From the margins to… the group? La reconnaissance de la qualité de réfugiées aux femmes « en tant que telles »
À propos de l’arrêt CJUE 16 février 2024, Intervyuirasht organ na DAB pri MS (Femmes victimes de violences domestiques), aff. C-621/21.
Sam Chollet est doctorant en droit public au sein de l’Université Paris-Saclay, rattaché au Centre de recherches Versailles Institutions Publiques
Le 16 janvier 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision historique en admettant que les femmes « dans leur ensemble » peuvent se voir reconnaître la qualité de réfugiées. À l’origine de cette révolution figurait une demande de décision préjudicielle inédite, adressée par un tribunal bulgare. Celui-ci, chargé de statuer sur la demande d’asile d’une femme d’origine turque victime de violences domestiques et menacée de « crime d’honneur », demandait en substance à la Cour si le genre pouvait constituer un élément suffisant pour établir l’existence d’un certain groupe social. Contrairement à l’avis de l’Avocat général, la Cour a reconnu que les femmes, « en tant que telles », formaient partie d’un certain groupe social et pouvaient être protégées pour ce motif, accueillant ainsi pleinement les persécutions de genre. En outre, la Cour a permis que l’absence de protection de l’État soit établie sans référence au motif de persécution invoqué, prenant ainsi en compte le fait que les violences contre les femmes sont des persécutions genrées. Si cette décision peut être saluée en ce qu’elle permettra sans conteste de faciliter les demandes de protection internationale présentées par des femmes, une lecture critique impose toutefois de relever les incohérences dans l’appréciation du concept de genre, d’interroger le statut des violences domestiques et de soulever les limites d’une approche globalisante des femmes.
Alors que les législateurs de l’Union européenne (UE) sont parvenus à un accord provisoire visant à protéger les femmes victimes de violences conjugales[1], la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE » ou « la Cour ») a décidé, le 16 janvier 2024, que les femmes craignant d’être victimes de violences domestiques dans leur pays d’origine peuvent bénéficier de la protection internationale au sein de l’UE[2].
Par cette décision, la Cour met fin à une longue période de vide juridique affectant les femmes victimes de persécutions de genre. En effet, pour que la qualité de réfugié soit reconnue à un individu, plusieurs conditions sont exigées par la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 (dite Convention de Genève). Il faut que cet individu, qui se trouve hors de son pays d’origine, montre qu’il ou elle craint avec raison d’être victime d’actes de persécution, ceux-ci étant perpétrés en raison de l’un ou plusieurs des différents motifs limitativement énumérés et en l’absence de protection effective au sein de l’État dont il ou elle a la nationalité ou dans lequel il ou elle réside. Or, parmi les motifs de persécution énumérés, la Convention ne mentionne ni le sexe, ni le genre : sont seuls concernés la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou les opinions politiques. Selon la critique féministe du droit de l’asile, la définition du réfugié, adoptée dans le contexte post-Seconde guerre mondiale, aurait été rédigée pour correspondre à l’expérience d’acteurs « publics » et exclurait de fait les femmes, persécutées au sein de leurs foyers ou communautés, à l’abri du regard public et parfois accompagnées de la passivité, voire complicité des autorités étatiques[3].
À partir des années 1990, la doctrine féministe[4], de même que le Haut-Commissariat des Nations unies aux Réfugiés (HCR)[5], ont plaidé pour une interprétation de la Convention qui soit ainsi sensible au genre. La prise en compte des femmes a permis que les formes de mauvais traitements qu’elles subissent spécifiquement, ou qui les affectent de façon disproportionnée, telles que les mutilations génitales féminines (MGF) ou encore les viols et agressions sexuelles, soient reconnus comme des formes de persécution. En quelques années, les femmes ont ainsi évolué « des marges vers le centre » du droit international de l’asile[6].
Les instruments de droit international définissent le genre par opposition au sexe : tandis que ce dernier serait une donnée biologique, le genre serait au contraire une construction sociale. Ainsi, le Comité chargé de l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes (Comité CEDEF) précise que : « [l]e mot « sexe » s’entend […] des différences biologiques entre l’homme et la femme. Le mot « genre » renvoie à l’identité, aux attributs et au rôle de la femme et de l’homme, tels qu’ils sont définis par la société, et à la signification sociale et culturelle que la société donne aux différences biologiques […] »[7]. Cependant, les travaux sur le concept de genre ont peu à peu amené à une précision de sa définition, et notamment de son rapport au sexe[8]. Dès lors, le genre fut pensé comme déterminant les relations entre les individus et prescrivant des comportements sur la base d’une norme binaire. Une analyse genrée des demandes d’asile nécessite donc de « procéder à une analyse contextuelle du genre, des relations de genre et de l’égalité entre les genres »[9], qui ne se limite pas aux seules violences touchant les femmes.
Dans les années 2010, la refonte du Régime d’asile européen commun (RAEC), l’ensemble des textes de l’Union européenne relatifs à la protection internationale, a notamment permis d’intégrer les notions d’identité de genre et d’orientation sexuelle à l’examen des demandes d’asile, alors que ces préoccupations étaient absentes de la volonté des rédacteurs de la Convention de Genève. Cependant, la question des demandes présentées par des femmes semble avoir été délaissée, et les questions demeurent les mêmes que celles qui étaient déjà à l’ordre du jour dans les années 1990[10]. En particulier, la question de l’appartenance des femmes à un certain groupe social fait toujours l’objet de vifs débats. La lecture des travaux préparatoires à la Convention de Genève impose en effet de reconnaître que les rédacteurs ont sciemment exclu l’hypothèse d’une persécution fondée sur le sexe[11]. Par ailleurs, admettre que les femmes sont constitutives d’un « certain groupe social » impliquerait la reconnaissance de la « moitié de l’humanité » comme bénéficiaire potentielle d’une protection internationale. En Europe, les décisions nationales n’ont ainsi reconnu les femmes comme formant « un certain groupe social » que de façon marginale[12], et en prévoyant généralement des critères supplémentaires[13]. L’une des difficultés les plus épineuses a longtemps concerné la possibilité de reconnaître les femmes comme étant persécutées « simplement » en tant que femmes[14].
L’appartenance des femmes à un certain groupe social était le point d’entrée de la demande de décision préjudicielle en interprétation formulée par le tribunal administratif de Sofia (Bulgarie) à la CJUE. Le tribunal était saisi d’une demande de protection internationale émanant d’une femme turque d’origine kurde, « WS ». Après avoir quitté le domicile conjugal en raison des violences commises par son ex-époux, elle avait contracté un mariage religieux et eu un enfant avec son nouveau compagnon. Sa première demande d’asile faisait ainsi état de craintes que les membres de sa famille la tuent en raison de sa seconde union – un meurtre souvent qualifié de « crime d’honneur ». L’autorité bulgare en charge de l’examen des demandes d’asile (la DAB) avait rejeté sa première demande de protection internationale au motif que les violences dont elle aurait été victime ne pouvaient être rattachées à aucun des motifs de persécution. Par ailleurs, la DAB estimait que WS ne pouvait pas non plus bénéficier de la protection subsidiaire. WS a alors formulé une seconde demande, spécifiquement fondée sur des craintes de persécution par des acteurs non-étatiques, en raison de son appartenance à un « certain groupe social », celui des femmes victimes de violence domestique ainsi que des femmes susceptibles d’être victimes de « crime d’honneur ».
