La conformation sexuée. Qualification et régime juridique de la torture et autres traitements inhumains et dégradants (tierce intervention sous CEDH, M c. France, n°42821/18)
Par Benjamin Moron-Puech, Professeur à l’Université Lumière Lyon 2
0.1. Dans le prolongement d’un texte paru dans cette revue il y a plus d’un an, le lectorat trouvera ci-après les observations sur l’affaire M c. France (no 42821/18) que l’auteur a adressées à la Cour européenne des droits de l’homme le 26 février 2021, au nom de la Fédération Internationale des Droits Humains, de la Ligue des Droits de l’Homme et de l’association Alter Corpus.8
0.2. Dans cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme va être amenée à se prononcer sur la pratique médicale dite de conformation sexuée, par laquelle le corps des personnes intersexuées — naguère dites hermaphrodites dans la culture populaire et aujourd’hui désignées par nombre de professionnels de santé sous le terme de « désordre du développement sexuel » ou celui « variations du développement génital » — se trouve modifié pour se rapprocher des idéaux-types masculin ou féminin. Concrètement, il s’agit par divers actes médicaux de redresser une verge, de boucher un trou situé à un endroit inhabituel pour en ouvrir un nouveau à l’extrémité de la verge, de raccourcir un clitoris jugé trop grand, de créer ou d’allonger un vagin jugé trop étroit, d’enlever un utérus ou un ovaire sur une personne qu’on aurait décidé d’assigner en homme ou inversement pour un testicule présent sur une personnes assignée en fille, ou encore d’enlever des gonades dont on craindrait qu’à terme qu’elles deviennent cancéreuses. Ce sont l’ensemble de ces actes médicaux, souvent doublés de traitements hormonaux temporaires ou permanents, que nous désignons par le terme d’actes de conformation sexuée[1].
0.3. Ces actes, qui ne datent pas d’hier et dont on trouve des traces dans des récits plus ou moins fantasmés remontant à l’Antiquité[2], se sont cependant multipliés de manière exponentielle à partir des années 1960, avec la médicalisation des naissances et les progrès d’un certain scientisme s’ancrant sur les résidus d’une médecine n’ayant pas complètement renoncé à l’eugénisme nazi[3]. En effet, dans le sillage des travaux du sexologue John Money[4] ayant défendu à partir de ses travaux à l’hopital John Hopkins de Baltimore que l’on pouvait déterminer le genre des enfants à condition de les opérer précocement, la pratique de ces actes de conformation sexuée va changer. Au lieu que ces actes soient réalisés de manière exceptionnelle, avec des techniques encore expérimentales et sur des adultes vraisemblablement consentant, ces actes vont être généralisés à l’ensemble des enfants dont l’intersexuation est identifiée à la naissance et réalisés sans leur consentement éclairé, ni celui de leurs parents[5]. C’est ainsi qu’en France la légalisation en fait[6]de cette chirurgie intervient en 1970[7], lorsqu’est modifiée l’instruction générale de l’état civil, pour y créer une procédure — à la légalité alors douteuse[8] — permettant de suspendre l’inscription de la mention du sexe à l’état civil, le temps de déterminer le « vrai sexe »[9] de l’enfant et de réaliser pour cela les actes médicaux nécessaires. Depuis lors, les progrès des droits humains n’ont en rien arrêté cet effacement de l’intersexuation, voire éradication[10] si l’on considère les interruptions médicales de grossesse[11]. Pourtant, depuis les années 1990, grâce aux journaux puis au réseau internet[12], la contestation de ces opérations par les personnes concernées puis par le droit s’est faite jour, tant au niveau du droit national, qu’on songe à la Colombie qui a été pionnière[13], qu’au niveau international, via des rapports parallèles adressés par des organisations non gouvernementales à différents comités des Nations-Unies[14]. À ce jour, malgré l’extrême gravité des violences et de leurs conséquences à long terme que n’ont cessé de dénoncer les personnes concernées et dont on pourra se faire une idée en regardant en dernier lieu le documentaire qui leur a été consacré par France Télévision en juin 2021[15], les pratiques n’ont pas changé. On ne constate ainsi aucun retour aux pratiques antérieures aux travaux de J. Money, c’est-à-dire des actes exceptionnels, réalisés sur des personnes adultes consentantes ; c’est tout au contraire la prise en charge précoce, systématique et non consentie qui domine et qui tend à certains égards à s’amplifier depuis ses débuts. Ainsi, en France par exemple, malgré plusieurs interpellations des autorités françaises par les comités onusiens en 2016[16] et quelques rapports non contraignants d’autorité publique, rien n’a changé dans les pratiques médicales. Depuis 1970, ces pratiques médicales ont même été rationalisées du point de vue du financement[17], des structures d’accueil[18] ou du parcours médical[19]. C’est par exemple ainsi qu’entre 2011 et 2020, quelques deux cents enfants[20] de moins de quinze ans ont subi la pratique traumatisante[21] du bougirage, remboursée par la sécurité sociale[22] et consistant pour le médecin, puis les parents ou l’enfant, à insérer une « bougie » dans le vagin nouvellement créé ou allongé afin d’éviter qu’il ne se referme. C’est donc dans ce contexte d’inertie que l’affaire M c. France intervient.
0.4. Cette procédure débute par une plainte contre X déposée par une personne intersexuée pour les mutilations génitales subies à sa naissance. Faute d’ouverture d’une enquête par le parquet, cette personne finit par saisir un juge d’instruction. L’instruction ne sera cependant jamais ouverte, la justice française ayant considéré à tous les niveaux (juge d’instruction, chambre de l’instruction puis chambre criminelle de la Cour de cassation[23]) que l’affaire était prescrite, aucun obstacle insurmontable ne pouvant selon les juges être caractérisé, malgré pourtant les arguments forts qui auraient pu être invoqués en ce sens[24]. Ce sont ces décisions de refus d’enquête et d’absence de poursuite que la personne intersexuée conteste devant la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant la violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prohibant la torture et les traitements inhumains et dégradants, ainsi que de l’article 6 posant le droit à un procès équitable et dont découle le droit d’accès à un tribunal en matière civile.
0.5. Au-delà des enjeux individuels de cette affaire — obtenir la reconnaissance et la réparation des violences subies par la personne intersexuée —, celle-ci soulève d’importants enjeux juridiques et collectifs. Pour la première fois, en effet, la Cour y est amenée à se prononcer sur la conformité à l’interdiction de la torture et autres mauvais traitements des actes de conformation sexuée, au regard non pas seulement des règles du consentement éclairé mais surtout de la nécessité médicale[25]. Outre les enjeux strictement techniques de définition et de délimitation de la torture des autres mauvais traitements, l’affaire pose deux questions importantes. La première question est de nature substantielle : que peut-on exiger des États, en termes d’obligations positives, pour prévenir la normalisation des corps des personnes intersexuées. La seconde est processuelle : les règles de prescription peuvent-elles faire obstacle à l’obligation d’enquête débouchant sur la condamnation des responsables et l’indemnisation des victimes, obligation dégagée par la Cour européenne dans sa jurisprudence antérieure ? Si ces questions sont importantes, c’est aussi parce qu’elles concernent bien d’autres personnes que la minorité intersexuée. La question de la normalisation des corps est commune aux minorités corporelles en général (dites plus couramment « personnes en situation de handicap »), souvent victimes aussi d’actes médicaux de normalisation[26], dont elles peinent à obtenir l’interdiction[27]. Quant à la problématique de la prescription, elle concerne toutes les victimes de violences sexuelles, lesquelles se voient souvent refuser l’accès au prétoire, sans que ne soient prises en compte les situations d’emprise et d’amnésie qui leur sont propres[28]. Pour toutes ces raisons, l’affaire M c. France nous semble d’une importance considérable pour nos sociétés contemporaines et nous remercions les responsables de la revue d’en avoir accepté la publication.
