L’effet direct de la Charte sociale européenne devant le juge administratif – Retour sur la question évolutive de l’effet direct des sources internationales
Depuis l’arrêt Fischer rendu le 10 février 2014, le juge administratif admet de manière inédite l’effet direct de certaines dispositions de la Charte sociale européenne. Ce revirement de jurisprudence est sans aucun doute le fruit de la jurisprudence Gisti et Fapil de 2012 par laquelle le Conseil d’État est venu préciser et assouplir les critères de l’effet direct des traités internationaux. Pourtant, il n’est pas certain que ces critères fassent l’objet d’une application claire et objective, ce qu’illustre la jurisprudence relative à la Charte sociale européenne. La question se repose ainsi de la pertinence de ces critères et du maintien de la condition d’effet direct en général.
Carole Nivard est maître de Conférences en droit public à l’Université de Rouen
La Charte sociale européenne est un traité de consécration de droits de l’homme adopté dans le cadre du Conseil de l’Europe le 18 octobre 1961 à Turin. Elle constitue le pendant de la Convention européenne des droits de l’homme en matière de droits économiques et sociaux. A l’heure actuelle, elle engage la majeure partie des États membres du Conseil de l’Europe 1, notamment la France, qui a ratifié sa version complétée et modernisée, c’est-à-dire la Charte sociale révisée du 3 mai 1996.
Longtemps méconnue, la Charte suscite ces dernières années un regain d’intérêt pour deux raisons principales. D’une part, son mécanisme international de garantie a été renforcé notamment par la création d’une nouvelle procédure de réclamations collectives de nature « quasi-juridictionnelle ». Par cette voie, des syndicats et des organisations non gouvernementales peuvent saisir le Comité européen des droits sociaux d’une plainte à l’encontre d’un État membre en raison d’une situation ou d’un état du droit qui ne serait pas conforme à la Charte. D’autre part, dans ce contexte de crise économique, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a adopté des décisions retentissantes en faveur des droits sociaux, décisions qui ont été d’autant plus relayées qu’elles semblaient trancher radicalement avec la politique menée au sein de l’Union européenne 2 .
Malgré ce récent et relatif succès, la Charte sociale continue de souffrir de l’absence d’un mécanisme international de contrôle qui soit formellement juridictionnel, handicap qu’elle partage avec les traités de consécration des droits sociaux d’une façon générale. Ce handicap se double en outre d’un second -au niveau national cette fois – du fait du refus persistant des juges internes de connaître de la Charte. Cette injusticiabilité de la Charte sociale européenne nuit indubitablement à son effectivité.
Un tel constat s’applique à l’ordre juridique français. Les juges ont en effet systématiquement rejeté les moyens fondés sur la Charte faute pour ses stipulations d’être d’effet direct, c’est-à-dire de créer des droits ou obligations dans le chef des particuliers dont ils puissent se prévaloir en justice. Cet état de fait a perduré alors même que la protection des droits sociaux est allée grandissante au niveau international et que les arguments militant pour une meilleure garantie au niveau interne se sont multipliés. En 2012, nous avions ainsi critiqué un tel statu quo de la position des juridictions suprêmes françaises, et ce, malgré l’existence de quelques décisions qui semblaient admettre, sans le dire, de connaître du moyen d’inconventionnalité sur le fondement d’une disposition de la Charte (« L’effet direct de la Charte sociale européenne devant les juridictions suprêmes françaises », RDLF 2012, chron. n°28).
A cet égard, l’arrêt d’Assemblée du Conseil d’État, Gisti et Fapil, rendu le 11 avril 2012, avait pu laisser présager une possible évolution. Rappelons que, par cet arrêt, le Conseil d’État clarifie pour la première fois sa jurisprudence en matière d’effet direct des traités et accords internationaux. Reprenant les critères classiques de l’effet direct (subjectif et objectif), il considère qu’une stipulation d’un traité ou accord international a un tel effet dès lors qu’« elle n’a pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et ne requiert l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers ». Son aspect le plus novateur réside toutefois dans les spécifications relatives à la manière d’apprécier ces critères. L’arrêt ajoute en effet qu’une telle appréciation doit être faite « eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes » et que « l’absence de tels effets ne saurait être déduite de la seule circonstance que la stipulation désigne les États parties comme sujets de l’obligation qu’elle définit ». De telles précisions ont été largement analysées comme un assouplissement de la jurisprudence administrative. En effet, le juge administratif semble ainsi vouloir dépasser l’argument rédactionnel qui a souvent pu prévaloir pour justifier le refus de toute invocabilité de certains traités, notamment de la Charte sociale européenne (Cf. Conseil d’État, Droit international et Droit français, Étude du Conseil d’État, La Documentation française, N. E. D., n° 4803, 1986, pp. 49-50). A l’aune de cette nouvelle grille de lecture, le juge administratif avait l’opportunité d’accepter de connaître d’un plus grand nombre de traités qui se voyaient refuser tout effet direct jusque-là. Pourtant, une telle répercussion ne s’est pas faite sentir immédiatement que ce soit pour la Charte sociale (C. Nivard, op. cit., RDLF 2012, chron. n° 28) mais également s’agissant des autres traités internationaux de manière générale (D. BURRIEZ, « Retour sur les critères de l’effet direct depuis l’arrêt GISTI du Conseil d’État du 11 avril 2012 », RFDA 2015, pp. 1031- 1040).
En définitive, il ne s’agissait que d’une question de temps puisqu’un revirement de jurisprudence a bien eu lieu par un arrêt Fischer rendu par le Conseil d’État le 10 février 2014 (req. 358992). Dans cette décision, la Haute juridiction reconnaît, pour la première fois, l’effet direct d’une disposition de la Charte sociale révisée, plus précisément, de son article 24 garantissant le droit à la protection en cas de licenciement. L’arrêt Fischer marque donc une évolution claire de la position du juge administratif qui s’est poursuivie par la suite. Un tel mouvement ne concerne cependant pas encore l’ordre judiciaire puisque la posture des juges suprêmes à cet égard est demeurée identique 3.
Il est alors tentant de réfléchir sur les raisons de cette évolution, ses termes et son avenir, ce qui autorise un retour sur cette question de l’effet direct de la Charte. Au-delà, une telle jurisprudence constitue une illustration de la mise en œuvre des critères de l’arrêt Gisti et Fapil, il apparaît donc pertinent d’étudier plus largement comment les décisions relatives à la Charte sociale, rendues par la Haute juridiction mais également par les juridictions d’appel, renseignent sur la manière dont ces critères sont appréciés. Par ces décisions, le juge administratif admet de façon inédite que des dispositions de la Charte sociale puissent être d’effet direct (I). Cette évolution est certainement le fruit de l’application de la jurisprudence Gisti et Fapil. Pourtant, l’analyse de ces arrêts traduit une application plutôt douteuse des critères de l’effet direct qu’elle définit (II). Certes, les jurisprudences du Conseil d’État et des juridictions d’appel ne semblent pas encore stabilisées, certains enseignements peuvent toutefois être tirés quant aux perspectives ouvertes par cette jurisprudence qui se révèlent, à notre sens, très insuffisantes (III).
I. L’admission inédite de l’effet direct de la Charte sociale européenne
Par son arrêt Fischer, le juge administratif admet pour la première fois l’effet direct d’une disposition de la Charte sociale européenne. Il rompt ainsi avec son positionnement antérieur de rejet « en bloc » de l’effet direct de la Charte (A) et inaugure un mouvement de « dépeçage » de la Charte, c’est-à-dire d’une reconnaissance de cet effet disposition par disposition (B).
A. La fin du rejet « en bloc » de l’effet direct de la Charte sociale européenne
L’assouplissement des critères de l’effet direct par la jurisprudence Gisti et Fapil a certainement été à l’origine du revirement de jurisprudence (1) en ce qu’il a permis de se détacher d’une vision dépassée de la Charte sociale (2).
1. Un revirement inscrit dans le prolongement de la jurisprudence Gisti et Fapil
Dans l’arrêt Fisher, le Conseil d’État était saisi d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’une décision de la Commission paritaire nationale des chambres de métiers et de l’artisanat par laquelle cette dernière avait modifié le statut du personnel en autorisant notamment le licenciement d’un secrétaire général d’une chambre de métiers pour « perte de confiance mettant en cause le bon fonctionnement de l’établissement ». Un des moyens avancés était la violation de l’article 24 de la Charte sociale européenne. Si le juge administratif avait suivi sa jurisprudence constante depuis l’arrêt Melle Valton et Melle Crépeaux (CE, 20 avril 1984, n°37772 et 37774), il aurait dû rejeter le moyen en déniant toute invocabilité à la Charte. Pourtant, de manière tout à fait inédite, il décide que « ces stipulations, dont l’objet n’est pas de régir exclusivement les relations entre les États et qui ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers, peuvent être invoquées utilement » par le requérant.
En admettant l’effet direct d’une de ses dispositions, il rompt ainsi avec sa jurisprudence précédente de rejet d’un tel effet de la Charte sociale « en bloc ». Un tel revirement est la très probable résultante de l’application de la jurisprudence Gisti et Fapil 4. Pourtant, à la suite de l’arrêt d’Assemblée d’avril 2012 et jusqu’à l’arrêt Fischer, la nouvelle jurisprudence en matière d’effet direct des traités internationaux avaient semblé n’avoir aucun effet sur l’invocabilité de la Charte. Durant ce laps de temps, le Conseil d’État et les Cours administratives d’appel avaient ainsi explicitement dénié tout effet direct à divers articles de la Charte 5 ou soigneusement évité de se prononcer sur le sujet 6.
