Le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda au regard de la justice pénale internationale (1990-2024) : Une confrontation nécessaire, des questions essentielles
Par Vincent Duclert
Le colloque international sur le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda a choisi, pour sa session de Paris, des 11-14 septembre 2023[1], de rassembler plusieurs communications sur le droit et la justice lors d’une séance tout à fait singulière, en un lieu rarement dédié à ce type d’événement, le Panthéon. Sollicitée par les organisateurs, la direction du monument national a accepté la proposition d’une rencontre de haut niveau. Prenant le nom de « conférence Raphael Lemkin », celle-ci a réuni, le mardi 12 septembre, des chercheurs du Rwanda et de France. Tenue dans l’aile nord du transept de l’ancienne église, dans une fin d’après-midi parisienne alors que la nuit gagnait la capitale, elle a constitué un des temps forts du colloque international. La signification de cette rencontre était multiple. L’Équipe de recherche, issue de la Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi[2], l’a voulue en ce sens et a mesuré l’évolution majeure qu’elle a représentée.
D’une part, si l’on considère l’exclusion de sa parole sur le génocide que le Rwanda post-1994 a subi en France, durant près de trois décennies, par le fait de la volonté des autorités françaises, une telle présence de chercheurs du Rwanda en un lieu si important de souveraineté de la France a valeur de réparation. D’autre part était signifiée une attention particulière à toutes les victimes du génocide des Tutsi longtemps déniées dans ce qu’elles avaient vécu et dans la vérité même de leur histoire.
Était porté enfin, ce soir singulier, dans ce monument de la reconnaissance civique, le nom et l’œuvre de Raphael Lemkin. L’engagement et le courage de ce magistrat polonais, proscrit dans l’Europe nazie, devenu un juriste international aux Etats-Unis, père de la Convention des Nations Unies du 9 décembre 1948 en font un citoyen du monde. Sa place, symboliquement, est au Panthéon, signifiant la pleine reconnaissance de la France à son œuvre de justice. Elle signifie aussi devoir confronter le cas historique, politique et juridique que représente le génocide de 1994 avec l’apport essentiel de la Convention de 1948 établissant une nouvelle incrimination.
Trois questions émergent de cette confrontation.
Pourquoi la justice pénale internationale s’est révélée si impuissante face à la préparation et à la commission du crime, sachant de plus qu’en terme d’incrimination de génocide, la préparation a déjà valeur d’accomplissement de l’acte ? La première déclaration officielle relative à des actes de génocide constatés au Rwanda par le Conseil de sécurité des Nations Unies, à cette époque seul habilité à enclencher le processus de l’action pénale internationale, date du 8 juin 1994, soit deux mois après le déclenchement des faits très rapidement attestés par une série d’observateurs et au sein même des Nations Unies, alors que près des deux tiers des Tutsi sont déjà exterminés. La résolution créant un tribunal pénal pour le Rwanda (TPIR) n’est cependant adoptée que le 8 novembre suivant.
Cette justice pénale internationale désormais en acte est-elle en mesure de juger du crime tel qu’il se constate au Rwanda contre la minorité tutsi, et au regard des dispositions de la Convention elle-même de 1948 ?
Comment, face au retour d’une nouvelle « Shoah », alors que toute l’action et la pensée des puissances victorieuses de l’Axe en 1945 se dirigeaient en théorie vers la suppression à l’avenir, l’impensable est-il survenu en Afrique, au Rwanda ? Et cela d’autant plus qu’à la différence du génocide des Arméniens de l’Empire ottoman et du génocide des Juifs d’Europe, aucune situation de guerre mondiale n’empêchait l’intervention des puissances dont celles du Conseil de sécurité. Et qui plus est, les moyens militaires existaient, ils étaient même déployés pour certains au Rwanda durant la commission du crime, et sans avoir été utilisés pour le combattre. Et comment apprécier ensuite le jugement du génocide des Tutsi ?
Autant de questions autour desquelles, ce soir du 12 septembre 2023, des juristes, professeurs de droit, magistrats, ont tenté d’apporter des réponses. La confrontation du génocide des Tutsi avec le système de prévention et de répression mis en place en 1948 fait voler en éclats ce dernier. Non seulement l’existence des incriminations ne servit nullement à empêcher la commission des crimes mais elle n’en permit pas non plus la reconnaissance. Or, sans reconnaissance formelle, aucune dissuasion possible.
Cette confrontation entre l’impossibilité durable de la connaissance comme de la reconnaissance d’un génocide et la capacité immédiatement disponible pour en attester et agir, la conférence du Panthéon décida d’en assumer la réflexion. Celle-ci prenait place dans le temps de la 75e commémoration de la Convention du 9 décembre 1948, une commémoration passée inaperçue, ignorée même. Le nom choisi pour cette rencontre, « Conférence Raphael Lemkin », soulignait la volonté des organisateurs de permettre une parole collective sur ce texte majeur et son père fondateur. Les orateurs qui se sont succédés n’ont pas manqué à cette tâche. Pour la première fois en France, l’histoire et la mémoire du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda obtenait un droit de cité au plus haut niveau qui puisse être imaginé.
I. La justice pénale internationale face à la préparation et la commission du crime
Le 8 novembre 1994, le Conseil de sécurité des Nations Unies adoptait la résolution 955 fondatrice du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et de son premier statut[3]. La possibilité pour lui de devoir juger de présumés coupables d’actes de génocide est inscrite dans le texte et constitue une première dans l’histoire.
« Le Conseil de sécurité […]décide par la présente résolution, comme suite à la demande qu’il a reçue du Gouvernement rwandais (S/1994/1115), de créer un tribunal international chargé uniquement de juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du Droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d’États voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. »[4]
La création du TPIR résulta d’un processus pour le moins chaotique marqué par la volonté initiale, de la part des membres permanents du Conseil de sécurité, de s’employer à ne pas qualifier délibérément d’actes de génocide les massacres systématiques à grande échelle des Tutsi, jusqu’à la date du 8 juin 1994. Il faut attendre le 1er juillet et la résolution 935 du Conseil de sécurité pour qu’un premier pas soit réalisé en faveur de l’instauration d’une cour de justice internationale.
Le TPIR allait succéder au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) créé un an plus tôt, le 25 mai 1993, par la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le tribunal pour le Rwanda se calquait même sur cette première cour instituée par l’organisation internationale. Celle-ci n’avait pas procédé en effet à la création d’un tribunal permanent comme l’entendaient pourtant les inspirateurs du nouveau droit pénal international d’après-guerre. Aucune juridiction internationale n’avait été en charge des deux incriminations structurant ce droit international, le crime contre l’humanité établi en 1945 (Statut de Londres) et le crime de génocide de 1948 (Convention du 9 décembre).
Plus encore que le TPIY qui avait reçu pour mission, par la résolution 827 du Conseil de sécurité du 25 mai 1993, « de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie. [5] » , le TPIR constituait une forme d’aboutissement d’un long processus en vue d’établir non seulement un droit international de protection des personnes et des groupes mais aussi de organes chargés de le rendre effectif.
Ce processus avait débuté avec la doctrine Martens de 1899 sur « le droit des gens » », il s’était poursuivi avec les notions de crimes de barbarie et de vandalisme développés en 1933 par Raphael Lemkin. Définies et formalisées par le Statut de Londres de 1945 et la Convention de 1948, les deux incriminations étaient restées en l’état, sans être prolongées sur un plan judiciaire, comme si leur normativité juridique revenait à prévenir toute commission des crimes, à les rendre impossibles dès lors qu’ils avaient été nommés et reconnus.
