La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la notion de droit fondamental
Par Cassandra PAULET, doctorante contractuelle en droit public, Université Grenoble Alpes, CRJ
Texte emblématique de la protection des droits et libertés au niveau de l’Union européenne, la Charte des droits fondamentaux interroge quant aux rapports qu’elle entretient avec la fondamentalité. Confrontée aux conceptions plurielles de ce qui rend un droit fondamental et ayant suscité des divergences au sein des Etats membres lors de son élaboration, la Charte est un texte de compromis qui témoigne de la fonction particulière des droits fondamentaux dans l’Union européenne.
Qu’est-ce qu’un droit fondamental ? C’est dans le sillage de cette délicate question que s’ancre la présente analyse de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. L’élaboration de la Charte relève de l’épopée normative. La décision d’élaborer un texte de protection des droits fondamentaux interne à l’Union européenne a été prise lors du Conseil européen de Cologne en 1999 qui a convoqué la Convention ayant pour objectif d’aboutir à la rédaction de la Charte. Le texte a été proclamé pour la première fois sous la forme d’un accord interinstitutionnel par le Parlement européen, le Conseil et la Commission à Nice le 07 décembre 2000. Sa version définitive fut adoptée le 12 décembre 2007 par les présidents des mêmes institutions. Mais c’est avec l’adoption du traité de Lisbonne et son entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, que la Charte devient contraignante en accédant à la même valeur que les traités en vertu de l’Article 6 § 1 du traité sur l’Union européenne. Il s’agit d’un texte emblématique de l’ordre juridique du droit de l’Union et tout au long de son processus d’élaboration, le catalogue des droits a été discuté, plusieurs propositions de listes ayant été établies. Dans une Union à 15 au début des années 2000, il a donc fallu trouver un compromis tant au sujet des droits et libertés à consacrer qu’en ce qui concerne leur portée normative. Au cœur de ces compromis figuraient notamment des interrogations entourant la fondamentalité de certains droits, questionnement épineux face aux conceptions plurielles de ce qui rend un droit fondamental. L’on entendra en l’espèce par droits fondamentaux à la fois des droits et libertés sans entrer en détail dans les enjeux sémantiques entourant cette notion, débat s’attardant notamment sur le point de savoir s’il faut préférer d’autres expressions comme celle de droits l’Homme ou encore celle de libertés publiques par exemple. Ce débat a en effet été très bien exposé par Véronique CHAMPEIL-DESPLATS qui l’estime d’ailleurs circonscrit à la France 1. En ce qui concerne le droit de l’Union, et sous l’influence allemande, c’est principalement l’expression de droit fondamental qui est la plus usitée. Si ce débat n’est pas sans lien avec la conception du droit retenue au préalable, le propos se concentrera ici sur les critères et attributs de la fondamentalité et sur l’écho qu’ils reçoivent au sein de la Charte.
De manière plus générale, c’est ainsi le rapport qu’entretient la Charte avec la notion de droit fondamental et avec la fondamentalité qui est interrogé. Afin d’opérer un tour d’horizon de cette question, il est toutefois nécessaire d’introduire de manière plus approfondie le propos. Sera ainsi établie une grille d’analyse autour de la notion de fondamentalité (I). C’est à travers ce prisme que seront examinées d’une part la fondamentalité des droits consacrés par la Charte (II) et d’autre part la fondamentalité générale du texte de la Charte (III).
I– LA NOTION DE FONDAMENTALITÉ
De prime abord, un regard extérieur au droit pourrait croire que le concept de fondamentalité fait l’objet d’un consensus sur le plan juridique. Ce préjugé découle du fait que par sa définition commune, le terme fondamental renvoie à ce « qui a l’importance d’une base, un caractère essentiel et déterminant » 2. Si cette dimension de la fondamentalité n’est pas étrangère au droit, la doctrine s’est révélée partagée sur ce qui rend une liberté ou un droit fondamental. La dénomination « droits fondamentaux » est en effet source d’incertitudes au regard de son contenu et de ses conséquences normatives. Nicolas MOLFESSIS au sujet de son usage en droit français avait par exemple qualifié l’expression de « label incontrôlé » 3. Demeure ainsi un débat théorique – non sans conséquences pratiques – autour du noyau dur des droits consacrés dans les ordres juridiques. Afin d’opérer un bref tour d’horizon de la notion de la fondamentalité, l’on reviendra sur les conceptions permettant d’accorder une telle qualification à un droit (A) ce qui interrogera les conséquences juridiques jointes à la reconnaissance de ce statut (B).
A)Les conceptions plurielles de la fondamentalité d’un droit
La question centrale est la suivante : comment déterminer la fondamentalité d’un droit ou d’une liberté ? Y répondre est plus délicat qu’il n’y parait du fait de la pluralité des conceptions entourant la notion de fondamentalité. La dénomination répond en effet moins à une grille critériée qu’elle ne s’apparente à un faisceau d’indice aux pistes multiples. Ces pistes seront exposées de manière succincte et nécessairement non-exhaustive face à la richesse des écrits à ce sujet, l’approche sera de plus relative puisqu’axée autour de travaux doctrinaux principalement français. Afin d’exposer les pistes de définition de la fondamentalité d’un droit, sera ici reprise en partie une catégorisation de Véronique CHAMPEIL-DESPLATS qui distinguent les fondements des droits et libertés extérieurs à l’ordre juridique des fondements internes à l’ordre juridique 4.
Parmi les fondements extérieurs à l’ordre juridique, on peut identifier le critère axiologique. A l’aune de ce critère, sont fondamentaux les droits répondant à des valeurs spécifiques qui elles-mêmes peuvent trouver plusieurs fondements comme le droit naturel ou la morale 5, le divin ou le religieux, voire un ensemble de valeurs partagées dans un ordre juridique. Cette dernière assise sur les valeurs partagées d’un système est à la limite de la catégorisation puisqu’elle marque un basculement progressif vers un fondement interne à l’ordre juridique.
Parmi justement les fondements internes à l’ordre juridique, on peut traditionnellement identifier dans la doctrine françaises deux approches, l’approche formelle d’une part, et l’approche matérielle ou substantielle d’autre part. Selon le critère formel, sont fondamentaux les droits consacrés de manière particulière et spécialement à un rang normatif supérieur à la loi, c’est-à-dire constitutionnel, supraconstitutionnel voire supranational 6. Il s’agit ainsi d’une approche positiviste de la fondamentalité, elle s’avère d’ailleurs assez répandue du fait de l’influence du constitutionnalisme et de l’Etat de droit 7. Mais à rebours, a également émergé une approche plus matérielle de la fondamentalité des droits faisant écho à certaines faiblesses de la conception formelle 8. Selon le critère matériel, – notamment défendu par Etienne PICARD – sont fondamentaux les droits « essentiels autant à l’ordre juridique qui les porte qu’à l’humanité même de leurs titulaires » 9. Cette conception plus jusnaturaliste 10, qualifiée d’objectiviste par son auteur, tend à détacher la fondamentalité du droit de son support de consécration 11.
Ces enjeux entourant la qualification d’un droit ou d’une liberté comme fondamental s’inscrivent dans un débat théorique néanmoins ils ne sont pas dénués de conséquences pratiques pour l’ordre juridique consacrant de tels droits ou libertés. La fondamentalité porte en effet en elle certains attributs.