Malgré cette relative tardiveté, le revirement de jurisprudence s’inscrit bien dans le prolongement de l’arrêt Gisti et Fapil. De fait, les éléments retenus par le Conseil reprennent mot pour mot, les critères de l’effet direct définis par l’arrêt d’Assemblée. L’arrêt Fisher fait même figure d’« arrêt étendard » de la logique d’assouplissement des nouveaux critères de l’effet direct. En effet, la Charte sociale est à ce jour la seule norme internationale ayant fait l’objet d’un revirement de jurisprudence quant à son invocabilité directe, depuis le prononcé de l’arrêt Gisti et Fapil. L’arrêt illustre donc bien l’idée que le Conseil d’État procéderait à une relecture – à l’aune des nouveaux critères – de l’ensemble des traités dont l’effet direct était jusqu’alors refusé. Il confirme un assouplissement de ces critères que la majorité des auteurs avait constaté en prédisant une plus grande ouverture du prétoire aux normes internationales (voir entre autres M. Gautier, « L’effet direct des conventions internationales », RFDA 2012, pp. 560 et sq.), notamment des normes sociales (J. -F. Akandji-Kombé, « De l’invocabilité des sources européennes et internationales du droit social devant le juge interne », Dr. Soc. 2012, n° 11-12, pp. 1014-1026).
L’application de la jurisprudence administrative renouvelée en matière d’effet direct a donc entraîné un revirement de jurisprudence qui permet d’admettre désormais que certaines dispositions de la Charte sociale peuvent bénéficier d’un tel effet. A cet égard, une décision rendue peu après l’arrêt Fischer, par la Cour administrative d’appel de Nantes (27 mars 2014, n° 13NT00182), qui continue de dénier tout effet direct à la Charte prise dans son ensemble, doit être analysée comme une méconnaissance involontaire du revirement et non comme une opposition à celui-ci. Désormais, les termes de la Charte ne peuvent être interprétés comme excluant toute justiciabilité dans les ordres juridiques internes des États qui y sont parties, ce qui traduit l’abandon salutaire d’une vision surannée de ce traité.
2. L’abandon bienvenu d’une conception dépassée de la Charte sociale européenne
En admettant qu’une disposition de la Charte sociale puisse être d’effet direct, la Haute juridiction administrative s’affranchit de trois arguments qui ont pu justifier que l’invocabilité de la totalité des dispositions de la Charte soit refusée devant les juges français.
Le juge administratif délaisse tout d’abord le critère rédactionnel, comme il l’avait d’ailleurs annoncé dans son arrêt Gisti et Fapil. En effet, toutes les dispositions consacrant des droits au sein de la Charte emploient la formule « les Parties s’engagent à ». Or, l’argument d’une telle formulation avait pu être avancé par le passé pour fonder le refus de l’effet direct de la Charte sociale européenne (cf. Conseil d’État, Droit international et Droit français, Étude du Conseil d’État, précit.).
Par son arrêt Fischer, le Conseil d’État se détache ensuite de l’interprétation faite des termes de l’Annexe de la Charte selon laquelle elle traduirait une intention claire des Parties contractantes de refuser la possibilité d’un contrôle interne du respect de la Charte, et donc, un contrôle par les juges nationaux. En disposant que « la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l’application est soumise au seul contrôle visé par la Partie IV », c’est-à-dire au seul contrôle du Comité dans le cadre de la procédure sur rapports, elle exclurait a contrario tout contrôle au niveau interne. Une telle interprétation avait été émise par le Président Laroque, commentateur certes fort autorisé à l’époque puisqu’il avait présidé le Comité d’experts indépendants, devenu par la suite CEDS (cf. P. Laroque, « La Charte sociale européenne », Dr. soc., mars 1979, pp. 100-119, spéc. p. 108). Elle avait été d’ailleurs relayée par le rapporteur public Gaëlle Dumortier dans ses conclusions sur l’arrêt Gisti et Fapil (RFDA 2012, pp. 527 et sq). Pourtant, une telle acception des termes de la Charte ne correspondait plus à l’état du droit actuel (voir C. Nivard, op. cit., RDLF, chron. n° 28). On ne peut donc que se féliciter de son abandon.
Enfin, en acceptant que certaines dispositions de la Charte puissent avoir un effet direct, le Conseil d’Etat rejette l’idée d’une essence des droits sociaux qui les rendrait impropres à une garantie de type juridictionnel. Parce qu’il opère une distinction parmi les dispositions de la Charte, le juge administratif rejette indirectement l’idée d’une nature unique et spécifique des droits sociaux au sein des droits de l’homme. La conception des droits sociaux comme des droits incomplets et programmatiques, ne pouvant en conséquence être consacrés que sous la forme de principes ou d’objectifs que le législateur met en œuvre à sa guise, demeure pourtant tenace (on peut renvoyer par exemple aux débats qui ont eu lieu autour de la consécration des droits sociaux dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et qui ont conduit à leur consécration sous la forme de « principes » et non pas de « droits »). Le juge administratif se distancie d’une telle conception en acceptant de connaître de certaines stipulations de la Charte, ce qui annonce son « dépeçage ».
B. L’amorce du « dépeçage » de la Charte sociale européenne
Le terme de « dépeçage » en matière d’effet direct des traités est apparu en doctrine concernant la justiciabilité de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (Voir P. Lagarde, note sous Cass., 1re Civ., 10 mars 1993, Lejeune, Rev. crit. DIP 1993, p. 453). Il s’agit en fait d’une transposition d’une pratique classique en droit international privé des contrats, qui sert à désigner une appréciation disposition par disposition d’un texte et non pas comme un ensemble solidaire. En appliquant une telle technique à la Charte sociale européenne, le juge administratif ne fait que reprendre une pratique désormais établie (1) bien que partiellement satisfaisante (2).
1. L’application à la Charte sociale d’une pratique établie du juge administratif
Le revirement de jurisprudence opéré par l’arrêt Fischer annonçait un renouvellement de la question de l’invocabilité de la Charte sociale, appréciée dorénavant disposition par disposition. De fait, à la suite de cet arrêt qui a reconnu l’effet direct de l’article 24 de la Charte sociale révisée (Droit à la protection en cas de licenciement), un arrêt Syndicat national des collèges et des lycées du 23 juillet 2014, n° 358349 et autres, a admis de connaître du respect de son article 5 (Droit syndical). Cette dernière décision vient ainsi renforcer la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui admet l’invocabilité de l’article 5 7, même si elle ne lui reconnaît pas expressément d’effet direct.
En revanche, l’article 2§1 de la Charte (Droit à une durée raisonnable du travail) ne jouit pas d’un tel effet au sens du Conseil d’Etat (CE, 30 janvier 2015, Union syndicale Solidaires, n° 363520). Selon la Cour administrative d’appel de Paris, en sont également privés l’article 1er (Droit au travail) (CAA Paris, 20 juin 2016, n° 15PA01325, n° 15PA01326 ; n° 15PA01327) et l’article 16 (Droit de la famille à une protection sociale, juridique et économique) (CAA Paris, 2 février 2015, n° 14PA01938). Si l’on prête foi à la jurisprudence antérieure à l’arrêt Fischer, mais ultérieure à l’arrêt Gisti et Fapil, ne seraient pas non plus d’effet direct les articles 15 (Droit des personnes handicapées à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie en communauté) (CE, 4 juillet 2012, Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes (CFPSAA), n° 341533) et 23 (Droit des personnes âgées à une protection sociale) (CE, 7 novembre 2012, n° 350313). S’agissant d’arrêts rendus par des Cours administratives d’appel, les articles 13 (Droit à l’assistance sociale et médicale) 8, 16 et 30 (Droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale) 9 et potentiellement 14 (Droit au bénéfice des services sociaux), 16 et 17 (Droit des enfants et des adolescents à une protection sociale, juridique et économique) 10 de la Charte seraient encore dépourvus d’un tel effet.
Si cette jurisprudence naissante mérite d’être confirmée et stabilisée, elle n’en demeure pas moins une application à la Charte sociale d’une pratique bien établie du Conseil d’État. En effet, la pratique du « dépeçage » des traités internationaux par le juge administratif paraît débuter avec l’arrêt Melle Valton et Melle Crépeaux, précit, mais elle a trouvé un point d’orgue avec la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE). Il est bien connu que cette Convention a donné lieu à des interprétations subtiles, pour ne pas dire obscures, du Conseil d’État. distinguant article par article et au-delà, en leur sein, paragraphe par paragraphe (Pour un état des lieux, voir M. Gautier et F. Melleray, « Applicabilité des normes internationales », Juriscl . Adm., fasc. 20). De la même manière, le Conseil d’État. s’applique ces dernières années à distinguer les dispositions invocables des autres au sein de la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement du 25 juin 1998 au travers d’une jurisprudence tout aussi sophistiquée (Pour un état des lieux, J. Bétaille, « The direct effect of the Aarhus Convention as seen by the French ‘Conseil d’État.’ », Environmental Law Network International, 2009 (2), pp. 63-73). Le juge administratif a d’ailleurs converti le juge judiciaire qui examine désormais la CIDE disposition par disposition (pour ce qui concerne la CIDE, voir Cass., Civ. 1re, 18 mai 2005, n° 02-16. 336 ; et Civ. 1re, 18 mai 2005, n° 02-20. 613. Contra Cass., Civ. 1re, 10 mars 1993, Lejeune, n° 91-11. 310). Le juge français n’est pas isolé dans cette façon de procéder. Une telle pratique se retrouve également devant la Cour de Justice de l’Union européenne qui apprécie l’effet direct des accords internationaux ratifiés par l’Union européenne disposition par disposition (CJCE, 30 septembre 1986, Demirel, aff. 12/86) et également devant certains juges étrangers. S’agissant par exemple de la Charte sociale européenne, les juges belges 11 et néerlandais 12 n’admettent l’effet direct que de certains de ses articles.
