De quelques discriminations juridiques à l’égard des femmes musulmanes dans certains pays arabes
Malgré le fait que dès le 19e siècle, des femmes aient combattu pour leurs droits et qu’aujourd’hui certaines féministes musulmanes continuent de mener ce combat au nom du respect de l’égalité des sexes et également parfois au nom des valeurs véhiculées par l’islam, des dispositions juridiques discriminatoires pèsent toujours sur les femmes musulmanes dans les pays arabes. Ces dernières sont nombreuses dans les statuts personnels et successoraux et notamment dans les domaines du mariage et des successions. Dans ces matières, et malgré quelques évolutions récentes ou plus anciennes, comme en Tunisie, les interprétations conservatrices des normes juridiques islamiques exercent encore une grande influence et rendent délicates les tentatives de réforme.
Stéphane PAPI (Docteur en Droit –HDR) est juriste dans une collectivité territoriale et chercheur associé au sein de l’Institut de Recherches et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM-CNRS) à Aix-en-Provence (http://iremam.cnrs.fr/spip.php?article32) ainsi qu’au sein de l’équipe «Droit et Religion» du Laboratoire Interdisciplinaire de droit des Médias et des Mutations Sociales (LID2MS) de l’Université Aix-Marseille (https://lid2ms.com/2016/03/25/stephane-papi/).
Bien que les travaux de l’archéologue américaine Marija Gimbutas fassent état d’une religion préhistorique de la déesse présente en Europe jusqu’à l’âge de bronze[1], il semble qu’avec l’apparition de l’agriculture et de l’élevage, les dominations divines et humaines se soient confondues dans un culte de l’autorité essentiellement masculin, reléguant les femmes à un rôle subalterne[2]. Pour l’anthropologue Françoise Héritier, l’origine des inégalités entre les hommes et les femmes résiderait dans ce qu’elle appelle un « modèle archaïque dominant », basé sur une classification binaire dont la matrice réside dans l’observation de la différence entre les sexes[3]. Cette « valence différentielle des sexes » qu’elle se propose d’ajouter aux critères énumérés par les anthropologues comme constitutifs du fait de société[4], ne saurait donc être limitée à une religion, voire une civilisation particulière. Sans rentrer dans un débat qui dépasserait l’objet de notre étude, on peut en effet constater que la plupart des traditions religieuses, en contradiction parfois avec l’attitude de leurs fondateurs, consacrent le caractère inférieur de la femme[5]. Cette conception qui a longtemps perduré[6] n’a pas fini d’imprimer sa marque, même sous nos latitudes. Songeons en effet que les femmes ont acquis en France une citoyenneté pleine et entière … en 1944[7] et qu’elles subissent encore aujourd’hui des inégalités dans bien des domaines[8]. Pourtant, à la suite de combats menés pendant de nombreuses années[9] et dans le sillage de la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1979, suivies par plusieurs conférences qui ont également fait avancer les droits des femmes [10].
Le combat des femmes pour leurs droits n’a pas concerné uniquement l’Occident. Dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, alors que la nahda (renaissance) arabe était le théâtre d’une tension constante entre ouverture à l’autre et retour sur soi, entre libération et réaction diversifiée à l’« occidentalisation », un bouillonnement intellectuel et social sans pareille jusqu’alors saisissait les pays arabes. La question de la condition des femmes a été posée par des intellectuels renommés, comme les égyptiens Rifa’a al-Tahtawi (1801-1873)[11], Qasim Amin (1865-1908)[12], Mansour Fahmy (1886-1959),[13] ou bien encore le tunisien Tahar Haddad (1899-1935)[14]. Leurs idées influencèrent un courant féministe dont Hoda Shaarawi (1879-1947), fondatrice en 1923 de l’Union féministe égyptienne en lien avec le mouvement des suffragettes anglaises, fut l’instigatrice[15].
Si ces idées féministes restèrent le fait d’une élite intellectuelle et sociale et ne se diffusèrent pas dans l’ensemble des sociétés restées majoritairement traditionnelles, elles influencèrent la pensée et l’action de certains dirigeants arabes. Habib Bourguiba fit preuve d’un grand volontarisme en promulguant en 1956 un code du statut personnel comportant des avancées significatives en faveur des femmes tunisiennes, comme l’abolition de la polygamie et la répudiation unilatérale de l’épouse par son mari au profit du divorce judiciaire à l’initiative des deux époux. Les autres pays arabes sont restés très en retrait par rapport aux réformes impulsées en Tunisie, et l’on ne peut dès lors que constater la perpétuation de dispositions juridiques discriminatoires à l’encontre des femmes musulmanes[16] dans le monde arabe, même si les dernières réformes intervenues en 2004 et 2005 au Maroc et en Algérie laissent entrevoir quelques améliorations[17].
Ces discriminations sont diverses. Elles sont présentes en droit pénal où l’adultère, qui constitue toujours un crime passible en Arabie Saoudite et au Soudan de la peine de mort par lapidation, est définie et punie parfois différemment si elle émane du mari ou de la femme. De même, le meurtre, qui s’apparente en l’espèce à un « crime d’honneur » ainsi que les blessures ou les coups infligés par le mari à sa femme surprise en flagrant délit d’adultère font encore l’objet d’une modération, voire d’une exemption de peine. Celle-ci n’est pas prévue pour la femme réservant le même sort à son mari adultère[18].
Mais le domaine où les discriminations à l’égard des femmes restent les plus nombreuses est incontestablement celui des statuts personnels et successoraux et notamment les règles régissant le mariage et les successions. Dans ces matières, les normes juridiques islamiques et les interprétations qui en sont faites exercent encore une grande influence, ce qui rend délicate toute tentative de réforme[19].
Afin de respecter les contraintes éditoriales inhérentes à un article de revue et considérant l’étendue et la diversité de l’aire géographique sur laquelle elle s’appuie, cette étude ne prétend à aucune exhaustivité. Dans une approche comparative, elle se bornera à relever différents exemples significatifs de discriminations s’arrêtant plus particulièrement sur certains pays du Maghreb où différentes réformes sont intervenues ces dernières années et notamment sur la Tunisie, qui reste à bien des égards une exception en la matière. Certains pays du Machrek seront également convoqués, plus particulièrement l’Egypte, eu égard au poids démographique et à l’influence intellectuelle qu’exerce ce pays sur l’ensemble du monde arabe et le Liban, Etat multiconfessionnel où certaines des problématiques étudiées trouvent un écho particulier. Pour chacune d’entre elles, nous nous arrêterons sur les normes islamiques qui les encadrent, sur les droits internes qui les régissent en tension avec les droits fondamentaux internationalement reconnus ainsi que sur leurs conséquences politiques et sociales
I. Les discriminations à l’égard des femmes musulmanes dans le mariage
Alors que dans la religion catholique le mariage constitue un sacrement[20], en islam le mariage est un contrat « placé par les auteurs dans la catégorie des contrats à prestations réciproques… par lequel un homme s’engage à verser une dot à une femme et à pourvoir à son entretien, en contrepartie d’avoir avec elle, licitement, des rapports intimes »[21]. Il n’en demeure pas moins qu’il comporte une dimension religieuse essentielle, le Coran le considérant comme une « alliance solennelle »[22]. Se marier constitue donc une obligation religieuse, plusieurs Hadîth (dires) du Prophète Muhammad enjoignant les musulmans à se marier[23], celui qui se marie préservant la moitié de sa religion[24].
Les rapports matrimoniaux tels qu’envisagés par la religion musulmane sont basés sur une inégalité de principe, le Coran nous indiquant que : «…Les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordé sur elles et à cause des dépenses qu’ils font pour assurer leur entretien…”[25], le Coran ainsi que de nombreux Hadîth intimant également au mari d’exercer son pouvoir sans abus, avec modération et bienveillance[26]. Cette inégalité de principe n’est, somme toute, pas très éloignée de celle instituée par le droit romain primitif qui a été reprise par le code Napoléon où la cohésion du mariage était assurée par la prédominance maritale et la puissance paternelle[27]. Elle apparait adaptée à la société arabe du VIIe siècle, caractérisée par le tribalisme et dépourvue de pouvoir politique centralisé où la cohésion politique et sociale reposait sur l’équilibre des lignages. Dans ce type de société, le couple conjugal marqué par l’agnation[28], ne présentait pas en soi une importance centrale et devait avant tout ne pas déstabiliser cet équilibre. Pour ce faire, plusieurs des règles régissant le mariage musulman traduisent cette préoccupation en consacrant cette inégalité de principe. Elles concernent aussi bien les conditions de sa formation que celles de sa dissolution avec notamment la possibilité offerte aux hommes de répudier leurs épouses de manière unilatérale.
Afin de ne pas surcharger l’exposé, cette étude se limitera à l’étude de deux dispositions qui, replacées dans un contexte contemporain, apparaissent attentatoires à l’égalité des sexes : la polygamie et l’interdiction faite à la musulmane d’épouser un non-musulman.
A. La polygamie
La polygamie, c’est à dire la situation dans laquelle un homme peut épouser simultanément plusieurs femmes[29] apparait contraire aux droits de l’homme internationalement reconnus. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes issu de la Convention de Copenhague sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979 a déclaré lors de sa 13e session (recommandation n°21) qu’il fallait la décourager et même l’interdire car elle était contraire à l’égalité des sexes et pouvait avoir de graves conséquences affectives et financières pour la femme et les personnes à sa charge. Le comité a également regretté que certains Etats parties à la convention dont la constitution garantit pourtant l’égalité des droits des deux sexes, autorisent la polygamie, soit par conviction, soit pour respecter la tradition[30].
De fait, environ cinquante Etats dans le monde autorisent la polygamie, et parmi ceux-ci, beaucoup se situent en Afrique subsaharienne où elle constitue un phénomène important qui n’est pas circonscrit à l’islam, les pourcentages de mariages polygames étant plus importants dans les régions majoritairement peuplées d’animistes et de catholiques[31]. Ce tropisme africain n’élude pas le fait que la polygamie reste autorisée dans la plupart des pays arabo-musulmans et, pour ce qui nous concerne, la totalité des pays arabes à l’exception de la Tunisie, même si elle y serait peu pratiquée, avec des taux qui dépasseraient rarement les 5%.[32]
Il convient toutefois de s’y attarder car elle constitue un exemple éclairant des évolutions juridiques en cours dans le monde arabe et des tensions entre tradition et modernité qui en résultent. Témoin de l’intensité de ces dernières, un article publié le 11 décembre 2009 dans Al-Masry al-yawmi, un quotidien égyptien indépendant, par Nadine Al Bedaïr, une journaliste saoudienne intitulé « Moi et mes quatre maris », où, de manière provocatrice, elle livre un plaidoyer pour la polyandrie afin de dénoncer les inégalités de genre dans le mariage[33]. Plus récemment, c’est au Maroc que les fiançailles d’un ministre déjà marié et non divorcé avec une de ses collègues ont suscité de nombreuses réactions, tant dans la société que sur la scène politique[34].