B)Les attributs de la fondamentalité
Il est possible de déceler des attributs de fondamentalité, et par attribut l’on entendra ici les conséquences de cette qualification vis-à-vis des modalités de consécration du droit et vis-à-vis de l’ordre juridique les consacrant. Ces conséquences sont variables puisqu’elles sont influencées par la conception de la fondamentalité retenue au préalable. Les attributs de la fondamentalité sont donc aussi variés qu’il y a de perceptions de celle-ci. Pour leur apport dans le cadre de l’étude de la Charte des droits fondamentaux de l’Union, seront ainsi abordées trois caractéristiques que l’on peut identifier face à l’introduction de droits fondamentaux dans un ordre juridique.
Premièrement, les droits fondamentaux bénéficieraient d’une protection spécifique et accrue, ils contribueraient de ce fait à la structuration interne de l’ordre juridique découlant notamment de leur place dans la hiérarchie des normes. Cette conséquence découle spécialement de la conception formelle des droits fondamentaux : ces droits étant consacrés à un échelon supra législatif, ils bénéficient de fait d’une protection particulière, devant le juge constitutionnel par exemple. Ainsi, selon Louis FAVOREU, « la protection des droits fondamentaux nécessite […] qu’en soient chargés, non plus seulement les juges ordinaires, mais aussi les juges constitutionnels et même les juges internationaux » 12. Cette conséquence est également très liée à la recherche d’effectivité des droits fondamentaux. Sur ce terrain, il est intéressant de rappeler qu’en Europe, l’expression de droit fondamental a été importée d’Allemagne 13 et c’est sous cette influence que l’on retrouve la notion dans plusieurs constitutions d’autres Etats membres de l’Union 14 et plus largement son usage en droit de l’Union. La conception allemande des droits fondamentaux découle d’une conception formelle 15 et plus précisément constitutionnelle prévoyant la compétence de la Cour constitutionnelle fédérale allemande 16. La justiciabilité est justement au cœur du concept de droit fondamental en Allemagne, les droits fondamentaux ayant été premièrement conçus dans leur dimension subjective 17. La terminologie de droit fondamental et la protection spécifique découlent ainsi d’une approche principalement positiviste.
Autre conséquence vis-à-vis des modalités de consécration, dans une conception peut-être plus proche des droits de l’Homme, les droits fondamentaux ont pu être conçus comme universels c’est-à-dire que sont titulaires de ces droits tous les individus sous la juridiction de l’ordre juridique les consacrant. On assiste alors à une unification de la catégorie des titulaires. En lien avec la dimension axiologique des droits, l’universalité a été promue par exemple dans le cadre d’une appréhension des droits fondamentaux comme découlant du droit naturel 18. On le verra plus en aval, ce caractère universel n’est pas entièrement respecté en ce qui concerne la Charte.
Ces deux premiers attributs traduisent l’impact des droits fondamentaux sur l’ordonnancement juridique du système les consacrant. Pour résumer, dans leur manuel de Droit des libertés fondamentales, Louis FAVOREU et al. proposent des conditions cumulatives pour l’identification de droits fondamentaux au sein d’un ordre juridique. Selon eux, de tels droits existent si les rapports normatifs sont composés 1) de permissions « au bénéfice de toutes les personnes (relevant du système) en règle générale, et au bénéfice des classes les plus générales des personnes à titre exceptionnel », 2) de normes législatives et infra législatives dont la validité est conditionnée par le respect des droits fondamentaux, 3) d’un organe juridictionnel de contrôle ayant compétence pour appréciation cette validité et 4) de titulaires à même de saisir cet organe de contrôle 19. La qualification d’un droit de « fondamental » porte dès lors en elle une nécessaire adaptation de l’ensemble de l’ordre juridique le consacrant.
Finalement et par cette consécration particulière, les droits fondamentaux contribuent à la légitimation de l’ordre juridique de référence, spécialement puisqu’ils parachèvent l’Etat de droit en témoignant d’une autolimitation du pouvoir. Les consécrations de droits fondamentaux et peut être plus largement de droits de l’Homme ont ainsi pu être analysées comme des temps de rupture au fondement d’une nouvelle forme de société. Les textes de protection des droits participent en effet à la légitimation de changements structurels profonds, l’on pense par exemple au Bill of Rights britannique de 1689 qui suite à la Glorieuse Révolution visait à limiter les pouvoirs de la couronne au profit du Parlement tout en consacrant des droits aux sujets anglais 20. On a des illustrations de cette dimension légitimante assez tôt dans la construction européenne par exemple avec les affaires Solange et l’arrêt de la Cour de justice Internationale Handelsgesellschaft 21. Dans cette affaire de 1970, la Cour reconnait qu’elle contrôle le respect des droits fondamentaux au sein des Communautés au prisme des principes généraux du droit qui sont issus des traditions constitutionnelles des Etats membres. A cette occasion, la protection des droits fondamentaux contribue à légitimer l’action communautaire, cette affaire avait en effet pour origine le positionnement de certaines cours constitutionnelles nationales qui formulaient des exceptions à la primauté du droit communautaire car elles estimaient que ce dernier ne garantissait pas une protection des droits fondamentaux suffisante par rapport à celle offerte au niveau national. La consécration de la protection des droits fondamentaux au prisme des principes généraux du droit inspirés notamment des traditions constitutionnelles des Etats membres avait ainsi permis de légitimer la mise en œuvre d’un principe structurel des Communautés : la primauté.
Ce débat a priori théorique autour de la notion de droit fondamental a des conséquences pratiques, la conception retenue par la Charte affectera en effet tant la garantie des droits fondamentaux que leur fonction en droit de l’Union. La question est donc très liée à la portée du texte de la Charte. Ce tour d’horizon du caractère fondamental d’un droit ou d’une liberté servira de grille d’analyse pour le reste du propos et spécialement l’étude de la fondamentalité des droits consacrés par la Charte.
II – LA FONDAMENTALITÉ DES DROITS CONSACRÉS PAR LA CHARTE
Afin d’examiner la fondamentalité des droits consacrés par la Charte, il est intéressant de s’attarder sur la structure interne du texte. Sur ce terrain, l’on remarquera d’une part que les droits et libertés ont pour base un préambule aux fondements hybrides (A) et qu’en conséquence, les dispositions de la Charte seront elles-mêmes variables sur le plan de leur fondamentalité (B).
A)Des droits et libertés consacrés sur la base d’un préambule composite en termes de fondamentalité
Le préambule de la Charte peut être qualifié de composite en l’espèce car il mobilise plusieurs des critères de fondamentalité exposés précédemment. L’intérêt d’étudier les préambules découle du rôle plus général de ceux-ci dans les traités, s’ils ont a priori la même valeur juridique que les articles 22, ils ne créent pas réellement d’obligations dans le chef des Etats et ont surtout la fonction d’auxiliaires pour l’interprétation des articles et de l’objectif de l’acte en cause 23. La conception de la fondamentalité retenue dans le préambule peut donc théoriquement influencer la Cour de justice dans l’interprétation de la Charte et de ses dispositions. Cette influence pourra être variable puisque l’on perçoit dans le préambule de la Charte à la fois les conceptions axiologique, matérielle et formelle de la fondamentalité.