2. Une pratique néanmoins insatisfaisante
Si la pratique du dépeçage constitue une pratique bien ancrée du juge administratif, elle n’en est pas pour autant moins contestable. Un traité dans sa globalité est le fruit d’une négociation entre ses rédacteurs, et, en tant que tel, il formalise une certaine cohérence. En ce sens, il pourrait être considéré que le traité forme un tout indivisible sans que l’on puisse accorder plus d’effet à certaines dispositions plutôt qu’à d’autres dans l’ordre juridique interne. Cette perception s’avère d’autant plus vraie s’agissant des traités-lois pour lesquels la logique contractuelle est encore moins satisfaisante.
Cela étant dit, il existe une spécificité de la Charte sociale européenne à cet égard. En effet, les termes mêmes de la Charte permettent aux États de limiter leur engagement à un certain nombre d’articles voire paragraphes (Article A de la Partie III de la Charte). Ce système d’engagement « à la carte » met donc lui-même en place une forme de divisibilité des dispositions de la Charte. Cet état de fait est cependant tout autant critiquable même s’il a pu être justifié par la volonté pragmatique d’encourager les ratifications. Or, la Charte est le seul traité de consécration de droits de l’homme prévoyant ce type d’engagement partiel. De façon louable, le Comité européen des droits sociaux a relativisé les effets d’une telle divisibilité en admettant que le champ de protection de certains droits empiète sur celui d’autres (Doctrine des « droits chevauchants » : CEDS, 26 juin 2007, MDAC c. Bulgarie, réclam. 41/2007. Voir encore J. -F. Akandji-Kombé, « Actualité de la Charte sociale européenne », RTDH, 74/2008, p. 514). Rappelons en outre que la France a souhaité appréhender la Charte comme un tout en acceptant l’ensemble de ses dispositions.
Par ailleurs, force est de constater que le dépeçage des traités internationaux conduit à une certaine instabilité juridique doublée d’un risque de jurisprudences contradictoires de la part des différents juges. Tel est bien le constat auquel conduit la confrontation de la jurisprudence administrative et de la jurisprudence judiciaire relative à l’effet des dispositions de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Si ce risque a été relevé récemment s’agissant des normes internationales en matière de droit du travail (Rapport sur sécurité juridique et initiative économique, Rapport du groupe de travail présidé par H. de Castries et N. Molfessis, mai 2015, Mare et Martin, 356p.), de telles critiques avaient déjà été formulées au moment des premières reconnaissances de l’invocabilité des dispositions de la CIDE (Y. Benhamou, « Le Conseil d’Etat et la Convention de New York sur les droits de l’enfant (à propos de l’application en droit français de l’article 16 de la Convention de New York) », D 1995, p. 617) mais avec la conclusion restrictive qu’il faudrait dénier toute applicabilité au traité dans sa globalité…
En définitive, la difficulté réside dans le fait que la détermination de l’effet direct n’est qu’une question d’interprétation du juge. Or, à partir du moment où le juge n’accepte ou ne rejette plus « en bloc » l’effet direct d’un traité, mais recherche si telle ou telle de ses dispositions créé un droit subjectif pour les individus, il entre alors dans une démarche nécessairement casuistique (C. Santulli, « Chronique de droit international », RFDA 2009, p. 145). Une telle démarche encourt inéluctablement la critique d’incertitude et de risque d’incohérences. L’appréciation du juge peut apparaître aléatoire, voire discrétionnaire, en l’absence de critères objectivement déterminables. La jurisprudence Gisti et Fapil tente à raison de clarifier les critères et la méthode appliqués par le juge administratif pour déterminer la reconnaissance d’un tel effet. Malgré cet effort salutaire, il n’est pas certain que la pratique du juge administratif en soit pour autant plus claire et cohérente, ce que confirme la jurisprudence relative à la Charte sociale européenne.
II. L’application douteuse des critères de l’effet direct
A l’aune de la jurisprudence relative à la Charte sociale européenne, il est difficile de percevoir la cohérence de l’application que fait le juge administratif de sa jurisprudence Gisti et Fapil. L’appréciation des critères de l’effet direct apparaît incertaine (A), voire le recours à ces critères aléatoire (B).
A. L’appréciation incertaine des critères Gisti et Fapil
1. Un critère subjectif minoré
Le critère subjectif défini par l’arrêt Gisti et Fapil consiste en rechercher si la norme internationale a pour « objet exclusif de régir les relations entre États ». L’admission de l’effet direct d’une disposition de la Charte sociale par l’arrêt Fischer a pour conséquence logique de présumer le critère subjectif rempli par la Charte dans sa globalité. En effet, toute invocabilité de ce traité aurait été rejetée s’il avait été considéré qu’il avait pour unique objet de régir des relations interétatiques, et donc qu’il ne visait pas à accorder des droits pour les individus. Il était néanmoins particulièrement critiquable de maintenir sur ce fondement un rejet en bloc d’un traité de consécration des droits de l’homme (C. Nivard, précit.).
Cela étant dit, l’appréciation du critère subjectif ne se cantonne pas à une approche globale du traité mais est à rechercher également disposition par disposition. Selon la nouvelle méthodologie définie en 2012, le juge doit rechercher si la stipulation a, au moins en partie, pour objet de créer des droits pour les individus et ce, « eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes ». En outre, la présence d’une formule adressant l’obligation conventionnelle expressément aux États ne peut exclure automatiquement que les individus ne puissent être destinataires de droits. En application de cette nouvelle grille de lecture, le Conseil d’État a pu ainsi considérer dans son arrêt Fischer que l’objet de l’article 24 de la Charte « n’est pas de régir exclusivement les relations entre les États » et ce, alors qu’il dispose qu’« en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître » un certain nombre de droits.
L’avènement de cette « méthode téléo-systématique » (J. F. Delile, L’invocabilité des accords internationaux devant la CJUE et le Conseil d’État français, Bruylant, 2016, pp. 229 et sq.) et l’abandon du critère dit rédactionnel annonçaient un déclin du critère subjectif. Un tel constat ressort clairement de la jurisprudence relative à la Charte sociale européenne. En effet, en dehors d’un arrêt aberrant Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et des amblyopes (CFPSAA), précit., aucune décision n’est venue dénier un effet direct à une disposition de la Charte sur le fondement de ce critère. Plus précisément, en dehors de l’arrêt Fischer, aucune évocation n’est faite de ce critère. Si rejet de l’effet direct il y a, c’est sur le fondement du critère objectif. Certes, il pourrait être estimé que le rejet du critère subjectif serait en fait sous-entendu. Une telle idée trouverait d’ailleurs une certaine logique à la lecture de l’arrêt CFPSAA dans lequel s’agissant de l’article 15 de la Charte, le Conseil d’État a estimé que « ces stipulations, qui requièrent l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers, ont pour objet exclusif de régir les relations entre États ». Littéralement, le critère subjectif ne serait donc pas rempli dans la mesure où le critère objectif ne le serait pas. A suivre cette logique, toute disposition incomplète, parce qu’elle nécessiterait l’intervention des autorités étatiques, ne pourrait donc pas avoir les individus pour destinataires. Mais ce serait se méprendre sur le sens du critère subjectif qui s’intéresse à l’objet poursuivi par la disposition – accorder des droits aux individus – et non pas son autosuffisance pour définir le contenu de ces droits.
2. Un critère objectif prédominant
A la minoration du critère subjectif répond, à l’inverse, une prépondérance du critère objectif. Ce critère exige que la stipulation « ne requiert l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers ». Il est donc recherché une complétude, une autosuffisance de la norme. Celle-ci ne doit pas nécessiter la médiatisation d’une norme interne pour produire des effets au bénéfice des particuliers. Il n’est pas surprenant que le respect de ce critère constitue le principal obstacle à la reconnaissance de l’effet direct des dispositions de la Charte sociale européenne. En effet, le caractère vague et programmatique des textes de consécration des droits sociaux est une critique récurrente qui leur est faite et fréquemment objectée à l’idée de leur possible justiciabilité (D. Roman, « La justiciabilité des droits sociaux ou les enjeux de l’édification d’un État de droit social », RDH, 1/2012).
Au-delà de ce constat, l’analyse des quelques décisions étudiées pourrait s’avérer utile pour tenter d’appréhender comment ce critère est apprécié par les juges. Quels éléments prennent-ils en compte pour déterminer si la disposition est suffisamment précise pour accorder directement des droits aux particuliers ?
