invite les États membres à adopter la législation nécessaire pour prévenir et punir ce crime »
[27] Résolution 96(I) de l’Assemblée générale sur <http://www.un.org> (consulté le 28 Janvier 2024).
[28] Résolution 260 du 9 Décembre 1948 de l’Assemblée Générale, disponible sur ‘‘http://www.un.org”, (consulté le 28 Janvier 2024). C’etait après que des nombreux projets aient été préparés par différents comités nommés, commentés par les États membres et révisés lors de différentes sessions de l’Assemblée Générale.
[29] Power, Samantha, ““A Problem from Hell”“: America and the Age of Genocide, Basic Books, New York, 2003, p. 60
[30] Résolution 260 du 9 décembre 1948 de l’Assemblée Générale, disponible sur ‘‘http://www.un.org”, (consulté le 28 Janvier 2024).
[31] Douglas, Irvin-Erickson, The Life and Works of Raphael Lemkin: A Political History of Genocide in Theory and Law, Rutgers, The State University of New Jersey, 2014, p.1.
[32] Ruvebana Etienne, Prevention of Genocide under International Law; An Analysis of the Obligations of States and the United Nations to Prevent Genocide at the Primary, Secondary and Tertiary Levels, Intersentia, Cambridge- Antwerp-Portland, 2014, pp. 1-13.
[33] Heidenrich, G. John, How to Prevent Genocide: A Guide for Policymakers, Scholars, and Concerned Citizen, Westport, Connecticut London: Praeger, 2001, p. 199.
[34] Kenneth, J. Campbell, Genocide and the Global Village, Palgrave, New York, 2001, p. 78.
[35] Schabas, A. W., Le Génocide Rwandais et la Responsabilité de Casques Bleus, Communication présentée lors des Ateliers pour la pratique du droit international public et du droit international humanitaire ONU mécanique, Genève, le 23 avril 1998, p. 3, disponible sur <http://129.194.252.80/catfiles/1215.pdf> (consulté le 17 février 2024). Voir également le témoignage du colonel Luc Marchal du 15 mai 2007 dans l’affaire Procureur c. Major Ntuyahaga Bernard, disponible sur < http://www.lesoir.be/> (consulté le 17 février 2024). Le colonel belge Luc Marchal était le commandant en second de la MINUAR (1993-1994) jusqu’au retrait du contingent belge le 11 avril 1994.
[36] Melvern, Linda, A people Betrayed: The Role of the West in Rwanda’s Genocide, 2nd ed., Zed Books, London and New York, 2000, pp. 1-3
[37] Ibidem
[38] Ruvebana E. (2014), pp. 54-75
[39] Ibidem
[40]Introduction aux Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, disponible sur <https://www.eccc.gov.kh/en/introduction-eccc>, (consulté le 30 Janvier 2024)
[41] University of Minesota, Holocaust and Genocide Studies; <https://cla.umn.edu/chgs/holocaust-genocide-education/resource-guides/cambodia>, (consulté le 30 Janvier 2024),
[42]Institute for War and Peace reporting, Dutch Peacekeepers to return to Srebrenica, available at <http://iwpr.net/?p=tri&s=f&o=325295&apc_state=henh >, (consulté le 30 Janvier 2024),
[43] Ruvebana, E.(2014) p. 6
[44] Ruvebana, E. (2014), pp. 1-13.
[45] Ibidem
[46] Cour internationale de Justice, Affaire concernant l’application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-Monténégro), (Affaire n° 91), Arrêt, 26 février 2007, para. 162.
[47] Ruvebana, E. (2014), pp. 1-324
[48] Ruvebana (2014, pp. 13-52.
[49] Ruvebana (2014), pp. 113-159.
[50] Lemkin, Raphael, Axis Rule in Occupied Europe: Laws of Occupation: Analysis of Government: Proposals for Redress, Carnergie Endowment for International Peace, Washington, 1944, p. 79.
[51] Article 1 de la convention sur la prévention et répression du crime de génocide, adoptée le 9 décembre 1948.
[52] Article 4 de la convention sur la prévention et répression du crime de génocide, adoptée le 9 décembre 1948.
[53] Résolution 260 (1948) de l’Assemblée générale des Nations Unies, disponible sur <https://legal.un.org/icc/general/overview.htm>, consulté le 20 décembre 2023,
[54] Résolution 827 (1993) du Conseil de Sécurité, “Ex-Yougoslavie”, disponible sur <http://www.un.org> (consulté le 20 décembre 2023).