Conception axiologique. De manière générale, la dimension axiologique des droits et libertés dans l’Union est clairement identifiable par l’insertion de l’article 2 TUE 24 dans les traités avec la révision issue du traité de Maastricht. On a en effet d’abord consacré les droits fondamentaux dans les traités au titre de valeurs sur lesquelles est fondée l’Union, et ce, avant d’avoir établi un catalogue précis de ces droits 25. Pour en revenir à la Charte, la première phrase de son préambule nous renvoie à une dimension axiologique des rapports entre droit de l’Union et droits fondamentaux : « Les peuples d’Europe, en établissant entre eux une union sans cesse plus étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes ». Un lien est ainsi fait entre poursuite de l’intégration et socle de valeurs communes. On trouve également une forme de dimension divine ou morale au deuxième paragraphe du préambule : « Consciente de son patrimoine spirituel et moral, l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité ; […] ». Est-ce là une simple formule solennelle en préambule pour marquer un instant historique dans la construction européenne ? La réponse est ici ambiguë : s’il y a effectivement un caractère solennel à cette formule, les droits fondamentaux en droit de l’Union sont parfois plus appréhendés comme des valeurs que comme de véritables droits subjectifs 26. D’ailleurs, la référence au patrimoine spirituel et moral n’est pas anodine puisqu’initialement les députés chrétiens démocrates allemands souhaitaient insérer dans la Charte la notion d’« héritage religieux » 27. La dimension axiologique du texte de la Charte est au-delà confirmée par sa structure : les titres subdivisant le texte « dignité, libertés, égalité, solidarité et justice » sont le reflet des valeurs de l’Union telles qu’énoncées dans le droit primaire 28.
Conception matérielle. Mais dès le préambule, se mêle à cette approche visiblement axiologique du fondement des droits fondamentaux qui seront consacrés, une vision matérielle. Cette hybridité que l’on pourrait qualifier de fondement « axio-matériel » n’est pas surprenante au regard de l’importance affichée des valeurs partagées au sein de l’Union avec notamment la mise en place d’un mécanisme de sanction du non-respect des valeurs 29. Le respect des valeurs partagées dont « le respect des droits de l’homme » 30 est de plus un facteur important de réalisation du droit matériel de l’Union, notamment pour l’Espace de liberté, de sécurité et de justice (ci-après « ELSJ ») dont certains mécanismes sont fondés sur la confiance mutuelle par exemple 31. C’est en ce sens qu’au-delà et dès les 10 premières lignes du préambule, sont mentionnés des droits, libertés ou politiques matériellement essentiels à l’Union comme la citoyenneté européenne, l’ELSJ et la libre circulation des personnes, services, marchandises, capitaux ainsi que la liberté d’établissement. Forme de promotion des valeurs de l’intégration, la mention dès le préambule de ces droits et libertés matériellement essentiels interroge le fondement principal de leur garantie : le droit est-il consacré comme liberté fondamentale pour l’individu ou pour l’intégration économique ? La question est importante car elle peut avoir des conséquences pour la protection des droits et sur l’équilibre trouvé comme on a déjà pu le voir dans les affaires Viking et Laval lorsque libertés fondamentales et libertés économiques sont confrontées 32.
Conception formelle. Finalement, on perçoit également dans la Charte un fondement formel pour les droits et libertés consacrés. On lit, certes sans surprises, dans le préambule que les droits consacrés résultent des traditions constitutionnelles des Etats membres, de leurs obligations internationales, de la Convention européenne des droits de l’homme, des Chartes sociales de l’Union et du Conseil de l’Europe ainsi que des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice. Si cela n’est qu’une consécration de la jurisprudence bien établie de la Cour de justice 33, on retrouve bien le fondement supra législatif spécialement constitutionnel et supranational du droit fondamental. Si l’on prend l’Union comme ordre juridique de référence, l’on peut d’ailleurs prêter une dimension constitutionnelle à la Charte depuis qu’elle a acquis valeur contraignante avec le traité de Lisbonne. L’arrêt Les Verts qualifiait en effet les traités de « charte constitutionnelle de base » 34 de la Communauté.
En réalité, ce préambule composite en termes de fondamentalité n’est que le reflet de la grande diversité des droits consacrés par le texte de la Charte.
B)Une fondamentalité variable pour les droits et libertés consacrés par la Charte
La fondamentalité des droits consacrés par la Charte peut être qualifiée de variable car le texte – à l’image de son préambule – semble recourir à plusieurs des critères de fondamentalité exposés précédemment. Pour la dimension formelle, les origines supra législatives de ces droits sont facilement identifiables dans les travaux préparatoires de la Charte et spécialement au regard des premières listes de droits fondamentaux établies. Dans le projet de liste des droits fondamentaux en date du 27 janvier 2000 35, on trouve à côté de chaque droit fondamental proposé ses origines. Sont en ce sens abondamment cités la Convention européenne des droits de l’homme, les deux Chartes sociales, les traités communautaires ainsi que la déclaration du Parlement européen de 1989. Néanmoins si l’on se place du point de vue d’une conception formelle principalement constitutionnaliste et étatique 36, alors on remarque justement que certaines propositions de droit n’étaient soutenues que par les traités communautaires, c’est notamment le cas des droits de la citoyenneté.
Avant d’évoquer ces droits en particulier, il est important de souligner la distinction au sein de la Charte entre trois grands groupes de droits, que l’on a appelé « les corbeilles ». On a « les droits individuels traditionnels, les droits de la citoyenneté et enfin « des » droits économiques et sociaux » 37. Leur fondamentalité d’un point de vue théorique est variable. L’on partira ici du principe audacieux qu’il existe un « noyau intangible » des droits et libertés, bien que ce concept soit encore largement débattu spécialement dans ses liens avec la notion de droit fondamental 38. En ce sens les droits individuels dits traditionnels – que l’on trouve en grande partie dans les titres I, II, III et VI intitulés respectivement « Dignité », « Libertés », « Egalité » et « Justice » – ne seront pas étudiés outre-mesure dans la suite du propos. On peut toutefois ici brièvement commenter l’inclusion de certains droits. Par exemple, au sein du Titre II relatif aux « Libertés », certains articles viennent préciser un contexte spécifique de protection pour l’individu comme les articles 15 et 16 consacrant la liberté professionnelle et le droit de travailler ainsi que la liberté d’entreprise. Ces aspects révèlent la prise en compte de l’individu dans la pluralité de ses fonctions au sein de la société. Annonçant déjà une forme de catégorisation des titulaires, ces droits participent également à l’intégration économique et se rattachent ainsi à une conception plus matérielle de la fondamentalité. Au sein du titre IV relatif à la « Solidarité », au-delà de l’inclusion des droits sociaux que l’on évoquera plus en aval, on trouve également l’article 37 qui consacre la protection de l’environnement. Si cela prouve une quête de modernité dans le catalogue des droits, l’individu n’est pas le titulaire de ce droit comme cela aurait pu être le cas avec le droit à un environnement sain. La formulation de l’article est en effet plus large ressemblant plus à une obligation de moyen que de résultat 39 ce qui complique davantage sa justiciabilité.
Mais ce qui retient plus spécifiquement l’attention en termes de rapport à la fondamentalité en l’espèce, c’est le titre V de la Charte consacrés aux droits du citoyen de l’Union. Parmi les huit droits de la citoyenneté sont par exemple consacrés le droit de vote et d’éligibilité aux élections du Parlement européen (Article 39) et aux élections municipales (Article 40), le droit à une bonne administration (Article 41) ou encore la liberté de circulation et de séjour (Article 45). L’inclusion de ces droits n’est pas surprenante si l’on se place du point de vue d’une fondamentalité matérielle. Le droit à une bonne administration, par exemple, est crucial dans un ordre juridique qui compte parmi ses principes structurels le principe d’administration indirecte commandant que la mise en œuvre du droit revienne en premier lieu aux Etats membres 40. Il en va de même pour le droit de vote et d’éligibilité au Parlement, institution dont la légitimité est tributaire de son mode d’élection 41. C’est également le cas de la liberté de circulation et de séjour qui est matériellement fondamentale pour le droit de l’Union et deux de ses grandes politiques : le marché intérieur et l’ELSJ.