Dans ses conclusions sur l’arrêt Gisti et Fapil, le rapporteur public G. Dumortier avait donné de précieuses indications sur la manière dont l’appréciation pouvait être menée. Selon elle, une analyse littérale des termes de la disposition devait être dépassée. Concrètement, le manque de précision de certains termes ou encore la référence à l’adoption de mesures ne devraient pas emporter systématiquement la conviction d’une incomplétude de la norme, mais seulement constituer des indices. Ainsi, à ses yeux, « Ce qu’il faut, c’est que le texte soit normatif, qu’il énonce un droit ou une obligation identifiable ». Aussi, l’incomplétude de la norme ne pourra être constatée de façon indubitable que « lorsque le traité laisse à l’État une marge d’appréciation, un pouvoir discrétionnaire quant à l’étendue, aux conditions ou aux modalités du droit ou de l’obligation dont il se borne à prévoir le principe, sous forme en quelque sorte d’objectif ».
Ces conclusions ont clairement influencé le rapporteur public M. Vialettes ainsi que les juges qui se sont prononcés par l’arrêt Union syndicale Solidaires, précit. En l’espèce, le syndicat contestait la légalité du décret n° 2012-581 du 26 avril 2012 relatif aux conditions de mise en œuvre du repos compensateur des titulaires d’un contrat d’engagement éducatif. Un des moyens invoqués était celui de la violation de l’article 2§1 CSE qui engage les États parties « à fixer une durée raisonnable au travail journalier et hebdomadaire, la semaine de travail devant être progressivement réduite pour autant que l’augmentation de la productivité et les autres facteurs entrant en jeu le permettent ». Le décret prévoit en effet deux régimes dérogatoires à la règle du temps de repos quotidien de onze heures consécutives pour les directeurs et moniteurs de colonies de vacances. Si le décret est finalement validé, l’examen au fond est réalisé sur le fondement du droit de l’Union européenne et non pas de l’article de la Charte dont l’effet direct est refusé. Suivant sur ce point les conclusions du rapporteur public, le Conseil d’État relève « qu’aux termes de l’article I de la partie V de la même charte relatif à la « mise en œuvre des engagements souscrits« : « 2. Les engagements découlant [notamment de l’article 2§1 de la Charte] seront considérés comme remplis dès lors que ces dispositions seront appliquées, conformément au paragraphe 1 du présent article, à la grande majorité des travailleurs intéressés« ». Il en conclut « qu’eu égard notamment à la marge d’appréciation laissée aux États membres pour prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre des stipulations du paragraphe 1 de l’article 2, ces stipulations ne créent pas de droits dont les particuliers pourraient directement se prévaloir ». Ainsi, dans la mesure où la Charte n’oblige les États parties à fixer une durée raisonnable du travail que pour la grande majorité des travailleurs, il leur est laissé une « marge d’appréciation », donc un pouvoir discrétionnaire, quant à la détermination des bénéficiaires de ce droit. Or, tant que subsiste ce pouvoir d’appréciation, un travailleur ne peut exiger de bénéficier de ce droit sur le seul fondement du traité international. Ce faisant, le Conseil d’État se livre à une lecture systémique de la Charte en dépassant les seuls termes de l’article 2§1 pour l’interpréter à la lumière de son article I. La Haute juridiction cherche ainsi à définir les contours des obligations découlant des termes de la Charte afin d’apprécier leur caractère suffisamment précis. Cet exemple illustre bien le fait que l’appréciation de l’effet direct ne se cantonne plus à la surface des termes du traité pour s’approfondir à son contenu. C’est bien ce qui découle de la détermination de l’existence ou non d’une marge d’appréciation.
Malgré tout, l’interprétation qui est donnée aux termes de la Charte demeure à notre sens encore trop superficielle. En effet, elle semble se baser sur les seules dispositions du texte de la Charte sans chercher à se référer à l’interprétation qui a pu en être faite par les organes de contrôle de la Charte, en premier lieu par le Comité européen des droits sociaux. Or, la manière dont l’article I, associé à l’article 2§1 de la Charte sociale révisée, doit être entendu a justement fait l’objet d’une divergence d’interprétations entre la France et le CEDS. Ce dernier considère en effet que cette disposition ne peut permettre l’exclusion du bénéfice du droit à une « catégorie déterminée » de travailleurs (CEDS, 16 novembre 2001, Confédération française de l’Encadrement (CFE-CGC) c. France, réclam. 9/2000, § 40). Certes, en l’espèce, l’encadrement du régime dérogatoire et les circonstances particulières dans lesquelles il s’applique ne posaient a priori pas de problème de conventionnalité. Il serait cependant nécessaire de prendre en compte la pratique du Comité européen des droits sociaux, quitte à s’en désolidariser. Le CEDS apparaît en effet comme l’organe le plus légitime à définir l’interprétation des termes de la Charte. Son travail a d’ailleurs donné lieu à une importante et stimulante jurisprudence, dont on ne peut faire l’impasse lorsque l’on prétend identifier les obligations qui découlent de la Charte sociale européenne.
Si la pratique reste perfectible, les modalités de contrôle demeurent louables et on ne peut qu’espérer qu’elles prospèrent. Toutefois, à l’exception d’une occasion (CAA Bordeaux, 19 janvier 2016, n° 15BX00534 et CAA Bordeaux, 19 janvier 2016, n° 15BX00530), le contrôle du critère objectif de l’effet direct n’a pas donné lieu à la recherche d’une éventuelle marge d’appréciation.
Dans la majorité des cas, les arrêts estimant qu’une disposition de la Charte ne satisfait pas le critère objectif s’en tiennent à une analyse littérale de celle-ci. Ainsi, par deux arrêts rendus le 23 mai 2013, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a pu considérer que « l’article 13 de la charte sociale européenne révisée, les parties s’engagent à prendre des mesures appropriées en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à l’assistance sociale et médicale ; que ces stipulations, qui requièrent l’intervention des États pour fixer les mesures permettant d’en assurer l’exécution, ne produisent pas d’effets directs à l’égard des particuliers » (n° 12BX01780 et n° 12BX01861). De même, l’arrêt CFPSAA (préc.) relève que l’article 15 par lequel « les États signataires s’engagent « à prendre les mesures nécessaires« » pour mettre en œuvre ce droit, requiert l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers. A l’inverse, la lettre des articles 5 13 et 24 14 de la Charte qui, pour l’heure, sont les seuls à s’être vus reconnaître un effet direct ne fait aucune référence à des mesures à adopter par l’État. Il se dégage de ces quelques décisions, une impression de retour du critère rédactionnel, qui a pu être déjà remarquée dans une étude plus large de la jurisprudence administrative (D. Burriez, op. cit.). En effet, la seule référence textuelle à l’adoption de mesures étatiques permettrait de conclure automatiquement au caractère incomplet de la disposition. Ce risque d’un trop grand « nominalisme » avait déjà été relevé par le Pr C. Santulli qui, commentant l’arrêt Gisti et Fapil, avait craint qu’il vienne se substituer au critère rédactionnel – le marqueur « les États adoptent des mesures » venant remplacer celui de « les États s’engagent à » (« Chronique Droit administratif et droit international (année 2012) », RFDA 2013, p. 417).
En définitive, la jurisprudence Gisti et Fapil avait laissé espérer une clarification de la jurisprudence administrative qui peine à être constaté même si une tendance semble se dessiner d’une minoration du critère subjectif au profit du critère objectif pour ce qui concerne la Charte sociale européenne. Par ailleurs, si on pouvait légitimement penser en avoir terminé avec l’interprétation littérale – du fait de la relativisation du critère rédactionnel – cela ne semble pas nécessairement vrai. Au-delà, les décisions qui ont suivi l’arrêt d’Assemblée trahissent une application plutôt aléatoire des critères posés.
B. Le recours aléatoire aux critères Gisti et Fapil
1. Des critères parfois éludés
A la lecture des décisions qui se sont prononcées sur l’effet direct de la Charte sociale européenne à la suite de la l’arrêt Gisti et Fapil, force est de constater que cette dernière jurisprudence est loin d’être stabilisée. En effet, de nombreuses décisions ne se réfèrent aucunement aux critères qu’elle pose expressément. Tel est le cas d’un arrêt du Conseil d’État du 7 novembre 2012, précit., dans lequel le Conseil rejette le moyen fondé sur l’article 23 de la Charte sociale européenne en considérant sans autre précisions « que ces stipulations ne produisent pas d’effet direct à l’égard des nationaux des États contractants ». L’arrêt SNCL (CE, 23 juillet 2014, précit.) constitue une seconde illustration dans le sens où le juge administratif accepte cette fois de connaître du respect de la disposition de la Charte mais en éludant la question de son effet direct. Dans ces deux cas, il est difficile de savoir si les critères Gisti et Fapil n’ont pas été examinés ou s’ils l’ont été implicitement.
Du côté des Cours administratives d’appel, la plupart ne se sont pas référées aux nouveaux critères et ont maintenu la formule traditionnelle écartant le moyen fondé sur des stipulations « qui ne produisent pas d’effets directs à l’égard des particuliers » (CAA Douai, 13 juin 2013, n° 12DA00716 ; CAA Douai, 11 décembre 2013, n° 12DA01071, CAA Versailles, 20 décembre 2012, n° 11VE02281 CAA Nancy, 28 octobre 2013, n° 13NC00279 ; CAA Nancy, 28 octobre 2013, n° 13NC00277 ; CAA Nantes, 27 mars 2014, n° 13NT00182 ; CAA Paris, 2 février 2015, n° 14PA01938), formule qui était celle du Conseil d’État dans son arrêt GISTI du 23 avril 1997, n° 163043 appliquée à la CIDE. Encore très récemment, la Cour administrative d’appel de Paris a refusé l’effet direct à l’article 1er de la Charte du fait que « ces stipulations ne produisent pas d’effet direct dans l’ordre juridique interne », sans autre motivation (CAA Paris, 20 juin 2016, précit.).
