Les discours de haine, le droit pénal et la Cour européenne des droits de l’homme
Par Thomas Hochmann, Professeur de droit public, Université Paris Nanterre (CTAD), Institut Universitaire de France, Chaire de recherche France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression (Colibex)
Face aux discours de haine[1], diverses réactions sont à la disposition de l’État. La première consiste à ne pas les réprimer. Telle est la position des États-Unis, où la Cour suprême a déduit du premier amendement une obligation de neutralité entre les points de vue. L’État ne saurait intervenir de manière autoritaire dans l’affrontement des opinions. Il lui est donc interdit de cibler spécifiquement les propos racistes ou d’autres discours de haine[2]. Mais ne pas réprimer ne veut pas dire ne rien faire. Si l’État doit observer une stricte neutralité dans la réglementation de la liberté d’expression, il n’est bien sûr pas tenu d’être neutre dans tous les aspects de son action. Les autorités publiques ont en particulier la possibilité de dénoncer, de critiquer les discours de haine. Pour certains auteurs, telle est la bonne solution : plutôt que de restreindre la liberté d’expression, l’État lutte contre les propos néfastes en émettant un contre-discours[3]. (Signalons en passant que ce contre-discours peut également émaner d’autres acteurs, comme l’illustre l’article 13-1 de la loi du 29 juillet 1881, créé en 1990 par la loi dite « Gayssot ». Cette disposition permet aux associations antiracistes d’exercer un droit de réponse lorsque des propos haineux ont été publiés[4]. Ce mécanisme n’est néanmoins jamais utilisé.)
L’idéologie américaine de la liberté d’expression oppose le contre-discours à la répression : la réponse argumentée (« more speech ») est préférable au silence imposé (« enforced silence »)[5]. Mais, en réalité, l’un n’exclut pas l’autre. L’opposition par la parole peut s’accompagner de mécanismes de sanction. Dans ce cadre, le droit pénal n’est pas la seule solution disponible. Il existe d’abord des sanctions administratives. En France, l’ARCOM est davantage que l’autorité de « régulation » que décrit son nom. Elle est une véritable autorité de police[6], qui détient d’importants pouvoirs de sanction en cas de manquement d’une chaîne à ses obligations. Parmi ces obligations figure une interdiction de diffuser des incitations à la haine ou à la violence[7]. Les « conventions » qui autorisent les chaînes à émettre leur défendent notamment d’« encourager des comportements discriminatoires en raison de la race ou de l’origine, du sexe, de l’orientation sexuelle, de la religion ou de la nationalité »[8]. En cas de manquement grave aux obligations de la chaîne, l’ARCOM peut prononcer des sanctions variées : sanction pécuniaire, mais aussi suspension ou retrait de l’autorisation d’émettre. S’il est parfois intervenu face aux discours de haine[9], cet organe semble malgré tout assez réticent à utiliser ces pouvoirs dans toute leur ampleur face à des chaînes qui paraissent violer quotidiennement leurs obligations[10]. Les compétences de l’ARCOM ne cessent malgré tout d’augmenter, et elle joue également un rôle important dans les mécanismes imaginés pour pousser les plateformes de réseaux sociaux à mettre en œuvre des moyens suffisants dans la lutte contre les contenus illégaux, notamment les discours de haine[11].
Les sanctions disciplinaires constituent un autre outil susceptible d’être utilisé. Un professeur d’histoire a ainsi pu être révoqué pour ses propos négationnistes, sans que le Conseil d’État n’y trouve rien à redire[12]. Des universitaires ont également fait l’objet de sanctions pour des publications négationnistes[13], ou même pour des déclarations tendancieuses tenues en dehors des activités d’enseignement ou de recherche[14]. Des comportements extérieurs à la fonction peuvent en effet justifier une sanction disciplinaire s’ils sont susceptibles de nuire à la fonction. Il n’est pas difficile de considérer qu’il en va ainsi des discours de haine.
Parmi les normes d’application plus générale, la responsabilité civile peut-elle être engagée pour de tels propos ? On retrouve là le grand débat de l’application de l’article 1240 du Code civil aux comportements expressifs, dont on sait qu’il a paru être tranché par l’assemblée plénière de la Cour de cassation dans une série d’arrêts rendus à partir du 12 juillet 2000[15]. La responsabilité civile est désormais exclue en matière de liberté d’expression. La jurisprudence a élaboré une exception pour le dénigrement de bien ou de services[16], mais il ne s’agit là que d’un lointain cousin du discours de haine, lequel vise des personnes.