Néanmoins le problème que l’on rencontre face aux droits et libertés consacrés dans le titre V, c’est sur la conséquence que l’on peut accorder aux droits fondamentaux : leur universalité ou plus précisément le fait que tout individu sous la juridiction de l’ordre juridique en question puisse en bénéficier. Or ici, il s’agit de droits conditionnés au statut de citoyen européen. En ce qui concerne la liberté de circulation et de séjourner, l’article 45 § 2 précise que cette liberté peut être accordée aux ressortissants d’Etats tiers dans les conditions posées par les traités. Mais au-delà cette liberté, même pour les citoyens européens, demeure conditionnée au regard des ressources de l’individu par exemple 42.
Cette problématique des titulaires pour les droits de la citoyenneté avait été soulignée tôt dans l’élaboration de la Charte, on le retrouve par exemple dans la contribution aux débats de Guy BRAIBANT qui soulignait la difficulté de définir ces droits 43. Dans une des notes d’information sur les travaux préparatoires de la Charte, on lit alors que cette difficulté et différenciation potentiellement discriminatoire pourraient a priori être résolues au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Dans son arrêt Chorfi du 07 août 1996 44, le juge de Strasbourg avait en effet admis que « le traitement préférentiel accordé aux ressortissants communautaires en matière d’expulsion reposait sur une justification objective et raisonnable » 45. A cet égard, il est vrai que la Cour de Strasbourg a su faire preuve de souplesse vis-à-vis de certaines caractéristiques spécifiques du droit de l’Union et l’on a des illustrations plus récentes de cette prise en considération 46.
Mais dès lors, les droits et libertés consacrés par la Charte sont-ils tous qualifiables de fondamentaux ? Si la Charte semble avoir pris des libertés par rapport à certaines conceptions de la fondamentalité, la réponse à cette question dépend des lunettes que l’on met pour lire le texte. Si l’on admet que la Charte ne pouvait être qu’un texte de compromis à l’image de l’ensemble du droit de l’Union et que des compromis devaient nécessairement être faits sur la notion même de droit fondamental, alors le catalogue des droits est justifié. Si l’on attendait de la Charte une cohérence sur le plan de la théorie des droits et libertés, alors le catalogue des droits apparait assez hétéroclite sauf à dire qu’une notion autonome du droit fondamental émane du droit de l’Union. Cette notion autonome serait ainsi marquée par une fondamentalité axio-matérielle découlant de la pluralité des sources de protection des droits fondamentaux telle que synthétisée à l’article 6 du traité sur l’Union européenne.
Néanmoins ces enjeux autour de la notion même de droit fondamental n’ont pas échappé aux parties prenantes de la Convention en charge de l’élaboration de la Charte. En outre, les interrogations soulevées à cet égard ont eu un impact important sur la fondamentalité et normativité générale du texte de la Charte.
III – LA FONDAMENTALITÉ DU TEXTE DE LA CHARTE
Après cet examen de la Charte au prisme des sources de fondamentalité, l’on peut désormais s’intéresser à sa mobilisation au sein de l’ordre juridique de l’Union. Le référentiel sera ici donc moins les conceptions de la fondamentalité et bien plus les conséquences qu’on a pu lui attribuer ce qui permettra d’aborder la justiciabilité et le rôle de la Charte dans l’Union. Dans le cadre de cette analyse, seront ainsi envisagés l’hétérogénéité normative qui irrigue le texte de la Charte (A) pour enfin essayer d’évaluer la valeur générale du texte au sein de l’Union européenne (B).
A) L’hétérogénéité normative inhérente au texte de la Charte
La réflexion entourant la fondamentalité des droits consacrés par la Charte s’ancre dans un débat théorique plus large, celui de la place prépondérante des valeurs au sein de l’Union européenne 47. A cet égard, les droits fondamentaux peuvent également être appréhendés au titre de valeurs, ce sur quoi l’on reviendra plus en aval. Il est en effet important de revenir sur un autre aspect au préalable : cette dimension axiologique ne doit pas occulter le fait que les droits fondamentaux répondent aussi à une logique d’effectivité et de justiciabilité. Ainsi, si l’on peut débattre des fondements formel, axiologique, ou encore matériel de la Charte, il est important de faire le constat d’une hétérogénéité normative inhérente à son texte. Les droits et libertés consacrés n’ont pas la même valeur sur le plan de la théorie des droits et libertés et ils n’ont, au-delà, pas non plus la même valeur sur le plan normatif. En effet, les dispositions de la Charte diffèrent en ce qu’elles ne bénéficient pas toutes du même champ d’application, ni de la même force contraignante. Cette hétérogénéité normative va ainsi s’illustrer à deux échelons : d’une part au niveau des bénéficiaires et d’autre part au niveau de la justiciabilité des droits et libertés consacrés.
Dans un premier temps dès lors, on peut constater une hétérogénéité normative en ce qui concerne les titulaires des droits et libertés consacrés. Le propos ne sera pas développé outre-mesure ici puisque l’enjeu est lié au caractère universel – ou non – des droits consacrés, ce qui a déjà été évoqué plus en amont. Frédéric SUDRE offre une synthèse claire de la situation : « les droits proclamés bénéficient ainsi, selon les cas, soit à toute personne placée sous la juridiction d’un Etat membre ; soit au seul citoyen de l’Union, soit au citoyen de l’Union et à toute personne résidant dans l’Union » 48. La Charte, à cet égard, révèle une tendance plus récente de « compartimentation » des titulaires des droits et libertés fondamentaux vers une approche plus individualiste et une catégorisation normative de la protection des droits fondamentaux. La notion de droit fondamental, au contraire de celle de droits de l’Homme, s’y prête. D’ailleurs cette catégorisation n’est pas nouvelle en droit de l’Union puisqu’ont également été consacrés des droits fondamentaux au bénéfice des entreprises par exemple 49. Bien que cette catégorisation des titulaires ne soit pas en adéquation avec l’universalité du droit fondamental, il est possible de relativiser cet enjeu à deux égards. D’une part l’universalité a principalement été conçue dans une vision jusnaturaliste des droits de l’Homme, là où les droits fondamentaux ont plus été pensés dans une perspective positiviste. D’autre part cette rupture avec l’universalité ne semble pas absolue puisqu’elle n’a pas empêché en parallèle la Cour de justice d’étendre son contrôle du respect des droits fondamentaux alors que sa compétence était compromise comme dans le cadre des sanctions ciblées avec les affaires Kadi 50.
Deuxièmement, et c’est qui concentrera le propos en l’espèce, l’hétérogénéité normative du texte de la Charte s’illustre également en ce qui concerne la justiciabilité des droits et libertés. Cette hétérogénéité normative entre en contradiction avec les conséquences que l’on attribue traditionnellement aux droits fondamentaux à savoir le bénéfice d’une protection accrue et spécifique dans l’ordre juridique les consacrant. C’est ici que l’interrogation théorique autour de la fondamentalité des droits a eu des conséquences pratiques importantes. L’hétérogénéité normative de la Charte est en effet le fruit de dissensions autour de la fondamentalité de certains droits spécialement les droits sociaux.