Après la période de ratification de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide par les Etats membres, au début des années cinquante, se posa la question du passage à l’effectivité judiciaire des incriminations à la fin de cette décennie puis durant les suivantes. En dépit d’une série de rapports des Nations Unies dont celui, en 1985, de Benjamin Whitaker, aucun progrès ne se réalisa sur ce plan. La force intrinsèque des nouvelles incriminations devait suffire compte tenu de la puissance dissuasive que leur existence était censée déployer. Il était pourtant fort illusoire, compte tenu de la réalisation méthodique et implacable d’exterminations telles celles des Arméniens de l’Empire ottoman, des Juifs d’Europe, mais aussi des Herero et des Nama du Sud-Ouest africain, des Ukrainiens durant l’Holodomor, des peuples indigènes à cette même époque, que l’invention de catégories juridiques nouvelles, même exceptionnelles au point de vue du droit, soit capable d’arrêter l’engrenage de la destruction humaine, intentionnelle et consciente.
Durant les décennies qui suivirent le Statut de Londres, les procès internationaux des responsables nazis et japonais et la Convention sur le crime de génocide, les cas potentiellement susceptibles d’être incriminés par ces catégories, loin de disparaître surtout pour le crime contre l’humanité, se multiplièrent, en particulier sur le continent africain dans le cadre des guerres de décolonisation. Les puissances occidentales n’y accordèrent que peu d’intérêt ou persistèrent dans le déni lorsque, pour plusieurs d’entre elles, elles furent belligérantes ou co-belligérantes dans ces guerres.
Au début de la décennie 1990 furent constatées difficilement les infractions contre le droit des gens commises en ex-Yougoslavie, en Europe, où il semblait impensable à l’entendement collectif que des crimes possiblement comparables à ceux de la Seconde Guerre mondiale puisse se reproduire. Puis vint l’extermination des Tutsi du Rwanda, encore plus difficilement qualifiée pénalement avant qu’un tribunal ne soit chargé de juger les infractions : alors que le génocide est constaté quelques jours après le déclenchement le 7 avril 1994 de la phase paroxysmique, la qualification d’ « actes de génocide » est pour la première fois retenue le 8 juin par une résolution du Conseil de sécurité, et le tribunal pénal pour le Rwanda (TPIR) est seulement créé le 8 novembre 1994 comme exposé précédemment.
Si, l’année précédente, un premier tribunal avait été créé par le Conseil de sécurité pour juger des crimes en ex-Yougoslavie –lequel a directement aidé à la création du TPIR-, force est de constater qu’en 45 ans nulle cour internationale permanente n’avait été instituée alors que sa création avait été recommandée par les fondateurs, en 1944-1948, des nouvelles incriminations de crime contre l’humanité et de crime de génocide. La mise en place des institutions de justice pénale internationale était indissociable des avancées du droit. Mais celui-ci fut jugé suffisamment puissant, capable de dissuader à l’avenir la commission de nouvelles infractions, pour que la communauté internationale s’en contente. Il est vrai aussi que l’entrée dans la guerre froide et la multiplication des guerres coloniales et de décolonisation handicapaient grandement la perspective de création des tribunaux internationaux jamais acquis dans le passé[6] – à l’exception de ceux de Nuremberg et Tokyo en 1945-1946.
A l’errance de la justice pénale internationale durant l’Entre-deux-guerres laissant le génocide des Arméniens sans reconnaissance juridique ni répression judiciaire, au renoncement collectif pour le projet de cour permanente après 1948 s’ajoute une indifférence de la connaissance publique sur les génocides bien que des recherches d’historiens[7] soient menées et que des initiatives de juristes et d’intellectuels soient lancées[8]. Les savoirs sont marginalisés dans l’action politique. La diplomatie des grandes puissances se désintéresse de la Convention de 1948. Le rapport Whitaker de 1985 constate cet abandon généralisé[9] qui affecte particulièrement le volet de la prévention, à savoir la possibilité d’agir quand s’enclenche le processus visant à la destruction qui est partie prenante du crime. Les alertes de génocide en cours au Rwanda contre la minorité tutsi sont lancées dès 1964. Elles augmentent et se multiplient, prenant une physionomie alarmante à partir d’octobre 1990, avec l’appui militaire français au régime rwandais –lequel encourage, déclenche et organise les massacres[10].
Face à la réalisation de la phase paroxysmique débutée le 7 avril 1994, les puissances mondiales et les Nations-Unies ont l’expérience de l’intervention en ex-Yougoslavie et de la création d’un premier tribunal pénal international. Encore fallait-il que la décision soit prise pour le Rwanda, impliquant en conséquence de mesurer la réalité des faits commis contre les Tutsi du Rwanda et leurs « complices » hutu démocrates jusqu’à accepter de les qualifier de génocide. Or, cette qualification fut lente, retardée et, il est possible d’en attester, combattu même par plusieurs des puissances membres permanents du Conseil de sécurité, dont la France et les Etats-Unis pour des raisons différentes. Et cela en dépit de l’insistance de membres temporaires dont la République et la Nouvelle-Zélande. Ce dernier pays présidait même le Conseil à l’époque, et ses appels à la reconnaissance des actes de génocide au Rwanda se faisaient nombreux, réguliers. Ils étaient d’autant plus crédibles et nécessaires qu’une masse d’informations, de rapports et de déclarations convergeait sur New York, sur Genève, documentant les chancelleries du monde entier. Mais celles-ci restaient résolues à ne pas qualifier en dépit de cette connaissance transmise. Les reconnaissances nationales furent tardives, à l’exception du Vatican puis de la France le 16 mai 1994 par la voix du ministre des Affaires étrangères Alain Juppé.
Or, et c’est une énigme qui a été depuis éclaircie[11], le gouvernement français renonce presque aussitôt à traduire dans les actes sa reconnaissance formelle du génocide des Tutsi. Il ne fait rien pour amener le Conseil de sécurité, dont la France est membre permanent, à se saisir du sujet du génocide et à qualifier l’anéantissement des Tutsi. La diplomatie française, sous l’autorité conjointe du président François Mitterrand et du Premier ministre Édouard Balladur, converge avec la position des Etats-Unis (pourtant réputés très hostiles à la France en Afrique) pour retarder le plus possible cette qualification par le Conseil de sécurité. Celle-ci est en revanche réclamée avec insistance par des membres temporaires dont la République tchèque et la Nouvelle-Zélande qui préside le Conseil de sécurité.
II. La justice pénale internationale face aux entreprises françaises de déni et de manipulation
Constatée par de nombreux experts indépendants puis des rapports d’instances onusiennes, attestée par la France dès le 16 mai 1994 avec la déclaration de Bruxelles du ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, la réalité du crime de génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda n’est formellement reconnue aux Nations Unies que le 8 juin. Adoptée par le Conseil de sécurité sur la base d’un rapport du Secrétaire général[12], la résolution 925 relève des « actes de génocide » au Rwanda. Mais l’Organisation ne se décide pas à agir, se contentant d’une seule mention suivie de généralités peu contraignantes en matière d’obligation de protéger et de répression de l’infraction relevée.
« Prenant note avec la plus vive préoccupation des informations suivant lesquelles des actes de génocide ont été commis au Rwanda et rappelant dans ce contexte que le génocide constitue un crime qui tombe sous le coup du droit international,
Condamnant de nouveau énergiquement la violence qui se déchaîne au Rwanda, et en particulier le massacre systématique de milliers de civils,
profondément indigné que les auteurs de ces massacres aient pu opérer impunément à l’intérieur du Rwanda et continuent de le faire. »[13]
Or, ces actes de génocide ainsi constatés, il est du devoir de l’Organisation d’agir en conséquence. La résolution prévoit de ce fait un renforcement de la mission militaire des Nations Unies qui prend le nom de MINUAR II. La France ne donne pas suite à la demande de participation qui lui est adressée. Le Front patriotique rwandais ne le souhaite pas, craignant une partialité de contingents d’un pays allié au régime devenu génocidaire, contre lequel il lutte militairement au même moment.