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1. Benjamin Moron-Puech, enseignant-chercheur en droit au Laboratoire de sociologie juridique (Université Panthéon-Assas) entend soumettre ci-après, au nom de la FIDH, la LDH et l’association Alter Corpus, deux types d’observations générales, les unes sur la qualification des mauvais traitements subis (I), les autres sur le régime juridique de cette qualification (II).
2. Avant de présenter ces remarques, l’auteur entend formuler deux observations liminaires. Premièrement, les observations suivantes seront rédigées en suivant les principes terminologiques et grammaticaux développés dans les observations écrites déjà présentées à votre Cour sous l’affaire Y. c. France (n°76888/17). Ainsi, d’une part, aucun terme pathologisant ne sera utilisé pour évoquer l’intersexuation de la personne requérante. D’autre part, on la désignera au moyen de formules épicènes, respectueuses de son genre non binaire[29].
3. Deuxièmement, sans préjudice d’une éventuelle application de l’article 14 que les tierces intervenantes appellent de leurs vœux pour consacrer, en droit de la discrimination, le motif des « caractéristiques sexuées »[30], ces observations se concentreront sur l’article 3 qui seul pose des questions inédites. Même limitées à l’article 3, ces observations ne traiteront pas du point de savoir si ce grief a été ou non invoqué, ceci étant avant tout une question d’espèce. Rappelons néanmoins que la jurisprudence de la Cour est relativement souple quant à la caractérisation de l’invocation d’un grief devant le juge interne. Votre Cour se satisfait ainsi d’une invocation « en substance » (Akdivar et autres c. Turquie, §66), ce qui semble avoir été le cas en l’espèce dans la mesure où ce grief a été invoqué a minima lors de l’audience publique intervenue à la Cour de cassation le 22 février 2018[31].
I. Observations relatives à la qualification
4. Ces observations concernent la qualification de mauvais traitements, rendue délicate pour des actes médicaux (A), et celle de torture, rendue délicate par ses différentes acceptions (B).
A. Observations sur la qualification de mauvais traitements
5. Pour les tierces intervenantes, la question de la qualification de mauvais traitements doit être examinée à la lumière des principes posés par votre Cour dans l’arrêt Jalloh c. Allemagne jugeant qu’« une mesure dictée par une nécessité thérapeutique du point de vue des conceptions médicales établies ne saurait en principe passer pour inhumaine ou dégradante […]. Il incombe pourtant à la Cour de s’assurer que la nécessité médicale a été démontrée de manière convaincante et que [d]es garanties procédurales […] existent et ont été respectées » (§69).
6. S’agissant des opérations de conformation sexuée, telles celles subies par la personne requérante, si une majorité des professionnels de santé considéraient certes, à l’époque où ils ont été réalisés, que ceux-ci répondaient à une nécessité thérapeutique, cela n’empêche donc pas votre Cour d’avoir une opinion inverse, en particulier en l’absence de preuve convaincante de leur nécessité médical ou de respect des garanties procédurales.
7. S’agissant de la nécessité médicale, cette notion n’a fait l’objet d’aucune définition positive par votre Cour. En revanche, une définition négative a été ébauchée dans l’affaire Jalloh précitée. Votre Cour s’y est en effet refusée à admettre que la nécessité médicale puisse être définie par les seules pratiques et avis du corps médical et a au contraire affirmé qu’il lui appartenait de vérifier si l’existence d’une telle nécessité était établie de manière convaincante. Ce faisant, a été rejeté une acception purement objective de la notion, c’est-à-dire une acception d’où aurait pu être exclue toute expérience subjective de sa santé par la personne concernée.
8. Pour identifier une définition positive de la notion, il convient de se reporter aux ordres juridiques internes. La définition retenue en France par le Conseil d’État[32], dans le prolongement des différents travaux universitaires[33], nous paraît pouvoir être ici retenue. La nécessité médicale c’est d’abord un but, en principe thérapeutique, et ensuite un rapport de nécessité. Ce second élément signifie à la fois que l’acte médical doit présenter plus d’avantages que d’inconvénients et que cet acte doit être, parmi tous ceux envisageables, celui pour lequel le rapport bénéfice risque est le plus élevé. Soulignons enfin que, dans le prolongement de la définition négative de la nécessité médicale rappelée ci-dessus, ce rapport de nécessité doit être apprécié non pas par le seul corps médical, mais par la personne elle-même, sur la base des informations communiquées par les prestataires de soin. En effet, chaque individu ayant un ressenti différent sur les avantages et les inconvénients d’un acte médical, le résultat de ce rapport de nécessité varie d’une personne à l’autre. Cette approche subjective de la nécessité a été consacrée par l’arrêt Van Kück c. Allemagne (§53-57), où il a été refusé qu’une mutuelle puisse s’opposer au remboursement d’une chirurgie de réassignation sexuée, demandée par le patient mais refusée par le médecin-conseil la jugeant objectivement non nécessaire.
9. Il serait opportun que la Cour profite de la cette affaire pour clarifier la notion de nécessité médicale. Cela lui permettrait ainsi de détailler l’ensemble des multiples raisons pour lesquelles cette nécessité médicale ne peut pas être caractérisée pour les actes de conformation sexuée et, à cette occasion, d’affirmer clairement le caractère non pathologique de l’intersexuation, dans le prolongement des différentes résolutions d’organisations internationales[34].
10. Pour en venir aux raisons pour lesquelles il ne saurait y avoir de nécessité médicale, il y a tout d’abord le fait que l’intersexuation ne saurait en soi être considérée comme une maladie. Certes, l’intersexuation est un phénomène relativement rare, concernant 1,7% de la population selon les chiffres retenus par le Commissaire aux droits de l’homme des Nations-Unies[35]. Cependant le caractère atypique de cette condition biologique ne suffit pas à en faire une pathologie[36]. En réalité, le seul critère pertinent pour décider s’il existe ou non une pathologie est le critère de la souffrance, même s’il est vrai que d’un individu à l’autre la souffrance peut être plus ou moins grande pour une même pathologie et s’exprimer de manière plus ou moins synchrone par rapport à l’apparition de la maladie. Quoi qu’il en soit, dans la mesure où l’intersexuation ne génère nullement de manière systématique des souffrances d’origine physique ou psychiques[37], il n’est pas possible d’y voir un état pathologique. Le fait que l’OMS et d’autres sociétés savantes considèrent l’intersexuation comme une pathologie ne saurait à lui seul être un argument « convaincant » pour la Cour d’autant que, s’agissant de l’OMS, celle-ci dénonce, dans d’autres sources que la CIM, l’absence de nécessité médicale des mutilations génitales intersexuées[38]. En outre, si la Cour acceptait de s’en tenir aux seules classifications médicales pour déterminer l’existence d’une pathologie, alors cela constituerait à amoindrir considérablement son affirmation constante selon laquelle c’est-à-elle seule de rechercher la preuve convaincante d’une nécessité médicale, indépendamment de l’opinion médicale dominante. Certes, la Cour a pu sembler s’orienter dans cette direction dans l’affaire AP, Nicot et Garçon (§139), mais c’est là un dangereux précédent et il nous paraît bien préférable de tirer les erreurs commises par le passé vis-à-vis des personnes homosexuelles qui ont dû subir pendant longtemps des discriminations à raison de la pathologisation de leur orientation sexuelle, heureusement aujourd’hui abandonnée. L’intersexuation, pas plus qu’hier l’homosexualité, ne saurait donc être considérée comme une pathologie au motif qu’elle dérogerait à un prétendu ordre sexuel naturel. En l’absence de pathologie, impossible de retenir le but thérapeutique des actes de conformation sexuée, qui poursuivent en réalité comme but principal et réel l’effacement de la différence naturelle présentée par les corps intersexués[39].