Un tel état de fait pourrait s’expliquer par le caractère relativement récent de la jurisprudence Gisti et Fapil. Les Cours administratives d’appel hésiteraient ainsi à se lancer dans une appréciation explicite des critères alors que la pratique du Conseil d’État est encore très réduite et qu’elles ne disposent que de peu d’éléments d’interprétation. Le caractère quelque peu aléatoire de l’application des critères se justifierait par un certain attentisme ou en tout cas, une certaine prudence.
Le manque d’explicitation des critères appliqués ou, lorsqu’ils sont rappelés, le caractère obscur ou contestable de l’analyse menée, interroge sur le véritable raisonnement tenu par le juge. La question se pose de savoir s’il n’appliquerait pas d’autres critères que ceux formellement affirmés.
2. L’existence de critères cachés ?
Lorsque les arrêts formulent une appréciation sur l’effet direct d’une disposition de la Charte sociale mais évitent de se référer aux critères qui ont présidé à cette appréciation, toutes les hypothèses sont permises. L’idée peut être ainsi avancée que d’autres éléments que ceux définis par les critères objectif et subjectif issus de la jurisprudence Gisti et Fapil, seraient pris en compte par les juges. Il s’agirait en quelque sorte de critères « cachés », qui viendraient s’ajouter tacitement aux deux autres car sans lien avec eux. La lecture des conclusions des rapporteurs publics, lorsqu’elles sont disponibles, peuvent s’avérer utile à cet égard car elles révèlent souvent une appréhension du problème posé majoritairement partagée au sein de la juridiction. Certains critères officieux semblent émerger bien qu’il soit évidemment difficile de l’affirmer avec certitude.
Un premier critère aurait un effet « répulsif », en ce sens qu’il pousserait le juge à présumer une absence d’effet direct. Il s’agit du fait que le traité en cause est un traité de consécration de droits sociaux. Il est manifeste que les juges appréhendent de reconnaître l’invocabilité de telles conventions internationales, et donc de donner une effectivité à de tels droits. Les conclusions du rapporteur public C. Oriol sur l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 12 février 2015 (n° 14PA01500, AJDA 2015, 1434) sont très éclairantes à cet égard même si elles ne s’interrogeaient pas sur l’effet direct de la Charte sociale en tant que telle mais sur celui d’une disposition de son cousin a des Nation-Unies, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). En effet, si le rapporteur s’efforce d’appliquer scrupuleusement les critères de la jurisprudence Gisti et Fapil, elle développe certaines considérations qui relèvent plus de généralités quant à la nature des droits sociaux et des textes qui les consacrent, que d’une analyse de la disposition invoquée. Ainsi, elle assimile les droits sociaux à des « droits-créances ». Or, « en raison de la difficulté qu’il y a à les cerner et à leur donner un contenu concret, ils sont davantage regardés comme des programmes, des objectifs, des guides d’action des pouvoirs publics et non comme des droits des individus ». On retrouve ici clairement la vision désuète de la nature programmatique des droits sociaux, qui se retrouve complétée plus loin dans les conclusions, par les idées non moins discutables de la différence de nature entre ces droits et les droits civils et politiques et de leur impossibilité d’être l’objet d’un contrôle juridictionnel : « En effet, si le juge peut aisément protéger la liberté d’expression ou le droit à la vie privée, beaucoup plus délicate est l’appréciation à porter sur l’atteinte éventuelle à un minimum requis. Très concrètement, si les États parties peuvent se voir épinglés par des rapports de suivi des droits sociaux ou les pouvoirs en place sanctionnés par les électeurs en raison d’un moins-disant social, cela ne garantit pas pour autant de droits concrets au bénéfice de leurs ressortissants les plus démunis ». Ainsi, on comprend les réticences que les juges peuvent avoir s’agissant de la justiciabilité de sources internationales garantissant de tels droits. Un tel motif peut entrer en jeu lorsqu’on cherche à relire un traité à l’aune des nouveaux critères Gisti et Fapil, et conduire en conséquence à la conclusion que « la voie du statu quo est moins risquée » (ibid.).
Un deuxième critère peut être qualifié de « supplétif » dans le sens où il viendrait nourrir un raisonnement de reconnaissance d’un effet direct, mais sans jamais en être le motif principal. Il s’agit de l’existence d’un mécanisme de contrôle international de nature juridictionnelle ou quasi-juridictionnelle, voire qui prévoit l’existence d’un recours individuel. Les conclusions du rapporteur public C. Oriol évoquées supra, s’avèrent encore une fois instructives. Elles évoquent et comparent en effet, les systèmes de garantie internationale accompagnant le PIDESC et la Charte sociale européenne. Rappelons qu’un Protocole additionnel au PIDESC de 2008 est venu compléter le système de contrôle sur rapports, d’un système de communications individuelles et collectives. La France a d’ailleurs ratifié ce Protocole et est engagé par lui depuis le 18 juin 2015. Certes, on ne peut s’associer aux qualifications que le rapporteur public en fait lorsqu’elle estime, pour ce qui concerne la Charte sociale, que le mécanisme de réclamations collectives est un « mécanisme de recours juridictionnel » et s’agissant du PIDESC, qu’« il n’existe encore aucun organe international dédié pour garantir l’effectivité [de ses droits] pour les particuliers qui en seraient concrètement privés ». Néanmoins, on retrouve bien l’idée dans sa démonstration que le caractère plus ou moins contraignant d’un traité dépendrait de l’existence et de l’efficacité du mécanisme international de contrôle qui lui est associé, et que ce caractère contraignant a une influence sur la reconnaissance d’un effet direct. Constatant les faiblesses du mécanisme de garantie mis en place par le Protocole additionnel, elle en conclut ainsi que le PIDESC n’est guère « plus qu’une louable intention ». Pourtant, le caractère juridiquement contraignant d’un traité international n’a pas de rapport avec le mécanisme international mis en place pour contrôler son respect. Il peut certes avoir une influence sur son effectivité, dans la mesure, notamment, où les États ne seraient pas contraints par les rapports ou conclusions de l’organe de contrôle. En revanche, les modalités du contrôle international ne devraient pas avoir d’influence sur la valeur juridique du traité au sein de l’ordre juridique interne. Les conditions de l’intégration de la norme internationale ainsi que sa place au sein de la hiérarchie juridique interne dépendent généralement des règles constitutionnelles nationales. Les modalités du mécanisme international de contrôle peuvent à la rigueur influencer le juge dans son appréciation de l’invocabilité de la norme en justice. En effet, elles peuvent constituer un indice de l’existence, ou de l’absence, d’une volonté commune des États parties de reconnaître une justiciabilité internationale au traité ou de prévoir un recours ouvert aux individus. Les juges internes pourraient ainsi être plus enclins à reconnaître un tel recours au niveau interne s’il existe déjà au plan international.
Enfin, à l’analyse des arrêts relatifs à la Charte, un dernier critère a pu être « décisif » bien que tacite. Il s’agit de l’existence d’un droit similaire consacré dans une autre disposition internationale considérée, elle, d’effet direct. De fait, les deux seules dispositions de la Charte sociale qui ont été déclarées d’effet direct, pour l’heure, sont les articles 5 et 24 CSE. Or, dans l’arrêt SNCL, précit., le Conseil d’État répond au moyen de la violation de la liberté syndicale, telle qu’elle se trouve garantie à l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946, au paragraphe premier de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et à l’article 5 CSE. Le fait que la liberté syndicale soit consacrée par une disposition de la CEDH dont l’effet direct n’a jamais posé de difficulté a certainement joué un rôle important dans la décision du juge. Il n’est d’ailleurs pas surprenant qu’un des premiers droits concernés par la reconnaissance de la justiciabilité de la disposition de la Charte qui le consacre, soit un droit « hybride » qui se trouve garanti tant au sein des traités de consécration de droits civils et politiques que dans les traités de consécration de droits sociaux.
De la même façon, il a assurément été plus aisé de reconnaître un effet direct à l’article 24 de la Charte, qui protège le droit à une protection en cas de licenciement, après avoir écarté le moyen de la violation de la Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur. Cette convention qui consacre des garanties similaires à celle de l’article 24 (motifs valables de licenciement, droit à un recours et à une indemnité adéquate en cas de licenciement injustifié…) avait d’ores et déjà été estimée d’effet direct par le Conseil d’État (CE, 19 octobre 2005, n° 283471, 284421, 284473, 284654, 285374) puis par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 29 mars 2006, n° 04-46. 499). Il semble bien que le traditionnel rejet monolithique de l’effet direct de la Charte sociale européenne constituait le seul rempart à la reconnaissance de l’invocabilité des dispositions qui présentent des dispositions analogues d’effet direct au sein d’autres traités. De fait, un tel rejet « en bloc » abandonné, il est difficile de justifier une différence de traitement entre ces dispositions.