En soulignant le caractère inédit de cette situation, le Tribunal administratif de la ville de Sofia a décidé de surseoir à statuer et a posé cinq questions préjudicielles à la Cour. Les trois premières demandent, en substance, si les femmes peuvent être considérées, dans leur ensemble, comme appartenant à un « certain groupe social ». En particulier, le juge demande quels sont les textes pertinents aux fins de l’interprétation de la directive relative aux conditions à remplir pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale[15] (directive dite Qualification). La quatrième question soulève l’enjeu du lien exigé entre les actes et le motif de persécution dans le contexte des violences de genre ; enfin, la dernière question porte sur la qualification des violences domestiques d’« atteintes graves » dans le cadre de la protection subsidiaire.
Dans sa décision du 16 janvier 2024, la CJUE reconnaît pour la première fois que les femmes peuvent, « dans leur ensemble », constituer un certain groupe social lorsqu’elles sont exposées à des violences sexuelles et/ou domestiques dans leur pays d’origine (point 57). Ce n’est pas la seule innovation de sa décision : la Cour précise également qu’en cas de persécution par des acteurs non-étatiques, il n’est pas nécessaire d’établir un lien entre les motifs et les actes de persécution, car le lien entre les motifs et l’absence de protection par l’État suffit (point 70). Enfin, la Cour confirme que le fait d’être potentiellement victime d’un « crime d’honneur » constitue une atteinte grave justifiant la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire (point 80).
En s’écartant des conclusions de l’Avocat général (AG) Jean Richard de la Tour, présentées le 20 avril 2023, la Cour rend avec cet arrêt une décision qui témoigne d’une compréhension des particularités propres aux demandes de protection internationale présentées par les femmes. En effet, les persécutions liées au genre ont ceci de particulier qu’elles ont souvent à la fois un objet et une forme bien spécifiques. En d’autres termes, les violences sexistes visent les femmes parce qu’elles sont des femmes – ce sont des persécutions de genre : l’analyse de la décision de la Cour à cet égard soulignera son approche inédite des femmes comme victimes d’actes parce qu’elles sont des femmes, en pointant toutefois les limites de ce raisonnement (I). Par ailleurs, la décision de la Cour témoigne de sa conception des violences commises à l’égard des femmes comme revêtant forme particulière : ces persécutions genrées[16] sont souvent commises au moyen de violences sexuelles, de mutilations voire d’exécutions dans le cadre familial. Ici encore, la lecture critique de la décision de la Cour nous permettra d’en identifier autant les avancées que les silences (II).
I – Une approche inédite des persécutions de genre : la reconnaissance des femmes « en tant que telles » comme appartenant à un certain groupe social
La décision du 16 janvier 2024 consacre une nouvelle appréhension du motif de persécution de l’appartenance à un certain groupe social, qui permet de considérer les femmes « en tant que telles » comme en faisant partie (A). Cette approche, pour révolutionnaire qu’elle soit, ne doit cependant pas mener à une essentialisation des « demandes d’asile liées au genre » (B).
A – L’appréhension du motif de persécution des femmes issue du droit international
La définition du motif de l’appartenance à un certain groupe social est l’objet des trois premières questions de l’autorité nationale de renvoi. La première portait sur le droit applicable à l’appréhension du motif de persécution (1), tandis que les deuxième et troisième interrogeaient respectivement l’opportunité de prendre en compte les persécutions subies par les membres du groupe dans l’identification de celui-ci, et le caractère suffisant du genre « biologique ou social » dans cette étape (2).
1- La question du droit applicable : la consécration de la Convention d’Istanbul
La question posée par la juridiction de renvoi invitait en particulier la Cour à se prononcer sur les sources pertinentes aux fins de l’interprétation du droit de l’Union. En effet, l’article 78§1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) précise que le droit de l’UE de l’asile doit être conforme non seulement à la Convention de Genève, mais également aux autres « traités pertinents ». En outre, le considérant 17 de la directive Qualification rappelle que les États membres « sont liés par les obligations qui découlent des instruments de droit international auxquels ils sont parties ». La Cour était ainsi chargée de se prononcer sur l’identification de ces instruments : la Convention d’Istanbul et la CEDEF en font-elles partie ? La difficulté découlait notamment de l’applicabilité à géométrie variable de ces deux textes : alors que tous les États membres ont ratifié la CEDEF, ce n’est pas le cas de l’UE ; et si cette dernière a récemment ratifié la Convention d’Istanbul, plusieurs États membres – dont la Bulgarie – ne l’ont pas fait… C’est en particulier sur ce point que la solution de la Cour va se révéler novatrice.
La CEDEF, adoptée en 1979, est le premier texte de droit international consacré aux mauvais traitements spécifiquement subis par les femmes. Elle interdit la discrimination à l’égard des femmes, définie par son article 1er comme « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes » de leurs droits dans tous les domaines. Quant à la Convention d’Istanbul, adoptée en 2011, elle constitue le premier texte contraignant au niveau européen à se concentrer sur les violences domestiques[17]. Prenant acte de la nature construite du genre, la Convention le définit comme « les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits, qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes » (article 3(c)). L’UE l’a signé en 2017, mais ne l’a ratifié que le 28 juin 2023. L’affaire WS était ainsi la première à invoquer la Convention depuis que l’UE y est liée, c’est-à-dire depuis le 1er octobre 2023. Les questions préjudicielles posées constituaient ainsi l’occasion d’éprouver la valeur de cet engagement nouveau de l’Union.
Contrairement aux conclusions de l’AG, qui avait estimé que ni la CEDEF, ni la Convention d’Istanbul n’étaient pertinentes aux fins de l’interprétation du droit de l’UE (point 62 de ses conclusions), la Cour confère un poids considérable aux deux instruments. Elle précise tout d’abord que la CEDEF est bien applicable en matière d’asile et renforce le régime applicable à la protection internationale (point 45). Elle applique ainsi l’interdiction générale de la discrimination contenue dans la CEDEF à l’interprétation de la définition de l’appartenance à un certain groupe social – reconnaissant à demi-mot qu’une interprétation qui n’y inclurait pas les femmes serait constitutive d’une discrimination. S’agissant de la Convention d’Istanbul, la Cour fait remarquer que celle-ci « présente un lien avec l’asile et le non-refoulement », de sorte que les deux traités font partie des traités pertinents pour interpréter la définition de l’appartenance à un certain groupe social (point 46). En particulier, la Cour tient compte de l’article 60 de la Convention d’Istanbul, qui stipule que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre doit être reconnue comme une forme de persécution, et qu’une interprétation sensible au genre doit être appliquée à chacun des motifs de persécution (point 48). Dès lors, l’absence de ratification de la Convention par la Bulgarie est indifférente et le texte lui est malgré tout opposable (article 216 TFUE). La CJUE reconnaît ainsi pleinement l’effet obligatoire de la Convention d’Istanbul, à laquelle elle confère un effet utile en droit de l’Union. C’est donc avec le renfort des deux conventions qu’elle se livre à l’évaluation des critères exigés pour la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social.
Deux conditions sont prévues par l’article 10(1)(d) de la directive Qualification pour qu’un groupe soit considéré comme un certain groupe social[18]. Concernant la première d’entre elles, trois critères dits intrinsèques entrent en jeu : les membres doivent partager une « caractéristique innée », une « histoire commune » ou encore une « caractéristique ou une croyance à ce point essentielle […] qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce ». La deuxième condition, extrinsèque, précise que ce groupe doit avoir « son identité propre dans le pays […] parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante ». S’agissant de la première condition, la Cour estime que « le fait d’être de sexe féminin constitue une caractéristique innée » et souligne son caractère suffisant (point 49). Quant à la deuxième condition, la Cour constate que « les femmes peuvent être perçues d’une manière différente par la société environnante et se voir reconnaître une identité propre dans cette société » (point 52). Son approche permet de tenir compte des « normes sociales, morales ou juridiques » qui visent les femmes de façon disproportionnée et constituent un traitement discriminatoire à leur égard. Dès lors, on peut estimer que la pratique du « crime d’honneur » est constitutive d’une norme contribuant à ostraciser les femmes dans la société turque.