Car, tout comme dans d’autres traditions religieuses[35], la polygamie est autorisée en islam, même si elle est assortie de conditions qui en limitent, voire en dissuadent l’application. Ainsi, alors qu’en Arabie préislamique, les hommes se mariaient souvent avec un nombre illimité d’épouses, notamment les filles orphelines afin de s’approprier leur héritage, le Coran est venu protéger ces dernières, d’une part en limitant à quatre le nombre des épouses et en conditionnant ces unions plurielles au respect d’une stricte équité entre les coépouses[36] et d’autre part en précisant que cette équité est impossible à atteindre[37], ce qui revient à privilégier les unions monogames.
A partir de ce donné scripturaire dissuasif, des interprétations progressistes visant à interdire la polygamie vont voir le jour. Dès 1881, l’égyptien Muhammad Abdu’h, considérant qu’une telle pratique « détruit la famille, corrompt l’esprit des enfants et met la division entre les frères »[38] développe un argumentaire repris en 1930 par le tunisien Tahar Haddad[39] et en 1952 par le marocain Allal al Fassi[40] visant à soutenir que si Dieu tolère la polygamie, il l’assortit d’une condition dont il est expressément dit qu‘elle est impossible à réaliser ; la tolérance n’est donc qu’une apparence, ce qui justifie la monogamie.
Suivant ce mouvement, plusieurs Etats arabes ont essayé de dissuader la polygamie en l’assortissant de diverses conditions et restrictions : l’information des épouses[41] et leur consentement[42], leur traitement équitable[43], la possibilité d’insérer une clause de monogamie dans le contrat de mariage[44], et dans certains pays la possibilité de demander le divorce si l’épouse s’oppose au remariage[45], voire l’autorisation obligatoire du juge pour contracter un autre mariage[46].
Malgré ces avancées, la plupart des Etats arabes ne sont pas allés jusqu’à interdire la polygamie car, même si elle est rarement pratiquée et suscite des critiques, cela reviendrait à enfreindre une disposition coranique et mécontenter les musulmans les plus traditionnels. Ainsi en Egypte, la Haute Cour Constitutionnelle, qui opère depuis plusieurs années une distinction entre les principes « absolus » et « relatifs » de la charî’a [47] est venue rappeler le 14 août 1994[48] que la polygamie ressortait de la première catégorie et ne pouvait, de ce fait, être remise en cause car elle était autorisée dans le Coran.
En 2004, le débat a été relancé à l’occasion d’un projet de loi proposé par le Conseil national de la femme présidé par Suzanne Moubarak, épouse du Chef de l’Etat, prévoyant des sanctions assorties d’amendes en cas de second mariage. L’Université-Mosquée Al-Azhar, a refusé d’approuver ce projet de loi, le muftî d’Egypte Ali Gomaa rappelant à cette occasion que la charî’a autorisait la polygamie sans sanctions ni amendes[49].
Au Liban, la polygamie est autorisée pour les membres des différentes communautés musulmanes, hormis les druzes[50]. Un projet de statut personnel civil applicable, à leur demande, à tous les libanais sans condition de confession qui prévoyait en son article 9 l’interdiction pure et simple de la polygamie a été élaboré en 1998[51]. Devant la résistance d’une majorité de la population et notamment celle de tous les responsables des différentes communautés religieuses, il est resté au stade de projet, la polygamie, et plus largement le système de la personnalité des lois, continuant dès lors à s’appliquer.
La Tunisie constitue sur ce point une exception, l’article 18 du code du statut personnel interdisant la polygamie et assortissant cette interdiction de sanctions pénales à l’encontre du bigame et de son complice, passibles d’un an de prison et d’une amende[52]. Le code tunisien étend la notion de bigamie au mariage conclu hors les formes légales, c’est à dire en fait au mariage traditionnel. Ainsi, bien que la personne qui a contracté une union en ces formes ne soit pas mariée aux yeux de la loi, elle sera considérée comme étant polygame et passible des peines sus énoncées, si elle décide de conclure une nouvelle union et continue une vie commune avec son premier conjoint officieux[53]. La jurisprudence tunisienne a suivi l’élan moderniste du législateur en interprétant la notion de mariage hors les formes légales de manière extensive. La promesse de mariage faite à une femme par un homme marié, assortie de voyages en sa compagnie et d’un semblant de vie commune, avec tout ce que cela suppose comme entretien et achats de vêtements, peut être considérée comme constituant une forme de bigamie[54]. De même, est considérée comme bigame la femme qui poursuit une relation adultérine avec un homme résidant au domicile conjugal en sa compagnie et celle de son époux atteint d’une maladie mentale, ce dernier pourvoyant néanmoins à son entretien[55].
Il faut noter qu’en Tunisie, l’interdiction de la polygamie a été fondée, non pas sur le rejet des prescriptions religieuses, mais à partir de leur interprétation moderniste. Les dirigeants ont également su s’appuyer sur une tradition tunisienne ancrée depuis des siècles, plusieurs études ayant démontré l’existence dès le 8e siècle d’un type de contrat de mariage comprenant une clause de monogamie, le contrat de mariage dit « karouanais » car pratiqué à Kairouan, cité tunisienne présentée comme la 4e ville sainte de l’islam[56]. Le 13 août 1956, il y a donc presque 60 ans, le ministère de la Justice tunisien publiait une note à l’occasion de la publication du code du statut personnel ainsi libellée : « Nous avons suivi l’avis de certains jurisconsultes musulmans concernant la polygamie et ce qui a été admis par quelques-uns des exégètes commentant le Saint Verset traitant de ce sujet ; ceux-ci, en ont conclu à l’interdiction de la polygamie au vu de l’impossibilité de réaliser l’équité entre les épouses dans son sens concret … et des méfaits causés par cette pratique connus de nos jours, la jalousie ayant poussé une femme dont le mari s’est marié une deuxième fois à tuer sa rivale »[57].
On se situe là aux antipodes de la position exprimée par l’Arabie Saoudite… plus de cinquante ans plus tard. Le 17 janvier 2008, lors de la 8e séance de la Convention sur l’élimination de toutes les Formes de Discrimination à l’égard des Femmes, son représentant justifiait en effet la polygamie en ces termes : « Comme tout le monde sait, certains hommes ont des désirs qu’une seule femme ne peut satisfaire; ils doivent être à même de prendre des femmes additionnelles afin de ne pas être tentés de satisfaire leurs besoins en dehors du mariage, ce qui est interdit par le droit islamique. D’autres hommes souhaitent avoir des enfants et sont mariés avec des femmes stériles. La polygamie offre également une solution quand de nombreux hommes périssent en temps de guerre ; elle a permis à des femmes qui n’auraient pas eu de mari d’avoir le statut social d’épouse et d’avoir la sécurité financière. De nombreux experts confirment le bien-fondé de la charî’a en la matière »[58].
Toujours dans le domaine du mariage, une autre disposition discriminatoire à l’égard des femmes doit être évoquée en ce sens qu’elle contrevient aux droits humains internationalement reconnus mais également car on peut lui trouver quelques résonances de ce côté-ci de la Méditerranée.
B. L’interdiction faite à la musulmane d’épouser un non-musulman[59]
Dans la plupart des Etats arabes, un homme peut épouser une femme non-musulmane, à condition qu’elle appartienne aux religions du Livre, c’est-à-dire juive et chrétienne[60], alors qu’une femme musulmane ne peut épouser un homme non-musulman[61]. Ces dispositions se révèlent conformes à une interprétation majoritaire des sources religieuses[62], ce qui ne doit pas masquer le fait qu’il existe aussi des interprétations concluant à la licéité de ces mariages[63].
Parmi ces interprétations majoritaires, on retiendra celle de Tabarî, pour qui un musulman peut épouser une femme « dhimmîa » c’est à dire juive ou chrétienne à condition qu’il soit sûr que ses enfants pourront être de religion musulmane ; pour Ach-Chafi’i au contraire, les gens du Livre sont ceux qui vécurent avant l’avènement de l’islam. Ceux qui professent ces religions, judaïsme et christianisme entre autres, après la prédication de Muhammad, ils ne sera agréé d’eux que la conversion à l’islam. On n’acceptera pas d’eux l’impôt de capitation, la jizya, ils ne pourront être protégés (dhimmî), ils sont tels des polythéistes[64]. Certaines voix plus extrêmes sont même allées jusqu’à préconiser la peine de mort contre le non-musulman qui épouse une musulmane, considérant qu’il s ‘agit du moyen le plus efficace « pour que le kâfir (mécréant) n’en ait même pas l’idée et partant qu’il n’ose pas commettre cet acte qui attente à l’honneur de l’Islam et des musulmans »[65].
En appliquant cette interdiction, les droits arabes entrent en contradiction avec les règles du droit international des droits de l’homme qui ont posé le principe du droit au mariage sans restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ainsi que du libre et plein consentement des futurs époux qui jouissent de droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution[66].
Il faut ici noter que la plupart des Etats arabes ont adopté les conventions qui affirment ces principes en émettant toutefois des réserves par lesquelles ils excluent l’application dans leur ordre juridique interne des dispositions qui s’opposent à la charî’a [67] ainsi qu’aux dispositions constitutionnelles qui rappellent la prévalence de cette dernière[68]. Le Maroc et la Tunisie se sont prononcés sur la levée de ces réserves et notamment sur celles émises à l’encontre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes. Le Maroc l’a fait par une décision de son monarque en 2008[69], la Tunisie s’y est prise en deux temps, par un décret-loi adopté par le conseil des ministres du gouvernement de transition le 16 août 2011 puis par une notification de cette décision au Secrétariat Général des Nations Unies le 17 avril 2014[70]. L’avenir nous dira si, dans ces deux pays les lois ainsi que les décisions administratives et judiciaires seront conformes à leurs engagements internationaux, comme le demandent depuis plusieurs années différentes ONG[71].
Pour l’instant, il nous faut constater qu’en ce qui concerne la question du mariage d’une musulmane avec un non-musulman, la Tunisie a connu ces dernières des débats jurisprudentiels significatifs. Afin de bien saisir l’étendue de la problématique juridique qui est posée, il faut tout d’abord noter que les dispositions du code du statut personnel tunisien sur cette question sont pour le moins ambiguës. Le texte du code en langue française prévoit en effet dans son article 5 al. 1er que « Les futurs époux ne doivent pas se trouver dans un des cas d’empêchement prévus par la loi » alors que le texte en langue arabe, qui fait foi car l’arabe est la langue officielle de la République Tunisienne, mentionne les « empêchements prévus par la char’îa ». Deux interprétations sont donc possibles : Si seuls les empêchements prévus par la loi sont susceptibles d’interdire le mariage, l’union de la musulmane avec le non-musulman apparaît valable car les articles 14 à 20 du code du statut personnel ne prévoient pas l’empêchement à mariage pour disparité de culte. Mais, si ce sont les empêchements prévus par la charî’a qui prévalent, la musulmane ne pourra, de fait, épouser un non-musulman, conformément à l’interprétation majoritaire des versets coraniques précédemment évoqués.