Il est délicat de tirer des enseignements clairs et définitifs de cette jurisprudence encore naissante et dont les critères d’appréciation ainsi que leur application semblent aussi aléatoires. L’ensemble de ces analyses ne constituent donc que des pistes qui mériteraient d’être confirmées par la jurisprudence ultérieure. Elles n’en demeurent pas moins porteuses d’indications qui autorisent à des conjectures quant à l’avenir.
III. Les perspectives à venir…ou pas
Les quelques décisions rendues récemment par les juges administratifs donnent quelques indices autorisant à conjecturer le sens de la jurisprudence future. Le revirement de jurisprudence relatif à la Charte sociale européenne augure ainsi, de manière attendue, d’une relecture de ce traité à l’aune des critères de la jurisprudence Gisti et Fapil (A). De telles perspectives s’avéreront certainement décevantes car le nombre de dispositions reconnues d’effet direct sera en définitive restreint. Aussi, un dépassement de la jurisprudence Gisti et Fapil pourrait être envisagé qui permettrait d’admettre la justiciabilité d’un traité même sans effet direct. Un tel dépassement est toutefois plus qu’improbable bien que souhaitable (B).
A. Des perspectives attendues dans le sillon de la jurisprudence Gisti et Fapil
Tenter d’envisager les conséquences et les suites logiques de la jurisprudence administrative relative à l’effet direct de la Charte sociale a toute l’apparence d’une gageure. En effet, la pratique des juridictions, y compris du Conseil d’État, est tellement peu fixée et/ou opaque que cela relèverait de l’art divinatoire ou, plus justement, de l’art des probabilités face à des phénomènes aléatoires. Deux séries de conséquences devraient tout de même être raisonnablement attendues. Tout d’abord, un renforcement de la garantie des droits sociaux (1), ensuite, la reconnaissance de l’effet direct de nouvelles dispositions, bien qu’en nombre restreint (2).
1. Un renforcement de la Charte sociale européenne et de la garantie des droits sociaux en général
L’admission novatrice de l’effet direct a pour première conséquence évidente de renforcer l’effectivité de la Charte sociale européenne. Un tel effet vient ainsi compenser dans l’ordre juridique interne les faiblesses du mécanisme de garantie existante au niveau international. Rappelons que le Comité européen des droits sociaux, chargé du monitoring de la Charte n’est pas un juge et rend des conclusions ou des décisions qui ne sont pas contraignantes. Par ailleurs, c’est le Comité des Ministres qui rend la décision mettant un point final au processus de contrôle et ce, même s’il n’est pas censé remettre en cause l’appréciation juridique émise par le CEDS. Enfin, bien que le mécanisme de réclamations collectives renforce indubitablement le contrôle en le faisant tendre vers un modèle juridictionnel, seuls 15 États sur les 43 États Parties à la Charte ont ratifié le Protocole le mettant en place. Un tel panorama traduit bien l’hésitation de nombreux États à s’engager au niveau européen. Aussi, afin que les dispositions de la Charte deviennent la source d’obligations véritablement contraignantes, la voie la plus prometteuse semble bien être celle des juges nationaux qui accepteraient de connaître du moyen de contrariété avec la Charte. Comme l’a affirmé le Pr J. Mouly, « Le salut, pour la Charte, pourrait donc bien résider dans l’attitude des juridictions internes à son égard » (note précit., Dr. soc. 2014, p. 474)
Dans le prolongement de cette idée, une deuxième conséquence logique du revirement de jurisprudence consiste en mieux faire connaître la Charte sociale dans l’ordre juridique français. Le moyen de la violation d’une de ses dispositions étant désormais recevable, les juges et les justiciables ainsi que leurs conseils, vont être amenés à étudier son texte et son contenu de façon plus approfondie. Il devrait ainsi s’ouvrir une période d’« apprivoisement » de la Charte sociale, ce qui apparaît particulièrement indispensable à la lecture d’arrêts récents de certaines Cours administratives d’appel.
En effet, à l’occasion de deux arrêts (28 octobre 2013, n° 13NC00279 et n° 13NC00277), la Cour administrative d’appel de Nancy a eu à connaître du moyen de la violation de ce qu’elle a désigné comme « la charte sociale européenne revisitée » au lieu de « révisée ». Par ailleurs, lorsqu’elle se réfère aux droits invoqués, elle cite des extraits de la Partie A de la Charte qui ne contient que les objectifs poursuivis par la Charte au lieu de se référer aux articles de la Partie B considérée comme celle consacrant les droits que les États parties s’engagent à respecter.
Encore plus récemment, la Cour administrative de Bordeaux (19 janvier 2016, n° 15BX00534 et n° 15BX00530) a rejeté le moyen d’inconventionnalité dans la mesure où « les stipulations de la charte sociale européenne du 7 décembre 2000 et de l’article 31 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs des 8-9 décembre 1989, visées à l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, eu égard notamment à la marge d’appréciation laissée aux États membres pour prendre les mesures nécessaires à leur mise en œuvre ». Ce considérant traduit la plus totale confusion entre la Charte sociale européenne, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs au point qu’il est difficile d’identifier les stipulations concernées par la reconnaissance d’une marge nationale d’appréciation.
Une meilleure connaissance de la Charte supposera nécessairement l’étude des interprétations retenues par le Comité européen des droits sociaux à l’occasion de ses conclusions et décisions. Cette véritable jurisprudence éclaire les termes de la Charte et doit pouvoir influencer l’interprétation qu’en feront les juges nationaux. Reprises par les juges internes, les appréciations du Comité pourraient se voir imposées par ce biais. Ainsi, faute d’accord entre les États membres pour octroyer plus de pouvoirs au CEDS, et « de façon quelque peu paradoxale, ce serait par le relais des juridictions internes que les décisions du Comité acquerraient la force exécutoire qui leur fait tant défaut » (J. Mouly, précit.).
La reconnaissance de l’effet direct de la Charte sociale européenne contribue également au renforcement de la protection des droits sociaux. En effet, elle vient s’ajouter aux sources invocables du droit social et du droit du travail. Elle est certainement le traité international le plus complet en matière de droits sociaux. Certes, l’ordre juridique français dispose déjà de plusieurs normes supralégales invocables consacrant de tels droits. De nombreux principes sociaux sont ainsi consacrés au rang constitutionnel au sein du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Des normes sociales trouvent encore leur fondement dans certaines conventions internationales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), ainsi que par des directives européennes. Néanmoins, leur effectivité est parfois limitée comme l’illustre le traitement fait aux alinéas du Préambule de 1946 ainsi qu’aux « principes » sociaux garantis dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir CJUE, gr. ch., 15 janvier 2014, AMS, C-176/12 ; CJUE, 22 mai 2014, Glatzel, C-356/12 ; dans cette revue, R. Tinière, « L’invocabilité des principes de la charte des droits fondamentaux dans les litiges horizontaux », RDLF 2014, Chron. n°14).
Par ailleurs, les dispositions de la Charte pourraient trouver leur utilité lorsqu’elles offrent une protection plus étendue que celles des autres normes. Tel a bien été le cas lors de l’arrêt Fischer. En effet, l’examen du moyen de la violation de la Charte a été nécessaire après le constat de l’inapplicabilité de la Convention OIT n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur. Les faits de l’affaire concernaient en effet le statut du secrétaire général d’une chambre des métiers, et donc une décision prise en application de la loi du 10 décembre 1952 relative à l’établissement obligatoire d’un statut du personnel administratif des chambres d’agriculture, de commerce et des métiers. Or, sont exclus du champ d’application de la convention, les salariés du secteur public relevant « d’un statut spécifique d’origine réglementaire ou législative ». L’article 24 de la Charte sociale n’étant pas restreint par une telle limitation, son invocation a ainsi permis de couvrir une situation qui ne l’était pas par la Convention OIT.
En dehors d’un champ de protection plus large, la Charte peut également s’avérer plus protectrice quant à son contenu. Tel pourrait être le cas notamment par l’invocation de dispositions qui n’ont pas leur équivalent au sein d’autres traités ou au sein de normes constitutionnelles. Les articles 23 (Droit des personnes âgées à une protection sociale) et 30 (Droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion) peuvent ainsi être cités à titre d’exemple. Le standard de protection offert par l’article 31 de la Charte qui consacre le droit au logement est également bien plus fort que celui qui résulte de l’objectif à valeur constitutionnelle de disposer d’un logement décent (Voir le dossier « Droit au logement et droit (s) européen (s) », RDSS 2/2015).
Certes, le maillage normatif français en matière sociale figure certainement parmi les plus denses au monde. Le niveau de protection des droits sociaux est un de plus élevés en Europe. Aussi, les obligations qu’impose la Charte sociale viendraient certainement compléter mais non pas accroître fortement le niveau de protection. De plus, encore faudrait-il que les dispositions concernées jouissent d’un effet direct, ce qui est loin d’être évident.
2. La reconnaissance de l’effet direct d’un nombre restreint de dispositions de la Charte
Il s’agit ici de se livrer en quelque sorte à de la « jurisprudence fiction » en suivant les enseignements découlant de la jurisprudence administrative relative à l’effet direct de la Charte sociale européenne à partir de 2012. Deux critères d’appréciation ont paru dominer. D’une part, le critère objectif prévaut, plus précisément, une perception nominaliste de celui-ci qui considère que la norme requiert « l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers » lorsqu’il y a une référence à des « mesures complémentaires » dans le texte-même de la stipulation. D’autre part, le critère tacite de l’existence de dispositions internationales similaires jouissant d’un tel effet est également apparu « décisif ».