Les femmes peuvent ainsi formuler une demande d’asile se fondant sur leur appartenance au groupe social « des femmes » lorsqu’elles éprouvent une crainte sérieuse d’être victimes de persécution parce qu’elles sont des femmes, sans nécessairement identifier une caractéristique supplémentaire qui réduirait l’étendue numérique du groupe. Cependant, les persécutions dont les femmes sont victimes peuvent toujours permettre d’identifier l’existence de leur groupe.
2- La prise en compte des persécutions dans l’identification du groupe social
L’article 10 de la directive Qualification précise qu’il convient de « prendre dûment en considération les questions liées au genre du demandeur […] aux fins de la définition d’un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe ». Le tribunal de renvoi interroge ainsi la Cour sur la valeur à accorder à ces « questions liées au genre ». D’une part, il s’agit de savoir si les actes de persécution subis par les membres du groupe social doivent être pris en compte pour l’identification de ce groupe. D’autre part, le tribunal interrogeait la Cour sur le caractère suffisant du « genre biologique ou social » dans l’identification du groupe, questionnant la nécessité d’identifier des caractéristiques supplémentaires.
Les conclusions de l’AG établissent un lien explicite entre la nature des actes et le motif pour lequel ils sont commis. Il estime que les actes énumérés par le préambule de la directive au titre d’exemples de persécutions – les mutilations génitales, stérilisations ou avortements forcés – « ne constituent pas seulement des actes de persécution […], mais permettent également l’identification d’un « certain groupe social » » (point 76 des conclusions de l’AG). Cette approche « importe » tous les aspects de la définition du réfugié dans la définition du groupe, puisque le groupe est dès lors en partie défini par la persécution subie, ce qui est théoriquement un critère distinct de la définition[19]. Sur ce point, la Cour se distingue à nouveau des conclusions de l’AG et se contente de reconnaître que les actes commis peuvent constituer « un facteur pertinent » au stade de l’appréciation du second critère de reconnaissance d’un certain groupe social, puisque la perception sociale des membres du groupe peut se traduire par des actes législatifs ou des pratiques les visant spécifiquement. En ce qui concerne le fait de savoir si le « genre biologique ou social » constitue un motif suffisant pour déterminer l’appartenance à un certain groupe social, la Cour conclut que tant le critère de la caractéristique protégée que celui de la perception sociale peuvent s’accommoder d’un « trait commun supplémentaire » au fait d’être une femme. Elle cite pour chacun des deux critères les mêmes exemples tenant au fait de « s’être soustraite à un mariage forcé ou, pour des femmes mariées, d’avoir quitté leurs foyers » (point 51).
Par ailleurs, la Cour rappelle à plusieurs reprises la nécessité de prendre en compte le contexte du pays d’origine – en procédant à une appréciation individuelle et prudente des craintes de persécutions, par exemple (point 60). Cette précision fournit une réponse bienvenue à la crainte qui semblait émaner de la question posée par l’autorité bulgare concernant le fait que le « simple » genre de la demandeuse pourrait suffire à lui accorder une protection internationale, sans faire plus de cas de sa situation personnelle. Au contraire, la Cour rappelle que le fait d’être une femme ne joue pas comme une présomption irréfragable de l’appartenance à un certain groupe social, et que c’est en tenant compte des « conditions prévalant dans le pays d’origine » (point 62) que cette appréciation doit être réalisée. Cette réponse s’analyse donc à la fois comme une volonté de mettre fin à cette « fausse dichotomie »[20] entre protection accordée à un groupe et appréciation individuelle des demandes, ainsi que comme une autorisation à destination des autorités nationales de conserver l’existence des groupes sociaux préalablement reconnus.
À n’en pas douter, la décision de la Cour simplifiera grandement les demandes de protection internationale présentées par des femmes. L’effet erga omnes de la décision implique que l’ensemble des autorités nationales devront désormais interpréter le droit de l’Union comme permettant que « les femmes » constituent un certain groupe social. Cependant, l’approche de la Cour véhicule le risque de considérer les demandes d’asile liées au genre comme homogènes.
B – Le risque d’une essentialisation des « demandes d’asile liées au genre »
L’approche adoptée par la Cour soulève selon nous deux difficultés : d’une part, les liens établis entre sexe et genre conduisent au maintien d’une conception restrictive d’un certain groupe social (1), tandis que l’assimilation entre « genre » et « femmes » risque de mener à un recours automatique à ce motif (2).
1- Un lien entre sexe et genre
Le droit international de l’asile considère les termes de « sexe », de « genre » et de « femme » comme étant interchangeables[21]. Cependant, malgré un flou conceptuel entretenu dans sa décision autour des liens entre sexe et genre, la Cour ne semble pas totalement les assimiler. Au contraire, elle adopte implicitement une conception constructiviste du genre en le distinguant du sexe. En effet, la définition du groupe social « des femmes » donnée par la Cour présente, d’une part, le « sexe » comme une caractéristique biologique innée permettant de remplir la première condition relative aux caractéristiques protégées[22]. D’autre part, ce sont bien les rôles et normes de genre – les « normes sociales, morales ou juridiques » – qui, au titre de la seconde condition, permettent d’identifier les femmes comme détenant une identité propre dans la société considérée.
Cette définition appelle deux types de remarques. En premier lieu, le fait de définir les femmes comme étant « de sexe féminin » (point 57), semble exclure de fait les femmes trans* du groupe social des femmes en l’absence de définition de ce que constitue « le sexe ». Dès lors, il semble qu’à l’avenir, les femmes cisgenres et les femmes trans* victimes de persécutions de genre ne soient pas protégées exactement sur le même fondement : tandis que les femmes cisgenres seraient protégées « en tant que telles », les femmes trans* pourraient être protégées au nom de leur transidentité ou de leur identité de genre. Dans le contexte particulier de l’asile, cette distinction permettrait de tenir compte de la spécificité des expériences trans*. En particulier, si l’on peut envisager qu’une femme cisgenre victime de violences domestiques puisse recevoir une protection effective au sein de son pays d’origine, la situation serait peut-être différente s’agissant d’une femme trans*. En outre, la distinction opérée semble cohérente au regard de la situation des hommes trans*, qui demeureraient protégés sur le fondement de leur transidentité en l’absence de tout « groupe social des hommes ».
La portée de cette distinction dépend toutefois de l’analyse apportée aux éléments subséquents de la définition de réfugié. En particulier, une différence essentielle pourrait voir le jour dans l’appréhension des persécutions, selon que celles-ci sont commises en raison du motif de l’appartenance au groupe social des femmes ou bien des personnes trans*. Dans un arrêt X., Y., Z. de 2013 relatif aux persécutions fondées sur l’orientation sexuelle, la Cour a adopté une conception particulièrement rigide des actes de persécution[23]. Elle a estimé que l’existence d’une législation criminalisant l’homosexualité ne constituait pas en soi un acte de persécution, confirmant que les actes de persécution exigés par la Convention de Genève ne sont pas assimilables à une « simple » violation des droits humains[24]. Ainsi, il est tout à fait probable que, dans le cadre d’une décision préjudicielle portant sur une demande d’asile émanant d’une personne trans*, la Cour estime que l’impossibilité d’obtenir la reconnaissance légale de son genre ne soit pas constitutive d’un acte de persécution[25]. En fonction de la définition des persécutions, le groupe social des femmes fondé sur le sexe pourrait mener à ce que les femmes trans* soient finalement moins protégées que les femmes cisgenres. Or, les premières sont susceptibles de faire l’objet de persécutions à l’intersection de plusieurs marqueurs d’identité – par exemple, leur transidentité, leur orientation sexuelle et leur identité de femme, mais aussi leur origine ou leur religion. La question du seuil de persécutions devra ainsi être appréciée par la Cour afin d’assurer que les femmes trans* bénéficient elles aussi d’une protection internationale adéquate.