Pendant longtemps, les juges ont validé cette interdiction en se basant sur des arguments religieux : ainsi dans l’arrêt « Hourya » du 31 janvier 1966 les juges de la Cour de cassation pensaient, « …qu’il est incontestable que la femme musulmane qui épouse un non-musulman commet un péché impardonnable » et « que la loi islamique tient un tel mariage pour nul et non avenu »[72]. Dans un autre arrêt intervenu en 1973, la Cour sanctionnait pénalement les deux époux[73].
On a assisté pendant quelques années à un revirement jurisprudentiel significatif. A la suite d’un jugement rendu le 29 juin 1999, un premier arrêt du tribunal de 1e instance de Tunis a admis la validité du mariage contracté entre une tunisienne musulmane et un belge non-musulman, au motif qu’il ne fait pas partie des empêchements au mariage prévus par le code du statut personnel.[74] Les juges de Cour d’appel de Tunis ont confirmé ce jugement le 6 janvier 2004 en considérant qu’accorder aux hommes la liberté d’épouser des non-musulmanes sans accorder cette liberté aux femmes contredisait le principe de l’égalité entre les citoyens posé par l’article 6 de la constitution.[75] Cette interprétation a été confirmée par la Cour de cassation les 20 décembre 2004[76], et 5 février 2009 [77] en se référant aux droits fondamentaux consacrés par les traités internationaux ratifiés par la Tunisie et à leur autorité supra-législative et infra-constitutionnelle[78]. Cependant, la tendance jurisprudentielle traditionnelle ne semble pas avoir disparue, quelques jugements ayant, depuis lors, annulés des mariages prononcés entre des tunisiennes musulmanes et des non-musulmans[79]. Selon Sami Bostangi, ces oscillations jurisprudentielles entretiennent « …une situation où, au sein d’un même ordre juridique et dans une même discipline, une logique confessionnelle dérivant du paradigme historique cohabite avec une logique laïque portée par l’essor des droits fondamentaux dans les ordres juridiques modernes. Leur alternance amène à créer une situation de flottement où aucun des modèles n’est à même de s’imposer, de manière définitive aux dépens de l’autre »[80].
Si la jurisprudence est partagée sur cette question, les pratiques administratives sont demeurées restrictives. C’est, tout d’abord, une circulaire du Secrétaire d’Etat à l’Intérieur en date du 17 mars 1962 qui a interdit la célébration de ces mariages en Tunisie, les considérant comme contraires aux dispositions « explicites » de l’article 5 du code du statut personnel[81]. Cette interdiction a ensuite été réaffirmée par un décret du Premier ministre en date du 19 octobre 1973[82] en vertu duquel un non-musulman qui souhaite épouser une tunisienne musulmane doit obligatoirement se convertir à l’islam, une circulaire du ministre de la Justice en date du 5 novembre 1973 interdisant une nouvelle fois aux officiers d’état civil de célébrer le mariage d’une musulmane avec un non musulman[83].
Bien que le Professeur Kalthoum Meziou fasse état d’une évolution de l’attitude des officiers d’état civil qui accepteraient depuis l’année 1996 de célébrer ces mariages sans soulever la disparité de religion[84], l’interdiction du mariage de la musulmane avec un non-musulman est toujours d’actualité. La circulaire de 1973 a été confirmée par la circulaire du ministre de l’Intérieur n° 59 du 23 novembre 2004 qui exige désormais des futurs maris non-musulmans désirant se marier avec une musulmane, une « attestation d’islamité », c’est-à-dire un acte de conversion, délivré par une autorité religieuse officielle, le muftî de la République tunisienne. Sur ce point précis, « la jurisprudence oscille entre souplesse et sévérité dans l’appréciation de la conversion à l’islam »[85]. Une tendance libérale est venue considérer que cette dernière était valide même si elle intervenait peu avant la date du décès et pouvait être prouvée par tous moyens[86]. Une tendance plus sévère a jugé nécessaire la présentation de l’attestation d’islamité susvisée[87].
Une rapide incursion sur différents sites officiels tunisiens permet de constater que les conditions requises pour la conclusion ou la transcription d’un contrat de mariage sont conformes aux textes officiels. Sont en effet mentionnées , soit « l’absence d’empêchements prévus par la charî’a », ce dernier terme étant traduit par « loi » sur les pages en langue française des sites visités[88], soit, plus clairement, la présentation d’un « certificat de conversion à l’islam pour le mari non-musulman délivré par le muftî tunisien » ou « pour les non-musulmans qui souhaitent se marier avec une tunisienne musulmane »[89], ou bien encore « l’absence d’empêchements prévus par la loi ou d’autres empêchements choréïques »[90].
Comme le dit Sana Ben Achour, l’absence de transcription de ces unions sur les registres de l’état civil tunisien – sauf conversion préalable de l’époux – a pour conséquence d’annuler les effets attachés au mariage, à savoir la validité de la cohabitation, le séjour régulier du conjoint, la filiation légitime, la succession entre époux, l’acquisition de la nationalité par mariage, le divorce éventuellement, etc[91].
Cette interprétation discriminatoire des textes revêt depuis quelques années une dimension nouvelle car de nombreuses femmes d’origine arabe et de confession ou d’origine musulmane résident désormais en France et plus largement en Europe où elles ont, statistiquement, beaucoup plus de chances de convoler en justes noces avec un non-musulman. Alors même qu’elles en conservent pour la plupart la nationalité, leur mariage ne pourra alors être reconnu dans leurs pays d’origine sauf si le futur mari accepte de se convertir à l’islam. Cette situation a été récemment relevée dans les médias français alors que le Maire d’Aubervilliers (Seine-St Denis) avait demandé un certificat de coutume pour célébrer un mariage entre un français non-musulman et une marocaine musulmane, le futur mari déclarant que les autorités marocaines auraient conditionné son obtention à sa conversion à l’islam[92]. Dans une réponse apportée à une question écrite posée par Philippe Meunier, député du Rhône, le ministre des Affaires Etrangères a précisé qu’interrogées sur ce point, les autorités marocaines ont déclaré que les certificats de coutume demandés en vue du mariage en France d’une ressortissante marocaine avec un ressortissant français étaient délivrés par les consulats du Maroc sur simple présentation d’une pièce d’identité et qu’il n’était pas exigé de certificat de conversion à l’islam du conjoint français[93].
Plus à l’Est, au Liban les statuts personnels des différentes communautés musulmanes (sunnite, chi’ite, druze, alaouite et ismaélienne) ne reconnaissent toujours pas le mariage de la femme musulmane avec un homme non-musulman. En 1998, l’opposition au projet visant à reconnaître le mariage civil non religieux[94] s’était cristallisée sur l’autorisation des mariages interconfessionnels et notamment ceux des musulmanes avec des non-musulmans. Le droit libanais reconnaît cependant le mariage civil conclu à l’étranger, y compris entre une musulmane et un non-musulman[95]. Le ministre de l’Intérieur a reconnu au mois d’avril 2013 le premier mariage civil conclu au Liban entre un sunnite et une ch’iite. Cette reconnaissance aurait-elle pu advenir si le futur couple était composé d’une musulmane et d’un non-musulman ? A défaut de réponse précise à apporter, il faut noter que le président de la République Michel Sleiman a félicité les futur époux sur son compte Twitter[96] alors même que le Grand muftî chi’ite Mohammad Rashid Qabbani a réagi à cette reconnaissance en déclarant que « Tout responsable musulman qui approuve la légalisation du mariage civil est considéré comme apostat et traître à la religion musulmane. Il ne sera ni lavé, ni mis dans un linceul et ne recevra pas de prières à sa mort, ni ne sera enterré dans les tombes des musulmans. Il est de notre devoir de nous opposer à ces tentatives de nous éloigner de notre religion par le biais de slogans qui prônent la réforme »[97].
Au-delà du mariage, les disparités cultuelles peuvent également entraîner d’importantes discriminations à l’égard des femmes en matière successorale.
II. Les discriminations à l’égard des femmes musulmanes en matière successorale
Le droit successoral apparaît intimement lié à l’identité des sociétés où il se déploie car il « touche à la conception qu’une société et les individus qui la composent se font de l’identité et de la prolongation de soi ; tout être vivant se soucie de cette continuité »[98]. Dans les sociétés où une majorité de la population est musulmane, il n’est donc pas étonnant que les règles touchant aux successions soient influencées par le droit musulman. Celui-ci est particulièrement prolixe et précis, à tel point que l’on peut se demander « …si en cette matière l’on doit plus admirer chez les juristes théologiens musulman le don de la théologie ou celui de l’arithmétique »[99].
Cette branche du droit jouit également d’un grand prestige, Ibn Khaldoun constatant que « …le partage des successions occupe une place à part dans les traités de droit… ; c’est un noble art parce qu’il exige une réunion de connaissances dont les unes dérivent de la raison et les autres de la tradition ; c’est une science très noble »[100].
Ces caractéristiques expliquent certainement le classicisme des droits positifs arabes en la matière, car il est plus facile de s’écarter de règles fixant des principes généraux que d’un donné scripturaire fourni, même s’il contient des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes. C’est le cas de l’inégalité successorale entre fils et filles, mais aussi de l’incapacité successorale du musulman vis-à-vis du non-musulman.
A. L’incapacité successorale du musulman vis-à-vis du non-musulman
Même si cette disposition apparait discriminatoire à l’égard des deux sexes, elle est également attentatoire à l’égalité entre les sexes en ce qu’elle aboutit à priver les épouses de la succession des biens de leur époux ou de leurs enfants. Ce principe ressort, comme en ce qui concerne le mariage de la musulmane avec un non-musulman d’une interprétation des sources religieuses encore largement majoritaire, même si elle est remise en cause par certains auteurs[101]. Il reste consacré par tous les Etats arabes[102], mais il fait l’objet de débats. Même si ceux-ci sont moins prégnants que ceux concernant l’inégalité successorale entre les sexes, il faut noter qu’au Maroc, ce principe a été dénoncé par le Conseil National des Droits de l’Homme, organe consultatif officiel comme constituant une inégalité entre les hommes et les femmes[103].
Sur cette question, il nous faut toutefois constater que le particularisme tunisien s’exprime encore. Dans ce pays, cet empêchement à successibilité est fondé sur une interprétation de l’article 88 du code du statut personnel ainsi libellé dans sa traduction française : « L’homicide volontaire constitue un empêchement à la successibilité… », alors que la version officielle en langue arabe fait de l’homicide volontaire « un des » empêchements à successibilité. Ceci a été interprété en 1966 par les juges de la Cour de cassation comme signifiant qu’il existait d’autres causes d’empêchement successoral parmi lesquelles la disparité de culte[104].