L’avènement de la qualification, débuté en France le 16 mai 1994 et à New York le 8 juin, est contrecarré le 22 juin par la résolution 929 par laquelle le Conseil de sécurité autorise la France à agir au Rwanda sur un plan militaire et humanitaire. L’opération Turquoise a pour objectif l’arrêt des massacres et non l’intervention contre le génocide des Tutsi qui n’est pas mentionné dans la résolution.
« Profondément préoccupé par la poursuite des massacres systématiques et de grande ampleur de la population civile au Rwanda, 94-26028 (F) /… S/RES/929 (1994) Conscient de ce que la situation actuelle au Rwanda constitue un cas unique qui exige une réaction urgente de la communauté internationale, Considérant que l’ampleur de la crise humanitaire au Rwanda constitue une menace à la paix et à la sécurité dans la région ».[14]
La résolution du 22 juin se contente de mentionner le « cas unique » formé par ces massacres, où l’on peut lire implicitement un rappel du constat d’actes de génocide. Mais en l’absence de nomination, on est fondé à conclure sur un recul des Nations Unies engagées dans la répression du crime de génocide sur la base de la Convention, contraignante, du 9 décembre 1948. Ce recul est d’autant plus préoccupant que l’opération militaro-humanitaire accordée à la France dispose du chapitre VII ouvrant la voie à des actions armées contre les auteurs des massacres. Le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda, dès lors qu’il bénéficiait d’une reconnaissance explicite dans la résolution, était susceptible d’être stoppé sans délai.
Cette confusion dans l’exposé de la réalité, résultant des pressions de Paris sur le Conseil de sécurité, empêche les militaires français sur le terrain d’identifier un théâtre de génocide. Ils y parviennent pourtant très rapidement pour nombre d’entre eux, les plaçant dans une situation de tension avec la hiérarchie militaire elle-même sous pression des autorités politiques. La vision, très erronée, d’une situation au Rwanda de « massacres interethniques », continue de s’imposer au sommet de l’Etat[15].
Les exactions du Front patriotique rwandais qui combat militairement les génocidaires, exactions sans commune mesure avec celles perpétrées dans la zone gouvernementale, sont volontairement élevées au niveau des massacres du gouvernement intérimaire (GIR) formé à Kigali au lendemain de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana. On en a pour exemple les assertions du chef d’état-major des Armées lors du conseil restreint de défense du 13 avril qui suit immédiatement l’attentat[16]. L’évidence de « maquis tutsi » au Rwanda, la certitude des entreprises criminelles du FPR à l’encontre des populations civiles sont prédominantes au sein de l’exécutif français. Les massacres qui leur sont attribués sont jugés de même nature que les crimes perpétrés dans la zone gouvernementale. Bien que cette vision soit contredite par les nombreuses informations[17] qui attestent de massacres massifs et systématiques perpétrés sous l’autorité du gouvernement intérimaire, qu’elle soit même vigoureusement combattue par l’ambassadeur Yannick Gérard délégué auprès de l’opération Turquoise, elle domine à la présidence de la République, contamine le Premier ministre et son gouvernement. Elle explique la très étrange formulation de la résolution du 22 juin, en contradiction avec les renseignements convergents sur le génocide et son ampleur.
L’ennemisation[18] du FPR, l’obsession d’une menace tutsi globale (le « lobby tutsi ») sont l’héritage de la politique française au Rwanda depuis octobre 1990, et celle-ci ne se modifie qu’avec l’action sur le terrain de diplomates comme Yannick Gérard ou d’officiers tels les lieutenant-colonels Jean-Rémy Duval et Eric de Stabenrath et le colonel Sartre. Mais l’opération Turquoise a des ordres clairs. Alors que le FPR est la seule armée à s’opposer au génocide, elle ouvre le feu à plusieurs reprises contre ses unités pénétrant dans la zone humanitaire sûre (ZHS). Aucune opération militaire de cette nature n’est dirigée contre les forces armées rwandaises (FAR) perpétrant en grande majorité le génocide. Leur désarmement est contesté par l’autorité politique, leur arrestation préventive par les forces françaises est interdite et leur passage au Zaïre, autorisé et favorisé. Près de 30 000 FAR et miliciens de regroupent au Kivu, bénéficient d’un réarmement de la part du régime du général Mobutu, et ils entreprennent de massacrer des Tutsi congolais, des Tutsi rwandais exilés, des Congolais rwandophones assimilés à des complices, et des Tutsi banyamulenge. Le génocide se déplace vers le Zaïre et la France en est très largement responsable.
Au Rwanda dans la zone Turquoise, la dissuasion opérée au sol par les troupes françaises, en particulier dans la zone nord, fait cesser l’extermination des Tutsi encore survivants. Faute de se saisir des présumés coupables, des informations sur leur culpabilité sont collectées par les commandants. De nouvelles tensions éclatent entre Paris et les forces Turquoise à propos de la rétrocession de la zone aux nouvelles autorités de Kigali issues de la victoire du FPR. Finalement, après avoir mobilisé les moyens médicaux de la Bioforce pour briser l’épidémie de choléra décimant les réfugiés hutu massés dans la zone, les militaires français quittent le Rwanda le 21 août. Un communiqué commun Elysée-Matignon du 19 surjoue le succès de l’opération, mais reste silencieux sur la réalité du génocide des Tutsi.
Ce départ de la France du Rwanda ne signifie pas la fin de l’activisme français pour imposer internationalement un rapport de force politique – favorable aux anciens alliés pourtant responsables du génocide et défavorable au FPR pourtant principale force de lutte contre les génocidaires-. La présidence de la République et plusieurs ministères accueillent à Paris des délégations du gouvernement intérimaire. Le représentant du Rwanda au Conseil de sécurité comme membre temporaire, lui aussi affilié au GIR, montre une grande proximité avec la France durant les mois d’avril et de mai 1994[19].
Alors que s’achève l’opération Turquoise, en tout cas sa phase française puisque ses contingents sont remplacés par des troupes de nations africaines, la France s’implique contre toute attente dans la création du tribunal pénal international qui sera chargé de juger le génocide, pour la première fois comme il a été déjà dit. La contradiction, puisque l’exécutif français se tient très éloigné d’une quelconque reconnaissance –la déclaration d’Alain Juppé est rapidement infirmée- n’en est plus une depuis le rapport de la Commission de recherche. Celui-ci a effet démontré que les diplomates français, à la demande de leur gouvernement, se sont mobilisés dans cette création, non pour donner au TPIR les moyens juger mais au contraire pour les limiter.
Les faits sur lesquels le tribunal est autorisé à se pencher ne peuvent remonter au-delà du 1er janvier 1994, ce qui empêche toute instruction sur la période durant laquelle la France est massivement présente au Rwanda, sur un plan politique, militaire et financier. Cependant, disjoindre la phase paroxysmique d’un génocide de sa phase préparatoire le vide de sa réalité : tout génocide reconnu, comme celui perpétré contre les Tutsi au Rwanda, ne peut se séparer du processus génocidaire qui l’explique. Or c’est qui se produit le 8 novembre avec la création du TPIR le 8 novembre 1994 par la résolution 955 du Conseil de sécurité. La diplomatie française s’applique aussi à réserver la possibilité de juger d’un crime de génocide des Hutu qu’aurait commis le FPR, une thèse à laquelle semblent tenir les autorités de la France, puisque la période de référence va jusqu’au 31 décembre 1994. Enfin, à la date précise de création du TPIR, la justice pénale internationale subit de la part de la France, représentée par le chef de l’Etat, un violente et intentionnelle dénégation.