La deuxième remarque qui s’impose à la lecture de la définition du groupe social des femmes concerne le caractère cumulatif des conditions requises à la caractérisation de ce groupe. Si ce caractère cumulatif pouvait être déduit de la décision X., Y., Z. précitée[26], il est désormais formellement confirmé par la Cour. Plutôt que de revenir sur sa définition de l’appartenance à un groupe social qui serait constitué par l’une ou l’autre des conditions, la Cour fournit une interprétation permettant aux femmes de remplir les deux conditions – là où la seconde, en particulier, a longtemps fait obstacle à leur admission en tant que groupe social. Or, cette approche ne nous apparait pas nécessaire. Les recommandations du HCR indiquent d’ailleurs que les deux critères se recoupent souvent et que les femmes peuvent être reconnues comme membres d’un certain groupe social en vertu de l’une ou l’autre des conditions[27]. Or, le fait d’exiger ce cumul dissimule le sexe comme caractéristique distinctive pertinente dans l’exercice de la discrimination et de la persécution autant que cela diminue l’importance du genre en tant que concept relationnel[28].
Le caractère cumulatif des conditions constitue indéniablement une limite aux identités pouvant être reconnues membres d’un certain groupe social. Dans le cas des femmes, cela revient à refuser de considérer que le simple fait d’être de sexe féminin expose, dans certains contextes, à des formes graves de persécutions, puisqu’un autre critère est exigé de façon distincte. Cela sonne dès lors paradoxal face à l’affirmation de la Cour selon laquelle les femmes « en tant que telles » constituent un certain groupe social. En outre, le critère de la perception sociale apparaît particulièrement problématique. Certains groupes peuvent faire l’objet d’une perception sociale particulière sans que cela ne soit lié à une caractéristique immuable ou fondamentale à leur identité – le HCR lui-même donne l’exemple des groupes fondés sur la classe sociale des individus. Par ailleurs, il est redondant avec les formes de persécution exigées. En effet, cette approche risque de mener à une confusion entre l’appréciation du risque de persécution et l’existence du groupe social, en dépit de la précision apportée par la Cour selon laquelle les actes de persécution ne constituent qu’un facteur permettant l’identification des membres du groupe. Enfin, ce même critère extrinsèque peut sembler incompatible avec la situation des personnes victimes de persécutions fondées sur le genre qui sont incapables de faire connaître leur situation, telles que les fillettes victimes de mutilation génitale. La visibilité apparaît également difficilement conciliable avec les tentatives de limiter le risque de persécution qui conduisent à dissimuler une caractéristique – comme cela peut être le cas des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans*, queer ou intersexuées[29]. Si ces aspects semblent ignorés par la Cour, c’est que le lien entre sexe et genre se double d’une assimilation exclusive, courante en droit international, entre questions de genre et droits des femmes.
2- Une assimilation entre « genre » et « femmes »
La décision de la Cour témoigne de la tendance du droit international et européen à utiliser le terme de « demandes d’asile liées au genre » exclusivement pour désigner les demandes présentées par des femmes[30]. Cette assimilation entre « genre » et « femmes » mène, d’une part, à un délaissement du motif de l’appartenance à un certain groupe social pour les personnes qui ne sont pas des femmes, et, à l’inverse, à un recours automatique à ce motif s’agissant des demandes présentées par des femmes.
En premier lieu, l’assimilation entre « genre » et « femmes » conduit à exclure de l’étude des demandes d’asile liées au genre les personnes qui ne sont pas des femmes, tels que les hommes ou les personnes non-binaires[31]. Or, les persécutions fondées sur le genre touchent tous les individus, quel que soit leur sexe, qui ne se conforment pas aux normes de genre. Ainsi, elles visent non seulement les femmes qui fuient un mariage forcé, pour reprendre l’exemple donné par la Cour, mais également les hommes qui entretiennent des relations affectives et/ou sexuelles avec d’autres hommes, ou bien adoptent une expression de genre ou un comportement jugé non conforme à leur sexe. Le fait pour un homme de refuser un service militaire obligatoire ou une conscription forcée peut ainsi être considéré comme une transgression de genre. Pourtant, les demandes d’asile présentées dans ce contexte ne sont pas étudiées sous l’angle de l’appartenance à un certain groupe social, mais plutôt au prisme des opinions politiques. Or, l’interprétation européenne de l’appartenance à un certain groupe social nécessite de démontrer un risque « individuel », sous la forme d’une singularisation des demandeurs et demandeuses d’asile dans leur expérience de persécution, qui n’est pas exigé dans le cas du recours au motif des opinions politiques[32]. Ainsi, lorsque ce dernier est privilégié, le sexe et l’âge de la personne peuvent suffire à reconnaître son risque d’être persécuté[33], là où les demandes présentées par des femmes ont longtemps été sujettes à l’exigence de facteurs supplémentaires et notamment au fait d’être individuellement visées par les violences de genre. Enfin, le fait de lier le concept de genre aux demandes formulées par les femmes en tant que groupe social prive les autres types de demande de la richesse analytique du concept de genre.
En second lieu, l’assimilation entre « genre » et « femmes », ainsi que l’assouplissement des conditions d’appréciation de l’appartenance à un certain groupe social risque de mener à la banalisation du recours à ce motif s’agissant des demandes d’asile présentées par des femmes. Or, cette généralisation conduit à une catégorisation d’un sous-ensemble de demandes d’asile caractérisées par le type de persécution subie, de nature essentiellement sexuelle. Cela conduit à délaisser d’autant plus les autres motifs prévus par la Convention, jusqu’ici relativement peu utilisés dans les demandes présentées par des femmes. Alors que le motif des opinions politiques, en particulier, a historiquement bénéficié d’une interprétation souple, et pourrait en théorie inclure les actes de résistance des femmes aux normes sociales qui leur sont imposées, il n’est que rarement envisagé à cette fin[34].
La raison de cette réticence pourrait résider dans le fait que les autorités nationales sont peu disposées à transférer un nombre important d’affaires vers un motif où l’analyse a justement tendance à être plus inclusive. Une autre explication pourrait être la réticence des autorités à considérer la résistance des femmes aux mœurs sociales et religieuses comme des actes politiques[35]. En effet, alors que l’opposition aux normes de genre peut être interprétée comme une remise en question « de l’inégalité de genre, du contrôle masculin sur le corps des femmes et [d’]une lutte en faveur de la liberté »[36] et pourrait donc être rattachée au motif politique, l’assouplissement des conditions de définition du groupe social peut mener à un recours plus automatique à ce motif, au prix d’un délaissement des autres. Dès lors, si les personnes qui ne sont pas des femmes peuvent solliciter tous les motifs, y compris celui de l’appartenance à un certain groupe social, les femmes s’opposant à des normes de genre, dont la demande d’asile aurait tendance à être examinée sous l’angle de ce dernier motif, y seraient dès lors cantonnées. L’assimilation entre « genre » et « femmes » conduit finalement à créer une sous-catégorie de demandes d’asile définies par le type de persécution subie, suggérant que l’élément lié au genre des demandes d’asile est fixé à l’identité – féminine – des réfugiées[37].