La Charte est un texte de protection des droits fondamentaux moderne à plusieurs titres : dans les droits consacrés (à la fois des droits civils et politiques ainsi que des droits économiques et sociaux), dans sa structure et dans ses fondements. Cette modernité est aussi perceptible dans la distinction entre droits et principes établie afin de trouver un compromis, sous les pressions allemandes et britanniques, quant à la garantie offerte concernant les droits sociaux 51. C’est à l’Article 51 § 1 de la Charte qu’est introduite cette distinction entre droits et principes. Les premiers doivent être respectés, les seconds observés. L’Article 52 § 5 ajoute que « les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mises en œuvre par des actes législatifs et exécutifs » pris au niveau de l’Union ou au niveau des Etats membres. On a ainsi d’une part des droits subjectifs, directement invocables devant le juge national et luxembourgeois et d’autre part des principes dont l’invocabilité est doublement restreinte puisque qu’ils nécessitent un acte de mise en œuvre pour accéder à la justiciabilité, justiciabilité qui s’avère indirecte puisque l’Article 52 § 5 précise que les principes ne pourront être invoqués par le juge qu’à des fins d’interprétation et de contrôle de la légalité des actes de mise en œuvre 52.
Les dispositions consacrant des principes au sein de la Charte concerne notamment les droits économiques et sociaux. Mais alors pourquoi une telle catégorisation ? Parfois qualifiés de « droits-programmes », les droits économiques et sociaux ont très tôt étaient interrogés quant à leur portée normative, on le voit dans les travaux préparatoires de la Charte et dans les premières listes où l’on pouvait lire à côté des propositions la question « droit ou objectif politique ? » 53. L’inclusion des droits économiques et sociaux au sein de la Charte a en réalité suscité des désaccords entre les Etats membres. Certains Etats y étaient plus attachés c’est le cas par exemple de l’Italie dont l’un des représentants, Stefano RODOTA, affirmait que ne pas inclure les droits sociaux dans la Charte serait préjudiciable à l’objectif de légitimation de l’Union recherché par son adoption 54. En France, des voix s’élevaient également en faveur de l’inclusion des droits sociaux, comme celles de Pierre MOSCOVICI qui y voyait un des apports essentiels de la Charte 55, ou encore celle de Guy BRAIBANT estimant que « Pour constituer une vraie Charte, il faut s’engager sur le terrain des droits économiques et sociaux » 56. D’autres Etats étaient contre l’insertion de ces droits dans le texte comme le Royaume-Uni ou encore le Danemark 57. En ce qui concerne l’Allemagne, la réponse se trouvait dans la conception des droits fondamentaux telle qu’elle résulte de la Loi fondamentale et son interprétation par le juge constitutionnel. Les droits fondamentaux y ont en effet été principalement conçus comme des droits opposables à l’Etat ayant pour but de protéger les droits de l’individu face à de potentielles ingérences de la puissance publique 58. En ce sens les droits économiques et sociaux ne constituent pas au sens de la Loi fondamentale allemande des droits fondamentaux puisque leur justiciabilité est plus complexe devant le juge 59. Face à ces divergences, le compromis trouvé a été de consacrer les droits économiques et sociaux dans la Charte sous la forme de principes. Ainsi, ce sont en partie des considérations nationales en lien avec la théorie des droits et libertés qui ont participé à affecter la reconnaissance normative de ces droits.
Si l’on reprend la grille d’analyse précédemment exposée et spécialement la conception matérielle ou substantielle de la fondamentalité, l’inclusion des droits économiques et sociaux n’est pas surprenante face à leur importance en droit de l’Union comme « corollaires du marché intérieur » notamment pour la Cour de justice 60. Toutefois, leur insertion dans la Charte s’avérait complexe du fait de la variabilité des droits recouverts par la catégorie « droits sociaux ». Cette problématique s’ancre dans la distinction théorique entre droit-liberté (les « droits de ») et droit-créance (les « droits à ») dont les droits sociaux font généralement partie 61. Sur ce terrain, les droits sociaux sont d’ailleurs en eux-mêmes hétérogènes sur le plan normatif. Si l’on compare par exemple le droit de grève garanti au travers de l’Article 28 de la Charte et le droit aux prestations sociales et aux avantages sociaux tel que garanti à l’Article 34 de la Charte, on remarque aisément que ce dernier nécessite une action positive c’est-à-dire des mesures de mises en œuvre de la part de l’Etat. Certains droits sociaux impliquent donc des moyens économiques, ceux-ci pouvant varier selon les conjonctures 62. Pour résumer et comme le souligne Myriam BELOLO-CARABOT, « tous les droits sociaux ne peuvent prétendre à une garantie équivalente » 63 ce qui n’échappait pas aux allemands et britanniques notamment qui souhaitaient réserver la qualification de droit pour les dispositions dont l’invocabilité est assurée devant le juge 64.
A priori, l’insertion de droits sociaux comme principes au sein de la Charte était donc un choix cohérent face à la protection accrue et spécifique qui doit être en principe accordée aux droits fondamentaux. En effet, une des fonctions premières du droit fondamental est l’autolimitation du pouvoir, dès lors il aurait été contestable sur le plan théorique d’accorder une telle qualification à des dispositions exigeant une mise en œuvre préalable « dans le cadre de laquelle le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation » 65. Si le recours à la catégorie des principes est alors bienvenu, elle n’est pas anodine car elle affecte la fondamentalité générale du texte. Ainsi et pour protéger la fondamentalité du texte, une qualification limitative des principes aurait-elle été bienvenue. Néanmoins sur l’identification des dispositions relevant de la catégorie des principes, la Charte ne fait pas un exposé clair 66, bien que l’on retrouve les termes de principes au titre des explications relatives à la Charte 67. Face à cette incertitude normative autour de certains articles du texte, spécialement en ce qui concerne le titre « Solidarité », les observateurs se sont donc tournés vers la Cour de justice. Néanmoins sa contribution à la justiciabilité des droits sociaux consacrés par la Charte demeure mesurée. Si la Cour n’est pas catégoriquement opposée à la reconnaissance d’un effet horizontal pour certaines dispositions de la Charte 68, elle s’est avérée plus prudente en matière de droits sociaux. Elle s’attache en effet beaucoup à la formulation des droits et dans l’affaire Association de Médiation Sociale, elle a par exemple refusé d’accorder à l’Article 27 de la Charte (droit à l’information et à la consultation des travailleurs) une invocabilité d’exclusion dans un litige entre particuliers 69. Cet arrêt avait d’ailleurs pu être critiqué car refuser à certains droits sociaux une telle invocabilité – visant à écarter l’application du droit national contraire – affecte grandement la justiciabilité et l’effectivité des droits sociaux. En effet, ces droits s’exercent généralement dans les rapports entre employeur et salariés et sont notamment concrétisés dans des directives pour lesquelles la Cour est réticente à reconnaitre un effet direct horizontal 70. La protection accrue et spécifique en principe corollaire de la fondamentalité est dès lors interrogée par la catégorie des principes, et ce, d’autant plus si on pense en parallèle aux problématiques de recevabilité des recours des particuliers en droit de l’Union.