Tout comme concernant la problématique du mariage de la musulmane avec un non-musulman, les premiers revirements jurisprudentiels intervenus dans les années 2000 ont été le fait de juges du fond « Nés avec l’indépendance et le Code du statut personnel, formés à l’Université tunisienne, imprégnés de l’enseignement de l’école moderniste, mais également plus proches des justiciables parce qu’ils jugent des faits et du droit »[105]. C’est un jugement rendu par le Tribunal de 1e Instance de Tunis le 18 mai 2000 qui a amorcé ce mouvement[106]. A cette occasion, les juges ont tenu l’argumentaire suivant : « L’interdiction de la discrimination religieuse est un principe fondamental de l’ordre juridique tunisien ; la liberté de religion est inscrite à l’article 5 de sa constitution, dans les articles 2, 16 et 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, au paragraphe 2 de l’article 2 du pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels et au paragraphe 2 de l’article 1er du traité international sur les droits politiques auxquels la Tunisie a adhéré. Le principe de non-discrimination religieuse peut d’ailleurs être induit de tous les textes de loi en vigueur faisant de lui un principe directeur de l’ordre juridique tunisien ». Les juges ont également estimé que l’interprétation de l’article 88 du code du statut personnel visant à empêcher la successibilité pour disparité de culte « viole l’article 6 de la constitution en créant deux catégories de Tunisiens, l’une ayant la capacité d’hériter pour avoir la même religion que le de cujus, l’autre interdite de succession pour avoir exercé l’une de ses libertés fondamentales ».
Cette position, confirmée par la Cour d’appel de Tunis[107] ainsi que par la cour de cassation dans un arrêt du 20 décembre 2004[108], a fait cependant par la suite l’objet de fluctuations importantes, révélant l’intensité des débats que ces questions suscitent encore dans la société. Dans un arrêt rendu le 8 juin 2006, la Cour de cassation réaffirmait ainsi une position traditionnelle en qualifiant la disparité de culte d’empêchement à successibilité[109], puis revenait sur sa position presque aussitôt en rejetant cet empêchement[110] … pour le confirmer de nouveau le 10 février 2007[111]. Deux ans après, la Cour de cassation adoptait de nouveau une position libérale, très fermement argumentée[112], en mettant notamment l’accent sur le caractère patriarcal de l’interdiction faite aux musulmanes d’épouser un non-musulman, l’interdiction ayant été posée par le fiqh parce que la femme est placée sous la tutelle de son mari et du fait de sa religion musulmane, elle ne peut être placée sous l’autorité d’un époux non-musulman. Or, la femme n’est plus en droit tunisien, placée sous l’autorité de son mari.
Cependant, quelques mois plus tard, un arrêt inédit du 30 juin 2009[113] adoptait de nouveau une interprétation traditionnelle. La Cour a justifié sa position en ces termes : « L’article 1er de la constitution qui institue l’islam en religion d’Etat, placé au sommet de la hiérarchie des normes est révélateur de la volonté du législateur de faire de l’Islam l’un des principaux socles sur lequel repose cette société ». Elle convoquait ensuite le Hadith du Prophète en vertu duquel « Le musulman n’hérite pas du kâfir, ni le kâfir du musulman », souvent cité pour justifier de l’interdiction d’hériter entre musulmans et gens du Livre en écartant l’argument en vertu duquel les gens du Livre seraient exclus de la catégorie des kâfir, c’est-à-dire des mécréants. Cet arrêt a suscité de nombreuses réserves, Kalthoum Meziou estimant qu’il resterait isolé[114], un jugement de la Cour d’appel de Tunis étant pourtant venu récemment justifier de nouveau l’incapacité successorale du musulman vis-à-vis du non-musulman[115].
Monia Ben Jemia[116] relève cependant une évolution intéressante dans ces fluctuations jurisprudentielles. Aux termes d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Nabeul le 24 décembre 2009[117], l’argumentaire religieux vient désormais conforter la thèse égalitaire. Pour les juges d’Appel de Nabeul, la charî’a n’interdit pas ces successions dès lors que l’épouse appartient à l’une des religions du Livre, c’est-à-dire est juive ou chrétienne. Pour la Cour, il existe sept empêchements successoraux prévus en droit musulman, parmi lesquels figure le kufr, c’est-à-dire la mécréance et non la disparité de religion. Et de poursuivre : « En revanche, les jurisconsultes ne s’accordent pas sur l’authenticité du Hadîth prévoyant la non successibilité entre communautés, d’autant plus que ce principe conduirait à s’immiscer dans le statut personnel des communautés non-musulmanes, ce qui n’est pas autorisé »[118]. Il s’agit là, comme le note Sana Ben Achour « De ne pas abandonner l’argumentaire religieux, mais de se le réapproprier pour appuyer la revendication d’égalité »[119], qui se pose avec plus d’acuité à la faveur de l’implantation en France et plus largement en Europe de personnes d’origine maghrébine.
Ainsi les femmes musulmanes possédant la nationalité d’un pays du Maghreb, voire bénéficiant de la double nationalité[120] mariées à un non-musulman, dont le mariage a été reconnu en France mais pas dans leurs pays d’origine ne pourront transmettre les biens qu’elles y possèdent ou desquels elles pourraient hériter, à leur mari ou à leurs enfants considérés également comme non-musulmans. Ces derniers iront à leurs parents, à leurs frères ou sœurs, ou à leurs cousins plus ou moins lointains. Ces femmes pourront seulement transmettre une partie de leurs biens par testament, cette matière n’étant pas marquée par des empêchements provoqués par une disparité de culte.
B. L’inégalité successorale entre les sexes
Cette disposition qui ressort de l’interprétation de différents versets coraniques[121], est appliquée dans tous les pays arabes[122], qui l’assortissent parfois de dispositions (legs obligatoire[123] et « retour de surplus » (radd)[124]) permettant de palier à cette inégalité, sans toutefois y remédier totalement. Elle fait l’objet de critiques, émanant tant d’acteurs associatifs que de juristes[125]. Le Centre d’Information et de Documentation sur les Droits de l’Enfant et de la Femme en Algérie[126] ou l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates et l’Association Tunisienne des Femmes pour le Développement[127] ont revendiqué l’égalité successorale en se fondant sur des éléments historiques (l’évolution des sociétés arabes depuis la révélation coranique), sociaux-économiques (la précarisation sociale des femmes en butte à cette inégalité), juridiques (l’atteinte au principe de l’égalité des sexes affirmé tant par les dispositions constitutionnelles que les conventions internationales). Mais ils se sont également basés sur des éléments plus strictement religieux, cette règle devant être comprise dans le contexte socio-historique de l’époque de la révélation coranique et être, de ce fait, adaptée aux sociétés contemporaines conformément aux finalités égalitaires d’un message spirituel à vocation universelle.
Ces revendications ont été remises au gout du jour en Tunisie où des manifestations ont été organisées à Tunis en ce sens lors des 55e et 56e anniversaires de la promulgation du code du statut personnel. Plus récemment, faisant suite à un sondage effectué sur la question de l’égalité dans l’héritage duquel il est ressorti que l’égalité successorale est acceptée si elle constitue un choix librement consenti des héritiers[128], une proposition de loi en ce sens initiée par le député indépendant Mehdi Ben Gharbia et signée par 27 députés a donné lieu à de nombreux débats et provoqué l’opposition ferme du muftî de la République au nom du respect des prescriptions coraniques en la matière[129].
Au Maroc, la recommandation du Conseil National des Droits de l’Homme visant amender les dispositions du code de la famille en vue d’accorder aux femmes une égalité de droits notamment en matière successorale[130] a également suscité de nombreux commentaires dans la société civile que dans la sphère politique et religieuse. Une enquête menée en 2006 a montré qu’une large majorité de marocains trouvait juste la répartition inégalitaire de l’héritage entre les deux sexes (83,2% de la population des enquêtés). Toutefois, 39,6% des 18-24 ans étaient d’accord avec les parents qui, de leur vivant, répartissent à parts égales l’héritage entre les filles et les garçons contre seulement 15,9% des 60 ans et plus qui approuvaient la démarche[131]. Cette évolution des mentalités doit être corrélée au fait que les femmes accèdent désormais davantage au travail salarié et jouent un rôle économique plus important au sein de la famille[132].
Les problématiques liées à cette inégalité successorale se révèlent, comme en matière de mariage, avec plus d’acuité si l’on s’éloigne du monde arabe et que l’on traverse la Méditerranée. L’acquisition d’un bien immobilier dans le village ou plus largement le pays d’origine a toujours constitué un objectif pour beaucoup d’immigrés et notamment pour ceux originaires du Maghreb afin de loger dignement leurs familles restées au pays ou de bénéficier elles-mêmes d’un confort de vie qui leur a été longtemps inaccessible dans leurs pays d’accueil. Plus généralement, ces acquisitions signaient le succès d’une émigration souvent marquée par des conditions de vie dont la difficulté restait inavouable. Aujourd’hui, à la faveur du développement du marché de l’immobilier, notamment en Tunisie et au Maroc mais également grâce à l’émergence d’une classe moyenne issue de l’immigration, les comptes en devises des émigrés et de leurs descendants sont courtisés par les promoteurs et les banquiers. Alors que beaucoup se sont lancés dans l’acquisition d’une résidence principale dans les pays où ils vivent la majorité de l’année en Europe, ils caressent le projet d’acquérir une deuxième, voire une autre propriété dans leurs pays d’origine, plus proche des zones touristiques ou des grandes villes.
En France, une jurisprudence constante soumettait, jusqu’à il y a peu, les successions mobilières à la loi du dernier domicile du défunt[133], et les successions immobilières à la loi du lieu de situation de l’immeuble[134]. De fait, lors d’un partage successoral, les biens immobiliers situés au Maghreb ou dans un autre pays arabe étaient soumis à l’inégalité successorale sus évoquée, alors que les biens situés en France étaient partagés conformément au droit successoral français qui ne connaît pas une telle inégalité. Depuis l’entrée en vigueur le 17 août 2015 du règlement de l’Union Européenne sur les successions[135], la loi applicable à la succession concernant les biens mobiliers ou immobiliers est celle de l’Etat dans lequel le défunt a sa résidence habituelle au moment de son décès.
Cette disposition ne résout qu’en partie la problématique de l’inégalité successorale entre fils et filles dans le cadre franco-maghrébin. En effet, par exception au principe sus-énoncé, il sera fait application de la loi de l’Etat dans lequel le défunt n’avait pas sa résidence habituelle s’il présentait des liens « manifestement plus étroits avec un Etat autre », ce qui, avant que cette notion soit davantage précisée par la jurisprudence, peut sembler pouvoir s’appliquer à des personnes nées ou ayant des attaches particulières dans cet Etat. De plus, en cas de pluri-nationalité, ce qui est généralement le cas des personnes d’origine maghrébine qui résident en France, la possibilité est également laissée de choisir la loi d’un des Etats dont elles possèdent la nationalité.
Une étude menée en 1999 dans la région lyonnaise faisait état de l’existence d’arrangements conformes aux règles religieuses ou coutumières du pays d’origine lors des partages successoraux au sein des familles maghrébines, le recours à la loi française semblant uniquement formel[136].