En dépit de ces limites, la décision de la Cour demeure une avancée considérable tant elle permettra de faciliter les demandes de protection internationale présentées par les femmes en Europe. En effet, non seulement celles-ci peuvent se voir reconnaître la qualité de réfugiées en raison de leur appartenance à un certain groupe social, mais l’aspect genré des persécutions, à savoir la façon dont elles sont commises, est également pris en compte au stade des actes subis et des acteurs qui en sont à l’origine.
II – Une approche innovante des persécutions genrées : l’assouplissement de l’appréciation des actes de persécution
La décision de la Cour témoigne d’une approche pragmatique de la question des acteurs de protection (A). Quant à l’appréciation des violences domestiques, elle permet de reconnaître ces dernières comme des atteintes graves, tout en entretenant un flou quant à leur qualification de persécutions (B).
A – Le caractère superflu du partage des motifs entre acteurs de persécution et acteurs de protection
La décision de la Cour confirme sans surprise que les actes commis par des personnes privées peuvent être qualifiés de persécutions (1) ; surtout, elle fait preuve d’innovation dans l’appréhension du lien entre le motif de persécution, les acteurs de persécution et les acteurs de protection (2).
1- Les persécutions genrées : commises par des acteurs privés, tolérées par des acteurs publics
Le tribunal bulgare interroge la Cour sur le fait de savoir si la directive exige qu’un lien soit établi, « dans tous les cas », entre les actes de persécution et le motif de celle-ci (point 63). En effet, l’article 6(3) de la directive Qualification précise que les persécutions et atteintes graves peuvent émaner d’acteurs non-étatiques, dès lors qu’il peut être prouvé que ni l’État, ni des partis ou des organisations le contrôlant, y compris des organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent accorder une protection.
La Cour précise qu’il s’agit donc, dans un premier temps, d’établir que les acteurs de la protection « ne peuvent pas ou ne veulent pas » accorder une protection contre ces actes (point 64), cette protection devant être « effective et non-temporaire » (point 65). Ce principe est encadré par le standard de la raisonnabilité, qui découle notamment « de l’existence d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave » (article 6(3)). Ce standard a été critiqué comme n’étant pas assez rigoureux et laissant trop de latitude aux autorités[38]. Toutefois, dans des situations de violences sexistes, il peut se révéler adapté puisque le manque de volonté de l’État, ou l’insuffisance des moyens mis en œuvre, peuvent être appréciés au moyen de l’étude des statistiques concernant les affaires de violences domestiques et de féminicides, ou de la lecture des rapports d’organisations non-gouvernementales sur place. En ce qui concerne la Turquie, l’État d’origine de WS, l’Agence de l’UE pour l’asile a constaté en 2016 l’absence d’efficacité des efforts mis en œuvre par les autorités turques pour combattre les violences commises à l’égard des femmes (point 50). Par ailleurs, dans trois décisions successives, la CEDH a fait état de la « passivité judiciaire généralisée et discriminatoire » en matière de violence domestique[39]. Il ne fait ainsi aucun doute que les autorités étatiques ne sont pas en mesure de poursuivre et de sanctionner les auteurs d’actes de violences domestiques contre les femmes. Cela est d’autant plus certain depuis le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul, qui a pris effet le 1er juillet 2021.
Cependant, une fois l’incapacité ou l’absence de volonté de protection des acteurs étatiques, la question demeure de savoir si cette absence de volonté ou cette incapacité doivent, elles aussi, reposer sur le motif de la persécution partagé par les acteurs.
2- La question du lien entre motifs, actes de persécution et absence de protection
La quatrième question posée par le tribunal bulgare portait sur l’exigence d’un lien de causalité entre « les motifs [de persécution] et les actes de persécution […] ou l’absence de protection contre de tels actes » (article 9(3) de la directive Qualification). La juridiction demandait en particulier l’interprétation à accorder à la conjonction « ou » : suffit-il de prouver que les actes sont commis en considération du motif, ou bien faut-il déterminer que l’absence de protection s’explique également par ce motif ? Il s’agissait donc de déterminer si les conditions posées par la directive étaient alternatives ou cumulatives.
Dans ses conclusions, l’AG a estimé que les deux conditions relatives aux liens entre actes de persécution, motifs et absence de protection étaient bel et bien cumulatives (point 98). Selon lui, l’autorité nationale devrait rechercher la preuve d’un lien, d’une part, entre les motifs et les actes de persécution perpétrés par les membres de sa famille et d’autre part, entre les motifs et l’absence de protection par les autorités étatiques. Or, le fait d’exiger un cumul des conditions rendrait la demande particulièrement difficile, puisqu’il conviendrait de montrer que l’absence de réaction de l’État, ou son incapacité à fournir une protection efficace pour les femmes victimes de violence, est motivée par une attitude sexiste. Dès lors, l’interprétation de l’AG implique qu’en cas de persécutions commises par des acteurs privés, comme c’est le cas des violences domestiques, les exigences seraient particulièrement élevées à l’égard des demandeuses. Le fait d’exiger une motivation spécifique risquerait ainsi de mener à un échec pour les demandes présentées par des femmes, car l’analyse pourrait alors se concentrer sur les lois manifestement protectrices en vigueur, en dépit des pratiques réelles.
La solution de la Cour, qui se distingue de nouveau des conclusions adoptées par l’AG, conduit à alléger cette charge qui pèse sur les demandeuses de protection internationale. La CJUE opte en effet pour une interprétation bien plus favorable aux demandeurs et demandeuses de protection internationale. Elle formule une alternative dans l’établissement du lien de causalité, en estimant qu’en cas de persécution perpétrée par un acteur non-étatique, tels que des membres de la famille, il convient d’établir soit un lien entre les motifs et les actes de persécution commis par cet acteur ; soit un lien entre les motifs et l’absence de protection de la part des autorités étatiques (point 66). Ainsi, dès lors que les actes ou l’absence de protection sont motivés par l’un des motifs mentionnés par la directive, le lien est établi. Cette interprétation pragmatique de la Cour, qui s’appuie notamment sur les lignes directrices du HCR[40], est justifiée par la volonté d’identifier « toutes les personnes qui ont réellement besoin de protection internationale » (point 68) et sonne comme un écho à la volonté de faire cesser le traitement discriminatoire subi par les femmes en la matière.
Après avoir traité la question des acteurs de persécution, la Cour quitte le domaine de l’asile pour se concentrer sur la protection subsidiaire. Dans sa réponse à la dernière question, elle se prononce ainsi sur l’interprétation des violences domestiques en droit européen de l’asile.
B – Les violences domestiques, actes de persécution ou atteintes graves ?
Si la Cour confirme le fait que les actes de violence domestique peuvent constituer des atteintes graves (1°), elle ne se prononce pas sur les actes de violence domestique en tant qu’actes de persécution (2°). L’étude de la qualification réservée aux violences domestiques permet non pas tant de critiquer une approche peu audacieuse de la Cour, qui, tenue par la procédure de demande préjudicielle, s’en tient strictement aux questions posées. Il s’agit plutôt de souligner les silences de la décision, qui devront être comblés par les décisions à venir.