Ce 8 novembre 1994, en effet, est aussi le jour du discours de François Mitterrand au sommet franco-africain à Biarritz. Ce discours prend un relief particulier dans la mesure où il ouvre l’ultime rencontre d’un président très africain avec l’Afrique. Il a valeur de testament d’un dirigeant français après 14 ans de politique présidentielle en Afrique, et même après 44 ans d’action sur le continent. Ses déclarations relatives aux événements du Rwanda peuvent éclairer la manipulation opérée sur le TPIR.
« En vérité, vous le savez, aucune police d’assurance internationale ne peut empêcher un peuple de s’autodétruire, et on ne peut pas demander non plus l’impossible à la communauté internationale, et encore moins à la France tant elle est seule, lorsque des chefs locaux décident délibérément de conduire une aventure à la pointe des baïonnettes ou de régler des comptes à coup de machettes. Après tout, c’est de leur propre pays qu’il s’agit. Cela n’excuse rien, et même aggrave, mais comment serions-nous juge ou arbitre ? Ce n’est pas tant à la communauté internationale que ces fauteurs de guerre doivent rendre des comptes, mais avant tout à leur peuple, à leurs propres enfants, et je crains dans certains cas le jugement de l’histoire[20]. »
Comme on le constate, le génocide des Tutsi n’est pas mentionné dans le discours ni même reconnu. François Mitterrand modifie sa position au cours de la conférence de presse qui suit, en parlant cette fois de génocide qu’il conjugue cependant au pluriel[21]. Dans son discours cardinal, le président français s’en tient à la qualification de massacres. Il suggère l’équivalence des massacres et donc potentiellement le devoir de réprimer et juger indistinctement des auteurs hutu et tutsi voir de requalifier de tels massacres à l’instigation du FPR en actes de génocide. Le choix de la date du 31 décembre 1994 comme terme de la compétence du TPIR peut davantage le permettre qu’une date comme le 4 juillet ou du 17 juillet marquant la fin du génocide.
Il est à noter aussi que les nouvelles autorités du Rwanda ne sont pas invitées à participer au sommet. Elles ne sont pas dupes des manœuvres de la France au Conseil de sécurité pour détourner le TPIR de sa mission première. Dans un article du New York Times signalé par l’ambassade de France aux États-Unis, le chef militaire du FPR et ministre de la Défense Paul Kagame explique pourquoi le Rwanda votera contre la création du tribunal : « Le fait que le tribunal ne soit pas compétent pour la période antérieure au 1er janvier 1994 protégera ceux qui ont planifié le génocide, ainsi que les Français qui sont “complices” du génocide. » Il ajoute qu’un jour « nous devrons accuser les Français d’avoir été impliqués dans le génocide[22] ».
Des accusations de complicité des autorités françaises ont été régulièrement formulées, en France par des militants et des chercheurs engagés. Des plaintes en ce sens ont été déposées, notamment par l’association Survie[23]. Le gouvernement du Rwanda a envisagé de lancer des mandats d’amener, sur la base des faits établis par le rapport Mucyo, contre trente-trois responsables françaises susceptibles d’être impliqués dans le génocide. Il s’est agi en particulier de riposter à l’instruction du juge Bruguière et aux mises en accusation qui s’en sont suivies de hauts responsables du FPR pour de présumées responsabilités dans l’attentat ayant coûté la vie aux présidents rwandais et burundais et à trois citoyens français[24]. Le nouveau cours des relations entre la France et le Rwanda à partir de la publication des rapports Duclert et Muse a conduit le Rwanda à renoncer aux accusations de complicité et aux mandats d’amener qu’elles impliquaient. Une lettre du ministre rwandais de la Justice à son homologue français a formalisé cette décision. Celle-ci n’empêche toutefois pas des parties civiles à continuer d’agir en justice pour demander réparation d’une telle infraction, par des plaintes contre X ou contre des personnes désignées. Aucune de celles qui ont été déposées n’ont abouti à des procès. Plusieurs non lieux à l’inverse ont été prononcés, clôturant des instructions comme celles portant sur les faits relatifs à Bisesero lors de l’opération Turquoise.
Si le volet de la complicité pour crime de génocide ne semble pas trouver d’avenir, faute d’éléments incriminants et du fait de la relative complexité de la notion de complicité en droit[25], celui de la culpabilité directe progresse avec des procès toujours plus nombreux de génocidaires suivis de lourdes condamnations, devant les juridictions internationales et nationales. Elles s’accompagnent de progrès dans le renforcement de l’arsenal judiciaire de la lutte contre les crimes de génocide. Ce mouvement atteste de la place qu’occupe le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda, pas seulement dans la connaissance notamment historique, mais aussi dans la répression des crimes de génocides – en attendant leur prévention.
III. Répression et prévention du crime de génocide. D’impossibles avancées internationales ?
La justice internationale s’exprime dans le TPIR créé le 8 novembre 1994. En dépit de cette institution tardive et de la limitation de son champ d’investigation, le tribunal a le mérite d’exister, et de juger spécifiquement, pour la première fois dans l’histoire des crimes de génocide. Plusieurs procès et condamnations décisives marquent son histoire, ainsi que l’émission d’un constat judiciaire inédit dans les annales judiciaires[26]. Un « Mécanisme » ou « petite entité efficace à vocation temporaire », est entré en fonction le 1er juillet 2012, afin de prolonger l’activité le tribunal dans la perspective de sa fermeture, effective le 31 décembre 2015. Ce Mécanisme a été chargé de la mise en accusation, de l’instruction et du procès de Félicien Kabuga, arrêté à Asnières en France, suspecté d’avoir pris une part très importante dans le financement, l’organisation et la planification du génocide. En raison de la santé défaillante du prévenu constatée par la cour, le procès a été suspendu. Il est très vraisemblable qu’il ne reprendra plus compte tenu de la dégradation probable de son état. Félicien Kabuga ne sera jamais jugé. L’action du TPIR s’achève sur une impasse définitive, provoquant incompréhension chez les juristes et douleur chez les victimes. Il n’est même pas certain que la cour choisisse la solution d’un réquisitoire définitif permettant d’établir l’entièreté des charges portant sur le prévenu. Les grands procès instruits par le TPIR demeureront toutefois[27]. Les ressources qu’ils ont produites en termes de connaissance doivent faire l’objet, selon les déclarations récentes[28], d’une valorisation sous forme d’une institution internationale dédiée au savoir et à sa transmission. Le TPIR survivrait à travers elle, s’incarnant dans cette dimension heuristique et mémorielle indispensable à la recherche de la vérité et à la connaissance de la justice.
Distincts du TPIR bien qu’en étant à l’origine par sa résolution 955 du 8 novembre 1994, les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies s’efforcent sans convaincre, à plusieurs reprises, de tirer les enseignements de l’échec de l’ONU lors du génocide des Tutsi au Rwanda.