Au regard de ces exigences, l’article 6 de la Charte qui consacre le droit de négociation collective, devrait sans difficulté se voir reconnaître une invocabilité en justice. Cette disposition n’évoque pas l’adoption de mesures spécifiques mais surtout, le droit de négociation collective se trouve déjà consacré par l’article 11 CEDH qui, comme nous l’avons vu supra, est une disposition internationale justiciable dans l’ordre juridique français (Voir entre autres, Cass. Soc., 14 avril 2010, n° 09-60. 426 09-60. 429 ; CE, 15 mai 2012, n° 339833). L’article 1§2 de la Charte par lequel les États s’engagent « à protéger de façon efficace le droit pour le travailleur de gagner sa vie par un travail librement entrepris ». Cet article trouve en effet un équivalent à l’article 4 CEDH en ce qu’il interdit le travail forcé. Par ailleurs, le Conseil d’État a d’ores et déjà admis de connaître de la Convention OIT n° 29 qui prohibe le travail forcé (CE, 25 juillet 2007, n° 292730 ; CE, 9 novembre 2007, n° 293987). En revanche, son équivalent au sein du PIDESC, l’article 6, a vu son effet direct dénié par le Conseil d’État (CE, 18 février 2002, n° 237308 ; CE, 26 janvier 2000, Annad, n° 170579) mais reconnu par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass., Soc., 16 décembre 2008, Eichenlaub, n° 05-40876).
La jurisprudence relative à la Charte peut également trouver un prolongement dans le traitement qui sera réservé aux autres traités internationaux qui consacrent des droits équivalents, sans se voir reconnaître d’effet direct jusqu’à présent. Tel est le cas tout d’abord du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le juge administratif devrait logiquement accepter de connaître de l’article 8 PIDESC qui consacre la liberté syndicale. Pourtant, comme nous l’avons vu supra II, la prudence a prévalu lorsque l’occasion s’est présentée d’ouvrir les portes du prétoire du juge administratif à une disposition du Pacte (Conclusions sous CAA Paris, 12 février 2015, n° 14PA01500, AJDA 2015, 1434). La jurisprudence Fisher pourrait encore permettre de clarifier l’invocabilité de la Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, du 9 juillet 1948, dont le sort n’est pas clairement réglé devant le juge administratif (CE, 23 décembre 2011, n° 341670 en faveur de son effet direct ; contra CAA Bordeaux, 30 mars 2010, n° 09BX01084 qui rejette toute invocabilité). Le juge pourrait affirmer franchement son effet direct, d’autant que le juge judiciaire l’a déjà reconnu (Cass., Soc., 13 janvier 2009, n° 07-17. 692 ; Cass., Soc., 3 mars 2010, n° 09-60. 283).
En revanche, l’admission de l’effet direct de nombreuses autres dispositions de la Charte est, en l’état du droit, plus douteuse. Sont concernées les dispositions évoquant explicitement l’adoption de « mesures appropriées » de la part de l’État., ainsi que les articles ou paragraphes relevant plus de l’incitation à agir que d’une obligation bien définie. Le Pr J. Mouly a ainsi pu identifier les articles 1§1 (réalisation et le maintien du niveau le plus élevé et le plus stable possible de l’emploi), 3 (Droit à la sécurité et à l’hygiène dans le travail), 9 (Droit à l’orientation professionnelle) et 10 (Droit à la formation professionnelle) comme « trop imprécis ou se bornant à fixer des objectifs » (note Dr. soc. précit.). En suivant le même raisonnement, pourraient être ajoutés les articles 11 (Droit à la protection de la santé), 15 (Droit des personnes handicapées à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté), 23 (Droit des personnes âgées à une protection sociale), 30 (Droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale) et 31 (Droit au logement).
En définitive, malgré le revirement de jurisprudence, peu de dispositions de la Charte sociale devraient voir leur effet direct reconnu. Autrement dit, à l’aune des décisions relatives à la Charte sociale, « la révolution » crainte ou espérée par certains commentateurs, qui aurait pu laisser croire à une déferlante de nouveau moyens d’inconventionnalité, n’est pas, ou pas encore, en marche.
B. Des perspectives inespérées : pour un dépassement de la jurisprudence Gisti et Fapil
La manière dont le juge administratif applique sa jurisprudence Gisti et Fapil à la Charte sociale européenne laisse présager une reconnaissance a minima de l’effet direct des dispositions de ce traité. Cet état de fait n’est que la résultante d’une vision trop restrictive de la question de l’invocabilité en justice des traités internationaux qui a été actée par l’arrêt d’Assemblée, et qui gagnerait, à notre sens, à être dépassée. Il conviendrait ainsi de délier l’invocabilité de l’effet direct des traités (1) et d’apprécier l’effet d’un traité in concreto (2), ce à quoi le juge administratif se refuse jusqu’à présent.
1. Délier l’invocabilité de l’effet direct
L’arrêt de principe Gisti et Fapil est venu confirmer que l’effet direct d’un traité constitue une condition nécessaire à toute invocabilité devant le juge français. De fait, en dehors du cas spécifique du droit de l’Union européenne, toute justiciabilité est déniée aux dispositions internationales dépourvues d’un tel effet (pour un constat en ce sens, voir S. El Boudouhi, « Le juge interne, juge de droit commun du droit international ? État des lieux de l’invocabilité du droit international conventionnel en droit interne », RFDA 2014, p. 371).
Des arguments solides, notamment ceux présentés par le rapporteur public G. Dumortier dans ses conclusions sous l’arrêt Gisti et Fapil (RFDA 2012, 547), militent en faveur d’une distinction entre invocabilité et effet direct. Rappelons simplement qu’une telle conditionnalité de l’invocabilité des sources internationales contrarie le principe même de légalité. En effet, en vertu de la Constitution, les traités internationaux ont valeur supralégislative. Leur respect s’impose en vertu de l’alinéa 14 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (« La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international ») et de l’article 55 de la Constitution (« Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie »). Parmi les conditions posées par l’article 55 (ratification, publication, réciprocité), il n’est fait aucune référence à un critère d’effet direct. En exigeant des dispositions conventionnelles qu’elles soient pourvues d’un tel effet, les juges ont ainsi rajouté un critère absent du texte constitutionnel qui est pourtant la source première de détermination de la valeur des traités dans l’ordre juridique interne. Or, si l’injusticiabilité d’une disposition internationale dépourvue d’effet direct ampute largement son effectivité au sein de l’ordre juridique interne, l’effectivité du principe de légalité en pâtit également. Comment faire prévaloir un traité sur une loi ou un acte réglementaire qui lui est contraire, s’il n’est pas invocable en justice ? C’est accorder une (trop ?) grande confiance au législateur et aux autorités administratives.
L’ensemble des traités internationaux valides dans l’ordre juridique interne prévalent, et non pas seulement ceux qui ont pour objet et pour effet de créer directement des droits que les individus justiciables peuvent revendiquer. Cette situation aboutit à diviser le bloc de légalité (E. Lagrange, « L’efficacité des normes internationales concernant la situation des personnes privées dans les ordres juridiques internes », RCADI, vol. 356, 2012, p. 464) entre les normes internes, invocables sans condition, et les normes d’origine internationale invocables que dans la mesure où elles visent à créer des droits subjectifs pour les individus et sont suffisamment précises à cet égard pour ne pas nécessiter l’adoption de mesures complémentaires.
Certes, la question se pose de savoir si ces sources internationales doivent être traitées comme des normes internes comme les autres ou de façon spécifique. On ne peut incontestablement pas éluder le fait que leur origine internationale rejaillit, au moins par intermittence, sur leur régime juridique au sein de l’ordre interne. Pour autant, l’attitude qui prévaut en l’état du droit apparaît relativement fermée et fondée sur une vision dépassée des normes internationales perçues comme des engagements interétatiques qui n’affectent généralement pas les individus. (E. Lagrange, op. cit., pp. 251-273). Leur invocabilité devrait donc être admise, ou au moins présumée, sans avoir à démontrer l’existence d’un effet direct. Un tel effet ne devrait servir qu’à déterminer la portée de la disposition et son efficacité dans une espèce donnée.
2. Apprécier l’effet d’un traité international in concreto
Un second aspect de la doctrine de l’effet direct tel qu’elle est appliquée en pratique par les juges administratifs, se révèle critiquable. Il s’agit de la logique du « tout ou rien » qu’elle suppose. En l’absence d’effet direct, le moyen de sa violation sera inopérant. A l’inverse, aucune limite ne sera posée aux effets qu’une disposition d’effet direct pourrait produire. Pourtant, il existe une palette d’effets que peuvent avoir les sources du droit notamment internationales. Différentes formes d’invocabilité ont ainsi pu être identifiées s’agissant, par exemple, des sources du droit de l’Union européenne. Il est bien connu que les sources européennes dépourvues d’effet direct, les directives européennes en premier lieu, se sont vues accorder devant le juge administratif une invocabilité d’interprétation conforme (CE, Ass., 22 décembre 1989, Cercle militaire mixte de la Caserne Mortier, n° 86113), de prévention (CE, 10 janvier 2001, France Nature environnement, n° 217237), de réparation (CE, Ass., 28 février 1992, Arizona Tobacco Products, n° 87753) et même d’exclusion (CE, 8 juillet 1991, Palazzi, n° 95461).