11. Outre cet argumentaire tiré du but thérapeutique, l’absence de nécessité médicale peut également être établie par la preuve de l’absence de tout rapport de nécessité et cela à un double égard. D’une part, la preuve d’un rapport bénéfice/risque favorable à l’opération n’a jamais été établie dans la littérature médicale[40]. Ces opérations ont été mises en œuvre sans que leur bénéfice n’ait jamais été rigoureusement évalué au terme d’un protocole de recherche. Elles ont été au contraire réalisées sous le postulat jamais éprouvé que ces enfants seraient nécessairement plus heureux avec un corps normalisé et mutilé qu’avec leur corps d’origine, certes atypique mais intègre. D’autre part, l’absence d’un rapport de nécessité résulte aussi de ce qu’il n’a non plus jamais été établi que ces méthodes invasives, de nature chirurgico-hormonales, présenteraient un meilleur rapport bénéfice/risque que d’autres méthodes non invasives, tel le soutien psychologique combiné le cas échéant avec des campagnes de sensibilisation et d’éducation à la diversité des caractéristiques sexuées, en conformité avec les obligations générales des États de lutter contre les stéréotypes source de violences. Par ailleurs, lorsque ces actes de conformation sexuée incluent — comme en l’espèce avec la castration — une stérilisation non vitale, il paraît impossible de leur reconnaître une quelconque nécessité médicale au regard de la jurisprudence de votre Cour. En effet, dans plusieurs affaires de stérilisation de personnes mineures, votre Cour s’est montré encline à retenir l’existence de traitements inhumains et dégradants sur le seul constat que ces stérilisations n’étaient pas commandées par la nécessité vitale de la personne (I.G. et a. c. Slovaquie, §122 ou N.B. c. Slovaquie, §74). Pour toutes ces raisons, aucune nécessité médicale ne peut ici être caractérisée de manière convaincante, ce qui permet en soi de retenir la qualification de mauvais traitements.
12. Une telle qualification résulte également de ce que les personnes intersexuées subissant ces actes de conformation sexuée n’ont bénéficié d’aucune des garanties procédurales imposées par votre Cour, en particulier le recueil d’un consentement éclairé. Comme l’illustre fort bien l’affaire examinée par la Cour, sont monnaies courantes les inexactitudes des professionnels de santé sur l’état prétendument pathologique de la personne requérante, ou leur dissimulation aux parents de la situation d’intersexuation afin — pour paraphraser l’un des documents mentionnés par la Cour dans le résumé de cette affaire — que les personnes intersexuées « soit élevée[s] réellement comme une fille [ou un garçon] sans aucune attitude d’intersexualité », ou encore leur silence sur les limites de bénéfices prétendus des actes de conformation sexuée. Compte tenu de ces pratiques générales, il paraît très difficile de considérer qu’un quelconque consentement éclairé puisse être dans ces conditions donnés par les parents d’une personne intersexuée. Pour parvenir à une telle conclusion, la Cour pourra s’appuyer notamment sur les constatations faites encore en 2018 par le Conseil d’État français, lequel relevait que « les soignants sont souvent dans l’incapacité de fournir aux parents d’un nourrisson présentant des variations du développement génital une information exhaustive sur l’utilité et les risques des actes médicaux envisagés »[41]. Ajoutons à cela que ce consentement est « recueilli » bien souvent auprès de parents en état de sidération, du fait du discours alarmant et terrifiant tenu sur leur enfant[42]. Quelle sorte de consentement peut-on recueillir lorsqu’on dit à une mère qui vient d’accoucher, après un travail épuisant, qui ne rêve que de serrer son enfant et de pouvoir le nommer, qu’en fait, compte tenu de « l’incertitude sexe », on ignore le sexe de l’enfant et qu’on jette ainsi un trouble profond sur le prénom même de l’enfant en limitant les possibilités d’attachement de sa mère à cet enfant ? Quelle sorte de consentement peut-on recueillir auprès d’une mère venant d’accoucher et à qui on prend presqu’aussitôt son enfant pour l’examiner sous toutes les coutures et pouvoir lever une prétendue incertitude de sexe ? Quelle sorte de consentement peut-on recueillir auprès de parents à qui on dit que le « sexe de leur enfant présente un problème », « qu’il n’est pas possible pour l’instant de savoir si ce sera une fille ou un garçon », mais qu’on ajoute ensuite : « rassurez-vous, nous avons la solution et bientôt vous pourrez nommer votre enfant conformément à son sexe que nous aurons déterminé » ?
13. Un parallèle doit ici être fait entre les conditions de recueil du consentement aux actes de conformation sexuée et celles dans les affaires V.C. c. Slovaquie et N.B. c. Slovaquie. Dans la première affaire, la Cour a jugé que le consentement à sa stérilisation, donné par une femme en plein travail d’accouchement, ne pouvait pas être pris en compte sauf à méconnaître le « principe de respect de la dignité et de la liberté » (§111 et 112). Pour la Cour en effet, il n’était pas établi, au regard des circonstances, « que la requérante était totalement informée de son état de santé, de l’intervention proposée et des autres solutions possibles ». Dans la seconde affaire, le consentement avait été donné alors qu’outre son travail d’accouchement, la patiente était sous l’empire de tranquillisant et que la stérilisation lui avait été faussement présentée comme seule à même de sauver sa vie (§76-77). De tels faits se retrouvent à propos de parents d’enfants intersexués, induits en erreur sur l’état de santé réel de leur enfant, contraints à décider rapidement au nom des délais de déclaration à l’état civil, tenus dans l’ignorance des modalités de l’intervention proposée, non pas unique mais multiple et étalée dans le temps, et tenus enfin dans l’ignorance d’autres solutions possibles, en particulier la non intervention jamais proposée.
14. En outre, au titre des garanties procédurales spéciales, rappelons que la Cour a indiqué naguère l’intérêt qu’il convenait, pour des actes particulièrement graves, de recueillir un consentement écrit (Bogumil c. Portugal, § 74 et Dvoracek c. République tchèque, § 104). De même, à propos de stérilisations réalisées sur des mineures, la Cour a suggéré qu’il faudrait un double consentement de la personne concernée et des titulaires de l’autorité parentale (I.G. et a. c. Slovaquie, §122 ou N.B. c. Slovaquie, §74). Ces deux garanties procédurales mériteraient d’être clairement affirmées par la Cour et appliquées en l’espèce, ce qui justifierait également de retenir l’existence de mauvais traitements. Resterait alors à préciser leur qualification exacte.
