Chronique de Droit constitutionnel comparé des droits et libertés 2022-2023. Le droit constitutionnel à un environnement sain ou le champ des possibles
J. Arlettaz, Professeure de droit public, Université de Montpellier, CERCOP, A. Berthout, Doctorant, Université de Montpellier, CERCOP, Z. Brémond, Maître de conférences, Université de Pau et des Pays de l’Adour, IE2IA, F. Camillieri, Doctorante en cotutelle, Université de Pise et de Montpellier, Y. G. Doué, Doctorant, ATER à l’Université de Lille, CERCOP, L. Garcia, Doctorant, Université de Montpellier, CERCOP.
Le droit de l’environnement, longtemps appréhendé comme un droit administratif aux contours essentiellement techniques, s’est déployé dans tous les domaines du champ juridique sous l’effet notamment de l’urgence climatique et, par cela, a changé de visage. D’administratif, il s’est fait constitutionnel ; de technique, il est devenu fondamental. Désormais très largement mobilisée sous l’angle des droits et libertés, la question environnementale rencontre dès lors celle propre aux régimes juridiques des droits et libertés : quels sont ces droits fondamentaux environnementaux ? Quels en sont les fondements juridiques ? Qui peut se prévaloir de leur titularité ? Comment protéger ces droits face à une violation encore hypothétique parce que non effectivement réalisée ? Quelle sanction juridictionnelle peut adéquatement limiter ou réparer l’atteinte à ces droits ?
Transversal, nouveau, engageant, le droit à un environnement sain n’est sans doute pas un droit comme les autres[1]. Et, pour ne rien cacher au lecteur, il fut le plus complexe à saisir juridiquement parmi les droits déjà traités dans cette chronique. Le foisonnement de la littérature comme l’abondance des contentieux ont conduit à multiplier les regards et à parcourir l’ensemble des continents. Rien ne semble épargné par les enjeux environnementaux quand de nombreux droits et libertés constitutionnels se révèlent concernés, bien au-delà du seul droit à un environnement sain : la liberté d’expression, de manifestation et d’association qui soutiennent le militantisme écologique, le droit à la santé voire le droit à la vie nécessairement affectés par des politiques publiques ou des modèles de production non respectueux de l’environnement, le droit au juge lorsque ce dernier se déclare impuissant à sanctionner la violation du droit à un environnement sain[2], le droit de propriété quand la préservation de la nature sous-tend plus la figure de gardien que celle de propriétaire[3] et l’idée de communs plutôt que celle de biens, le droit à l’égalité quand la pollution d’un côté, qui fait fi de la préservation de l’environnement, ou la transition énergétique de l’autre, qui entend au contraire le préserver, touche particulièrement certaines populations tout en en épargnant d’autres.
Le droit à un environnement sain est surtout audacieux ; il bouleverse les catégories juridiques et renverse les paradigmes jurisprudentiels. Sur ce point, la justice climatique qui se déploie en aval, particulièrement traitée par la doctrine juridique et largement médiatisée, a sans doute un peu occulté d’autres novations qui concernent l’amont, soit le moment de la décision politique lorsque cette dernière emporte des enjeux de nature environnementale. Les nombreuses assemblées citoyennes à qui furent confiées le soin de proposer, la création de comités scientifiques réunissant des experts érigés en gardiens des écosystèmes, l’obligation constitutionnelle de consulter les peuples autochtones concernés par une mesure ayant un impact environnemental ou encore la mise en œuvre de l’actio popularis, démontrent que l’intérêt à agir revêt de multiples sens en droit dès lors que la problématique environnementale surgit : l’intérêt à agir sur la décision, l’intérêt à agir sur l’évaluation, l’intérêt à agir sur la protection, l’intérêt à agir sur l’action. En matière de droits et libertés, la multiplication des intérêts et la dilution des responsabilités provoquent un bouleversement qui n’est pas mince en ce que la victime comme le préjudice ne sont plus parfaitement identifiables. Dès lors, comment déterminer un motif d’action et canaliser ainsi les contentieux quand, par définition, tout le monde a (un) intérêt à agir ? Comment penser une justice qui n’est plus ni seulement réparatrice ni seulement protectrice mais qui participe à la définition de politiques publiques ? Sommes-nous donc toujours dans un contentieux de droits et libertés ?
L’actualité constitutionnelle ici chroniquée en témoigne : si les juges ont souvent été saisis de législations définissant une politique publique de lutte contre le réchauffement climatique[4], les droits et libertés convoqués n’étaient en réalité pas toujours directement affectés – les lois contestées relevant de la planification ou de la programmation – quand les victimes n’étaient parfois pas encore nées – générations futures. Le droit constitutionnel à un environnement sain dérègle donc aussi les horloges en redéfinissant les rapports du droit au temps. Dans ce contexte, il faut noter toute l’ingéniosité de la Cour constitutionnelle allemande pour élaborer en 2022 le concept juridique de « garantie intertemporelle de liberté »[5] ou celle du Tribunal fédéral brésilien pour prononcer en septembre 2023 la fin du « cadre temporel » qui contenait dans le temps, les possibles restitutions de terres aux populations autochtones et leur accès aux ressources naturelles. Il faut également relever l’inventivité des avocats de la terre et leur choix d’unir les combats dans un sens intergénérationnel, indifférent aux âges, comme le démontrent par exemple les trois contentieux climatiques actuellement pendants devant la Cour européenne des droits de l’homme dont un est porté par des femmes de plus de 80 ans contre l’Etat suisse et un autre initié par des requérants âgés de 10 à 23 ans contre 33 Etats du Conseil de l’Europe en raison de leur émission de gaz à effet de serre[6]. Le droit constitutionnel à un environnement sain ouvre donc le champ des possibles : celui d’abord d’ériger ce droit nouveau au rang de droit fondamental (I), celui ensuite d’accueillir une voie contentieuse en défense de ce droit (II), celui encore d’interpréter l’ensemble des normes constitutionnels dans un sens favorable aux titulaires de ce droit (III), celui enfin d’en sanctionner la violation (IV).
Jordane Arlettaz
I. La possibilité de faire émerger un droit constitutionnel à un environnement sain
A. L’émergence récente d’un droit constitutionnel autonome à un environnement sain
« Historiquement, les Constitutions n’ont pas consacré de droit à l’environnement et ce n’est donc que, de manière indirecte, par l’intermédiaire d’autres droits, que les droits environnementaux ont été reconnus »[7]. Ce constat, formulé par Xavier Magnon en 2020, illustre toujours les modalités de reconnaissance d’un droit à un environnement sain dans le champ constitutionnel. Sur ce point, deux mouvements récents peuvent être identifiés. D’un côté, s’observe la tendance traditionnelle à une consécration indirecte du droit à un environnement sain, tout particulièrement dans les États de Common law ; de l’autre, peut être noté un phénomène diffus de reconnaissance de l’autonomie du droit constitutionnel à un environnement sain dans les systèmes juridiques latino-américains comme en France, depuis 2004.
1. Le droit à un environnement sain, un droit traditionnellement dérivé
À la différence des États ayant consacré le droit à un environnement sain comme un droit subjectif autonome, la protection indirecte de ce droit en tant que composante d’autres droits et libertés a été privilégiée dans les États de tradition juridique relevant de la Common Law. Cette reconnaissance par ricochet fut justement au cœur de l’affaire irlandaise Friends of Irish Environment c. The Government of Ireland and others[8] traitée par la Cour suprême en 2020. A cette occasion, les requérants défendaient devant les juges l’existence d’un droit constitutionnel implicite à un environnement sain, dans le silence de la Constitution. Cet argument s’appuyait principalement sur la « doctrine des droits implicites »[9] fondée sur le paragraphe 2 de l’article 40.3 de la Constitution et développée par la Cour suprême irlandaise depuis l’affaire Ryan c. Attorney General[10] par laquelle la Cour a fait émerger de manière prétorienne des droits fondamentaux non explicitement consacrés par la Constitution.
Bien que relevant que l’ONG FIE, en tant que personne morale[11], n’avait pas la qualité pour invoquer devant elle un droit subjectif dont elle ne pouvait être personnellement titulaire, la Cour suprême a malgré tout décidé de se prononcer sur la problématique de l’existence d’un droit constitutionnel implicite à un environnement sain avant de conclure qu’en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, elle ne pouvait « déduire correctement des droits de la Constitution »[12], le droit à un environnement sain. Selon elle en effet, « un droit mal défini à un environnement sain que l’on cherche à invoquer est soit superflu, soit superficiel »[13]. Le juge en chef Clarke précise cependant que le refus de consacrer un droit implicite à un environnement sain, refus par ailleurs formulé par un grand nombre de pays de common law à l’exception de l’Inde[14], ne remet nullement en cause l’importance de ce droit.
Le silence de la Constitution, au cœur des contentieux environnementaux, monopolise également la doctrine outre-Atlantique. Au Canada, Patrick Taillon et Russ Manitt relèvent qu’« au moment de la création de la fédération canadienne, le terme « environnement » ne figurait pas à l’esprit des responsables politiques à l’origine de la Constitution »[15]. Ce n’est donc qu’avec l’importance grandissante des enjeux environnementaux que le pouvoir judiciaire canadien a dû adapter l’interprétation de la Constitution à ces nouveaux enjeux en « rattachant les différents aspects de la protection de l’environnement aux autres compétences explicitement énumérées dans la Constitution de 1867 »[16]. Ainsi, le droit à un environnement sain au Canada n’est pas un droit autonome mais découle « indirectement des dispositions ou des normes constitutionnelles, dont la vocation première n’est pas expressément la protection de l’environnement ». C’est un droit « parasitaire », « un droit indirect qu’il faut « dériver » de normes initialement édictées à d’autres fins que la protection de l’environnement »[17].