Est-ce qu’aujourd’hui, cette étude aboutirait à des conclusions similaires ? Cette uniformisation partielle des dispositions juridiques régissant les successions internationales ne pourrait-elle pas peser plus favorablement sur les revendications visant à établir l’égalité dans l’héritage dans les pays arabes et notamment maghrébins ? Cela supposerait alors que ces revendications soient aussi portées par des binationaux bénéficiant de l’égalité successorale dans les pays où elles vivent la majorité de l’année et où beaucoup sont nées.
Conclusion : Quelles voies vers l’égalité pour les musulmanes dans le monde arabe ?
En Occident, l’islam est encore très souvent perçu comme une religion oppressive à l’égard des femmes. Pourtant, l’hypothèse d’une corrélation entre les discriminations dont elles sont victimes dans le monde arabe et l’élément religieux est loin d’être précisément établie, même si ceux qui souhaitent maintenir, voire accentuer les dispositions juridiques qui les fondent se prévalent de l’islam comme ferment des identités nationales[137]. Les sources scripturaires musulmanes et plus largement non-musulmanes contiennent des principes moraux dont certains sont profondément conservateurs et d’autres entrent en résonance avec les droits de l’homme internationalement reconnus.
S’il semble excessif d’affirmer que l’égalité des sexes est d’essence islamique, il faut être attentif à la réflexion de certaines féministes musulmanes, pas seulement arabes, pour qui « Ce n’est pas l’islam en tant que message spirituel qui opprime les femmes, mais bien les différentes interprétations et dispositions juridiques entérinées depuis des siècles par des idéologies savantes qui faute d’avoir été réformées, ont fini par supplanter le texte sacré et le transformer en lois religieuses immuables »[138]. A l’appui de cette thèse, se trouve l’affirmation selon laquelle le Prophète Muhammad aurait «…œuvré sans relâche pour élever les femmes au statut plein et entier de personnes morales » en légiférant sur des questions les concernant directement, comme la polygamie ou les successions, au sein et souvent en opposition avec une société tribale et patriarcale du VIIe siècle où il n’était pas rare que les filles soient enterrées vives à la naissance[139]. Bien que l’on puisse aussi penser que l’islam n’est rien d’autre que ce qu’en font les musulmans, ce féminisme islamique offre de stimulantes perspectives en permettant de ne pas renvoyer le combat pour l’égalité des sexes à une préoccupation occidentale qui n’aurait aucune efficience dans le monde arabo-musulman. Ce positionnement suffira-t-il pourtant à réduire les discriminations dont sont toujours victimes les femmes dans le monde arabe ? [140]
La réponse à cette question dépendra des développements politiques à venir dans cette partie du monde en plein bouleversement. Dans certains pays, les droits des femmes semblent évoluer positivement. Ainsi, l’égalité des sexes a été consacrée dans les nouvelles constitutions marocaine, égyptienne et tunisienne qui accordent aux femmes de nouveaux droits tant en matière civile qu’au niveau politique, économique, social et culturel[141]. Des législations visant à criminaliser les violences faites aux femmes ont été adoptées ou sont en débat dans plusieurs pays[142]. Même si de nombreuses difficultés persistent,[143] il ne faut cependant pas douter du fait que les femmes arabes, dont beaucoup jouent aujourd’hui un rôle majeur dans le débat politique, dans l’action sociale et l’activité économique, continuent à mener ce combat universel et inachevé avec détermination.
[1] Gimbutas Marija, The Language of the Goddess: Unearthing the Hidden Symbols of Western Civilization, San Francisco, Harper & Row, 1989 ; trad. fr. Le Langage de la Déesse, Paris, éd. des Femmes, 2005.
[2] Vallet Odon, « La revanche des dieux mâles », in Le Monde des Religions, Dossier La femme dans les religions, n°33, Janv. Fév. 2009, p.24-25.
[3] Héritier Françoise, Hommes, femmes, la construction de la différence, Paris, Ed. Le Pommier-Cité des Sciences et de l’Industrie, 2005, p. 35-36.
[4] Ibid., p. 45-46.
[5] Buisset Ariane, « La misogynie dans les textes », in Le Monde des Religions, op. cité, p. 26 à 29.
[6] Dans une note de renseignement en date du 21 décembre 1925 émanant de la Direction du contrôle central et des contributions de la Ville de Paris, ayant pour objet « La désignation des emplois de chefs et de sous-chefs de bureau qui pourraient être confiés à des femmes » on pouvait lire : « Le caractère féminin, au cours de ses tentatives récentes d’émancipation, a-t-il déjà montré dans l’administration, l’industrie, la médecine ou le barreau qu’on pouvait faire confiance à la rectitude de son jugement ? Il est permis d’en douter si l’on interroge ceux qui ont quelque expériences à ce sujet : la notion de simple justice, de la froide raison, du sens juridique, de la franchise sans restriction mentale et de la responsabilité échappe encore, à l’heure actuelle à la plupart des femmes, même sélectionnées », cf. « La République au féminin, 1789 à 1944, la longue histoire des femmes de la République », 2003, http://www.thucyclide.com/realisations/comprendre/femmes/intro.htm
[7] Et ce malgré une brève légalisation du vote des femmes pendant la Commune de Paris, en 1871. A titre de comparaison, les néo-zélandaises ont été les premières à voter en 1893, les turques votent depuis 1930 aux élections locales et 1934 aux élections nationales. Mais les saoudiennes ont voté pour la première fois en 2015.
[8] En France, en 2015, les femmes touchaient encore un salaire de 24% moins élevé que celui des hommes et seulement 26,9% de femmes siégeaient à l’Assemblée nationale : Les inégalités entre les femmes et les hommes en France, Observatoire des inégalités, 3 mars 2015, http://www.inegalites.fr/spip.php?article1400
[9] Alors qu’en 1789, Nicolas de Condorcet rédigeait un article intitulé « Sur l’admission des femmes au droit de cité », demandant la reconnaissance des droits de la femme et dénonçant le caractère patriarcal de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen adoptée le 26 août 1789, une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne était imprimée en 1791 à Paris par Olympe de Gouges.
[10] Conférences de Mexico (1985), de Copenhague (1980), de Nairobi (1985) et de Pékin en 1995.
[11] Tahrir al mar’a’ al muslima, Kitab al-murshid al-‘ aminfi tarbiyyati al-banati wa al-banin, Oeuvres complètes, Le Caire, 1872. trad. fr. L’émancipation de la femme musulmane, le guide honnête pour l’éducation des filles et des garçons, Paris, Beyrouth, Al Bouraq Eds. 2000.
[12] Tahrir al-mar’a, (La libération de la femme), 1899 ; Al Mar’a al-jadida (La femme nouvelle) ,1900.
[13] Il a soutenu en 1913 sa thèse à Paris intitulée La condition de la femme dans la tradition et l’évolution de l’islamisme, dans laquelle il critiquait ouvertement l’influence de l’islam sur la condition réservée à la femme musulmane, ce qui lui valut les foudres de l’université Al Azhar. Réed. La condition de la femme en islam, Paris, Alia, 2002.
[14] Notre femme dans la législation islamique et la société, 1930, Réed. Tunis, MTL, 1978 : « C’est la femme qui donne naissance au peuple, c’est à elle aussi de l’élever et de l’éduquer », Ibid. p. 92.
[15] Sonia Dayan-herzbrun, « Féministe et nationaliste égyptienne : Huda Sharawi », in Mille neuf cent, n°16, 1998, p. 57 à 75.
[16] Le monde arabe, et particulièrement le Machrek comprenant de fortes minorités chrétiennes. Les femmes issues de ces communautés subissent également des discriminations, le modèle patriarcal à l’origine de ces dernières ne pouvant pas être uniquement corrélé à l’islam. Il semble, par exemple, que les crimes d’honneurs soient également pratiqués en Jordanie dans les milieux chrétiens urbanisés. Valensi Lucette, « La condition des femmes dans les pays arabes », in Projet, 5/2004, n°282, p. 27.
[17] Sur le contenu de ces réformes : Bras Jean-Philippe, « La réforme du code de la famille au Maroc et en Algérie : quelles avancées pour la démocratie ? », Critique internationale 4/2007 (n° 37), p. 93-125.
[18] Sur toutes ces questions, comme plus généralement sur les droits des femmes dans les pays arabes, voir la thèse très documentée de Khillo Imad, Les droits de la femme à la frontière du droit international et du droit interne inspiré de l’islam : le cas des pays arabes », Aix-en-Provence, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2009, p. 327 à 348.
[19] Concernant le Maghreb : Papi Stéphane, L’influence juridique islamique au Maghreb (Algérie-Libye-Maroc-Mauritanie-Tunisie), Paris, l’Harmattan, Collection Histoire et perspectives méditerranéennes, novembre 2009.
[20] Code de droit canonique de 1983, Canon 1055 – § 1.
[21] Linant de Bellefonds Yves, Traité de droit musulman comparé, La Haye-Paris, Mouton, 1965, p. 23.
[22] Sourate IV, verset 21.
[23] « Oh, jeunes gens ! Quiconque possède parmi vous la capacité physique et les moyens financiers nécessaires au mariage, qu’il se mette en ménage. Certes, le mariage contraint les regards lascifs et préserve la chasteté. Quant à celui qui n’en possède pas les moyens, qu’il jeûne, car le jeûne le protègera contre la tentation », Hadîth rapporté par Muslim, Sahîh, n°2485.
[24] Le mariage « … permet de rabattre le regard et de préserver sa chasteté… Quiconque se voit octroyer de la part de Dieu une femme vertueuse doit savoir que Dieu l’a aidé à accomplir la moitié de sa religion. Qu’il craigne alors Dieu pour l’accomplissement de la moitié restante » : Hadîth rapporté par At-Tabarâni et Al-Hâkim, n° 2681.
[25] Coran, sourate IV, verset 34 : Masson Denise, Essai de traduction du Coran, revue par el Saleh Sobhi, Paris, Gallimard, La Pléiade/Beyrouth, Dar al Kitab al Lubnani, 1980, p. 106.
[26] Coran, sourate II, versets 229 et 231.
[27] Malaurie Philippe, Droit civil, droit de la famille, Paris, Cujas n°21, n°4, p. 12 cité in Jahel Sélim « La lente acculturation du droit maghrébin de la famille dans l’espace juridique français », in Revue Internationale de Droit Comparé, 1/1994, p. 47.
[28] La famille agnatique se caractérise par une ascendance masculine, un héritage qui se transmet en ligne paternelle, de père en fils, afin de sauvegarder l’indivision du patrimoine familial.
[29] Plus précisément, cette situation correspond à la « polygynie », la polygamie englobant aussi bien cette dernière que la « polyandrie », c’est à dire le fait pour une femme d’avoir plusieurs époux.
[30] Point n°14 : polygamie http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/recommendations/recomm-fr.htm
[31] En Afrique subsaharienne, les animistes présenteraient un taux de polygamie égal à 47,5%, supérieur à celui des musulmans. Au Tchad, les animistes seraient polygames à 51,4%, les catholiques à 46,8%, loin devant les musulmans (35,6%) : Todd Emmanuel, Courbage Youssef, Le rendez-vous des civilisations, Paris, Le Seuil, 2007, p.63.