B. Observations sur la qualification de torture
15. Pour que des mauvais traitements relèvent de la torture, ils doivent non seulement présenter un niveau de gravité suffisant mais encore d’autres caractéristiques à préciser. Pour se convaincre de ce que le seuil de gravité est atteint s’agissant des actes de conformation sexuée, on peut se reporter aux nombreuses études médicales décrivant les conséquences dramatiques de ces actes[43] ou aux rapports d’organisations internationales[44] ou nationales — telle la Commission nationale consultative des droits de l’homme[45] — s’en faisant l’écho. Par ailleurs, votre Cour a égard habituellement à la durée du traitement, à ses effets physiques ou mentaux, et, parfois, au sexe et à l’âge de la victime (Irlande c. Royaume-Uni, §162). Eu égard au caractère répétitif des mauvais traitements subis, à leur étalement dans le temps, à la durée des opérations chirurgicales qui, prises isolément, s’étalent souvent plusieurs heures, à leurs conséquences à long terme sur les plans physique, psychique et social (syndrome de stress post-traumatique, handicap, addiction, prostitution, rupture familiale, etc), au jeune âge auquel ces actes sont réalisés et, enfin, au sexe (intersexué) des personnes affectées, l’on peut conclure également que le seuil de gravité est atteint. S’agit-il pour autant de torture ?
16. La notion de torture n’est pas définie précisément par la Convention et l’examen des travaux préparatoire ne révèle pas d’intention définitoire claire des rédacteurs. Trois approches nous semblent pouvoir être suivies pour décider du bien-fondé de la qualification de torture dans un cas donné : une approche historique, centrée sur les travaux préparatoires et le contexte de l’époque, une approche plus littérale, appuyée sur les précisions apportées ultérieurement à la notion de torture dans la jurisprudence de la Cour, et enfin une approche fonctionnelle, assise sur les fonctions que la Cour semble vouloir faire jouer à la qualification de torture.
17. Concernant tout d’abord l’approche historique, rappelons que la notion de torture a été évoquée lors des travaux préparatoires en lien avec les mutilations, y compris stérilisantes, et les expérimentations médicales réalisées pendant la deuxième guerre mondiale, notamment par les médecins nazis[46]. Il y a lieu de souligner que certaines de ces exactions médicales ont été commises sur des personnes handicapées, y compris intersexuées, afin d’« effacer » leur « imperfection »[47]. En l’espèce, les différents actes de mutilation et de stérilisation subis par les personnes intersexuées procèdent du même but, à savoir une volonté d’effacer la différence des corps, cela qui plus est dans le cadre de ce qui demeure une expérimentation, faute de preuve d’un quelconque bénéfice thérapeutique. La qualification de torture apparaît donc pertinente.
18. La même conclusion peut être tirée d’une approche plus littérale de la notion de torture. Même si, pour certains observateurs, votre Cour aurait un temps hésité quant au critère à retenir pour qualifier un acte de torture — un critère qualitatif dans l’affaire Grecque de 1969 (des actes guidés par une intention particulière) ou quantitatif dans l’arrêt Irlande c. Royaume-Uni de 1978 (des souffrances particulièrement graves) — votre jurisprudence est, depuis l’arrêt Selmouni c. France,bien fixée autour d’une combinaison de ces deux critères. La qualification de torture est ainsi retenue pour les mauvais traitements « délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances ». En l’espèce, il ne fait guère de doute que les professionnels de santé réalisant les actes de conformation sexuée ont agi en toute connaissance de cause, avec la conviction que les personnes intersexuées ne pourraient mener une existence qu’en ayant une apparence mâle ou femelle. De même, il ne fait guère de doute, au regard des témoignages de personnes intersexuées exposés dans la presse, les documentaires ou les rapports parlementaires[48], que ces actes satisfont le critère de gravité des actes de torture. Au surplus, on relèvera que, s’agissant des mutilations génitales féminines, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe les a expressément qualifiées de torture, en accord avec différentes institutions des Nations Unies[49]. Or, compte tenu de la très grande proximité entre les mutilations féminines et intersexuées et compte tenu de ce que les mutilations subies par les personnes intersexuées peuvent aller également jusqu’à la stérilisation, la qualification de torture s’impose a fortiori aux mutilations génitales intersexuées.
19. Enfin, une même conclusion peut être tirée d’une approche fonctionnelle de la notion de torture. À la lecture de la jurisprudence de la Cour, en particulier l’arrêt Selmouni précité, il apparaît que celle-ci comprend parfois cette notion comme ayant été consacrée « pour marquer d’une spéciale infamie des traitements inhumains délibérés provoquant de fort graves et cruelles souffrances ». D’où, nous semble-t-il, le souci de la Cour de ne retenir cette qualification que lorsqu’elle souhaite susciter une sorte d’« électrochoc » au sein de l’opinion publique européenne, afin de mettre un terme au plus vite aux exactions les plus graves commises au sein du Conseil de l’Europe. C’est ainsi que, dans l’affaire Selmouni ou dans l’affaire Dikme c. Turquie qui lui est contemporaine, la qualification de torture semble avoir été retenue avant tout pour stigmatiser les violences inacceptable de forces de l’ordre, censées pourtant incarner l’« exercice légitime de la violence. En l’espèce, même si un nombre croissant d’États s’engagent dans la voie de l’interdiction des mutilations génitales des enfants intersexués, force est de constater que les efforts déployés par le corps médical pour éviter toute évolution de ces pratiques ont porté leurs fruits à de nombreuses reprises, notamment en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis[50]. En France, alors que la révision des lois de bioéthique avait été espérée par nombre de personnes concernées comme un levier pour faire évoluer ces pratiques, il n’en a rien été. Malgré les rapports de nombreuses institutions publiques françaises documentant en amont du projet de loi bioéthique les violations des droits des personnes intersexuées[51], c’est finalement un texte légalisant les mutilations génitales intersexuées qui a été adopté. En effet, l’article 21bis du projet de loi adopté en 2e lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat vient légaliser les opérations mutilantes réalisées sur les enfants intersexués sans le consentement de ces derniers. Alors que le Conseil d’État — suivi de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision de la loi de bioéthique — avait conclu très nettement que ces opérations ne pouvaient être légales que si l’enfant y consentait personnellement, compte tenu de leur effet mutilant et irréversible[52], le Parlement a ignoré cet avis et légalisé ces pratiques. Par ailleurs, adopté en l’état, le projet de loi relatif à la bioéthique accroitrait la pression que les praticiens mettent sur les parents afin que soient réalisés les actes de conformation sexuée. En effet, le délai pour déclarer le sexe de l’enfant serait réduit. D’une durée d’« une à deux années » (circulaire du 28 oct. 2011 sur l’état civil, §55), il passerait à trois mois avec l’article 21 bis. De même, ce projet de loi ancrerait dans la loi le dispositif garantissant aux professionnels de santé une impunité de fait. En effet, la décision de suspension de l’inscription de la mention du sexe à l’état civil — laquelle ouvre la voie aux mauvais traitements de conformation sexuée — serait prise après avis du Procureur de la République, sur présentation d’un certificat médical indiquant très vraisemblablement les opérations projetées. Alors que ce dispositif n’était jusqu’à présent prévu que par une circulaire à la légalité douteuse — le Conseil d’État l’avait souligné dans l’étude précitée (p. 131) — le projet de loi viendrait légaliser la participation du procureur de la République au dispositif médico-légal de conformation du sexe de l’enfant et, ce faisant, viendrait renforcer le sentiment des praticiens que ceux-ci ne seront pas inquiétés pour les actes de conformation sexuée réalisés avec l’accord du procureur de la République et encouragés par la loi elle-même.