Ces exemples montrent que l’effet que peut avoir la norme internationale varie en fonction du problème juridique posé et de la demande contentieuse du justiciable. Aussi, il est illusoire de rechercher l’existence d’un effet direct par une appréciation abstraite et a priori. La lettre du traité et même son esprit ne suffisent pas à déterminer s’il pourra être applicable dans une affaire donnée. L’analyse doit être faite in concreto et prendre en compte de multiples critères complémentaires, comme le contenu déterminable de la norme internationale tel qu’il résulte du travail d’interprétation des juges et organes de monitoring chargé de son contrôle, mais également, la configuration du contentieux (objectif/subjectif), l’objet de la de la demande du requérant, le droit interne existant, etc.
Des propositions doctrinales en ce sens ont déjà été formulées notamment par des auteurs belges (Pour une présentation générale de la doctrine belge, voir I. Hachez, « Précision et droits de l’homme dans l’ordre juridique belge : focus sur la notion polysémique d’effet direct », RDH, 7 (2015)). Le concept graduel d’effet direct a ainsi été énoncé par A. Alen et W. Pas (voir notamment « L’effet direct de la Convention des Nations-Unies relative aux droits de l’enfant », JDJ belge 1995, pp. 166-167) et développé par E. Claes et A. Vandaele (in « L’effet direct des traités internationaux. Une analyse en droit positif et en théorie axée sur les droits de l’homme », RBDI 2001/2, pp. 411-489). Selon ce concept, l’effet direct fait l’objet de gradations en fonction de la plus ou moins grande marge de manœuvre dont l’État. dispose pour remplir son obligation conventionnelle. Ainsi, l’effet direct ne dépendrait pas de la question de savoir si le traité octroie des droits subjectifs ou de s’il est rédigé de façon précise. Il découlerait de l’appréciation que fera le juge de l’étendue des obligations étatiques dans le cadre concret d’un litige. Il en résulte toute une gamme d’effets possibles, une sorte d’échelle d’invocabilité, dont la gradation suivrait celle de l’ampleur de la liberté politique laissée à l’État. Un tel concept a l’avantage de permettre une meilleure effectivité des traités internationaux tout en préservant l’exercice du pouvoir politique, des risques d’empiètement excessif de la part des juges. En effet, l’invocabilité de l’ensemble des traités seraient a priori admise même si leur portée serait plus ou moins contraignante en fonction des obligations qu’ils font peser sur eux.
Les réflexions récentes menées par Y. Aguila (« Valeurs de la Charte de l’environnement », Constitutions 2010, p. 139) et le Pr A. Roblot-Troizier (« Les clairs-obscurs de l’invocabilité de la Charte de l’environnement », AJDA 2015, p. 493) quant à l’invocabilité de la Charte de l’environnement peuvent être rapprochées de ces travaux. L’invocabilité en justice de certaines dispositions de ce texte constitutionnel est en effet refusée en raison de leur caractère imprécis et incomplet. Or, au nom du principe de légalité et de l’effectivité de la Charte, ces auteurs plaident pour un dépassement de cette notion d’invocabilité appréciée in abstracto, lui préférant une appréciation in concreto. Le Pr Roblot-Troizier invite ainsi « à repenser l’invocabilité non comme une caractéristique attachée à la norme, mais comme étant variable en fonction du moyen soulevé et de l’acte contesté, donc dans une approche contentieuse ». Y Aguila estime quant à lui qu’« il n’est pas possible de fixer in abstracto et par avance, le statut – invocable ou non – d’une disposition constitutionnelle, au seul vu de son énoncé. Sa portée varie selon les litiges. Elle résulte d’une appréciation in concreto, au cas par cas, liée à la nature de la demande présentée au juge ». Ces réflexions concernent évidemment des sources constitutionnelles et non pas internationales, mais le raisonnement paraît bien transposable dans la mesure où il concerne des dispositions dont la justiciabilité est déniée, voire la normativité, en raison de leur formulation imprécise.
Parce qu’elles se fondent sur le travail d’interprétation et d’appréciation in concreto du juge, ces propositions n’ont certes pas l’avantage de réduire le risque d’insécurité juridique en la matière. Elles ont cependant l’intérêt de renforcer le principe de légalité. Il s’agit en définitive de prendre au sérieux les engagements internationaux de l’Etat en tant que sources du droit interne.
En constante évolution, la question de l’effet direct des traités internationaux, et de la Charte sociale européenne en particulier, est loin d’être épuisée. A suivre donc. . .
Notes:
- 34 États Membres ont ratifié la Charte sociale révisée de1996, 9 n’ont ratifié que la Charte sociale européenne de 1961 et 4 n’ont ratifié ni l’une, ni l’autre. ↩
- Les exemples les plus connus sont les décisions dites « anti-austérité grecque » (CEDS, 23 mai 2012, GENOP-DEI et ADEDY c. Grèce, réclam. n° 65/2011 et GENOP-DEI et ADEDY c. Grèce, réclam. N° 66/2011 ; CEDS, 7 déc. 2012, réclam. n° 76/2012 ; réclam. n° 77/2012 ; réclam. n° 78/2012 ; réclam. n° 79/2012 ; réclam. n° 80/2012) et la décision « anti-Laval » (CEDS, 3 juil. 2013, LO et TCO c. Suède, réclam. n° 85/2012). Voir C. Nivard, « Un destin divergent : les relations entre l’Union européenne et la Charte sociale européenne », RUE juil.-août 2016, pp. 416-425. ↩
- Les hésitations dont nous avions fait état (C. Nivard, op. cit., RDLF 2012, chron. n° 28) n’ont pas donné lieu à une acceptation claire depuis. ↩
- Voir dans le même sens, note de J. Mouly, sous CE, 10 février 2014, req. 358992, Dr. Soc. 2014, 474 et J. -F. Akandji-Kombé, « La Charte sociale est d’effet direct en France. Retour sur un arrêt du Conseil d’État passé inaperçu [10 fev. 2014] », Sur JFAKiBLOG, 7 octobre 2014. http://jfakiblog. com/2014/10/07/la-charte-sociale-est-deffet-direct-en-france-retour-sur-un-arret-passe-inapercu-10-fev-2014/ ↩
- CAA Bordeaux, 23 mai 2013, n° 12BX01780 et CAA Bordeaux, 23 mai 2013, n° 12BX01861 ; CAA Douai, 13 juin 2013, n° 12DA00716 ; CAA Douai, 11 décembre 2013, n° 12DA01071. ↩
- CE, 12 décembre 2012, Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique (SMISP), n° 354635 (inapplicabilité de la Charte) ; CE, 22 janvier 2013, Confédération générale des cadres Centrale (CGC-Centrale) et la Confédération générale des cadres DGFIP (CGC-DGFIP), n° 348209 (refus d’effectuer un contrôle de conventionnalité « en dehors de la contestation de la légalité d’actes administratifs ») ; CE, 20 février 2013, Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT, n° 351316 (inapplicabilité de la Charte) ; CE, 19 juin 2013, n° 356084 (moyen écarté « en tout état de cause » faute de précisions nécessaires). ↩
- Cass., Soc., 14 avril 2010, Sté SDMO Industries, n° 09-60426 et 09-60429 ; 10 novembre 2010, Syndicat des cheminots Force Ouvrière de la Loire et al., n° 09-72856 ; 1er décembre 2010, Association de gestion des actions en faveur des personnes âgées (AGAFPA), n° 10-60117 ; 16 février 2011, Sté Robert Bosch France, n° 10-60189 et 10-60191 ; 23 mars 2011, GIE des laboratoires, n° 10-60185. ↩
- CAA Bordeaux, 23 mai 2013, n° 12BX01780 et CAA Bordeaux, 23 mai 2013, n° 12BX01861 ; CAA Douai, 13 juin 2013, n° 12DA00716 ; CAA Douai, 11 décembre 2013, n° 12DA01071. ↩
- CAA Versailles, 20 décembre 2012, n° 11VE02281. ↩
- CAA Nancy, 28 octobre 2013, n° 13NC00279 ; CAA Nancy, 28 octobre 2013, n° 13NC00277. ↩
- CE belge, 22 mars 1995, Henry, n° 52424, APT, 1995, p. 228 (article 6§4) ; 25 avril 2008, n° 182. 454 (article 4§4). ↩
- Cour Suprême des Pays-Bas (Hoge Rade), 30 mai 1986, NederlandseJurisprudentie (NJ) 1986. ↩
- « En vue de garantir ou de promouvoir la liberté pour les travailleurs et les employeurs de constituer des organisations locales, nationales ou internationales, pour la protection de leurs intérêts économiques et sociaux et d’adhérer à ces organisations, les Parties s’engagent à ce que la législation nationale ne porte pas atteinte, ni ne soit appliquée de manière à porter atteinte à cette liberté. La mesure dans laquelle les garanties prévues au présent article s’appliqueront à la police sera déterminée par la législation ou la réglementation nationale. Le principe de l’application de ces garanties aux membres des forces armées et la mesure dans laquelle elles s’appliqueraient à cette catégorie de personnes sont également déterminés par la législation ou la réglementation nationale ». ↩
- « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître : / a. le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ; / b. le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. / A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial ». ↩