Reste donc la loi pénale, mais encore faut-il savoir laquelle. En droit français, la plupart des incriminations spécifiques du discours de haine sont inscrites dans la loi du 29 juillet 1881[17], en particulier depuis la loi de 1972 relative à la lutte contre le racisme. Un autre « grand débat » porte néanmoins sur la « sortie » de ces dispositions de la loi de 1881, pour les inscrire dans le droit pénal commun, avec les conséquences d’ordre procédural que cela impliquerait, en particulier permettre les comparutions immédiates et éviter les particularités procédurales de la loi de 1881, les fameux « chausse-trappes » qui gênent les poursuites. Ce carcan procédural a déjà été assoupli à l’égard du discours de haine : les délais ont été allongés et le juge s’est vu reconnaître la possibilité de requalifier l’expression poursuivie[18]. Mais certains militants continuent à demander régulièrement l’inscription des infractions de discours de haine dans le droit pénal commun[19].
Quoiqu’il en soit, la question plus générale demeure : quelle place pour le droit pénal dans la sanction des discours de haine ? Pour répondre, il est nécessaire de laisser un instant de côté les discours de haine, et de poser un problème plus général : est-il justifié de soumettre l’exercice de la liberté d’expression à des limites pénales ? La question peut surprendre, tant les infractions commises au moyen d’une expression sont nombreuses. Extrêmement variées, ces infractions d’expression (speech crimes, Äußerungsdelikte) sont sans doute observables dans tous les ordres juridiques. Quelques exemples issus du droit français suffisent à donner une idée de l’ampleur des incriminations qui visent des comportements expressifs : diffuser un message à caractère violent ou incitant au terrorisme (article 227-24 du code pénal), faire des propositions sexuelles à un mineur de quinze ans (article 227-22-1), obtenir, en menaçant de révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération, la révélation d’un secret ou la remise d’un bien (article 312-10), faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons afin qu’elle commette un assassinat (221-5-1)… On pourrait poursuivre longtemps cette énumération.
Il est indéniable que toutes ces infractions sont commises au moyen d’expression. Il existe deux manières d’envisager leur rapport à la liberté d’expression. La première consiste à assurer que ces comportements sont étrangers à la liberté d’expression. Ils ne relèvent pas de son champ d’application, et leur restriction ne la touche donc pas : il est inutile de justifier ces restrictions par rapport à la liberté d’expression. Ce type d’argumentation s’appuie en général sur les « fonctions » de la liberté d’expression, sur les « valeurs » qu’elle sert[20]. Il est particulièrement développé aux États-Unis, dès lors que la Constitution américaine et la jurisprudence de la Cour suprême admettent difficilement qu’une restriction de la liberté d’expression soit justifiée. Autrement dit, quand le premier amendement, qui garantit la liberté d’expression, entre en jeu, la partie n’est pas loin d’être terminée[21]. On est donc davantage conduit à assurer que le comportement réprimé ne relève pas du domaine protégé par le premier amendement.
En Europe, un raisonnement similaire existe à l’égard du discours de haine, et consiste à lui dénier toute protection. En tant qu’abus de droit, il serait exclu du bénéfice de la liberté d’expression, et sa répression notamment pénale ne poserait par définition aucune difficulté à l’égard de ce droit fondamental. Ce n’est pas, néanmoins, cette démarche qui est habituellement privilégiée. On envisage plus volontiers les infractions d’expression comme des limitations de la liberté d’expression, ce qui conduit à examiner s’il s’agit de limitations justifiées de ce droit.
Or, cette justification paraît plus difficile à établir lorsque la mesure litigieuse est une restriction pénale. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme le montre clairement. Pour la Cour, en effet, la condamnation pénale est « l’une des formes les plus graves d’ingérence dans le droit à la liberté d’expression »[22]. Faut-il en conclure que les juges de Strasbourg ne reconnaissent au droit pénal qu’une place marginale dans l’encadrement de la liberté d’expression et du discours de haine ?