20. On le voit, le projet de loi de bioéthique témoigne d’une absence d’évolution significative de l’encadrement des pratiques médicales. Quant aux pratiques eux-mêmes, loin des allégations des professionnels de santé selon lesquelles ces mauvais traitements seraient moins fréquents ou auraient cessé[53], l’analyses des données de santé tirées du fichier de l’assurance maladie (le SNDS) révèle l’ampleur d’un phénomène (plus de 4500 opérations illégales par an) qui ne diminue pas, bien au contraire (plus de 10% d’actes en dix ans) [54]. Les discours des professionnels de santé non plus ne changent pas. En atteste leur plaidoyer régulier dans la presse[55]. Compte tenu de l’absence de toute évolution, il apparaît indispensable que la qualification de torture soit retenue. C’est là un enjeu symbolique, enjeu auquel il faut ajouter celui tenant au régime juridique de cette qualification.
II. Observations relatives au régime juridique de la torture
21. La qualification de torture, ou a minima celle de traitements inhumains et dégradants, emporte avec elle un certain nombre d’obligations. Cela comprend l’obligation de ne pas torturer et de prévenir toute torture (A), mais aussi l’obligation de réagir en cas de violation (B).
A. Observations sur l’obligation de ne pas recourir à la torture et de la prévenir
22. L’obligation de ne pas recourir à la torture découle directement de l’article 3. Quant à l’obligation de prévenir la torture, elle a été tirée de l’article 3 dans l’affaire A c. Royaume-Uni. La Cour y a affirmé (§22) que « combinée avec l’article 3, l’obligation que l’article 1 de la Convention impose aux Hautes Parties contractantes de garantir à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés consacrés par la Convention leur commande de prendre des mesures propres à empêcher que lesdites personnes ne soient soumises à des tortures ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, même administrés par des particuliers. Les enfants et autres personnes vulnérables, en particulier, ont droit à la protection de l’État, sous la forme d’une prévention efficace, les mettant à l’abri de formes aussi graves d’atteinte à l’intégrité de la personne ».
23. En l’espèce, force est de constater que l’État français, par l’intermédiaire des praticiens hospitaliers, a réalisé depuis les années 1960 de nombreuses opérations mutilantes sur les enfants intersexués, opérations remboursées par l’État, puis exemptées de TVA et enfin réalisées avec l’accord du procureur de la République nous l’avons vu. Un certain nombre de textes juridiques ont en outre été produits par l’État français pour faciliter, voire encourager la réalisation de ces mauvais traitements au lieu de les prévenir. Tel est en particulier le cas de l’instruction du 19 février 1970[56] modifiant l’instruction générale relative à l’état civil pour y introduire un § 228 b permettant, « avec l’accord du procureur de la République », « qu’aucune mention sur le sexe de l’enfant ne soit initialement inscrite dans l’acte de naissance, si cela peut permettre, « dans un délai d’un ou deux ans, à la suite de traitements appropriés », de « déterminer définitivement » le sexe de l’enfant. Par la suite, l’État a édicté d’autres règles permettant la rationalisation de cette entreprise d’effacement de l’intersexuation, qu’il s’agisse d’arrêtés du Ministre de la santé créant des centres spécialisés dans les actes de conformations sexuée[57], de décret optimisant le remboursement des actes dits de « correction des ambiguïtés sexuelles »[58] ou encore de référentiels de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé promouvant ces actes illicites[59].
24. De la lecture de tous ces textes, il apparaît donc très nettement que l’État français ne s’est nullement acquitté à l’époque de son obligation de prévention de la torture vis-à-vis des enfants intersexués y compris la requérante. Certes, en théorie ces actes sont pénalement sanctionnés, en pratique, les nombreuses règles et pratiques qui les promeuvent garantissent une forme d’impunité aux professionnels de santé les réalisant. L’obligation de prévention ne saurait dès lors être considérée comme satisfaite par la seule présence d’une législation pénale dépourvue d’efficacité.
B. Observations sur l’obligation de réagir à la torture
25. Lorsque des faits de torture sont allégués par une personne, la Cour exige, depuis son arrêt Assenov c. Bulgarie (§102), que les États enquêtent officiellement et effectivement sur ces allégations. Si les faits se trouvent confirmés, alors la personne requérante doit, selon la Cour (v. Gafgen c Allemagne, § 118), avoir la possibilité « de solliciter et d’obtenir une réparation pour le préjudice que le mauvais traitement lui a causé » et, lorsque les mauvais traitements sont délibérés, il doit également être possible d’obtenir la condamnation pénale des auteurs (idem, § 119), via l’utilisation de dispositions pénales efficaces (Söderman c. Suède, §82).
26. Qu’il s’agisse des mutilations subies par la personne requérante ou plus généralement des mutilations subies par les personnes intersexuées, aucune autorité française n’a, de sa propre initiative, ouvert d’enquête sur ces pratiques, pourtant publiquement dénoncées en France au moins depuis la diffusion d’un reportage sur Arte en 2002[60]. Dans la présente affaire, le refus de donner suite à la plainte de la personne requérante a été justifié par la prescription et, compte tenu de ce refus, l’action civile introduite par la personne requérante devant le juge pénal n’a jamais été examinée. Plusieurs raisons amènent toutefois à penser que l’argument de la prescription ne saurait constituer un motif pertinent pour faire barrage aux obligations positives dégagées par la Cour.
27. Si la Cour n’a pas encore eu l’occasion d’affirmer que la prescription ne saurait faire obstacle au droit à une enquête, elle a néanmoins exprimé à plusieurs reprises sa réticence face à un tel argument. Ainsi, dans au moins deux affaires où la prescription avait été opposée à des victimes de traitements inhumains et dégradants — S.Z. c. Bulgarie et Valiuliene c. Lituanie —, la Cour a conclu à la violation de l’obligation positive des États de garantir une enquête, dès lors, notamment, que l’acquisition de cette prescription était liée dans ces espèces au comportement des autorités judiciaires dont la Cour a estimé qu’elles avaient manqué à leur obligation de moyen. La Cour a également déclaré, dans l’affaire Valiuliene c Lituanie, que « le but d’une protection efficace contre les mauvais traitements ne saurait être tenu pour atteint lorsqu’une procédure pénale a été close au motif que les poursuites étaient prescrites » (§ 85). Dans ces conditions, l’on peut sérieusement s’interroger sur la pertinence de l’argument exposé par les autorités françaises, surtout lorsque celles-ci ont contribué à encourager ces pratiques mutilantes et qu’elles ont refusé d’enquêter spontanément dessus lors de leur dénonciation à la télévision en 2002.
28. Par ailleurs, le Comité contre la torture de l’ONU a exprimé de très fortes réserves sur la possibilité pour les États d’invoquer les règles de prescription pour justifier l’absence de réparation des actes de torture. Ainsi, en 2012, dans ses Observations générales no 3, le comité a indiqué que « [c]ompte tenu du caractère continu des effets de la torture, il ne devrait pas y avoir de prescription » et d’ajouter que « [l]es États parties doivent veiller à ce que toutes les victimes de torture ou de mauvais traitement, indépendamment de la date à laquelle la violation a été commise […], soient en mesure de faire valoir leurs droits à un recours et d’obtenir réparation » (§40). Dans l’affaire Mocanu et autres c. Roumanie intervenue deux ans plus tard, votre Cour a fait sienne ces propos du Comité contre la torture. Elle a ainsi reconnu que « les conséquences psychologiques des mauvais traitements infligés par des agents de l’État peuvent […] nuire à la capacité des victimes à se plaindre des traitements subis et, ainsi, constituer un obstacle majeur à l’exercice du droit à réparation des victimes de torture et autres mauvais traitements » (§274). Cela l’a alors conduit à assouplir les règles de délai de manière à garantir un droit à un recours effectif devant la Cour.