Ils le font d’abord, en 2000, sur la base du rapport de la Commission d’enquête indépendante[29] confié par le Secrétaire général à un ancien Premier ministre suédois, Ingvar Carlsson. « Nous avions la responsabilité d’agir et nous n’avons pas su le faire », s’est-il exprimé le 14 avril[30]. Il en ressort, selon le communiqué des Nations Unies, que son échec au Rwanda est essentiellement dû « à l’insuffisance de ressources et de volonté politique. M. Carlsson a appelé les Etats Membres à prendre cette question très au sérieux car l’ONU est la seule organisation qui peut apporter une légitimité mondiale au maintien de la paix. Le véritable défi consiste à tenir compte des enseignements que l’on peut tirer de la tragédie au Rwanda pour la planification, au jour le jour, des activités de maintien de la paix. C’est pourquoi, la Commission d’enquête recommande au Secrétaire général de mettre en place un plan de prévention spécifique du génocide, envisageant notamment toutes les mesures concrètes qui pourraient être prises.[31] »
La discussion des membres du Conseil insiste sur les « erreurs » des Nations Unies, sur leur « échec », formulant des préconisations très générales[32] et n’allant pas jusqu’aux conclusions qui s’imposeraient face au constat d’un offensive militaire possible sur les génocidaires[33].
Le représentant des Pays-Bas salue « le Ghana et la Tunisie qui ont autorisé leurs troupes à rester au Rwanda tout au long des terribles semaines du génocide, en dépit du retrait d’autres contingents. » Un certain nombre d’enseignements doivent être tirés de ce rapport, poursuit Peter van Walsum. « Il faudrait tout d’abord ne pas traiter un processus de paix comme un impératif d’une plus grande valeur que le sort des populations concernées. Il conviendrait également de ne pas s’accrocher à un processus de paix qui a cessé d’être pertinent. Il faudrait par ailleurs prêter une plus grande attention aux NGO, la plupart d’entre elles disposant d’une richesse d’informations actualisées sur le terrain. Une quatrième leçon à tirer ce de rapport est que l’impartialité n’est pas une vertu dans une situation de génocide. »
Le représentant français relève que l’occasion qui est donné par ce débat de « réfléchir aux enseignements à tirer du génocide rwandais, car il faut faire en sorte que l’Organisation ne reste, plus jamais, inactive ou impuissante face à de telles tragédies. » Jean-David Levitte insiste. « Ayons ensemble le courage de regarder la vérité en face ». Toutefois, à cette époque, il est impensable d’envisager que l’effort de vérité puisse s’intéresser au rôle de la France au Rwanda et même touche aux responsabilités françaises au Rwanda. Jean-David Levitte qualifie d’ « injustifiées » les critiques adressées à l’opération Turquoise, se demandant « s’il fallait vraiment encore une fois rester les bras croisés ».
En 2005, lors du Sommet mondial des Nation Unies, est affirmée la responsabilité de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité. La responsabilité de protéger (ou « R2P ») s’articule sur « trois piliers égaux » : la responsabilité de chaque État de protéger ses populations (pilier I); la responsabilité de la communauté internationale d’aider les États à protéger leur population (pilier II) ; et la responsabilité de la communauté internationale de protéger lorsque, manifestement, un État n’assure pas la protection de sa population (pilier III). « L’adoption du principe en 2005 a constitué un engagement solennel qui incluait l’espoir d’un avenir sans ces crimes », souligne l’organisation qui reconnaît à cette date l’échec de l’obligation[34].
Pour les vingt ans du génocide des Tutsi, le Conseil de sécurité prend à nouveau l’initiative. « Soucieux de renforcer la coopération internationale pour faciliter la prévention et la répression promptes de ce crime », il demande aux États membres, lors d’une séance publique commémorative, de « s’engager à nouveau à prévenir et à combattre le génocide, ainsi que les autres crimes graves définis par le droit international[35] ». Par la résolution 2150 adoptée à l’unanimité, le Conseil souligne qu’il importe de tirer les leçons du génocide. La résolution condamne « sans réserve » toute négation de ce génocide et invite instamment les États Membres à se donner des programmes éducatifs pour « graver dans l’esprit des générations futures les leçons du génocide, le but étant d’en prévenir d’autres dans l’avenir ».
« Si la communauté internationale avait aujourd’hui à sa disposition, comme c’était le cas en 1994, des informations décisives, agirait-elle de manière différente? », s’interroge le représentant du Rwanda, Eugène-Richard Gasana, qui met très directement en cause le manque de volonté politique à la fois des membres permanents du Conseil et du Secrétariat de l’ONU de l’époque. L’ancien représentant permanent de la Nouvelle-Zélande s’exprime, avouant « l’atroce responsabilité de présider le Conseil de sécurité qui avait refusé de reconnaître qu’un génocide était en train d’être perpétré contre les Tutsis au Rwanda et échoué ainsi à s’acquitter de sa responsabilité de renforcer la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) pour protéger le plus de civils possible ». Colin Keating présente officiellement ses excuses pour l’impuissance du Conseil de sécurité à agir, en souhaitant qu’elles soient « mentionnées dans le procès-verbal de la séance ». Avec le recul, ajoute-t-il, la décision prise par le Conseil, le 21 avril 1994, de réduire les effectifs de la MINUAR, s’apparente à un « cadeau naïf » accordé aux génocidaires à Kigali. Pour que la communauté internationale, par le biais du Conseil de sécurité, puisse assumer cette responsabilité en cas d’échec d’un État à protéger sa propre population civile, la France, annonce son représentant, prépare un « code de conduite volontaire des cinq membres permanents », qui aura pour objectif de limiter l’usage du droit de veto en cas de génocide et de crimes graves. « Nous le devons, notamment, au peuple syrien », déclare Gérard Araud. A cette date toutefois, il n’est pas davantage envisageable, pour les autorités françaises, de considérer des responsabilités nationales dans le génocide des Tutsi. Cette position, qui relève du tabou de l’Etat sur lui-même, se fige pour trente années.
IV. Le génocide des Tutsi et l’obligation de juger
La réalisation d’un génocide dont le monde, théoriquement, s’était prémuni, a conduit des pays, individuellement, à s’engager dans la voie de sa répression judiciaire – faute d’avoir agi préventivement. Ce choix a déterminé un double caractère d’exemplarité, à la fois parce que la catégorie du crime de génocide état généralement neuve dans les codes pénaux nationaux et parce que la justice rendue par les tribunaux nationaux était conditionnée à l’adoption d’un principe de compétence universelle. Celui-ci avait été autorisé par l’Organisation des Nations Unies, soucieuse d’autoriser des Etats à juger les génocidaires dont le nombre présumé excédait les possibilités de la juridiction internationale. Par la loi du 22 mai 1996, la France se dotait de la compétence universelle en relation directe avec l’activité du TPIR. C ‘est l’objet de son article 1.
« Pour l’application de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies du 8 novembre 1994 instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda, ainsi que les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d’Etats voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994, la France participe à la répression des infractions et coopère avec cette juridiction dans les conditions fixées par la présente loi.
Il en est de même pour l’application de la résolution 1966 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies du 22 décembre 2010 instituant un mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux.
Les dispositions qui suivent sont applicables à toute personne poursuivie à raison des actes qui constituent, au sens des articles 2 à 4 du statut du tribunal international, des infractions graves à l’article 3 commun aux conventions de Genève du 12 août 1949 et au protocole additionnel II auxdites conventions en date du 8 juin 1977, un génocide ou des crimes contre l’humanité. »
Toutefois, le premier procès à avoir lieu dans ce cadre n’intervient qu’en 2014. Il concerne le capitaine Pascal Simbikangwa, attaché à la présidence rwandaise avant le génocide, actif dans sa préparation comme dans sa réalisation, arrêté sur le territoire français à Mayotte pour trafic de faux papiers, visé en février 2009 par une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), mis en examen le 16 avril 2009 « pour génocide et complicité et conspiration de génocide, crime organisé », et transféré en métropole le 18 novembre. Son procès est le premier à devoir juger un crime de génocide, et le quatrième pour un crime contre l’humanité, avec ceux intentés à Klaus Barbie, Paul Touvier et Maurice Papon. À ce titre, il est intégralement filmé pour les besoins de la recherche scientifique et de la mémoire historique[36]. Il est aussi le premier à bénéficier de l’action du pôle « Crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre »), dont le parquet, dirigé par la procureure Aurélia Devos[37], conduit l’accusation. L’enquête judiciaire a été menée par un autre nouvel organisme, l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre (OCLCH), créé le 5 novembre 2013, rattaché à la gendarmerie nationale, et agissant lui aussi dans le cadre de la compétence universelle. L’Office inaugure son existence avec le cas Pascal Simbikangwa.