[32] Todd Emmanuel, Courbage Youssef, Le rendez-vous des civilisations, op. cité, p.60 ; Kateb Kamel, « Scolarisation féminine massive, système matrimonial et rapport de genre au Maghreb », in Actes du 26e congrès international de démographie, Marrakech, 2009, http://iussp2009.princeton.edu/papers/90016 ; LOCOH Thérèse, Ouad ah-Bedidi Zahia, Familles et rapports de genre au Maghreb, évolutions ou révolutions, INED, document de travail n°213, octobre 2014, p. 12.
[33] Gonzalez-Quijano Yves, « Moi et mes quatre maris : l’égalité devant la polygamie », in Culture et politique arabes, 3 janvier 2010, http://cpa.hypotheses.org/1535 ; Ganly Katharine, « Monde arabe, un article sur la polygamie fait des vagues », in Global voices, 1er décembre 2010, http://fr.globalvoicesonline.org/2010/01/12/27335/.
[34] « Maroc : polygamie au conseil des ministres », 15 avril 2015, http://www.bladi.net/polygamie-conseil-ministres,41724.html
[35]La lecture de l’Ancien Testament est là pour nous rappeler que le roi Salomon était polygame puisque selon le Livre des Rois il avait « sept cent épouses de rang princier et trois cent concubines » (Premier Livre, 11:3) ; de même, selon Isaïe, il arrivera un jour où sept femmes s’arracheront un homme en disant : « Nous mangerons notre pain, nous mettrons notre manteau, laisse-nous seulement porter ton nom. Ôte notre déshonneur ». (Isaïe : 1.) Ainsi, chez les Hébreux, après leur établissement en Palestine, le nombre des épouses pour un même homme atteint des dizaines, l’agriculture ayant besoin d’une main d’œuvre considérable et donc d’une large progéniture.
Après l’exode, l’abandon de l’agriculture et l’adoption du commerce, la polygamie se restreint, le commerce se suffisant d’une main d’œuvre limitée ; le Talmud limitera donc la polygamie à quatre épouses. (Le Talmud de Jérusalem, Ketouboth, 10, 1 à 6, Mishna et Gimara, Eds. Schwab, V/1, p. 127 et suite). La polygamie existait également à Sparte (Hérodote, Histoire, V, 39-40.), en Inde brahmanique (Cf. notamment « Rig Veda » Eds. Wilson, 1/12/2, 4 ; 1/17/1, 10 ; 1/18/6, 3 ; 3/1/6, 4 ; 4/1/5, 13 ; 5/3/10, 12 ; 5/4/3, 6 ; 7/1/6, 5 ; 7/2/1, 2 et 22 ; 8/3/3, 6 ; 10/9/12, 10) et chez les peuples germains (Caesar Julius, De bello Gallico, 1/53 ; Tacite, Germania, 18).
[36] Sourate IV, verset 3.
[37] Sourate IV, verset 129.
[38] Borrmans Maurice, Statut personnel et famille au Maghreb de 1940 à nos jours, Paris/ La Haye, Mouton, 1977, p. 55-56.
[39] Charfi Mohamed « L’influence de la religion dans le droit international privé des pays musulmans », in Recueil de l’académie de La Haye, Tome n°203 (1987-III), p. 435.
[40] Al Naqd ad dati (L’autocritique), Le Caire, 1952.
[41] Egypte : art. 40 bis de la règlementation des agents et des notaires du mariage de l’année 1955, modifiée par la décision n° 1727 / 2000 du ministre de la Justice. Loi du statut personnel jordanien de 1976, amendée en 2001, arts. 6 al.2 et 3. Code qatari de la famille de 2006, art. 14. Loi yéménite sur le statut personnel de 1992 amendée en 1998, art.12.
[42] Code de la famille algérien, art.8 alinéa 3. Code de la famille marocain, art.45.
[43] Loi du statut personnel jordanien de 1976, art. 40. Depuis 2001, le juge devra, avant la signature du contrat de mariage vérifier la capacité financière du mari à payer la dot et assurer l’entretien (art. 6 bis al. 1er). Code qatari de la famille de 2006, art.14. Loi yéménite sur le statut personnel de 1992 amendée en 1998, art.12. En Syrie, selon la loi sur le statut personnel de 1953 amendée en 1975, le juge peut interdire un mariage qui ne répond pas à cette condition d’équité entre les épouses, à moins que le mari puisse se prévaloir d’une « justification légale », au sens de la charî’a, c’est-à-dire qu’il puisse le justifier religieusement (art. 17). La note explicative relative à cette référence religieuse ajoutée en 1975, s’est prévalue du fait que la seule référence aux capacités financières du mari était « inadéquate » : Reasons Necessitating the Amendment of the Law of Personal Status’, in ‘Atari, Mamduh (ed), Qanun al-ahwal al-shakhsiyya. (Damascus, 2002).14. Code marocain de la famille, art.41.
[44] Code marocain de la famille, art.40. Code algérien de la famille, art.19. Code du statut personnel mauritanien, art.28. Au Liban, une clause de monogamie est prévue et applicable dans le statut personnel de la communauté sunnite en référence à l’art. 38 du code ottoman de la famille ainsi libellé « La femme peut valablement stipuler que son mari n’épousera pas une autre femme et que, s’il le fait, elle-même ou la seconde épouse, suivant les termes de la clause, sera considérée comme répudiée ». Cette disposition n’est cependant pas applicable à la communauté chi’ite. En pratique, constatait que sur plus de 3000 contrats de mariage enregistrés à Beyrouth en mai 2000, aucun ne contenait de clause de monogamie : El Husseini Beghdache Roula, « Le rôle de la volonté en droit musulman de la famille », in Actes du colloque « Droit et religion » organisé par le Centre d’étude des droits du monde arabe de l’Université St Joseph, CEDROMA Beyrouth, mai 2000 : http://www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/drreli/Husseini.pdf:
[45] Code marocain de la famille, art.45. Code du statut personnel mauritanien, art.29. En Egypte, l’épouse informée du remariage de son mari dispose alors d’un délai d’un an pour demander le divorce, à condition de prouver l’existence d’un préjudice moral ou matériel.
[46] Code de la famille algérien, art. 8 al. 3. Code marocain de la famille, art. 41. La Libye restreignait également l’exercice de la polygamie en la soumettant à différentes conditions posées par les lois de 1984, du 1er septembre 1991 et du 29 janvier 1994, ces dernières ayant été levées par la Haute Cour de Justice le 5 février 2013.
[47] H.C.C, 15 mai 1993, n°7/8, Rec. Vol.5, part.2, p.290 et s. H.C.C, 2 juin 2013, n°41/26 ; JO n°23 bis (b), 10 juin 2013. Ce faisant, la Haute Cour Constitutionnelle réduit considérablement la portée de l’article 2 de la constitution de janvier 2014 aux termes duquel : « Les principes de la charî’a islamique sont la source principale de la constitution ». Sur ce point Cf, Bernard-Maugiron Nathalie, Dupret Baudouin, « Les principes de la charia sont la source principale de la législation. La H.C.C et la reference à la loi islamique”, Egypte-Monde Arabe, n°2, 1999, Nvelle série ; Bernard-Maugiron Nathalie, Le politique à l’égard du judiciaire : la justice constitutionnelle en Egypte, Bruxelles, Bruyland, 2003.
[48] H.C.C, 14 août 1994, n°35/9, Rec. Vol. 8 p.331 et s.
[49] Khillo Imad, Les droits de la femme à la frontière du droit international et du droit interne inspiré de l’islam : le cas des pays arabes », op.cité, p. 317 et 318 ; Proposals from Printemps d’Egalité and the Federation of Women’s Work, Benyahya, Muhammad (ed.), Al-Mudawwana al-jadida li-al-usra. (Rabat, 2004). 89, 95.
[50] Art. 10 de la loi du 24 février 1948.
[51] Karam Karam, Le mouvement civil au Liban. Revendications, protestations, mobilisations associatives dans l’après-guerre, Paris, Karthala, 2006.
[52]Art. 18, alinéa 2.
[53]Art. 18, alinéa 3.
[54]C. Cass. pén. 14738, 9 octobre 1986: BCC 1986, p. 317.
[55]C. Cass. pén. 15899, 27 janvier 1988 : BCC 1988, p. 122.
[56] Largueche Dalenda, Monogamie en Islam, l’exception karouanaise, Tunis, Centre de Publication Universitaire, 2011.
[57] Communiqué du ministre de la Justice du 13 août 1956 annonçant la promulgation du CSP, L’Action, 3/9/1956, n° 65, p. 1.
[58] CEDAW/C/SR.816, réponse d’Al Hadlaq M., n°75, p. 8.
[59] Papi Stéphane, « La reconnaissance du mariage mixte des musulmanes dans les législations maghrébines », in Annuaire Droit et Religions, volume n°4, année 2009-2010, p. 149 à 164.
[60] Code marocain de la famille, art 39 al. 5. Code du statut personnel mauritanien, art. 46. Loi sur le statut personnel koweitien (1984), art. 18 al. 2. Code du statut personnel jordanien de 1976 amendé en 2001, art.33 al.2. En Egypte, un homme musulman peut épouser toute femme, quelle que soit sa religion, à condition qu’elle ne soit ni polythéiste, ni membre d’une communauté non reconnue : par exemple celle des Bahaïs. (Arts. 31-31 et 120 du code de Qadri Pacha)
[61] Code algérien de la famille, art. 30 alinéa 5. Code marocain de la famille, art. 39 alinéa 4. Code de statut personnel mauritanien, art. 46. Code de statut personnel syrien du 7 septembre 1953 (loi N° 59 de l’année 1953 amendé par la loi N° 34 de l’année 1975), art. 48. Code du statut personnel jordanien de 1976 amendé en 2001, art.33, al. 1er. Loi sur le statut personnel koweitien (1984), art. 18-2. Egypte : art. 122 du code de Qadri Pacha. La revue « Al Hidayah », publiée par le ministère de la justice et des affaires islamiques de Bahreïn, a déclaré en 1993 dans une réponse au courrier des lecteurs : « Celui qui commet l’adultère ou a des rapports sexuels avec une femme musulmane en vertu d’un contrat de mariage, viole le traité de paix entre lui et les musulmans (naqada al‘adh) ; il est licite de verser son sang ; ses biens reviennent aux musulmans ; il doit être tué même s’il devient musulman ». (Al hidayah (Bahreïn), n°190 juin 1993, p.94, cité par Aldeeb Abu Sahlieh Sami Awad, Les musulmans face aux droits de l’homme : religion, droit et politique, Bochum, Verlag Ed., 1994, p. 131).
[62] Coran, sourate 60, verset 10 ; sourate 5, verset 5.