29. Enfin, relevons que cette obligation d’adapter les règles de prescription est une obligation générale retenue pour d’autres articles de la Convention. Ainsi, à propos de l’article 6 et du droit d’accès à un tribunal, la Cour a imposé aux États une obligation d’adapter les règles de prescription si l’application de ces règles aboutissait à priver les victimes d’atteinte à l’intégrité physique de leur « droit d’agir en justice lorsqu’elles sont effectivement en mesure d’évaluer le préjudice subi » (Eşim c/ Turquie, §25 ; Howald Moore et a. c. Suisse, § 78). De même, à propos de l’article 8, la Cour a imposé aux États membres d’adapter les règles de prescription à propos de l’établissement ou de la contestation du lien de filiation (Phinikaridou c. Chypre, §51-52). On le voit, existe bien dans votre jurisprudence une obligation positive pour les États membres d’adapter les délais de prescription afin de garantir un exercice effectif des droits garantis par la Convention, y compris, comme en l’espèce, s’agissant de délais conditionnant l’ouverture d’enquêtes pénales.
30. Tel n’a cependant pas été l’analyse de la Cour de cassation dans l’affaire examinée, puisque cette juridiction, comme les juges du fond avant elle, n’a réalisé aucun effort d’adaptation des règles de prescription de l’action publique. Refusant de procéder à un examen in concreto de ces règles, les juridictions internes ont appliqué mécaniquement les dispositions sur le délai de prescription et ont par ailleurs rejeté le motif de suspension allégué, à savoir l’existence d’un obstacle insurmontable aux poursuites. Pour les juridictions, l’impossibilité pour la personne requérante de comprendre ce qu’elle avait subi, à raison du « poids de la pensée dominante sur la binarité des sexes », serait trop subjectif et ne permettrait pas de caractériser un obstacle insurmontable, quand bien même cette pensée binaire aurait été entretenue par l’ensemble des discours ayant été tenus à la personne par les praticiens et ses parents.
31. Indépendamment du peu de pertinence de l’argument tiré de la subjectivité — car les propos des praticiens nourrissant la croyance en son état pathologique et en la binarité sont tout à fait objectifs et ressortent du résumé même des faits indiqués par la Cour — relevons que l’argument de la cohérence, avancé par les juges pour refuser tout élément subjectif, apparaît peu convaincant. En effet, dans certaines affaires — mais il s’agissait certes alors de permettre des poursuites contre des femmes et non de protéger des femmes ou des personnes intersexuées, où l’on retrouve le problème de la discrimination évoquée plus haut — la Cour a pu accepter de tenir compte d’éléments subjectifs pour suspendre la prescription. Ainsi, dans un arrêt du 25 avril 2017 (no 17-80.879), la Cour de cassation a accepté de qualifier d’obstacle insurmontable l’impossibilité qu’avait eu un témoin de porter plainte à temps, en raison de sa « personnalité perturbée par les sévices sexuels répétés qu’elle-même avait subis de la part de son frère lorsqu’elle était enfant ». Dans la présente affaire, alors même que la personne requérante avait subi de tels sévices sexuels via la pratique du « bougirage » et que son handicap psychique était dûment attesté, la Cour de cassation a refusé de faire bénéficier la personne requérante de ce dispositif jurisprudentiel d’aménagement des règles de prescription, alors pourtant que celui-ci existait et aurait permis à la France de s’acquitter de ses obligations positives de réagir aux allégations de torture.
32. Le raisonnement déployé dans la présente affaire par la Cour de cassation affectant durablement la possibilité des personnes intersexuées de bénéficier d’un dispositif pénal efficace — dispositif que la Convention impose pourtant aux États de développer pour les violations les plus graves du droit à l’intégrité des enfants particulièrement vulnérables (Söderman c. Suède, §81) — il conviendrait que ce raisonnement soit condamné par la Cour sur le terrain du droit à l’enquête. D’autant que, en refusant aux personnes intersexuées la possibilité de se plaindre des crimes subis ou encore en n’enquêtant pas avec diligence, comme c’est le cas dans une autre affaire toujours à l’instruction semble-t-il[61], les juridictions françaises paraissent disposées, pour paraphraser la Cour dans l’affaire Giuliani et Gaggio c. Italie (§ 306), à laisser impunies des atteintes à l’intégrité physique et morale des personnes intersexuées. Tout ceci devrait donc conduire votre Cour à conclure que la France a violé ses obligations de réagir à la torture commise par ses agents publics.
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33. En guise de conclusion, les tierces intervenantes entendent indiquer à la Cour que la décision qu’elle pourra rendre dans cette affaire n’aura pas seulement des conséquences sur les centaines de milliers de personnes intersexuées probablement mutilées en Europe ces cinquante dernières années. En reconnaissant la qualification d’actes de torture pour ces traitements médicaux, la Cour garantira également un niveau élevé de protection à d’autres minorités corporelles qui font actuellement l’objets de traitements de normalisation non consentis motivés par leur handicap. Cette décision encouragera donc les États à réexaminer attentivement leurs pratiques médicales vis-à-vis des minorités corporelles, exposées à ce risque de discrimination spécifique qu’est la normalisation de leur corps atypique.
34. Par ailleurs, au-delà du champ des minorités corporelles, cette décision pourrait — concernant non plus la qualification de torture mais son régime juridique — avoir un effet positif sur les millions de femmes et d’enfants victimes de violences sexuelles. En effet, trop de pays opposent aujourd’hui à ces victimes la prescription, malgré les phénomènes d’emprise et d’amnésie qui les empêchent de porter plainte. Or, ce faisant, les règles de prescription contribuent à générer l’impunité et la récidive des auteurs. En affirmant clairement que le droit à une enquête ne peut pas limité par la prescription, la Cour poserait sa pierre à l’édifice d’une société débarrassée de cet autre fléau que sont les violences sexuelles.
[1] Rappr. Conseil d’État, Lois de bioéthique : quelles options pour demain, Rapport au Premier ministre, 11 juill. 2018, p. 134 parlant toutefois de « conformation sexuelle », plutôt que sexuée.
[2] V. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, F. Hoefer (trad.), Paris : Charpentier, 1846, t. 4,p. 379-383 et sur une analyse de ce récit de Diodore de Sicile, v. L. Pfuntner, « Between Science and Superstitution, Photius, Diodorus Siculus, and « Hermaphrodites » », Dumbarton Oaks Papers , 2020, Vol. 74, p. 269-284.
[3] A. Leca, L’ordre sanitaire national-socialiste. Rémanence, résiliences et récurrences au XXIe siècle. Manuel anti-nazi, 2016.
[4] V. not. sa thèse Hermaphrodism, An Enquiry into the Nature of a Human Paradox, Harvard University, 1952.
[5] Sur les réserves quant au caractère éclairé du consentement parental, v. not. Conseil d’État, préc., p. 141.
[6] La tentative de légalisation en droit est la loi relative à la bioéthique (sic) du 2 août 2021, sur laquelle « Loi de bioéthique et intersexuation Commentaire d’un article précaire », RDSS, 2021/5, p. 827-835 et M.-X. Catto, « La loi de bioéthique et les intersexes », JDSAM, 2020/1, p. 64-76.