I. Une pénalisation difficilement justifiable en général
La particulière gravité de la sanction pénale paraît évidente. On songe à la prison, aux fers, au bagne. Mais en vérité la question n’est pas si simple et mérite examen. Notons d’abord qu’une des justifications données par la Cour n’est plus pertinente à l’égard du droit français. En 1998, dans l’affaire Lehideux et Isorni, la Cour soulignait « la gravité d’une condamnation pénale pour apologie des crimes ou délits de collaboration, eu égard à l’existence d’autres moyens d’intervention et de réfutation, notamment par les voies de droit civiles »[23]. Or, comme on l’a déjà rappelé, la responsabilité civile est désormais exclue pour les comportements réprimés par la loi de 1881. On ne peut donc plus justifier ainsi la gravité particulière de la sanction pénale en droit français, et c’est à mauvais escient que la Cour a mobilisé cet argument (parmi d’autres) dans une affaire française plus récente[24].
L’existence de voies alternatives n’est cependant qu’un motif surabondant du constat de gravité de la sanction pénale. La Cour indique deux autres critères majeurs. Pour apprécier la proportionnalité d’une restriction, explique-t-elle, il importe de tenir compte de sa nature et de sa lourdeur[25]. Dans certains cas, la lourdeur du châtiment est décisive. La Cour considère ainsi, et on va y revenir dans un instant, qu’une peine de prison sera presque toujours excessive. Mais, bien souvent, d’un point de vue strictement quantitatif, la sanction pénale ne pèse pas plus lourd que les dommages-intérêts prononcés au civil ou les sanctions administratives[26]. Aussi, l’aspect essentiel n’est pas l’ampleur de la peine, mais son caractère pénal.
La Cour est très claire à cet égard : c’est sa nature pénale qui confère sa particulière gravité à la condamnation. Ainsi, « même lorsque la sanction est la plus modérée possible, à l’instar d’une condamnation accompagnée d’une dispense de peine sur le plan pénal et à ne payer qu’un ‘euro symbolique’ au titre des dommages-intérêts, elle n’en constitue pas moins une sanction pénale »[27]. Parfois, explique la Cour, « le fait même de la condamnation importe plus que le caractère mineur de la peine infligée »[28]. La Cour a même pu aller jusqu’à dénier toute pertinence à la lourdeur de la peine. Dans l’affaire Jersild, elle affirmait ne pas admettre « l’argument du Gouvernement selon lequel le faible montant de l’amende entre en ligne de compte ; ce qui importe, c’est que le journaliste a été condamné »[29]. Si la Cour ne va plus si loin et peut accepter de prendre acte de la modicité d’une amende[30], le point central de son raisonnement n’a pas bougé : en soi, par sa nature même et indépendamment donc de son ampleur, une condamnation pénale est une atteinte grave à la liberté d’expression.
La raison en est qu’elle ne s’épuise pas dans le « mauvais traitement » qu’elle impose au condamné (privation de bien ou de liberté). Au strict contenu de la sanction, qui peut très bien être plus lourd dans le domaine civil ou administratif, elle ajoute autre chose : un opprobre, dont la vigueur est sans doute propre au droit pénal. Dans son article sur la « fonction expressive du châtiment », Joel Feinberg souligne ainsi que deux éléments sont à prendre en compte pour se prononcer sur la justification d’une sanction pénale : le mauvais traitement et la « condamnation symbolique », le message de désapprobation sociale qu’exprime la condamnation[31]. Sous un angle juridique, on pourrait affirmer que la peine ne porte pas seulement atteinte au droit de propriété ou à la liberté d’aller et venir, mais aussi à l’honneur, à la personnalité du condamné[32].
Cette attention au préjudice psychique qu’inflige une condamnation pénale est bien exprimée par la juge irlandaise dans une opinion séparée jointe à l’arrêt Eon c. France[33]. Dans cette affaire, la Cour avait perçu une violation de la liberté d’expression dans la condamnation du requérant, pour offense au chef de l’État, à une amende de trente Euros avec sursis. Au vu de la légèreté de cette peine, la Cour refusa d’accorder au requérant une somme d’argent au titre de la satisfaction équitable. Le seul constat de violation était suffisant. La juge Power-Forde rejeta cette manière de voir les choses : « Même si la sanction infligée au requérant était légère, il a néanmoins subi l’épreuve d’un procès pénal et a été reconnu coupable d’une infraction pénale pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression. Cela a incontestablement dû provoquer chez lui angoisse, appréhension et désarroi »[34].