[63] Ridha Rashid, Tafsir al Manar, Vol. 2, p. 375 et ben ‘Achour Tahar, Al Tahrir wa al Tanwir, vol. 12, p. 360. Cités par Grami Amel, « L’interdiction du Mariage de la musulmane avec le non-musulman », Groupe de Recherche Islamo-Chrétien (G.R.I.C) de Tunis, 27 novembre 2006 : http:www//gric.assoc.fr ; Charfi Mohammed « L’influence de la religion dans le droit international privé des pays musulmans », op. cité, p. 445-451 ; Al ‘Ajamî Abû Nahla, Que dit vraiment le Coran ?, Paris, Srbs Editions 2008, p. 24 à 27 ; Khalafallah Muhammad Ahmad, Al qur’an wa l’mushkilat hayatina al mu’assirah (Le Coran et les problèmes de la vie contemporaine), Beyrut, al mu’assassah al’arabiyyah lil dirassat wal nashr, 1982, cité par Aldeeb Abu Sahlieh Sami Awad, Les musulmans face aux droits de l’homme : religion, droit et politique, op. cité, p. 135.
[64] Al ‘Ajamî Abû Nahla, Que dit vraiment le Coran, op. cité.
[65] Badran Abû al ‘Aynayn, « Al’ilaqat al ijtima’iyya bayn al muslimin wa ghayr al muslimin » (Les relations sociales entre musulmans et non musulmans), Beyrouth, Dar al nahda al ‘arabiyya, 1980, p. 88, cité par Aldeeb Abu Sahlieh Sami Awad, Les musulmans face aux droits de l’homme, religion, droit et politique, op. cité, p. 131.
[66] Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, art. 16. Convention de New-York du 10 décembre 1962 sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement du mariage ; Pactes internationaux de New-York du 16 décembre 1966 relatifs, l’un aux droits civils et politiques, l’autre aux droits économiques, sociaux et culturels ; Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion de 1981 ; Convention de Copenhague sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination à l’égard des femmes adoptée par l’Assemblée Générale des Nations-Unies dans sa résolution 34/180 du 18 décembre 1979 et entrée en vigueur le 3 septembre 1981.
[67] « Loi établie par Dieu, c’est-à-dire l’ensemble des règles révélées par Dieu à Muhammad (Mahomet) qui s’appliquent à la vie religieuse et sociale des musulmans à l’intérieur de la communauté » : Sourdel Dominique, Sourdel-Thomine Janine, Vocabulaire de l’islam, Paris, P.U.F, « Que sais-je ? », p. 110.
[68] Par exemple, sur les 22 Etats que compte la Ligue des Etats Arabes, 16 ont adhéré à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes en émettant toutefois des réserves substantielles, tantôt générales, tantôt spécifiques, touchant les unes ou les autres de ses dispositions fondamentales et, notamment, de son article 16 consacrant entre autres l’égalité durant le mariage et lors de sa dissolution. C’est le cas de l’Algérie, du Bahreïn, Des Comores, de l’Egypte, des Emirats Arabes Unis, de l’Iraq, de la Libye, de la Jordanie, du Koweït, du Liban, du Maroc, d’Oman, de la Syrie et de la Tunisie.
[69] Le 10 décembre 2008, à l’occasion du 60e anniversaire de la déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le Roi Mohammed VI a adressé une Lettre Royale au Comité Consultatif des Droits Humains annonçant la levée des réserves marocaines à la Convention de Copenhague sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination à l’égard des femmes. « Ces réserves sont devenues caduques du fait des législations avancées qui ont été adoptées par le Royaume » a déclaré à cette occasion le Souverain Chérifien.
[70] Il faut cependant préciser que Tunisie et le Maroc ont maintenu des déclarations générales, – qui ont une portée juridique moindre que les réserves puisqu’elles ne peuvent écarter ou modifier l’effet juridique d’un traité – indiquant, pour la Tunisie qu’aucune décision administrative ou législative qui serait susceptible d’aller à l’encontre des dispositions du chapitre 1er de la Constitution tunisienne ne sera adoptée en vertu de cette convention, et pour le Maroc que les dispositions de l’article 2 de la convention ne seront appliquées qu’à condition qu’elles n’aillent pas à l’encontre de la charÏ’a islamique.
[71] «Des ONG féministes mènent campagne pour l’égalité entre les sexes depuis les années 1989, considérant que la famille est le lieu de consécration du patriarcat et qu’on ne peut lutter contre l’ordre patriarcal dominant que par la réalisation de l’égalité. Dans ce sens, Des actions de lobbying ont été organisées en Tunisie, en Algérie, au Maroc pour demander aux États respectifs de ratifier la Convention internationale relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et plus tard de lever les réserves qu’ils ont formulées à l’encontre de certaines de ses dispositions. Une campagne arabe a été organisée à cet effet en partenariat avec la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) pour inciter les États parties arabes à lever leurs réserves et à garantir l’application intégrale de la Convention et la jouissance par les femmes arabes de tous les droits qu’elle reconnaît.» : Chékir Hafidha, « Le combat pour les droits des femmes dans le monde arabe », FMSH-WP-2014-70. 2014. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01005544
[72] C.Cass., Civ. arrêt n°3384 du 31 janvier 1966, in RJL 1967,6, p.37 ; Revue Tunisienne de Droit, 1968, p.114, note de Lagrange E.
[73] C. Cass., arrêt pénal n°7795 du 27 juin 1973, in bulletin C.Cass., partie pénale, 1973, p. 21 : « 1. Si deux personnes, une femme musulmane et un homme italien se sont mis d’accord sur le mariage entre eux et ceci s’est concrétisé hors des formalités requises par la loi, alors la disparité de culte n’empêche pas de constituer le crime par application de la loi du 1er août 1957 » ; « 2. Le mariage de la musulmane est un mariage concret contracté hors des formes légales, qui n’est pas reconnu par la loi et nécessite une sanction ».
[74] TPI Tunis, 29 juin 1999, affaire n°26-855 : note de Ben Achour Souhayma, in Revue Tunisienne de Droit, année 2000, p. 403 à 424 et Ben Halima Sassi, « Religion et statut personnel en Tunisie », in Revue Tunisienne de Droit, année 2000, p. 107 à 138.
[75] Ben Jemia Monia, « Non-discrimination religieuse et code du statut personnel tunisien », in Revue Franco-Maghrébine de Droit, n°15, 2007, p. 211.
[76]C. Cass. civ. n°3843-2004, 20 déc. 2004, in JDI, n°4, oct.2005, 17, p. 1193, note Ben Achour Souhayma.
[77]C.Cass. civ., 5 févr. 2009, in ASJ, 2009, p. 195, note Ghazouani M.
[78] Article 20 de la constitution du 27 janvier 2014.
[79] C.Appel Sousse, 3 mai 2013, n°9246, cité in Ben Jemia Monia, « Y a-t-il du nouveau en matière d’ordre public international ? », Leaders, 9 février 2014, http://www.leaders.com.tn. ; C.Appel Tunis, 26 juin 2014, n°36737, cité in Ben Jemia Monia « L’article 1er de la constitution devant la Cour d’appel de Tunis : A propos de l’arrêt n° 36737 du 26.6.2014 », Leaders, 20 avril 2015, http://www.leaders.com.tn
[80] Bostanji Sami, « Turbulences dans l’application judiciaire du code tunisien du statut personnel : le conflit de référentiel dans l’œuvre prétorienne », RIDC, 1/2009, p. 24-25. L’auteur livre dans cette étude une analyse intéressante des causes de ces oscillations jurisprudentielles entre ces deux logiques.
[81] Ministère de l’Intérieur, recueil des textes et circulaires officiels relatifs à l’état civil, au nom et au livret de famille, Tunis, JORT, 1976, p. 82.
[82]Décret n°606 du 19 octobre 1973.
[83] RJL, 1973, n°9, p. 83.
[84] Meziou Kalthoum, Jurisclasseur de droit comparé: Tunisie (Mariage, filiation), 8 ; 1997, n°36, p. 9.
[85] Abida Salma, « Les pouvoirs du juge tunisien en droit de la famille », in Yassari Nadjma, (dir.) Changing God’s Law : The dynamics of Middle Eastern Family Law, New York, Routlege, 2016, p. 161.
[86] C.Cass. Civ, 6 juillet 1999, n°68443 ; Cass.Civ, 2 janvier 2001, n°2000-3396.
[87] C.Cass. Civ, 28 avril 2000.
[88] Ministère tunisien des Affaires Etrangères, municipalités de Sfax.
[89] Consulats Généraux de Tunisie à Paris et à Lyon, municipalités de Tunis, l’Ariana.
[90] Municipalité de Sousse.
[91] Violences à l’égard des femmes : les lois du genre, Tunis, Euro Med Droits, Réseau euro-méditerranéen des droits humains, 2016, p.48.
[92] Sorel Malika, « Ces français contraints de se convertir à l’islam », Atlantico.fr, 26 décembre 2011.
[93] Question écrite n° 15514, publiée au JO le 15/01/2013 p. 322, Réponse publiée au JO le 02/04/2013 p. 3514. De fait, la consultation du site internet des consulats du Maroc (http://www.consulat.ma/fr/prestation.cfm?gr_id=8&id=78#serv) permet de constater que le certificat de conversion à l’islam n’est pas requis au titre des pièces exigées pour l’établissement d’un certificat de coutume, alors même que selon l’article 14 du code de la famille, les marocains résidant à l’étranger peuvent conclure leur mariage selon les procédures administratives locales du pays de résidence, pourvu que soient réunies différentes conditions dont l’absence d’empêchements légaux au nombre desquels on trouve pourtant, à la lecture de l’article 39 al.4 du même code, l’appartenance du futur mari à une autre religion que l’islam…
[94] Cf. supra.
[95] Ghamroun Samer, « Liban: mobiliser la norme islamique, préserver le système pluricommunautaire », in La chari’a aujourd’hui : usages de la référence au droit islamique, Dupret Baudouin (dir.), Paris, La Découverte, 2012, p.113 à 125.
[96] Korchane Faker, « Au Liban, le premier mariage civil a été reconnu », fait religieux.com, 27.04.2013, http://fait-religieux.com/monde/moyen_orient/2013/04/27/au_liban_le_premier_maria…
[97] http://fait-religieux.com/http://fait-religieux.com/ilslontdit?q_ilslontdit=Tout%20resp.
[98] Durand Bernard, Droit musulman, droit successoral Farâïdh, Paris, Litec, 1996, p. 8 et 9.
[99] Ibid.
[100] Ibn Khaldoun, « Prolégomènes », traduction de Slane, III, 23, 24, 139.
[101] Cf. Coran, verset 6, sourate 33 et Hadîth : « Les individus appartenant à deux sectes différentes n’héritent pas l’un de l’autre », cité in Blanc François-Paul, Milliot Louis, Introduction au droit musulman, Paris, Dalloz, 2001, p. 491. Concernant les thèses remettant en cause l’interdiction : Charfi Mohamed, « L’influence de la religion dans le droit international privé des pays musulmans », op. cité, p. 444 ; Mezghani Ali, Meziou-Dourrai Kalthoum, L’égalité entre hommes et femmes en droit successoral, Tunis, Sud éditions, 2006.