Le droit à un environnement sain a traditionnellement eu au Canada, comme premier point d’ancrage, la répartition des compétences fédérales ainsi que les droits ancestraux. La problématique des droits fondamentaux tend cependant à devenir une porte d’entrée de plus en plus plébiscitée comme en témoigne la récente affaire introduite par l’ONG Environnement Jeunesse. Le droit à un environnement sain découle en effet d’une multitude de droits subjectifs notamment le droit à la santé, l’inviolabilité de la demeure mais aussi, comme c’était d’ailleurs le cas en l’espèce, le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité physique tels que prévus par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et l’article premier de la Charte québécoise. Dans le contentieux opposant l’association ENJEU (ENvironnement JEUnesse) à l’État canadien, ladite association demandait la condamnation du Gouvernement fédéral pour négligence grossière et inaction dans la lutte contre les dangers graves que pourrait causer le réchauffement climatique. La Cour supérieure du Québec, la première saisie de ce contentieux, semble rattacher le droit à un environnement sain aux droits protégés par les articles 7 de la Charte canadienne et premier de la Charte québécoise. En outre, si elle reconnaît que l’inaction du Gouvernement canadien peut constituer une violation du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité dès lors qu’il est « protégé par les deux Chartes »[18], elle ne semble pas être convaincue par l’éventualité de la violation directe du droit à un environnement sain[19]. Elle rappelle, citant la Cour suprême, que la protection de l’environnement est aujourd’hui « un objectif public d’une importance supérieure »[20] ainsi que « l’un des principaux défis de notre époque »[21] qui en fait désormais une « une valeur fondamentale au sein de la société canadienne »[22]. Est-ce un principe ? Est-ce une valeur ? Est-ce une simple obligation politique ? La question de la reconnaissance d’un droit fondamental à un environnement sain peut parfois s’avérer complexe.
Cette « complexité »[23] a été relevée par la Cour d’appel du Québec qui a considéré que l’intérêt de l’appel formulé par l’association ENJEU n’était pas de solliciter le respect d’une disposition législative ou constitutionnelle mais de demander au juge de condamner le Gouvernement fédéral pour des actions qu’il aurait dû engager. La Cour d’appel, à l’image du juge irlandais, reprit l’argument de la séparation des pouvoirs en affirmant que la demande de l’association visait à « inviter le tribunal dans la sphère du pouvoir législatif et de choix complexes en matière de politiques sociales et économiques »[24], ce qu’elle refusa de faire. Pour la Cour, quand bien même la question environnementale et plus particulièrement, le réchauffement climatique demeure une question essentielle, le recours tel que présenté par la partie requérante sur le fondement de l’omission du Gouvernement ne peut en aucun cas justifier une éventuelle violation des droits fondamentaux des individus.
Le raisonnement de la Cour d’appel illustre toute la précarité d’un droit à un environnement sain de nature dérivée. En effet, comme le relèvent très bien Sophie Thériault et David Robitaille, la protection « par ricochet » du droit à un environnement sain conduit souvent à sa fragilité, causée par la difficile démonstration de l’atteinte au droit à un environnement sain par l’intermédiaire d’autres droits. Le point d’achoppement est le lien de causalité entre l’atteinte à l’environnement et le droit fondamental en question, en l’espèce le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité[25]. Cette difficulté est encore plus ténue dans le cas canadien étant donné que le régime juridique de l’article 7 de la Charte fait peser sur le demandeur, contrairement à d’autres droits, la charge de prouver que l’État a agi au-delà de ce qu’autorisent les principes de justice fondamentale[26]. Le rejet de la demande de l’association ENJEU par la Cour supérieure du Québec a été confirmé par la Cour d’appel puis par la Cour suprême[27]. Ce long contentieux montre la difficulté à manier ce nouveau droit à un environnement sain ainsi que la timidité de la Cour suprême canadienne qui s’est limitée à formuler un rejet laconique de la demande d’appel.
En Allemagne, la Cour constitutionnelle a de son côté considéré que les articles 2§2 et 20a de la Loi fondamentale – desquels pourrait découler un potentiel droit à un environnement sain – ne créent que de simples obligations en matière environnementale à l’égard de l’État et à destination des générations futures. La Cour refuse cependant de conclure à l’existence d’un droit subjectif, rappelant que l’article 20a de la Loi Fondamentale ne crée aucun droit subjectif, ni à l’égard des personnes vivantes, ni à l’égard des générations à venir[28]. De même, à l’invocation d’un possible droit fondamental à un minimum vital écologique ainsi que d’un hypothétique droit à un avenir digne, la Cour allemande considère qu’« il n’est pas nécessaire de trancher définitivement la question [de savoir] dans quelle mesure la Loi fondamentale protège de tels droits », précisément parce que le législateur ne les aurait pas violés[29]. Sans donc trancher la question des droits, la Cour admet avec les requérants que le droit à une existence digne implique nécessairement un environnement permettant de vivre décemment. En ce sens et sans pour autant consacrer un droit à un environnement sain, les juges constitutionnels allemands ont rendu une décision originale qui entend protéger l’environnement en reconnaissant que le changement climatique impliquera de futures restrictions à l’ensemble des droits et libertés.
2. Le droit à un environnement sain comme nouveau droit constitutionnel autonome
La consécration explicite d’un droit constitutionnel à un environnement sain doté d’une réelle effectivité contentieuse, dessine aujourd’hui l’actualité juridictionnelle dans les pays d’Amérique latine comme en France. « L’émergence d’un État de droits environnementaux » peut certes constituer « une source d’inspiration »[30], notamment pour les Etats qui, comme il a été évoqué, refusent une telle autonomie normative. Cependant, l’existence d’un droit constitutionnel autonome à un environnement sain répond notamment à la motivation développée par les Cours irlandaises et canadiennes selon lesquelles la consécration de ce droit subjectif et autonome est l’affaire du législateur ou du constituant, non des tribunaux. En effet, quoique « tardive et timorée »[31], la consécration en France d’un droit à un environnement sain fut d’abord réalisée par la Charte de l’environnement en 2005. L’article premier de la Charte de l’environnement dispose plus précisément que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. »[32] À la différence des exemples précédents, le droit français reconnaît donc un droit constitutionnel autonome à un environnement sain. Il partage cette « formalisation constitutionnelle » explicite avec des États latino-américains tels que le Chili[33], l’Argentine[34] ou encore la Colombie[35]. Néanmoins, au-delà d’une apparente volonté ambitieuse en matière de protection du droit à un environnement sain, des différences évidentes apparaissent entre le modèle français et celui en vigueur dans les États latino-américains, notamment en ce qui concerne l’effectivité de ce droit subjectif.
Le Conseil constitutionnel français a en effet très tôt affirmé la valeur constitutionnelle de l’ensemble de la Charte de l’environnement avec sa célèbre décision OGM[36] et a par ailleurs reconnu l’invocabilité des articles premier[37] et 7[38] de la Charte en QPC. S’observe pourtant un mouvement récent d’exploitation herméneutique de l’ensemble du texte de la Charte de l’environnement dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En dégageant en 2020 un objectif de valeur constitutionnelle (OVC) de protection de l’environnement à partir du préambule de la Charte[39], le Conseil semble en effet engagé dans une dynamique de plus en plus favorable à la protection du droit à un environnement sain. En octobre 2023, saisi d’une QPC portant sur les dispositions de l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement, le Conseil constitutionnel français a plus fondamentalement estimé qu’en adoptant des mesures portant atteinte au droit à un environnement sain et équilibré, « le législateur [devait] veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, en préservant leur liberté de choix à cet égard. »[40] Comme le commente Mme Perruso, le Conseil a ce faisant posé une « pierre supplémentaire » à l’édifice du droit fondamental français à un environnement sain qui n’est toutefois pas la reconnaissance d’un droit autonome à la protection des générations futures. Tout en étendant la portée de l’article 1er de la Charte, le Conseil précise en effet que « le titulaire de ce droit [demeure] la génération présente incontestablement liée aux générations futures. »[41]. Cette approche, novatrice bien que demeurant essentiellement anthropocentrique, contraste donc avec celle retenue par les juges latino-américains.
Les juges latino-américains se réclament en effet d’une approche plus écocentrique voire biocentrique dans la mesure où la reconnaissance et l’effectivité des droits subjectifs ne concernent pas seulement les individus mais la nature elle-même[42]. Dans une décision de 2018, la Cour suprême mexicaine a considéré, à l’occasion d’un recours d’amparo initié par deux personnes à l’encontre d’un projet de parc thématique s’étendant sur environ 16 hectares de mangrove, que le droit à un environnement sain au Mexique se déclinait également dans une dimension objective en ce qu’il « protège l’environnement comme un bien juridique en lui-même »[43]. Cette doctrine écocentrique est confirmée et assumée par la Cour interaméricaine des droits de l’homme qui, en 2020, condamna l’Argentine au vu de l’atteinte portée au droit des peuples autochtones en affirmant que « la nature doit être protégée, non seulement du fait de ses bénéfices pour l’humanité, mais aussi du fait de son importance pour les autres êtres vivants avec lesquels nous partageons la planète »[44]. L’éventualité de la reconnaissance de la personnalité juridique à des éléments naturels a été confirmée par le juge colombien en ce qui concerne le fleuve Atrato[45].
Malgré leurs différences, les deux tendances évoquées ci-dessus tendent à montrer, d’une part, l’intérêt grandissant de la protection d’un droit fondamental à un environnement et d’autre part, la dépendance indéniable entre un environnement sain et le bien-être humain, un intérêt qui est à l’origine de la récente révision de la Constitution italienne.
Yann Gbohignon Doué
B. L’émergence récente d’un droit textuel à un environnement sain en Italie
1. La construction initialement jurisprudentielle d’un droit constitutionnel à un environnement sain
Dans sa rédaction initiale de 1947, la Constitution italienne ne contenait aucune disposition visant expressément la protection de l’environnement, de la biodiversité ou des écosystèmes, puisque la question environnementale ne bénéficiait pas, au sortir de la Seconde guerre mondiale, d’un intérêt politique ou social de la part du constituant. Les premières références constitutionnelles aux notions « d’environnement » et « d’écosystème(s) » n’apparaissent donc qu’en 2001 en raison de la réforme du titre V de la Constitution relative à la répartition des compétences entre l’Etat et les Régions et qui a fait de ces matières, une compétence exclusive de l’État[46].