1- La qualification des actes de violence domestique comme « atteintes graves »
La cinquième et dernière question préjudicielle posée par le tribunal concernait ainsi le fait de savoir si la notion d’atteintes graves couvrait « le risque de se voir infliger des actes de violences par un membre de sa famille ou de sa communauté » (point 71). En d’autres termes, il s’agissait de déterminer si le fait d’être victime de violences domestiques ou intra-familiales, ou d’être menacée de crime d’honneur, pouvait donner droit au bénéfice de la protection subsidiaire. Créé en 2004, ce statut permet d’offrir une protection internationale à une personne ne remplissant pas les critères propres à se voir reconnaître la qualité de réfugié – notamment parce qu’elle n’est pas reconnue comme risquant de subir des « persécutions » mais des « atteintes graves ».
La Cour commence par relever que la définition des atteintes graves est indifférente à l’auteur de celles-ci (point 75). Rien ne semble s’opposer de prime abord à ce que des traitements infligés par des membres de la famille soient qualifiés d’atteintes graves : tout repose ainsi sur le degré de gravité atteint par ces mauvais traitements, et sur leur compatibilité avec les actes cités par la directive Qualification à l’article 15 a), la peine de mort ou l’exécution ; ou b), le fait de subir des actes de torture ou de traitement inhumain ou dégradant. Dans la continuité de son raisonnement, la Cour reconnaît que les actes de violence commis envers une femme en raison de sa « transgression supposée de normes culturelles, religieuses ou traditionnelles » doivent être qualifiés d’exécution ou de torture, selon qu’ils ont pour conséquence probable la mort de celle-ci (points 76 ; 77). Elle précise explicitement que le fait de craindre d’être victime d’un « crime d’honneur », comme c’est le cas de WS qui est menacée par sa belle-famille depuis son second mariage, est « susceptible de conduire à la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire » (point 80).
Une comparaison s’impose avec la définition du groupe social, puisque dans le cadre de la protection subsidiaire, ce ne sont pas les femmes victimes de violences domestiques « en tant que telles » qui sont protégées. Au contraire, la Cour exige que ces violences soient la sanction d’une transgression par les femmes des normes sociales qui s’imposent à elle : en l’espèce, pour WS, le fait d’avoir fui le domicile conjugal, d’avoir cherché le divorce et de s’être remariée. L’avancée est donc toute relative puisqu’une femme « simplement » victime d’un (ex)partenaire violent ne semble pas pouvoir se voir reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire. La Cour ne met ainsi pas fin à la différence de traitement qui a lieu entre les femmes victimes de violences domestiques en Europe – qui devraient bientôt faire l’objet d’une protection harmonisée dans l’UE – et celles qui en souffrent au sein des pays tiers. Bien que cette question ne soit pas explicitement traitée par la Cour dans cette décision, son approche relativement restrictive des violences domestiques ne laisse pas présager d’une grande souplesse dans la qualification des actes de violences domestiques comme actes de persécution.
2- L’absence de réponse explicite quant à la qualification des violences domestiques comme actes de persécution
L’article 9 de la directive Qualification dispose que pour être qualifié de persécution, un acte doit être « suffisamment grave du fait de sa nature ou de son caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme », ou bien doit être une accumulation de diverses mesures qui affectent un individu de manière similaire. L’article poursuit en citant des exemples de persécutions, parmi lesquelles figurent « a) les violences physiques ou mentales, y compris les violences sexuelles » ou « f) les actes dirigés contre des personnes en raison de leur genre ». Ainsi, la directive peut être interprétée comme couvrant les situations de violences domestiques. Une telle lecture est appuyée par la jurisprudence de la CEDH, qui a reconnu que la violence infligée par un partenaire ou ex-partenaire pouvait constituer une violation du droit à la vie[41] et de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants[42].
En l’absence de question spécifique à ce sujet, la Cour ne traite pas distinctement de la qualification des violences domestiques comme acte de persécution. Seuls quelques éléments permettent d’établir que les violences domestiques sont visées par le droit de la protection internationale de l’Union. En premier lieu, la Cour intègre, comme nous l’avons vu, la question des actes de persécution à l’identification des membres du groupe social « des femmes ». Elle estime en particulier que les actes subis par les membres du groupe peuvent jouer au stade de l’appréciation de la perception sociale de ces membres, soit la deuxième condition nécessaire à l’identification d’un groupe social (point 56). Ainsi, « lorsqu’il est établi que, dans leur pays d’origine, [les femmes] sont, en raison de leur sexe, exposées à des violences physiques ou mentales, y compris des violences sexuelles et des violences domestiques » (point 57), elles peuvent être reconnues comme appartenant à un groupe social.
En second lieu, la question des violences domestiques revient de façon implicite au stade de l’appréciation des craintes de persécution. Ainsi que le rappelle la Cour, l’évaluation du caractère fondé de la crainte doit « revêtir un caractère individuel et être effectuée au cas par cas avec vigilance et prudence » (point 60). Cela implique une évaluation concrète des faits et des circonstances dans lesquelles les craintes de persécution sont alléguées. La Cour rappelle alors les recommandations du HCR qui indiquent de prendre en compte, notamment, « les coutumes culturelles et sociales du pays et les conséquences en cas de non-respect de ces dernières, la fréquence des pratiques traditionnelles préjudiciables, l’incidence et les formes de violence signalées contre les femmes, la protection mise à leur disposition, [et] les sanctions encourues par les auteurs de telles violences »[43]. Le risque de subir des violences domestiques, et de ne bénéficier d’aucune protection effective dans son pays d’origine, peut ainsi entrer en compte dans l’évaluation du risque de subir des persécutions. Toutefois, le fait de savoir si des violences domestiques en tant que telles, et sans qu’elles ne constituent une menace directe de mort, peuvent franchir le seuil de gravité et être qualifiées de persécutions, reste à établir.
Les violences domestiques n’ont traditionnellement pas été considérées comme constituant une forme de persécution permettant de reconnaître la qualité de réfugié. Une première explication tient sûrement à la volonté, ici encore, de limiter les possibilités de reconnaître l’asile[44]. Mais l’analyse de cette réticence implique également de mentionner le mythe de la « société rétrograde », de laquelle la décision de protection internationale permettrait de sauver la femme victime. Des études empiriques ont montré que plus les circonstances de l’affaire étaient « exotiques », plus les chances de succès de la demande étaient élevées[45], ou encore que les demandes d’asile présentées par des femmes ont plus de chances d’être accueillies lorsqu’elles sont présentées comme des victimes d’États dysfonctionnels et de cultures archaïques et extrêmement patriarcales[46]. En effet, le droit international s’est longtemps concentré sur les formes de violence les plus « barbares », telles que les MGF et les meurtres liés à la dot[47]. Cette attention unilatérale a mené à la production de « victimes autochtones » soumises à leurs « cultures non-civilisées », renforçant le paradigme d’un État occidental salvateur[48]. Il semblerait donc que la réticence des autorités nationales à reconnaître les violences domestiques puisse s’expliquer par le fait que les violences domestiques sont monnaie courante dans les États européens[49] et ne constituent pas un trait suffisamment distinctif des femmes. Ainsi, même lorsqu’il est établi que les demandeuses d’asile ont subi des violences domestiques, c’est plutôt au nom de leur appartenance au groupe social des femmes fuyant un mariage forcé qu’elles sont protégées[50].
En offrant clairement une protection aux femmes victimes de violences dans le cadre familial, le droit de l’asile de l’UE lutterait contre la logique d’ « altérisation » [51] des femmes demandeuses d’asile, en les considérant comme affectées par la violence de genre au même titre que les femmes européennes. En outre, une clarification de la définition des persécutions permettrait de mieux appréhender les persécutions fondées sur la transidentité, et d’offrir à toutes les femmes victimes une protection harmonisée dans l’Union.