Outre son montant chiffré (tant de mois de prisons ou d’Euros d’amende), la sanction pénale produit des effets néfastes spécifiques qui rendent ce type de restriction de la liberté d’expression plus difficile à justifier. Voilà pourquoi la Cour européenne des droits de l’homme est particulièrement attentive à l’utilisation du droit pénal pour l’encadrement de la liberté d’expression. Il existe néanmoins une exception de taille à ce principe.
II. Une pénalisation bienvenue face au discours de haine
Pour la Cour, lorsque le gouvernement réglemente la liberté d’expression, il doit « témoigner de retenue dans l’usage de la voie pénale »[35]. S’il emprunte malgré tout ce chemin, le recours à des peines de prison est en principe exclu en matière de liberté d’expression : on n’enferme pas les gens pour des paroles. Aussi, « la Cour considère qu’une peine de prison infligée pour une infraction commise dans le domaine de la presse n’est compatible avec la liberté d’expression journalistique garantie par l’article 10 de la Convention que dans des circonstances exceptionnelles »[36]. Or, cette situation exceptionnelle correspond à la provocation à la violence et plus largement aux discours de haines : « là où les propos litigieux incitent à l’usage de la violence à l’égard d’un individu, d’un représentant de l’État ou d’une partie de la population », expliquait la Cour en 1999, « les autorités nationales jouissent d’une marge d’appréciation plus large »[37]. La « diffusion d’un discours de haine ou d’incitation à la violence », explique désormais la Cour, « constitue l’un des rares cas dans lesquels une peine de prison pourra être admissible »[38].
Ces types de propos sont toujours présentés comme des exemples d’une telle situation exceptionnelle, mais le discours de haine semble bien constituer le cas par excellence dans lequel l’État a le droit, voire le devoir, d’user de l’arme pénale et même carcérale face à un usage de la liberté d’expression. Une résolution adoptée par l’Assemblée générale du Conseil de l’Europe en 2007 est à cet égard très révélatrice. Elle appelle les États à dépénaliser la diffamation, ou en tous cas à supprimer toute peine d’emprisonnement pour une telle expression, mais elle les invite simultanément à ériger les discours de haine en infractions pénales passibles d’emprisonnement[39].
Il apparaît donc que dans la conception européenne, et dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, les discours de haine forment un cas à part. Aujourd’hui, les tribunaux français tergiversent beaucoup lorsqu’il s’agit de condamner de tels propos, sans même parler de prononcer des peines de prison. Des lignes jurisprudentielles frileuses tendent à exiger que l’expression litigieuse soit suffisamment explicite, ou encore qu’elle s’applique bien à tous les membres du groupe[40]. Il ne faut jamais oublier que la cour d’appel de Paris a pu récemment exonérer une diatribe contre les immigrés musulmans au motif qu’elle ne visait ni tous les immigrés, ni tous les musulmans, mais seulement les immigrés musulmans[41]… La Cour de cassation, de son côté, s’oppose occasionnellement à la condamnation de propos qu’elle considère « emprunts […] de sentiments racistes », au motif qu’ils ne contiennent nul appel à la haine ou à la violence[42].
On pourrait croire que la Cour européenne des droits de l’homme approuve ce genre de précautions, elle dont on cite trop souvent la formule sur la protection des propos qui « heurtent, choquent ou inquiètent ». Mais la vraie position de la Cour sur la question des discours de haine est toute autre. Elle consiste plutôt à rappeler qu’« en principe on peut juger nécessaire, dans les sociétés démocratiques, de sanctionner, voire de prévenir, toutes les formes d’expression qui propagent, encouragent, promeuvent ou justifient la haine fondée sur l’intolérance »[43]. La Cour considère qu’il « importe au plus haut point » de condamner les propagateurs de haine[44], et donc d’« envoyer les racistes en prison »[45].
À la question qui m’était posée par le programme du colloque (« Quelle place pour le droit pénal dans la sanction des discours de haine ? », je peux donc, une fois n’est pas coutume, répondre clairement : selon la Cour européenne des droits de l’homme, une place centrale.