Le procès s’ouvre le 4 février 2014. Les faits sont requalifiés par la cour en « complicité de génocide à auteur et instigateur de ce génocide ». La défense oppose la vacuité des preuves directes et constate l’absence de témoins directe à la barre. La cour d’assises de Paris, formée de jurés ordinaires, condamne le 14 mars 2014 Pascal Simbikangwa à 25 ans de prison, coupable de génocide et de complicité de crime contre l’humanité. Un plan concerté d’extermination des victimes désignées et son application sont relevés dans l’arrêt statuant sur « l’efficacité d’une organisation collective reposant nécessairement sur un plan concerté ». Après l’appel formé par les avocats le 18 mars, un nouveau procès débute le 27 octobre 2016, suivi d’une nouvelle condamnation et d’une peine identique. En rejetant le pourvoi de Pascal Simbikangwa, la Cour de cassation rend sa condamnation définitive.
Ce premier procès découle comme il a été dit des dispositions permises par la justice pénale internationale et adoptées par la France. La demande d’extradition formée par le Rwanda se heurte à ce cadre établi, ainsi que l’incompatibilité du droit rwandais avec le droit français qui récuse la peine d’isolement carcéral dont le prévenu est menacé. Toutefois Bruno Sturlese, second procureur au premier procès Simbikangwa, tient à préciser qu’il est « hors de question que la France reste un sanctuaire pour les génocidaires, à partir du moment où on a refusé d’extrader au Rwanda ce Rwandais qui était accusé de crimes contre l’humanité[38] ». Quant au Rwanda, heurté par cette décision dans un contexte de plus de grave détérioration des relations entre les deux pays[39], il reproche à la France, par la voix de son président, « les compromissions du passé ». Paul Kagame, répondant à la journaliste de Libération Maria Malagardis, aborde le sujet d’une possible complicité de la France (et de la Belgique) dans la préparation du génocide[40]. Toutefois, par application du cadre dressé par le TPIR –et largement par la France comme il a été également précisé-, il n’est pas légalement possible à la justice française d’instruire des faits antérieurs au 1er janvier 1994.
Malgré la crise diplomatique aigüe entre la France et le Rwanda, les procès en cour d’assises se multiplient. Par un communiqué du 5 avril 2019 anticipant la 25e commémoration du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda, le président Emmanuel Macron, « très attaché à la lutte contre l’impunité et au fonctionnement efficace de la justice, » annonce « le renforcement des moyens du pôle du Tribunal de Grande Instance chargé du traitement des procédures relatives au génocide des Tutsi au Rwanda et l’augmentation des effectifs de police judiciaire, afin que les génocidaires présumés faisant l’objet de poursuites puissent être jugés dans un délai raisonnable.[41] » Sont annoncés également la dévolution de nouveaux moyens à la recherche[42] et la création d’une commission d’historiens ayant accès à l’ensemble des archives d’État avec un rapport demandé sous deux ans[43]. La « mise en œuvre de ces engagements », explique Emmanuel Macron, doit « réunir les conditions pour l’expression d’une vérité historique et consacrer la place du génocide des Tutsi dans la mémoire collective française ». Le même objectif est formulé dans la lettre de mission adressée le même jour au président de la commission d’historiens, le professeur Vincent Duclert, et à ses premiers collègues mobilisés[44].
Entre temps, le cadre de la compétence universelle a été modifié en France[45] par une loi de 2010[46]. Une mise au point du 12 mai 2023 de la Cour de cassation relative aux « crimes commis en Syrie[47] » fixe l’état de la « Compétence universelle de la justice française » :
« Art. 689-11 du code de procédure pénale
Si elle réside habituellement sur le territoire de la République, toute personne peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises lorsqu’elle est soupçonnée d’avoir commis à l’étranger l’une des infractions suivantes :
le crime de génocide défini dans le code pénal ;
les autres crimes contre l’humanité définis dans le code pénal, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou si cet État ou l’État dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention de Rome de 1998 ;
les crimes et délits de guerre définis dans le code pénal, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou si cet État ou l’État dont la personne soupçonnée a la nationalité est partie à la convention de Rome de 1998. »
En dépit des restrictions à la compétence universelle des tribunaux nationaux, le rôle répressif de la justice –aux côtés de sa fonction pédagogique- s’affirme. Comme l’a souligné en mars 2024 l’ancienne vice-procureure au pôle « Crimes contre l’humanité » Aurélia Devos, les présumés coupables de génocide vivent désormais dans l’inquiétude dès lors qu’ils résident en France[48]. Lors des Rencontres internationales du livre francophone du Rwanda portant sur « Littérature, histoire, justice », il a été évoqué à plusieurs reprises le cas non tranché et même non examiné de la possible complicité des autorités françaises dans le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda. Le président de la Commission de recherche, dont le rapport a écarté la complicité, a indiqué la démarche des historiens constatant l’absence de sources susceptibles de démontrer « une volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire ». « Rien dans les archives consultées ne vient le démontrer », écrit le rapport du 26 mars 2024. Vincent Duclert a précisé que cette appréhension de la complicité par les historiens est restrictive, qu’elle n’entre pas dans le domaine du droit, et que les magistrats comme les parties civiles sont libres de qualifier les « responsabilités, lourdes et accablantes », par ailleurs énoncées en conclusion du travail de recherche. Si rien ne s’est produit de la sorte depuis la publication du rapport, est-ce à signifier qu’il n’y a pas matière à agir, compte tenu aussi de la nécessité de ne retenir que les faits allant du 1er janvier au 31 décembre 1994 ? Cette restriction demeure contradictoire à la définition juridique du crime de génocide telle que la formule la Convention de 1948, dont la France est notamment signataire, et qui fait de la préparation de l’infraction un élément constitutif de cette dernière.
*
Le retour au texte de la Convention et à l’œuvre de Raphael Lemkin a fondé la conférence du Panthéon du 12 septembre 2023, inscrite dans le programme du colloque international « Savoirs, sources et ressources sur le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda. La recherche en acte ». La 30e commémoration du génocide des Tutsi sera savante ou ne sera pas. Elle suppose une mobilisation de la recherche, des entreprises collectives, une histoire ouverte qui ne peut appartenir à tel ou tel chercheur revendiquant un droit de propriété sur le sujet au risque d’en affaiblir même la portée scientifique.
La « Conférence Raphael Lemkin » du Panthéon se veut à cet égard une étape importante dans la recherche en acte, par le fait même qu’elle a pu se tenir dans un pays longtemps dominé par un déni officiel et des discours négationnistes, et par la qualité de cette recherche croisée France-Rwanda. Celle-ci a été imaginée un jour de juin 2021 sur le campus de l’université du Rwanda à Huye-Butare, lors du voyage de fin de mission de la Commission Duclert au Rwanda qui était reçue par ses homologues rwandais.