[7] M.-X. Catto, « La mention du sexe à l’état civil », in Hennette Vauchez (S.), Pichard (M.) et Roman (D.), La loi et le genre, CNRS, p. 29-47, soulignant l’importance de l’instruction du 19 févr. 1970 modifiant l’instruction générale relative à l’état civil pour y ajouter un §228 b. intitulé« Enfants de sexe indéterminé » (JORF 23 avr. 1970, p. 2366).
[8] B. Moron-Puech, Les intersexuels et le droit, D. Fenouillet (dir.), mémoire de Master 2 de Droit privé général, Université Panthéon-Assas, 2010 ; Conseil d’État, préc., p. 130-131.
[9] Sur cette entreprise de détermination du vrai sexe v. la préface de Michel Foucault et la postface d’Éric Fassin aux mémoire d’Herculine Barbin : Herculine Barbin dite Alexina B.,Paris : Gallimard, 2021.
[10] « Les droits des personnes intersexuées à la traîne » Hommes & Libertés, no 181, mars 2018, p. 14-16.
[11] M. Raz, « Médecins israéliens face au diagnostic prénatal des fœtus intersexués », Sciences sociales et santé, 2015/1, vol. 33, p. 5-34.
[12] V. Guillot, « Émergence et activités de l’organisation internationale des intersexué·e·s », NQF, 2008/1, vol. 27, p. 144-150 et L. Gosselin, « Internet et l’émergence du mouvement intersexe : une expérience singulière, celle de l’OII, Organisation internationale des intersexué·e·s », in J. Levy et al. (dir.), Minorités sexuelles, internet et santé, Québec : PUQ, p. 199-209.
[13] Cour constitutionnelle, 12 mai 1999, no SU-337/99, décision nourrie par les travaux de recherche et l’action d’activistes provenant des États-Unis.
[14] Il faut ici mentionner le rôle de l’ONG STOP IGM, laquelle a également produit des observations dans l’affaire M c. France (https://stopigm.org/wp-content/uploads/ECHR-42821_18-M-v-France-Written-Comments-StopIGM.pdf) et qui ont obtenu à ce jour par leur ténacité cinquante conclusions de comités onusiens statuant sur la thématique des mutilations génitales sur les personnes intersexuées (https://stopigm.org/IAD-2016-Soon-20-UN-Reprimands-for-Intersex-Genital-Mutilations/).
[15] Océan, « Intersexuation : histoire de la violence », En infiltré·e·s, Saison 2, épisode 5, France3 TV, 2021. Adde A. Lorriaux, « L’histoire de M., première personne intersexe au monde à porter plainte pour mutilations », Slate, 10 avr. 2019.
[16] Comité des droits de l’enfant, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France, CRC/C/FRA/CO/5, 23 févr. 2016, § 47 ; Comité contre la torture, Observations finales concernant le septième rapport périodique de la France, CAT/C/FRA/CO/7, 10 juin 2016, § 34 ; Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, Observations finales concernant les septième et huitième rapports périodiques de la France, CEDAW/C/FRA/CO/7-8, 22 juillet 2016, § 17, (f).
[17] Union nationale des caisses d’assurance maladie, « Décision du 11 mars 2005 relative à la liste des actes et prestations pris en charge ou remboursés par l’assurance maladie », JORF no 74, 30 mars 2005, p. 5309.
[18] « Arrêté du 12 juillet 2006 portant labellisation de centres de référence pour une maladie rare ou un groupe de maladies rares », JORF, no178, 3 août 2005,NOR : SANH0622910A ; « arrêté du 9 mai 2017 portant labellisation de centres de références pour une maladie rare ou un groupe de maladies rares », BO Santé, 15 mai 2017, NOR : AFSH1730222A, p. 24 ; « Arrêté du 25 novembre 2017 portant labellisation des réseaux des centres de référence prenant en charge les maladies rares », BO Santé, 2017/11, 15 déc. 2017, NOR : SSAH1730847A, p. 1.
[19] Loi relative à la bioéthique préc., art. 30, rendant obligatoire la prise en charge dans les centres de référence.
[20] Les chiffres proviennent d’une extraction du système national des données de santé (SNDS).
[21] V. le témoignage qu’en donne la personne requérante dans les sources citées supra note 15.
[22] Code JLAD001 (Séance de dilatation vaginale par bougies) dans la Classification commune des actes médicaux.
[23] Cass., crim., 6 mars 2018, no 17.81-777.
[24] « Rejet de l’action d’une personne intersexuée pour violences mutilantes. Une nouvelle « mutilation juridique » par la Cour de cassation ? », Revue des juristes de sciences po, n° 15, juin 2018, p. 71-104.
[25] Aucune décision nationale ou internationale n’a à ce jour statué sur ce point. Les contentieux ont porté à ce jour sur le consentement. En Colombie, dans l’affaire précitée, il s’agissait de savoir si les parents pouvaient donner leur consentement et être remboursés pour de tels actes. En Allemagne une procédure a été engagée au civil contre un professionnel de santé ayant opéré une personne intersexuée sans lui permettre d’exprimer un consentement éclairé à l’opération (OLG Cologne, 3 sept. 2008, no 5 U 51/18 ; LG Nuremberg-Fürth, 17 déc. 2015, no 4 O 7000/11). Une procédure a été également initié aux États-Unis, mais elle s’est soldée par une transaction.
[26] E. Parens (dir.), Surgically Shaping Children: Technology, Ethics, and the Pursuit of Normality, Baltimore : John Hopkins University Press, 2006.
[27] V. par exemple les difficultés des minorités sourdes à obtenir l’interdiction de chirurgie cochléaire visant à l’implantation d’appareils auditifs. V. notamment « Surdités : entre handicap et minorité culturelle », Empan, 2011/3, no 83 ou « Surdité : entre handicap et culture », Grief, no 3, 2016/1.
[28] V. not. « La prescription, un obstacle inconventionnel aux droits des victimes amnésiques de violences sexuelles », Rev. des droits de l’homme, vol. 18 ; E. Gallardo, « Regards critiques sur la prescription des infractions sexuelles sur mineurs : l’amnésie traumatique en question », Le droit face aux violences sexuelles et/ou sexistes, C. Duparc et J. Charruau, Dalloz, Thèmes & commentaires, 2021, p. 257-276.
[29] V. en ce sens l’article que lui a consacrée Slate où la personne requérante est désignée par le pronom personnel iel : A. Lorriaux, « L’histoire de M., première personne intersexe au monde à porter plainte pour mutilations », Slate, 10 avr. 2019.
[30] Rappr. Principes de Yogyakarta +10, préambule ; Parlement européen, Résolution sur les droits des personnes intersexuées, 14 févr. 2019, no 2018/2878(RSP), § 10.
[31] B. Moron-Puech, « Mutilations génitales intersexuées – Notes d’une audience historique à la Cour de cassation », Intersexes et autres thèmes juridiques,https://sexandlaw.hypotheses.org/397 : « J’attire votre attention sur le fait que vous devrez aussi vous prononcez à l’aune des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la possibilité pour la requérant d’avoir accès au juge, ainsi qu’à l’aune de l’article 3 de cette Convention relatif aux traitements inhumains et dégradants ».
[32] Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 2018, p. 133 et s.