Néanmoins, avant la réforme des années 2000, la doctrine d’abord, la jurisprudence ensuite – notamment constitutionnelle – avaient déjà affirmé l’existence de fondements constitutionnels aux politiques de protection de l’environnement par le recours, notamment, aux articles 9, 32 et 2 de la Constitution. A défaut donc de consacrer dans un premier temps un droit subjectif à un environnement sain, la jurisprudence a construit une compétence implicite en matière environnementale. La Cour constitutionnelle a en effet d’abord donné une interprétation extensive à la notion de « paysage » visée à l’art. 9 de la Constitution en passant d’un concept qui ne faisait référence qu’aux « valeurs paysagères » — étrangère à « la nature en tant que telle, et donc [à] la faune et [à] la flore[47] » — à une signification fortement détachée de sa dimension purement esthétique afin d’englober la protection de l’environnement. Cette interprétation constitutionnelle, qui s’articulait autour de l’article 9 et de la notion de paysage, ne permettait cependant pas d’offrir une couverture constitutionnelle à des circonstances qui, sans concerner la « forme du paysage », avaient un impact sur l’environnement (par exemple, les émissions de dioxyde de carbone et de gaz dans l’atmosphère, ou l’utilisation d’herbicides agricoles). La jurisprudence chercha donc d’autres fondements constitutionnels et, à partir de la sentence n. 210/1987, la Cour constitutionnelle jugea dans un second temps que le droit à la santé (art. 32 de la Constitution) incluait le droit à un environnement sain.
La Cour constitutionnelle italienne a dans un dernier temps retenu la thèse selon laquelle les devoirs de solidarité économique, politique et sociale imposés par l’article 2 de la Constitution comprenaient également des devoirs de solidarité environnementale, donnant une couverture constitutionnelle à tous les cas qui n’entraient pas dans le champ d’application des articles 9 et 32 de la Constitution.
2. La consécration textuelle de la protection de l’environnement en 2022
Les avancées jurisprudentielles initiées à la fin des années 70 ont finalement été confirmées en 2022 par une intervention constitutionnelle explicite (l. Const. n. 1/2022), qui, en modifiant les articles 9 et 41 (ce dernier concernant l’exercice de l’initiative économique) de la Constitution, a introduit des innovations importantes en matière de droit à l’environnement.
Avec la modification de l’article 9 (un troisième paragraphe a été ajouté), la loi constitutionnelle a en effet introduit la protection de l’environnement, de la biodiversité et des écosystèmes dans l’intérêt des générations futures[48], parmi les principes fondamentaux[49]. En maintenant la protection de la biodiversité et des écosystèmes à l’écart de la protection de l’environnement, le constituant a voulu souligner le lien entre ces concepts tout en suggérant leur être ontologiquement distinct.
Cependant, cette révision constitutionnelle a suscité des commentaires divers de la part de la doctrine italienne. Ainsi par exemple, la référence faite à l’article 9 de la Constitution, à l’intérêt des générations futures a pu être appréhendée comme n’ayant aucune valeur juridique. En raison, en effet, d’une approche essentiellement anthropocentrique défendue par une partie de la doctrine constitutionnelle[50], cette dernière a estimé qu’il y avait une certaine ambiguïté quant à l’identification exacte des générations futures à considérer. Or, selon une autre partie de la doctrine[51], cet obstacle constituerait un faux problème, puisque le but de la loi constitutionnelle serait de s’adresser au législateur en l’invitant à adopter des politiques environnementales visant à protéger l’existence de l’espèce humaine, ce qui, ontologiquement, ne peut être possible qu’à long terme.
Pour cette raison, l’article 9 de la Constitution ainsi révisée constituerait un paramètre permettant d’évaluer, par le biais du contrôle juridictionnel, l’adéquation et la proportionnalité des mesures que le législateur entend promouvoir.
En revanche, la nouvelle formulation du second alinéa de l’article 41 de la Constitution prévoit que l’activité économique privée est libre, et qu’elle ne peut être exercée en conflit avec l’utilité sociale ou « de manière à porter atteinte à la santé, à l’environnement, à la sécurité, à la liberté, à la dignité humaine ».
La nouvelle formulation de l’article prévoit également (3° alinéa) que la loi détermine les programmes et les contrôles appropriés afin que l’activité économique publique et privée puisse être dirigée et coordonnée « à des fins sociales et environnementales ». En raison de cette combinaison de l’économie, de l’environnement et du développement social, pourrait se constituer un nouveau modèle d’Etat, selon une partie de la doctrine, qui passerait du Welfare State au modèle de l’Etat circulaire[52]. En effet, cette disposition, bien que moins discutée, à la différence des modifications apportées à l’article 9 qui consacrent une réalité déjà reconnue au niveau de la justice constitutionnelle, revêt une valeur de « révision programme ». Une partie de la doctrine[53] a estimé, en outre, que les dispositions combinées des articles 9 et 41 de la Constitution pourraient avoir donné naissance à une hiérarchie des valeurs, à l’intérieur de laquelle l’environnement occuperait une position privilégiée en jouant le rôle d’une méta-valeur ; un tel paramètre conduirait donc à révolutionner la jurisprudence de la Cour constitutionnelle qui a toujours souhaité un équilibre entre tous les principes et droits fondamentaux, afin d’éviter que l’un d’eux ne puisse jouer un rôle de « tyrannie [54]» sur les autres.
Federica Camillieri
II. La possibilité d’accueillir une voie de droit pour la défense du droit à un environnement sain
Les contentieux environnementaux récents offrent un tableau assez varié des questions de droit relatives à la recevabilité des recours. Ils se rejoignent néanmoins tous sur le fait qu’ils n’ont pas bouleversé l’économie générale du cadre juridique de la recevabilité. Si sur le plan politique, ces contentieux ont eu pour vocation de faire « bouger les lignes » en contraignant davantage les États et les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, sur le plan des règles de l’accès au juge, la « révolution » juridique annoncée n’a pas (encore ?) eu lieu. Les juges ont en effet adopté des positions classiques (A), même lorsqu’ils ont semblé opter pour des solutions plus innovantes (B).
A. Des positions jurisprudentielles classiques : entre acceptation et rejet des recours initiés par les « avocats de la nature »
C’est en matière de recours pour la protection des droits de tiers que les décisions étudiées n’ont pas fait preuve d’innovation particulière au stade de la recevabilité. Conformément à leur jurisprudence, les juges allemand, irlandais et canadien ont rejeté les recours d’associations de protection de l’environnement prétendant agir au nom de la protection des droits de la nature ou de l’ensemble des jeunes personnes (1). Au contraire, en Amérique latine, un certain nombre de recours ont été jugés recevables alors qu’ils étaient initiés par des personnes, physiques ou morales, faisant valoir la violation de droits de tiers. Mais du point de vue sud-américain, ces jurisprudences n’ont rien d’innovant puisqu’elles s’inscrivent dans un cadre constitutionnel et légal qui autorise de telles formes de recours (2).
1. Les rejets européens et canadien des recours d’associations défendant les droits de tiers
Dans les décisions allemande, irlandaises et canadiennes, les associations à l’origine des recours qui faisaient valoir la violation du droit objectif ou la violation de droits individuels de tiers ont toutes vu leurs prétentions rejetées au stade de la recevabilité.
En Allemagne, sur les quatre requêtes contestant la loi sur la protection du climat dans le cadre du recours individuel direct (Verfassungsbeschwerde), une d’entre elles était notamment portée par deux associations qui se présentaient comme des « avocats de la Nature » (Anwälte der Natur)[55]. D’une manière générale, si les personnes morales peuvent bien introduire des recours individuels[56], cela est à la condition qu’elles invoquent une violation d’un de leurs droits garantis par la Loi fondamentale. Or, en l’espèce, les deux associations n’invoquaient pas une atteinte à leurs propres droits subjectifs, mais reprochaient plutôt au législateur allemand d’avoir méconnu diverses dispositions constitutionnelles par l’adoption de mesures inadéquates pour limiter le changement climatique[57].
De façon assez similaire, la Cour suprême irlandaise déclara irrecevable la partie de la requête de l’association Friends of the Irish Environnement qui alléguait que le plan environnemental adopté par le gouvernement portait atteinte aux droits fondamentaux des individus[58]. Le requérant faisait en effet valoir que ce plan ne respectait pas le droit de vivre dans un environnement sain. Il admettait par ailleurs, comme la Cour, que, découlant du droit à la vie et du droit à « l’intégrité du corps » (right to bodily integrity), le droit de vivre dans un environnement sain constituait un droit protégeant uniquement les personnes physiques, et non les personnes morales[59]. Cela étant, le requérant faisait valoir qu’il existait des exceptions en droit irlandais permettant à des personnes morales d’initier un recours en vue de protéger les droits d’un tiers. La Cour suprême irlandaise n’adopta pas ce point de vue et maintint une position « conservatrice » en la matière[60]. Elle concéda qu’il existait bien des exceptions au principe selon lequel les recours relatifs à la protection des droits et libertés ne peuvent être introduits au nom d’un tiers, mais elle estima qu’en l’espèce, l’affaire n’entrait dans aucune de ces hypothèses[61]. Des exceptions sont possibles notamment lorsque le titulaire d’un droit ne peut pas de lui-même introduire un recours (hypothèse d’un enfant à naître) ou d’une personne en situation de vulnérabilité (un détenu). Aussi, la Cour fit part de son incompréhension du fait qu’aucune personne physique ne se soit jointe au recours formé par l’association[62]. La position fut d’autant plus « conservatrice » que le jugement de la Haute Cour précédant cette décision avait admis la recevabilité de l’association en estimant que même si elle n’invoquait pas la violation de ses propres droits, elle avait un intérêt légitime à agir sur une question constitutionnelle d’importance[63].