Au-delà, cette inégale justiciabilité des droits fondamentaux consacrés par la Charte est renforcée par leur inégale acceptation par les Etats. L’on ne s’attardera pas sur ce point mais l’on peut rappeler que le protocole n°30 annexé au traité de Lisbonne signé par le Royaume-Uni et la Pologne – auquel la République Tchèque a voulu se joindre par la suite – avait justement pour but de relativiser la justiciabilité des droits sociaux spécialement en ce qui concerne le Royaume-Uni 71. Cette inégale acceptation est aussi reflétée par la crise des valeurs partagées au sein de l’Union et la mise en œuvre le 20 décembre 2017 du mécanisme de sanction des valeurs de l’Article 7 TUE à l’égard de la Pologne. Cette crise a en effet révélé que même en ce qui concerne des dispositions qualifiées de « droit » dans la Charte, les définitions ou interprétations pouvaient diverger d’un Etat membre à l’autre par exemple en ce qui concerne l’indépendance des juges.
Cette hétérogénéité normative inhérente à la Charte est donc bien de nature à affecter la fondamentalité du texte car elle touche d’une part à la justiciabilité de ses dispositions et puisqu’elle n’est, d’autre part, que le reflet de divergences importantes au sein des Etats membres. Et face à toutes ces considérations, c’est finalement la valeur de la Charte en droit de l’Union qui est interrogée.
B) La valeur de la Charte au sein de l’Union européenne
Sur le plan historique et théorique la Charte constitue, sans aucun doute, un texte fondamental de l’ordre juridique de l’Union européenne. Ce texte vient entériner la jurisprudence de la Cour de justice en matière de droits fondamentaux et parachève la concrétisation textuelle des valeurs de l’Union. La Charte constitue un tournant politique et comme le souligne Simon LABAYLE « Sans marquer de rupture profonde, dans la mesure où [la Charte] mentionne des valeurs déjà évoquées au sein de précédents instruments, elle les présente en revanche désormais comme un élément fondateur de l’Union » 72. Mais au-delà de son importance, la Charte apparait avoir un rôle spécifique dans l’ordre juridique. La Charte a effectivement une fonction particulière en droit de l’Union, spécialement celle d’être un support de légitimation de l’ordre juridique car en termes de théorie des droits et libertés et dans la logique d’une conception formelle, elle peut être comparée à une autolimitation du pouvoir de l’Etat 73. Si l’on s’intéresse à des théories plus constitutionnalistes, la Charte pourrait d’ailleurs être perçue comme la première pierre d’une constitution formelle du fait de la spécificité de son mode d’adoption par le recours à une Convention où l’on a souhaité représenter différentes formes de légitimité dans sa composition. Il s’agit finalement d’un texte supranational de protection des droits fondamentaux moderne, consacrant – non sans mal mais consacrant quand même – à la fois des droits civils et politiques ainsi que des droits économiques et sociaux au nom du principe d’indivisibilité des droits de l’homme. Elle a consacré des droits ancrés dans la modernité comme le droit à la protection des données à caractère personnel ou la protection de l’environnement. Et dans le contexte d’une Union à 15 en 2000, prises dans des conceptions plurielles de la notion de droit fondamental, la Charte constitue un compromis réussi car compromis il y a eu. En s’interrogeant sur la valeur de la Charte, l’on peut également se demander si celle-ci est mobilisée en pratique de manière fondamentale au point de structurer l’ensemble du droit de l’Union. A cet égard, la réponse issue des travaux du groupe de recherche est plus mitigée. La mobilisation de la Charte est en effet assez hétérogène, parfois décevante dans des domaines où on l’attendait plus comme dans le cadre de l’ELSJ. Mais au sujet de l’apport de la Charte dans des politiques sectorielles, les contributions des autres membres du groupe apporteront un éclairage plus précis.
S’il fallait retenir un dénominateur commun aux conceptions plurielles de la fondamentalité, ce serait peut-être sur le terrain des conséquences d’une telle qualification qu’on le trouverait : la reconnaissance d’une protection accrue. Dès lors, la Charte a-t-elle contribué à une meilleure protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne ? Il est trop ambitieux dans le cadre de cette contribution d’essayer de répondre à cette question. Toutefois pour examiner la teneur de cette protection, il faut préalablement se demander quelle est la fonction des droits fondamentaux en droit de l’Union. En effet si la Charte se heurte à des problèmes de justiciabilité, si sa mobilisation est imparfaite, elle révèle en réalité une conception particulière du droit fondamental en droit de l’Union. Prenant exemple sur la jurisprudence de la Cour et sur le régime juridique des principes de la Charte, Antoine BAILLEUX souligne que les droits fondamentaux sont plutôt conçus « comme des valeurs, à la fois socle et moteur de l’intégration européenne, que comme d’authentiques droits constitutionnels, placés hors du jeu politique et destinés à protéger la démocratie contre elle-même » 74. Selon lui, là où le système de la Convention européenne des droits de l’homme répond à une conception plus traditionnelle et libérale des droits fondamentaux comme remparts à un pouvoir abusif, l’Union renvoie à une « communauté politique » qui ne cherche pas tant des limites mais bien plus un fondement axiologique durable 75. Ce changement de paradigme est ainsi prône à affecter la protection effective des droits fondamentaux. On l’a vu par exemple face à la jurisprudence entourant la confiance mutuelle et la présomption de respect des droits fondamentaux dans le cadre du système Dublin ou du mandat d’arrêt européen 76. L’évaluation de la valeur et de la portée de la Charte doit donc aussi prendre en compte une forme d’autonomisation de la fonction et de la notion même de droit fondamental dans l’ordre juridique de l’Union européenne.