Cette « Conférence Raphael Lemkin » du 12 septembre 2023 pendant la session de Paris du colloque international, pensée à l’origine comme un événement unique au sein d’une institution de premier plan, le Panthéon, s’est depuis transformée en une conférence annuelle. Elle est inaugurée à Montpellier, sous l’égide de l’Institut universitaire Maïmonide Averroès Thomas d’Aquin et l’Équipe de recherche « Processus génocidaires, génocides et prévention ». Comme pour la conférence du Panthéon de 2023, la « Conférence Raphael Lemkin » pour l’année 2024 porte sur la « connaissance et reconnaissance de l’histoire, du passé au présent ». Elle s’inscrit dans le cadre de la 30e commémoration du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda et des suites nécessaires de la recherche[49]. La recherche collective n’a pas faibli depuis les avancées du printemps 2021. La première « Conférence Raphael Lemkin » s’incarne désormais dans la publication des communications présentées le 12 septembre 2023 au Panthéon. Le dossier qui suit forme une partie intégrante des actes des deux sessions du colloque international 2022-2023. Mais il possède son unité autour de l’enjeu de la justice internationale, dimension essentielle de protection des droits des personnes et de l’obligation de protéger les populations menacées. Longtemps restées théoriques, ces dimensions ont pris un caractère d’urgence et de nécessité avec le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda.
[1]. Le programme complet est accessible sur le carnet de recherche cirre.hypotheses.org.
[2]. Désormais, Commission de recherche, ou Commission Duclert. Son rapport est disponible sur le site vie-publique.fr depuis le 26 mars 2021 et a été aussitôt publiée par les éditions Armand Colin : La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi. Rapport de la Commission de recherche au président de la République, sous la présidence de Vincent Duclert (complété par : « Annexe méthodologique » et « État des sources », site : vie-publique.fr / Rwanda).
[3]. Voir la Base de données de droit humanitaire international (DIH) créée par le CICR (https://ihl-databases.icrc.org/fr/ihl-treaties/ictr-statute-1994#:~:text=8%20novembre%201994-,Statut%20du%20Tribunal%20pénal%20international%20pour%20le%20Rwanda%2C%208%20novembre,création%20d’un%20tribunal%20international.).
[4]. https://unictr.irmct.org/fr/documents (Nations Unies. Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux : site héritage du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Depuis la fermeture du TPIR le 31 décembre 2015, le Mécanisme maintient ce site Internet en ligne dans le cadre de sa mission de préservation de l’héritage des Tribunaux pénaux internationaux. »).
[5]. Le site du TPIY précise, en commentaire de l’extrait de la résolution de création, ce qui suit : « Les récits des massacres de milliers de civils, des viols et des tortures commis dans les camps de détention, les scènes terribles de villes assiégées et les souffrances de centaines de milliers de personnes chassées de leur domicile, ont conduit l’ONU à former, à la fin de l’année 1992, une commission d’experts chargée d’évaluer la situation sur le terrain. Dans son rapport, celle-ci a confirmé que des crimes atroces avaient été commis et fourni au Secrétaire général des preuves d’infractions graves aux Conventions de Genève et d’autres violations du droit humanitaire international. Les conclusions de la commission d’expert ont amené le Conseil de sécurité à créer un tribunal international chargé de juger les personnes présumées responsables de ces crimes afin de mettre un terme à la violence et de préserver la paix et la sécurité internationales. Le 25 mai 1993, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 827 portant création du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, également appelé TPIY. Cette résolution contenait le Statut du TPIY définissant sa compétence et son organisation, ainsi que ses principales règles de procédure. Premier tribunal pour crimes de guerre créé par les Nations Unies, il est aussi le premier tribunal international à connaître de tels crimes depuis les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. La date de sa création a marqué le début de la fin de l’impunité pour les responsables des crimes de guerre commis en ex-Yougoslavie. » (https://www.icty.org/fr/le-tribunal-en-bref/le-tribunal/la-creation-du-tribunal#:~:text=Le%2025%20mai%201993%2C%20le,ses%20principales%20r%C3%A8gles%20de%20proc%C3%A9dure.)
[6]. Bien que prévus par la conférence de la paix
[7]. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, Chicago, Quadrangle Books,1961 (traduction française, Fayard, Gallimard coll. « Folio »).
[8]. Cf. Albert Camus, Œuvres complètes, III, nouvelle édition, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2008, p. 947.
[9]. Vincent Duclert, Thomas Hochmann, Raymond H. Kévorkian, Chantal Morelle, Etienne Rouannet, Françoise Thébaud, Sandrine Weil, « La recherche en acte : mobiliser la connaissance, renforcer la prévention. Sur le projet de Centre international (CIRRE) », in « Le génocide des Tutsi du Rwanda. Devoir de recherche et droit à la vérité », Le Genre humain, sous la direction de Vincent Duclert, préface de Joseph Nsengimana, postface de Liberata Gahongayire, n° 62, mars 2023, p. 249-260.
[10]. Cf. La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi, op. cit. Le rapport de la Commission de recherche inclut et analyse de nombreux documents d’archives publiques et des rapports d’experts (dont celui de la FIDH présenté au journal télévisé national d’Antenne 2, le 28 janvier 1993, plus d’un an avant le déclenchement de la phase paroxysmique du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda, par l’un des membres de la mission internationale d’enquête, Jean Carbonare). La recherche que j’ai poursuivie sur la France, le Rwanda et le génocide des Tutsi, à titre de chercheur ordinaire et non plus de président de la Commission de recherche, aboutissant à l’ouvrage publié en janvier 2024, La France face au génocide des Tutsi. Le grand scandale de la Ve République (Paris, Tallandier), mène une étude systématique des ces alertes en provenance des services de l’Etat, des parlementaires français, et de l’expression publique dans toutes ces dimensions. A cela s’ajoutent les alertes des Nations Unies et de nations comme la Belgique ou l’Ouganda.
[11]. Cf. La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi, op. cit.
[12]. Boutros Boutros-Ghali. Rapport en date du 31 mai 1994 (S/1994/640).
[13]. https://digitallibrary.un.org/record/197578?ln=fr&v=pdf
[14]. https://documents.un.org/doc/undoc/gen/n94/260/28/pdf/n9426028.pdf?token=xx5AA1Pjw6qaHuBGmP&fe=true
[15]. Nous renvoyons ici au rapport de la Commission de recherche et à notre étude, La France face au génocide des Tutsi, op. cit.
[16]. La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi, op. cit., p. 392.
[17]. Des informations émanant tant des agents civils et militaires français que des envoyés des Nations Unies, des représentants ONG et des journalistes reporters sur le terrain qui prennent tous les risques pour documenter et alerter
[18]. Cf. La France face au génocide des Tutsi, op. cit., p. 349 et suiv.
[19]. Ibid., p. 432.
[20]. Ibid., p. 291-292.
[21]. Ibid., p. 292.
[22] Cité in La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi, op. cit., p. 645-646 (TD Washington 3226, 8 novembre 1994).
[23]. Site Survie.
[24]. Depuis, l’instruction Bruguière a été infirmée par l’instruction Poux-Trévidic, débutée en débutée en 2011. Après un déplacement des magistrats sur le site de l’attentat, l’enquête a abouti un rapport très documenté, sur la base d’expertises techniques, aéronautique, topographique, acoustique et balistique, et d’interrogatoires de témoins. Les magistrats concluent que les deux missiles qui ont abattu le Falcon 50 ont été tirés depuis le camp militaire de Kanombe, contrôlé par la garde présidentielle. Le rapport démontre que les missiles ne peuvent avoir été tirés depuis la ferme de la colline de Masaka occupée par les forces militaires du FPR
[25]. Elle s’éclaircit. Cf. Anne-Laure Chaumette (colloque Paris II, 1er février 2024)
[26]. 16 juin 2009.
[27]. Dont le procès des médias, cf. Jean-Pierre Chrétien, Combattre un génocide, Bordeaux, Le Bord de l’eau, 2024.