Au Canada, la question de la protection des droits et libertés de personnes tierces par une association requérante s’est également posée dans des termes similaires, quoique non tout à fait identiques. D’une part, à la différence des droits allemand et irlandais, le droit processuel québécois autorise les actions collectives sous certaines conditions[64]. D’autre part, toujours à la différence des cas allemand et irlandais, l’association requérante n’attaquait pas un acte juridique, mais l’inaction du gouvernement canadien en matière environnementale, dont il résultait, selon elle, une atteinte à certains droits fondamentaux des Québécois âgés de 35 ans et moins. Si la requête fut jugée irrecevable à tous les stades de la procédure, la motivation varia selon les degrés de juridiction. Dans sa décision refusant d’autoriser l’appel, la Cour suprême du Canada ne motiva pas du tout son rejet, se référant ainsi implicitement à la motivation des juridictions inférieures[65]. Dans son jugement de première instance, la Cour supérieure du Québec avait rejeté la requête au motif que la détermination du groupe au nom duquel était exercée l’action collective était arbitraire et dépourvue de rationalité[66]. La limite d’âge servant à désigner le groupe n’était en outre pas justifiée par l’association requérante. Saisie par la suite, la Cour d’appel du Québec alla dans le même sens que le juge de première instance sur le caractère arbitraire de la détermination du groupe[67]. Toutefois, l’essentiel de la motivation de son rejet se fondait sur le principe de la séparation des pouvoirs et l’imprécision de la requête[68]. D’abord, la Cour fit valoir qu’« en l’absence d’un texte de loi, le contrôle constitutionnel de l’inaction gouvernementale par les tribunaux est hautement problématique »[69] dans la mesure où « l’opportunité d’agir » du pouvoir législatif échappe normalement au contrôle du pouvoir judiciaire[70]. Ensuite, et subsidiairement, le juge estima que l’association requérante demandait à sa juridiction d’enjoindre au législateur de faire cesser des atteintes supposées aux droits fondamentaux sans préciser par quelles actions législatives une telle situation pouvait être résolue[71]. Partant, par son manque de précision, la requête ne remplissait pas les conditions de l’action collective et devait donc être rejetée[72].
2. L’admission latino-américaine des recours de personnes défendant les droits de tiers
À l’inverse des décisions évoquées ci-dessus, on observe en Amérique du Sud de nombreuses affaires récentes relatives à la protection de l’environnement dans lesquelles les requérants agissaient souvent pour demander la protection des droits d’un tiers. Dans le contexte du constitutionnalisme latino-américain, cette solution est en fait tout à fait classique, car le cadre constitutionnel et législatif ouvre, en règle générale, davantage l’accès au prétoire du juge qu’en Europe. En Équateur, une telle situation est en réalité inévitable, car, depuis l’adoption de la Constitution de 2008, la Nature est un véritable sujet de droit[73]. Dans la mesure où celle-ci ne peut pas ester en justice par elle-même, il s’agit toujours de tiers qui demandent au juge de faire respecter ses droits. Ainsi, devant la Cour constitutionnelle équatorienne, ce sont des organisations environnementales qui ont demandé la protection des droits de la mangrove[74], les habitants d’une communauté vivant le long de la rivière du Rio Aquepi ont demandé au juge le respect de ses droits[75], ou encore le maire de Cotacachi, au nom du Gouvernement autonome décentralisé, qui a fait valoir le respect des droits de la forêt de Los Cedros[76]. Par ailleurs, dans son arrêt du 27 janvier 2022, la Cour a précisé que toute personne avait la capacité pour introduire une action en garantie des droits de la Nature, mais qu’en outre, en l’absence de procédure juridictionnelle spécifique dédiée à cette protection, les droits de la Nature pouvaient être invoqués par le biais de n’importe quelle procédure[77]. En l’espèce, une personne physique avait saisi le juge d’une action d’habeas corpus à l’égard d’une guenon saisie par l’administration.
Dans les contentieux climatiques, le large accès au prétoire des juges pour les organisations environnementales s’est également illustré dans une affaire opposant Greenpeace au gouvernement mexicain. Dans cette décision, le Tribunal administratif d’appel du premier circuit a en effet admis le recours d’amparo de l’association alors même qu’elle n’invoquait pas la violation de ses propres droits[78]. Cette solution est également tout à fait logique dans le contexte juridique mexicain, dans la mesure où l’article 5 de la loi sur le recours d’amparo dispose qu’un tel recours peut être introduit à condition que la personne fasse valoir une violation d’un de ses droits subjectifs ou d’un intérêt légitime individuel ou collectif relatif à une violation d’un droit individuel. Cette solution législative se rapproche de celle qui avait été adoptée par la Haute Cour irlandaise mais finalement rejetée par la Cour suprême[79].
B. Des solutions innovantes en trompe l’œil
Parmi les solutions retenues en matière de recevabilité, certaines d’entre elles peuvent apparaître comme plus innovantes dans la mesure où elles ont dérogé à un principe ou parce qu’elles ont présenté un cas particulièrement singulier. Il reste que ces solutions s’inscrivent elles aussi dans un cadre textuel et jurisprudentiel établi. À bien y regarder, elles constituent donc moins une œuvre de création que des exemples d’application du droit positif. C’est notamment le cas de l’assouplissement de la condition de subsidiarité du recours devant le Comité des droits de l’homme (1), de l’interprétation généreuse du caractère « actuel » de l’atteinte alléguée aux droits fondamentaux (2), ainsi que de la recevabilité singulière devant la Cour allemande des recours de ressortissants étrangers vivant dans un État tiers (3).
1. L’assouplissement de la subsidiarité du recours devant le Comité des droits de l’homme
Parmi les innovations potentielles relatives à la recevabilité des recours récents en matière environnementale, il est possible de relever l’assouplissement de la condition de subsidiarité des recours devant le Comité des droits de l’homme. En effet, dans sa communication Daniel Billy c. Australie du 22 septembre 2022, le Comité des droits de l’Homme a reconnu la recevabilité de la requête des insulaires du détroit de Torres alors même que ceux-ci n’avaient pas épuisé les voies de recours internes[80]. Classiquement, les requêtes adressées au Comité ne sont recevables qu’à la condition que les requérants aient épuisé les voies de recours internes avant de le saisir[81]. Or, en l’espèce, le Comité a jugé le recours recevable dans la mesure où les procédures internes n’apparaissaient pas adéquates face à la nature des atteintes portées aux droits garantis par le Pacte[82]. Il reste que cette solution audacieuse permettant de contourner la condition de subsidiarité du contrôle effectué par le Comité des droits de l’Homme, est une position somme toute classique dans la jurisprudence de celui-ci, dégagée depuis le début des années 1990 en dehors du contentieux environnemental et climatique[83]. Le Comité estime en effet que les requérants sont tenus d’épuiser les voies de recours internes uniquement si elles « offrent des perspectives raisonnables d’obtenir réparation, [si elles] ont un rapport avec la violation alléguée et [si elles] sont susceptibles d’assurer une réparation qui soit proportionnée au préjudice subi »[84]. En ce sens, ce contentieux climatique offre moins un prétexte à modifier l’état du droit existant qu’une occasion de confirmer une exception déjà établie.
Cette question du non-épuisement des voies de recours se posera également prochainement devant la Cour EDH dans l’affaire pendante Duarte Agostinho et al. c. Portugal[85]. Assumant de ne pas avoir saisi préalablement les autorités portugaises compétentes, les requérants ont demandé à la Cour d’adopter – conformément à une jurisprudence déjà relativement établie[86] – une approche souple de cette condition de recevabilité au regard du caractère coûteux d’une telle exigence ainsi qu’au regard de l’urgence climatique[87]. Si la Cour de Strasbourg venait donc à écarter cette condition de recevabilité, elle ne bouleverserait pas vraiment sa politique jurisprudentielle en la matière, mais ne ferait que la préciser.
2. L’interprétation large du caractère « actuel » de l’atteinte aux droits fondamentaux commandée par la particularité du contentieux climatique
Une des particularités du contentieux climatique réside dans le fait que les juridictions sont amenées à juger des textes dont les effets les plus importants sur l’environnement et les droits et libertés n’interviendront que dans quelques années. Aussi, s’agissant du caractère « actuel » de la violation du droit allégué, ce type de contentieux a nécessairement amené les juges à assouplir cette condition pour accepter la recevabilité des recours. Le cas de l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande est sur ce point révélateur. Il a d’ailleurs pu être noté par une partie de la doctrine allemande que le juge avait fait preuve de souplesse dans l’accès à son office[88]. C’est qu’en effet, particulièrement à l’égard de la condition du caractère actuel (gegenwärtig) de l’atteinte alléguée, la Cour de Karlsruhe a eu recours à une interprétation très constructive du caractère « actuel » de la violation alléguée des droits. Elle a considéré que dans la mesure où la législation actuelle entraînera des effets climatiques irréversibles, le caractère « actuel » de l’atteinte alléguée devait être reconnu[89]. La Cour écrit en ce sens que « le danger de futures restrictions à la liberté fonde actuellement une atteinte aux droits fondamentaux, car ce danger est inhérent au droit actuel »[90]. Elle insiste néanmoins sur le fait que les droits fondamentaux réputés atteints sont bien ceux des requérants, et non les droits hypothétiques des générations futures[91]. D’ailleurs, dans son arrêt, si elle a consacré à la charge de l’État allemand un devoir de protection à l’égard des générations futures, elle a pu souligner que celles-ci ne pouvaient être considérées comme des titulaires de droits fondamentaux[92].
Une approche tout à fait similaire a été retenue par le Comité des droits de l’homme dans la mesure où l’Australie considérait que les requérants n’invoquaient pas une violation passée ou actuelle ou imminente de leurs droits. En l’espèce, le Comité estima qu’en raison du caractère continu du changement climatique, le risque d’atteinte aux droits invoqués était « plus qu’une possibilité théorique »[93]. La recevabilité de la requête devait donc être admise aussi.
Ces solutions n’ont toutefois rien d’inédit dans la jurisprudence de ces deux institutions. Depuis sa décision de principe du 19 juillet 2000, la Cour constitutionnelle allemande avait jugé que le caractère « actuel » d’une atteinte à un droit pouvait être déduit d’une situation « lorsqu’il est clairement prévisible que le requérant sera affecté à l’avenir par la réglementation et de quelle manière »[94]. De même, l’hypothèse d’une violation non encore consommée, mais se présentant comme « plus qu’une possibilité théorique » est envisagée par le Comité des droits de l’homme depuis le début des années 1980[95]. C’est dire que, sur ce point-là, le « contentieux climat » s’intègre parfaitement dans les cadres du droit existant et se présente, à cet égard, davantage comme un contentieux d’application que comme un contentieux de création.
3. La recevabilité symbolique des requêtes des ressortissants étrangers
Le contentieux climatique récent s’est singularisé également au travers de la décision de la Cour constitutionnelle allemande du 24 mars 2021 en ce qu’elle a déclaré recevable les requêtes de deux ressortissants étrangers vivant au Népal et au Bangladesh[96]. Ceux-ci arguaient que l’État allemand avait manqué à son devoir de protection découlant du droit au respect de son intégrité physique (article 2§2) et du droit de propriété (article 14§1 LF). Sur le plan juridique, le caractère recevable de telles requêtes ne constitue pas une innovation particulière dans la mesure où le recours individuel est bien ouvert aux étrangers étant donné que l’article 93§1 n°4a autorise « quiconque » à saisir la Cour constitutionnelle par cette voie de droit. La seule restriction réside dans le fait que le requérant étranger ne peut pas se prévaloir d’un droit qui est réservé uniquement aux nationaux allemands[97].