Conclusions et perspectives
Par la décision du 16 janvier 2024, la CJUE reconnaît que les femmes sont généralement victimes d’actes de violence spécifiques, susceptibles de les faire bénéficier de la protection internationale. Ces actes sont commis, d’une part, en considération de leur identité de femme et, d’autre part, prennent souvent la forme de persécutions privées. Par ailleurs, la Cour invite à prendre particulièrement en considération la passivité des autorités dans l’appréciation des conditions exigées pour la reconnaissance de la qualité de réfugié. L’effet erga omnes de la réponse de la Cour implique que les autorités nationales compétentes des États membres de l’UE devront désormais procéder à la même interprétation. Sur le plan international, cette décision résonne avec les tergiversations étatsuniennes, symboles de clivages politiques sur la question[52].
Les débats concernant les demandes d’asile présentées par des femmes ont tendance à « glisser » d’un élément de la définition de réfugié à un autre[53]. Ainsi, il est fort probable qu’après que la question de l’appartenance des femmes à « un certain groupe social » a été traitée, d’autres contestations émergent en ce qui concerne la persécution, l’exigence de lien ou la protection effective. Une cour autrichienne a récemment adressé plusieurs questions préjudicielles à la CJUE, à propos desquelles l’AG Jean Richard de la Tour a conclu que l’accumulation d’actes et de mesures discriminatoires adoptés à l’encontre des filles et des femmes par les Taliban en Afghanistan portait « atteinte à la dignité humaine » et constituait ainsi une persécution. Actant de l’entrée en vigueur de la Convention d’Istanbul, il a précisé par ailleurs que « rien ne s’oppose à ce que l’autorité compétente conclue à l’existence d’une crainte fondée de persécution en raison du seul genre de la demandeuse, sans avoir à rechercher d’autres éléments propres à sa situation personnelle »[54].
Une décision préjudicielle de la Cour est attendue, et devrait ainsi permettre d’apporter des précisions quant à la définition des actes de persécution dans le cadre des demandes d’asile fondées sur le genre, et en particulier de la privation de droits sociaux et économiques. Toutefois, le caractère unique des traitements subis par les femmes afghanes ne doit pas conduire à une élévation du seuil requis pour la qualification de persécutions, qui mènerait à dénier la qualité de réfugiées aux femmes victimes de « simples » violences domestiques.
[1] Commission européenne, Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, COM/2022/105 final, 8 mars 2022. Le texte a fait l’objet d’un accord informel entre les négociateurs du Parlement européen et du Conseil le 6 février 2024. Les législateurs doivent toujours formellement adopter l’accord.
[2] CJUE 16 février 2024, WS contre Intervyuirasht organ na Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet, C-621/21.
[3] V. Doreen Indra, « Gender: A Key Dimension of the Refugee Experience », Refuge: Canada’s Journal on Refugees, Vol. 6, 1987 ; Alice Edwards, « Transitioning Gender: Feminist engagement with international law and policy. 1995-2010 », Refugee Survey Quarterly, vol. 29, n° 2, 2010 ; Georgina Firth et Barbara Mauthe, « Refugee Law, Gender and the Concept of Personhood », International Journal of Refugee Law, 2013, pp. 470-501.
[4] V. not. James C. Hathaway et Michelle Foster, The Law of Refugee Status, 1991, qui estiment que : « Les groupes fondés sur le genre sont des exemples clairs de sous-ensembles sociaux définis par une caractéristique innée et immuable. Ainsi, [le genre] entre à juste titre dans le champ d’application de la catégorie des groupes sociaux » (traduction personnelle), p. 162. V. également Jacqueline Greatbatch, « The Gender Difference: Feminist Critique of Refugee Discourse », International Journal of Refugee Law, Volume 1, Issue 4, 1989, pp. 518-527; Charlotte Bunch, « Women’s Rights as Human Rights: Towards a Re-Vision of Human Rights », Human Rights Quarterly, No. 12, 1990, pp. 486-498; Sue Kirvan, « Women and Asylum: A Particular Social Group. Islam v. Secretary of State for the Home Department; R. v. Immigration Appeal Tribunal and Another, Ex Parte Shah », Feminist Legal Studies, Vol. 7, no 3, 1999, pp. 333-342; Linda Cipriani, « Gender and Persecution: Protecting Women under International Refugee Law », Georgetown Immigration Law Journal, Vol. 7, nᵒ 3 (1993), pp. 511‑548.
[5] V. not. Comité exécutif du HCR, Conclusions n° 39 (XXXVI), « Refugee Women and International Protection », 1985, §k ; HCR, Guidelines on the Protection of Refugee Women, juillet 1991 ; HCR, Principes directeurs sur la protection internationale nº 1. La persécution liée au genre dans le cadre de l’article 1A (2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, 8 juillet 2008.
[6] Pour reprendre le titre du célèbre ouvrage d’Efrat Arbel, Catherine Dauvergne et Jenni Millbank (éd.), Gender in Refugee Law: From the Margins to the Centre, Routledge 2014.
[7] Comité CEDEF, Recommandation générale n° 28 concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, 2010, §5.
[8] Ainsi, la théorie queer, inspirée par la philosophie post-moderne, estime que le sexe, également construit, est un produit du genre. V. le texte fondateur : Judith Butler, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité, Paris, La Découverte, 2005 [1990].
[9] Heaven Crawley, « [En]gendering International Refugee Protection: Are We There Yet? » in Bruce Burson and David J. Cantor (éd.), Human Rights and the Refugee Definition: Comparative Legal Practice and Theory, 2016, p. 348.
[10] Catherine Dauvergne, “Women in Refugee Jurisprudence”, in. Cathryn Costello, Michelle Foster et Jane McAdam (éd.), The Oxford Handbook of International Refugee Law, 2020, pp. 728-745.
[11] Conference of Plenipotentiaries on the Status of Refugees and Stateless Persons, « Summary Record of the Fifth Meeting », UN doc A/CONF.2/SR.5 (Président Larsen, Danemark), 19 novembre 1951.
[12] Cf. ces décisions fondatrices au Royaume-Uni : [1999] UKHL 20 (Islam v. Secretary of Statefor the Home Department et R. v. Immigration Appeal Tribunaland Another Ex parte Shah). Notons l’exception de la Belgique, qui, depuis longtemps déjà, reconnaît que les femmes peuvent consister un certain groupe social simplement en tant que femmes (v. CCE No. 47 053 (2010)).
[13] Par exemple, le juge français de l’asile a récemment reconnu l’existence du groupe social des femmes et des enfants exposées au risque d’excision au Soudan (CNDA 20 juin 2023, Les enfants E., n° 22043418 et n° 22043419) ou encore celui des jeunes femmes burkinabées d’ethnie mossi non-excisées (CNDA 22 juin 2023, Mme S., n° 22053238 C).
[14] Michelle Foster, « Why we are not there yet. The particular challenge of ‘particular social group’ », in Efrat Arbel, Catherine Dauvergne et Jenni Millbank, Gender in Refugee Law, op. cit., pp. 17-45, p. 28.
[15] Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte), JO L337 du 20.12.2011, pp. 9-26.
[16] Selon la distinction d’Audrey Macklin, « Refugee Women and the Imperative of Categories », Human Rights Quarterly, vol. 17, nº 2, 1995.