[28]. Colloque Paris II, 1er février 2024.
[29]. Constituée en mai 1999, la Commission a eu pour mandat d’enquêter sur les actions de l’ONU dans son ensemble. Elle a ainsi étudié les actions de la Mission d’assistance de l’ONU pour le Rwanda (MINUAR), du Secrétaire général et du Secrétariat, de même que celles des Etats Membres de l’Organisation et des organes politiques dans lesquels ils sont représentés. La Commission a aussi mis l’accent sur l’influence que les acteurs régionaux ont exercée. Des archives de l’ONU qu’elle a consultées et des documents émanant de sources gouvernementales et non gouvernementales auxquels la Commission a également eu accès, lui ont permis d’aboutir à l’élaboration d’un rapport de près de 90 pages, 19 conclusions et de formuler 14 recommandations, faisant office d’enseignements à tirer.
[30] Ingvar Carlsson a présenté les 19 conclusions et les 14 recommandations de l’enquête de six mois qu’il a menée, à la demande du Secrétaire général, en compagnie des deux autres membres de la Commission, M. Han Sun-Joo, ancien Ministre des affaires étrangères de la République de Corée et le général Rufus M. Kupolati du Nigéria.
[31]. Communiqué. https://press.un.org/fr/2000/20000414.cs1174.doc.html
[32]. « Les représentants se sont accordés pour souligner le devoir moral qu’a la communauté internationale de tout mettre en œuvre pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus. Au titre de la contribution que le Conseil peut apporter à cet effet, le Ministre des affaires étrangères du Canada, M. Lloyd Axworthy, qui présidait la séance, a jugé impératif de renforcer des arrangements prévisionnels, notamment en se dotant d’un état-major de mission à déploiement rapide, et en prévoyant des règles d’engagement claires. De manière générale, les intervenants ont estimé que les opérations de maintien de la paix doivent aussi disposer de toutes les ressources nécessaires, et de mandats suffisamment clairs, voire musclés et flexibles, afin de leur permettre de répondre aux brusques changements de la situation sur le terrain. La représentante de la Jamaïque a, par exemple, suggéré que les commandants des forces disposent d’une marge de manœuvre suffisante pour décider de leur action lorsque nécessaire. Il a été jugé utile d’élargir la gamme des interlocuteurs du Conseil et de ses sources d’information pour détecter les signes avant-coureurs de génocide ou de violation massive des droits de l’homme. L’expérience malheureuse au Rwanda doit servir de leçon, en premier lieu, face au conflit qui sévit dans la région des Grands Lacs et notamment, en République démocratique du Congo. »
[33] « Les 2 500 hommes présents au Rwanda au début du génocide auraient pu arrêter, ou pour le moins limiter, l’ampleur des massacres. Parmi ces hommes, certains ont agi avec héroïsme, mais d’autres sont demeurés en retrait. En vérité, la responsabilité de ce qui s’est produit est partagée par tous les Etats Membres et pas seulement par les pays qui ont contribué en troupes et en matériel à la Mission. La volonté politique est en fait l’élément clef de ce drame et de l’action de l’Organisation et son absence peut s’avérer l’obstacle le plus difficile à la réalisation des mandats de l’ONU, a constaté M. Carlsson. Et Représentant du Canada. »
[34]. https://www.un.org/fr/chronicle/article/la-responsabilite-de-proteger
[35] « VINGT ANS APRÈS, LE CONSEIL DÉNONCE LA NÉGATION DU GÉNOCIDE AU RWANDA ET MOBILISE LES ÉTATS MEMBRES CONTRE UN TEL CRIME », Source : https://www.un.org/press/fr/2014/CS11356.doc.htm
[36]. La réalisation des images et leur conservation sont assurées par les Archives audiovisuelles de la Justice.
[37]. Cf. Aurélia Devos, Crimes contre l’humanité. Le combat d’une procureure, Paris, Calmann-Lévy, 2023.
[38]. Déclaration France Info, 7 avril 2014. Voir aussi sa « tribune » : « Réflexions sur le premier procès d’assises français d’un officier rwandais pour génocide et crimes contre l’humanité », Les Cahiers de la Justice, 2014/4, p. 533-539.
[39]. Prévue pour assister à la 20e commémoration du génocide à Kigali, la ministre de la Justice Christine Taubira doit, sur instruction du gouvernement et du président François Hollande, renoncer à son déplacement.
[40] « Il faudrait que je sois satisfait, simplement parce qu’un premier procès, celui de Pascal Simbikangwa, a eu lieu cette année ? Et qu’il a été condamné à vingt-cinq ans de prison ? Une seule personne en vingt ans ! La France comme la Belgique ont joué un rôle néfaste dans l’histoire de mon pays, ont contribué à l’émergence d’une idéologie génocidaire. Quand, en France, la justice est si lente, nous ne pouvons pas imaginer que c’est neutre. Dans nos relations avec ces deux pays, notre grille de lecture est forcément liée aux compromissions du passé. » (Paul Kagame, « La France a contribué à l’émergence d’une idéologie génocidaire », Libération, 7 avril 2014).
[41]. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/04/05/25e-commemoration-du-genocide-contre-les-tutsi-au-rwanda
[42]. « La création d’une chaire d’excellence dédiée à l’histoire du génocide des Tutsi et le lancement d’un appel à projets de l’Agence nationale de la Recherche sur les génocides, consacrant pour la première fois un accent particulier au génocide des Tutsi. L’objectif de cet appel est à la fois d’approfondir la connaissance scientifique de ce génocide, et de consolider la recherche existante en favorisant l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs spécialistes de cette question. »
[43]. « La mise en place d’une commission d’historiens et de chercheurs chargée de mener un travail de fond centré sur l’étude de toutes les archives françaises concernant le Rwanda entre 1990 et 1994. Cette commission, qui rassemblera huit chercheurs et historiens, sous l’égide du professeur Vincent Duclert, aura pour mission de consulter l’ensemble des fonds d’archives français relatifs au génocide, sur la période 1990 – 1994 afin d’analyser le rôle et l’engagement de la France durant cette période et de contribuer à une meilleure compréhension et connaissance du génocide des Tutsi. Ce travail aura notamment vocation à aider à constituer la matière historique nécessaire à l’enseignement de ce génocide en France. Cette commission devra remettre son rapport dans un délai de deux ans, avec une note intermédiaire au bout d’un an. »
[44]. Vie-publique.fr
[45]. Une même restriction intervient en Belgique après le procès en 2001 des religieuses du couvent rwandais de Sovu. La cour d’assises de Bruxelles condamne Consolata Mukangango, sœur Gertrude en religion, la supérieure, à quinze ans de réclusion pour son implication dans les massacres perpétrés autour du couvent.
[46]. 16 mars 2023. Lena Bjurtröm, « Audience cruciale pour la compétence universelle en France » (https://www.justiceinfo.net/fr/113796-audience-cruciale-competence-universelle-france.html).
[47] https://www.courdecassation.fr/toutes-les-actualites/2023/05/12/communique-competence-universelle-de-la-justice-francaise-legard#:~:text=Rep%C3%A8res%20%3A%20Comp%C3%A9tence%20%C2%AB%20universelle%20%C2%BB%20du,que%20la%20victime%20est%20fran%C3%A7aise .
[48]. 8 mars 2024, Kigali. Rencontres internationales du livre francophone du Rwanda. « Littérature, histoire, justice ».
[49]. Cette « Conférence Raphael Lemkin » pour l’année 2024 est organisé avec l’association Ibuka-France. Voir le programme sur le carnet de recherche cirre.hypotheses.org.