La recevabilité de ces deux recours est surtout symbolique dans la mesure où les juges de Karlsruhe se sont saisis de l’occasion pour rappeler que la lutte contre le réchauffement climatique est un problème mondial et que les décisions nationales ont des répercussions à l’échelle du monde[98]. La recevabilité semble d’autant plus symbolique qu’au fond le juge est resté éminemment prudent. Il a refusé d’affirmer que l’État allemand avait un devoir de protection découlant des droits fondamentaux des étrangers résidant dans un État tiers contre les préjudices provoqués par le changement climatique. Comme il le fait quand la question est complexe, le juge s’est aménagé une porte de sortie et ne s’est pas prononcé. Il a ainsi écrit que : « cette question peut rester ici sans réponse définitive »[99]. Considérant toutefois que « les requérants sont particulièrement exposés aux conséquences du réchauffement planétaire causé par les gaz à effet de serre émis partout dans le monde »[100], la Cour a néanmoins accepté d’opérer un contrôle comme si l’État allemand avait un tel devoir de protection à leur égard. Au terme de cette expérience de pensée, le juge conclut que l’État allemand n’aurait pas violé son devoir de protection, si celui-ci avait eu une existence en droit constitutionnel allemand[101].
Augustin Berthout
III. La possibilité d’interpréter les normes en faveur des titulaires du droit à un environnement sain
Pour donner corps aux droits environnementaux, des principes particuliers ont pu se développer, parfois à l’initiative du constituant ou du législateur, mais également du fait du volontarisme du juge à renforcer l’effectivité de ces droits. De manière générale, on peut noter une tendance du juge à adopter un postulat interprétatif favorable aux titulaires de droits environnementaux, qu’ils soient humains ou non humains. Il en résulte tout d’abord un positionnement interprétatif favorable aux victimes de dommages environnementaux, alors calqué sur l’adage in dubio pro reo (A). Par ailleurs, lorsque sont en jeu les droits de la nature, cette démarche s’étend au doute normatif, donnant lieu au développement d’un principe de favorabilité pro natura (B).
A. Le doute interprétatif favorable aux victimes de dommages environnementaux : vers un principe herméneutique in dubio pro victima
L’idéal d’une interprétation pro victima trouve sa source dans le déploiement du principe herméneutique pro homine qui s’est développé dans le cadre du système interaméricain des droits de l’homme[102]. Au vu des doutes inhérents à leur nature, les contentieux climatiques apparaissent propices au développement d’une telle approche. Les décisions de la Cour constitutionnelle allemande du 24 mars 2021 et de la Cour fédérale australienne du 27 mai 2021 illustrent bien ce phénomène. Dans le cas du contentieux allemand relatif à la loi sur la protection du climat, on notera que, bien que la Cour n’ait pas statué, comme certains auteurs ont pu l’entrevoir, sur les droits des générations futures à la préservation de l’environnement, cette décision dénote « d’un “effet anticipé” des droits fondamentaux assez offensif »[103]. Face à un phénomène — le dérèglement climatique — dont la prévisibilité ne fait aujourd’hui plus de doute sans que l’on ne puisse déterminer avec certitude les dommages probables qu’encourront les requérants, le juge allemand a conclu à l’inconstitutionnalité de la loi dans la mesure où ses insuffisances risquent de nécessiter à l’avenir une restriction drastique des droits et libertés. Le juge anticipe ainsi en faisant prévaloir les droits des victimes potentielles de la lutte contre le changement climatique. Un tel raisonnement se retrouve de manière analogue dans les motifs développés par le juge Bromberg au nom de la Cour fédérale australienne dans l’affaire Sharma c. Commonwealth. En réponse à une requête présentée par des enfants australiens dont l’exposition aux conséquences du dérèglement climatique semble plus que probable, la Cour donna une interprétation extensive des obligations légales incombant à la ministre fédérale de l’environnement, estimant que « tout régime législatif qui confère des fonctions ou pouvoirs capables de créer un danger pour la sécurité humaine » implique, de manière évidente, de tenir compte de « la préservation de la vie humaine et [de] la prévention des dommages corporels »[104].
Dans ces deux exemples, la vulnérabilité particulière des titulaires de droits face aux conséquences du dérèglement climatique peut expliquer le choix du juge en faveur d’une interprétation pro victima. Il en va logiquement de même lorsqu’est en cause de manière générale la préservation de l’environnement, ce qui se traduit par l’application du principe in dubio pro ambiente. De manière analogue à ce qui ressort de l’approche pro victima, il s’agit pour le juge de faire valoir l’interprétation qui est la plus favorable à la préservation de l’environnement. La décision rendue le 27 avril 2022 par la Cour constitutionnelle colombienne en est en ce sens emblématique. Saisie de la constitutionnalité de la pêche sportive, la Cour estima qu’en l’absence de certitude scientifique quant à la sensibilité de l’ensemble des poissons, il convenait de partir du principe que tous en sont doués. Elle estima, par conséquent, que « la pêche sportive enfreint l’intérêt supérieur de protection de l’environnement, qui inclut la prohibition de la maltraitance animale »[105]. Si cette décision apparaît essentiellement fondée sur l’application du principe de précaution, elle dénote d’une tendance à faire prévaloir la protection de l’environnement sur les autres considérations de droits fondamentaux[106], ce qui est en phase avec le constitutionnalisme écocentrique colombien[107]. Les juges andins, et notamment équatoriens, ont pu se montrer plus offensifs encore, en consacrant un principe autonome de favorabilité pro natura.
B. Le doute normatif favorisant la concrétisation des droits de la nature : vers un principe de favorabilité pro natura
En reconnaissant la personnalité juridique de la nature, les constituants équatoriens ont ouvert la voie à une redéfinition généralisée des droits fondamentaux afin de donner pleine effectivité aux droits subjectifs dont sont investies les entités naturelles. Il y a de fait un risque accru de contradiction entre les droits humains et les droits de la nature. On peut noter dans un premier temps une tendance à l’autonomisation du principe in dubio pro natura dans le constitutionnalisme équatorien afin que l’ensemble des pouvoirs publics et de la société en général agissent dans un sens favorable à la protection de l’environnement[108]. Une telle dimension a pu se retrouver notamment dans l’affaire « des mangroves » tranchée par la Cour constitutionnelle équatorienne le 8 septembre 2021. Face à une disposition permettant de développer dans les écosystèmes de mangroves, « toutes autres activités productives » sans en préciser les contours, la Cour estima qu’était ainsi créé « indéfiniment un risque pour l’écosystème de mangrove »[109]. Elle jugea par conséquent la disposition inconstitutionnelle, notamment en ce qu’elle ne garantissait pas une interprétation conforme au droit de la nature à ce que soit « respecté intégralement son existence et le maintien et la régénération de ses cycles vitaux ». Dans son opinion concurrente, le juge Agustín Grijalva Jiménez relevait l’application qui est faite ici du principe in dubio pro natura tel qu’il résulte de l’article 395.4 de la Constitution. Il soulignait néanmoins la distinction qu’il convenait de faire entre ce principe et le principe de favorabilité pro natura, dont la Cour fit une application remarquée dans la décision rendue deux mois plus tard sur les droits de la forêt de Los Cedros[110].
Ce principe, qui résulte de l’article 11.3 de la Constitution, est défini comme impliquant l’application de « la norme et l’interprétation qui favorisent la plus grande effectivité des droits et garanties, incluant les droits de la nature »[111]. Sa finalité apparaît ainsi analogue au principe pro homine. Sans faire l’objet d’une application évidente dans l’affaire Los Cedros, il semble que la Cour ait pu s’en prévaloir afin de se prononcer sur les droits de la forêt à la lumière du principe de précaution et non du principe de prévention. La conséquence en est d’une part que l’État doit prendre des mesures de protection opportunes et efficaces afin de prévenir les dommages potentiellement portés aux droits de la nature et d’autre part, une inversion de la charge de la preuve au détriment de l’entrepreneur qui doit prouver que l’activité proposée ne fait pas courir « un risque de dommage grave et irréversible aux espèces et écosystèmes »[112]. Le régime du principe de précaution apparaît alors plus protecteur que ne le serait celui du principe de prévention dont l’application en l’espèce aurait pourtant pu être privilégiée comme le soulignent plusieurs opinions concurrentes et dissidentes. Mais l’application du principe de favorabilité pro natura donne la possibilité au juge d’opter pour une norme plus favorable à la protection de la nature, quand bien même elle n’apparaîtrait pas la plus adéquate.
L’affaire Mona Estrellita, tranchée par la Cour le 27 janvier 2022, est en cela une illustration emblématique de cette tendance. De fait, il s’agit d’une action d’habeas corpus visant à préserver les droits d’une guenon chorongo après que celle-ci ait été retirée à la requérante pour être placée dans un zoo. Or, l’habeas corpus ne paraît pas être véritablement approprié et ce, d’autant plus, que l’animal en question n’était plus en vie au moment où la Cour a rendu sa décision. La Cour souligne pourtant la nécessité d’offrir des garanties juridictionnelles effectives pour la préservation des droits de la nature, ce qui induit la capacité pour toute personne d’introduire une action en garantie des droits de la Nature et ce malgré l’absence de procédure juridictionnelle spécifique dédiée à la protection de ses droits[113]. Un tel raisonnement dénote du fait que les droits reconnus à la Nature par la Constitution équatorienne « ne sont pas exhaustifs et n’excluent donc pas les autres droits qui sont nécessaires pour leur plein épanouissement »[114]. On retrouve ici l’idée d’un État écologique de droit[115], la protection de la nature et de ses composantes apparaissant comme un paradigme susceptible de conduire le juge à adopter une logique d’équité. Si cette approche demeure encore largement circonscrite aux États andins, l’introduction dans le code de l’environnement de la province néo-calédonienne des îles Loyauté d’un « principe unitaire de vie » pouvant conduire à l’attribution de la personnalité juridique à certains éléments de la Nature pourrait conduire à la diffusion de ce type de raisonnement interprétatif en droit français.