[102] Code marocain de la famille, art. 332. Le code algérien de la famille restant silencieux sur ce point, ce sont, conformément à l’art. 222 les dispositions du droit musulman qui s’appliquent directement ce qui implique, par conséquent, une communauté religieuse entre successibles ; de plus la Cour suprême algérienne est venue préciser dans un arrêt du 9 juillet 1984 que l’héritier d’un musulman devait être musulman. Code du statut personnel mauritanien, art. 237. Au Liban, les trois communautés musulmanes (sunnite, chi’ite et druze) s’accordent sur le principe selon lequel les non musulmans ne peuvent succéder à des musulmans. Egypte : art. 6 de la loi 77/1943. Soudan : art. 351 du code du statut personnel. Yémen : art. 305 du code du statut personnel. Oman : art. 239 du code du statut personnel.
[103] Etat de l’égalité et de la parité au Maroc, Conseil National des Droits de l’Homme, p.14-14, n°29, 30, 31, juillet 2015, www.cdh.ma
[104] C. Cass. civ. 3384, 31 janvier 1966, in RJL 1967, 6, p. 37, concl. Min. publ. RTD 1968, p. 114, note de Lagrange E.
[105] ben Jemia Monia, « Non-discrimination religieuse et code du statut personnel tunisien », op. cité, p. 209.
[106] TPI Tunis, 18 mai 2000, n°7602, in RTD 2002, note Mezghani Ali, p. 247.
[107] C.Appel Tunis, n°82861, 14 juin 2002 ; C.Appel Tunis, n°120, 6 janvier 2004.
[108] C.Cass, 20 décembre 2004, n°3843, in JDI 2005, p. 1193, note Ben Achour Souhayma.
[109] Cass. civ. 9658, 8 juin 2006, in RJL 2006, 3, p. 208.
[110] Elle a estimé que le père étant musulman, la fille doit être considérée comme musulmane et le fait qu’elle soit née de mère allemande, ayant toujours vécu en Allemagne et ne parlant pas l’arabe et mariée à un Allemand ne constitue pas une preuve de non-islamité, d’autant que le Code du statut personnel ne prévoit pas expressément un empêchement fondé sur la disparité de culte (Cass. civ. 4105, 19 juin 2006, in BCC 2006, p. 235).
[111] C.Cass. civ. 10 févr. 2007, n°4487, in ASJES 2007, 1, p. 297.
[112] C.Cass. civ. 5 févr. 2009, n°31115: RJL 2009, 3, p. 319, note Ghazouani M.
[113] C.Cass., 30 juin 2009, n°26950/2008.
[114] Meziou Kalthoum, JurisClasseur Droit comparé, V, Tunisie, 04-2011, fasc. 25.
[115] C.Appel Tunis, 26 juin 2014, op. cité. Pour Sana Ben Achour, cet arrêt … « a organisé la mort sociale du mari français supposé non-musulman, conjoint d’une Tunisienne supposée musulmane ayant transgressée par leur mariage hors norme, le code social et culturel de l’endogamie religieuse » : Violences à l’égard des femmes : les lois du genre, op. cité, p.43.
[116] Ben Jemia Monia, « Migration et genre de, vers et à travers la Tunisie », in CARIM, Notes d’analyse et de synthèse, 2010/60 : http://cadmus.eui.eu/bitstream/handle/1814/15190/CARIM_ASN_2010_60.pdf?sequence=1
[117] n°11901.
[118] Ben Jemia Monia, « Le juge tunisien et la légitimation de l’ordre juridique positif par la char’ia » in La chari’a aujourd’hui : usages de la référence au droit islamique, Dupret Baudouin (dir.), Paris, La Découverte, 2012, p. 157.
[119] Ben Achour Sana, « La construction d’une normativité islamique sur le statut des femmes et de la famille », conférence donnée à l’Université de tous les savoirs, 10 octobre 2007, n°665, p. 11. http://download2.cerimes.fr/canalu/documents/groupe_utls/101007.pdf
[120] Les Français d’origine maghrébine sont généralement binationaux.
[121] Cf. Sourate IV, versets 11 et 12.
[122] Code du statut personnel tunisien, arts 103 al.3, 105 al.3, 106 al.4, 119. Code de la famille marocain, art. 351. Code du statut personnel mauritanien, art. 268. Code de la famille algérien, art. 155. Egypte, art. 12 a, loi n° 77 du 6 août 1943. Oman : art. 11 al. 6 Loi fondamentale. Au Liban, pour les musulmans, « La dévolution successorale repose toujours sur la distinction des héritiers Acebs et Fard, les filles ayant une part héréditaire de moitié inférieure à celle des garçons » : Gannagé Pierre, JurisClasseur Droit comparé, V° Liban, Successions, 01-2007, n°57.
[123] Il s’agit d’une règle issue du Coran (Sourate 2, verset 180) permettant de stipuler des legs en faveur des proches non successibles et donc d’instaurer plus d’équité dans les droits successoraux.
[124] Il s’agit d’une technique successorale permettant l’attribution de l’intégralité du patrimoine aux héritiers à fardh (les héritiers réservataires).
[125] Mezghani Ali, Meziou-Dourrai Kalthoum, L’égalité entre hommes et femmes en droit successoral, op. cité.
[126] Plaidoyer pour une égalité de statut successoral entre homme et femme en Algérie, novembre 2010, 18 p.
[127] Plaidoyer pour l’égalité dans l’héritage, présenté en conférence de presse le 11 août 2006 à l’occasion du cinquantième anniversaire du Code du statut personnel.
[128] « Egalité de l’héritage entre hommes et femmes : les Tunisiens favorables à 47% », Business News, 9 mai 2016, http://www.businessnews.com.tn/egalite-de-lheritage-entre-hommes-et-femmes–les-tunisiens-favorables-a-47,520,64382,3
[129] Bellamine Yassine, « Pour le muftî de la République, « le Coran est clair », il n’y aura jamais d’égalité dans l’héritage », Al Huffington Post Maghreb-Tunisie, 6 mai 2016, http://www.huffpostmaghreb.com/2016/05/06/mufti-tunisie-heritage_n_9856664.html
[130] Etat de l’égalité et de la parité au Maroc, op. cité.
[131] El Ayadi Mohammed, Rachik Hassan, Tozy Mohamed, L’Islam au quotidien, Enquête sur les valeurs et les pratiques religieuses au Maroc, Casablanca, Editions Prologues, 2007, p. 124 à 126.
[132] Sur ce point, Cf. El Ayadi Mohammed, Bendalla Ahmed, Pour un débat social autour du régime successoral, les marocaines entre lois et évolutions socioéconomiques, Casablanca, Editions Le Fennec, 2015.
[133] C.cass. civ. 1, 18 mai 2005, n°02-15.425.
[134] C.cass. civ. 1, 11 février 2009, n° 06-12.140.
[135] Règlement (UE) n 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (JO L201,27.7.2012, p. 107-134).
[136] Philippe Jean-Bernard, « A propos du décès des maghrébins », in L’étranger face et au regard du droit, rapport de recherche du Centre de recherches droit de la famille de l’université J. Moulin, Lyon III et de la mission de recherche « Droit et justice » du ministère de la Justice, Fulchiron Hervé (dir.), Paris, La Documentation Française, avril 1999, p. 175 à 177, http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/004000350.pdf
[137] « A la demande d’égalité de statut entre les femmes et les hommes dans la famille, les gouvernants comme les islamistes renvoient à une conception de ce domaine conforme à des principes religieux et à la nécessité de préserver la personnalité nationale », Lalami Feriel, Les algériennes contre le code de la famille, Paris, Presses de Sc. Po, 2012, p. 343.
[138] Lamrabet Asma, Femmes et hommes dans le Coran : quelle égalité ?, Beyrouth, Al Bouraq 2012. Cf. aussi, Ali Zahra, Féminismes islamiques, 2012, Paris, La Fabrique ; Bienaime Charlotte, Féministes du monde arabe, enquête sur une génération qui change le monde, Paris, Edition des Arènes 2016 ; Keshavarz Nahid, Les nouveaux féminismes en Iran, le mouvement des femmes de 1989 à 2009, Paris, L’Harmattan, 2015 ; Göle Nilüfer, « Islamisme et féminisme en Turquie », in Lamloum Olfa et Ravenel Bernard, dir. Femmes et islamismes, Confluences Méditerranée, n°27, 1998, p. 81 à 91 ; Wadud Amina, Inside the Jender Jihad, Women’s Reform in Islam, London, Oneworld, 2006.
[139] Anvar Leili, 2009, « Muhammad, le Prophète qui aimait les femmes », in Le Monde des Religions, op. cité, p.34.
[140] « Alors que la spécificité doit être considérée comme une source d’enrichissement des droits universels des femmes, dans ces cas, elle est utilisée en tant qu’instrument de restriction, de réduction et de régression des droits des femmes pour consolider le patriarcat et l’asseoir sur des textes religieux qui l’imprègnent de religiosité ou de sacralité et qu’il est difficile de remettre en question. C ‘est la raison pour laquelle beaucoup de militantes et de militants dénoncent le recours à la religion pour l’aliénation des droits des femmes et appellent à la sécularisation du droit pour que règnent l’égalité, la justice et la démocratie » : Chekir Hafidha, « Universalité et spécificité: autour des droits des femmes en Tunisie », Jura Gentium, 2005.
[141] Cf. constitution marocaine du 1er juillet 2011 ; constitution égyptienne du 15 janvier 2014 ; constitution tunisienne du 26 janvier 2014. Ces évolutions constitutionnelles permettent de donner une assise juridique plus solide aux revendications visant à supprimer les dispositions juridiques inégalitaires. Cet argument a notamment été développé au Maroc par le Conseil National des Droits de l’Homme dans son rapport, Etat de l’égalité et de la parité au Maroc, (op. cité) pour proposer leur remise en cause.
[142] En avril 2014, une loi contre les violences conjugales a été adoptée au Liban. Elle a donné lieu au mois de juillet suivant à une condamnation, la première prononcée pour ce motif dans ce pays, d’un homme à neuf mois de prison ferme et à une amende de 9700 euros pour avoir battu son épouse. Au mois de mars 2015, une loi criminalisant les violences conjugales a également été adoptée en Algérie. Au Maroc, un projet de loi contre les violences faites aux femmes a été adopté par le Conseil de gouvernement le 17 mars 2016.
[143] Gate Juliette, « Droits des femmes et révolutions arabes », in La Revue des droits de l’homme, n°6, novembre 2014, http://revdh.revues.org/929. Voir également le constat dressé par le Forum International des Femmes Méditerranéennes co-organisé par le centre marocain Isis et par la Fondation Konrad Adenauer (Fès, Maroc, 21-23 juin 2013). Cf. http://www.kas.de/marokko/fr/publications/35491/