Notes:
- Véronique CHAMPEIL-DESPLATS, « Des « libertés publiques » aux « droits fondamentaux » : effets et enjeux d’un changement de dénomination »,Jus Politicum>, n° 5, 2010. Disponible en lien via : http://juspoliticum.com/article/Des-libertes-publiques-aux-droits-fondamentaux-effets-et-enjeux-d-un-changement-de-denomination-290.html. ↩
- Le Petit Robert, collection numérique de la Bibliothèque universitaire Droit Lettres de l’Université Grenoble Alpes, consulté le 06 janvier 2021 ↩
- Nicolas MOLFESSIS, « Droit fondamental. Un label incontrôlé », J.C.P G, n°25, 2009, p. 32. ↩
- Véronique CHAMPEIL-DESPLATS, Théorie générale des droits et libertés. Perspective analytique, op. cit., p. 66. ↩
- Ibid., p. 66. ↩
- C’est ce que l’on retrouvait notamment dans les travaux de Louis FAVOREU. Voir en ce sens FAVOREU L., GAÏA P., GHEVONTIAN R., MÉLIN-SOUCRAMANIEN F., PFERSMANN O., PINI J., ROUX A., SCOFFONI G., TREMEAU J., Droit des libertés fondamentales, 2ème édition, coll. Précis, Dalloz, Paris, 2002, 530 p. ↩
- Elodie BALLOT, Les insuffisances de la notion de droits fondamentaux, Mare & Martin, 2014, pp. 53-55. ↩
- Le Conseil constitutionnel français, par exemple, n’apparait pas valider entièrement la conception formelle des droits fondamentaux telle que présentée par la doctrine, celui-ci semblant opérer une distinction entre les « droits fondamentaux » et les « libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle » (expression que l’on retrouve notamment dans la décision du Conseil constitutionnel, 22 janvier 1990, décision n°89-269 DC). Voir sur ce point Elodie BALLOT, Les insuffisances de la notion de droits fondamentaux, op. cit., pp. 61-63 et Thomas MEINDL, La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines constitutionnelles françaises et allemandes, t. 112, coll. Bibliothèque constitutionnelle et science politique, LGDJ, 2003, p. 14. ↩
- Etienne PICARD, « Droits fondamentaux », in Denis ALLAND, Stéphane RIALS (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, P.U.F, Paris, 2010, p. 549. Selon lui, c’est plus l’importance de ces droits qui doit déterminer leur rang normatif et non le contraire. Il explique par ailleurs que les droits fondamentaux ont pour base une « trinité fondatrice » en ce sens que « les êtres humains sont libres, égaux et solidaires » et tous les autres droits fondamentaux en découleraient. Voir plus précisément sur son travail Etienne PICARD, « L’émergence des droits fondamentaux en France », AJDA, n° spécial « Les droits fondamentaux : une nouvelle catégorie juridique », 1998, pp. 6-42. ↩
- Elodie BALLOT, Les insuffisances de la notion de droits fondamentaux, op. cit., p. 77. ↩
- Cette conception a également été défendue par Olivier LE BOT dans sa thèse, voir en ce sens Olivier LE BOT, Le référé-liberté fondamentale, contribution à l’étude de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, Thèse dacty. Université Paul Cézanne, Aix-Marseille, 2006, p. 76 et s. ↩
- Louis FAVOREU, « Universalité des droits fondamentaux et diversité culturelle », in L’effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, colloque international de l’Île Maurice, 29 septembre – 1er octobre 1993, éd. Aupelf-Uref, 1994, p. 48. ↩
- Michel LEVINET, Théorie générale des droits et libertés, 4ème éd., coll. Droit & Justice, Anthemis, Bruxelles, 2012, p. 74. ↩
- Elodie BALLOT, Les insuffisances de la notion de droits fondamentaux, op.cit., pp. 27-28. ↩
- David CAPITANT, Les effets des droits fondamentaux en Allemagne, coll. Bibliothèque constitutionnelle et droit public, LGDJ, 2001, p. 3. ↩
- Elodie BALLOT, Les insuffisances de la notion de droits fondamentaux, op.cit., p. 55. ↩
- Christian AUTEXIER, « Chapitre 5 : Les droits fondamentaux » in Introduction au droit public allemand, PUF, 1997, disponible en ligne via https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2015/03/30/chapitre-5-les-droits-fondamentaux/. ↩
- Véronique CHAMPEIL-DESPLATS, Théorie générale des droits et libertés. Perspective analytique, op. cit., p. 76. L’universalité, très liée au développement des droits de l’Homme se retrouve dans les premiers grands textes internationaux les protégeant comme la déclaration universelle des droits de l’homme dans laquelle on retrouve un vocable spécifique et des formules comme « Nul ne… », « Tous les êtres humains », ou « Chacun ». ↩
- Louis FAVOREU et al., Droit des libertés fondamentales, 7ème éd., Dalloz, 2015, p. 75. ↩
- Horst DIPPEL, « Les Droits de l’homme aux Etats-Unis dans la première phase de leur constitutionnalisation, 1776-1849 », in Jérôme FERRAND, Hugues PETIT, Fondations et naissances des Droits de l’homme, L’Odyssée des Droits de l’homme I, coll. La Librairie des Humanités, L’Harmattan, 2003, p. 265. ↩
- CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. C-11/70. ↩
- Emmanuelle BRIBOSIA, La protection des droits fondamentaux dans l’ordre juridique communautaire : le poids respectif des logiques fonctionnelle et autonome dans le cadre normatif et jurisprudentiel, Université Libre de Bruxelles, sous la direction du Professeur Jean-Victor LOUIS, 2001, vol. I, p. 44. ↩
- Daniel VIGNES, « Préambule », in Commentaire J. Mégret, le droit de la Communauté économique européenne. Vol. 1, Le préambule, les principes, la libre circulation des marchandises, Bruxelles, Presses universitaires de Bruxelles, 1970, pp. 4-10 cité par Emmanuelle BRIBOSIA, ibid. ↩
- Article 2 TUE : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes ». ↩
- Cela n’est pas sans rappeler la construction communautaire en général, où l’on a préféré initialement inscrire dans les traités des buts à atteindre avant d’établir une répartition des compétences plus précise. ↩
- Voir infra. Antoine BAILLEUX, « Droits de l’homme à l’est des Vosges, valeurs à l’ouest ? Les récits judiciaires de l’Europe au prisme de l’article 52 de la Charte »,RTDH, 2018, n°115, p. 584. ↩
- Linxin HE, Droits sociaux fondamentaux et Droit de l’Union européenne, thèse réalisée sous la direction de M. le Professeur Étienne PATAUT à l’Université Panthéon – Sorbonne, 2017, p. 89. Disponible en ligne via https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01783683/document. ↩
- Florence BENOÎT-ROHMER, « Valeurs et droits fondamentaux dans la Constitution », RTDE, n°2, 2005, p. 261. ↩
- Si mécanisme découlant de l’Article 7 TUE depuis la révision d’Amsterdam rencontre aujourd’hui des difficultés dans sa mise en œuvre, il demeure un témoignage de l’importance accordée au respect des valeurs communes au niveau de l’Union. ↩
- Article 2 TUE ↩
- C’est le cas spécialement du mandat d’arrêt européen ou du système Dublin. ↩
- CJCE, 11 décembre 2007, Viking, aff. C-438/05 ; CJCE, 18 décembre 2007, Laval, aff. C-341/05. La Cour de justice a, dans ces affaires, fait primer des libertés économiques (la libre circulation et la liberté d’établissement) sur certains droits fondamentaux, la libre circulation n’y étant pas décrite comme droit fondamental mais bien comprise comme composante de l’intégration économique. ↩
- Notamment depuis les affaires CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. C-11/70 et CJCE, 28 octobre 1975, Rutili, aff. 36/75. ↩
- CJCE, 23 avril 1986, Parti écologiste « Les Verts », aff. C-294/83, point 23. ↩
- Note de la présidence, Projet de liste des droits fondamentaux, 27 janvier 2000, Charte 4112/1/00 REV 1. ↩