Zérah Brémond
IV. La possibilité de sanctionner la violation du droit à un environnement sain
Lorsque les Cours suprêmes ou constitutionnelles constatent une méconnaissance des droits et libertés, elles sont amenées à prendre des mesures pour faire cesser cette violation. Mais comment mettre fin à une atteinte au droit à un environnement sain par voie contentieuse ? Sur ce point, il convient de distinguer la timidité des juges irlandais, australiens et français (A) de l’audace des juges équatoriens et allemands (B).
A. La timidité des juges irlandais, australiens et français
Dans les décisions des cours irlandaises et australiennes comme dans celles rendues par le Conseil constitutionnel français, les juges n’ont pas prononcé d’injonctions ni imposé la réparation des atteintes à l’environnement par les pouvoirs publics. Toutefois, chacune pour leur part, ces solutions laissent entrevoir d’éventuelles ouvertures et évolutions.
D’abord, la Cour suprême d’Irlande a proposé l’annulation du National Mittigation Plan du gouvernement. En effet, ledit plan, en raison de sa trop grande généralité, ne respectait pas les exigences posées par le mandat légal résultant du Climate Action and Low Carbon Development Act de 2015. Notamment, le niveau de spécificité requis pour assurer la transparence exigée par la loi était insuffisant : « L’objectif de l’exigence de spécificité du plan est de permettre à tout membre intéressé du public d’en savoir suffisamment sur la manière dont le gouvernement entend atteindre l’objectif national de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, afin d’éclairer l’opinion du public intéressé, sur l’efficacité et la pertinence de cette politique » [116]. Les juges irlandais ont par ailleurs précisé que « tout nouveau plan adopté en vertu de la loi de 2015 devra être différent afin de répondre aux déficiences qui ont été identifiées »[117], guidant a minima l’œuvre politique à venir concernant la lutte contre le réchauffement climatique.
Les juges australiens ont quant à eux fait preuve d’encore plus de retenue dans leur décision Sharma c. Commonwealth du 27 mai 2021[118]. Si la Cour fédérale a consacré l’existence d’un devoir de diligence, elle a par ailleurs estimé qu’un tel devoir ne nécessitait pas qu’il faille prononcer une injonction à l’encontre de la ministre de rejeter le projet d’extension de la mine de charbon en cause[119]. Cependant, les motifs de la décision pourraient laisser penser qu’une approbation inconditionnelle — ce qui a été finalement retenu par la ministre — serait susceptible de tomber sous le coup du devoir de diligence. En effet, les juges ont d’abord tenu à établir un lien entre la décision de la ministre et certaines conséquences du dérèglement climatique[120], avant d’énumérer les phénomènes susceptibles d’affecter les enfants australiens (canicules, incendies, inondations, hausse du niveau de la mer, etc.)[121]. De la sorte, ils ont explicitement souligné le « contrôle direct » dont la ministre disposait sur le « risque prévisible » d’atteintes à l’environnement ainsi que la charge qui lui incombait de protéger « les intérêts des australiens, y compris les enfants australiens ».[122] Cependant, l’appel formulé par la ministre va malheureusement faire obstacle à ce que cette nouvelle obligation puisse, à brève échéance tout du moins, être mobilisée.
Enfin, le Conseil constitutionnel français a également refusé de prononcer une injonction à l’encontre du législateur dans sa décision du 13 août 2021[123]. Les députés requérants soutenaient que le législateur avait privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement et demandaient au Conseil constitutionnel de lui enjoindre de « prendre des mesures adéquates pour y remédier »[124]. Le Conseil a rejeté en bloc cette demande en raison de l’indétermination des dispositions législatives contestées. Les juges ont toutefois pris la peine de préciser qu’« en tout état de cause, le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir général d’injonction à l’égard du législateur »[125]. Ainsi, une ouverture pourrait être entrevue à travers la formule utilisée. En effet « la nouveauté apportée par la décision du 13 août 2021 réside […] moins dans le refus du Conseil d’un pouvoir d’injonction à l’égard du législateur que dans sa portée générale, comme en témoigne l’utilisation de la locution « en tout état de cause » et de l’adjectif « général », qui n’exclut toutefois pas que dans certains cas limitatifs, le Conseil constitutionnel puisse disposer d’un pouvoir spécial d’injonction à l’égard du législateur »[126]. De telles injonctions ne seraient d’ailleurs pas inédites, les tables de recueil du Conseil en faisaient mention de façon assumée entre 2003 et 2010[127].
B. L’audace des juges équatoriens et allemands
En Équateur et en Allemagne, les juges n’hésitent pas à prononcer des injonctions ou à ordonner des réparations lorsqu’ils constatent une violation des droits et libertés en matière environnementale.
En premier lieu, la Cour constitutionnelle équatorienne a adopté une position similaire à celle de la Cour suprême d’Irlande à propos du règlement environnemental des activités minières (RAAM)[128]. Alors qu’elle avait invalidé les dispositions législatives contestées en raison d’un vice de forme, elle n’a pas hésité à encadrer sur le fond les futurs travaux du législateur. La Cour a en effet précisé que les autorisations de déviation de cours d’eau à venir devront veiller au respect intégral de la nature[129] et nécessiter la réalisation préalable d’études d’impact indépendantes[130]. Elle est allée plus loin dans sa décision du 15 décembre 2021[131] en imposant plusieurs mesures de réparation devant être réalisées dans un délai de 6 mois à la suite de la violation des droits des habitants de la communauté Julio Moreno Espinosa dans le contexte de l’exploitation d’un cours d’eau. La Cour a ordonné la réalisation d’un audit technique et impartial incluant la consultation des communautés impliquées, la réalisation d’études intégrales sur le cours fleuve en cause, la réaction d’une zone de protection hydrique autour de celui-ci ainsi que la présentation d’excuses aux habitants de la communauté. Enfin, la décision Mona Estrellita du 27 janvier 2022[132] va dans le même sens. Les juges ont enjoint au ministre de l’environnement d’établir un protocole sur la protection des animaux ainsi que d’émettre, dans un délai de 60 jours, une résolution normative afin de déterminer les conditions minimales devant être remplies par les détenteurs et curateurs d’animaux. La Cour a exigé par ailleurs l’initiation d’un processus participatif afin d’établir dans un délai de 6 mois un projet de loi sur les droits des animaux. Elle a enfin ordonné au législateur de débattre et voter, dans un délai de 2 ans, une loi sur les droits des animaux.
Audacieuses, les juridictions latino-américaines, dans leurs décisions protectrices des droits et libertés, ont par ailleurs ordonné la création de structures chargées de protéger certains intérêts environnementaux. Elles ont également mis en place des mécanismes juridiques spécifiques aux cas qui leur étaient soumis. D’abord, la Cour suprême argentine, dans l’affaire concernant la problématique des incendies récurrents dans le détroit de Paraná[133], a fait droit à la demande de protection introduite par l’association requérante en exigeant la création d’un comité d’urgence environnemental par les provinces argentines de Santa Fe, Entre Rios, Buenos Aires et les villes de Victoria et de Rosario. Ce comité aurait été chargé de prendre toute mesure utile pour la prévention, le contrôle et la cessation des incendies irréguliers, avant d’en informer la Cour. Les motifs déployés dans cette décision dénotent de la portée accordée à la « clause environnementale » de la Constitution argentine, la Cour estimant que celle-ci établit un « paradigme juridique qui implique que la régulation des biens collectifs environnementaux est écocentrique ou systémique, et ne tient pas compte seulement des intérêts privés ou étatiques »[134]. Il est notable de souligner que la Cour a d’abord pris soin de caractériser le Delta de Paraná comme « un écosystème vulnérable qui nécessite une protection » dont les incendies font courir un « risque d’altération significative »[135], avant d’établir le fait que ces incendies affectent « la santé publique et la qualité de vie des habitants des cités voisines[136]. Malgré le volontarisme de la Cour, les mesures ordonnées n’ont pu pour l’heure pleinement produire leurs effets, ce qui a motivé la poursuite d’un recours parallèle initié notamment par 5 enfants représentés par leurs parents[137].
En Colombie, pour accompagner sa décision reconnaissant la personnalité juridique du fleuve Atrato[138], la Cour constitutionnelle a prévu la création d’une « commission des gardiens » réunissant des représentants de l’État et des communautés locales. La protection accordée au fleuve implique ainsi l’établissement d’une structure ad hoc chargée de représenter ses intérêts. Cette mesure constitue finalement une tentative visant à renforcer l’effectivité de la mesure de protection demandée, argument qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler le sens des revendications formulées en Argentine à l’égard du delta de Paraná. Cette solution marque l’adoption d’une authentique approche écocentrique des droits environnementaux par les juges colombiens. La motivation de la Cour repose sur une conjugaison des droits de la Nature avec le concept de droits bioculturels qui découlent du constat d’une « connexion intrinsèque entre la nature, ses ressources et la culture des communautés ethniques et indigènes qui les habitent ». Ces droits sont alors généralement associés aux différentes normes relatives à la protection des droits des peuples autochtones. Si la décision de la Cour traduit bien une « obligation morale » de préservation des droits du fleuve Atrato, à même de porter en germe un postulat écocentrique, elle n’en est pas moins porteuse d’un présupposé biocentrique fondé sur l’importance que constitue la préservation du fleuve pour les communautés locales qui en dépendent.
En second lieu, la position des juges de la Cour constitutionnelle allemande[139] est certes plus simple, mais non moins ferme. La Cour a refusé d’annuler les dispositions de la loi sur la protection du climat de 2019, estimant qu’une telle solution entraînerait une inconstitutionnalité plus importante encore. Afin de faire immédiatement cesser la violation des droits et libertés fondamentaux, les juges ont cependant enjoint au pouvoir législatif de préciser les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour la période qui débutera après 2030. Le Parlement n’a pas attendu la fin du délai d’injonction émis par la Cour pour adopter une nouvelle loi relative à la protection du climat. La loi adoptée le 18 août 2021[140] pour mettre en œuvre la décision de la Cour constitutionnelle semble même dépasser les exigences des juges constitutionnels. Le contentieux autour de ces dispositions ne semble toutefois pas terminé, une association ayant saisi la Cour d’appel de Berlin pour demander l’injonction de l’application de la nouvelle loi[141].