[1] Les discours de haine sont des expressions hostiles à des groupes de personnes, ou à un individu en ce qu’il appartient à ce groupe. Lorsque cette expression est envisagée par un ordre juridique, des textes la définissent plus précisément en énumérant les critères d’identification des groupes visés. Il peut par exemple s’agir de la nationalité, de l’orientation sexuelle, de la couleur de la peau, de la religion, etc. Sur la question de la définition du discours de haine, voir par exemple, Michel Rosenfeld, « Hate Speech in Constitutional Jurisprudence: A Comparative Analysis », Cardozo Law Review, vol. 24, 2003, p. 1523 ; Vassiliki Christou, Die Hassrede in der verfassungsrechtlichen Diskussion, Baden-Baden, Nomos, 2007, p. 17 s. ; Mario Oetheimer, « La Cour européenne des droits de l’homme face au discours de haine », Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 69, 2007, p. 64.
[2] Voir en particulier l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis R.A.V. v. City of St. Paul, 505 U.S. 377 (1992).
[3] Voir en particulier Corey Brettschneider, When the State Speaks, What Should It Says?, Princeton, Princeton University Press, 2012. Pour une présentation plus mesurée, voir Jacob Rowbottom, « Government Speech and Public Opinion: Democracy by the Bootstraps », Journal of Political Philosophy, vol. 25, 2017, p. 22-47 ; et pourquoi pas Thomas Hochmann, « Hate speech online: the government as regulator and as speaker », Journal of Media Law, vol. 14, 2022, p. 139-158.
[4] « Le droit de réponse prévu par l’article 13 pourra être exercé par les associations remplissant les conditions prévues par l’article 48-1, lorsqu’une personne ou un groupe de personnes auront, dans un journal ou écrit périodique, fait l’objet d’imputations susceptibles de porter atteinte à leur honneur ou à leur réputation à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
[5] Cour suprême des États-Unis, Whitney v. California, 274 U.S. 357 (1927), Brandeis conc., p. 377 : « Si un délai suffisant permet de dévoiler les mensonges et les sophismes, d’éviter le mal par l’éducation, le remède à appliquer est plus d’expression, et non pas le silence forcé », (« more speech, not enforced silence »).
[6] Voir Camille Broyelle, « La régulation audiovisuelle, une police administrative honteuse ? », AJDA, 2023, p. 486.
[7] Article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
[8] Voir la convention signée avec Cnews le 27 novembre 2019.
[9] Voir CE, 12 juillet 2022, n° 451897.
[10] Voir Pauline Trouillard, « Atteinte à la dignité humaine et autres contenus toxiques à la télévision française : le Conseil d’État a-t-il ouvert la boîte de Pandore ? », Revue des droits de l’homme, n° 24, 2023.
[11] Voir l’article 62 de la loi du 30 septembre 1986, créé par la loi du 24 août 2021 ; le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, en cours d’examen au parlement et qui adapte le droit français à l’entrée en vigueur du Digital Services Act adopté par l’Union européenne.
[12] CE, 22 novembre 2004, Michel Adam, AJDA 2005, p. 734, note O. Dord. L’individu n’avait pas hésité à interrompre le témoignage d’une rescapée des camps dans son collège, en la traitant de menteuse et en coupant la diffusion d’un film à l’attention des élèves.
[13] Sur l’affaire « Notin », voir France Jeannin, Le révisionnisme. Contribution à l’étude du régime juridique de la liberté d’opinion en France, Thèse, Paris II, 1995, p. 130-139 ; Henri Rousso, Le dossier Lyon III, Le rapport sur le racisme et le négationnisme à l’université Jean-Moulin, Paris, Fayard, 2004, p. 162 s.
[14] Sur l’affaire « Gollnisch », voir CE, 19 mars 2008, AJDA 2008, p. 1058, concl. R. Keller.
[15] Cass. ass. plén., 12 juillet 2000, RTD Civ., 2000, p. 845, obs. P. Jourdain. Pour les détails jurisprudentiels et les débats doctrinaux, voir Thomas Besse, La pénalisation de l’expression publique, Paris, Institut francophone pour la justice et la démocratie/LGDJ, 2019, p. 383 s. ; Emmanuel Dreyer, Droit de la communication, 2é éd., Paris, LexisNexis, 2022, p. 1167 ss. ; Mathilde Grandjean, La protection des libertés de l’esprit par les juges ordinaires, Thèse de l’Université de Bourgogne, 2023, p. 99 ss.
[16] Cass. Civ. I, 2 juillet 2014, n° 13-16.730.
[17] Articles 24, 24 bis, 32, 33.
[18] Voir Christophe Bigot, Pratique du droit de la presse, 3e éd., Paris, Dalloz, 2020, n° 334.12.