- Voir à ce sujet Henry ROUSSILLON, Pierre ESPLUGAS, Le Conseil constitutionnel, 8ème éd., coll. Connaissances du droit, Dalloz, 2015, p. 65 ; Rapport présenté par la délégation française (composée de MM. Robert BADINTER et Bruno GENEVOIS) à la VIIIème conférence des Cours constitutionnelles européennes à Ankara, 7-10 mai 1990, « Normes de valeur constitutionnelle et degré de protection des droits fondamentaux », RFDA, n° 3, 1990, p. 317 et s. Robert BADINTER et Bruno GENEVOIS y énoncent que par droits fondamentaux, « il convient d’entendre un ensemble de droits et de garanties que l’ordre constitutionnel reconnaît aux particuliers dans leurs rapports avec les autorités étatiques » voyant « Les normes internationales comme source d’interprétation des droits fondamentaux ». ↩
- Claude BLUMANN, Louis DUBOUIS, Droit institutionnel de l’Union européenne, 6ème éd., LexisNexis, 2016, p. 146. ↩
- Elodie BALLOT, Les insuffisances de la notion de droits fondamentaux, op. cit., pp. 123-130. ↩
- Article 37 de la Charte : « Un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable ». ↩
- Ce qui est rappelé à l’article 291 § 1 TFUE, Voir à ce sujet Jean-Paul JACQUÉ, « Le droit à une bonne administration dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », Revue française d’administration publique, 2011/1-2 (n°137-138), pp. 79-83. Disponible en ligne via : https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2011-1-page-79.htm#pa3. ↩
- C’est notamment ce qui a motivé la révision de son mode d’élection par la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du 20 septembre 1976 des représentants des États membres réunis au sein du Conseil relative à l’Acte portant élection des représentants à l’Assemblée au suffrage universel direct, JOUE n° L 278. ↩
- En vertu du droit dérivé, et spécialement l’article 7 de la directive 2004/38/CE, le séjour de plus de trois mois est conditionné par les ressources de l’individu, l’exercice d’une activité salariée ou encore l’inscription dans un établissement pour suivre des études. Ces droits sont d’ailleurs au-delà conditionnés par l’échelon national qui fixe les conditions d’attribution de la nationalité, critère premier de la citoyenneté européenne. ↩
- Note de transmission, Projet de charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Contribution aux débats de Guy BRAIBANT, 7 février 2000, CHARTE 4121/00 CONTRIB 17, p. 3. ↩
- CEDH, 07 août 1996, Chorfi c/ Belgique, Req. n° 21794/93. ↩
- Note d’information, Projet de Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Questions horizontales, 20 janvier 2000, CHARTE 4111/000, point 12, p. 3. ↩
- Voir à ce sujet, David SZYMCZAK, « Arx tarpeia capitoli proxima. Bref retour sur l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme », RUE, n°553, 2011, p. 636 et s. L’auteur souligne que la Cour européenne des droits de l’homme a su prendre en compte les spécificités du droit de l’Union et ses impératifs d’effectivité comme dans le cadre du renvoi préjudiciel avec l’arrêt CEDH, 20 septembre 2011, Ullens de Schooten et Rezabek c/ Belgique, Req. n° 3989/07 et 38353/07. ↩
- Simon LABAYLE, Les valeurs de l’Union européenne, thèse sous la direction du Professeur Rostane MEHDI à l’Université d’Aix-Marseille, présentée et soutenue publiquement le 12 décembre 2016, p. 137. ↩
- Frédéric SUDRE, Droit européen et international des droits de l’homme, 10ème éd., PUF, 2011, p. 159. ↩
- Voir en lien, Éric CARPANO, « La Charte, une constitution de la liberté économique des entreprises ? L’apport de la Charte à la protection des droits substantiels des entreprises », R.A.E.–L.E.A., 2018/2, pp. 225-240. ↩
- Voir en ce sens CJCE, 03 septembre 2008, Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation [Grande chambre], aff. jtes C-402/05 P et C-415/05 P. ↩
- Catherine SCHNEIDER, « Droits de l’homme et Transfert de souveraineté dans l’Union européenne », in La définition et le développement des droits de l’homme et la souveraineté populaire, séminaire UNIDEM de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, éditions du Conseil de l’Europe, 2011, p. 173. ↩
- Claude BLUMANN, Louis DUBOUIS, Droit institutionnel de l’Union européenne, op. cit., p. 157. ↩
- Voir par exemple Note de la présidence, Projet de liste des droits fondamentaux, 27 janvier 2000, Charte 4112/1/00 REV 1. ↩
- Linxin HE, Droits sociaux fondamentaux et Droit de l’Union européenne, op. cit., p. 88. L’auteur se fonde notamment sur Assemblée nationale, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 26 avril 2000 compte rendu des débats, Les documents d’information Assemblée nationale, 2000, p. 59. ↩
- Ibid. ↩
- Assemblée nationale, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 26 avril 2000 compte rendu des débats, Les documents d’information Assemblée nationale, 2000, p. 25. ↩
- Linxin HE, Droits sociaux fondamentaux et Droit de l’Union européenne, op. cit., p. 86. ↩
- Michel LEVINET, Théorie générale des droits et libertés, op. cit., pp. 98-99. ↩
- Ibid., l’auteur cite justement les propos de Michel FROMONT, ce dernier explique que les droits sociaux sont absents de la Loi fondamentale « afin de faciliter la tâche du juge de veiller au respect des droits fondamentaux » marquant « la volonté de ne proclamer que des droits fondamentaux qui puissent aisément faire l’objet d’une protection par le juge, qu’il soit le juge ordinaire ou le juge constitutionnel » (Michel FROMONT, « R.F.A. : la jurisprudence constitutionnelle en 2010 », R.D.P., 2011, p. 1060). ↩
- Myriam BENLOLO-CARABOT, « Chapitre 2. Les droits sociaux dans l’ordre juridique de l’Union européenne. Entre instrumentalisation et « fondamentalisation » », La Revue des Droits de l’Homme [en ligne], 2012/1, pp. 87-92. ↩
- Karl-Peter SOMMERMANN, « Droits fondamentaux constitutionnels et droits fondamentaux européens », in Annuaire international de justice constitutionnelle, 15-1999, 2000. Constitution et sécurité juridique – Droit constitutionnel, droit communautaire et droit européen, p. 356. ↩
- Ibid. ↩
- Myriam BENLOLO-CARABOT, « Chapitre 2. Les droits sociaux dans l’ordre juridique de l’Union européenne. Entre instrumentalisation et « fondamentalisation » », op. cit., p. 96. ↩
- Valérie PARISOT, « La Charte des droits fondamentaux, un instrument inutile pour les travailleurs ? », in Abdelwahab BIAD, Valérie PARISOT, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne Bilan d’application, Anthemis, 2018, p. 395. ↩
- Note d’information, Projet de Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Questions horizontales, 20 janvier 2000, CHARTE 4111/00 BODY 3, point 20. ↩
- Claude BLUMANN, Louis DUBOUIS, Droit institutionnel de l’Union européenne, op. cit., p. 157. ↩
- Note du Presidium, Projet de Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Texte des explications relatives au texte complet de la Charte, tel que repris au doc. CHARTE 4487/00 CONVENT 50, 19 octobre 2000, CHARTE 4473/00 REV 1 CONVENT 49. ↩
- Jean-Paul JACQUÉ, Droit institutionnel de l’Union européenne, 9ème éd., Dalloz, 2018, p. 75. L’auteur prend appui sur l’affaire CJUE, 19 janvier 2010, Seda Kücükdevici, aff. C-555/07 où était en cause un droit de la Charte (l’Article 21) également consacré par un principe général du droit. ↩
- CJUE, 15 janvier 2014, Association de médiation sociale, aff. C-176/12. ↩
- Voir à ce sujet Laurent COUTRON, « Retour fataliste aux fondements de l’invocabilité des directives. Du cartésianisme au pragmatisme », RTDE, n°1, 2015, p. 39. ↩
- Protocole (n°30) sur l’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la Pologne et au Royaume-Uni, JOUE n° L 115. ↩
- Simon LABAYLE, Les valeurs de l’Union européenne, op. cit., p. 130. ↩
- Voir à ce sujet Véronique CHAMPEIL-DESPLATS, Théorie générale des droits et libertés. Perspective analytique, op. cit., p. 67. ↩
- Antoine BAILLEUX, « Droits de l’homme à l’est des Vosges, valeurs à l’ouest ? Les récits judiciaires de l’Europe au prisme de l’article 52 de la Charte », op. cit., p. 583. ↩
- Ibid., p. 586. ↩
- Ibid., p. 589. ↩
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