Lorenzo Garcia
[1] Voir la publication des actes du Colloque organisé sous la direction de F. Savonitto le 10 mars 2023 à l’Université Paul Valéry, Montpellier, autour du Droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, parue dans la revue Semaine Juridique, Administrations et Collectivités territoriales, numéro 23, du 14 juillet 2023.
[2] Voir sur ce point la position récente du Tribunal suprême espagnol par laquelle il « entend clairement mettre un terme à toute tentative de faire des stratégies climatiques jugées insuffisantes une atteinte per se à des droits fondamentaux » : N. Lenoir, « L’arrêt du Tribunal suprême espagnol du 20 juillet 2023 : un tournant dans les procès climatiques contre l’Etat », LPA Octobre 2023, p. 51.
[3] H. Delzangles et A. Zabalza, « La reconnaissance, en Espagne, de la personnalité juridique et de droits accordés à la Mar Menor. Quels enseignements pour la France ? », AJDA 2023 p. 606 ; T. Perroud, Services publics et communs. À la recherche du service public coopératif, Le Bord de l’eau, 2023 ; P. Brunet, « Les droits bioculturels, fondement d’une relation responsable des humains envers la Nature ? », in J.-P. Marguenaud et C. Vial, Droits des êtres humains et droits des autres entités. Une nouvelle frontière ?, Mare et Martin, 2022, p. 125.
[4] V. Chiu et A. Le Quinio, La protection de l’environnement par les juges constitutionnels, L’Harmattan, 2021.
[5] C. Günther, « Chronique des cours allemandes – Les contentieux climatiques », RFDA 2023, p. 587.
[6] Voir la fiche thématique « Changement climatique » réalisée par les services de la Cour européenne des droits de l’Homme.
[7] X. Magnon, Table ronde Constitution et environnement, Annuaire international de justice constitutionnelle, 35-2019, 2020, p.564.
[8] Cour suprême irlandaise, Friends of Irish Environment c. The Government of Ireland and others, [2020], IESC, 31 juillet 2020.
[9] Le terme anglais exact est « unenumerated rights » qui littéralement signifie « droits non énumérés ».
[10] Cour suprême irlandaise, Ryan c. Attorney General, [1965] IR 294.
[11] Cour suprême irlandaise, FIE c. The Government of Ireland and others, [2020], IESC, point 9.4
[12] Id., point 8.9.
[13] Id., point 8.17.
[14] Id., point 8.13.
[15] P. Taillon et R. Manitt, Dossier « Constitution et Environnement », Rapport sur le Canada, Annuaire international de justice constitutionnelle, n°35-2019, 2020, p.165.
[16] Id., p.166.
[17] Id., p.167.
[18] Cour supérieure du Québec, 11 juillet 2019, Environnement Jeunesse c. Procureur général du Canada, 2019 QCCS 2885, §. 105.
[19] Id., §.106-109.
[20] Cour suprême du Canada, R. c. Hydro‑Québec, [1997] 3 R.C.S. 213.
[21] Cour suprême du Canada, Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministère des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3.
[22] Voir Cour suprême canadienne, Colombie-Britannique c. Canadian Forest Products Ltd., [2004] 2 R.C.S. 74 ainsi que Cour d’appel du Québec, St-Luc-de-Vincennes c. Compostage Mauricie, 2008 QCCA 235.
[23] Cour d’appel du Québec, 13 décembre 2021, Environnement Jeunesse c. Procureur général du Canada, 2021 QCCA 1871, §.24.
[24] Id., §.42.
[25] S. Thériault et D. Robitaille, « Les droits environnementaux dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec: pistes de réflexion », McGill Law Journal, vol.57, n°2, 2001, p.236.
[26] Voir en ce sens sur l’inversion de la charge de la preuve, la jurisprudence Cour suprême canadienne, R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.
[27] Cour suprême canadienne, Environnement Jeunesse c. Procureur général du Canada, No. 40042, 28 juillet 2022.
[28] BVerfGE 157, 30, 24 mars 2021, §112.
[29] Id., §.113.
[30] Voir de manière générale Z. Bremond, « Les garanties juridiques des droits environnementaux en Amérique latine. Source d’inspiration pour le droit français de l’environnement ? », Cahiers de l’Amazonie, 2023, 1, pp. 29-62.
[31] L. Gay et A. Vidal-Naquet, Dossier « Constitution et Environnement », rapport sur la France, Annuaire international de justice constitutionnelle, n°35-2019, 2020, p.301-33, spéc. p.301.
[32] Article premier de la Charte de l’Environnement de 2004 rattachée à la Constitution par la loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005.
[33] Article 19§8 de la Constitution chilienne de 1980.
[34] Article 41 de la Constitution argentine.
[35] Article 79 alinéa 2 de la Constitution colombienne.
[36] Conseil constitutionnel, Décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, considérant n°18.
[37] Conseil Constitutionnel, Décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011, M. Michel Z. et autre.
[38] Conseil Constitutionnel, Décision n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011, Association France Nature Environnement.
[39] Conseil Constitutionnel, Décision n°2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes [Interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques], §. 4. Il semble en outre rattacher cet OVC à un autre qui est la protection de la santé au paragraphe suivant.
[40] Conseil Constitutionnel, Décision n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023, Association Meuse nature environnement et autres [Stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs], §.6
[41] C. Perruso, « Protection des droits des générations futures par le Conseil constitutionnel : les apports de la QPC du 27 octobre 2023 », Dalloz Actualités du 21 novembre 2023.
[42] Voir de manière générale Alice Mauras, « La reconnaissance de la nature comme sujet de droit en Amérique Latine : de l’anthropocentrisme en droit à l’écocentrisme juridique? », Revue internationale de droit comparé, 2020, no 2, p. 505-522.
[43] H. Gomez, « Derecho a un Ambiente Sano. El caso del Manglar de la Laguna del Carpintero », Revista IUS, 2022 vol. 16 n° 49, p. 73.
[44] CIADH, The Environment and Human Rights (State obligations in relation to the environment in the context of the protection and guarantee of the rights to life and to personal integrity – interpretation and scope of Articles 4(1) and 5(1) of the American Convention on Human Rights), Opinion consultative OC-23/17, §56-68.
[45] Cour constitutionnelle colombienne, décision T-622/16, 10 novembre 2016.
[46] Comme le rappelait la Cour constitutionnelle italienne, étant donné que l’environnement n’était pas une « matière », mais une « valeur » constitutionnellement protégée (Cour constitutionnelle, n°. 536/2002, considérant, §4.), la protection de celui-ci se présentait comme une valeur « transversale » (Cour constitutionnelle, n°. 222/2003, considérant, §3).
[47] Voir Cour Constitutionnelle italienne, n°. 106/76.
[48] D. Porena, « «Anche nell’interesse delle generazioni future». Il problema dei rapporti intergenerazionali all’indomani della revisione dell’art. 9 della Costituzione », dans federalismi.it, n°. 15, 2022, pp. 121-143.
[49] Pour la première fois depuis 1948, une modification a été apportée à l’un des articles de la Constitution, contenant le soi-disant « Principes fondamentaux » de l’ordre constitutionnel (articles 1-12).
[50] M. Luciani, Generazioni future, distribuzione temporale della spesa pubblica e vincoli costituzionali, in R. Bifulco, A. D’Aloia (édité par), Un diritto per il futuro, Napoli, Jovene, 2008, p. 425.
[51] M. Cecchetti, « La revisione degli articoli 9 e 41 della Costituzione e il valore costituzionale dell’ambiente: tra rischi scongiurati, qualche virtuosità (anche) innovativa e molte lacune », dans Forum di Quaderni costituzionali, n. 3, 2021, p. 311.
[52] M. Cecchetti, « Virtù e limiti della modifica degli articoli 9 e 41 della Costituzione », dans Corti supreme e salute, 2022, n°1, p. 21. Pour ce qui concerne la définition de l’Etat circulaire, Cecchetti le définit ainsi: « Il s’agit, on le comprend aisément, d’une perspective de grande importance au niveau constitutionnel, susceptible de marquer un changement de rythme décisif pour les politiques publiques de développement économique, puisque les « objectifs environnementaux » ne seront plus configurés, pour ces dernières comme de simples causes d’une éventuelle « justification raisonnable » de l’intervention publique dans l’économie, mais plutôt comme des objectifs spécifiques capables de fonder et d’imposer juridiquement cette intervention, en orientant dans le sens de la transition écologique, avec la contrainte de la « mission » confiée par une norme constitutionnelle explicite, l’ensemble de la production législative en matière économique.
[53] Voir A. Morrone, L’«ambiente» nella Costituzione. Premesse per un nuovo «contratto sociale », La riforma costituzionale in materia di tutela dell’ambiente, Atti del Convegno 28 gennaio 2022, Editoriale scientifica, Napoli, 2022, pp. 99-101.
[54] Cour constitutionnelle italienne, n°. 85/2013, considérant, § 9.
[55] BVerfGE 157, 30, 24 mars 2021, §136.
[56] O. Klein, « Individualverfassungsbeschwerde », in E. Benda, E. Klein, O. Klein, Verfassungsprozessrecht. Ein Lehr- und Handbuch, C.F. Müller, Heidelberg, 2012, p. 180-262, p. 219 et s. Voir aussi M.-C Arreto, Les recours individuels directs devant la juridiction constitutionnelle, LGDJ, Paris, (à paraître), p. 70, §147.
[57] BVerfGE 157, 30, 24 mars 2021, §136.
[58] Cour suprême irlandaise, Friends of the Irish Environment c. The Government of Ireland & Others, [2020] IESC 49, §7 et s. En revanche, la partie de la requête qui contestait simplement la légalité du plan gouvernemental par rapport à la loi a, quant à elle, été jugée recevable et n’a pas fait l’objet de discussion.
[59] Cour suprême irlandaise, Friends of the Irish Environment c. The Government of Ireland & Others, [2020] IESC 49, §7.2-7.3.
[60] Ch. Renglet, « The Decision of the Irish Supreme Court in Friends of the Irish Environment v Ireland », Carbon & Climate Law Review, Vol. 14, n° 3, p. 163-176, p. 170-171.