[19] Voir le débat entre Alain Jakubowicz, Christophe Bigot et Gilles Clavreul, « La sortie annoncée de la loi de 1881 des infractions relatives aux discours racistes », Légicom, 2016, p. 23. Signalons que les provocations, injures et diffamations haineuses non publiques constituent des contraventions inscrites dans le Code pénal, aux articles R625-7 et suivants.
[20] Voir en particulier Kent Greenawalt, Speech, Crime & the Uses of Language, New York, Oxford University Press, 1989, p. 58.
[21] Frederick Schauer, « The Boundaries of the First Amendment: A Preliminary Exploration of Constitutional Salience », Harvard Law Review, vol. 117, 2004, p. 1767 : « Once the First Amendment shows up, much of the game is over ».
[22] CEDH (GC), Perinçek c. Suisse, 15 octobre 2015, § 273. Voir plus récemment CEDH (GC), Halet c. Luxembourg, 14 février 2023, § 150.
[23] CEDH (GC), Lehideux et Isorni c. France, 23 septembre 1998, §57. Voir aussi CEDH, Kanellopoulou c. Grèce, 11 octobre 2007, § 38 : « La Cour estime qu’il serait suffisant pour la protection de la réputation du médecin incriminé de régler l’affaire, si tort il y avait de la part de la requérante, par les moyens offerts par le droit civil ».
[24] CEDH, Reichman c. France, 12 juillet 2016, § 73.
[25] CEDH (GC), Sürek c. Turquie (n° 1), 8 juillet 1999, § 64 ; CEDH, Chauvy c. France, 29 juin 2004, § 78.
[26] Voir Thomas Besse, op. cit., p. 402.
[27] CEDH, De Carolis et France Télévisions c. France, 21 janvier 2016, § 63. Voir aussi CEDH, Brasilier c. France, 11 avril 2006, § 43 ; CEDH, 15 décembre 2011, Mor c. France, § 61 ; CEDH (GC), 23 avril 2015, Morice c. France, § 127 et 76.
[28] CEDH (GC), Stoll c. Suisse, 10 décembre 2007, § 154 ; CEDH (GC), Bédat c. Suisse, 29 mars 2016, § 79.
[29] CEDH (GC), Jersild c. Danemark, 23 septembre 1994, § 35.
[30] Stoll c. Suisse, cité, § 160.
[31] Joel Feinberg, « The Expressive Function of Punishment » (1965), in J. Feinberg, Doing and Deserving, Princeton, Princeton University Press, 1970, p. 115.
[32] Sur cette idée, voir Tatjana Hörnle, Grob anstössiges Verhalten, Strafrechtlicher Schutz von Moral, Gefühlen und Tabus, Francfort sur le Main, Vittorio Klostermann, 2005, p. 27 s.
[33] CEDH, 13 mars 2013, Eon c. France.
[34] Ibid., opinion en partie dissidente de la juge Power-Forde.
[35] CEDH (GC), 8 juillet 1999, Ceylan c. Turquie, § 34.
[36] CEDH (GC), 17 décembre 2004, Cumpănă et Mazăre c. Roumanie, § 115.
[37] CEDH (GC), 8 juillet 1999, Ceylan c. Turquie, § 34.
[38] CEDH (GC), 17 décembre 2004, Cumpănă et Mazăre c. Roumanie, § 115. Voir plus récemment CEDH, 11 février 2020, Atamanchuk c. Russie, § 67.
[39] Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Résolution 1577 (2007), Vers une dépénalisation de la diffamation.
[40] Th. Hochmann, « Du lustre après dix lustres : la loi de 1972 contre le racisme a cinquante ans », Revue des droits de l’homme, vol. 21, 2022 ; Th. Hochmann, « La France, la Cour européenne des droits de l’homme et les discours de haine en 2022 », RDLF, 2023, chron. n° 40.
[41] Th. Hochmann, « Provocation à la haine : les immigrés, les musulmans, les immigrés musulmans », Légipresse, n° 413, 2023, p. 227-231.
[42] Voir par exemple Cass. crim., 20 juin 2023, n° 22-85.922.
[43] CEDH, 16 juillet 2009, Féret c. Belgique, § 64.
[44] CEDH, 23 septembre 1994, Jersild c. Danemark, § 30.
[45] Voir Gwénaële Calvès, Envoyer les racistes en prison ? Le procès des insulteurs de Christiane Taubira, Paris, LGDJ, 2015.