[17] Les rares textes à avoir abordé la question ont également été adoptés dans des cadres régionaux – que l’on pense à la Convention de Belém do Para de 1994 ou au Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (dit Protocole de Maputo) de 2003.
[18] Il s’agit d’une synthèse issue de la jurisprudence internationale sur la question. La première condition a notamment été identifiée par : Board of Immigration Appeals (États-Unis), Matter of Acosta, A-24159781, 1er mars 1985, tandis que la seconde se retrouve dans : High Court of Australia, Applicant A v Minister of Immigration and Ethnic Affairs [1997] HCA 4, 24 février 1997. Elle est également représentative de la jurisprudence française des années 1990-2000 (cf. CE 23 juin 1997, Ourbih).
[19] Michelle Foster, « The particular challenge of ‘particular social group’ », op. cit., p. 35.
[20] Christel Querton, « Consolidating Group-Based Refugee Protection », Verfassungsblog, 12 février 2024.
[21] Michelle Foster, op. cit., p. 29.
[22] Cela pourrait marquer un « retour » du sexe dans les réflexions juridiques après que celui-ci a été supplanté par le concept – utile – de genre. Sur ce point, v. : Joan W. Scott, « Gender: Still a Useful Category of Analysis? », Diogenes, n° 225, Vol.1, 2009, pp. 5-14.
[23] CJUE 7 novembre 2013, X., Y., Z. c. Minister voor Immigratie en Asiel, aff. jointes C-199/12 à C-201/12.
[24] En effet, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a reconnu depuis longtemps qu’une telle législation constitue une violation du droit au respect de la vie privée et familiale : CEDH 22 octobre 1981, Dudgeon c. Royaume-Uni, no 7525/76.
[25] Alors même que la CEDH a consacré le droit à l’autodétermination du genre : CEDH 11 juillet 2002, Christine Goodwin c. Royaume-Uni, no 28957/95 ; CEDH 6 avril 2017, A.P., Garçon et Nicot c. France, nos 79885/12, 52471/13 et 52596/13.
[26] Toutefois, certains commentaires relèvent que la décision ne se prononce pas spécifiquement sur le caractère cumulatif des deux conditions. V. Maarten den Heijer, « Persecution for Reason of Sexual Orientation: X, Y and Z », Common Market Law Review, 2014, Vol. 51, n° 4, pp. 1217-1234, p. 1223.
[27] HCR, Principes directeurs sur la protection internationale n° 2. « Appartenance à un certain groupe social » dans le cadre de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au Statut des réfugiés, HCR/GIP/02/02 Rev.1, 2008, §§6-7.
[28] Christel Querton, op. cit., p. 396.
[29] Michelle Foster, op. cit., p. 35. Elle donne en particulier l’exemple des hommes gays ou bisexuels.
[30] Christel Querton, op. cit.
[31] Adrienne Anderson, Michelle Foster et Cathryn Costello, « A feminist appraisal of International Refugee Law », in. Michelle Foster et Jane McAdam (éd.), The Oxford Handbook of International Refugee Law, 2021, p. 62.
[32] Christel Querton, “Judicial Constructions of ‘Well-Founded Fear of Being Persecuted’ in Situations of Contemporary Armed Conflict”, in. Conflict Refugees: European Union Law and Practice, Cambridge University Press, 2023, pp. 50-70.
[33] CNDA 21 décembre 2017, M. A., n° 16037573 C : reconnaît la qualité de réfugié à un homme syrien dont le refus d’accomplir ses obligations militaires pouvait être interprété comme la manifestation d’opinions politiques hostiles au pouvoir en place.
[34] V. l’étude empirique menée par Hana Cheikh Ali, Christel Querton et Élodie Soulard, « Gender Related Asylum Claims in Europe: A Comparative Analysis of Law, Policies and Practice focusing on Women in Nine EU Member States », rapport du Parlement européen, 15 novembre 2012.
[35] Sur ce point, voir : Catherine Dauverge, op. cit., p. 739.
[36] Marion Tissier-Raffin, « L’interprétation renouvelée des motifs de persécution : bilan critique », Annuaire français de relations internationales, 2021, pp. 155-173.
[37] Christel Querton, op. cit., p. 396.
[38] HCR, UNHCR’s Observations on the European Commission’s proposal for a Council Directive on minimum standards for the qualification and status of third country nationals and stateless persons as refugees or as persons who otherwise need international protection (12 September 2001, COM(2001) 510 final, 2001/0207(CNS)), 1er novembre 2001, §§30-31.
[39] CEDH 22 mars 2016, M.G. c. Turquie, req. n° 646/10 ; 13 novembre 2014, Durmaz c. Turquie, req. n° 3621/07 ; 9 juin 2009, Opuz c. Turquie, req. n° 33401/02.
[40] HCR, Principes directeurs n° 2, op. cit., § 22.
[41] CEDH 9 juin 2009, Opuz c. Turquie, n° 33401/02.
[42] CEDH 28 mai 2013, Eremia et autres c. République de Moldova, n° 3564/11.
[43] HCR, Principes directeurs sur la protection internationale n° 1 : La persécution liée au genre dans le cadre de l’article 1A (2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au Statut des réfugiés, 2008, point 36, x).
[44] Catherine Dauvergne, op. cit., p. 739.
[45] Catherine Dauvergne et Jenni Millbank, « Forced Marriage as a Harm in Domestic and International Law », Modern Law Review, Vol. 73, Iss. 1, 2010, pp. 57-88.
[46] Sherene Razack, “Domestic Violence as Gender Persecution: Policing the Borders of Nation, Race, and Gender”, Canadian Journal of Women and the Law, Vol. 8, n° 1, 1995, pp. 45-88.
[47] Dianne Otto, « Lost in translation: Re-scripting the sexed subjects of international human rights law », in Anne Orford (éd.), International law and its others, 2006, pp. 318–356.
[48] Ratna Kapur, « The tragedy of victimization rhetoric: Resurrecting the ‘‘native’’ subject in international/postcolonial feminist legal politics », Harvard Human Rights Journal, Vol. 15, 2002, pp. 1–37.
[49] À l’échelle de l’UE, v. le rapport du Parlement européen, « Violence against women in the EU. State of play », 2020 (en ligne : https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document/EPRS_BRI(2022)739208). Le rapport mentionne notamment que dans de nombreux États membres, plus de la moitié des femmes victimes de meurtre sont tuées par un partenaire intime ou un membre de leur famille (p. 2).
[50] V. not. CNDA 2 octobre 2019, Mme L., n° 19003209 C. ; CNDA 31 octobre 2022, Mme X., n° 22032808.
[51] Tentative de traduction de l’expression anglophone « othered », que l’on retrouve dans l’analyse des femmes demandeuses de protection internationale, conceptuellement distinguées de la population globale des réfugiés. V. not. : Catherine Briddick, « Some other(ed) ‘refugees’?: women seeking asylum under refugee and human rights law », in Satvinder Singh (éd.), Research Handbook on International Refugee Law, Edward Elgar Publishing, 2019, pp. 281-294.
[52] Sur ce point, voir : Deborah Anker, « The History and Future of Gender Asylum Law and Recognition of Domestic Violence as a Basis for Protection in the United States », American Bar Association (en ligne : https://www.americanbar.org/groups/crsj/publications/human_rights_magazine_home/immigration/the-history-and-future-of-gender-asylum-law).
[53] Catherine Dauvergne, op. cit.
[54] Conclusions de l’avocat général M. J. Richard de la Tour dans les affaires jointes AH (C‑608/22) et FN (C‑609/22), présentées le 9 novembre 2023.