[61] Cour suprême irlandaise, Friends of the Irish Environment c. The Government of Ireland & Others, [2020] IESC 49, §7.13-7.15.
[62] Cour suprême irlandaise, Friends of the Irish Environment c. The Government of Ireland & Others, [2020] IESC 49, §7.18.
[63] Haute Cour d’Irlande, Friends of the Irish Environment c. The Government of Ireland & Others, [2020] IEHC 747, §129. Sur ce point, voir Ch. Renglet, « The Decision of the Irish Supreme Court in Friends of the Irish Environment v. Ireland », op. cit., p. 170.
[64] Celles-ci sont régies par l’article 575 du code de procédure civile québécois.
[65] Cour suprême canadienne, Environnement Jeunesse c. Procureur général du Canada, n°40042, 28 juillet 2022.
[66] Cour supérieure du Québec, Environnement Jeunesse c. Procureur général du Canada, 2019 QCCS 2885, 11 juillet 2019.
[67] Cour d’Appel du Québec, Environnement Jeunesse c. Procureur général du Canada, n°500-06-000955-183, 2021 QCCA 1871, 13 décembre 2021, §43-44.
[68] Id., §24 et s.
[69] Id., 25.
[70] Id., §29.
[71] Id., §25.
[72] Id., §41.
[73] Plus largement et dans une perspective critique, voir A. Mauras, « La reconnaissance de la nature comme sujet de droit en Amérique latine : de l’anthropocentrisme en droit à l’écocentrisme juridique ? », Revue internationale de droit comparé, n° 2, 2020, p. 1-17.
[74] Cour constitutionnelle équatorienne, 8 septembre 2021, 22-18-IN/21.
[75] Cour constitutionnelle équatorienne, 15 décembre 2021, 1185-20-JP/21, El rio Aquepi.
[76] Cour constitutionnelle équatorienne, 10 novembre 2021, 1149-19-JP/20, Los Cedros.
[77] Cour constitutionnelle équatorienne, 27 janvier 2022, 253-20-JH/22, Mona Estrellita, §161-164.
[78] Tribunal administratif (formation collégiale) du premier circuit, 21 septembre 2021, RA INC 81/2021.
[79] Voir supra.
[80] Comité des droits de l’homme, 22 septembre, Daniel Billy et al. c. Australie, CCPR/C/135/3624/2019, §7.3.
[81] Article 5.2 (b) du protocole additionnel pour le Pacte international relatif aux les droits civils et politiques.
[82] Comité des droits de l’homme, 22 septembre, Daniel Billy et al. c. Australie, CCPR/C/135/3624/2019, §7.3.
[83] Comité des droits de l’homme, 25 octobre 1994, Renato Pereira c. Panama, CCPR/C/52/D/437/1990, §5.2.
[84] Comité des droits de l’homme, 20 septembre 2019, Norma Portillo Cáceres et al c. Paraguay, CCPR/C/126/D/2751/2016, §6.5.
[85] Chr. Cournil, « Les prémisses de révolutions juridiques ? Récents contentieux climatiques européens », RFDA, 2021, p. 957-966, p. 965.
[86] F. Sudre et alii, Droit européen et international des droits de l’homme, 16e éd., PUF, Paris, 2023, p. 351-353.
[87] Requête n° 39371/20, Cláudia Duarte Agostinho et al. c. Portugal, 7 septembre 2020.
[88] M. Ruttloff, L. Freihoff, « Intertemporale Freiheitssicherung oder doch besser „intertemporale Systemgerechtigkeit“? – auf Konturensuche », Neue Zeitschrift für Verwaltungsrecht, 2021, p. 917-922, p. 922.
[89] BVerfGE 157, 30, 24 mars 2021, §130.
[90] Id.,
[91] BVerfGE 157, 30, 24 mars 2021, §109.
[92] BVerGE 157, 30, 24 mars 2021, §146.
[93] Comité des droits de l’homme, 22 septembre, Daniel Billy et al. c. Australie, CCPR/C/135/3624/2019, §7.9-7.10.
[94] BVerfGE 102, 197, 19 juillet 2000, p. 207, §48. Voir aussi O. Klein, « Individualverfassungsbeschwerde », in E. Benda, E. Klein, O. Klein, Verfassungsprozessrecht. Ein Lehr- und Handbuch, C.F. Müller, Heidelberg, 2012, p. 180-262, p. 235.
[95] Comité des droits de l’homme, 9 avril 1981, Shirin Aumeeruddy-Cziffra et al. c. Maurice, §9.2.
[96] BVerfGE 157, 30, 24 mars 2021, §101.
[97] O. Klein, « Individualverfassungsbeschwerde », in E. Benda, E. Klein, O. Klein, Verfassungsprozessrecht. Ein Lehr- und Handbuch, C.F. Müller, Heidelberg, 2012, p. 180-262, p. 216.
[98] BVerfGE 157, 30, 24 mars 2021, §174.
[99] Id.,
[100] Id.,
[101] Id.,
[102] A. Mauras, « Le principe pro homine en Amérique latine : un principe herméneutique destiné à accorder la protection la plus favorable à l’être humain », XIe Congrès français de droit constitutionnel, 2023, [en ligne].
[103] J. Rochfeld, « Le capitalisme à l’épreuve du droit des générations futures », Red, 2022/1 n° 4, p. 165-166.
[104] Id., [2021] FCA 560, §398-399.
[105] Cour constitutionnelle colombienne, 27 avril 2022, C-148/22, §219.
[106] En ce sens, l’un des juges a pu souligner la primauté donnée dans cette décision à la protection des poissons, comme êtres présumés sensibles, sur tout autre considération de droits fondamentaux, notamment le droit au travail de ceux qui vivent de la pêche sportive.
[107] F. Lafaille, « Constitutionnalisme écocentrique (Andin) versus Constitutionnalisme anthropocentrique (Occidental) », in, V. Chiu, A. Le Quinio (dir.), La protection de l’environnement par les juges constitutionnels, L’Harmattan, 2021, p. 201-220.
[108] A. Olivares, J. Lucero, « Contenido y desarrollo del principio in dubio pro natura. Hacia la protección integral del medio ambiente », Revista jus et praxis, 2018/3, p. 644-647.
[109] CCE, Sentencia 22-18-IN/21, 8 septembre 2021, § 60.
[110] CCE, Sentencia 1149-19-JP/20, 10 novembre 2021, note E. Bottini, Titre VII, 2022/1 n°8, p. 151-159.
[111] Id., § 40.
[112] Id., §138.
[113] CCE, Sentencia 253-20-JH/22, 27 janvier 2022, §157-164.
[114] Id., § 95.
[115] V. C. G. Sozzo, « Vers un “État écologique de droit” ? Les modèles du Buen vivir et de développement perdurable des pays d’Amérique du Sud », RJE, HS18, 2019, p. 89-102.
[116] Cour suprême irlandaise, Friends of the Irish Environment c. The Government of Ireland & Others, [2020] IESC 49, points 6. 37 et 6.48.
[117] Id., point 6.49.
[118] Cour fédérale australienne, Sharma by her litigation representative Sister Marie Brigid Arthur v Minister for the Environment, [2021] FCA 560.
[119] Cour fédérale australienne, Sharma by her litigation representative Sister Marie Brigid Arthur v Minister for the Environment, [2021] FCA 560, §507.
[120] Id., §194.
[121] Id., §205-225, §226-235, §236.
[122] Id., §271, §273.
[123] Conseil Constitutionnel, Décision n°2021-825 DC du 13 août 2021, Loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
[124] Communiqué de presse de la décision :
[125] Conseil constitutionnel, Décision n°2021-825 DC du 13 août 2021, Loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, §3.
[126] M. Charité, « Le refus du Conseil constitutionnel d’un pouvoir général d’injonction à l’égard du législateur », Les Petites Affiches, octobre 2021, n° 5, p. 23-26. V. également : S. Le Dû, « Le refus du Conseil constitutionnel d’enjoindre au législateur : moins de pouvoirs, plus de déférence ? », Revue française de droit constitutionnel, juin 2022, n° 130, p. 457-467.
[127] Rec. Cons. const. T., 2003, p. 543, cité par M. Charité, « Le refus du Conseil constitutionnel d’un pouvoir général d’injonction à l’égard du législateur », Les Petites Affiches, octobre 2021, n° 5, p. 23-26.
[128] Cour constitutionnelle de l’Équateur, 9 juin 2021, décision n° 32-17-IN/21.
[129] Id., §75.
[130] Id., §79.
[131] Cour constitutionnelle équatorienne, 15 décembre 2021, Sentencia 1185-20-JP/21, « El rio Aquepi ».
[132] Cour constitutionnelle équatorienne, 27 janvier 2022, Sentencia 253-20-JH/22, « Mona Estrellita ».
[133] Cour suprême argentine, 11 août 2020, Equistica Defensa de Medio Ambiente Aso. Civ. c/ Santa Fe, Provincia de y otros, CSJ 468/2020.
[134] Id., § 7 : « En ese sentido debe tenerse en cuenta que, a partir de la inclusión en 1994 de la cláusula ambiental de la Constitución Nacional (art. 41), el paradigma jurídico que ordena la regulación de los bienes colectivos ambientales es ecocéntrico o sistémico,, y no tiene en cuenta solamente los intereses privados o estaduales ».
[135] Id., §3.
[136] Id., §4.
[137] Cour suprême argentine, 28 décembre 2021, Asociación Civil por la Justicia Ambiental y otros c/ Entre Ríos, Provincia de y otros, CSJ 542/2020.
[138] Cour constitutionnelle colombienne, 10 novembre 2016, décision T-622/16.
[139] BVerfGE 157, 30, 24 mars 2021.
[140] Bundes-Klimaschutzgesetz, 18 août 2021, BGBl. I. n° 59, p. 3905. Lien vers la loi allemande : https://www.gesetze-im-internet.de/ksg/BJNR251310019.html ; Lien vers la traduction anglaise : https://www.gesetze-im-internet.de/englisch_ksg/englisch_ksg.html#p0135.
[141] Ph. Schönberger, « Niemand steht über dem (Klimaschutz-)Gesetz », Verfassungsblog, 26 janvier 2023, disponible en ligne : https://verfassungsblog.de/niemand-steht-uber-dem-klimaschutz-gesetz/.