[33] B. Moron-Puech, « Aspects juridiques et éthiques des actes médicaux de conformation sexuée réalisés sur des personnes mineures », Revue de droit de la santé, Hors-série, no 50, 2013, pp. 200-214, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01251054/document ; « Le droit de personnes intersexuées. Chantiers à venir. », La Revue des droits de l’homme, 2017, https://journals.openedition.org/revdh/2815 ; C. Cousin, Vers une redéfinition de l’acte médical, Thèse pour le doctorat en droit, dir. B. Feuillet-Liger, Univ. Rennes1/EHESP, 2016.
[34] Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes, rés. no 2191, 12 oct. 2017, § 1 et 2 ; Parlement européen, rés. préc., §7-8.
[35] ONU, HCDH, Intersexe, 2015, https://unfe.org/system/unfe-67-UNFE_Intersex_Final_FRENCH.pdf.
[36] G. Canguilhem, Le normal et le pathologique, PUF, 4e éd., 1979.
[37] Il est ainsi parfois soutenu que ces personnes seraient atteintes d’un mal être psychique du fait que leur existence se déploierait dans une société binaire qui leur serait intolérante. Un tel argument n’est guère recevable et fait peu de cas des possibilités pour la personne de se construire un cadre de vie et un réseau humain tolérant à son égard. Il fait peu de cas aussi des possibilités d’évolution de cette société dans sa globalité.
[38] OMS, Eliminating forced, coercive and otherwise involuntary sterilization. An interagency statement, 2014, https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/201405_sterilization_en.pdf.
[39] Sont parfois avancés d’autres buts sociaux tels la « nécessité » d’uriner debout pour les mâles ou d’avoir des rapports sexuels hétérosexuels (P.E. Mouriquand et al., « Surgery in disorders of sex development (DSD) with a gender issue: If (why), when, and how? », Journal of ped. urology, vol. 12, Issue 3, juin 2016, pp. 139-149). Mais nulle nécessité ici ; il n’y a là que manifestations de l’intolérance vis-à-vis des corps intersexués.
[40] S.E. Sytsma, Ethics and Intersex, Springer, 2006. Adde la déclaration commune de trois anciens chirurgiens en chef des États-Unis : J. Elders, D. Stacher et R. Carmona, Re-Thinking Genital Surgeries on Intersex Infants, Palm Center, https://www.palmcenter.org/wp-content/uploads/2017/06/Re-Thinking-Genital-Surgeries-1.pdf.
[41] Conseil d’État, préc., p. 141.
[42] A.-M. Rajon, « La naissance de l’identité dans le cas des ambiguïtés sexuelles », Psychiatrie de l’enfant, XLI, 1, 1998, pp. 5-35.
[43] S. Creighton et al., « Objective cosmetic and anatomical outcomes at adolescence of feminising surgery for ambiguous genitalia done in childhood » Lancet 358, 14 juill. 2001, p. 124-125 ; U. Kuhnle et al., « The quality of life in adults female patients with congenital adrenal hyperplasia: a comprehensive study of the impact of genital malformations and chronic diesease on female patients life », European journal of pediatrics, no154, 1995, p. 708.
[44] Not. le rapport adjoint à la résolution 2191 précitée de l’APCE : https://pace.coe.int/fr/files/24027/html, §25 ou encore les conclusions périodiques produites par différents comités des Nations-Unies, y compris contre la France : CRC/C/FRA/CO/5, § 47-48 ; CAT/C/FRA/CO/7, §34-35 ; CEDAW/C/FRA/CO/7-8, §18-19.
[45] CNCDH, Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux, avis, 22 mai 2018, p. 17, 32 et 33.
[46] Commission européenne des droits de l’homme, Secrétariat de la Commission, Travaux préparatoires de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, no DH (56) 5, https://www.echr.coe.int/LibraryDocs/Travaux/ECHRTravaux-ART3-DH(56)5-FR1674938.pdf.
[47] Pour les stérilisations cf. G. Bock, Zwangssterilisation im Nationalsozialismus: Studien zur Rassenpolitik und Frauenpolitik, Westdeutscher Verlag, 1986. Pour l’expérimentation et l’extermination via le programme « Aktion T4 », cf. R. J. Lifton, The Nazi Doctors: Medical Killing and the Psychology of Genocide, spé. p. 360.
[48] A. Lorriaux, préc. ; Régine Abadia, Entre deux sexes, Arte, 2019, https://www.arte.tv/fr/videos/069070-000-A/entre-deux-sexes/ ; Sénat, Variations du développement sexuel : lever un tabou, lutter contre la stigmatisation et les exclusions, févr. 2017, https://www.senat.fr/rap/r16-441/r16-4411.pdf, spé. p. 151 et s.
[49] Mutilations sexuelles féminines, Résolution 1247 (2001), 22 mai 2001.
[50] Cf. Alter Corpus, Mémoire en duplique dans le recours n° 420542,https://f-origin.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/3033/files/2021/02/Recours-interdiction-MGI.pdf, p. 18-19.
[51] Outre les rapports précités du Conseil d’État, de la CNCDH et du Sénat, v. le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision de la loi relative à la bioéthique, janv. 2019, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/bioethique/l15b1572_rapport-information.pdf, spé. p. 117 et s., soulignant l’illicéité des actes de conformation sexuée.
[52] Conseil d’État, préc., p. 139-140 ; Mission d’information, cité à la note précédente.
[53] Cf. les propos de P. Mouriquand retranscrits dans le rapport précité du Sénat, p. 174 et s.
[54] V. les données du fichier SNIIRAM présentées aux sénateurs lors de l’examen du projet de loi de bioéthique : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/3033/files/2020/01/2019-12-16-Mise-en-forme-notes-audition-au-Se%CC%81nat.pdf, spé. p. 9.
[55] « La tribune de 100 médecins contre un article de la loi Séparatisme « qui risque de menacer les enfants présentant une anomalie de différenciation génitale » » Marianne, 8 févr. 2021, https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/la-tribune-de-100-medecins-contre-un-article-de-la-loi-separatisme-qui-risque-de-menacer-les-enfants-presentant-une-anomalie-de-differenciation-genitale ; « L’absence systématique d’intervention chirurgicale précoce aurait de graves conséquences », Le Monde, 5 juill. 2019, p. 24.
[56] JORF, 23 avr. 1970, p. 3866.
[57] Arrêté du 12 juil. 2006 portant labellisation de centres de référence pour une maladie rare ou un groupe de maladies rares, NOR : NOR: SANH0622910A ; arrêté du 9 mai 2017 portant labellisation de centres de références pour une maladie rare ou un groupe de maladies rares, NOR : AFSH1730222A, BO Santé, 15 mai 2017, p. 24.
[58] Décision du 11 mars 2005 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge ou remboursés par l’assurance maladie, NOR : SANU0521001S.
[59] V. not. les protocoles nationaux de diagnostic et de soin disponibles sur le site internet de la HAS à propos notamment des insensibilités aux androgènes (janv. 2018) ou de l’hyperplasie congénitale des surrénales (avr. 2011).
[60] Jürgen Claudia Clüsserath, La réponse médicale aux cas d’intersexués, Arte, 2002. Une retranscription de ce documentaire peut être lue sur http://caphi.over-blog.fr/article-36055806.html.
[61] V. Vantighem, « Une personne intersexe dépose plainte contre les médecins qui l’ont opérée pour « devenir » homme », 20 minutes, 26 nov. 2017, https://www.20minutes.fr/societe/2172971-20171126-personne-intersexe-depose-plainte-contre-medecins-operee-devenir-homme.