[55] Résolution 955 (1994) du Conseil de Sécurité “Rwanda”, disponible sur <http://www.un.org> (consulté le 20 décembre 2023).
[56] Ruvebana, Etienne & Marcel Brus ‘‘Before it’s too late: Preventing genocide by holding the territorial state responsible for not taking preventive action’’, Netherlands International Law Review, 1st Issue, 2015; pp. 26-27
[57] Ex: L’Ex-Président de l’ex Yougoslavie Miloševic, Radovan Karadžic le Général Mladic, etc.
[58] E.g. L’Ex-Premier Ministre Jean Kambanda; les ministres Pauline Nyiramasuhuko; les officiels de haut rang et les dirigeants de média comme Ferdinand Nahimana et Barayagwiza, les hauts responsables militaires dont le colonel Théoneste Bagosora, etc. disponible sur <https://unictr.irmct.org/en/cases> , consulté le 1 Mars 2024.
[59] Voir par exemple Akayesu, Chambre de première instance, 1998 para. 706-707, 731-734; Kayishema et Ruzindana, 1999, para. 112.
[61] Voir Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, disponible sur < https://www.icc-cpi.int/resource-library/core-legal-texts>, consulté le 1 Mars 2024.
[62] Voir article 5 du Statut de Rome. Pour le crime d’agression qui figure parmi les crimes pour lesquels la cour exercerait la compétence, cette dernière a été mise en attente avant qu’elle ne soit activée en 2018, quelques années après la conférence sur la définition de ce crime.
[63] Pour ces situations et autres non mentionnées, elles sont disponible sur < https://www.icc-cpi.int/fr/situations-under-investigations>, consulté le 1 Mars 2024.
[64] <https://www.icc-cpi.int/fr> , consulté le 1 Mars 2024.
[65] La liste est disponible sur <https://asp.icc-cpi.int/states-parties>, consulté le 1 Mars 2024.
[66] Les autres Etats sont Israël, la Libye, la Syrie, l’Irak et le Soudan.
[67] Kamrul, Hossain, “The Concept of Jus Cogens and the Obligation Under the UN Charter”, Santa Clara Journal of International Law, Vol. 3, No 1, 2005, p.73.
[68] La France a aussi arrêté l’une de personnes les plus recherchées par le TPIR: Felicien Kabuga, et l’a extradé vers le mécanisme international de tribunaux pénaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda.
[69] La plupart des informations sur les personnes poursuivies ou extradées/exportée vers le Rwanda sont disponibles aussi sur <https://www.nppa.gov.rw>, (consulté le 23/03/2024).
[70] Loi Organique No. 08/96 du 30 Août, 1996 portant Organisation des poursuites pour les actes constituant le Crime du Genocide ou Crimes contre l’Humanité Commis depuis le 1er Octobre 1990, J.O., 1996, No. 17
[71]Loi organique n° 40/2000 du 26/01/2001 portant création des « Juridictions Gacaca » et organisant les poursuites judiciaires pour les infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994, et telle que modifiée à plusieurs reprises par la suite (en 2001, 2004, 2006, 2007 et 2008) pour s’adapter aux réalités et difficultés nouvelles et changeantes du procès. Pour une meilleure compréhension sur ce système, voir aussi, Brouwer, A.L.M. de, & Ruvebana, E. The legacy of the Gacaca Courts in Rwanda: Survivors’ views. International Criminal Law Review, 13(5) 2013, 937-976.
[72] Xavier, Philippe, “The principles of Universal Jurisdiction and Complementarity: How do the Two Principles Intermesh”? International Review of the Red Cross, Vol. 88, No. 862 , 2006, pp. 375- 398.
[73] C’est ce que prévoit aussi l’article 27(2) du Statut de Rome.
[74] Information supplémentaire disponible sur ‘‘https://www.icc-cpi.int/fr/darfur/albashir’’, consulté le 12 Mars 2024
[75] Ruvebana Etienne, “The Withdrawal of States from the ICC: A Potential Setback in Relation to the Prevention of Genocide?”, in Totten Samuel, Last Lectures on the Prevention and Intervention of Genocide, Routledge, 2017, p. 267. D’autres états africains se sont aussi retiré: l’Afrique du Sud et la Gambie.
[76] Mandat d’Arrêt du Il avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C. I. J. Recueil 2002, p. 3, disponible sur < https://www.icj-cij.org/fr/affaire/121>, (consulté le 15 Mars 2024).